Reprise : Maintenir le cap

  • La croissance économique s’est redressée cette année, grâce au vigoureux soutien des pouvoirs publics, au déploiement de vaccins efficaces et au redémarrage de nombreuses activités économiques.

  • Le PIB global devrait selon les projections augmenter de 5.7 % en 2021 et de 4.5 % en 2022. Dans les économies avancées, les perspectives de croissance seront dopées par un fort rebond en Europe, la probabilité d’un surcroît de soutien budgétaire aux États-Unis l'année prochaine et la diminution de l’épargne des ménages.

  • Le PIB mondial est aujourd'hui supérieur à son niveau d’avant la pandémie, mais des écarts de production et d’emploi subsistent dans de nombreux pays, surtout dans les marchés émergents et les économies en développement où les taux de vaccination sont faibles.

  • L'impact économique du variant Delta a été jusqu'à présent relativement modeste dans les pays où les taux de vaccination sont élevés, mais il a pesé sur la dynamique à court terme dans les autres et, au niveau mondial, il a accentué les tensions sur les chaînes d’approvisionnement et les coûts.

  • L’inflation a augmenté fortement aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et dans certaines économies de marché émergentes, mais elle reste relativement modérée dans de nombreuses autres économies avancées, en particulier en Europe et en Asie.

  • Actuellement, l’augmentation des prix des matières premières et des coûts du transport maritime au niveau mondial ajoute environ 1½ point de pourcentage à la hausse annuelle des prix à la consommation dans les pays du G20, et elle explique l’essentiel de la remontée de l’inflation sur l’année écoulée.

  • La hausse des prix à la consommation dans les pays du G20 devrait revenir de 4 ½ pour cent à la fin de 2011 à environ 3 ½ pour cent à la fin de 2022, soit un niveau tout de même supérieur aux taux observés avant la pandémie. Les tensions du côté de l’offre devraient s’atténuer progressivement, la progression des salaires demeure modérée et les anticipations d’inflation restent bien ancrée, mais les risques à court terme sont ceux d'une révision à la hausse de ces projections.

  • Des incertitudes considérables demeurent. Des progrès plus rapides du déploiement des vaccins ou une diminution plus marquée de l’épargne des ménages contribueraient à stimuler la demande et à faire baisser le chômage mais risqueraient aussi, potentiellement, d'accroître les tensions inflationnistes à court terme. En revanche, une lente progression des campagnes de vaccination et la poursuite de la diffusion de nouveaux variants du virus affaibliraient la reprise et feraient augmenter les pertes d’emploi.

  • Les choix difficiles auxquels sont confrontés les pouvoirs publics dans certaines économies de marché émergentes caractérisées par un endettement élevé et une inflation en hausse représentent aussi un risque potentiel de révision à la baisse par rapport aux projections.

  • Les gouvernements doivent faire en sorte de mobiliser toutes les ressources nécessaires pour mener des campagnes de vaccination aussi rapidement que possible et partout dans le monde pour sauver des vies, préserver les revenus et maîtriser la propagation du virus. Des efforts internationaux plus énergiques s’imposent pour fournir aux pays à faible revenu les ressources nécessaires afin qu’ils puissent vacciner leur population, dans leur propre intérêt et dans celui de tous les pays du monde.

  • Des mesures macroéconomiques de soutien restent nécessaires tant que les perspectives à court terme seront incertaines et que les marchés du travail ne se seront pas redressés, le dosage de l'action publique étant fonction des évolutions économiques en cours dans chaque pays.

  • Les politiques monétaires devraient rester accommodantes, mais il faut des orientations claires sur la période de tolérance d’un dépassement éventuel de l’inflation, et sur son ampleur, ainsi que sur les conditions dans lesquelles le calendrier et la séquence des mesures de normalisation de la politique monétaire seront finalement prises.

  • Les politiques budgétaires devraient rester flexibles et être contingentes à la situation de l’économie. Il convient d’éviter tout retrait brutal et prématuré du soutien public tant que les perspectives à court terme restent incertaines.

  • Des cadres budgétaires crédibles donnant des indications claires sur la trajectoire à moyen terme devant assurer la soutenabilité des finances publiques, et sur les évolutions probables de l’action publique tout au long de cette trajectoire, aideraient à maintenir la confiance et à améliorer la transparence des choix budgétaires.

  • Il faut renforcer l’investissement public et les réformes structurelles pour accroitre la résilience et améliorer les perspectives d’instauration d'une croissance durable et équitable.

La croissance économique s’est redressée cette année, grâce au vigoureux soutien des pouvoirs publics, au déploiement en cours de vaccins efficaces et au redémarrage progressif de nombreuses activités économiques, notamment dans les secteurs de services. Le PIB mondial est aujourd'hui supérieur à ce qu'il était avant la pandémie, mais à la mi-2021, la production était encore inférieure de 3 ½ pour cent au niveau attendu avant l'arrivée du COVID-19. Cela représente une perte de revenu réel de plus de 4 500 milliards USD (à PPA de 2015), soit à peu près l’équivalent d'un an de croissance de la production mondiale en temps normal. Il est indispensable de combler cet écart pour minimiser les dommages à long terme que la pandémie pourrait avoir infligés sous forme de pertes d’emploi et de revenus.

La reprise reste très inégale, avec des résultats singulièrement différents selon les pays, les secteurs et les groupes démographiques en termes de production et d’emploi (graphique 1), laissant les pouvoirs publics confrontés à une grande diversité d’enjeux. Dans certains pays où la production a retrouvé ses niveaux d'avant la pandémie, comme les États-Unis, l’emploi reste inférieur à ce qu’il était avant la crise. Dans d'autres, surtout en Europe, l’emploi a été largement préservé, mais la production et le total des heures travaillées ne se sont pas encore totalement redressés. L'activité a rebondi rapidement dans quelques économies de marché émergentes, mais dans certains cas, ce redressement s’est accompagné de fortes tensions inflationnistes.

La croissance s’est vivement redressée au deuxième trimestre de 2021 dans les pays où les mesures d’endiguement ont été dans une large mesure assouplies ou dans lesquels les taux d’infection sont restés bas, grâce à la vigueur des dépenses de consommation de services et à l’orientation expansionniste des politiques macroéconomiques. Néanmoins, les nombres d’infections restent élevés en raison de la diffusion du variant Delta, plus transmissible, et l’on observe des différences marquées

de rythme des vaccinations et d’ampleur des aides publiques entre les pays, en particulier dans de nombreuses économies de marché émergentes et en développement. La variant Delta a eu jusqu’ici un effet économique relativement modéré dans les pays caractérisés par des taux de vaccination élevés, mais certains signes indiquent qu’il pourrait peser sur la confiance et affaiblir la dynamique de croissance à court terme. De nombreux pays ont imposé de nouvelles mesures d’endiguement pour contenir la propagation du variant Delta, en particulier dans la région Asie-Pacifique, où les taux de vaccination sont relativement bas.

Les indicateurs à haute fréquence de l’activité, tels que les indicateurs de mobilité relatifs aux commerces et aux loisirs élaborés par Google à partir de données de géolocalisation, laissent à penser que l’activité mondiale a continué de se renforcer ces derniers mois, grâce à l’amélioration de la situation en Europe et à un rebond marqué constaté aussi bien en Inde qu’en Amérique latine (graphique 2, partie A). Par contre, la mobilité a régressé dans certains pays de la région Asie-Pacifique, notamment en Australie, où des mesures d’endiguement plus strictes ont été rétablies. En revanche, les indices mondiaux des directeurs d’achat relatifs à la production des entreprises, établis à partir d’enquêtes, ont fléchi depuis mai, laissant entrevoir une certaine modération du rythme de la reprise, même s’ils demeurent à des niveaux compatibles avec une poursuite de la croissance mondiale (graphique 2, partie B). Ce fléchissement a été particulièrement net dans de nombreuses économies de la région Asie-Pacifique, notamment en Chine.

Les indicateurs d’activité récents font également apparaître des signes de ralentissement de la dynamique de croissance (graphique 3, partie A). Les ventes au détail ont légèrement fléchi en juillet, et les ventes mondiales de véhicules automobiles ont fortement diminué. La croissance de la production industrielle ainsi que celle des échanges mondiaux de marchandises se sont également modérées, des pénuries dans des secteurs clés tels que les semi-conducteurs et le transport maritime, et un allongement des délais de livraison ayant entravé la production dans certaines branches d’activité, notamment dans la construction automobile. L’écart grandissant entre le niveau des nouvelles commandes et celui des stocks (Graphique 3, partie B) laisse à penser que la reconstitution des stocks constituera une source supplémentaire importante de demande au fil du temps, mais cela signifie également que la capacité de satisfaire immédiatement les nouvelles commandes est réduite, susceptible d’entraîner une hausse des prix.

Un facteur d’incertitude clé à court terme est la mesure dans laquelle le variant Delta accentue les risques de suspensions persistantes d’activités dans certaines économies d’Asie, accompagnées de conséquences négatives en aval sur la disponibilité des approvisionnements et sur le rythme de la reprise mondiale. On observe déjà des hausses généralisées des prix des exportations en provenance de nombreuses économies asiatiques clés, qui tiennent à la fois à un renchérissement des intrants dû à l’augmentation des cours mondiaux des matières premières et à des contraintes de capacités conjuguées à des perturbations des approvisionnements. Cela se reflète dans la montée des prix des importations dans le reste du monde (Graphique 4), amplifiée par le triplement des coûts mondiaux de transport maritime cette année (Encadré 1).

L’inflation mesurée par la hausse des prix à la consommation est également repartie dans le monde, ces derniers mois, poussée par l’augmentation des prix des matières premières, les tensions pesant sur l’offre, la demande des consommateurs, plus vigoureuse avec le redémarrage des économies, et par le rattrapage des prix dans certains secteurs, en baisse au cours des premiers mois de la pandémie. L’inflation annuelle s’est hissée à plus de 5 % aux États-Unis, mais reste à des niveaux relativement bas dans bon nombre d’autres économies avancées, notamment en Europe et en Asie (graphique 5, partie A). Cette montée de l’inflation s’explique en partie par des effets de base, après les baisses de prix observées au début de la pandémie. Dans de nombreuses économies de marché émergentes, le niveau élevé des prix de l’énergie et de l’alimentation ont fait grimper l’inflation, ce qui témoigne à la fois de fortes augmentations de prix et de la part relativement élevée des matières premières dans les dépenses des consommateurs.

L’inflation sous-jacente (mesurée par la hausse des prix à la consommation hors alimentation et énergie) a également augmenté, mais reste à un niveau comparable à celui observé avant la pandémie dans une économie avancée type (graphique 5, partie B). Les hausses de prix récentes ont été particulièrement visibles dans les secteurs de biens durables pour lesquels la demande a été supérieure à l’offre, notamment l’automobile, mais aussi dans certaines des activités de services impliquant une présence physique qui ont redémarré récemment. Dans l’ensemble toutefois, la hausse des prix des services reste modeste et inférieure à l’objectif d’inflation générale fixé à moyen terme dans de nombreuses économies avancées.

Les risques d'inflation à court terme sont orientés à la hausse par rapport aux projections, en particulier si le rattrapage de la demande par les consommateurs est plus vigoureux que prévu, ou s’il faut du temps pour venir à bout des pénuries du côté de l'offre. L’impact des hausses observées précédemment dans les coûts de transport et les prix des matières premières est d’ores et déjà sensible dans les économies du G20, expliquant l’essentiel du raffermissement de l’inflation au cours de l’année écoulée, et devrait sans doute perdurer pendant une bonne partie de l’année 2022, même s’il n’y a pas de nouvelles hausses de coûts (encadré 1). La distribution des variations de prix observées s’est également orientée à la hausse. Une part croissante des produits du panier des prix (en fonction de leur poids) ont désormais une inflation de 4 % ou plus, notamment aux États-Unis et au Royaume-Uni. La part des produits voyant leur prix baisser est également en repli (graphique 6), indiquant une réduction des risques de déflation.

En fin de compte, l’inflation n’évoluerait durablement à la hausse, depuis les faibles taux observés avant la pandémie, que si la croissance des salaires s’intensifiait de façon substantielle, ou si les anticipations d’inflation dérivaient à la hausse. Les tensions globales sur les salaires restent modérées, mais on observe des augmentations salariales significatives dans certaines des activités nécessitant une présence physique qui ont redémarré aux États-Unis, notamment les loisirs et l’hébergement (graphique 7). Des signes de pénuries de main-d'œuvre sont également apparus dans des indicateurs d’enquêtes en Amérique du Nord et en Europe, concernant notamment les petites entreprises et les secteurs dépendants d’une main-d'œuvre saisonnière ou frontalière, suggérant des risques à la hausse si l’offre de main-d’œuvre ne rebondit pas suffisamment.

Les choix des pouvoirs publics pendant la pandémie pourraient contribuer à expliquer les différences de tensions salariales d’un pays à l’autre aux premiers stades de la reprise. Un large recours aux dispositifs de maintien dans l’emploi a aidé à préserver l'adéquation entre la demande et l'offre de main-d'œuvre pendant la pandémie dans de nombreux pays, permettant aux entreprises de redémarrer leur activité et de répondre à une demande plus forte en augmentant le nombre d’heures travaillées. Dans d’autres pays, parmi lesquels les États-Unis, les licenciements ont rompu certains liens existants entre employeurs et salariés et soulevé des problèmes de recrutement lorsque les secteurs concernés ont redémarré.

Les indicateurs d’anticipations d’inflation ont également augmenté cette année, mais demeurent généralement modérés en dehors des États-Unis. La perception d'une inflation plus forte a poussé vers le haut les anticipations des ménages à un an (graphique 8, partie A). Le fait qu’une période prolongée d’inflation plus forte, due à des pénuries persistantes d'offre, puisse faire augmenter encore les anticipations constitue un risque potentiel. Les indicateurs d’anticipations d’inflation à moyen et long terme tirés des marchés, calculés à partir des écarts de rendement des obligations (et des contrats d’échange indexés sur l’inflation), ont également augmenté, même s’il faut y voir en partie le signe d’un recul des perceptions du risque de déflation (graphique 8, partie B).

La reprise économique mondiale devrait se poursuivre tout en restant inégale. Les campagnes de vaccination progressent à des rythmes différents dans le monde, et l’ampleur des mesures de soutien macroéconomique ainsi que les possibilités de réouverture des activités nécessitant de nombreux contacts varient considérablement d’une économie à l’autre. Le maintien de certaines restrictions ciblées concernant les déplacements transfrontaliers demeure nécessaire, et le variant Delta a imposé la mise en œuvre de nouvelles mesures nationales d’endiguement dans de nombreux pays affichant un taux de vaccination relativement bas, ce qui va peser sur les perspectives d’une reprise complète dans tous les pays.

La croissance du PIB mondial devrait se redresser pour atteindre 5 ¾ pour cent en 2021 et s’établir à 4 ½ pour cent en 2022 (graphique 10 ; tableau 1). La reprise s’est essoufflée récemment dans certains pays en raison de l’impact du variant Delta et de contraintes temporaires au niveau de l’offre, mais ces facteurs devraient se dissiper avec le temps, et le recul de la croissance au second semestre de 2021 devrait être compensé par des rebonds plus rapides en 2022.

Le fort soutien apporté par les politiques macroéconomiques et les conditions financières accommodantes devraient continuer de soutenir la demande dans les pays avancés. L’augmentation des dépenses d’investissement en Europe, à la faveur du plan de relance « Next Generation EU », et une hausse probable des dépenses d’infrastructure aux États-Unis en 2022 constituent des facteurs importants qui favoriseront la reprise l’année prochaine. La reconstitution des stocks, le raffermissement de la confiance, l’amélioration de la situation du marché du travail, ainsi que la diminution des taux d’épargne des ménages, toujours élevés, contribueront également à soutenir la demande en 2022, compensant les effets négatifs de la suppression progressive des mesures budgétaires liées à la pandémie. La croissance devrait également s’accélérer au Japon, en Corée et en Australie, à mesure que les contaminations reflueront et que les restrictions sanitaires seront levées.

Les perspectives des économies de marché émergentes sont mitigées. La croissance chinoise devrait rester proche de la trajectoire qu’elle connaissait avant la pandémie, tandis que les exportateurs de matières premières bénéficient des prix élevés à l’exportation et de la forte demande mondiale de biens. Les revenus réels des ménages ont cependant pâti de la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, et le risque de nouvelles vagues épidémiques reste élevé dans de nombreux pays où les taux de vaccination sont faibles. Certains pays disposent de marges de manœuvre limitées pour apporter un large soutien à l’activité, en particulier ceux où les tensions inflationnistes augmentent déjà et où les taux d’intérêt directeurs ont été relevés afin de stabiliser les anticipations. Le risque que la pandémie ait des coûts durables subsiste. À la fin de 2022, le déficit de production par rapport à la trajectoire anticipée avant la pandémie devrait être deux fois plus important dans l’économie de marché émergente médiane du G20 que dans l’économie avancée médiane du G20, et particulièrement élevé en Inde et en Indonésie.

Dans les économies du G20, le taux annuel d’inflation mesuré par les prix à la consommation devrait culminer à quelque 4 ½ pour cent d’ici au quatrième trimestre de 2021, avant de reculer lentement l’année prochaine (graphique 11 ; tableau 2). L’impact de l’évolution des prix des matières premières et de la hausse des coûts du transport maritime sur l’inflation devrait s’atténuer progressivement à mesure que les capacités du côté de l’offre augmenteront (encadré 1) et que les coûts se stabiliseront. Les effets de base liés aux baisses de prix de certains biens et services en 2020 sur l’inflation annuelle s’estomperont également. Les tensions sous-jacentes sur les prix intérieurs devraient globalement rester modérées, les marchés du travail ne s’étant pas encore complètement redressés depuis la pandémie en ce qui concerne le niveau de l’emploi et le nombre d’heures travaillées. L’inflation devrait cependant se stabiliser à un niveau supérieur aux taux moyens observés avant la pandémie. Cette situation est bienvenue dans la mesure où les chiffres de l’inflation étaient inférieurs à l’objectif depuis plusieurs années, mais elle laisse aussi présager des risques potentiels.

L’inflation a connu une hausse particulièrement rapide ces derniers mois aux États-Unis, au Canada et au Royaume-Uni, et même si les tensions sur les prix s’allègent quelque peu au cours de l’an prochain, l’inflation annuelle moyenne en 2022 devrait s’élever à environ 2 ¾-3 pour cent. Dans la zone euro et au Japon, l’inflation sous-jacente devrait se maintenir sous les 2 % puis s’orienter à la hausse à mesure que la reprise s’affermira. Concernant les principales économies de marché émergentes, les augmentations surprises de l’inflation ont été de taille en Argentine, au Brésil, au Mexique, en Russie et en Turquie et devraient perdurer encore quelque temps. Le durcissement des conditions monétaires dans bon nombre de ces économies devrait néanmoins contribuer à limiter les tensions intérieures sur les prix, en particulier d’ici le second semestre de 2022. L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation en Chine demeure modeste malgré l’augmentation rapide des prix à la production, en raison du déclin marqué des prix intérieurs des produits alimentaires.

Les projections de référence sont subordonnées à l’évolution de la pandémie, au rythme et à la couverture mondiale de la vaccination et à la réouverture progressive de l’ensemble des économies. La distribution des risques est plus équilibrée aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a un an, mais l’incertitude demeure élevée.

  • Dans un scénario positif, des progrès mondiaux plus rapides que prévu dans le déploiement de vaccins efficaces stimuleraient la confiance et les dépenses des consommateurs et des entreprises, et favoriseraient une diminution du taux d’épargne des ménages plus marquée que celle anticipée dans les projections de référence. Dans un scénario de cette nature, dont le point de départ est le quatrième trimestre de 2021 et qui table sur une réduction supplémentaire de 2 points de pourcentage du taux d’épargne des ménages dans l’économie avancée moyenne, la production mondiale pourrait se réaligner strictement sur la trajectoire qui était attendue avant la pandémie (graphique 12, partie A). La croissance du PIB mondial augmenterait de façon substantielle pour dépasser 6 ¼ pour cent en 2022, et dans l’économie avancée type, le chômage reviendrait à ses niveaux pré-pandémie (graphique 12, partie B). Toutefois, le raffermissement de la demande exercerait aussi des tensions à la hausse sur l’inflation, ajoutant potentiellement plus de ¾ point de pourcentage à l’inflation des prix au sein du G20 l’année prochaine.

  • Parmi les conséquences possibles de ce scénario, des tensions inflationnistes plus fortes en 2022 pourraient amener les marchés financiers à tabler davantage sur un passage assez rapide à la normalisation de la politique monétaire, entraînant ainsi des difficultés dans certaines économies de marché émergentes. Un signal clair des autorités monétaires indiquant que ce regain de tensions inflationnistes ne sera que temporaire contribuerait à ancrer les anticipations d’inflation et à limiter les ajustements sur les marchés financiers.

  • Le principal risque de révision à la baisse des projections est que la vitesse de déploiement des vaccins et l’efficacité des vaccins existants ne parviennent pas à enrayer la propagation de variants problématiques plus contagieux et qu’il faille dès lors concevoir de nouveaux vaccins ou modifier les vaccins existants. Dans pareilles circonstances, le rétablissement de mesures de confinement plus strictes pourrait se révéler nécessaire, la confiance et les dépenses du secteur privé seraient plus faibles que dans les projections de référence, entrainant des pertes en capital. Dans ce scénario, le niveau de production resterait en deçà de la trajectoire d’avant crise pendant une période prolongée. La croissance du PIB mondial pourrait tomber à moins de 3 % en 2022, l’inflation dans le G20 rester sous les 3 % et le chômage poursuivre sa progression.

  • Les politiques macroéconomiques peuvent aider à amortir ces chocs négatifs. Dans le scénario indiqué, les stabilisateurs budgétaires automatiques jouent leur rôle de soutien dans tous les pays, et les taux directeurs peuvent être abaissés s’il subsiste une marge pour le faire. D’autres interventions budgétaires discrétionnaires pourraient être envisagées pour soutenir la demande, mais elles ne sont pas prises en considération dans le scénario.

Les autorités publiques doivent déployer les vaccinations aussi vite que possible partout dans le monde, pour sauver des vies, préserver les revenus et venir à bout du virus. Tant que cette étape ne sera pas franchie, la reprise restera précaire et incertaine dans tous les pays. Si l’on ne parvient pas à supprimer le virus dans tous les pays, le risque existe que de nouveaux variants plus contagieux continuent d’apparaître ou que le nombre de cas dans l’hémisphère nord reparte une nouvelle fois à la hausse durant les mois d’hiver, nécessitant le rétablissement de mesures de confinement.

La communauté internationale doit redoubler d’efforts pour fournir aux pays à faible revenu les ressources dont ils ont besoin pour vacciner leurs populations, dans leur propre intérêt et celui du monde entier. Ce soutien devrait englober la fourniture de vaccins et une aide à l’élimination des obstacles logistiques intérieurs qui entravent le déploiement des vaccins. Des interventions multilatérales efficaces sont également requises pour assurer le partage des connaissances et des ressources médicales et financières, et éviter l’application d’interdictions commerciales préjudiciables. De telles interdictions seraient contreproductives en raison de l’interpénétration transfrontalière étroite des chaînes d’approvisionnement en vaccins et en produits sanitaires.

Compte tenu du caractère encore incertain des perspectives à court terme et de l’absence, pour l’instant, de redressement du marché du travail, un soutien macroéconomique demeure nécessaire, la combinaison appropriée de politiques étant fonction de l’évolution de la situation économique dans chaque pays. Les autorités devront donner des indications claires quant à la trajectoire envisagée pour réaliser les objectifs à moyen terme et à la séquence probable des changements de politique futurs, de manière à ancrer les anticipations, maintenir la confiance des investisseurs et fournir un soutien approprié à l’économie.

Dans les pays où la reprise est bien avancée et les vaccinations pratiquement terminées, les efforts devraient être redirigés des politiques de soutien d’urgence vers les objectifs à moyen terme. Dans d’autres pays, où la reprise ou les vaccinations sont moins avancées et où des mesures de confinement continuent d’être déployées, il y aura lieu de maintenir des mesures d’aide ciblées pour soutenir la demande et les revenus des travailleurs et des entreprises dans les secteurs où les contacts sont fréquents.

La politique monétaire demeure très accommodante dans les principales économies avancées, et elle devra le rester jusqu’à ce qu’apparaissent des signes clairs de progrès durables en direction des objectifs de politique publique à moyen terme. Les taux directeurs sont restés inchangés, sauf en Corée, et bon nombre de banques centrales poursuivent leur politique de stimulation monétaire au travers de programmes d’achat d’actifs, même si le rythme des achats commence à ralentir dans certains cas.

Le dépassement temporaire des objectifs d’inflation globale dû aux tensions transitoires sur les capacités devrait continuer à être toléré, sous réserve que les évolutions sous-jacentes des prix soient contenues et que les anticipations d’inflation demeurent bien ancrées. Poursuivre plus longtemps une politique monétaire accommodante sera plus facile pour les banques centrales qui ont déjà annoncé qu’elles viseraient à dépasser leur objectif d’inflation pendant un certain temps, comme la Réserve fédérale des États-Unis. Il n’en demeure pas moins que les autorités devront communiquer clairement sur l’horizon temporel sur lequel ce dépassement sera toléré et sur la marge de dépassement qui sera tolérée, et fournir des indications sur la séquence envisagée pour engager, in fine, une normalisation des politiques.

Cette normalisation devra s’opérer par étapes : il faudra d’abord supprimer les mesures de soutien d’urgence pour assurer le bon fonctionnement des marchés financiers, comme les autorités ont déjà commencé à le faire, puis stabiliser les bilans des banques centrales (en ne réinvestissant que les produits des actifs arrivant à échéance) et, enfin, relever les taux directeurs. Ces mesures devront être annoncées clairement et être fonction de la situation, c’est-à-dire guidées par la situation financière, par une amélioration régulière des marchés du travail, par des signes de tensions inflationnistes durables et par le soutien apporté au travers de la politique budgétaire. En l’absence d’indications claires, il existe un risque manifeste que la mise en route d’un processus de ralentissement des achats d’actifs et les relèvements initiaux des taux directeurs n’entraînent de fortes corrections sur les marchés financiers, en modifiant les anticipations quant à l’évolution temporelle des changements des taux directeurs.

Une hausse des taux d’intérêt à long terme dans les économies avancées pourrait restreindre encore davantage la marge de manœuvre d’un grand nombre d’économies de marché émergentes, en particulier celles qui font face à d’importantes tensions inflationnistes dues à l’augmentation des prix des matières premières et aux dépréciations monétaires passées. Dans les pays dotés d’un cadre de politique macroéconomique robuste et d’une large base d’investisseurs locaux, la politique monétaire pourra rester accommodante dès lors que les anticipations d’inflation demeurent bien ancrées. Dans d’autres pays, il pourrait s’avérer nécessaire de procéder à des hausses supplémentaires des taux directeurs pour assurer la stabilité et atténuer les effets d’entraînement négatifs potentiels liés aux risques sur les marchés financiers.

Les aides budgétaires devraient rester flexibles et être contingentes à la situation de l’économie. La politique de relance budgétaire vigoureuse mise en œuvre cette année, notamment aux États-Unis et dans la zone euro, continue d’aiguillonner la reprise en soutenant la demande, en préservant les revenus et en permettant de consacrer d’amples dépenses aux soins de santé et aux vaccinations.

Il faudra se garder de mettre un terme prématuré et brutal aux mesures d’aide tant que les perspectives à moyen terme demeureront incertaines. La modération éventuelle des dépenses budgétaires en 2022 devra s’opérer au travers d’une réduction des dépenses liées à la crise, en fonction du raffermissement de l’économie et de l’extension de la couverture vaccinale, plutôt que par le biais de mesures d’assainissement discrétionnaires de grande ampleur. Malgré des déficits élevés et la hausse des niveaux d’endettement, le coût du service de la dette reste faible, grâce notamment à la marge de manœuvre procurée par des politiques monétaires accommodantes. Cela offre la possibilité, tant que les taux d’intérêt resteront bas, de prolonger le soutien budgétaire pour assurer une reprise complète et durable.

À mesure que la reprise progressera, les politiques publiques devront mettre de plus en plus l’accent sur l’amélioration des perspectives de croissance durable et équitable, notamment au travers d’investissements publics supplémentaires dans la santé et les infrastructures numériques et bas carbone, et de changements dans la composition de la fiscalité. Les mesures visant à assurer la soutenabilité des finances publiques ne deviendront une priorité que lorsque la reprise sera suffisamment avancée et que le marché de travail sera complètement revenu à sa situation pré-pandémie. Des cadres budgétaires crédibles donnant des indications claires sur la trajectoire à moyen terme vers la soutenabilité et sur les changements de politique qui devraient jalonner cette trajectoire contribueraient à maintenir la confiance et à renforcer la transparence des choix budgétaires.

La situation budgétaire des États est très variable au sein des économies de marché émergentes et des pays en développement, mais nombre d’entre eux sont confrontés à un arbitrage difficile entre les objectifs consistant à soutenir les revenus, à consacrer des ressources suffisantes au déploiement des vaccins et à garantir la viabilité de la dette. Des cadres d’action robustes, un recouvrement amélioré des recettes et la réorientation des dépenses vers les priorités sanitaires et sociales contribueraient à préserver la confiance des investisseurs et affermiraient les efforts pour combattre la poussée de la pauvreté due à la pandémie. L’allongement des échéances des titres de dette publics réduirait l’impact des fluctuations éventuelles des taux d’intérêt. Le renforcement du soutien international aux vaccinations et la consolidation du filet de sécurité mondial rehausseraient également le niveau de confiance dans ces économies.

Dans pratiquement toutes les économies, la pandémie a entraîné une profonde récession ainsi que des changements structurels durables. La demande a chuté dans certains secteurs et s’est envolée dans d’autres (comme les services qui peuvent être fournis à distance grâce aux technologies numériques), bouleversant tant l’offre de travail que les échanges internationaux. Face à de tels chocs, la réallocation des ressources ne se fait pas sans délai ni sans coût. Les décalages entre l’offre et la demande sur le marché du travail semblent inévitables : les travailleurs disponibles n’ont pas forcément les compétences adéquates pour occuper les nouveaux emplois, ils ne vivent pas nécessairement dans des régions où les perspectives d’emplois s’améliorent et ne connaissent pas obligatoirement les possibilités qui s’offrent à eux. En outre, personne ne sait combien de temps ces effets se manifesteront. Il n’en reste pas moins que ces chocs soulignent le rôle essentiel de l’action publique dans la réallocation des ressources entre différents secteurs et activités.

Aux défis à long terme antérieurs à la pandémie qui nécessitent des réformes structurelles viennent s’ajouter deux nouveaux impératifs imposés par la pandémie : adapter, à moindre coût, l’économie aux transformations sectorielles et remédier dans les années à venir aux conséquences latentes des perturbations qu’a subies l’enseignement. Avant la pandémie, de nombreux pays de l’OCDE enregistraient de fortes inégalités de revenu ou de patrimoine — souvent en hausse — et tous étaient confrontés à une multitude d’enjeux soulevés par la transformation numérique et la menace des changements climatiques. Puisque les politiques macroéconomiques soutiennent l’activité et que la demande augmente fortement, les pouvoirs publics doivent en profiter pour accélérer les réformes. Ainsi, les mesures extraordinaires de soutien mobilisées pour combattre la crise actuelle, comme les programmes de développement de l’investissement public, pourront également servir des objectifs de plus long terme.

L’une des priorités est de faire en sorte que les aides continuent de bénéficier aux ménages les plus pauvres, tout particulièrement dans un contexte de retrait et de recentrage des dispositifs d’assistance. Établir clairement des critères d’ajustement, notamment en s’appuyant sur l’évolution de la situation sur le marché du travail pour définir le volume et les conditions d’octroi des ressources allouées, permettrait d’accroître l’efficacité des mesures ciblées.

Les ressources financières considérables engagées pour soutenir l’économie durant la pandémie pourraient également être réorientées vers la transformation numérique et à la réduction des émissions à mesure que le besoin de programmes d’urgence de garantie des revenus s’estompe. La généralisation de la connectivité au haut débit, l’aide aux entreprises pour le développement de modèles économiques en ligne et le renforcement des compétences numériques sont autant de domaines dans lesquels la poursuite des réformes accélèrerait l’adoption des technologies numériques. Des projets d’investissement en infrastructure bien conçus, notamment dans l’extension et la modernisation des réseaux électriques et dans les énergies renouvelables (coordonnés à l’échelle internationale le cas échéant), ainsi que des projets à amortissement rapide, comme les investissements dans l’efficacité énergétique des bâtiments et des appareils électriques, peuvent également contribuer à réaliser le double objectif de résorber le déficit d’emplois et d’accomplir les progrès attendus sur le plan environnemental.

Les recommandations de réformes structurelles adressées aux pays membres de l’OCDE et à ses Partenaires clés dans l’édition 2021 d’Objectif croissance portent sur des domaines très variés (graphique 13). Près de deux tiers des recommandations visent à améliorer le fonctionnement du marché du travail, par des mesures axées sur la réglementation du marché du travail, l’éducation et les compétences, les politiques d’activation et l’accroissement du taux d’activité des femmes, des minorités et des migrants. Il est indispensable d’augmenter massivement les investissements dans les programmes actifs du marché du travail, notamment les services de l’emploi, pour aider les demandeurs d’emploi à trouver du travail et d’accroître l’enseignement et la formation professionnels pour ouvrir de nouveaux débouchés aux travailleurs ayant perdu leur emploi, aux travailleurs peu qualifiés et à ceux qui sont encore en chômage partiel. La participation des travailleurs en chômage partiel à des formations, encouragée par un certain nombre de pays de l’OCDE, peut permettre à ces personnes d’améliorer la viabilité de leur emploi actuel ou leurs chances de trouver un nouvel emploi. L’une des difficultés spécifiques est d’organiser des actions de formation compatibles avec un travail à temps partiel ou des horaires de travail irréguliers. Cette contrainte sera plus facilement surmontée si ces actions prennent la forme de sessions individuelles plutôt que collectives et sont dispensées avec flexibilité au moyen d’outils pédagogiques en ligne sur une durée relativement courte.

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Note de la Turquie
Les informations figurant dans ce document qui font référence à « Chypre » concernent la partie méridionale de l’Ile. Il n’y a pas d’autorité unique représentant à la fois les Chypriotes turcs et grecs sur l’Ile. La Turquie reconnaît la République Turque de Chypre Nord (RTCN). Jusqu’à ce qu'une solution durable et équitable soit trouvée dans le cadre des Nations Unies, la Turquie maintiendra sa position sur la « question chypriote ».

Note de tous les États de l’Union européenne membres de l’OCDE et de l’Union européenne
La République de Chypre est reconnue par tous les membres des Nations Unies sauf la Turquie. Les informations figurant dans ce document concernent la zone sous le contrôle effectif du gouvernement de la République de Chypre.

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