copy the linklink copied!Chapitre 10. Approche objet de la mesure de l’innovation

Ce chapitre fournit des orientations pour la collecte de données sur l’innovation selon une approche objet. Cette méthode, qui consiste à recueillir des données sur l’innovation principale (dite « focale ») unique des entreprises, permet d’extraire plus facilement des informations sur les facteurs, les caractéristiques et les résultats des innovations d’entreprise. Bien qu’applicable également à des sources de données non conventionnelles, cette approche est décrite ici dans le contexte des enquêtes sur l’innovation qui sont axées sur une entreprise (approche sujet) et qui couvrent donc l’ensemble de ses innovations et activités d’innovation. Dans la mesure où les innovations focales ne sont pas représentatives de l’entreprise dans son ensemble, l’approche objet vise principalement à collecter des données à des fins d’analyse et de recherche. Elle peut également servir à établir s’il y a sur-déclaration ou sous-déclaration de la part des répondants.

    

copy the linklink copied!10.1. Introduction

10.1. L’approche objet de la mesure de l’innovation consiste à collecter des données sur une innovation principale (« focale ») unique (l’objet de l’enquête), à l’inverse de l’approche sujet, qui est axée sur l’entreprise (le sujet) et consiste à recueillir des données sur l’ensemble de ses activités d’innovation (voir chapitre 2). Le principal but poursuivi à travers la méthode objet est, non pas de produire des statistiques agrégées sur l’innovation, mais de rassembler des données pour des travaux d’analyse et de recherche. Elle peut aussi servir à l’assurance qualité en aidant à comprendre comment les répondants interprètent les questions sur l’innovation et si leurs déclarations en la matière sont erronées, exagérées ou en deçà de la réalité.

10.2. L’approche objet permet d’identifier les innovations focales en se fondant sur les évaluations d’experts, les innovations annoncées dans les publications professionnelles (Kleinknecht et Reijnen, 1993 ; Santarelli et Piergiovanni, 1996 ; Townsend, 1981) ou des sources d’information en ligne (sites web et rapports d’entreprises, annonces des investisseurs, etc.). Une solution alternative consiste à intégrer l’approche objet dans les enquêtes sur l’innovation qui sont axées sur le sujet (l’entreprise) : un module dédié à une innovation unique vient alors compléter les questions sur l’ensemble des activités d’innovation de l’entreprise considérée. DeBresson et Murray (1984) furent les premiers à avoir procédé de la sorte dans une enquête sur l’innovation au Canada. Plus récemment, cette solution a été retenue pour des enquêtes menées auprès d’entreprises, par exemple par Statistique Canada et l’office statistique japonais, ou encore par des chercheurs universitaires en Australie (O’Brien et al., 2015, 2014) et aux États-Unis (Arora, Cohen et Walsh, 2016), ainsi que dans des enquêtes sur l’innovation dans le secteur des administrations publiques (Arundel et al., 2016).

10.3. Pour identifier les innovations focales, il est préférable d’intégrer l’approche objet dans des enquêtes sur l’innovation axées sur une approche sujet, plutôt que de se fonder sur les avis d’experts ou les annonces, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, cette solution permet d’obtenir des informations sur une innovation focale pour un échantillon représentatif des entreprises innovantes, là où d’autres méthodes introduiraient des biais d’autosélection. Deuxièmement, les données recueillies peuvent concerner tous les types d’innovation. En effet, en s’appuyant sur les avis d’experts ou les annonces, on introduirait un biais favorable aux innovations de produit couronnées de succès. Troisièmement, elle permet d’obtenir des informations sur des innovations nouvelles uniquement pour l’entreprise ou ne justifiant pas nécessairement qu’il en soit fait état en ligne ou dans les revues professionnelles. Il est donc recommandé de collecter des données sur une innovation focale au moyen d’enquêtes représentatives, lorsque l’exercice présente un bon rapport coût-efficacité.

copy the linklink copied!10.2. Inclure un module « objet » dans les enquêtes sur l’innovation

10.4. Il est avantageux, à plus d’un titre, que les données recueillies dans le cadre d’une enquête concernent non seulement l’ensemble des activités de l’entreprise étudiée, mais aussi une innovation en particulier, dite « focale ». Premièrement, lorsqu’une enquête comporte un module fondé sur l’approche objet, il est plus facile de demander des réponses chiffrées sous formes de fourchettes à des questions approfondies. La tâche se révèle en effet trop compliquée lorsque les questions portent sur l’ensemble des innovations et qu’il s’agit notamment d’indiquer l’importance moyenne d’une variable à l’échelle d’un ensemble d’innovations ou d’activités d’innovation. Ainsi, les répondants ont parfois du mal à indiquer le détail des dépenses encourues au titre de différentes activités d’innovation ou de l’utilisation de certaines capacités techniques, ou encore à donner une représentation « moyenne » pour l’ensemble de l’entreprise, notamment eu égard à l’importance relative des sources de savoir, des obstacles et des résultats.

10.5. Deuxièmement, en interrogeant sur une innovation focale unique, on a la garantie que l’ensemble de données ainsi obtenu se rapportera à la même innovation. Cela s’avère surtout utile pour analyser les liens entre les intrants, les activités et les résultats en matière d’innovation, comme le montrent les travaux de recherche d’Arora, Cohen et Walsh (2016) sur la valeur économique des sources alternatives de connaissances à l’appui de l’innovation. On peut également en tirer avantage dans d’autres domaines de recherche, notamment pour évaluer la manière dont les répondants comprennent les questions des enquêtes sur l’innovation (Arundel, O’Brien et Torugsa, 2013) ou étudier les combinaisons d’innovations de produit et de processus d’affaires (Bloch et Bugge, 2016), y compris les changements apportés aux modèles d’affaires.

10.6. En revanche, il n’est pas souhaitable que les questions d’une enquête sur l’innovation soient toutes axées sur un objet ou que le module objet représente une part significative de l’enquête. De fait, nombre de questions intéressant la recherche ou l’action publique ne peuvent être traitées via des questions axées sur une innovation focale. Tel est le cas des questions qui concernent l’entreprise dans sa globalité – à savoir celles portant par exemple sur ses capacités internes et ses stratégies (voir chapitre 5), ou sur son environnement externe (voir chapitre 7) – ou qui sont destinées à bâtir des indicateurs agrégés couvrant l’ensemble des activités d’innovation, comme les dépenses d’innovation (voir chapitre 4) ou la part du chiffre d’affaires provenant de l’innovation (voir chapitre 8).

10.7. L’approche objet n’est guère utile pour construire de simples statistiques et indicateurs au niveau national ou sectoriel car les réponses obtenues ne rendent pas totalement compte des intrants, extrants et résultats globaux de l’innovation pour une économie ou un secteur. De plus, il est peu probable qu’une innovation focale soit représentative de l’ensemble des innovations ou activités d’innovation de l’entreprise répondante. Les données relatives à l’innovation la plus importante d’une entreprise ne devraient donc pas être utilisées pour élaborer des indicateurs qui nécessitent des données concernant l’ensemble de ses innovations, telles que le total des dépenses pour des activités d’innovation spécifiques, l’importance des différents types de sources de connaissances pour l’innovation ou la fréquence de la collaboration avec différentes catégories de partenaires.

10.8. La plupart des principes directeurs qui sont énoncés dans le présent manuel pour faciliter la collecte de données sur l’innovation selon une approche sujet sont directement applicables à la collecte de données au niveau objet. Rien n’empêche, sur le plan méthodologique, d’inclure un module objet dans une enquête sur l’innovation fondée sur une approche sujet.

10.2.1. Mettre en évidence une innovation focale dans les enquêtes

10.9. Un module objet doit commencer par inviter les répondants issus d’entreprises innovantes à réfléchir à une innovation concrète sur laquelle ils se fonderont pour répondre à la suite des questions. Dans le cas où l’entreprise mène des activités d’innovation mais ne compte aucune innovation au cours de la période d’observation, ce choix pourrait porter sur un projet d’innovation. Un moyen de garantir que les réponses porteront bien sur cette innovation unique est de demander aux répondants de la décrire brièvement (question ouverte).

10.10. Il est recommandé de demander aux répondants de choisir une innovation focale introduite ou mise en œuvre au cours de la période d’observation. De cette façon, les autres données de l’enquête concernant les capacités ou les stratégies de l’entreprise en général valent pour l’innovation focale, et les données sur l’innovation focale peuvent être rapprochées de celles que d’autres enquêtes portant sur un intervalle de temps défini fournissent au sujet des résultats d’innovation. De surcroît, cela limite les biais de mémorisation liés aux innovations antérieures à la période d’observation (voir chapitre 9). Les répondants devraient néanmoins avoir la possibilité d’évoquer dans leurs réponses d’anciennes activités dignes d’intérêt, telles qu’une collaboration avec des types de partenaires particuliers ou l’attribution de fonds publics au titre du financement de l’innovation considérée.

10.11. Le questionnaire devrait également guider le choix de l’innovation focale (ou du projet d’innovation) de façon à améliorer la comparabilité des données entre les répondants. Ainsi, il peut être demandé de considérer :

  • l’innovation la plus importante de par sa contribution effective ou escomptée à la performance économique de l’entreprise

  • l’innovation dont la mise au point représente la part la plus élevée des dépenses totales d’innovation

  • l’innovation de produit qui contribue ou devrait contribuer le plus au chiffre d’affaires

  • l’innovation de processus d’affaires qui contribue ou devrait contribuer le plus à la réduction des coûts

  • l’innovation la plus récente.

10.12. La première option présente plusieurs avantages. En général, les répondants comprennent bien de quoi il s’agit. Compte tenu du caractère mémorable de cette innovation, ils sont en mesure de répondre aux questions la concernant. Par ailleurs, l’innovation la plus importante renvoie à un grand nombre de champs d’étude, comme celui des facteurs de réussite. Ouvrir cette première option à tous les types d’innovation permet de recueillir des données utiles sur les types d’innovation que les entreprises jugent importants. Cela permet également de recenser les intrants de l’innovation susceptibles de présenter une grande valeur pour l’entreprise. Supposons par exemple qu’un répondant invité à noter les sources de connaissances utiles à l’ensemble des activités d’innovation classe les universités parmi les sources modérément importantes. S’il apparaît que son entreprise a recouru à cette même source pour les besoins de son innovation la plus importante, il y aurait lieu d’en déduire que la valeur des connaissances émanant des universités varie selon le type d’innovation considéré.

10.13. La deuxième option suppose que les répondants soient bien au fait des coûts de développement associés aux différentes innovations. Les troisième et quatrième options sont des variantes de la première, mais se limitent respectivement aux innovations de produit et de processus d’affaires ; les entreprises n’ayant introduit aucune innovation de ce type ne sont donc pas concernées. La cinquième option présente un intérêt pour les travaux de recherche qui impliquent une sélection aléatoire de tous les types d’innovation.

10.14. Sauf impératif particulier en termes de recherche, la première option est à privilégier car elle est mieux comprise par les répondants et s’adresse à toutes les entreprises. Elle permet en outre d’étudier les types d’innovation dont les entreprises attendent les retombées économiques les plus conséquentes. Les résultats ainsi obtenus peuvent servir à construire des indicateurs, agrégés par secteur, taille d’entreprise ou autre caractéristique d’entreprise, sur les types d’innovation (de produit ou de processus d’affaires) que les répondants considèrent comme présentant la valeur économique la plus élevée pour leur entreprise.

10.15. Il ressort des tests cognitifs que les répondants sont capables de déterminer l’innovation la plus importante à la lumière de sa contribution effective ou escomptée à la performance économique de leur entreprise. Les petites et moyennes entreprises (PME) comptent généralement une innovation phare. Les répondants d’entreprises aux innovations diverses et nombreuses (il s’agit souvent, mais pas toujours, de grandes entreprises) ont parfois du mal à en détacher une du lot. Ils n’en sont pas moins capables de sélectionner une innovation et de répondre à la suite des questions en s’y reportant. D’ailleurs, il leur est même plus facile de répondre aux questions sur l’innovation focale que de synthétiser les résultats de plusieurs innovations.

10.16. Si les ressources le permettent, il est possible de coder les renseignements que les répondants ont fournis par écrit dans une description libre de l’innovation la plus importante de leur entreprise, puis de les analyser en vue d’évaluer la façon dont ils interprètent les questions ayant trait aux types d’innovation et à la « nouveauté » de l’innovation (Arundel, O’Brien et Torugsa, 2013 ; Cirera et Muzi, 2016 ; EBRD, 2014). Le codage doit certes être confié à des experts, mais l’utilisation de logiciels d’exploration de texte peut nettement réduire les coûts de l’exercice. Les données textuelles sur la nouveauté peuvent également servir à déterminer si les répondants ont bien compris la définition d’innovation figurant dans le questionnaire (Bloch et Bugge, 2016).

10.2.2. Entreprises non innovantes

10.17. Il n’est pas possible d’interroger les entreprises qui ne font état d’aucune innovation ou activité d’innovation au sujet de la moindre innovation focale, existante ou en projet. En revanche, il peut être utile de demander aux répondants de décrire le changement le plus important apporté à leurs produits ou processus d’affaires au cours de la période d’observation. L’analyse de ces informations permettra d’établir si les répondants ont correctement fait état de leur situation en matière d’innovation et savent distinguer les innovations des simples changements (Arundel O’ Brien et Torugsa, 2013). Conjuguée aux informations sur la « nouveauté » des innovations déclarées, l’approche objet peut aider à faire apparaître les biais susceptibles d’entraîner une sous-déclaration ou sur-déclaration des différents types d’innovation, en fonction des caractéristiques des entreprises, telles que leur taille ou le secteur auquel elles appartiennent.

copy the linklink copied!10.3. Questions concernant l’innovation focale

10.18. Lorsqu’une enquête sur l’innovation fondée sur l’approche sujet contient un module objet, celui-ci devrait figurer à la suite de toutes les autres questions sur l’innovation, de sorte que les répondants ne confondent pas les questions portant sur l’ensemble des activités d’innovation et celles limitées à l’innovation focale.

10.3.1. Caractéristiques de l’innovation focale la plus importante

10.19. Il est recommandé de faire figurer une liste des types d’innovation (deux de produit et six de processus d’affaires) et de demander aux répondants d’indiquer tous ceux dont relève leur innovation focale (voir chapitre 3). Cela peut renseigner sur la prévalence des innovations « groupées », qui mêlent les caractéristiques d’au moins deux types d’innovation (par exemple, innovation de service et innovation de processus d’affaires dans le cas de la livraison de produits) ainsi que sur les types d’innovation les plus importants pour les entreprises.

10.20. Il est conseillé de recueillir des informations sur l’importance comparative de l’innovation focale pour l’entreprise répondante. Des indicateurs utiles à cet effet sont la part de l’innovation focale dans le total des dépenses d’innovation ainsi que la contribution de l’innovation focale aux résultats de l’entreprise (chiffre d’affaires ou bénéfices) (voir sous-section 10.3.2 ci-dessous). Les questions sur les résultats ne s’adressent pas aux répondants faisant état d’un projet d’innovation.

10.21. Plusieurs questions peuvent être posées sur la « nouveauté » de l’innovation focale, afin par exemple de déterminer si l’innovation est nouvelle pour le marché ou uniquement pour l’entreprise, si elle s’inscrit dans un nouveau modèle d’affaires, ou s’il s’agit d’une innovation radicale ou de rupture (voir sous-section 3.3.2). Cependant, avant de recueillir des données sur les innovations radicales, de rupture et autres, un travail d’expérimentation devra être mené en vue d’évaluer si ces concepts peuvent être correctement mesurés dans des enquêtes sur l’innovation.

10.3.2. Activités d’innovation contribuant à l’innovation focale

10.22. Il ressort des tests cognitifs que les répondants éprouvent une plus grande facilité à indiquer la fourchette des dépenses (exprimée en unité monétaire ou en mois-homme) pour une seule innovation, plutôt que pour l’ensemble des innovations (voir chapitre 4). On pourrait par conséquent collecter des données sur les dépenses, non pas pour la seule année de référence, mais pour l’intégralité de la période de mise au point de l’innovation focale.

10.23. Une question sur les dépenses encourues au titre d’une innovation unique peut être particulièrement indiquée dans le cas des PME ou des entreprises du secteur des services qui n’organisent pas leurs activités d’innovation dans le cadre de projets clairement définis et assortis d’un budget distinct.

10.24. Les données sur l’innovation focale qu’il est possible d’obtenir sont les suivantes :

  • la durée totale (en mois) écoulée entre le moment où l’idée initiale voit le jour et celui où l’innovation est introduite ou mise en œuvre

  • l’année de son introduction ou de sa mise en œuvre, selon qu’il s’agit d’une innovation de produit ou de processus d’affaires

  • le total des dépenses (en unité monétaire ou mois-homme) y afférentes

  • le total des dépenses extérieures y afférentes par type d’activité (recherche et développement expérimental, formation, ingénierie, conception et autres travaux de création, etc.)

  • les activités éventuellement engagées après l’introduction d’une innovation de produit sur le marché – par exemple dans le domaine du marketing, de la formation et du service après-vente – et les dépenses y afférentes (voir sous-section 4.5.3).

10.25. Les répondants pourraient également être invités à fournir des informations sur les activités antérieures à la période d’observation, notamment pour ce qui concerne la durée en mois ou le total des dépenses, sachant toutefois que ce type de renseignements ne vaut que pour des innovations de grande envergure.

10.3.3. Capacités d’une entreprise contribuant à l’innovation focale

10.26. Une entreprise se caractérise par des capacités en matière de gestion et de ressources humaines (voir chapitre 5) qui ne sont généralement pas circonscrites à l’innovation focale. En revanche, les stratégies de propriété intellectuelle et les capacités technologiques varient grandement d’un type d’innovation à l’autre.

10.27. Selon les objectifs des travaux de recherche, il peut être judicieux d’interroger les répondants sur les méthodes de protection de la propriété intellectuelle employées pour l’innovation focale, afin de déterminer par exemple si celle-ci a donné lieu à un dépôt de brevet, à une demande d’enregistrement d’un dessin, d’un modèle ou d’une marque, ou à toute autre démarche en relation avec un autre droit de propriété intellectuelle, ou encore si elle est protégée par des droits d’auteur ou relève du secret d’affaires. Il peut de surcroît leur être demandé d’indiquer si leur innovation focale a nécessité l’acquisition d’une licence de technologie ou si elle-même a été cédée sous licence (Arora, Cohen et Walsh, 2016).

10.28. Les questions relatives aux capacités techniques trouvent leur place dans un module objet qui permet de les relier aux différents types d’innovation. Il s’agit des capacités de conception (étude d’ingénierie, conception de produit et conception créative, ou design thinking), des capacités numériques et des plateformes électroniques (voir section 5.5).

10.3.4. Flux de connaissances qui contribuent à l’innovation focale et en résultent

10.29. Les sources de connaissances internes et externes qui présentent un intérêt pour les activités d’innovation peuvent être classées dans deux catégories, selon qu’elles aident à trouver, développer et tester une idée susceptible d’ouvrir la voie à une innovation, y compris dans une optique de résolution de problème ; ou qu’elles interviennent dans la mise en œuvre d’innovations de processus d’affaires ou dans la commercialisation d’innovations de produit (voir section 6.1). La grande disparité des usages qui sont faits des sources de connaissances ou de la place qu’elles occupent aux différents stades du processus d’innovation ne permet pas toujours aux répondants de les retracer pour toutes les innovations. Néanmoins, ils peuvent être interrogés sur ces sujets du point de vue d’une innovation focale unique. Une solution consiste à demander quelles sources de connaissances sont à l’origine de l’idée de départ de l’innovation et lesquelles ont servi à la mettre au point, en s’appuyant par exemple sur des listes de sources internes et externes (voir tableau 6.6).

10.30. Il convient en outre de recueillir des données sur la contribution des acteurs extérieurs à la mise au point de l’innovation focale, notamment en demandant si l’innovation considérée reproduit des produits ou processus d’affaires déjà disponibles sur le marché, si elle est le fruit d’un accord de collaboration conclu avec d’autres organisations ou si elle découle principalement des activités de l’entreprise (voir tableau 6.2). Il peut également être utile de chercher à en savoir plus sur les éventuelles collaborations nouées avec différents types de partenaires aux fins de l’innovation focale.

10.3.5. Facteurs externes influant sur l’innovation focale

10.31. Certains facteurs externes ont des effets variables selon le type d’innovation (voir chapitre 7). Ceux à prendre en considération sont, entre autres, le type de client et son engagement vis-à-vis d’une innovation focale de produit, ou encore l’utilisation de mesures publiques de soutien.

10.32. Les questions sur les obstacles à l’innovation peuvent concerner l’innovation la plus importante, un projet d’innovation focale en cours ou abandonné, ou encore une innovation qui n’a pas été à la hauteur des attentes. Les informations ainsi obtenues peuvent aider à distinguer les facteurs qui freinent la mise en œuvre d’une innovation, donnent lieu à des résultats non satisfaisants, ou conduisent à l’annulation ou à la suspension d’un projet d’innovation.

10.3.6. Objectifs et résultats de l’innovation focale

10.33. Compte tenu de la grande diversité des objectifs et des résultats selon les types d’innovation, il peut être utile de collecter ces informations pour une innovation focale. Les plus communs sont énumérés dans le tableau 8.1 (par exemple, accroître la satisfaction des clients ou réduire les effets sur l’environnement pouvant être mesurés sur une échelle nominale ou ordinale). L’innovation focale se prête particulièrement bien au recueil de données sur les résultats quantitatifs. En effet, les répondants devraient éprouver plus de facilité à indiquer la part que l’innovation focale représente dans le chiffre d’affaires de l’année de référence, ainsi que la part de marché ou la marge bénéficiaire (dans le cas d’une innovation de produit), ou les réductions de coûts (dans le cas d’une innovation de processus d’affaires) qui y sont associées que s’ils devaient le faire pour l’ensemble des innovations.

10.34. Il est également possible de recueillir des données sur tous les types de résultats en demandant aux répondants d’indiquer, pour chacun des résultats de l’innovation focale, si le niveau atteint a été inférieur, identique ou supérieur à celui que l’entreprise obtient habituellement avec le même type d’innovation. Par exemple, il peut leur être demandé d’indiquer les retombées relatives de leur innovation focale de produit sur le chiffre d’affaires en comparaison des autres innovations de produit de l’entreprise.

10.35. L’étude des facteurs qui influent sur les résultats d’une innovation focale présuppose de recueillir des données sur les intrants et les activités d’innovation y afférentes.

copy the linklink copied!10.4. Synthèse des recommandations

10.36. La décision d’intégrer un module objet dans une enquête sur l’innovation dépend des besoins des utilisateurs, en particulier des analystes des politiques et des chercheurs, ainsi que de la disponibilité des ressources nécessaires pour analyser les données ainsi obtenues, par exemple pour ce qui est de l’incidence des intrants et des stratégies sur les résultats. Il n’y a pas lieu de recourir à un module objet si les données que l’on cherche à recueillir doivent servir uniquement à construire des indicateurs agrégés. Un module objet devrait comporter des questions traitant des points indiqués ci-après. D’autres types de données parmi ceux examinés dans le présent chapitre se prêtent davantage à des exercices de collecte spécialisés.

10.37. Les principales questions à inclure dans un module objet devraient porter sur les points suivants :

  • la définition de l’innovation focale de l’entreprise, c’est-à-dire l’innovation la plus importante de par sa contribution escomptée à la performance économique de l’entreprise (sous-section 10.2.1) ; ou le changement le plus important dans le cas d’une entreprise non innovante (sous-section 10.2.2), si possible sous la forme d’une question ouverte invitant le répondant à décrire cette innovation ou ce changement

  • le type de l’innovation considérée (sous-section 10.3.1)

  • le degré de nouveauté de l’innovation (sous-section 10.3.1) et les sources de connaissances ayant contribué à l’innovation

  • l’année de commercialisation de l’innovation, s’il s’agit d’un produit, ou de sa mise en œuvre, dans le cas d’un processus d’affaires (sous-section 10.3.2), sauf si la période d’observation est égale à un an

  • la durée écoulée entre le commencement du projet ou des activités d’innovation considérés et le moment de la mise en œuvre de l’innovation (sous-section 10.3.2)

  • un indicateur des efforts engagés par l’entreprise pour parvenir à l’innovation focale considérée, par exemple le volume total des dépenses (en unité monétaire ou en mois-homme) qui y ont été consacrées (sous-section 10.3.2)

  • les contributions internes et externes à la mise au point de l’innovation focale, de manière à déterminer les facteurs potentiels de réussite (sous-section 10.3.4)

  • un indicateur des résultats de l’innovation focale considérée, tel que sa part dans le chiffre d’affaires s’il s’agit d’une innovation de produit ou les réductions de coûts obtenues dans le cas d’une innovation de processus d’affaires (sous-section 10.3.6).

10.38. On peut également recueillir, dans le cadre d’un module objet, des données sur les éléments suivants :

  • le recours à des droits de propriété intellectuelle pour protéger l’innovation focale considérée (sous-section 10.3.3)

  • les obstacles à l’innovation (sous-section 10.3.5)

  • les mesures de soutien publiques (sous-section 10.3.5).

Références

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