2. Les stratégies de développement dans une économie politique mondiale en mutation

Landry Signé
Thunderbird School of Global Management, Brookings Institution et Université de Stanford

L’auteur tient à remercier Daniela Ginsburg, Hanna Dooley et Holly Steevens pour leur aide et leur travail éditorial.

  • L'intensification des tensions géopolitiques et de la rivalité entre les acteurs du développement accentue la polarisation et présente des risques pour la coopération internationale. Elle donne également aux pays en développement la possibilité de choisir et d’établir les partenariats les plus adaptés à leurs besoins et de réclamer d’exercer une plus grande influence sur la définition de leur trajectoire de développement.

  • La coopération pour le développement ne peut porter ses fruits si elle essaie d’appliquer des méthodes anciennes aux problèmes nouveaux et de plus en plus complexes d'aujourd'hui. Elle doit au contraire se fonder sur une coordination stratégique qui met à profit les atouts de chaque acteur, notamment le système multilatéral, et dont les pays en développement assurent le pilotage.

  • Au-delà de ce changement paradigmatique, la bonne exécution des programmes, souvent le principal obstacle à l’obtention de résultats dans le domaine du développement, doit être impérativement assurée. Les nouvelles stratégies doivent tenir compte de l’économie politique nationale de tous les partenaires au développement et adapter les stratégies de mise en œuvre en conséquence.

Il ne fait aucun doute que la coopération internationale pour le développement évolue, à un moment où des conflits, l’arrivée de nouveaux intervenants, les crises sanitaires et climatiques et les incertitudes économiques remanient en profondeur l’environnement géopolitique mondial. Les tensions entre des acteurs de premier plan au niveau mondial autour de questions économiques, sécuritaires et géopolitiques perturbent l’économie internationale et amplifient la polarisation. Cette évolution présente des risques substantiels pour le développement dans la mesure où l’exacerbation des rivalités fausse les incitations et instrumentalise le financement du développement (Jones, 2020[1]). Cela dit, la polarisation présente aussi des avantages, en offrant aux pays bénéficiaires davantage de possibilités de défendre leurs propres intérêts et objectifs et en permettant aux organisations régionales de jouer un rôle plus important. Pour progresser dans les domaines où des avancées sont possibles, la communauté du développement devra adapter ses stratégies de manière à tenir compte de ces évolutions dynamiques (Bradford, 2022[2]). En étant mieux équipée pour intervenir dans un environnement complexe, elle pourra tirer profit des domaines présentant un intérêt mutuel qui, si des mesures sont prises à leur égard, produiront les résultats tant attendus en matière de développement.

Dans ce contexte, à quels défis les acteurs historiques du développement sont-ils confrontés et comment peuvent-ils y remédier au mieux ? Quelles perspectives cet environnement en mutation ouvre-t-il aux donneurs et aux bénéficiaires, et comment les traduire en stratégies concrètes à l’appui de la réalisation d’objectifs de développement ambitieux comme les Objectifs de développement durable (ODD) ?

Le présent chapitre analyse le paysage mondial actuel de la coopération internationale pour le développement à travers le prisme du cadre établi par Kingdon (1984[3]), selon lequel la convergence des trois éléments que sont le problème, les considérations politiques et les stratégies, offre une occasion idéale d’envisager et d’adopter de nouvelles mesures (Graphique 2.1). Il définit les enjeux (le problème), les possibilités (les considérations politiques) et les recommandations (les stratégies) les plus pertinents au regard de l’objectif consistant à assurer un développement socioéconomique durable et viable et une réduction universelle de la pauvreté. À l’évidence, il ne suffit pas de définir des mesures, encore faut-il les appliquer : le décalage entre les intentions et les résultats dans le domaine du développement est une source majeure et persistante de préoccupation. Le chapitre fait donc aussi appel au modèle conflit-ambiguïté de l’économie politique de Matland (1995[4]) pour conceptualiser les raisons pour lesquelles certaines politiques de développement fonctionnent ou échouent lorsque de nouveaux paradigmes sont mis en œuvre.

Les chocs mondiaux récents, comme la pandémie de COVID-19 et la guerre d’agression menée par la Russie à l’encontre de l’Ukraine, ont confirmé l’interdépendance croissante et la complexité sans précédent du monde actuel. L’essor de la numérisation, la quatrième révolution industrielle en cours et l’émergence de nouvelles technologies, le changement climatique, les migrations, les crises financières et d’autres mutations font naitre des possibilités mais également des défis qui dépassent les frontières. En l’absence de coopération internationale, il est impossible de saisir pleinement ces possibilités et de venir à bout des obstacles. Parallèlement, la progression du populisme nationaliste à l’échelle mondiale et le rejet de la mondialisation révèlent que les pays se replient sur eux-mêmes et se détournent de la coopération internationale.

Si le contexte actuel présente de nouveaux risques, les difficultés liées à la concrétisation des objectifs de développement étaient antérieures à leur apparition. Malgré les efforts déployés par la communauté du développement pour définir des solutions et les mettre en œuvre, des pays restent confrontés à l’instabilité, la faim et l’extrême pauvreté. Face à ce constat, certains réclament de mieux comprendre les raisons pour lesquelles l’aide et la coopération au développement traditionnelles ne parviennent pas à produire les résultats escomptés (Mélonio, Naudet et Rioux, 2022[5]). Les chocs mondiaux actuels accentuent les vulnérabilités existantes au sein des pays et entre les acteurs du développement, et font de la réforme du secteur une priorité pour les pays bénéficiaires et donneurs, les organisations multilatérales, les groupes de réflexion, les organisations non gouvernementales et les banques de développement.

Pour autant, des possibilités s’offrent de définir un nouveau programme à l’appui du développement. Il existe des exemples récents de convergence des trois volets - le problème, les considérations politiques et les stratégies - dans le secteur du développement, dont l’accord récemment conclu lors de la COP 27 en vue de créer un fonds spécifique pour l’indemnisation des pertes et préjudices liés au changement climatique (Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, 2022[6]), ainsi que l’adoption en cours du programme d’adaptation au contexte local par les principaux acteurs du développement. Les tensions géopolitiques et autres facteurs politiques qui entravent la coopération pour le développement peuvent aussi, et c’est souvent le cas, faire obstacle à la convergence en affaiblissant la volonté politique et en détournant les grandes puissances de la nécessité urgente d’identifier et de résoudre les problèmes. Un changement de paradigme est cependant encore possible dans le secteur du développement, notamment dans les pays bénéficiaires.

Ce premier volet suppose des acteurs concernés qu’ils constatent l’importance d’une question ou d’un problème mis en évidence soit à la suite d’un événement marquant, soit en raison de l’attention accrue portée à une thématique particulière. Dans le cas de la coopération pour le développement, la première phase est déjà amorcée : les intervenants du secteur, qu’il s’agisse des bénéficiaires ou des donneurs, ont reconnu la nécessité de redéfinir le développement en réponse à une multitude de facteurs. Les chocs mondiaux, de même que des évolutions plus progressives mais durables comme le creusement des inégalités et les troubles sociaux, ont mis en lumière la nécessité de la coopération. Ces facteurs ont amené la société civile, les pays bénéficiaires et les organismes de développement eux-mêmes à accentuer les pressions en faveur d’une réforme de la structure, de la coordination et de la mise en œuvre du développement.

Pour préserver sa pertinence et adopter un programme d’action nouveau et plus efficace, le secteur doit évaluer à leur juste mesure les conséquences de la conjoncture actuelle sur les initiatives de coopération pour le développement et les difficultés que posent les tensions géopolitiques, les chocs mondiaux et les grandes évolutions économiques et politiques mondiales.

Au cours des deux dernières décennies, la dynamique du commerce mondiale a considérablement évolué. Avant 2020, 80 % des pays de la planète entretenaient davantage d’échanges commerciaux avec les États-Unis qu’avec la République populaire de Chine (ci-après, la « Chine »). Cette proportion s’est depuis inversée. En 2018, ils n’étaient plus que 30 % dans ce cas, et la Chine était le premier partenaire commercial de 128 pays sur 190 (Ghosh, 2020[7]). La montée des tensions liées à d’autres désaccords d’ordre économique et sécuritaire entre la Chine et les États-Unis a accentué la polarisation et entraîné une hausse des droits de douane et une intensification des guerres commerciales qui ont eu des effets perturbateurs à l’échelle planétaire (Signé, 2018[8] ; 2021[9]), notamment au niveau de la réorientation des échanges mondiaux et des dérèglements de la chaîne d’approvisionnement (Fofack, 2022[10]). La pandémie n’a fait qu’exacerber ces dysfonctionnements compte tenu du repli global des échanges commerciaux internationaux (Signé et Heitzig, 2022[11]). La guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis aurait coûté 0.5 % du produit intérieur brut (PIB) mondial (Fofack, 2022[10]), les pertes les plus marquées étant observées dans les pays et régions les plus tributaires des produits de base et du commerce. En Afrique, par exemple, cette guerre aurait entraîné un recul de 2.5 % du PIB des économies à forte intensité de ressources (Fofack, 2022[10]), compromettant ainsi les priorités nationales et internationales en matière de développement. La polarisation a toutefois offert aux pays émergents davantage d’occasions d’accueillir des usines de fabrication et des emplois, les pays à revenu élevé transférant leur production de la Chine vers d’autres pays et économies - le Bangladesh, l’Inde, la Malaisie, le Taipei chinois et le Viet Nam, par exemple.

Les tensions et rivalités géopolitiques agissent également sur les modalités et la périodicité avec lesquelles les pays nouent des partenariats de développement et sur le choix des partenaires. À titre d’exemple, les échanges commerciaux entre la Fédération de Russie et les pays africains ont sensiblement augmenté en 2022 (Aris, 2022[12]), et les États-Unis et l’Union européenne (UE) ont explicitement mentionné l’influence croissante exercée par la Russie en Afrique parmi les facteurs ayant motivé leurs nouvelles stratégies de développement sur ce continent (Chadwick, 2022[13]). La polarisation et les rivalités peuvent amener les pays à privilégier des intérêts nationaux étroits ou à chercher à s’imposer sur le plan géopolitique, deux stratégies incompatibles avec les droits humains, la durabilité, ou les objectifs généraux de la coopération pour le développement en matière de biens sociaux et publics.

Dans les pays en développement, les infrastructures sont essentiellement financées par l’emprunt  ; 70 % des projets y sont menés par le secteur public, et 70 % de ces derniers sont financés par la dette (Kharas, 2021[14]). Il existe trois grandes sources de prêts : 1) le financement public des organisations multilatérales et des donneurs bilatéraux du Comité d’aide au développement (CAD) ; 2) le financement semi-public des banques soutenues par l’État, comme la Banque chinoise d’import-export et la Banque chinoise de développement, qui ont financé les projets des Nouvelles routes de la soie, la Banque indienne d’import-export et d’autres établissements financiers de grandes économies émergentes ; 3) les emprunts souverains sur les marchés financiers mondiaux (Kharas, 2021[14]). Les pays en développement en quête de financements peuvent soit recourir aux marchés mondiaux, où les coûts d’emprunt sont plus élevés que pour les économies plus riches, soit faire davantage appel à l’aide publique au développement (APD) ou aux banques régionales de développement (Spiegel et Schwank, 2022[15]).

En parallèle, les ODD, en soulignant la nécessité de disposer d’infrastructures et d’énergies durables, ont établi un lien entre changement climatique et coopération pour le développement. Les pressions exercées en faveur des investissements durables, si elles sont indispensables à la réduction des émissions de carbone, ont augmenté les mises de fonds initiales nécessaires aux projets d’infrastructure dans les pays en développement, « incitant les pays en manque de liquidités à retenir les projets les moins exigeants à cet égard plutôt que les moins coûteux » (Kharas, 2021[14]).

La pandémie de COVID-19 a compromis les possibilités d’investissement et de financement des pays en développement, rendant les arbitrages en matière d'investissement encore plus difficiles à opérer. L’investissement direct étranger (IDE) est devenu plus instable, par exemple : il a diminué de 42 % en 2020, augmenté de 77 % en 2021 (CNUCED, 2022[16]), et devrait encore fléchir de 23 % en 2022 (OCDE, 2022[17]). La hausse de l’inflation et des coûts d’emprunt limite la marge budgétaire et macroéconomique dont les pays en développement ont besoin pour apporter les changements nécessaires aux politiques monétaires, ce qui réduit les possibilités de financement et diminue en outre leur capacité d’absorber le choc dû aux hausses de taux (Ha, Kose et Ohnsorge, 2022[18] ; Gill, 2022[19]).

La reprise économique des différents pays au lendemain de la pandémie révèle les disparités mondiales s’agissant de l'accès au financement et des coûts d'emprunt. Les gouvernements des pays avancés ont l’avantage d’emprunter dans leur propre monnaie, ce que ne peuvent faire les pays en développement. Ces derniers sont confrontés à des contraintes plus importantes, en raison de la pandémie, mais aussi de leurs conditions d’emprunt en général. Leurs charges d’intérêt sont trois fois plus élevées que celles des pays développés ; les pays les moins avancés allouent en moyenne 14 % de leur PIB au service des intérêts de la dette, alors que les pays développés n’y consacrent que 3.5 % du leur (Spiegel et Schwank, 2022[15]). Le coût de la dette réduit d'autant les fonds affectés aux investissements publics et complique la planification à long terme des pays en développement.

Les pays les moins avancés allouent en moyenne 14 % de leur PIB au service des intérêts de la dette, alors que les pays développés n’y consacrent que 3.5 % du leur.   
        

À la suite des crises mondiales, la note de crédit souverain à long terme en devises de nombreux pays a été révisée à la baisse, ce qui a aggravé un cercle déjà vicieux d’endettement et mis en évidence les obstacles persistants au financement des pays en développement. Les avertissements des agences de notation s’accompagnent d’augmentations du coût de l’emprunt - 160 points au lieu de 100 points de base pour les économies avancées (Spiegel et al., 2022[20]). Les notes souveraines sont en outre vulnérables du fait qu’elles sont de nature plus subjective que les notations d’entreprises (Spiegel et al., 2022[20]). Il a également été démontré que la révision à la baisse des notes de crédit a un effet négatif statistiquement significatif sur les volumes d’IDE (Mugobo et Mutize, 2016[21]). L’Éthiopie, par exemple, l’un des pays les plus endettés d’Afrique, s’est heurtée à des difficultés croissantes pour honorer ses obligations au titre de la dette, notamment la faible rentabilité de projets financés par des sources extérieures, une pénurie de devises étrangères et la mobilisation de fonds immédiate nécessaire au redressement post-pandémique (Berhane, 2021[22]). Lorsque les autorités ont annoncé que le pays demandait à bénéficier d’un traitement de la dette au titre du Cadre commun, les créanciers ont abaissé sa note. Cette décision augmente le coût du service de la dette actuelle du pays (25 milliards USD) du fait que les investisseurs appliquent des taux d’intérêt plus élevés à leurs prêts, aggravant encore son endettement (Berhane, 2021[22]).

Les violences et d’autres menaces pour la stabilité se sont amplifiées ces dix dernières années, freinant les progrès des pays en développement. En Afrique, le nombre de décès liés à des conflits a quasiment décuplé entre 2010 et 2020. Selon la Banque mondiale, en 2020, six pays africains souffraient d’une forte fragilité institutionnelle et sociale, et 14 autres étaient le théâtre de conflits d’intensité moyenne ou élevée (Fofack, 2022[10]). Le changement climatique a par ailleurs aggravé les conflits et la fragilité dans les régions déjà vulnérables comme le Sahel (Mbaye et Signé, 2022[23]).

L’intensification des violences et de la fragilité soulève divers problèmes pour les acteurs du développement (Signé, 2019[24]) dans la mesure où les gouvernements des pays concernés se voient contraints de réorienter les financements alloués à des priorités de développement sur les dépenses militaires (Fofack, 2022[10] ; Ndulu et al., 2007[25]). L’instabilité les incite en outre à privilégier les mesures à court terme et diminue leur capacité de poursuivre des objectifs de long terme et à investir en ce sens.

Le renforcement de la polarisation et de la tendance des pays à se replier sur eux-mêmes compromet gravement la fonction essentielle du multilatéralisme - et présente un danger particulier à l’heure où les partis populistes montent en puissance. En l’absence d’institutions multilatérales, régionales ou mondiales solides œuvrant à la réalisation d’un objectif commun, de fortes fluctuations politiques dans les pays peuvent limiter les progrès ou les réduire à néant. La polarisation compromet la capacité d’atteindre un consensus sur les questions mondiales. À l’heure où la Chine et la Fédération de Russie s’affirment de plus en plus au sein des organismes multilatéraux et où les États-Unis y reprennent leur place après la politique unilatéraliste du gouvernement précédent, elle remet en question les principes libéraux qui forment le socle du multilatéralisme (Moreland, 2019[26]). Ce dernier suscite un scepticisme croissant, les actions multilatérales étant jugées moins bénéfiques et plutôt préjudiciables aux intérêts nationaux. On ne peut compter sur l’ordre multilatéral traditionnel de l’après-guerre froide pour résoudre les problèmes actuels ; celui-ci ne mènera pas à une convergence sur les problèmes, les considérations politiques ou les stratégies qui influeront sur le mode de fonctionnement des acteurs du développement à l’avenir. L’établissement d’un consensus est de plus en plus difficile car les économies avancées usent de leur « puissance douce » pour exercer leur influence, notamment pour rallier des voix et des soutiens au sein des institutions multilatérales existantes. Cette difficulté pourrait s’accentuer sous l’effet de la polarisation croissante, ce qui signifie que les approches multilatérales doivent s’adapter à de nouveaux paramètres, luttes de pouvoir comprises, pour atteindre leurs objectifs (Moreland, 2019[26]).

La dynamique de financement au sein des institutions multilatérales nuit par ailleurs à leur réputation en matière de collaboration et d’équité. En 2018, 36 % des financements multilatéraux provenaient de seulement trois des 193 États membres des Nations Unies (ONU) - l’Allemagne, les États-Unis et le Royaume-Uni (Silva, Bernardo et Mah, 2021[27]). En 2020, les membres du CAD ont compté pour 81 % du montant total des financements au sein du système de développement des Nations Unies (OCDE, 2022[28]).

Les vulnérabilités internes menacent également l’efficacité du multilatéralisme. Une proportion croissante des financements des donneurs est réservée à des fins particulières sans avoir fait l’objet d’une approbation ou d’une collaboration suffisante (Graphique 2.2). Cet accroissement peut en partie s’expliquer par l’augmentation des besoins urgents ces dernières années. Il n’en demeure pas moins que la préaffectation favorise l’instabilité du fait que les changements politiques ou économiques dans les pays membres du CAD peuvent entraîner de brutales réductions des financements et ainsi mettre les projets en péril, ceux de longue durée notamment.

Même dans le climat actuel difficile et malgré les tensions géopolitiques, des possibilités s’offrent qui, si elles sont exploitées, pourraient favoriser une réforme du développement à long terme. Les évolutions et tensions géopolitiques récentes ont eu des retombées notables sur la coopération internationale s’agissant des catégories de pays y participant en qualité de donneurs (Kharas, 2021[14] ; Signé, 2018[8]). L’essor de la coopération Sud-Sud a remis en question l’approche qui fonde la relation donneur-bénéficiaire classique ; en effet, des pays à revenu intermédiaire comme la Chine et l’Inde commencent à exercer une influence croissante sur le développement (Signé, 2018[30] ; Silva, Bernardo et Mah, 2021[27]), la Chine, en particulier, participant à de nombreux programmes de développement (Klingebiel, 2021[31]).

La distinction entre ce que certains dénomment « l’Occident et le reste du monde » (le « reste du monde » étant dans ce contexte la Chine et la Fédération de Russie) a donné aux puissances moyennes, comme l’Australie, l’Inde et le Japon, la possibilité d’étendre leur influence dans le secteur du développement (McCaffrey et al., 2021[32]). La collaboration entre intervenants nouveaux et bien établis donne lieu à de nouveaux types de partenariats qui permettent d’exploiter efficacement les atouts propres à chacun. En Asie, par exemple, les donneurs historiques comme l’Allemagne, l’Australie, les États-Unis et le Japon peuvent s’appuyer sur leurs antécédents en matière d’aide au développement pour fournir des ressources et du savoir, tandis que les nouveaux-venus, comme la Corée, peuvent apporter l’expérience et la connaissance régionales découlant de leur proximité géographique, économique et historique avec les pays bénéficiaires (Ingram, 2020[33]). Rien ne garantit que ces nouveaux types de partenariats soient plus équitables ou plus représentatifs. Ils témoignent cependant de la soif des économies émergentes et des pays bénéficiaires pour d’autres formes de coopération que le schéma traditionnel Nord-Sud.

Rien ne garantit que ces nouveaux types de partenariats soient plus équitables ou plus représentatifs. Ils témoignent cependant de la soif des économies émergentes et des pays bénéficiaires pour d’autres formes de coopération que le schéma traditionnel Nord-Sud.  
        

Si la rivalité entre intervenants présente certains risques pour la coopération pour le développement, comme le dédoublement des activités, elle permet aux pays en développement de gagner plus rapidement en pouvoir et en influence. Compte tenu du plus grand nombre d’intervenants, un choix plus vaste s’offre à des pays parfois contraints auparavant de recourir aux seules aides disponibles. Les partenaires bilatéraux et multilatéraux risquent de se voir obligés d’adopter des pratiques et stratégies innovantes, amorçant ainsi les réformes nécessaires à l’ensemble du secteur, et les pays bénéficiaires, disposant d’un choix et d’un pouvoir de négociation accrus, seront peut-être en mesure de mieux adapter la coopération à leurs intérêts et objectifs propres (Silva, Bernardo et Mah, 2021[27]). La possibilité pour les pays bénéficiaires de tirer parti de leur influence nouvelle sera déterminée par la mise en œuvre et dépend de plusieurs facteurs, dont l’économie politique nationale. Le contexte actuel ouvre cependant la voie à de nouvelles approches et dynamiques de pouvoir.

Les mesures récemment adoptées par les acteurs du développement témoignent également d’une volonté politique mondiale de réformer le secteur. Certains pays, dont la Chine, les États-Unis et la Fédération de Russie, ont ainsi montré, dans le cadre de visites, de stratégies et de sommets, qu’ils souhaitaient repenser et renforcer les partenariats avec les pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. Ces annonces et sommets témoignent de la volonté politique, intensifiée par les rivalités, des acteurs mondiaux de redéfinir les partenariats et la coopération pour le développement. Les pays bénéficiaires aussi font preuve d’une volonté politique, comme l’a montré la Première ministre de la Barbade, Mia Mottley, qui a récemment appelé à l’adoption d’une nouvelle architecture financière mondiale et formulé des recommandations précises à cet égard (Encadré 2.1). Elle fait valoir que le système en vigueur est injuste envers les pays en développement et propose de le réformer de manière à prendre leur avis en considération et à tenir compte de leur capacité d’agir, notamment en Afrique et dans les Caraïbes (Gouvernement de la Barbade, 2022[34]). Enfin, cette volonté politique existe aussi au sein des organisations multilatérales. Le Secrétaire général des Nations Unies, par exemple, a récemment publié des recommandations concernant l’avenir du multilatéralisme et déclaré que celui-ci et la gouvernance mondiale appelaient des réformes urgentes (ONU, 2021[35]).

Le troisième et dernier volet consiste en la formulation, souvent par des spécialistes, de propositions stratégiques susceptibles d’apporter des solutions au problème. Si l’établissement d’un consensus est parfois difficile, surtout lorsque des priorités de développement concurrentes sont en jeu, il n’est pas impossible, comme en témoigne l’adoption des Objectifs du Millénaire pour le développement et des ODD. De même, les acteurs du développement conviennent désormais que le secteur doit donner priorité à l’adaptation au contexte local (Robillard, Atim et Maxwell, 2021[37]) et à des partenariats ouverts et inclusifs (Ministère des Affaires étrangères de la République populaire de Chine, 2022[38]). Du point de vue des pays en développement, la polarisation a eu des effets à la fois favorables et défavorables. La présence et la puissance de la Chine sur le continent africain, par exemple, ont permis de développer la connectivité et les infrastructures à une époque où l’engagement des États-Unis y était faible (Ramani, 2021[39]). Or, malgré ces avancées, de nombreux pays africains ont accumulé une dette croissante à l’égard de la Chine, ce qui compromet de fait leur souveraineté à long terme. Au fil de ces évolutions géopolitiques, les pays bénéficiaires ont su s’accorder sur des cadres stratégiques globaux définissant ce que devraient être les relations entre donneurs et bénéficiaires à l’avenir. Selon des études récentes, les dirigeants des pays en développement reconnaissent que les acteurs internationaux du développement ont un rôle de soutien à jouer dans tous les domaines de la politique du développement, mais que les donneurs, lorsqu’ils réfléchissent à l’avenir de la coopération, doivent donner priorité à la souplesse, à la réactivité et à l’engagement d’adapter l’aide et les autres apports aux besoins locaux et aux objectifs nationaux (Wooley, 2022[40]).

Les informations et théories qui expliquent la réussite ou l’échec des stratégies peuvent aussi servir de fondement à la redéfinition du développement international. Cette démarche peut aider les donneurs et les bénéficiaires à mieux comprendre leur propre économie politique et ses éventuelles interactions avec celle d’un partenaire. Les analyses de l’économie politique et du développement se polarisent généralement sur l’économie politique mondiale et négligent l’influence de l’économie politique nationale. Or, en axant l’analyse sur cette dernière, on peut mieux cerner les résultats des stratégies mises en œuvre car les acteurs du développement, publics et privés, opèrent tous dans le cadre de leur propre économie politique. La théorie de la mise en œuvre énoncée par Matland (1995[4]) fait appel à un modèle d’économie politique fondé sur l’ambiguïté et le conflit pour expliquer la réussite ou l’échec de l’exécution d’une stratégie donnée (Encadré 2.2). Il faut appliquer les théories de cette nature au niveau national, mais aussi à l’échelon local afin de permettre aux institutions et aux pays bénéficiaires de recenser les éventuels points de résistance et de mieux appréhender les caractéristiques structurelles et la répartition des pouvoirs entre groupes sociaux qui influeront sur les résultats (Hout, 2015[41]).

La polarisation risque certes de faire obstacle à la convergence des politiques, mais les acteurs du développement peuvent privilégier un petit nombre de mesures phares susceptibles d’avoir des retombées substantielles. Au sein de la communauté du développement, les trois volets dont Kingdon (1984[3]) estime qu’ils sont indispensables à la définition d’un nouveau programme d’action semblent converger, ouvrant ainsi la voie à la mise en œuvre de réformes dans le secteur, même dans un contexte de polarisation et de complexité élevées, notamment à un changement de paradigme chez les différents intervenants et entre eux. Les pays bénéficiaires constatent aujourd’hui les effets, positifs et négatifs, du nouvel ordre géopolitique et s’accordent sur les politiques à mener pour aller de l’avant ; il s’agit de privilégier les principes de la coopération qui favorisent des règles du jeu plus équitables comme l’adaptabilité, la durabilité, l’inclusivité et la réciprocité, de prendre acte du rôle influent de la Chine, et de comprendre que si le multilatéralisme est un instrument d’action collective efficace, ses failles doivent être reconnues (Custer et al., 2021[44]).

Chacun des acteurs du développement a ses propres incitations, structures, atouts et instruments, et est confronté à un avenir incertain dans la mesure où la coopération pour le développement se transforme pour faire face aux évolutions et aux chocs mondiaux actuels. Cette section présente trois grandes catégories de recommandations pour aider ces intervenants à redéfinir le développement et à mettre fructueusement en œuvre un nouveau programme d’action qui tiendra compte de l’économie politique mondiale, de l’économie politique nationale et des défis et possibilités transversaux propres au contexte actuel. Elles ont été retenues parce qu’elles couvrent des questions à l’égard desquelles le secteur du développement est aujourd’hui en mesure d’adopter de nouvelles approches et de les appliquer efficacement.

Afin d'assurer la convergence des problèmes, des considérations politiques et des stratégies, un alignement relatif des grands acteurs du développement sur un nouveau paradigme qui confie les rênes du développement aux pays bénéficiaires dans le cadre de partenariats à la fois locaux et flexibles est nécessaire. La complexité actuelle et future appelle un encadrement, des systèmes et des stratégies de développement souples, ce qui suppose de réorienter les systèmes et les processus de réflexion en renonçant aux conceptions antérieures du développement (considéré comme statique, linéaire, indépendant et directement mesurable) au profit d’une autre, qui y voit un phénomène dynamique, non linéaire, évolutif et incertain. Concrètement, cela consiste à gérer le développement à mesure de son évolution et à réagir aux dynamiques émergentes plutôt qu’à procéder selon un plan prédéfini et immuable (Silva, Bernardo et Mah, 2021[27]).

Outre la souplesse et l’alignement, il faut assurer la coopération entre les acteurs du développement pour éviter les efforts redondants. Lorsque la concurrence entre donneurs est forte, comme c’est actuellement le cas dans un climat de tensions géopolitiques, il n’y a guère de concertation et de communication entre les rivaux, ce qui risque de conduire à un dédoublement des activités ou, pire encore, à ce que les activités d’un intervenant compromettent involontairement les objectifs d’un autre.

Au moment de définir la structure des activités de développement, les efforts de coordination entre pays doivent tenir compte de l’avantage comparatif de chacun d’eux (Ingram, 2020[33]). L’ampleur et l’intensité de la collaboration entre donneurs dépendent de la convergence de leurs objectifs de développement, de leur degré d’engagement dans la région ou dans le secteur et de l’alignement de leurs politiques extérieures (Ingram, 2020[33]). La coopération bilatérale devra estimer le niveau d’intégration possible en fonction de la volonté et de l’environnement politiques des pays donneurs. En général, plus l’intégration est forte, plus les retombées sont importantes ; néanmoins, le renforcement de l’intégration dans le cadre d’une collaboration plus étroite, comme la gouvernance commune ou le regroupement des ressources, requiert une volonté politique considérable. Une coordination peu structurée, dans le cadre de dialogues par exemple, sera sans doute moins efficace mais peut-être plus adaptée lorsque la volonté politique est faible (Ingram, 2020[33]).

La coopération bilatérale se poursuivra, mais les canaux multilatéraux pourraient s’avérer plus efficaces pour la collaboration en matière de stratégies et de financement. Les donneurs eux-mêmes devraient privilégier les stratégies de sensibilisation et la communication pour définir leurs projets et priorités de manière à éviter tout chevauchement et à réorienter les ressources sur d’autres besoins (Hronešová, 2018[45]). Si le climat concurrentiel persiste, les pays pourraient être amenés, pour éviter le dédoublement des opérations, à présenter cette approche comme permettant d’acquérir des avantages concurrentiels ou d’exploiter plus efficacement ceux qu’ils possèdent. La collaboration doit être encouragée comme offrant aux pays donneurs un moyen de tirer profit de leur assistance technique et non financière et de leurs réseaux (Harbour et al., 2021[46]). En faisant valoir qu’elle sert en fait les intérêts nationaux de chaque pays, on peut lutter contre la polarisation.

Les acteurs du développement doivent, dans la mesure du possible, insister sur l’importance et la légitimité du multilatéralisme en tant qu’outil privilégié pour améliorer la coordination. Dans un premier temps, les institutions multilatérales doivent se réformer de manière à véritablement accorder aux pays en développement une représentation égale au sein des organes décisionnaires. Un système plus équitable permettant à ces nations de se faire entendre durant les débats et lors des votes renforcerait leur confiance dans les organisations multilatérales.

Ces dernières doivent prendre des mesures pour que les financements soient eux aussi plus équitables, d’abord en diminuant le volume des financements bilatéraux préaffectés et en réaffirmant leur engagement envers une approche globale et démocratique pour définir les priorités et allouer les fonds. L’accroissement de l’aide bilatérale dans le cadre du multilatéralisme entame le bien-fondé des institutions multilatérales aux yeux des autres acteurs du développement et des populations. Le multilatéralisme est aujourd’hui un instrument indispensable compte tenu de la complexité croissante des problèmes - mais seulement si ses institutions prennent des mesures pour assurer une représentation plus équitable et pour exploiter les atouts spécifiques qu’offrent leurs structures.

L’accroissement de l’aide bilatérale dans le cadre du multilatéralisme entame le bien-fondé des institutions multilatérales aux yeux des autres acteurs du développement et des populations.  
        

Des réformes techniques permettraient aussi d’améliorer le financement multilatéral du développement. Diverses recommandations d’ordre technique ont été formulées pour développer l’activité des banques multilatérales de développement (BMD). Selon Kharas (2021[14]), « les BMD pourraient, tout en conservant leur notation AAA, augmenter leur portefeuille de prêts d’au moins 750 milliards [USD] par le simple recours à des pratiques comptables perfectionnées pour mesurer le capital exigible. Elles pourraient adopter les normes sectorielles relatives aux variables de gestion des risques, comme le ratio fonds propres/prêts ». Elles pourraient aussi mobiliser davantage de capitaux privés et de financements de contrepartie locaux en partenariat avec des banques nationales, et vendre certains actifs de prêt si ceux-ci ont été correctement évalués au départ. Une autre possibilité consisterait à demander aux actionnaires de leur apporter de nouveaux fonds propres, mais uniquement en dernier recours.

Il est encore plus important d’améliorer l’équité de la coopération bilatérale et multilatérale dans le domaine du changement climatique compte tenu du décalage entre les économies avancées, qui contribuent davantage au problème, et les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, qui en ressentent les effets de manière disproportionnée. Il convient de renforcer les mesures visant à écologiser la coopération pour le développement en intégrant systématiquement la question de la durabilité à toutes les étapes d’une stratégie ou d’un programme, mise en œuvre comprise (OCDE, 2020[47]). Les retombées environnementales des projets et programmes font déjà l’objet d’une évaluation préalable - surtout ceux des organisations intergouvernementales ou des institutions multilatérales. Néanmoins, pour parer au risque de choix ou d’arbitrages contradictoires de la part des responsables, il faut intégrer la durabilité aux stratégies et programmes de développement. L’Initiative sur l’Aide pour le commerce, par exemple, cite les objectifs environnementaux parmi ses priorités mais ne les prend pas systématiquement en compte. Entre 2010 et 2020, les engagements au titre de l’aide au commerce comportant des objectifs climatiques se sont montés à plus de 200 milliards USD (OCDE/OMC, 2022[48]) ; l’Initiative ne dispose cependant pas d’un cadre global pour l’intégration systématique des questions environnementales, qu’elle laisse à la discrétion de chaque donneur (Birkbeck, 2022[49]). Ceux-ci ont souvent leurs propres directives environnementales pour ces projets, pratique qui demande peut-être à être révisée.

Il convient de reproduire et de développer les partenariats comme celui établi entre la Chine et la Banque asiatique de développement, qui élaborent conjointement des programmes de développement écologique de qualité. Ces partenariats doivent faire valoir la nécessité d’une coopération avec le secteur privé, en particulier pour les infrastructures vertes et des projets portant par exemple sur le traitement des eaux usées et les énergies propres hors réseau (BAD, 2021[50]). La Chine et l’UE ont pris la tête des travaux visant à réformer la finance verte mondiale en créant un « jeu de normes fondamentales pour la sélection d’objectifs d’investissement appropriés pour les obligations vertes » (Jia, 2021[51]). D’autres pays, dont l’Afrique du Sud, la Colombie, la Mongolie et Singapour, appliquent désormais cette méthode de classification. Les acteurs du développement doivent renforcer et appuyer ces efforts de collaboration avec le secteur privé car une taxinomie uniforme est nécessaire pour permettre aux pays en développement et émergents d’émettre davantage d’obligations vertes. La polarisation compromet les activités dans ce domaine prioritaire car celles-ci appellent une coopération étroite entre les principaux intervenants.

Les acteurs du développement doivent renforcer et appuyer les efforts de collaboration avec le secteur privé car une taxinomie uniforme est nécessaire pour permettre aux pays en développement et émergents d’émettre davantage d’obligations vertes.  
        

L’écologisation de la coopération internationale suppose en outre de remédier à la crise de la dette dans les pays en développement, la majorité des 50 pays les plus vulnérables au changement climatique comptant aussi parmi ceux qui sont confrontés aux problèmes d’endettement les plus graves (Jensen, 2022[52]). De l’avis général, le Cadre commun du G20 pour les traitements de dette doit être réformé de manière à assurer un soutien supplémentaire en liquidités afin d’améliorer l’efficacité et la résilience des opérations d’allègement de la dette et de mobiliser les créanciers privés qui en détiennent une part importante (Jensen, 2022[52]). Cette réforme ne suffira cependant pas à résoudre le problème systémique. Un rapport de 2020 destiné au Projet d’allègement de la dette pour une reprise verte et inclusive estimait que les créanciers publics et privés devraient être tenus d’alléger la dette des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire en contrepartie d’un engagement en faveur d’une relance verte (Volz et al., 2020[53]) (Graphique 2.3).

L’annulation de la dette n’est pas le seul moyen d’élargir la marge de manœuvre budgétaire. Un pays peut chercher à relever son plafond d’endettement en renforçant la confiance du marché, que ce soit par le biais de lignes bilatérales d’échange de devises, d’un accès aux financements d’institutions régionales et internationales à des conditions peu restrictives, de l’échange de dettes en devises contre des dettes en monnaie locale ou par d'autres moyens. Certains pays auront plus facilement accès que d’autres à ces différents mécanismes, et certains n’auront d’autre choix que de recourir aux programmes habituels d'annulation de la dette. Le lien entre les objectifs de recouvrement de la dette et de durabilité doit absolument être établi, mais devra éventuellement l’être par les créanciers. La communauté internationale peut et doit s’efforcer d’améliorer les conditions de crédit des pays en développement en consolidant les écosystèmes de l’information et en allongeant l’horizon des notations de crédit (Spiegel et Schwank, 2022[15]). Une réforme systématique des programmes d’allègement et de restructuration de la dette sera nécessaire, mais devra tenir compte de l’avis des pays en développement pour assurer l’adhésion des dirigeants à des programmes bien intentionnés.

Face au risque que l’accentuation de la polarisation présente pour le développement et la durabilité, les pays en développement doivent porter leur programme d’action en matière de sécurité du niveau national au niveau continental ou régional. L’externalisation de la sécurité nationale n’a pas permis d’assurer la stabilité et a entravé les efforts de développement et d'intégration régionale. Les pays devraient plutôt adopter une approche continentale et (ou) régionale qui aura des retombées favorables sur la sécurité et, à terme, une incidence économique du fait qu’elle favorisera la mise en application d’accords commerciaux régionaux comme la Zone de libre-échange continentale africaine. Les organismes régionaux possèdent des atouts spécifiques pour préserver les biens publics, et agir à l’échelon régional peut aider les pays à résoudre des conflits profondément enracinés et à asseoir la paix et les droits humains. En consolidant ces organismes, les régions en développement peuvent renforcer leur pouvoir de négociation international, diminuer le coût lié à la promotion de la sécurité nationale de chaque pays et assurer durablement la paix et la sécurité. L’affermissement de la coopération peut offrir aux pays en développement un moyen efficace de réduire les risques découlant de la polarisation et de veiller à ce que les trajectoires de développement ne soient pas tributaires de la volonté politique ou économique d’un seul partenaire. Une approche régionale, comme celle décrite dans la stratégie en matière de fragilité de la Banque africaine de développement en 2015, peut également accroître la résilience aux effets de contagion des conflits survenant dans un pays sur les pays voisins (Signé, 2019[24]).

Qu’ils entretiennent des relations directes avec des acteurs régionaux ou pas, tous les acteurs du développement doivent être conscients de l’importance de ces derniers en tant qu’intermédiaires entre les intervenants bilatéraux ou multilatéraux et la mise en œuvre locale des programmes (Signé, 2018[30]). Les banques de développement régionales, par exemple, assurent l’articulation entre les ressources des acteurs bilatéraux et multilatéraux et la mise en œuvre des projets dans les communautés car elles sont beaucoup plus proches du contexte local et sont détentrices d’un savoir institutionnel sur les besoins et les projets (Suchodolski, De Oliveira Bechelaine et Modesto Junior, 2020[55]). Elles sont donc en mesure de favoriser le développement régional en sélectionnant un ensemble de projets plus représentatif que ne pourrait le faire une banque nationale. Les pouvoirs publics et les investisseurs peuvent leur prêter appui en soutenant les projets qui favorisent l’atténuation des risques et accélèrent la transformation numérique, dans le secteur financier notamment.

Les acteurs du développement doivent également reconnaître l’importance de l’économie politique nationale au regard de la mise en œuvre des programmes notamment.

Pour assurer la bonne mise en œuvre des stratégies de développement, les responsables politiques « doivent affiner, et non ignorer, les petites innovations souvent négligées car elles contribuent souvent au changement de paradigme économique à long terme - même si la réussite n’est pas manifeste à court terme » (Signé, 2017[56]). Or, comme l’a constaté Monga (2019[57]), les économistes du développement et les institutions spécialisées se sont trop focalisés sur les failles ou les lacunes des pays en développement, ce qui a conduit à la notion selon laquelle le progrès économique ou le développement sont subordonnés à toute une gamme de conditions préalables concernant les infrastructures, le capital humain, les financements ou divers autres facteurs. Les stratégies doivent au contraire être axées sur les atouts de chaque pays et sur la façon de les exploiter pour opérer une transformation structurelle. Les acteurs du développement pourront ainsi formuler des recommandations concrètes, fondées sur la situation et les politiques du pays et non sur une longue liste de recommandations peut-être non viables sur le plan politique ou financier et considérées comme indispensables au processus de développement.

Le secteur privé peut jouer un rôle à cet égard car il excelle généralement à identifier les secteurs présentant un avantage comparatif. Les gouvernements et leurs partenaires de développement peuvent alors faire de ces derniers des priorités et adapter leurs activités aux infrastructures, au capital humain, aux réformes et aux autres éléments nécessaires à leur essor (Monga, 2019[57]). Face à des priorités concurrentes, « toutes les innovations ne sont pas égales. Les responsables des politiques doivent identifier et adopter les innovations décisives qui améliorent les règles du jeu et produisent une transformation politique et économique à long terme » (Signé, 2017[56]).

Les États doivent mobiliser leur propre leadership et leur volonté politique pour mettre en œuvre des plans et des stratégies de développement. Quelles que soient les améliorations tangibles apportées par les acteurs extérieurs aux stratégies de développement, les interventions dans ce domaine ne satisferont pas aux attentes si les autorités du pays concerné ne possèdent pas les ressources, les compétences, les capacités d’organisation et l’ouverture au changement nécessaires à leur exécution. Il apparaît clairement qu’un leadership responsable (personnel, collégial, vertical, horizontal et diagonal) est la clé d’une transformation économique réussie en Afrique : en effet, les économies les plus performantes y sont associées à des niveaux de responsabilité plus élevés (Signé, 2018[58]). Des études de la croissance économique en Afrique sur une période de 40 ans, rassemblées par Ndulu et al. (2007[25]), ont abouti à des conclusions analogues : les économies africaines sans syndrome et les performances exceptionnelles sont pour la plupart corrélées à la nature des régimes politiques (démocratiques notamment) dans les décennies suivant 1990, cependant que les syndromes comme les régimes réglementaires, la répartition ethnorégionale, la distribution intertemporelle et l’effondrement de l’État pénalisent la croissance économique du continent.

Les pays bénéficiaires doivent inciter les différentes parties prenantes à établir des priorités et un programme qui ne se limitent pas à un seul dirigeant ou à un seul cycle politique afin de réduire l’ambiguïté de l’action gouvernementale (voir le chapitre 20). Les organismes régionaux ou la société civile peuvent intervenir efficacement à cette fin. Souvent, la tendance des responsables gouvernementaux à sacrifier les objectifs à long terme aux avantages à court terme fait obstacle à la bonne exécution des programmes. L’intégration des stratégies à des ministères et institutions publiques indépendants de l’action politique limitera le risque de retour en arrière entre cycles politiques.

Le secteur privé peut et doit jouer un rôle de premier plan à cet égard, surtout lorsqu’il s’agit de collaborer avec l’État pour favoriser la stabilité, ce qui présente un intérêt commun pour les deux secteurs. Les autorités doivent prendre les mesures nécessaires pour renforcer les institutions et accroître la transparence afin d’inciter le secteur privé à investir. Lorsque les ressources ou la volonté politique font défaut et que les institutions demeurent fragiles, des partenariats réglementaires en vertu desquels la communauté internationale impose et surveille les réglementations peuvent présenter un intérêt pour les États. Pour éviter les excès (à savoir l’ingérence de partenaires extérieurs dans les décisions politiques nationales), ces partenariats doivent aligner les réglementations sur la législation et le contexte nationaux et faire appel en parallèle à des partenaires internationaux pour assurer la gouvernance et le suivi (Signé, 2019[24]).

Si l’APD n’a pas enregistré une croissance aussi importante dans le financement du développement que celle qu’elle avait enregistrée dans le financement privé depuis 2019, elle demeure un instrument puissant au service du développement et ne doit pas être négligée. Elle est bien placée et adaptée pour atténuer les chocs mondiaux, notamment les urgences humanitaires et les crises sanitaires comme la pandémie actuelle. Elle peut également orienter d’autres formes de financement dans la bonne direction et les aligner sur des stratégies de long terme (OCDE, 2019[59]).

L’APD remplit une fonction essentielle pour amortir les conséquences des chocs mondiaux, mais aussi dans les contextes fragiles. La recherche de solutions est difficile car de nombreux facteurs de fragilité sont cycliques, ce qui enferme les environnements fragiles dans un cycle que l’irrégularité et l’inefficacité de l’aide et de l’IDE ne font qu’aggraver. Pour remédier à ces difficultés, les acteurs du développement devraient faire appel à un cadre ambiguïté-conflit pour adapter leurs stratégies à ces situations. Cela suppose de tenir compte de l’économie politique globale de la mise en œuvre des stratégies et des conjonctures propres aux pays (ambiguïté des politiques, conflits, décentralisation et soutien du secteur privé) (Signé, 2019[24]). Certains acteurs du développement mettent actuellement au point de nouvelles stratégies de lutte contre la fragilité qui réexaminent les montants, les formes et les bénéficiaires de l’aide en fonction de l'économie politique nationale. À terme, l’aide devrait privilégier l’assistance humanitaire dans les États très fragiles, mais dans les États fragiles où la société civile et le secteur privé occupent une place importante, elle devrait être allouée en priorité au développement et à la reconstruction des secteurs commerciaux et économiques nationaux (Signé, 2019[24]).

À l’heure où elle s’efforce de définir un nouveau programme d’action et de le mener à bien, la communauté du développement doit également saisir les possibilités qu’offrent diverses évolutions transversales ; elle doit notamment exploiter les technologies émergentes, la quatrième révolution industrielle et le potentiel des femmes, des jeunes et du secteur privé.

Les acteurs du développement doivent se préparer à la quatrième révolution industrielle et à ses technologies, les adopter et les utiliser pour transformer le développement. Cette révolution, en ce qu’elle contribue à la transformation numérique dans laquelle elle trouve également son origine, offre de grandes perspectives aux pays pour combler leur retard en matière de gouvernance, d'échanges et de progrès social (Signé, à paraître[60] ; 2019[24]). Les technologies pionnières peuvent accélérer le développement vert dans les pays en développement, où un bond en avant technologique est possible (CNUCED, 2022[61]). En facilitant l’accès aux populations vulnérables comme les jeunes, les femmes, les groupes marginalisés et les communautés rurales, la transformation numérique peut améliorer la prestation de services, la diffusion d’informations et la mise en relation de ces groupes avec l'économie formelle. La réalisation des objectifs du projet All Africa Digital Economy Moonshot, par exemple, augmenterait la croissance par habitant de l’Afrique de 1.5 point de pourcentage et y ferait reculer la pauvreté de 0.7 point (Calderon et al., 2019[62]). Cette croissance pourrait être encore plus importante si elle s'accompagnait de gains en capital humain. Ces objectifs ne peuvent cependant être atteints en l’absence de mesures visant spécifiquement à faire profiter les groupes marginalisés des avantages de la numérisation ; pour ce faire, il faudra donner priorité au développement des technologies, des infrastructures et des compétences numériques à leur intention (Qureshi, 2022[63]). L’inclusion financière, qui progresse déjà grâce aux services bancaires numériques dans les pays africains, offre un moyen d’accélérer le rapprochement entre le secteur informel et l’économie formelle. Elle peut aussi favoriser l’accumulation de capital et l’investissement et, partant, la croissance de l’emploi formel (Ndung’u et Signé, 2020[64]).

Les pays et les partenaires au développement doivent élaborer et mettre à jour des stratégies globales visant à mettre les technologies au service du développement et faire appel pour cela à une approche systémique pour évaluer les risques et les possibilités que présentent la transformation numérique et les technologies émergentes. Ces stratégies doivent mettre l’accent sur la modernisation des structures de gouvernance en vue d’établir un environnement innovant endogène, et sur l’adoption de réglementations qui encouragent la concurrence et protègent les consommateurs et le marché (Ndung’u et Signé, 2020[64]). Une gouvernance agile et des environnements propices sont des facteurs essentiels, sur lesquels les stratégies numériques nationales devraient mettre l’accent.

Les technologies avancées comme l’intelligence artificielle, les chaînes de blocs et la biométrie ouvrent des perspectives extraordinaires. Des investissements dans les infrastructures physiques et numériques et dans les compétences numériques sont cependant nécessaires pour qu’elles donnent toute leur mesure dans les pays en développement. Les acteurs du développement doivent axer leurs stratégies, leurs financements et leurs partenariats sur ces priorités. Tous ressentent les effets de la quatrième révolution industrielle ; c’est donc un domaine dans lequel la collaboration pourrait l’emporter sur la polarisation si les intérêts concordent. Cela dit, la polarisation et les tensions géopolitiques accentuent le risque d'inégalité et de domination dans les secteurs technologiques émergents, ce qui pourrait créer de nouvelles structures de pouvoir. Pour atténuer ce risque, les organisations multilatérales et d’autres organes de coordination du développement doivent accorder une importance centrale à la question de la quatrième révolution industrielle. Les organismes multilatéraux, notamment, peuvent remplir une fonction importante en veillant à ce que les normes et principes qui gouvernent l’espace numérique tiennent compte des réalités de tous les pays (OCDE, 2021[65]).

En 2021, l’Organisation des Nations Unies pour le développement industriel a lancé le premier « dialogue sur le développement » concernant son cadre stratégique pour la quatrième révolution industrielle ; il s’agissait de présenter sa stratégie aux groupes régionaux, celle-ci ayant pour objectif de mettre la quatrième révolution industrielle au service du développement et étant axée sur « le développement des écosystèmes d’innovation, le renforcement des compétences et des capacités, la gouvernance, les partenariats, les investissements et les infrastructures » (ONU, 2022[66]). D’autres instances ont organisé des échanges similaires, notamment Frontier 2030, du Forum économique mondial, et le Groupe de haut niveau sur la coopération numérique du Secrétaire général des Nations Unies (Forum économique mondial, 2020[67]). Les instances intergouvernementales doivent continuer de réunir les pays et les autres acteurs du développement pour examiner la question de la quatrième révolution industrielle et les problèmes qui lui sont liés, comme la cybersécurité.

La pleine participation des femmes et des jeunes aux réalisations et aux organes de décision est une autre question transversale à laquelle la réforme du secteur du développement doit conférer une place prioritaire. Si les cadres, les stratégies et les discussions de haut niveau présentent souvent les femmes et les jeunes comme des acteurs centraux du développement, peu de mesures concrètes visant à en faire de véritables partenaires ont été prises. Or, à l’obligation morale de ne pas laisser ces populations à l’écart des discussions ou des projets s’ajoutent des arguments économiques convaincants. Selon les estimations, promouvoir la parité des genres dans le domaine de l’emploi entraînerait une hausse de 35 % du PIB en moyenne (Lagarde et Ostry, 2018[68]). Pourtant, dans certains pays, des lois et restrictions spécifiques et les attentes de la société empêchent les femmes d’occuper un emploi formel, ce qui les amène parfois à assumer la double responsabilité de la garde des enfants et du travail (ONU-Femmes, 2018[69]). Il faudra impérativement assurer l’égalité d’accès à l’éducation, aux services financiers, à Internet et aux téléphones portables pour lever ces obstacles.

Les acteurs du développement devraient également s’employer à améliorer l’inclusion et la représentation des femmes et des jeunes au sein des institutions et dans les projets et programmes locaux. Diverses études ont montré que la participation des femmes aux processus de décision politiques améliore les résultats. En Inde, par exemple, les communautés dont les conseils étaient dirigés par des femmes comptaient 62 % de projets d’eau potable de plus que celles dont les conseils étaient dirigés par des hommes (ONU-Femmes, 2022[70]). La participation des jeunes aux instances politiques aussi est proportionnellement extrêmement faible. Les personnes de moins de 30 ans représentent plus de 50 % de la population mondiale mais seulement 2 % des représentants aux parlements dans le monde (Union interparlementaire, 2021[71]). Les jeunes sont également sous-représentés dans les organisations internationales, bien que l’ONU ait entrepris de promouvoir les délégations de jeunes en 1981 ; en 2019, seuls 40 de ses 173 membres en avaient établi (Kuhn, 2020[72]). Les pays doivent honorer cet engagement et améliorer le statut des délégations de jeunes, à l’ONU mais aussi dans d’autres organes de coordination qui débattent des priorités de l’action publique et de leur mise en œuvre.

Un examen des données relatives aux apports d’aide montre clairement que le secteur public ne peut à lui seul réaliser les objectifs de développement. La seule solution consiste à faire appel aux financements du secteur privé. Le secteur privé mondial présente de nombreux avantages dont il convient de tirer parti, notamment sa capacité à agir et à mobiliser des ressources rapidement. Les acteurs publics du développement peuvent et doivent déployer davantage d’efforts pour l’encourager à financer le développement. Sur les 178.9 milliards USD d’APD apportés par les membres du CAD en 2021, 1 milliard USD seulement a été consacré à des instruments du secteur privé axés sur le développement (OCDE, 2022[73]). Il s’agit là d’une occasion ratée d’instaurer une collaboration durable entre secteurs public et privé, et les pays donneurs doivent envisager d’investir davantage dans ce domaine.

Il faut rappeler l’importance de l’IDE en tant qu’instrument de financement du développement ; celui-ci peut en effet créer de nouveaux marchés, accélérer le développement de chaînes de valeur régionales et générer des emplois et des revenus au niveau national. Si le volume total d’IDE s’est légèrement redressé depuis le creux enregistré en 2020, sa croissance a été plus modérée dans les pays les moins avancés que dans les autres pays (CNUCED, 2021[74]). Il apparaît toutefois de plus en plus clairement que l’IDE et les entreprises multinationales peuvent avoir des effets d’envergure dans les pays bénéficiaires, même ceux considérés comme fragiles : « L’IDE investi dans les industries locales présente l’avantage particulier, par rapport aux politiques de stabilisation menées par les pays ou les donneurs, de supprimer les facteurs économiques qui favorisent les revendications catégorielles, la pauvreté, la faim et les rivalités politiques, offrant ainsi des moyens à court et à long terme de sortir des situations de fragilité » (Signé, 2019[24]). Ces effets sont toutefois difficiles à obtenir compte tenu, d’une part, du manque de coordination et de redevabilité nationale en matière d’IDE, d’autre part, des échecs antérieurs de l’IDE qui, dans les industries extractives, a accentué la fragilité, comme cela a été le cas en Afrique centrale et dans le cadre des opérations minières en République dominicaine (Signé, 2019[24]).

Les acteurs du développement peuvent favoriser des retombées positives de l’IDE en collaborant directement avec les pays partenaires pour élaborer des réformes réglementaires, ou avec les entreprises et les investisseurs pour encourager les investissements dans certains secteurs, à l’appui des transitions vertes par exemple, et pour influencer les comportements. Comme l’a relevé l’OCDE (2022[75]), il est rare qu’une stratégie globale adaptée à un contexte national allie ces deux approches, ce qui donne lieu soit à des doublons, soit à une aide désordonnée. Il est indispensable de remédier aux déficits de coordination et d’information pour optimiser les retombées de l’IDE. Les acteurs du développement peuvent aider les investisseurs à améliorer leur participation aux nouveaux accords commerciaux, comme l’Accord de libre-échange continental africain.

Le financement privé des projets de développement présente certains avantages, notamment l’ampleur et la rapidité avec lesquelles il peut être déployé. Certaines précautions s’imposent toutefois car les acteurs du secteur privé, contrairement aux autres acteurs du développement, opèrent sans doute selon des incitations et des structures de redevabilité dont le développement vert ou inclusif n’est pas un objectif central. La communauté du développement peut contribuer à l’élaboration, à l’adaptation et au renforcement d’incitations spécifiquement conçues pour que le secteur privé œuvre à la réalisation d'objectifs communs. Les acteurs du développement doivent appuyer le programme économique du secteur privé et encourager sa participation par différents moyens, notamment la modernisation de l’économie et la réforme inclusive de la fiscalité des entreprises, des projets d’investissement dans la recherche et le développement et la simplification des systèmes de notation de crédit pour les économies en développement (Khasru et Siracusa, 2020[76]). Dans la mesure du possible, la communauté du développement doit s’efforcer de trouver des domaines d’intérêt commun, même en présence d’incitations différentes, et partir de cette base pour trouver les moyens de renforcer la convergence.

Les acteurs du secteur privé, contrairement aux autres acteurs du développement, opèrent sans doute selon des incitations et des structures de redevabilité dont le développement vert ou inclusif n’est pas un objectif central.  
        

Par ailleurs, s’agissant des investissements du secteur privé sur les marchés émergents, les acteurs multilatéraux pourraient s’employer à favoriser l’accès des femmes à des postes de responsabilité. En 2019, 68 % des équipes d’investissement sur ces marchés étaient exclusivement composées d’hommes (Payton, 2022[77]) et 7 % seulement des financements en capital-risque ont bénéficié à des entreprises dirigées par des femmes (Gouvernement du Canada, 2021[78]). Le financement du secteur privé sera manifestement nécessaire à la réalisation des objectifs de développement ; les acteurs publics et privés doivent toutefois collaborer pour coordonner les opérations et intégrer l’inclusivité, thèmes auxquels les organisations multilatérales pourraient pour commencer faire une place plus importante.

La communauté internationale doit également favoriser la collaboration avec les acteurs philanthropiques dans le domaine du développement. Le volume des apports philanthropiques a bondi ces dernières années ; les particuliers et les fondations ont désormais un droit de regard substantiel sur les programmes, les priorités et les projets de développement. En 2018, ces apports ont représenté 8 % des flux de financement du développement à destination des pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire (Silva, Bernardo et Mah, 2021[27]). Si cette augmentation des apports financiers marque une évolution positive, le financement philanthropique du développement peut aisément engendrer des problèmes ou créer de nouveaux déséquilibres de pouvoir dans la mesure où ces opérations ne sont pas nécessairement coordonnées avec les objectifs d’autres acteurs ou ne prévoient pas le même type de surveillance ou de redevabilité. La communauté du développement pourrait établir une plateforme qui favoriserait une plus grande transparence et un dialogue entre les dirigeants nationaux d’une part, et les acteurs philanthropiques locaux et internationaux d’autre part (Ilasco, 2022[79]). La stratégie Philanthropie et développement mise au point par le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères en est un exemple (2021[80]), qui a permis de mettre en relation des fondations locales en France et dans les pays en développement afin de définir des domaines d’engagement commun.

En parallèle, la communauté du développement doit inciter les entreprises mondiales à continuer de réformer les systèmes en renonçant au capitalisme actionnarial au profit d’un capitalisme participatif qui ne donne plus la priorité à l’optimisation des profits à court terme mais tient compte des objectifs sociétaux plus généraux liés à la santé et au bien-être des populations et à la planète (Schwab et Vanham, 2021[81]). Les pays bénéficiaires doivent poursuivre leurs efforts en vue d’instaurer un environnement porteur, qui respecte leurs objectifs nationaux, tout en présentant un attrait pour les entreprises internationales. Ils doivent notamment accroître la transparence et la redevabilité des institutions nationales, processus que les systèmes numériques pourraient accélérer.

Compte tenu du développement rapide des technologies nouvelles, de la propagation mondiale des maladies, de l’intégration croissante des systèmes financiers et des répercussions du changement climatique, le monde est et va être confronté à d’innombrables défis. Dans le même temps, les pays se replient sur eux-mêmes et la polarisation de grands acteurs du développement et de l’économie, dont la Chine et les États-Unis, s’accentue. Ces tensions géopolitiques modifient la dynamique au sein du secteur du développement. Les économies émergentes sont de plus en plus nombreuses à intervenir dans ce domaine, ce qui intensifie la concurrence pour les partenariats, multiplie les choix et, partant, les leviers d’action. La coopération pour le développement demeure indispensable car les objectifs de développement ne sont pas encore atteints dans de nombreuses régions du monde. Dans la mesure où la nécessité d’un changement est généralement admise, où les pays en développement exercent une influence croissante et où la priorité à un développement piloté au niveau local fait consensus, les trois volets - problème, considérations politiques et stratégies - convergent. Autrement dit, une occasion unique nous est offerte de modifier le paradigme traditionnel de l’aide et de la coopération pour le développement.

Au-delà de ce changement paradigmatique, il faudra impérativement assurer la bonne exécution des programmes, souvent le principal obstacle à l’obtention de résultats dans le domaine du développement. Les stratégies et la coopération nouvelles doivent tenir compte de l’économie politique nationale du donneur comme du bénéficiaire et adapter les stratégies de mise en œuvre en conséquence. Bien que le niveau actuel de polarisation risque fort d’entraîner un décalage entre les priorités des pays donneurs et celles des pays bénéficiaires, certains thèmes et recommandations doivent être privilégiés au cours de cette période. Il s’agit notamment des recommandations portant sur l’économie politique mondiale, l’économie politique nationale et les problèmes transversaux. La coopération pour le développement ne peut porter ses fruits si elle essaie d’appliquer des méthodes anciennes aux problèmes nouveaux et de plus en plus complexes d'aujourd'hui. Elle doit au contraire se fonder sur une coordination stratégique qui met à profit les atouts de chaque acteur et confie les rênes aux pays en développement.

Références

[12] Aris, B. (2022), « Russia preparing for second Africa Summit to build closer ties as it pivots away from the West », BNE IntelliNews, https://www.intellinews.com/russia-preparing-for-second-africa-summit-to-build-closer-ties-as-it-pivots-away-from-the-west-247188 (consulté le 2 novembre 2022).

[50] BAD (2021), Greening Development in the People’s Republic of China: A Dynamic Partnership with the Asian Development Bank, Banque asiatique de développement, Manille, https://doi.org/10.22617/TCS210335-2.

[22] Berhane, S. (2021), « What does the downgrading of Ethiopia’s credit rating entail? », The Reporter, https://www.thereporterethiopia.com/10932 (consulté le 2 novembre 2022).

[49] Birkbeck, C. (2022), Greening Aid for Trade and Sustainable Development: Financing a Just and Fair Transition to Sustainable Trade, Institut international du développement durable, Winnipeg, Manitoba, https://www.iisd.org/system/files/2022-07/greening-aid-trade-financing-just-transition.pdf.

[2] Bradford, C. (2022), « Commentary: The US and China: Making room for global cooperation », Institute for International Political Studies, https://www.ispionline.it/it/pubblicazione/us-and-china-making-room-global-cooperation-36685 (consulté le 29 novembre 2022).

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