9. Règle d’assujettissement à l’impôt

566. Les règles GloBE portent sur les problématiques qui subsistent à ce jour en matière de BEPS et ont pour objet de permettre à chaque pays de « récupérer l’impôt sur les bénéfices », à concurrence du taux minimum convenu, lorsque d’autres pays n’ont pas exercé leur droit initial d’imposition ou lorsque le paiement serait sans cela soumis à de faibles taux effectifs d’imposition. La règle d'assujettissement à l’impôt (RAI) complète ce dispositif. Il s'agit d’une règle conventionnelle qui cible les risques pour les juridictions de la source posés par les structures de BEPS liées aux paiements intragroupe qui exploitent les faibles taux nominaux d’imposition dans l’autre juridiction contractante (la juridiction du bénéficiaire).

567. La règle RAI n’est pas motivée par les préoccupations (telles que celles auxquelles répond le premier Pilier ou qui sous-tendent l’inclusion de la disposition sur les honoraires pour services techniques à l'article 12A du Modèle des Nations Unies de 2017 (UN, 2011[1])) selon lesquelles la répartition actuelle des droits d’imposition entre juridictions doit être réexaminée. Elle procède plutôt de l’idée qu'une juridiction de la source qui a cédé des droits d'imposition dans le cadre d’une convention fiscale sur le revenu devrait être en mesure d'appliquer un impôt complémentaire à concurrence du taux minimum convenu lorsque, en raison de structures de BEPS liées aux paiements intragroupe, le revenu bénéficiant d’une protection conventionnelle n’est pas taxé ou est taxé à un taux inférieur au taux minimum dans l’autre juridiction contractante. Plus précisément, la RAI cible les structures transfrontalières liées aux paiements intragroupe qui exploitent certaines dispositions de la convention pour transférer des bénéfices de pays de la source vers des juridictions où ces paiements supportent des taux d’imposition nominale faibles ou nuls. En rétablissant des droits d'imposition en faveur de la juridiction de la source en pareils cas, la RAI vise à aider ces juridictions, et notamment celles à plus faibles capacités administratives, à protéger leur base d’imposition.

568. Comme expliqué plus en détail dans la section 9.2.3, la RAI s'appliquera donc à certaines catégories de paiements qui présentent un risque accru d'érosion de la base d’imposition (paiements couverts). Les travaux accomplis à ce jour se sont concentrés sur les intérêts, redevances et autres paiements qui sont exposés à des pratiques de BEPS parce qu’ils sont liés à des risques, des actifs ou de capitaux mobiles.

569. Bien que les intérêts, les loyers et certains autres paiements déductibles entre personnes liées puissent donner lieu à des pratiques de BEPS portant sur le capital, les actifs et les risques mobiles, de telles pratiques peuvent aussi affecter des gains qui seraient sinon imposables dans l'État de la source et qui sont transférés dans la juridiction de résidence pour échapper à l’impôt. Ces structures peuvent présenter des caractéristiques mobiles comparables à celles visées par les paiements couverts. Aussi, une réflexion sera menée sur l’opportunité d'appliquer aussi la RAI à ces structures. Ces travaux seront axés sur les stratégies qui génèrent le plus grand risque d'érosion de la base d’imposition (s'agissant des gains en capital, ces stratégies ne sont pas nécessairement tributaires du fait que les parties sont des personnes liées). Si de telles règles devaient être élaborées, elles devraient alléger la charge pesant sur les administrations fiscales et sur les contribuables, et éviter une double imposition ou une imposition excessive par rapport au bénéfice économique, comme la prise en compte des régimes d’exemption de participation.

570. La RAI ne cherche pas à aborder des questions fiscales plus larges concernant la répartition des droits d’imposition entre juridictions. À juste titre, les juridictions ont des positions divergentes sur ces questions, qui relèvent de négociations bilatérales. Aucun des éléments constitutifs de la conception de la RAI - qui met l'accent sur le traitement de certains risques d'érosion de la base d’imposition dans le contexte de GloBE de plus large portée - n’éclaire ou ne compromet ces positions sur des sujets plus vastes touchant aux conventions fiscales.

571. Par conséquent, la mise en œuvre de la RAI ne passera pas par des modifications des articles du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE (OCDE, 2018[2]) qui régissent l’attribution des droits d’imposition sur les bénéfices des entreprises (article 7), les intérêts (article 11) ou les redevances (article 12), ou les dispositions équivalentes figurant dans les conventions existantes, mais pourrait donner lieu à une disposition conventionnelle autonome distincte qui codifie la règle et chacun de ses éléments conceptuels.

572. Comme pour d'autres éléments du deuxième Pilier, les membres du Cadre inclusif reconnaissent l’importance d'élaborer des règles qui atteignent les objectifs ci-dessus tout en minimisant les contraintes pour les administrations fiscales comme pour les contribuables et en évitant les cas de double d’imposition ou d’imposition excessive par rapport au bénéfice économique.

573. Globalement, les travaux relatifs à l’architecture de la RAI porteront sur les composantes suivantes :

a. Appliquée aux paiements. La RAI est une règle conventionnelle autonome qui, conformément au mode opératoire des conventions fiscales bilatérales, s’appliquera aux paiements entre résidents de deux États contractants. Cette approche fondée sur les paiements signifie que la règle ne procédera pas à une agrégation par juridiction ou par entité, mais se référera à l’impôt applicable à un élément de revenu. Néanmoins, conformément au champ d'application de GloBE, elle ne s’appliquera pas aux paiements effectués entre particuliers ou au profit de particuliers.

b. Appliquée entre parties liées. La règle s'appliquera aux paiements entre personnes liées. La définition de personnes liées repose sur la définition de personnes « étroitement liées » figurant respectivement dans les articles 5(8) et 5(9) des Modèles de Convention fiscale de l’OCDE (OCDE, 2018[2]) et des Nations Unies (UN, 2011[1]). D'après cette définition, deux personnes sont considérées comme « liées » si l’une contrôle l’autre ou toutes deux sont sous le contrôle de la même personne ou des mêmes personnes. Bien que ce test soit basé sur une relation de contrôle de facto, ces critères de contrôle sont automatiquement remplis lorsqu’une personne détient directement ou indirectement plus de 50 % des intérêts effectifs dans l’autre ou si une autre personne détient directement ou indirectement plus de 50 % des intérêts effectifs dans les deux.

c. Paiements couverts. La règle s'appliquera à un ensemble prédéfini de paiements donnant lieu à des préoccupations en matière d'érosion de la base d'imposition. On réfléchira aussi à l’opportunité d'appliquer la RAI à certaines structures destinées à transférer des bénéfices de la juridiction de la source vers celle de résidence, où ils seront soumis à de faibles taux nominaux d’imposition.

d. Entités exclues. Conformément au champ d'application des règles GloBE, la RAI ne s’appliquera pas à certaines entités qui n’entrent pas dans le champ de la règle d’inclusion du revenu et de la règle relative aux paiements insuffisamment imposés (dès lors que certaines conditions sont remplies). Les entités actuellement pressenties pour être exclues de l'application de ces règles sont : les fonds d’investissement ; les fonds de pension, les entités publiques (y compris les fonds souverains) ; les organisations internationales et les organisations à but non lucratif.

e. Seuil de matérialité. Pour faire en sorte que la RAI cible les structures qui posent les plus grands risques de transfert de bénéfices et soit simple à gérer et à respecter, on envisagera de fixer un seuil de matérialité basé sur un ou plusieurs des éléments suivants : taille du groupe d’EMN, valeur des paiements couverts, et ratio des paiements couverts rapportés au total des dépenses.

f. Seuil de déclenchement fondé sur un taux nominal ajusté. La règle se déclenchera lorsqu’un paiement est soumis à un taux d’imposition nominal dans la juridiction du bénéficiaire qui est inférieur au taux minimum, après prise en compte de certaines variations permanentes de la base d’imposition qui sont directement liées au paiement ou à l’entité bénéficiaire. Cette approche est cohérente avec la conception d'une règle fondée sur les paiements ; l’application d’un test du taux effectif d'imposition à chaque paiement serait excessivement complexe à gérer et à respecter.

g. Approche fondée sur un impôt supplémentaire à concurrence d’un impôt minimum. La règle aura pour effet de permettre à la juridiction du payeur d'appliquer un impôt complémentaire afin de porter l’impôt sur le paiement au niveau du taux minimum convenu, en interagissant de façon coordonnée avec le taux de retenue éventuellement prévu par la convention. Étant donné que la règle s'applique au montant brut du paiement, l’impôt supplémentaire sera plafonné de manière à éviter toute imposition excessive.

574. Les cinq premières composantes délimitent le champ d'application de la règle autonome et les deux dernières déterminent les conditions dans lesquelles elle s'applique et l’effet qu’elle produit. Les éléments évoqués ci-dessus sont présentées plus en détail ci-après.

575. De par la nature des conventions fiscales bilatérales, la RAI s'appliquera au niveau de l’entité (personne résidente d’une juridiction contractante) et aux paiements individuels (éléments de revenu). Conformément à la conception d’ensemble du deuxième Pilier, et sous réserve de l’examen des risques associés à certains types de gains en capital, la RAI s'appliquera uniquement aux paiements entre des parties qui sont sous contrôle commun, et pas aux paiements effectués par ou au bénéfice de résidents qui sont des personnes physiques.

576. Limiter le champ d'application de la règle aux paiements couverts entre personnes liées est conforme à la philosophie et à la finalité de la RAI telles qu’elles ressortent de la section 9.1. Une exigence de personnes liées garantit que la règle cible les dispositifs de planification fiscale transfrontaliers qui visent à transférer une somme de la juridiction de la source vers une structure extraterritoriale faiblement taxée, sans modification correspondante de la propriété des bénéfices sous-jacents. Appliquée à l’ensemble des paiements couverts sans tenir compte de la relation qui lie le payeur et le bénéficiaire, la RAI s'écarterait de son objectif de cibler les risques de BEPS.

577. Restreindre la portée de la RAI aux paiements entre personnes liées permet de limiter la règle aux transactions qui, selon les membres du CI, posent les risques de BEPS les plus élevés. Une exigence de personnes liées garantit l’existence d’un degré suffisant de contrôle commun entre le payeur et le bénéficiaire pour que les parties puissent échafauder le type de résultat faiblement taxé visé par la règle, et d’un lien économique suffisant pour bénéficier de ce transfert de bénéfices.

578. D’autre part, étendre la règle à tous les paiements couverts, indépendamment du degré de connexion entre les parties, pourrait entraîner une imposition excessive de transactions qui ne soulèvent pas de préoccupations de BEPS. En l’absence de préoccupations liées à l’utilisation abusive des conventions1, les paiements effectués par un client tiers pour l'acquisition de services, considérés isolément, ne seraient pas interprétés comme un transfert de bénéfices du payeur vers la juridiction du bénéficiaire au sens visé par la RAI, même si ces paiements ont été faiblement taxés en vertu du droit interne de la juridiction du bénéficiaire. Dès lors, le paiement de redevances pour services à une partie non liée ne constitue pas un transfert de bénéfices, mais une dépense supportée pour le calcul du montant de ce bénéfice. Limiter la RAI aux paiements entre personnes liées permet de se prémunir contre le risque réel qu’un impôt calculé sur un montant brut supprime l’intérêt économique de ces services, ce qui fausserait les décisions de prix et d'achat du payeur.

579. Le test fondé sur les personnes liées est cohérent avec d'autres caractéristiques de conception de la règle, comme la définition des paiements couverts, qui cible certaines catégories de transactions impliquant un transfert de risques, d'actifs ou de capital au sein d’un groupe, et dont le prix est difficile à déterminer sous l’angle des prix de transfert2. Il est également en phase avec le mode opératoire des autres règles GloBE telles que celles appliquées aux entités orphelines.

580. Une RAI qui n’intégrerait pas une exigence de personnes liées pourrait être difficile à appliquer et entraîner des résultats instables et imprévisibles pour les contribuables parce que le payeur n’est pas toujours en possession des informations requises pour déterminer si (et dans quelle mesure) la règle s'appliquera et s’il est assujetti à une retenue d’impôt en vertu de la règle.

581. Pour se conformer à la RAI, le payeur doit savoir, avant de procéder au paiement, si ce paiement est imposé à un taux supérieur au taux minimum à la charge de la contrepartie. Même si, dans certains cas, il est relativement facile pour un payeur de savoir si le bénéficiaire est imposé à un taux nominal sur un paiement, il est probable que dans diverses circonstances, le taux nominal d’imposition sur un paiement ne soit pas clairement connu3. Ces difficultés sont amplifiées dans le cas de paiements à des parties non liées, car le payeur peut se heurter à des difficultés pour se procurer les informations nécessaires pour se conformer à la règle, mais aussi parce que les incitations économiques du payeur et du bénéficiaire ne sont pas forcément les mêmes.

582. Même s’il est possible de résoudre une partie de ces problèmes - par exemple en demandant au bénéficiaire d’indiquer au payeur, lorsqu’un paiement est effectué, si ce paiement a été imposé à un taux supérieur au taux minimum - cela entraînerait des obligations en matière de documentation qui n’existent pas à l’heure actuelle pour la plupart des contrats de service. En outre, on ne sait pas précisément dans quelle mesure le payeur peut se fier aux informations communiquées par un bénéficiaire situé dans une juridiction différente. À défaut, le payeur pourrait pratiquer une retenue d’impôt sur tous les paiements et demander au bénéficiaire de solliciter un remboursement. Toutefois, cette solution entraînerait une charge fiscale supplémentaire importante sur les ventes transfrontières de services et serait contraire à la philosophie qui sous-tend la RAI, axée sur des transactions bien définies qui génèrent des risques élevés de BEPS.

583. Si, comme on le verra ci-dessous, l’État de la source peut dans certains cas utiliser divers mécanismes nationaux pour prélever l’impôt au titre de la RAI, le plus souvent les obligations de mise en conformité et de paiement incombent, du moins en partie, au payeur local. En outre, dans les situations où les parties sont des personnes indépendantes agissant en conditions de pleine concurrence et ayant des intérêts économiques divergents, le bénéficiaire peut chercher à transférer au payeur le coût supplémentaire de l’impôt dû dans l’État de la source par le biais d’une indemnité fiscale ou d’une majoration. C’est généralement le cas, par exemple, concernant les transactions de prêt à des tierces parties. Aussi, surtout dans le cas de paiements entre parties non liées, la charge économique et de mise en conformité de l’impôt est supportée par le payeur local.

584. Le risque pour le payeur d’être exposé à un impôt imprévu sous l’effet de la RAI sera accru dans les cas où le payeur et le bénéficiaire ont des intérêts divergents et ne sont pas sous contrôle commun. Par exemple, le payeur ne saura pas forcément que la PI sous-jacente concédée par une tierce partie a été transférée dans un régime fiscal préférentiel. Le payeur ne pourrait pas se prémunir contre le changement consécutif de traitement fiscal des paiements de licence sans ajouter des clauses contraignantes à l’accord de service qui limitait le droit de la contrepartie de gérer sa propre PI.

585. La définition des personnes liées suit (sous réserve des adaptations nécessaires) l’approche utilisée dans la définition d’une personne et d’une entreprise « étroitement liée » figurant respectivement à l’article 5(8) et 5(9) des Modèles de Convention fiscale de l’OCDE (OCDE, 2018[2]) et des Nations Unies (UN, 2011[1]) aux fins de l’application des dispositions relatives à l'agent indépendant et des règles d’anti-fragmentation contenues dans ces articles4. Cette règle est basée sur un critère de contrôle de facto, mais comporte également une règle secondaire qui consiste à considérer qu’un contrôle est exercé en cas de participation directe ou indirecte de 50 % ou plus. Ce critère est le même que celui appliqué aux entités orphelines à la section 8.3 ci-dessus qui est lui-même similaire à celui utilisé en comptabilité consolidée.

586. Ainsi que la section 8.3 l’explique, le critère des personnes liées examine les faits et circonstances entre les parties dans le contexte des autres dispositifs mis en place, et cherche à déterminer si la personne exerce un pouvoir suffisant sur l’entité pour influer sur le rendement de ses investissements dans cette entité. Le critère prend en compte un large éventail de facteurs affectant le contrôle pour faire en sorte qu’en pratique, un investisseur majoritaire dans une entreprise ne puisse pas rompre un lien avec une entité en mettant en place des dispositifs visant à conserver le contrôle tout en transférant la propriété du capital à d'autres personnes. Le critère des personnes liées s'étend aussi aux participations dans des coentreprises. Il s’applique aux groupes de personnes détenant le contrôle. L’exigence relative aux personnes détenant le contrôle signifie que les actions dans une entité qui sont détenues par les membres de la famille de l'actionnaire ou qui sont reçues lors de la scission d’une entreprise en faveur d’actionnaires détenant le contrôle resteront généralement sous contrôle commun, même si cette entité n’est plus consolidée dans le groupe. Le critère de facto est complété par une règle consistant à considérer qu’une personne est liée à une autre lorsque cette personne détient directement ou indirectement plus de 50 % des participations dans la deuxième personne. Le critère de contrôle présumé signifie qu’un actionnaire majoritaire n'échappe pas à la règle du simple fait qu’il n’entre plus dans le périmètre de consolidation pour d'autres raisons. Ensemble, ces trois éléments du critère des personnes liées (contrôle de facto, groupes de personnes et règle de contrôle présumé) font en sorte que deux parties qui sont liées par une relation économique significative et qui ont la capacité de structurer des accords entre elles au bénéfice de l’une ou de l’autre entreront probablement dans le périmètre du critère des personnes liées.

587. Bien que le critère du contrôle de facto procure une solide protection face aux dispositifs destinés à transférer la propriété du capital en vue de ramener la participation à un niveau minoritaire, on veillera, lors de l'élaboration des règles détaillées, à compléter ce critère par des règles anti-abus d'application mécanique ciblant les structures relais destinées à contourner l’exigence des personnes liées. Par exemple, une EMN pourrait souscrire un accord « réciproque » par lequel les paiements de revenu couvert transitent par un ou plusieurs intermédiaires non liés, avec pour effet apparent que le lien entre chaque payeur et bénéficiaire est rompu. Les règles anti-abus telles que le critère de l’objet principal codifié à l'article 29(9) des Modèles de Convention fiscale de l’OCDE (OCDE, 2018[2]) et des Nations Unies (UN, 2011[1]), offrent un recours efficace face à ce type de dispositifs, mais les Modèles et leurs Commentaires comportent un certain nombre de règles mécaniques anti-abus qui peuvent être appliquées en plus de ces règles générales pour cibler des dispositifs en particulier (comme la règle relative au fractionnement de contrats prévue au paragraphe 52 des Commentaires sur l’article 5 du Modèle de l’OCDE), et elles peuvent être intéressantes pour les administrations fiscales qui n'ont pas toujours des moyens à consacrer à des approches nécessitant plus de données. Toutefois, ces dispositions mécaniques devront être décrites plus en détail pour garantir qu’elles caractérisent et contrent efficacement l’abus ciblé, sans risquer de complexifier la conception des règles. Aussi, les travaux techniques supplémentaires dans ce domaine prendront en compte ces considérations afin de définir des règles qui soient dûment ciblées et simples à appliquer.

588. Comme la section 9.1 l’explique, la RAI s'appliquera à une liste bien définie de paiements. Les travaux accomplis à ce jour se sont concentrés sur les intérêts5, redevances et un ensemble défini d’autres paiements visant à inclure les catégories de paiements qui comportent des risques de BEPS parce qu’ils présentent des caractéristiques vulnérables à une utilisation abusive des prix de transfert ou à l’incertitude, et qu’ils sont liés à des risques, des actifs ou des capitaux mobiles. La règle comportera une liste définitive des catégories de paiements auxquels elle s’appliquera. Des travaux supplémentaires seront nécessaires pour affiner cette liste et faire en sorte que la règle soit ciblée et efficace sans engendrer une charge de mise en conformité excessive pour les contribuables, et les résultats de ces travaux seront intégrés dans l'élaboration d’une disposition type.

589. La RAI s'appliquera aux paiements d'intérêts et de redevances.

590. D'autres paiements pourraient présenter un plus grand risque de BEPS dès lors que la valeur du paiement représente pour l’essentiel la rémunération de facteurs mobiles (capital, actifs ou risques appartenant ou supportés par la personne ayant droit au paiement). À l’inverse, les paiements dont la valeur est principalement liée aux fonctions exercées par la personne ayant droit au paiement présentent un risque plus faible en matière de pratiques de BEPS. Si le prix de cette dernière catégorie de paiement peut, dans certains cas, se révéler difficile à déterminer sous l’angle des prix de transfert, ils pourraient ne pas offrir autant de possibilités d’érosion de la base d’imposition que les paiements qui représentent principalement la rémunération au titre d'éléments du capital, d’actifs ou de risques. En effet, les fonctions exercées par du personnel sont moins mobiles que la propriété ou le contrôle d'actifs, d'éléments du capital et de risques, et donc moins susceptibles de faire l’objet de stratégies de BEPS.

591. Outre les paiements d’intérêts et de redevances, la RAI s'appliquerait donc aux catégories suivantes de paiements qui reposent principalement sur ces caractéristiques mobiles :

a. une redevance ou un autre paiement en contrepartie de l’utilisation ou du droit d’utiliser des actifs incorporels en combinaison avec des services ;

b. une prime d’assurance ou de réassurance ;

c. une garantie, une commission de courtage ou de financement ;

d. un loyer ou un autre paiement en contrepartie de l’utilisation ou du droit d’utiliser un bien mobilier ;

e. un montant payé ou retenu par le bénéficiaire en contrepartie de la fourniture de services de commercialisation, d'approvisionnement, d’agence ou d'intermédiation.

592. Ces paiements ont été identifiés en appliquant les principes exposés ci-dessous, et visent à doter les juridictions d’un outil pour faire face aux dispositifs ayant pour but de transférer des bénéfices vers des structures à faible fiscalité au sein du groupe. Ces structures fiscales ont été identifiées au préalable par leurs administrations fiscales. Chacune de ces catégories de paiement est décrite plus en détail ci-après.

593. Aucune de ces catégories ne s’applique aux paiements qui font partie du revenu d'un établissement stable dans l'État de la source ou qui sont effectués en contrepartie de l’utilisation d'un actif qui fait partie des actifs d’un établissement stable dans l'État de la source. En effet, l'État de la source détient un droit d'imposition antérieur sur les bénéfices de l'établissement stable en vertu de l’article 7. Cette règle serait codifiée dans le texte de la RAI.

594. Un paiement qui n'appartient pas aux catégories (a) à (e) énumérées ci-dessus ne serait pas couvert par la RAI. En outre, la RAI ne s'appliquera pas aux paiements relevant de ces catégories si le paiement génère un faible rendement (voir la section consacrée à l’exclusion des paiements à faible rendement).

595. Définir la liste des paiements couverts en se référant aux composantes qui génèrent de la valeur et établir une exclusion fondée sur le rendement généré pour le bénéficiaire permet de garantir que la RAI cible les paiements pertinents qui posent le plus de risques de BEPS et offre un certain nombre d'avantages :

  • l'approche est relativement simple ;

  • l’inclusion des paiements dont la valeur a pour origine un actif important est cohérente avec l’inclusion des redevances dans le champ d’application des paiements couverts ;

  • l’inclusion des paiements dont la valeur a pour origine un risque important est cohérente avec le fait que l’acceptation d’un risque accru serait compensée par une augmentation du rendement escompté, sachant que le rendement effectif augmentera ou n’augmentera pas suivant le degré de matérialisation effective des risques ;

  • le fait d’exclure les paiements à faible rendement dont la rémunération, exprimée sur la base des coûts majorés, ne dépasse pas une certain marge limite le risque d’imposition excessive par rapport aux bénéfices économiques dès lors que la règle fonctionne comme une retenue à la source sur le montant brut du paiement effectué ;

  • l’exclusion des paiements à faible rendement est conforme à l’approche simplifiée décrite au chapitre 7 des Principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert proposée pour les services à faible valeur ajoutée ;

  • l’exclusion des services à faible rendement pourrait laisser la possibilité aux contribuables et aux administrations fiscales d’apporter la preuve a posteriori que le paiement a ou n’a pas généré un faible rendement sur les coûts, ce qui est susceptible de faciliter l’administration de la règle.

596. Les travaux qui seront engagés pour élaborer les règles détaillées porteront sur la définition et la délimitation de chacune des catégories de paiement figurant dans la liste. Il s'agira notamment de déterminer dans quelle mesure les honoraires de gestion et les paiements en contrepartie de services techniques intellectuels sont couverts.

597. En vertu d’un accord de franchise, un membre d’un groupe d’EMN peut accepter de fournir une combinaison de services et d’actifs incorporels à une entreprise associée en contrepartie d’une redevance unique (une « redevance de franchise »)6. Le franchiseur peut avoir développé des actifs incorporels (marque de commerce, savoir-faire par exemple) qu’il concède au franchisé, avec des services supplémentaires, en contrepartie d'une redevance, telle qu’un pourcentage des recettes du franchisé.

598. D'autres accords similaires peuvent donner lieu à des paiements en contrepartie « de l’utilisation ou du droit d’utiliser des actifs incorporels en combinaison avec des services ». Par exemple, ces paiements pourraient être effectués en contrepartie du droit d'utiliser une technologie détenue par une personne liée qui rend des services au payeur sur la base de l’utilisation de cette technologie. Autre exemple : un paiement en contrepartie de l’utilisation d'un logiciel lorsque le fournisseur rend un service annexe tel qu’un soutien technique, un service de personnalisation et de maintenance qui est accompli par la même personne liée. Le payeur pourrait acquitter une redevance unique couvrant l’utilisation du logiciel et des services associés.

599. Si les services intragroupe associés peuvent être rendus par une personne liée qui bénéficie d'un régime de faible imposition, un groupe d’EMN pourrait organiser sa structure de manière à ce que la propriété de cet actif incorporel soit transférée à cette personne liée faiblement taxée, qui concéderait alors l'actif sous licence et rendrait les services combinés en contrepartie d'une redevance unique, ce qui pourrait générer un rendement élevé.

600. Si le paiement est effectué dans le cadre d'un contrat mixte et comprend des redevances7, le contrat pourrait être scindé entre plusieurs composantes (redevances + paiement d'un service). Dans ce cas, la RAI s'appliquera uniquement aux composantes qui entrent dans son périmètre8. En supposant que le paiement peut être scindé entre une redevance et un paiement d'un service, les principes suivants s'appliqueront :

  • Lorsque la convention attribue à l'État de la source un droit d'imposition de redevances, la disposition conventionnelle existante et la RAI s'appliqueront à la redevance, et l'État de la source sera autorisé à taxer la redevance au niveau du taux prévu par la convention ou du taux d'impôt supplémentaire, le plus élevé des deux étant retenu. Cet ordre est cohérent avec la règle de hiérarchie décrite à la section 9.3.2 ci-dessous.

  • Le solde du paiement (les services) entrera dans le périmètre de la RAI s’il constitue, considéré isolément, un paiement couvert qui n’est pas un paiement à faible rendement.

601. Les primes d’assurance ou de réassurance sont des paiements effectués en contrepartie de la couverture d'un risque qui sinon serait supporté par l'assuré. Cet accord transfère la prise en charge du risque assuré à l’assureur, de sorte que si le risque se concrétise, l’assuré n’en supportera pas les conséquences financières. Les risques peuvent aussi être transférés d'une personne liée à une autre via cet accord. Si le risque ne se concrétise pas, la prime d’assurance ou de réassurance peut générer un rendement élevé. Les services d'assurance ou de réassurance rendus par des personnes liées, comme une compagnie d’assurance captive, sont généralement plus rentables que d'autres services d'assurance ou de réassurance. En outre, il peut être difficile de trouver des transactions indépendantes comparables pour déterminer si le prix de ces transactions est de pleine concurrence.

602. Dans le cas où la prime d'assurance ferait partie des bénéfices imposables d'un établissement stable situé dans la juridiction de la source, cette prime serait imposable dans la juridiction de la source et ne serait pas soumise à la RAI. Le Modèle de Convention fiscale de l’OCDE (OCDE, 2018[2]) indique par exemple qu’une entreprise d'assurance est considérée comme ayant un établissement stable dans l'État où elle perçoit des primes ou assure des risques sur ce territoire par le biais d'un agent9. Une exception est toutefois prévue pour les primes de réassurance. En pareille situation, l’existence d’un ES peut être évitée en rendant des services de réassurance à des assureurs locaux (liés si possible) au lieu de rendre des services d'assurance directement aux clients finals. La RAI pourrait s'appliquer à ces primes de réassurance si les autres conditions pour appliquer la règle sont réunies.

  • Commission de garantie

603. Une garantie s’entend comme un engagement juridiquement contraignant de la part du garant à assumer une obligation spécifique en cas de manquement à cette obligation par le débiteur bénéficiant de la garantie. Dans le contexte d'un groupe d’EMN, un garant qui est une partie liée peut garantir le prêt octroyé par un prêteur indépendant et souscrit par une personne liée. Le garant qui fournit une garantie explicite s’expose à un risque supplémentaire, dans la mesure où il s’engage juridiquement à se substituer à l’emprunteur en cas de défaut de paiement de celui-ci. Le garant peut subir une perte si le risque se concrétise, mais la prime de garantie peut générer un rendement élevé si l’emprunteur ne manque pas à son obligation. Les risques assumés par le garant peuvent être transférés dans une juridiction à faible fiscalité, à condition que le garant ait la capacité financière de les assumer.

  • Frais de courtage

604. Un courtier agit comme intermédiaire pour faciliter une transaction, en contrepartie d'une commission ou de frais de courtage. Cette transaction suppose l'accès à un actif incorporel et son utilisation (la liste des clients et des fournisseurs, par exemple). Lorsqu’un courtier agit pour le compte de personnes liées, le développement de la liste des clients ou des fournisseurs composée de personnes liées n'a probablement pas nécessité de grands efforts. Cet actif incorporel peut avoir été transféré au courtier et bénéficier d’un régime de faible imposition.

605. Il peut être difficile de trouver des transactions comparables fiables au service de courtage intragroupe qui est rendu, ce qui rend difficile de déterminer si le prix des transactions intragroupe est de pleine concurrence. Lorsque les frais de courtage représentent un certain pourcentage de la transaction sous-jacente (et ne sont pas basés sur les coûts du prestataire de services), la transaction peut générer un rendement élevé.

  • Frais de financement

606. Lorsqu’une entreprise emprunte de l'argent, en recourant à un prêt ou à une obligation, elle encourt généralement des frais de financement. Ce sont des frais payés par l’emprunteur à des intermédiaires ou à des personnes qui participent au montage du financement. Si une personne liée participe au montage du financement, elle peut aussi facturer des frais de financement intragroupe.

607. Il peut être difficile de trouver des transactions comparables fiables aux frais de financement, ce qui rend complexe de déterminer si le prix des transactions intragroupe est de pleine concurrence. Lorsque les frais de financement représentent un certain pourcentage de la transaction sous-jacente (et ne sont pas basés sur les coûts du prestataire de services), la transaction peut générer un rendement élevé.

608. Cette catégorie englobe les paiements de loyer pour un bien mobilier et s'applique, par exemple, lorsque ce bien est détenu par une personne liée qui bénéficie d'un régime de faible imposition et est utilisé par une autre personne liée. La propriété de ce bien mobilier peut être transférée au sein du groupe, alors qu’il peut être difficile de trouver des transactions comparables fiables pour l’utilisation de ce bien mobilier lorsqu'il est relativement unique et essentiel aux activités du loueur. Par exemple, une entreprise active dans les industries extractives pourrait transférer la propriété d’une installation de forage à une filiale faiblement taxée qui louerait ce bien à d'autres personnes liées et percevrait un loyer. Lorsque le loyer n’est pas basé sur les coûts des filiales faiblement taxées, la transaction peut générer un rendement élevé.

609. Cette catégorie couvre les services d'agence ou d’intermédiation tels qu’une agence marketing, les services d'approvisionnement ou d'autres services d'intermédiation centralisés lorsque leur valeur résulte principalement de l’utilisation d'un actif incorporel, comme une liste de clients ou de fournisseurs.

610. Les paiements couverts par cette catégorie peuvent être soit effectués en faveur de l’intermédiaire (par exemple dans le cas d'une commission payée à un agent commercial pour les ventes à des clients qu’il a présentés au vendeur intragroupe), soit conservés par l’intermédiaire (par exemple dans le cas d’une commission d'achat qui est intégrée au prix des produits qui sont acquis pour le compte des autres filiales)10. Cette différence de conditions de paiement est sans effet sur le fait que ces paiements sont couverts par la RAI.

611. L’une des composantes sous-jacentes de ces paiements est l’accès à un actif incorporel et son utilisation (la liste des clients et des fournisseurs, par exemple). Lorsque les fonctions intermédiaires associées sont mobiles, un groupe d’EMN pourrait se structurer de manière à transférer la propriété de cet actif incorporel à une personne liée faiblement taxée, qui pourrait alors prétendre à la commission d'intermédiaire, ce qui pourrait générer un rendement élevé.

612. D’autres services de commercialisation, d'agence et d’intermédiation pourraient tirer principalement leur valeur des fonctions exercées, par exemple une étude de marché. On s'attend à ce que ces services génèrent un faible rendement et soient couverts par l’exclusion applicable aux paiements à faible rendement (voir ci-dessous).

613. Bien que les paiements au titre des catégories énumérées de paiements couverts présentent, de par leur nature, des risques apparents d'érosion de la base d'imposition et de transfert de bénéfices, la RAI doit être ciblée et minimiser les contraintes administratives et de mise en conformité. Aussi, la règle prévoit d’exclure les paiements relevant de ces catégories dès lors que ces paiements génèrent un faible rendement (paiements à faible rendement). Un paiement est à faible rendement lorsqu’il est calculé en référence aux coûts supportés par le bénéficiaire pour obtenir ce paiement11, ou qu’il peut être calculé sur la base des coûts majorés, et lorsque la marge n’est pas supérieure à un pourcentage convenu.

614. Combinée à un seuil de matérialité tel que décrit plus loin dans cette section, cette exclusion permettrait de s’assurer que la RAI cible bien les structures d’optimisation fiscale transfrontières qui tirent profit d’une faible imposition dans leur juridiction de résidence pour y transférer d’importants montants de bénéfices provenant de la juridiction de la source.

615. L’exclusion des paiements à faible rendement a pour effet d’axer la RAI sur les seuls paiements qui génèrent un rendement élevé. Les activités qui offrent une faible rentabilité pour le bénéficiaire sont les moins susceptibles de comporter un risque d’érosion de la base d’imposition pour la juridiction du payeur. La RAI ne s’appliquera pas lorsque le contribuable est en mesure d’apporter la preuve que les paiements génèrent un faible rendement (lorsque la marge sur les coûts supportés par le bénéficiaire est inférieure à un certain pourcentage). Ce critère de la marge sera appliqué indépendamment du fait que la méthode de détermination des prix de transfert est une méthode du coût majoré ou une autre méthode dont le résultat produit une marge sur coûts équivalente. Toutefois, l’application du critère de la marge aux fins de l’exclusion des paiements à faible rendement ne supprime ni n’affecte l’exigence normale d'appliquer les règles d’établissement des prix de transfert, comme pour tout autre paiement intragroupe, y compris les principes qui régissent le choix et l’application d’une méthode appropriée de calcul des prix de transfert.

616. Il y a lieu de penser que seraient généralement exclus à ce titre les paiements ayant déjà fait l’objet d’une analyse comparative des prix de transfert, ce qui serait cohérent avec les régimes de protection utilisés par les membres du Cadre inclusif. Pour concevoir les règles détaillées qui codifieront la RAI, des travaux techniques supplémentaires seront entrepris en vue d’identifier les circonstances dans lesquelles cette restriction s'appliquerait - y compris le calcul de la base de coûts et du pourcentage de marge - et les simplifications qui pourraient être apportées à la conception de cette composante de la règle.

617. Aux fins de la règle d’inclusion du revenu et de la règle relative aux paiements insuffisamment imposés, dès lors que certaines conditions sont remplies, il est proposé que les entités suivantes ne soient pas considérées comme des entités constitutives d’un groupe d’EMN (et soient par conséquent exclues du périmètre de ces règles) : fonds d'investissement, fonds de pension, entités publiques (y compris les fonds souverains), organisations internationales et organisations à but non lucratif. Conformément à l’exclusion de ces entités du périmètre de la règle d’inclusion du revenu et de la règle relative aux paiements insuffisamment imposés, la même exclusion pourrait s’appliquer aux fins de la RAI.

618. Ces entités exclues ont toutes une finalité et un statut spécifiques aux termes de la loi de la juridiction dans laquelle elles sont créées ou établies. Il est probable qu’en raison de ce statut, l’entité soit exonérée de l’impôt interne sur le revenu afin de pouvoir mener à bien sa mission conformément à la législation de la juridiction régissant cet impôt. Les résultats fiscaux internes peuvent être conçus, par exemple, de sorte à n’appliquer qu’une seule strate d’imposition aux véhicules utilisés par les investisseurs (fonds, par exemple) ou aux plans de retraite des salariés, ou parce que l’entité exerce des fonctions publiques ou semi-publiques. Les objectifs de politique fiscale d’une telle exonération fiscale nationale accordée à ce type d’entités ne sont pas incohérents avec ceux des règles GloBE, pas plus qu’ils ne créent de distorsion de concurrence susceptible de compromettre la réalisation de l’objectif fiscal poursuivi par GloBE. Le fait d’imposer les bénéfices de telles entités en vertu des règles GloBE compromettrait la réalisation des objectifs que la juridiction concernée cherche à atteindre en accordant une exonération, sans pour autant aller dans le sens de la mise en œuvre des objectifs de politique fiscale des règles GloBE.

619. Des considérations similaires s'appliquent dans le contexte des conventions fiscales bilatérales, et de ce qui est reconnu dans le Modèle de l’OCDE et les Commentaires de celui-ci.

a. Les paragraphes 22 à 48 des Commentaires sur l’article 1 couvrent des questions liées aux organismes de placement collectif et, sachant qu’en vertu de la législation nationale ces organismes peuvent être exonérés d'impôt, être imposés sur une base réduite (souvent nulle) en bénéficiant de déductions au titre des revenus distribués aux investisseurs ou être imposés à des taux spéciaux faibles, cherchent à préciser leur droit aux avantages conférés par les conventions en tant que personnes qui sont « assujetties à l’impôt » et qui sont les détenteurs effectifs de leur revenu.

b. En 2017, l'article 4(1) du Modèle a été révisé pour inclure expressément un « fonds de pension reconnu », qui peut être conditionnellement exonéré d’impôt en vertu du droit interne, dans la définition d'un résident assujetti à l’impôt et à première vue éligible aux avantages de la convention.

c. Les paragraphes 49 à 53 des Commentaires sur l’article 1 et le paragraphe 8.5 des Commentaires sur l’article 4 examinent le droit aux avantages prévus par les conventions des entités établies et détenues exclusivement par un État ou l’une de ses subdivisions politiques ou collectivités locales, y compris les fonds souverains, et soulignent que ces entités sont souvent exonérées d'impôt, tandis que le paragraphe 8.11 des Commentaires sur l’article 4 examine des questions similaires en lien avec les organismes caritatifs et autres organismes qui peuvent être exonérés d’impôt.

620. De nombreux États incluent des dispositions dans leurs conventions fiscales bilatérales ou interprètent et appliquent leurs conventions fiscales bilatérales de façon à traiter ces entités comme des résidents. Ces conventions peuvent aussi inclure des dispositions qui accordent des exemptions ou des réductions de l’impôt dans la juridiction de la source de ces entités, nonobstant le fait qu’elles peuvent être exemptées dans leur juridiction de résidence, au regard des principes exposés ci-dessus. En pareils cas, l’application du critère d’assujettissement à l’impôt à ces entités serait donc contraire à cet objectif politique.

621. Naturellement, les juridictions sont libres de choisir la réponse qu’elles souhaitent apporter à ces questions dans leurs négociations bilatérales et peuvent, ainsi que le reconnaît le paragraphe 8.12 des Commentaires sur l’article 4, estimer que les entités qui sont exonérées d'impôt en vertu du droit interne ne sont pas des résidents éligibles aux avantages ou, comme le prévoit le paragraphe 8.9 des Commentaires sur l'article 4, choisir d’omettre la référence à un « fonds de pension reconnu » à l'article 4(1). S'agissant de l’application du principe d’immunité des États aux organismes publics, le paragraphe 52 des Commentaires sur l’article 1 souligne que la plupart des États n’appliqueraient pas ce principe aux activités d’entreprise exercées par ces entités.

622. L’examen de ces exclusions dans le contexte de la RAI sera actualisé à mesure que les discussions avancent sur les exceptions sectorielles en lien avec les règles GloBE plus larges, avec la possibilité d'aligner le traitement de ces entités.

623. En l’absence de seuil ou de filtre, une EMN serait tenue de calculer le taux d’imposition nominal ajusté pour chaque paiement couvert effectué au bénéfice de personnes liées dans chacune des juridictions des bénéficiaires. Pour une grande EMN, il pourrait exister des milliers de paiements pour lesquels il l’existe pas de ligne distincte dans les états financiers. Dans la mesure où le cadre de la politique fiscale l’autorise, et conformément aux objectifs plus vastes du Pilier, la règle d’assujettissement à l’impôt devrait être conçue de manière à minimiser les procédures de mise en conformité. En outre, la règle d’assujettissement à l’impôt a vocation à servir à dissuader les EMN de se structurer de manière à exploiter la répartition des droits d’imposition conformément à une convention dans le but d’effectuer des paiements ayant pour effet d'éroder la base d'imposition à la faveur du faible niveau d’imposition en vigueur dans l’autre juridiction contractante. Il est peu probable que les EMN acceptent de supporter les coûts de la mise en place d’une telle structure si celle-ci ne leur procure pas des avantages fiscaux importants. L’application d'un seuil ou d’un filtre pourrait permettre d’exclure du champ d’application de la règle les paiements ne produisant que des avantages fiscaux minimes.

624. Des considérations similaires peuvent justifier l’affectation des ressources consacrées à la vérification par les administrations fiscales aux dossiers pour lesquels le montant de l’impôt en jeu légitime des interventions coûteuses. C’est pour cette raison que les administrations fiscales prévoient des seuils de ce type dans leurs régimes d’imposition nationaux de façon à exclure, par exemple, les petites et moyennes entreprises du champ d’application de la législation sur les prix de transfert ou à appliquer des régimes de protection aux paiements intragroupe n’excédant pas un montant donné. Dans le chapitre B.4.5.2 du Manuel pratique sur les prix de transfert des Nations unies, deux régimes de protection susceptibles d’être utilisés par les administrations fiscales sont décrits : un régime de protection visant les services de faible valeur sans aucun lien avec l’activité principale de l’entreprise ; et un régime de protection visant les dépenses de faible montant ; et il est précisé que la raison d’être de ces régimes réside dans le risque d'une disproportion éventuelle entre les frais administratifs et coûts de mise en conformité et le montant de l’impôt en jeu.

625. L’un des moyens de répondre à ces considérations relatives au respect de leurs obligations fiscales par les contribuables et à la charge pour les administrations serait de prévoir, dans le cadre des règles détaillées gouvernant l’application de la règle d’assujettissement à l’impôt, un seuil en dessous duquel cette règle ne s’appliquerait pas. Cette méthode garantirait en outre une meilleure sécurité juridique en matière fiscale. Néanmoins, il y a également lieu de reconnaître que la définition d’un risque significatif peut varier entre grandes et petites juridictions. Et que la gestion de l’application d’un seuil peut, en soi, être source de complexité et générer des coûts, en particulier pour les administrations fiscales dotées de faibles capacités.

626. Il existe diverses manières de concevoir un seuil de matérialité pouvant être utilisées séparément ou associées, et trois méthodes sont examinées dans les paragraphes qui suivent. Le choix d’une méthode se fera en fonction des niveaux à partir desquels on estime probable qu’une EMN décide d’adopter des dispositifs lui permettant de tirer profit d'une faible imposition et en fonction de l’adéquation au risque de la répartition des ressources des administrations fiscales.

627. La règle d’inclusion du revenu et la règle relative aux paiements insuffisamment imposés s’appliquent aux groupes d’EMN qui atteignent le seuil de 750 millions EUR adopté par le Cadre inclusif au titre de l’Action 13 du Projet BEPS sur la déclaration pays par pays. Parce que la règle d’assujettissement à l’impôt constitue une règle conventionnelle autonome, il n’est pas nécessaire que son application soit limitée aux groupes atteignant le seuil de taille.

628. Un tel seuil est facile à gérer et à appliquer, en particulier dans le contexte d’une règle fondée sur les paiements, car il n’exige pas d’informations qui pourraient ne pas être disponibles au moment du paiement ou pendant la période durant laquelle un paiement est effectué, ce qui est clairement un avantage tant pour les administrations fiscales que pour les contribuables. Bien qu'il ne soit pas nécessaire d’aligner le seuil basé sur la taille applicable aux fins de la règle d’assujettissement à l’impôt sur le seuil de 750 millions EUR applicable aux fins des règles GloBE, celui-ci ne devrait toutefois pas être fixé à un niveau trop bas compte tenu du fait que le risque que des paiements importants ayant pour effet d'éroder la base d'imposition soient effectués est plus faible dans les groupes de plus petite taille. Il semble clair par exemple que les microentreprises et les petites et moyennes entreprises (PME)12 devraient être exclues du champ d’application de la règle. Un certain nombre de juridictions prévoient dans les règles en vigueur au niveau national, qu’il s’agisse des règles en matière de prix de transfert ou d’autres règles, des exclusions pour les PME fondées sur des critères de matérialité similaires.

629. La règle d’assujettissement à l’impôt met l’accent sur un ensemble défini de paiements transnationaux entre des personnes liées autres que des personnes physiques et permet donc de répondre aux risques particuliers inhérents au contexte d'un groupe d’EMN. Il serait de ce fait cohérent d’établir un seuil fondé sur les caractéristiques des groupes d’EMN de façon à cibler les groupes d’EMN qui présentent le plus de risques d’adopter des structures de BEPS afin de tirer parti de faibles niveaux d’imposition, et qui sont le plus à même de le faire.

630. Parce que la RAI vise principalement des catégories particulières de paiements transnationaux entre des personnes liées présentant un risque de BEPS, le seuil de matérialité pourrait être fixé en référence à la valeur de ces paiements au titre d'une année. Lorsque la valeur en euros des paiements couverts effectués en faveur de personnes liées dans l’autre juridiction contractante excéderait un montant fixe au titre d'une année, la RAI s’appliquerait. Le critère s’appliquerait à tous les paiements couverts indépendamment du traitement fiscal qui leur serait appliqué. Le seuil pourrait être échelonné en référence au PIB, de sorte qu'il soit plus bas pour les économies de petite taille, afin de tenir compte du fait que la définition d’un risque significatif peut varier entre grandes et petites juridiction, et être déterminé en fonction des régimes de protection existants. Il est question par exemple dans le Manuel pratique sur les prix de transfert des Nations unies des régimes de protection applicables aux « dépenses de faible montant » et dans l’exemple 20, un seuil de 750 000 EUR est évoqué.

631. Une méthode reposant sur la valeur annuelle des paiements soulève des questions d’administration et de discipline fiscale lorsque la valeur totale des paiements effectués au cours d’une année n’est pas connue et ne peut être déterminée au moment où un paiement donné est effectué. Pour y répondre, il serait possible de déterminer si le seuil est franchi au titre d’une année donnée à partir de la valeur moyenne des paiements couverts en faveur de [personnes liées] dans l’autre juridiction contractante au cours des trois années précédentes. Lorsque cette valeur moyenne excèderait le seuil, la RAI s’appliquerait à l’ensemble des paiements couverts effectués au titre de l’année en cours. Cette méthode pourrait cependant aboutir aussi bien à une surévaluation qu’à une sous-évaluation de la retenue d’impôt - lorsque (bien que le seuil soit franchi sur la base de la moyenne sur trois ans) le montant des paiements effectués pendant une année passerait finalement en deçà, ou inversement au-dessus du seuil - et faire craindre une retenue d’impôt éventuellement excessive et un retard potentiel dans le remboursement. Les méthodes administratives visant à éliminer ou atténuer ces problèmes, notamment par l’application de l’impôt supplémentaire, sous la forme d’un prélèvement annuel, à une assiette calculée a posteriori, sont examinées dans la section 9.3.4 ci-après. Autre solution, la RAI pourrait s’appliquer de manière prospective à des paiements ultérieurs dès lors que le montant des paiements effectués pendant une période aurait franchi le seuil.

632. Selon cette méthode, la RAI ne s’appliquera pas lorsque le montant total des paiements couverts que le payeur a effectués (ou est censé avoir effectués) en faveur de personnes liées dans l’autre juridiction contractante au cours de l’exercice comptable du payeur, exprimé en pourcentage des dépenses totales, a été inférieur à un ratio donné. Dans une perspective d'évaluation du risque, le seuil pourrait être conçu comme un moyen de mesurer si le payeur effectue, au cours d’une période déterminée, un volume suffisant de paiements couverts (tels que définis ci-dessus) en faveur de parties liées situées dans l’autre juridiction contractante pour justifier une intervention de la juridiction de la source et permettre une affectation efficace par rapport au risque des ressources de l’administration fiscale d'une juridiction. Le seuil a vocation à permettre de cibler la RAI en excluant de son champ d'application les dispositifs entre personnes liées qui ne sont généralement pas censés donnant lieu à des préoccupations en matière de BEPS. De même que la méthode fondée sur une valeur exprimée en euros décrite précédemment, ce critère de matérialité tiendrait compte de tous les paiements couverts et s'appliquerait indépendamment du traitement fiscal de chaque paiement dans la juridiction du bénéficiaire.

633. Le seuil serait atteint lorsque (i) le montant total des paiements couverts que le payeur a effectués (ou est censé avoir effectués) [en faveur de personnes liées] dans l’autre juridiction contractante rapporté (ii) aux dépenses totales du payeur hors coût des marchandises dépasserait un certain pourcentage. Pour qu’il soit possible de calculer ce ratio au moment où le paiement est effectué, le montant pris en compte pourrait être, pour les paiements comme pour les dépenses, une moyenne calculée sur les trois années précédentes. Cette méthode soulève des questions d’administration et de mise en conformité fiscale, à l’instar de celle fondée sur une valeur exprimée en euros décrite précédemment, et les parades éventuelles sont examinées dans la section 9.3.4 ci-après. Là encore, la RAI pourrait s’appliquer de manière prospective aux paiements ultérieurs dès lors que le pourcentage de paiements effectués pendant une période aurait franchi le seuil.

634. Les deux méthodes, celle fondée sur une valeur exprimée en euros, et celle basée sur un ratio, pourraient toutefois également comporter une règle anti-fragmentation qui empêcherait l’EMN de scinder les paiements relevant du même dispositif entre plusieurs payeurs dans l’État de la source pour ne pas atteindre le seuil.

635. En s’attachant à concilier ces considérations, les membres du Cadre inclusif continueront de mener d’autres travaux techniques portant sur la conception d’un seuil de matérialité en suivant un canevas qui les conduira à étudier plusieurs options :

  • un seuil basé sur la taille de l’EMN ;

  • un seuil basé sur une valeur échelonnée, exprimée en EUR, des paiements ; et

  • un seuil basé sur un ratio ;

lesquels pourraient être appliqués séparément ou simultanément.

636. L’évaluation de ces méthodes se fera en fonction des niveaux à partir desquels on estime probable qu’une EMN décide d’adopter des dispositifs lui permettant de tirer profit d'une faible imposition et en fonction de l’adéquation au risque de la répartition des ressources des administrations fiscales. Il sera également tenu compte du fait que l’application d’un seuil a pour but de simplifier le fonctionnement de la RAI et d’en cibler l’application en fonction d'une évaluation du risque et ce, en excluant de son champ d'application les dispositifs entre personnes liées qui ne sont généralement pas censés donner lieu à des préoccupations en matière de BEPS. Un seuil comme celui-ci jouerait le rôle de filtre facilement utilisable pour déterminer si la RAI doit s’appliquer dans un cas particulier compte tenu des objectifs des pouvoirs publics, à savoir que la règle devrait être simple à appliquer tant pour les contribuables que pour les administrations fiscales, et ne devrait pas donner lieu à des frais administratifs, ni des coûts de mise en conformité inutiles.

637. La règle se déclenchera lorsqu’un paiement couvert est soumis à un taux nominal d’imposition dans la juridiction du bénéficiaire qui est inférieur au taux minimum convenu, après prise en compte de certaines variations permanentes de la base d’imposition. Une règle qui aurait pour but de déterminer le taux effectif d'imposition appliqué à un paiement ou une transaction en particulier (après prise en compte des déductions éventuelles) serait excessivement complexe tant sur le plan administratif que sur celui de la mise en conformité. Privilégier un critère fondé sur un taux nominal d’imposition simplifie l’application de la règle, notamment dans le contexte des autres mécanismes de la règle (comme la retenue supplémentaire) qui sont examinés plus en profondeur ci-après.

638. Il serait très difficile d’utiliser un critère fondé sur un taux effectif d’imposition dans le cas d’une retenue à la source car un tel critère mesure l’impôt prélevé sur le bénéfice net d’une entité au cours d’un exercice comptable défini, et qu’il ne serait pas possible de déterminer le taux effectif d’imposition dans la juridiction du bénéficiaire au moment où un paiement est effectué (et où la retenue à la source devrait être prélevée). Un critère de taux nominal d’imposition est plus facile à gérer pour les administrations fiscales (surtout celles qui sont dotées de faibles capacités) et plus conforme à l’objectif de la RAI, à savoir cibler des situations de faible imposition de paiements spécifiques.

639. La RAI étant une règle conventionnelle, les impôts qui seront pris en compte aux fins de l’application du critère du taux nominal seront ceux couverts aux fins de la convention, tels que définis dans la convention par des dispositions équivalentes à celles de l’article 2 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE (OCDE, 2018[2]). Ces impôts ne correspondront peut-être pas à ceux considérés comme des impôts couverts aux fins des règles GloBE, mais cela est conforme à la nature des conventions fiscales bilatérales, lesquelles prévoient des règles définissant leur propre champ d’application (notamment les personnes et les impôts visés).

640. Une règle qui ferait uniquement référence au taux légal appliqué à un paiement sans tenir compte des dispositions spécifiques qui ont pour effet de modifier le montant du paiement soumis à l’impôt risquerait toutefois de ne pas permettre d’appréhender les cas dans lesquels un paiement est soumis à un faible niveau d’imposition, et délaisserait les pays exposés à des risques de BEPS. Elle ne constituerait donc pas une réponse ciblée crédible aux craintes relatives à l'érosion de la base d’imposition qui motivent son instauration. Pour concilier ces considérations, il conviendrait de déterminer le taux nominal ajusté en partant du taux légal applicable à la contrepartie dans la juridiction du bénéficiaire, et de l’ajuster en référence à un taux préférentiel éventuel ou aux exemptions, exclusions, réductions ou majorations spéciales directement liées au paiement ou à l’entité qui en bénéficie. En multipliant le taux d’imposition réel appliqué au paiement par la fraction du paiement qui est soumise à l’impôt dans la juridiction du bénéficiaire, on obtiendrait le seuil de déclenchement fondé sur un taux ajusté. Prenons l’exemple d’une entreprise dans l’État X qui reçoit un revenu de source étrangère sous la forme d'une redevance. L'État X pourrait :

  1. a) appliquer un taux d’imposition préférentiel à ce paiement de redevance ;

  2. b) exclure un certain pourcentage du paiement de redevance de la base d'imposition ;

  3. c) appliquer un faible taux d’imposition, mais à un montant plus élevé que le revenu ;

  4. d) autoriser les entreprises résidentes à déduire les dépenses réputées associées aux paiements de cette nature, qui viennent s'ajouter aux dépenses effectives du bénéficiaire ou qui sont calculées indépendamment de celles-ci.

Dans tous ces cas, cette méthode consisterait à calculer le taux d’imposition appliqué au paiement en référence à la fraction du paiement qui est soumise à l’impôt après prise en compte de l’exclusion ou de la déduction du paiement.

641. Un taux nominal ajusté déterminé selon ces principes s'appliquerait par exemple aux juridictions à taux d'imposition faible ou nul ; aux paiements assujettis à un régime territorial dans lequel ils ne sont pas comptabilisés en tant que revenu dans l’État de résidence ; aux paiements éligibles à un régime fiscal préférentiel ou à des régimes qui offrent une exclusion totale ou partielle du revenu.

642. Cette approche ne prendrait toutefois pas en compte les déductions de la base d’imposition qui ne sont pas directement liées à l'élément de revenu ou à la catégorie à laquelle appartient le bénéficiaire. Par exemple, les ajustements tels que les super-déductions pour certaines catégories de dépenses, les déductions pour intérêt notionnel ou dividende et autres ajustements unilatéraux à la baisse du bénéfice ne seraient ainsi pas couverts par la RAI. Et les déductions des coûts représentant des dépenses effectivement supportées qui sont prises en compte dans le calcul des bénéfices du bénéficiaire ne devraient pas donner lieu à un ajustement du taux nominal. La prise en compte des déductions générales de cette nature opérées sur la base d'imposition entraînerait des difficultés insurmontables d’un point de vue conceptuel, par exemple au regard de la façon d’imputer la réduction de la base d’imposition aux différents paiements, et accroîtrait encore la complexité de l’application de la règle et les risques de différends. Elle poserait aussi la question de savoir comment prendre en compte la non-déductibilité de certaines dépenses, et notamment la question de savoir s’il y a lieu d’ajuster à la hausse le taux nominal pour tenir compte du fait que certaines charges d’intérêts peuvent ne pas être déductibles.

643. Pour élaborer les règles détaillées qui codifieront et gouverneront le fonctionnement du critère du taux nominal d’imposition ajusté, d’autres travaux seront entrepris sur la conception des mécanismes destinés à garantir que le critère s’applique de façon adéquate aux juridictions calculant leur base d’imposition autrement qu’en référence au revenu d’un résident. Ces mécanismes seront inspirés des solutions mises au point aux fins de la RIR et de la RPII et pourraient être le fruit d’adaptations réfléchies de ces solutions. La Zakat que doivent acquitter les sociétés établies dans le Royaume d’Arabie saoudite, par exemple, est un impôt basé à la fois sur les bénéfices et sur les fonds propres. Elle est prélevée au taux de 2.5 % mais, du fait qu’elle s’applique au bénéfice et au capital, le taux effectif d’imposition est plus élevé. De même, certains membres du Cadre inclusif ont des régimes d’imposition des bénéfices en vertu desquels les bénéfices d’une société ne sont pas imposés lorsqu'ils sont réalisés, mais lorsqu’ils sont distribués par la société à ses actionnaires. Dans ces juridictions, les taux légaux d’imposition peuvent être égaux ou supérieurs au taux minimum d’imposition convenu, de sorte que les bénéfices ne sont finalement pas assujettis à un faible taux d’imposition. En l’absence de distribution, les bénéfices ne sont toutefois pas assujettis à l’impôt au titre de l’année pendant laquelle ils sont réalisés. En pareil cas, il faudra adapter la conception du mécanisme du critère du taux nominal d’imposition de façon à tenir compte des caractéristiques spécifiques des régimes de ces pays. Pour les juridictions dans lesquelles l’assiette de l’impôt sur les sociétés n’est pas calculée en référence au revenu par exemple, le bénéficiaire peut être en mesure de certifier, indépendamment de la faiblesse du taux nominal, que la charge fiscale moyenne pesant sur l’ensemble de ses revenus pendant une période convenue a été supérieure au taux minimum.

644. Sous réserve de l’application d'un seuil de matérialité, comme il en a été question à la section 9.2.5 précédente, seuil qui servirait à supprimer cette obligation dans les cas où le seuil ne serait pas atteint, les contribuables, les intermédiaires effectuant la retenue à la source et les administrations fiscales devront établir le taux d’imposition nominal ajusté pour l’ensemble des paiements couverts pour déterminer si la RAI s’applique et, dans l’hypothèse où elle s’appliquerait, le taux de l’impôt supplémentaire à appliquer au paiement couvert. Si le principal mécanisme d’application de la RAI devait être une retenue à la source provisoire prélevée au moment du paiement, il serait particulièrement important que cette information puisse être confirmée à ce moment-là par le contribuable, ou par un intermédiaire effectuant la retenue à la source, pour pouvoir déterminer si et à quel taux la retenue à la source devrait être appliquée. Si les informations relatives aux taux nominaux d’imposition et les dispositions détaillées prévues par les régimes spéciaux s’appliquant à des catégories de revenus particulières dans certaines juridictions sont certes généralement disponibles – soit dans les documents publiés par l’administration fiscale compétente, soit auprès de tierces parties –, d’autres travaux seront cependant entrepris en vue de déterminer comment gérer au mieux ce mécanisme compte tenu des spécificités du régime fiscal en vigueur dans chaque juridiction.

645. En vertu des dispositions du paragraphe 1 de l’article 23 A du Modèle de convention fiscale de l’OCDE (OCDE, 2018[2]), la juridiction de résidence est tenue d’exonérer d’impôt un élément de revenu lorsque la juridiction de la source est autorisée à imposer cet élément de revenu conformément à la convention. Il s’agit de prime abord d’une exemption, d’une exclusion ou d’une réduction de la base de l’imposition directement liée au paiement ou à l’entité qui en bénéficie. Le fait de prendre en compte l’exemption prévue par la convention aux fins du calcul du taux nominal ajusté irait au-delà de la finalité guidant le fonctionnement de la RAI qui n’est pas de redistribuer les droits d’imposition entre les juridictions, mais d’autoriser les juridictions de la source à appliquer un impôt supplémentaire aux paiements couverts qui sont assujettis à de faibles taux nominaux dans la juridiction de résidence. Cette situation est illustrée par l’exemple 9.3.1A.

646. Pour régler ce problème, le droit à l’exemption prévu en vertu des dispositions de l’article 23 A du Modèle de convention fiscale de l’OCDE (OCDE, 2018[2]) ne seront pas prises en compte dans le calcul du taux nominal ajusté aux fins de la RAI.

647. Dans la mesure où des considérations similaires pourraient entrer en ligne de compte au regard de l’obligation faite à la juridiction de résidence, en vertu des dispositions du paragraphe 1 de l’article 23 B et au paragraphe 2 de l’article 23 B, d’accorder une déduction sur l'impôt qu'il perçoit au titre d'un élément de revenu d’un montant égal à l’impôt sur le revenu payé dans la juridiction de la source, le droit à déduction en vertu de ces dispositions ne sera pas non plus pris en compte pour le calcul du taux nominal ajusté aux fins de la RAI.

648. Indépendamment du droit à l’exemption ou à la déduction accordée en vertu de la clause d’élimination prévue dans une convention fiscale, cette méthode de calcul du taux nominal ajusté soulève des questions concernant les interactions entre le droit de la juridiction de la source d’appliquer un impôt supplémentaire en vertu du critère de l’assujettissement à l’impôt et l’obligation faite à la juridiction de résidence d’accorder une exemption ou une déduction au titre de cet impôt supplémentaire. Ces questions sont traitées dans la section 9.3.3 ci-après. Pour élaborer des règles détaillées, d’autres travaux techniques seront entrepris au sein du Cadre inclusif sur ces deux questions interdépendantes et sur les interactions précises avec l’obligation faite à la juridiction de résidence en vertu des dispositions des conventions fiscales relatives à l’élimination de la double imposition.

649. Étant donné que le seuil de déclenchement fondé sur le taux d’imposition nominal s'applique au montant brut du paiement, transaction par transaction, sans possibilité d'agrégation, la RAI peut, dans certains cas, entraîner un risque d’imposition excessive. Cette imposition excessive pourrait se produire, par exemple, lorsqu’un paiement couvert est effectué en faveur d’une entité soumise à un taux nul, mais qui a supporté des dépenses pour générer ce revenu. En pareil cas, l’application du TEI minimum déterminé selon la règle d’inclusion du revenu et selon la règle relative aux paiements insuffisamment imposés au montant brut du paiement pour obtenir le taux supplémentaire à appliquer à ce paiement conformément à la RAI aboutirait à un taux effectif d’imposition supérieur à ce taux minimum, voire à une imposition excessive par rapport au bénéfice économique. Afin de limiter le risque d’imposition excessive, les membres du Cadre inclusif pourraient décider de limiter le seuil de déclenchement et le montant de l’impôt supplémentaire au titre de la RAI afin que ce taux soit inférieur au TEI minimum déterminé conformément à la règle d’inclusion du revenu et à la règle relative aux paiements insuffisamment imposés.

650. La règle aura pour effet de permettre à la juridiction de la source d’appliquer au montant brut du paiement un impôt supplémentaire à concurrence d’un taux minimum d’imposition convenu. Autrement dit, la juridiction du payeur aurait la possibilité d’imposer une retenue à la source sur le paiement couvert, en appliquant un taux égal au taux minimum prévu en vertu de la RAI diminué du taux d’imposition nominal ajusté applicable à ce paiement dans la juridiction du payeur. Comme indiqué précédemment, afin d’atténuer le risque d’imposition excessive, il pourrait être justifié de limiter le seuil de déclenchement et le montant de l’impôt supplémentaire résultant de l’application de la RAI afin que ce taux soit inférieur au TEI minimum déterminé au titre de la règle d’inclusion du revenu et de la règle relative aux paiements insuffisamment imposés. Le fait d’abaisser le seuil de déclenchement et le taux de l’impôt supplémentaire résultant de l’application de la RAI réduirait le risque d’imposition excessive et viserait à obtenir une charge fiscale nette égale, ou tout au moins globalement équivalente (après déduction de tout impôt éventuellement prélevé sur le montant brut du paiement), à celle correspondant au taux effectif d’imposition minimum applicable en vertu de la règle d’inclusion du revenu et de la règle relative aux paiements insuffisamment imposés. Cela étant, et afin de se conformer à l’objectif plus général de GloBE, qui est d’éviter la double imposition et l’imposition excessive, le taux de l’impôt supplémentaire pourrait être fixé à un niveau inférieur au taux minimum convenu aux fins de la règle d’inclusion du revenu et de celle relative aux paiements insuffisamment imposés.

651. D’une manière générale, aucun impôt supplémentaire ne serait prélevé dès lors que la convention applicable prévoirait déjà un impôt à la source sur le paiement couvert. Cependant, la règle conventionnelle comporterait une disposition prévoyant l’application d’un impôt supplémentaire dès lors que la répartition des droits d’imposition serait moins favorable à la juridiction du payeur (par exemple, lorsque la convention prévoirait le prélèvement d’un faible taux d’imposition - 5 % par exemple - sur le paiement brut et que le mécanisme d’imposition supplémentaire se traduirait par un relèvement des droits d’imposition). On pourrait à cet effet intégrer dans les dispositions correspondantes un mécanisme de hiérarchisation des règles, dont l’effet serait de permettre à la juridiction du payeur d'appliquer le plus élevé des deux taux suivants : le taux fixé dans la convention et le taux d’imposition supplémentaire résultant de l’application de la RAI.

652. Cette section est consacrée à une caractéristique technique de la RAI qui devra être prise en compte dans le cadre du projet final pour éviter les effets fortuits qui pourraient résulter des interactions avec d’autres dispositions conventionnelles.

653. Comme il en a été question à la section 9.3.1 précédente, le calcul du taux nominal ajusté (et partant, le montant de l’impôt supplémentaire requis pour que ce taux atteigne le taux minimum convenu) sera effectué sans tenir compte de l’obligation faite à la juridiction de résidence d’accorder une exemption ou un crédit d’impôt en vertu des dispositions relatives à l’élimination de la double imposition figurant dans une convention fiscale conclue entre la juridiction du payeur et celle du bénéficiaire. Ce système permet d’éviter une redistribution fortuite des droits d’imposition entre les juridictions qui irait au-delà de l’effet attendu de la RAI. Néanmoins, des questions se posent également concernant les interactions entre le droit de la juridiction de la source d’appliquer un impôt supplémentaire en vertu de la RAI et l’obligation faite à la juridiction de résidence, conformément aux dispositions d’une convention fiscale relatives à l'élimination de la double imposition, d’accorder dans ces circonstances une exemption ou un crédit d’impôt.

654. En vertu des dispositions du paragraphe 1 de l’article 23 A du Modèle de convention fiscale de l’OCDE (OCDE, 2018[2]), la juridiction de résidence est tenue d’exempter un élément de revenu lorsque la juridiction de la source est autorisée à imposer cet élément de revenu conformément à la convention. Lorsque les conditions seront réunies pour que la RAI s’applique, la juridiction de la source juridiction sera autorisée, conformément aux dispositions de la convention, à appliquer un impôt supplémentaire, et la juridiction de résidence sera alors tenue, en vertu des dispositions de la clause d’élimination, d’exonérer d’impôt ce revenu. Même lorsque cette obligation n’est pas prise en compte aux fins de la détermination du taux nominal ajusté, et partant, ne vient pas majorer l’impôt supplémentaire susceptible d’être appliqué dans la juridiction de la source, la juridiction de résidence sera néanmoins privée de son droit d’imposition. Le résultat sera que seule la juridiction de la source imposera le paiement concerné, et qu’elle l’imposera au taux supplémentaire uniquement. Ce mécanisme peut être illustré en adaptant l’exemple 9.3.1A figurant à l’annexe A – voir l’exemple 9.3.3A à l’annexe A.

655. On peut considérer que ce résultat va à l’encontre de l’effet attendu de la RAI, qui n’est pas de réaffecter les droits d’imposition de la juridiction de résidence, mais d’autoriser la juridiction de la source à appliquer un impôt supplémentaire aux paiements couverts qui sont assujettis à de faibles taux nominaux dans la juridiction de résidence afin de porter l’impôt prélevé sur ces paiements au niveau du taux minimum convenu.

656. Des considérations similaires entrent en ligne de compte lorsque la juridiction de résidence est tenue d’accorder un crédit d’impôt en vertu des dispositions du paragraphe 1 de l’article 23 B ou du paragraphe 2 de l’article 23 A du Modèle de convention fiscale de l’OCDE (OCDE, 2018[2]). Même lorsque ce crédit n’est pas pris en compte dans le calcul du taux ajusté aux fins de la RAI, le droit d’imposition de la juridiction de résidence est minoré du montant du crédit qu’elle est obligée d’octroyer au titre de l’impôt supplémentaire appliqué dans la juridiction de la source. L’exemple 9.3.3B à l’annexe A illustre ce cas de figure.

657. Pour éviter des effets de cette nature, l’obligation faite à la juridiction de résidence d’accorder une exemption ou un crédit d’impôt en vertu des dispositions d’une convention fiscale relatives à l'élimination de la double imposition pourrait devenir caduque lorsque la juridiction de la source exercerait uniquement un droit d’imposition conforme à la convention du fait qu’elle appliquerai un impôt supplémentaire en vertu de la RAI. L’effet de cette méthode est illustré par l’exemple 9.3.3C figurant à l’annexe A. Il n’y aurait alors aucune réaffectation des droits d’imposition de la juridiction de résidence et, compte tenu de la limitation résultant du fait que la juridiction de la source peut seulement appliquer un impôt supplémentaire pour atteindre le taux minimum convenu, les craintes de se retrouver face à des cas non résolus de double imposition seraient minimes.

658. Cette méthode pourrait toutefois créer un résultat disproportionné lorsqu’un paiement couvert auquel s’applique la RAI est soumis dans la juridiction de la source, conformément à la convention, à un droit d’imposition appliqué à un taux supérieur au taux supplémentaire. L’exemple 9.3.3D à l’annexe A illustre ce cas de figure.

659. Bien que ce résultat ne remette pas en cause la situation telle qu’elle se présentait avant que l’adoption de la RAI soit envisagée, cela signifie que l’imposition cumulée, dans la juridiction de résidence et dans la juridiction de la source, d’un paiement couvert pour lequel toutes les conditions sont réunies pour que la RAI s’applique sera plus faible que si la règle avait été appliquée dans le but d’obtenir un impôt supplémentaire. Pour éviter cela, sans pour autant priver la juridiction de la source de son droit convenu bilatéralement d’imposer le revenu à un taux supérieur au taux supplémentaire, l’obligation faite à la juridiction de résidence d’accorder une exemption ou un crédit d’impôt serait limitée en proportion. Ce mécanisme aurait pour effet de porter le taux cumulé de l’imposition dans la juridiction de résidence et dans la juridiction de la source au niveau du taux minimum convenu en vertu de la RAI (supposé être de 7.5 %). L’exemple 9.3.3E à l’annexe A illustre ce cas de figure.

660. Pour élaborer des règles détaillées, d’autres travaux techniques seront entrepris au sein du Cadre inclusif sur les interactions précises avec les obligations s’imposant à la juridiction de résidence, en vertu des dispositions de la convention fiscale relatives à l’élimination de la double imposition, dans divers scénarios, y compris lorsque la convention prévoit des droits d’imposition à la source qui ne sont pas subordonnés à l’application de la RAI.

661. La RAI vise à répondre aux problématiques de BEPS non résolues en rétablissant, pour les juridictions de la source, un droit limité d’appliquer un impôt supplémentaire à un ensemble défini de paiements entre personnes liées aboutissant à un faible niveau d’imposition dans l’autre juridiction contractante, de sorte que l’impôt prélevé sur ces paiements atteigne un taux minimum convenu. Parce que cet impôt supplémentaire s’appliquera au montant brut du paiement, il pourrait être judicieux, comme il a été question dans la section 9.3.2 précédente, de limiter le seuil de déclenchement et le montant de l’impôt supplémentaire au titre de la RAI afin qu’il soit inférieur au TEI minimum déterminé au titre de la règle d’inclusion du revenu et de la règle relative aux paiements insuffisamment imposés, de façon à limiter le risque d’imposition excessive et à arriver à ce que la charge fiscale nette soit égale, ou du moins globalement similaire, au taux effectif minimum déterminé au titre de la règle d’inclusion et de la règle relative aux paiements insuffisamment imposés.

662. Néanmoins, même si cette méthode permettra d’atténuer le risque que les paiements couverts soient finalement soumis à une imposition excessive, le risque d’une imposition excessive transitoire demeure si la juridiction de la source applique d’éventuelles retenues à la source à des taux supérieurs au moment du paiement et exige que les entités bénéficiaires déposent des demandes d’allègement au titre d’une convention et de remboursement après la fin de l’année. Il est précisé au paragraphe 109 des Commentaires sur l’article 1 du Modèle de convention fiscale de l’OCDE (OCDE, 2018[2]) que la convention ne peut empêcher les juridictions d’adopter cette procédure, mais il est également noté que les retards dans le remboursement peuvent représenter un coût direct pour les contribuables et qu’il est extrêmement important que les remboursements soient effectués rapidement. On peut lire également dans les Commentaires que, pour assurer l’application effective des droits aux avantages octroyés en vertu d’une convention, il est de loin préférable que les juridictions de la source limitent automatiquement l’impôt qu’elles prélèvent conformément aux dispositions correspondantes de la convention. Dans le contexte de la RAI, cela signifierait limiter l’impôt prélevé au moment du paiement de sorte qu’il n’excède pas le taux supplémentaire.

663. Dans un souci de cohérence avec ces objectifs, il y aura lieu d’envisager des méthodes administratives permettant de faciliter autant que possible l’application de la RAI de façon à : dans l’idéal, permettre de limiter l’impôt prélevé sur les paiements couverts pour qu’il n’excède pas l’impôt supplémentaire dû une fois calculé le taux nominal ajusté et après application du seuil de matérialité ; et en tout état de cause, minimiser la nécessité de solliciter le remboursement des éventuelles retenues à la source excédant l’impôt supplémentaire ainsi que les retards dans les remboursements.

664. D’autres travaux techniques seront entrepris au sein du Cadre inclusif sur les méthodes administratives qui pourraient permettre d’atteindre ces objectifs. Ces travaux porteront sur :

  • l’application de l’impôt supplémentaire sous la forme d'un prélèvement annuel calculé a posteriori ;

  • un système de certification assorti de taux réduits de retenue à la source ; et

  • l’application d’éventuelles retenues à la source fixées à un niveau tel que le résultat serait généralement une régularisation annuelle a posteriori par le contribuable (plutôt qu’un remboursement).

Chacune de ces méthodes est examinée brièvement dans la suite de cette section.

665. L’un des avantages de l’application de l’impôt supplémentaire sous la forme d’un prélèvement annuel calculé a posteriori résiderait dans le fait que le contribuable comme l’administration fiscale connaîtraient, au moment où le prélèvement serait effectué, la valeur des paiements couverts assujettis à des taux d’imposition nominaux ajustés inférieurs au taux minimum convenu qui auraient été effectués pendant la période considérée, et sauraient si le seuil de matérialité a été franchi pendant cette période. Tout en répondant au risque d’imposition excessive transitoire sous la forme de retenues à la source éventuelles, cette méthode améliorerait la sécurité juridique en matière fiscale. Elle soulève toutefois des questions d’ordre administratif, en particulier en ce qui concerne la personne assujettie au prélèvement. Il semble que deux approches possibles puissent être considérées. La première consisterait à assujettir au prélèvement annuel le bénéficiaire non résident13, la seconde à appliquer le prélèvement au payeur résident14. On pourrait penser que l’adoption de la première méthode dérogerait moins au principe des retenues à la source car l’incidence de l’impôt repose sur la même personne morale (le bénéficiaire). Elle serait peut-être aussi plus adaptée à la règle d’inclusion du revenu et à la règle relative aux paiements insuffisamment imposés du fait que l’impôt supplémentaire appliqué au titre de la RAI serait pris en compte dans le calcul du TEI du bénéficiaire (alors qu'un prélèvement appliqué au payeur exigerait peut-être une affectation de l’impôt supplémentaire au bénéficiaire). Le fait d’appliquer le prélèvement au destinataire du revenu présente peut-être un risque moindre de rencontrer des problèmes de faculté contributive. Cette méthode soulève toutefois une question évidente de discipline fiscale puisqu’elle suppose un recouvrement auprès d’un contribuable non résident. L’une des solutions envisageables pour résoudre ce problème réside dans l’arsenal prévu par la législation nationale en matière de recouvrement, autorisant l’administration fiscale à adresser un avis de mise en recouvrement à des entreprises faisant partie du même groupe sous contrôle commun que le contribuable non résident15.

666. Certaines juridictions mettent en place des simplifications administratives autorisant les contribuables non résidents dont le revenu de source locale est assujetti à des retenues à la source sur leur territoire à déposer des demandes de certification de résidence fiscale afin de limiter le taux des retenues à la source prélevées sur ce revenu. L’octroi de ces attestations a pour effet de ramener la retenue à la source à un niveau en rapport avec le montant définitif des impôts dus localement dans la juridiction de la source et, partant, de réduire le montant du remboursement que le contribuable est amené à solliciter après avoir rempli une déclaration dans cette juridiction. La juridiction de la source peut délivrer l’attestation et fixer le taux approprié de la retenue à la source lorsqu’elle a acquis la conviction que la situation du contribuable va vraisemblablement conduire à ce que l’impôt définitif dû soit inférieur au montant obtenu en appliquant des retenues à la source au taux interne de droit commun au montant brut du revenu ayant son origine dans cette juridiction. Dans le contexte de la RAI, un tel système pourrait permettre aux contribuables de demander à bénéficier d’une réduction ramenant le taux à zéro au titre des revenus ne constituant pas des revenus couverts aux fins de la RAI, et d'une réduction de taux n’allant pas au-delà du taux minimum convenu ou du taux supplémentaire (net du taux nominal ajusté) au titre des revenus constituant des revenus couverts aux fins de la RAI (sous réserve que ces revenus ne soient pas assujettis à un droit d’imposition dans la juridiction de la source appliqué à des taux supérieurs en vertu de la convention applicable). La délivrance d’une attestation dans ce contexte aurait pour effet de réduire ou d’éliminer le risque que des revenus soient assujettis à des retenues à la source éventuelles excessives, et que cela donne lieu à des demandes de remboursement, du fait de l’intégration de la RAI dans la convention applicable. Il importerait de faire en sorte que le choix des informations et des pièces exigées à l’appui des demandes de certification soit guidé par le souci d’alléger le plus possible la charge administrative et les obligations fiscales et favorise un déroulement rapide et efficace du processus.

667. Une solution qui pourrait remplacer, voire prolonger le système de certification décrit précédemment, consisterait à concevoir, dans le cadre des règles détaillées codifiant et accompagnant l’application de la RAI, un système assurant le prélèvement de retenues à la source à des taux qui aboutiraient généralement à un paiement compensatoire annuel a posteriori effectué par le contribuable au bénéfice de l’administration fiscale (plutôt qu’à un remboursement). Lorsqu'il s’agira de fixer le taux approprié pour des catégories particulières de revenus couverts, l’impôt supplémentaire pourrait dans un premier temps être calculé en référence au taux minimum convenu connu et au taux nominal ajusté pour cette catégorie de revenu dans la juridiction de résidence concernée (en s’appuyant sur la base de données dont il a été question à la section 9.3.1 ou sur d’autres sources accessibles au public) ; le montant de la retenue à la source appliquée au revenu pourrait alors représenter une proportion convenue de l’impôt supplémentaire afin d’obtenir un taux de retenue à la source qui aboutirait à un paiement compensatoire annuel au bénéfice de l’administration fiscale. Une telle méthode permettrait de concilier les préoccupations des administrations fiscales, soucieuses des entrées de recettes, et celles des entreprises, et sa mise en œuvrerait se trouve facilitée par une meilleure prévisibilité des montants dus du fait qu'ils seraient déterminés en fonction de taux d'imposition nominaux confirmés. Elle minimiserait en outre l’impact sur la trésorerie des entreprises de l’application du faible taux de la retenue à la source qui en résulterait au revenu dont il serait déterminé, après un examen a posteriori des faits, qu’il ne relève pas du champ d’application de la RAI.

Références

[2] OCDE (2018), Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune : Version abrégée 2017, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/mtc_cond-2017-fr.

[1] UN (2011), Modèle de convention des Nations Unies concernant les doubles impositions entre pays développés et pays en développement, Nations Unies, https://www.un.org/esa/ffd/wp-content/uploads/2015/02/UN_Model2011_UpdateFr.pdf.

Notes

← 1. Un groupe d’EMN peut s’organiser de manière à fournir des services à ses clients via une filiale qui réside dans une juridiction contractante qui a conclu une convention fiscale avec la juridiction dans laquelle ce client se situe (l'État de la source). Lorsque l’objectif principal de ce montage est de tirer avantage de la convention fiscale entre les deux juridictions, en vertu des mesures adoptées dans le cadre de l’Action 6, l'État de la source ne sera pas tenu d'accorder les avantages de la convention à un paiement couvert effectué au titre de ce montage.

← 2. Bien évidemment, la règle d'assujettissement à l’impôt est sans effet sur l’obligation d'appliquer les règles d’établissement des prix de transfert aux paiements couverts entre personnes liées visées par la règle.

← 3. Diverses raisons expliquent pourquoi un paiement pourrait être soumis à un impôt faible ou nul dans la juridiction de la contrepartie. Le paiement peut être caractérisé différemment selon les lois de la juridiction du bénéficiaire, de sorte qu’il n’est pas considéré comme un revenu aux fins fiscales. Le bénéficiaire peut faire l’objet d’un statut fiscal spécial ou être éligible à un traitement fiscal particulier s'agissant des paiements (lesquels peuvent être soumis à un régime fiscal préférentiel, par exemple). La juridiction du bénéficiaire peut lever l’impôt à des taux progressifs, et le bénéficiaire peut prétendre à une exclusion ou à un taux réduit sur de faibles montants de revenu, ou il peut être éligible à un taux réduit d’imposition sur le revenu provenant de certaines sources ou selon la manière dont le paiement est traité (selon qu’il est versé ou non à la juridiction du payeur).

← 4. Il convient de constater que la même approche – une règle en deux volets comportant un critère reposant sur le contrôle de facto et un critère de contrôle réputé dès lors que la participation dépasse 50 % – est également suivie au paragraphe 6 de la disposition alternative relative aux honoraires pour services techniques contenue au paragraphe 26 des Commentaires sur l’article 12A du Modèle de Convention des Nations Unies de 2017 (UN, 2011[1]). Un critère de contrôle similaire pourrait également s’appliquer dans le contexte de règles visant à contrer les risques de transfert de bénéfices posés par les entités orphelines dans le cadre de la règle relative aux paiements insuffisamment imposés.

← 5. Il y aurait également lieu de réfléchir au traitement des paiements d’intérêts sur les fonds propres réglementaires intragroupe ou d’autres instruments financiers pour lesquels le prélèvement de retenues d’impôt est susceptible de créer un risque non négligeable de surimposition qui nuirait à la rentabilité de ces paiements après impôts.

← 6. Voir le paragraphe 6.100 des Principes applicables en matière de prix de transfert : « L’existence d’un accord de franchise constitue une situation dans laquelle des transactions portant sur le transfert d’actifs incorporels ou de droits sur des actifs incorporels peuvent être combinées avec d’autres transactions. En vertu d’un accord de franchise, un membre d’un groupe d’entreprises multinationales peut accepter de fournir une combinaison de services et d’actifs incorporels à une entreprise associée en contrepartie d’une redevance unique. »

← 7. Tel que défini dans la convention correspondante.

← 8. Voir le paragraphe 6.100 des Principes applicables en matière de prix de transfert : « L’existence d’un accord de franchise constitue une situation dans laquelle des transactions portant sur le transfert d’actifs incorporels ou de droits sur des actifs incorporels peuvent être combinées avec d’autres transactions. En vertu d’un accord de franchise, un membre d’un groupe d’entreprises multinationales peut accepter de fournir une combinaison de services et d’actifs incorporels à une entreprise associée en contrepartie d’une redevance unique. »

← 9. Voir l'article 5(6) du Modèle de Convention fiscale des Nations Unies (UN, 2011[1]) : « Nonobstant les dispositions précédentes du présent article, une société d’assurances d’un État contractant est, sauf en matière de réassurance, considérée comme ayant un établissement stable dans l’autre État contractant si elle perçoit des primes dans le territoire de cet autre État ou si elle y assure contre des risques par l’intermédiaire d’une personne autre qu’un agent jouissant d’un statut indépendant auquel s’applique le paragraphe 7 ».

← 10. Voir le paragraphe 7.15 des Principes de l’OCDE en matière de prix de transfert.

← 11. Lorsque le prestataire de services agit uniquement en tant qu’agent ou intermédiaire, la base des coûts inclura uniquement les coûts supportés par l’intermédiaire dans l’exercice de sa fonction d'agent. Par exemple, la base de coûts d’une entreprise agissant en qualité d'agent d'approvisionnement et supportant des coûts au titre de l’achat de biens pour le compte d’entreprises associées n’inclurait pas les coûts de ces biens.

← 12. Le terme de PME n’est pas défini au niveau international, mais il existe quelques exemples de définitions. Il est par exemple défini dans la Recommandation de l’UE 2003/361. Les principaux critères permettant de déterminer si une entreprise est une PME sont l’effectif et soit le chiffre d’affaires, soit le total du bilan. Le seuil de taille pour les PME est un effectif de 250 personnes et un chiffre d’affaires n’excédant pas 50 millions EUR ou un total du bilan n’excédant pas 43 millions EUR.

← 13. Approche suivie dans le cadre du régime des recettes tirées à l’étranger d’actifs de propriété intellectuelle (ORIP) mis en place par le Royaume-Uni.

← 14. Approche suivie dans le cadre de la loi BEAT (Base Erosion and Anti-Abuse Tax) en vigueur aux États-Unis.

← 15. La législation du Royaume-Uni prévoit un arsenal de ce type en matière de recouvrement et l’applique en lien avec le régime ORIP.

Mentions légales et droits

Ce document, ainsi que les données et cartes qu’il peut comprendre, sont sans préjudice du statut de tout territoire, de la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire, ville ou région. Des extraits de publications sont susceptibles de faire l'objet d'avertissements supplémentaires, qui sont inclus dans la version complète de la publication, disponible sous le lien fourni à cet effet.

© OCDE 2020

L’utilisation de ce contenu, qu’il soit numérique ou imprimé, est régie par les conditions d’utilisation suivantes : http://www.oecd.org/fr/conditionsdutilisation.