4. Qualité de l’air et mobilité

La croissance économique et démographique du Luxembourg au cours de la dernière décennie a entraîné un besoin croissant de mobilité à des fins professionnelles et privées. Cela s'est traduit par une augmentation constante du trafic routier et une saturation du réseau routier. De par sa situation géographique, le Luxembourg est un carrefour pour le trafic de marchandises et un pôle d’attractivité pour l’emploi dans la Grande Région1. Plus de 44 % des emplois sont occupés par des frontaliers résidant dans les pays voisins et qui font quotidiennement la navette. À cela s’ajoute une fiscalité de l’énergie qui maintient les prix des carburants routiers à un niveau inférieur à ceux des pays voisins et qui est à l’origine d’exportations importantes de carburants (Chapitre 3). Dans les années à venir, le Luxembourg continuera d’attirer des habitants et des travailleurs frontaliers ce qui risque d’exacerber encore les problèmes d’étalement urbain et de congestion, et les coûts environnementaux et autres coûts sociaux qui en découlent.

Les autorités luxembourgeoises sont conscientes des défis que cela représente et œuvrent pour réduire les émissions atmosphériques et améliorer les transports en commun. Des investissements importants ont été consacrés au développement des infrastructures ferroviaires, à la création de parkings relais et de plateformes multimodales, ainsi qu’à l’achat de bus à faibles émissions. Malgré cela la grande majorité des déplacements personnels se font en voiture, 67 % contre seulement 17 % en transports en commun. Le taux de motorisation est le plus élevé d’Europe (avec plus de 600 voitures particulières pour 1 000 habitants). La flotte automobile est relativement jeune mais avec une cylindrée moyenne supérieure à celle d’autres pays.

Le secteur du transport routier au Luxembourg se distingue sur certains points de ceux de la plupart des autres pays. Si sa part dans la valeur ajoutée de l’économie nationale (4.4 % en 2015) est la même qu’en France et en Allemagne, elle est plus faible que dans beaucoup d’autres pays. Le nombre de véhicules-kilomètres parcourus pour 1 000 USD de produit intérieur brut (PIB) était de 10.0 km en 2015, soit moins que dans tous les autres pays membres de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles. Cela tient en partie au poids important dans l’économie luxembourgeoise du secteur financier, par exemple, qui n’est guère tributaire du transport routier. En revanche, les ventes de carburants automobiles par habitant (2.7 tonnes en 2016) sont plusieurs fois supérieures aux chiffres enregistrés dans tous les autres pays de l’OCDE. C’est aussi le cas, par conséquent, des émissions de CO2 par habitant imputables au secteur. La majeure partie du carburant (70 %) est vendue à des automobilistes étrangers qui viennent faire le plein au Luxembourg pour profiter d’une fiscalité sur les carburants traditionnellement avantageuse.

Les exportations de carburants ne sont responsables que d’une faible part de la pollution atmosphérique locale et de la congestion que connaît le Luxembourg. Les nombreux ressortissants étrangers qui traversent chaque jour la frontière pour venir travailler dans le pays contribuent à la fois à la pollution de l’air et aux importants encombrements. Selon l’indicateur TomTom’s Traffic Index, la ville de Luxembourg se classe au dixième rang des villes de moins de 800 000 habitants les plus embouteillées en Europe (TomTom, 2020)2. Au niveau mondial, toutes villes confondues, quelle que soit leur taille, elle occupe la 64e place. À Luxembourg, la valeur de la congestion, c’est-à-dire le temps supplémentaire mesuré que passent les automobilistes dans la ville durant une année du fait des encombrements, est de 33 %.

Les émissions totales de polluants atmosphériques locaux dues aux activités humaines sont en baisse au Luxembourg depuis dix ans (Graphique 1.9 ; Chapitre 1). Les émissions totales de particules fines (PM2.5) ont diminué de 45 % entre 2005 et 2017 ; celles imputables au trafic routier ont chuté de plus de 70 %. Quant aux émissions d’oxydes d’azote (NOx), leur volume total a baissé de plus de 65 % au cours de la même période, et celui dû aux transports routiers, de plus de 75 % (OCDE, 2020).

Si les émissions de PM2.5 et de NOx ont diminué, c’est en grande partie en raison du recul des émissions du transport terrestre dues aux non-résidents. Ce recul a été important durant la période 2008-16 et bien plus marqué que la baisse des émissions totales, aussi bien pour les PM2.5 que pour les NOx. (Graphique 4.1).

Traditionnellement, les émissions de PM2.5 et de NOx du transport terrestre qui sont imputables aux non-résidents représentent une part beaucoup plus importante du total de ces émissions au Luxembourg que dans tous les autres pays membres de l’OCDE pour lesquels on dispose de comptes détaillés des émissions atmosphériques. C’est toujours le cas aujourd’hui, mais l’écart avec les autres pays s’est sensiblement réduit entre 2008 et 2016 sous l’effet de la baisse des émissions (Graphique 4.2).

Bien que le Luxembourg ait programmé récemment des hausses de la fiscalité, sa politique de taxation des carburants automobiles fait que ceux-ci restent meilleur marché que dans les pays voisins. Dans ces conditions, beaucoup d’automobilistes sont incités à se rendre au Luxembourg principalement pour y faire le plein de carburant (Chapitre 3). Les conducteurs de voitures particulières et surtout de poids lourds immatriculés à l’étranger n’hésitent pas à traverser la frontière pour profiter du gazole moins cher. Dans une moindre mesure, le voyage est intéressant également pour faire le plein d’essence et acheter de l’alcool et du tabac, eux aussi moins taxés que dans les pays voisins. L’essentiel des carburants ainsi vendus est consommé – et produit des émissions – ailleurs qu’au Luxembourg.

Le secteur des transports est par ailleurs à l’origine d’importants rejets de PM2.5 provoqués par l’usure des pneus et des freins. Ces dernières années, ces rejets ont même été nettement supérieurs aux émissions provenant de la combustion des carburants (AEV, 2018). Ce constat vaut pour les carburants qui sont achetés au Luxembourg comme pour ceux qui y sont utilisés (Graphique 4.3) si l’on considère uniquement les particules primaires. Les véhicules à moteur diesel qui circulent contribuent aussi largement à la formation de particules secondaires du fait de leurs émissions de NOx.

La part du transport routier dans les émissions totales de NOx, de PM10, de PM2.5, de monoxyde de carbone (CO) et de composés organiques volatils (COV) a sensiblement baissé entre 2005 et 2017 (Graphique 4.4). Sa part dans les émissions de SO2 a légèrement augmenté durant cette même période, mais elle était très faible au départ3.

Un examen attentif des émissions qui impactent la qualité de l’air au Luxembourg, montre que le secteur résidentiel émet nettement plus de PM2.5 primaires que la consommation de carburants automobiles au Luxembourg, et ce même si on ajoute les rejets dûs à l’usure des pneus et des freins (Graphique 4.5).

Les émissions du secteur résidentiel proviennent en partie du chauffage à la biomasse de bois. Cette dernière a été présentée comme une source d’énergie renouvelable et son utilisation a été encouragée dans le but de limiter les émissions de gaz à effet de serre. De ce fait, les émissions de PM2.5 des ménages ont progressivement augmenté au cours de la dernière décennie.

Le Luxembourg a fixé des limites d'émission comme critère d'éligibilité pour des subventions publiques au titre de l’investissement dans les poêles à bois neufs. En outre, la Commission européenne a adopté en avril 2015 un règlement concernant les exigences d’écoconception applicables aux dispositifs de chauffage décentralisés à combustible solide (CE 2015). Ce règlement qui entrera en vigueur en 2022 fixe des plafonds d’émission pour les particules, le NOx et le monoxyde de carbone (CO). Nonobstant ce nouveau règlement, il y a un risque de conflits entre les objectifs d’atténuation du changement climatique et ceux de lutte contre la pollution de l’air locale. Une solution consiste à concentrer la production de chaleur à partir de biomasse ligneuse dans des centrales de chauffage à distance de taille relativement grande. Ces installations devraient être pourvues d’un réseau de distribution pour le chauffage urbain et produire aussi idéalement de l’électricité. Cela faciliterait l’installation de technologies limitant les émissions de PM2.5 et d’autres polluants atmosphériques locaux et ce à un coût raisonnable par unité de chaleur produite.

La surveillance de la qualité de l’air s’appuie sur un vaste réseau de stations de mesure situées à Luxembourg et à Esch-sur-Alzette, près de la frontière française, ainsi que dans des zones plus rurales. Les niveaux de pollution de l’air ont baissé beaucoup moins qu’on aurait pu le penser au vu de la diminution des émissions. Cela tient au fait que le recul des émissions dans le secteur des transports a surtout concerné les émissions produites par les non-résidents. La pollution de l'air au Luxembourg ne diminue pas beaucoup si moins de véhicules étrangers, principalement utilisés à l'étranger, font le plein de carburant dans le pays.

Dans le cadre du Pacte Climat, une campagne spéciale de mesure des concentrations de NO2 a été menée en 2018 à l’aide de plus d’une centaine de stations de mesure installées dans 36 communes. Les concentrations annuelles moyennes de NO2 ont quelque peu baissé ces dernières années en certains points de la capitale, mais restent proches des valeurs limites fixées par l’UE4 (Graphique 4.6). Auparavant, les autobus étaient la principale source d’émissions de NO2 en ville. Mais une récente réorganisation des lignes et la diminution du nombre d’autobus circulant aux heures de pointe dans les rues les plus fréquentées ont permis de faire baisser ces émissions. La campagne de mesure de 2018 a montré que les concentrations de NO2 dans l’air ambiant étaient bien inférieures aux valeurs limites de l’UE dans la majeure partie du pays5.

Les concentrations atmosphériques annuelles de PM2.5 sont en baisse. Elles continuent néanmoins de dépasser en plusieurs endroits et en moyenne nationale la valeur guide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui est de 10 µg de PM2.5 par mètre cube d’air. Grâce à la baisse des concentrations, la moyenne nationale est à présent proche de la valeur guide. Dans les zones reculées, les concentrations sont inférieures à cette valeur (Graphique 4.7).

Il n’existe pas de seuil en deçà duquel il est admis que l’exposition aux PM2.5 n’a pas d’effets préjudiciables sur la santé. Shi et al. (2016), par exemple, ont observé des effets significatifs sur la mortalité bien en dessous de la valeur guide de l’OMS. Même si le nombre de décès par million d’habitants est nettement inférieur aux moyennes de l’OCDE et européenne, on estime que 150 personnes sont décédées prématurément en 2017 au Luxembourg en raison de l’exposition aux PM2.5 (OCDE, 2020).

La pollution atmosphérique impose des coûts à la collectivité. Hunt et al. (2016) classent ceux-ci dans trois grandes catégories6 : les coûts en ressources, les coûts d’opportunité et les coûts de désutilité. Les coûts en ressources recouvrent les dépenses d’évitement (déménagement dans un endroit où l’air est moins pollué, limitation des sorties, etc.) et les dépenses d’atténuation (coûts médicaux et non médicaux directs associés au traitement des répercussions sur la santé). Les coûts d’opportunité désignent quant à eux les coûts liés à la perte de productivité ou de temps de loisirs qui découle des répercussions sur la santé7.

Les coûts de désutilité, enfin, sont liés aux douleurs, aux souffrances, à la gêne et à l’inquiétude causées par la maladie et la mortalité prématurée. Ce sont eux qui pèsent le plus lourd dans le coût total. Selon les estimations figurant dans OCDE (2020), les habitants du Luxembourg auraient été disposés à payer un montant équivalent à plus de 2 % du PIB pour éviter les décès prématurés imputables à l’exposition aux PM2.5, quelle que soit leur source. Toujours selon les chiffres présentés dans OCDE (2020), 25 personnes sont mortes prématurément en 2017 pour cause d’exposition à l’ozone (O3), et les habitants du pays auraient consenti à payer l’équivalent d’environ 0.35 % du PIB pour éviter ces décès prématurés.

Il ressort d’estimations récentes que les coûts externes du transport, en EUR par tonne de polluants émise, sont élevés au Luxembourg (Graphique 4.8 ; van Essen et al., 2019). Ces coûts externes comprennent le coût social de la pollution de l’air, mais aussi les coûts liés au changement climatique, aux dégâts causés aux habitats, au bruit, aux accidents et à la congestion. Abstraction faite des émissions de PM2.5 autres que celles provenant des pots d’échappement, les coûts estimés par tonne de polluants émise sont nettement plus élevés au Luxembourg que dans les autres pays. Le niveau élevé des coûts estimés s’explique en partie par celui du revenu par habitant. Il en résulte une estimation de la valeur d’une vie statistique (VVS) bien plus forte que dans les pays voisins. Bien évidemment, qu’il s’agisse des NOx ou des PM2.5, les coûts estimés sont nettement plus importants dans les zones urbaines que dans les zones rurales, car une quantité donnée de polluants touche plus de personnes lorsqu’elle est émise dans un endroit densément peuplé. Les coûts estimés de la pollution de l’air par voyageur-kilomètre parcouru en voiture, en bus et en véhicule léger sont également plus élevés au Luxembourg que dans d’autres pays de l’UE. Le constat est le même s’agissant des coûts par tonne-kilomètre imputables aux poids lourds (Graphique 4.9 ; van Essen et al., 2019)8.

Le fort coût social du transport au Luxembourg n’est pas seulement le fait du niveau élevé de la VVS. Santos (2017) a constaté que les coûts externes imputables aux poids lourds étaient particulièrement importants dans le pays. L’explication tient principalement au fait qu’au Luxembourg, une plus forte proportion de la circulation des poids lourds intervient en milieu urbain.

Les coûts de la pollution de l’air par véhicule-kilomètre parcouru au Luxembourg sont également plus élevés que dans les autres pays retenus dans la comparaison et supérieurs à la moyenne de l’UE. Dans le même ordre d’idées, les coûts par kilomètre parcouru sont nettement plus élevés dans le cas des autobus (et des poids lourds) que dans celui des voitures de tourisme et des véhicules légers. Ces informations, tirées de van Essen et al. (2019), renvoient toutefois à la situation en 2016. Depuis lors, le Luxembourg et d’autres pays ont entrepris de mettre en service des autobus hybrides et électriques, ce qui a tendance à faire baisser les coûts de la pollution de l’air par kilomètre parcouru. Ces autobus pourraient cependant provoquer d’importantes émissions de PM2.5 sous l’effet de l’usure des pneus et des freins (Graphique 4.10).

La mobilité peut être rendue plus durable de multiples façons. La mobilité motorisée s’accompagne, dans une mesure variable, d’effets externes divers, parmi lesquels les émissions de CO2 et de polluants atmosphériques, les nuisances sonores, les accidents et la congestion. Le développement d’infrastructures adaptées à ce type de mobilité se révèle souvent dommageable pour les habitats et la biodiversité. La mobilité dite active – déplacements à pied ou à vélo – n’a que peu, voire aucune, de ces externalités négatives et peut être bonne pour la santé de la population.

Il existe toute une panoplie de mesures envisageables pour rendre la mobilité plus durable :

  • Réduire le nombre total de déplacements de personnes et de marchandises, par exemple en promouvant le télétravail

  • Réduire le nombre de véhicules utilisés pour transporter un nombre donné de personnes ou une quantité donnée de marchandises, par exemple en augmentant les taux de remplissage avec, notamment, le covoiturage

  • À l’échelle d’un mode de transport, aller vers des véhicules plus respectueux de l’environnement, par exemple remplacer les voitures particulières à carburants fossiles par des voitures électriques

  • Privilégier les modes qui portent moins atteinte à l’environnement, par exemple reporter les déplacements de la route vers le rail, ou des voitures particulières vers les transports en commun, la marche et le vélo.

  • Déplacer la mobilité vers des lieux de moindres externalités négatives, avec par exemple des rocades périphériques qui évitent aux véhicules de traverser les villes

  • Décaler la mobilité vers des moments du jour ou de la semaine où la circulation est moins dense, par exemple des heures de pointe vers les fins de soirée, ou des jours ouvrés vers les week-ends.

En 2012, le Luxembourg a publié une Stratégie globale de mobilité durable (Modu). Il s’y fixait un double objectif pour 2020 : 25 % de tous les déplacements devraient être non motorisés, et 19 % devraient être effectués en transports en commun. Ces objectifs se fondaient sur les projections de modèles construits avec les données incomplètes disponibles à l’époque de l’élaboration de ce plan, ce qui rend difficile les comparaisons avec les résultats réellement obtenus.

La stratégie Modu 2.0 de 2018 est une version révisée destinée à rendre plus durable la mobilité au Luxembourg (Département des Transports, 2018). Elle s’appuie notamment sur les réponses de quelque 37 500 personnes à l’enquête LuxMobil lancée en 2017 pour recueillir des informations sur, entre autres, les habitudes de mobilité9. Selon cette enquête, 17 % des déplacements motorisés étaient effectués en transports en commun en 2017, tandis que 12 % l’étaient à pied ou à vélo, exclusion faite des portions à pied de trajets plus long en voiture.

La stratégie Modu 2.0 cible quatre catégories d’« acteurs » de la mobilité : les employeurs et les établissements scolaires, les communes, les citoyens, et l’État (Encadré 4.1). Elle met aussi en exergue la différence entre « transports » et « mobilité » : au contraire du « transport » qui fait référence au mouvement de véhicules, la « mobilité » désigne la possibilité et la capacité d’atteindre une destination. Le message-clé de la stratégie est que la mobilité du pays ne peut être améliorée durablement et dans des délais raisonnables que si les quatre catégories d’acteurs mettent en œuvre une multitude d’actions concrètes.

La stratégie décrit un certain nombre de mesures interdépendantes que les différents acteurs peuvent prendre pour rendre la mobilité plus durable, parmi lesquelles :

  • Repenser le plan général d’aménagement du territoire

  • Limiter et gérer le nombre de places de stationnement

  • Créer une atmosphère agréable pour les piétons

  • Prévoir davantage d’espace pour les cyclistes

  • Réduire l’activité de mobilité aux heures de pointe

  • Encourager l’autopartage et le covoiturage

  • Promouvoir l’utilisation des transports en commun

  • Promouvoir l’utilisation de véhicules plus propres.

L’un des objectifs stratégiques est de réduire la congestion aux heures de pointe tout en transportant 20 % de personnes de plus en 2025 qu’en 2017. À cet effet, la stratégie fixe plusieurs objectifs chiffrés (Encadré 4.1). Elle reprend également les objectifs de réduction des émissions de l’UE pour 2005-30 (c’est-à-dire, réduction de 83 % des NOx, de 42 % des COV non méthaniques et de 40 % des PM2.5).

La mise en œuvre de cette stratégie sera déterminante pour le développement futur du pays. Le document Modu 2.0, de niveau stratégique, propose une cinquantaine de mesures que les quatre acteurs de la mobilité peuvent prendre pour rendre la mobilité plus durable. C’est pour concrétiser le changement de paradigme du rattrapage de la demande par l’offre vers une anticipation de celle-ci qu’ont débuté les travaux d’élaboration du Plan de mobilité nationale à l’horizon 2035, qui doit être présenté au Parlement en 2020 ou 2021. Ce plan sera axé sur la mobilité (par exemple, réduction des déplacements individuels, promotion des transports en commun, amélioration des flux de circulation et mesures d’information) et sur les infrastructures de la mobilité.

Le Luxembourg a pris diverses mesures pour promouvoir les transports en commun dans la perspective de rendre la mobilité plus durable. Entre 2015 et 2019, il a investi environ 1.8 milliard EUR dans ses infrastructures de transport public. Il est en train de construire une première ligne de tramway, d’ouvrir d’autres lignes de bus, d’augmenter le nombre de places dans les parking-relais dans tout le pays et dans les zones frontalières et de développer de nouveaux systèmes de données pour fournir aux usagers des informations sur les heures de départ, les retards, etc.

Un grand nombre de bus hybrides et électriques ont également été achetés. En 2019, 110 nouveaux bus ont été ajoutés au réseau national, dont plus de 40 étaient 100 % électriques. Ceci devrait clairement aider à réduire les émissions de polluants atmosphériques locaux causées par les moteurs à combustion. Des évaluations ex post sont nécessaires pour déterminer dans quelle proportion c’est la batterie, et non le moteur diesel, qui alimente les bus hybrides. En effet, parce que les batteries alourdissent les véhicules, les modèles hybrides consomment généralement plus de gazole par kilomètre parcouru quand ils sont propulsés par leur moteur thermique que les bus uniquement équipés d’un tel moteur10. Comme le retour d’expérience de l’utilisation des bus hybrides n’est pas si positif, le Luxembourg souhaite recourir à des bus 100 % électriques partout où c’est possible et, quand ça ne l’est pas, s’en remettre à des bus de la classe Euro la plus élevée possible. Il s’est fixé pour objectif d’être doté d’une flotte de bus 100 % électrique d’ici à 2030. Pour ce faire, les bus devront avoir accès à des stations de recharge d'une capacité suffisante (voir ci-dessous).

Le passage à des véhicules à propulsion électrique ou hydrogène ne réduira pas les émissions causées par l’usure des pneus et des freins. Au contraire, dans une catégorie donnée, ces véhicules tendent à être plus lourds que leurs équivalents à moteur à combustion interne. Les émissions dues à l’usure des pneus et des freins pourraient donc augmenter avec la part des véhicules électriques dans le parc automobile.

Les transports en commun de la ville de Luxembourg sont moins chers (dans certains cas, beaucoup moins chers) que ceux d’autres villes européennes de taille comparable (Graphique 4.11). Ils sont aussi gratuits plusieurs week-ends par an pour encourager la population à les utiliser à l’occasion des soldes ou de certains jours fériés (Noël, Pâques, etc.). Dans le cadre de sa stratégie de mobilité durable, le gouvernement a récemment rendu les transports publics entièrement gratuits dans tout le pays pour tous les usagers – y compris un grand nombre de navetteurs frontaliers quotidiens. Seules les places en première classe continuent à être payantes. Cette mesure, introduite en mars 2020, est financée par le gouvernement et la Ville de Luxembourg. Elle est vue comme un signal destiné à induire des changements de comportement qui rééquilibreraient la répartition modale, et comme une démonstration de la volonté politique du gouvernement. Cependant, son efficacité environnementale et économique soulève des questions. Les conclusions de l’enquête LuxMobil de 2017 indiquent que, pour différentes catégories d’usagers, le temps, le confort et les possibilités de parking sont les premiers déterminants du choix entre les transports publics et d’autres modes. C’est pourquoi, la gratuité totale des transports publics devrait, à elle seule, avoir peu d’influence sur le choix modal. L’action a également été décrite comme une « mesure de politique sociale » mais, dans ce cas, son ciblage est particulièrement inefficace, puisqu’elle fournit une aide financière à un grand nombre de personnes n’en ayant pas réellement besoin.

La gratuité des transports publics privera l’État de quelque 40 à 45 millions EUR par an de recettes, si l’on se base sur les tarifs actuels des titres de transport. Aucune économie ou presque ne devrait découler d’une suppression des services de billetterie puisque la carte dite mKaart fournit un nombre croissant d’autres services à ses détenteurs, ce qui pourrait augmenter les coûts de fonctionnement. Elle servira entre autres à accéder gratuitement à des parcs à vélos sécurisés à proximité des stations de transports publics et comme un moyen de paiement aux points de recharge des véhicules électriques. Le manque à gagner est limité si on le compare, par exemple, aux investissements dans le secteur des transports en commun11. Cependant, si les finances publiques devaient être un jour plus contraintes, la perte des recettes de la vente des titres de transport pourrait avoir un impact négatif sur la qualité des services fournis. Il est donc recommandé d’évaluer l’efficacité de cette mesure dans quelques années.

Le Luxembourg a pris un certain nombre de mesures pour stimuler la mobilité active (marche et vélo). Un réseau national de pistes cyclables est en cours d’aménagement. En 2019, plus de 600 km de pistes cyclables étaient disponibles et la création de près de 500 km de pistes était prévue. Des efforts sont déployés pour faire du vélo un mode de mobilité à part entière dans l’ensemble des infrastructures et des offres de transport.

À l’instar de nombreuses villes dans le monde, Luxembourg encourage différentes formes de « mobilité partagée ». Moyennant un abonnement, les citoyens ont la possibilité d’emprunter des voitures électriques et des vélos classiques ou électriques. Devant la multiplication des accidents et en raison des préoccupations concernant notamment la « durabilité » de certaines formes de micro-mobilité comme les trottinettes électriques12, plusieurs villes ont commencé à prendre des mesures de restriction, y compris le Luxembourg (Garrahan, 2019) 13. Le Luxembourg est en train d’adapter son code de la route. La micro-mobilité électrique qui atteint des vitesses de 25km/h sera autorisée à partager les infrastructures cyclables. La micro-mobilité non électrique dont la vitesse est proche de celle d’un piéton partagera les trottoirs tout en laissant la priorité aux piétons.

Le Luxembourg a également pris un certain nombre de mesures pour stimuler les ventes et l’utilisation de véhicules à zéro ou faibles émissions (voitures électriques et hybrides, vélos électriques et scooters, etc.). Ainsi, le réseau de points de recharge édifié pour les véhicules électriques et hybrides comptait plus de 200 unités en janvier 2019, ce qui place le Luxembourg au troisième rang des pays européens, en densité par habitant, derrière les Pays-Bas et la Norvège (Chargy, n. a.). Fin 2020, 800 points de recharge (chacun pouvant accueillir deux véhicules en même temps) devraient être en service. L’objectif est que le parc des voitures particulières soit constitué à 49 % de véhicules électriques ’en 2030.

Les villes européennes sont de plus en plus nombreuses à bannir les véhicules considérés comme particulièrement polluants dans tout le périmètre ou certaines parties de leur territoire. Cette interdiction repose sur la classification EURO à laquelle les véhicules sont soumis14. Bien que pouvant favoriser la mise hors circulation d’une partie des véhicules polluants, ces mesures manquent de précision. Entre autres études aux conclusions similaires, celle de Bernard et al. (2018) indique que le niveau des émissions de NOx peut fortement varier entre différents modèles d’une même catégorie EURO et que des véhicules considérés comme « anciens » d’après la classification sont en réalité nettement moins polluants que d’autres pourtant associés à une catégorie plus récente.

En raison, notamment, de la jeunesse relative de son parc automobile, le Luxembourg n’a pas déployé de zone à faibles émissions. Cette décision paraît judicieuse au vu du bilan de tels dispositifs, tel que celui dressé par Dallmann et al. (2018). Les autorités ont choisi, en revanche, de favoriser la commercialisation et, partant, l’utilisation des véhicules à faibles émissions au moyen de la taxe annuelle sur les véhicules automoteurs et de subventions directes15. Ce deuxième dispositif est le plus important. Le montant alloué dépend du type de véhicule : 5 000 EUR pour les véhicules électriques à batterie ou à pile à combustible ; 2 500 EUR pour les véhicules électriques hybrides rechargeables (plug-in) ; 500 EUR pour les motos électriques ; 300 EUR pour les vélos. Il a été mis en place en janvier 2019 en remplacement du crédit d’impôt précédemment accordé au titre de l’acquisition d’un véhicule électrique depuis 2017, et dont l'impact sur les ventes était plutôt faible.

La taxe annuelle sur les véhicules automoteurs n’a qu’un faible effet incitatif en faveur de l’acquisition d’un véhicule à faibles émissions. Pour un véhicule qui émet 100 grammes de CO2 au kilomètre, le montant dû s’élève à 36 EUR s’il roule à l’essence, à 54 EUR s’il fonctionne au diesel16. Il est peu probable que de tels tarifs pèsent lourd dans le choix entre motorisation essence et diesel ou incitent à retenir la solution électrique.

En ce qui concerne l’utilisation des voitures de société à des fins personnelles, le montant estimé de l’avantage imposable qui s’ajoute au revenu du salarié augmente avec le niveau des émissions de CO2 estimé pour le véhicule. Il est plus élevé pour les véhicules diesel que pour les véhicules à essence. Le montant du revenu imposable du salarié est augmenté de 0.5 % de la valeur du véhicule (taxe sur la valeur ajoutée incluse), s’il s’agit d’un véhicule 100 % électrique, de 1.8 % dans le cas véhicule diesel émettant plus de 150 grammes de CO2 au kilomètre, et de 1 % ou 1.2 % respectivement pour un véhicule à essence ou diesel émettant entre 50 et 110 grammes de CO2 au kilomètre. Dans ce dernier cas, pour deux véhicules d’une valeur identique de 30 000 EUR, la différence de revenu imputé s’élève à 720 EUR par an. Un tel écart pourrait quelque peu influer sur le choix entre motorisation essence et diesel.

Dans un certain nombre de pays, le risque existe que les administrations infranationales se livrent une concurrence fiscale dans le domaine environnemental, notamment lorsque le prélèvement des taxes d’immatriculation est transféré aux autorités régionales sans définition de seuils. Ainsi, au Mexique, il y a quelques années, le gouvernement fédéral a délégué cette compétence aux États, qui ont alors été nombreux à décider d’abolir la taxe ou à rivaliser avec leurs voisins plus vastes pour en capter le produit en abaissant les tarifs. C’est ce qui s’est passé à Mexico, où une grande partie des résidents se sont mis à immatriculer leurs véhicules dans l’État voisin de Morelos. Cela signifie que la taxe de Mexico n'est plus un instrument efficace pour promouvoir des véhicules moins polluants. Au Luxembourg, le problème de la concurrence fiscale ne se pose pas, dans la mesure où la taxe annuelle d’immatriculation est administrée par les autorités centrales.

C’est généralement au niveau d’administration le plus bas que le déploiement des solutions de micro-mobilité (systèmes de vélopartage, etc.) est encadré, compte tenu de leur incidence sur les revêtements et la voirie. Cela contraint souvent les gestionnaires de ces services de mobilité partagée à fragmenter leurs zones de services, dès lors trop réduites pour être rentables. Pour y remédier, Transport for London, a édicté des bonnes pratiques à l’attention des gestionnaires de vélos en libre-service (Transport for London, 2018), qui, sans être tenus de s’y conformer, obtiennent une autorisation lorsqu’ils les appliquent. Le Luxembourg pourrait étudier la possibilité de mettre à profit l’expérience londonienne.

Au Luxembourg, les autorités nationales et locales ont des responsabilités qui se chevauchent, ce qui complique la mise en œuvre de certaines mesures autrement favorables à l’ancrage des modes de mobilité durable et à l’amélioration de la qualité de l’air (Chapitre 2). Par exemple, lorsque les autorités centrales ont tenté d’imposer des restrictions de stationnement dans les communes, le Conseil d’État a déclaré que l’autonomie des communes s’en trouverait trop fortement réduite et que ce serait contraire à la Constitution. Si l’on sait que la gestion du stationnement est le principal levier pour orienter, d’ailleurs de façon particulièrement ciblée, économique et écologique, le trafic motorisé individuel, cette contrainte est pénalisante pour la planification de la mobilité.

Le réseau ferroviaire luxembourgeois (pour l’essentiel électrifié) étant largement saturé sur certains axes, l’achat confirmé de matériel roulant augmentant le nombre de sièges de 43 % entre 2019 et 2024 est nécessaire pour augmenter le report modal du transport de de personnes et ainsi réduire la pollution. Pour ce qui est du transport de marchandises par rail, en 2017, un terminal de fret intermodal est entré en service à Bettembourg, près de la frontière française, pour faire passer de la route au rail les poids lourds circulant le long de l’axe mer du Nord–Méditerranée mis en place par l’Union européenne. D’après le Département des transports (2018), le transport d’un semi-remorque de Bettembourg à Boulou (dans le sud de la France) produit 245 kilogrammes de CO217 par le rail, contre 1 843 kilogrammes de CO2 par la route. À cela s’ajoute que le choix du rail élimine une grande partie des émissions de polluants atmosphériques locaux. Le nombre de trains fret desservant cette plateforme multimodale de Bettembourg est en constante augmentation (Kiel, Trieste, Pologne, République populaire de Chine, etc.).

À l’échelle européenne, la construction de ce terminal semble très opportune. Sa proximité de la frontière française donne toutefois des raisons de penser qu’il ne fera guère baisser le niveau des émissions luxembourgeoises et qu’au contraire, davantage de poids lourds, provenant d’Allemagne, de Belgique et des Pays-Bas, passeront par Bettembourg pour être transbordés. Tout cela pourrait dès lors faire grimper le niveau des émissions de CO2 et de polluants atmosphériques locaux.

Avec le développement du télétravail, les gens pourraient avoir moins besoin de se déplacer physiquement. L’enjeu est de taille pour les très nombreux travailleurs frontaliers, compte tenu des répercussions sur leur régime d’imposition. Dès lors qu’ils ont travaillé un certain nombre de jours à leur domicile, ils deviennent assujettis à l’impôt sur le revenu dans leur pays de résidence – tout en le restant potentiellement au Luxembourg. Pour remédier au problème et éviter la double imposition, le Grand-Duché a conclu, il y a quelque temps déjà, une convention avec la Belgique et, plus récemment, a ratifié un accord similaire avec la France. Jusqu’alors, aucune des personnes résidant en France et employées au Luxembourg – soit plus de 100 000 personnes – n’avait le droit de faire du télétravail en France. Ils y sont désormais autorisés 29 jours par an, soit un peu plus d’un jour toutes les deux semaines (Orliac, 2019). L’instauration de ce seuil de tolérance marque incontestablement un pas dans la bonne direction, mais demeure trop modeste pour véritablement rejaillir sur la congestion.

Comme indiqué ci-dessus (section 4.2), la congestion est un grand problème au Luxembourg. La possibilité de reporter ses déplacements aux heures creuses pourrait limiter les embouteillages aux heures de pointe, et, par ricochet, atténuer les problèmes de temps perdu, de transports en commun bondés et d’émissions connexes de CO2 et de polluants de l’air locaux. Une telle possibilité est offerte aux fonctionnaires grâce à un système d’horaires mobiles. Un système de covoiturage a également été mis à la disposition des habitants de la Grande Région. Le Département des transports (2018) a par ailleurs proposé que le début des cours soit décalé dans certains lycées. Il suggère en outre que les employeurs programment les changements d’équipe aux heures creuses. Enfin il suggère que les entreprises et les autorités locales fassent en sorte que les livraisons aient lieu aux moments de la journée où la congestion est limitée.

Cependant, l’effet des mesures de lutte contre la congestion et la pollution routières est en partie neutralisé par la sous-imposition des avantages en nature perçus par les salariés qui utilisent à des fins personnelles la voiture de société mise à leur disposition. D’après les estimations de Harding (2014), fondées sur des données de 2012 et d’années ultérieures, environ la moitié de ces avantages – par comparaison avec une valeur de référence exposée dans la même étude – échappe à l’impôt au Luxembourg. Dans le même temps, le revenu mensuel imposable du salarié est augmenté à hauteur de 1.5 % de la valeur de la voiture mise à disposition, tous types confondus. En 2017, des tarifs différenciés en faveur des véhicules à faibles émissions ont été adoptés. Il semblerait qu’avec cette réforme, la part des avantages actuellement imposés soit encore plus faible que celle estimée par Harding (2014).

Ainsi que Harding (2014) et Roy (2014) l’ont analysé en détail, la sous-imposition des avantages procurés par la possibilité d’utiliser une voiture de société à des fins personnelles peut être lourde de conséquences pour l’environnement et la société. Cela incite à privilégier la voiture particulière plutôt que les transports en commun ou les modes actifs de déplacement, en particulier aux heures les plus encombrées.

Le traitement accordé aux indemnités de déplacement dans le calcul de l’impôt sur le revenu peut également influer sur l’ampleur du trafic. Au Luxembourg, ces frais sont déductibles du revenu imposable, selon le principe qu’il s’agit de dépenses induites pour percevoir une rémunération de son travail. Le montant de l’abattement varie en fonction de la distance qui sépare le domicile du lieu de travail. Par exemple entre 396 EUR pour une distance de 4 kilomètres et 2 970 EUR pour 30 kilomètres ou plus. Sous sa forme actuelle, le dispositif présente l’inconvénient d’inciter les salariés à résider loin de leur lieu de travail, ou à chercher un emploi loin de leur domicile, entraînant ainsi une inflation du trafic. L’abattement est accordé que les dépenses aient été ou non engagées. Le système présente l’avantage de ne pas discriminer les modes actifs de déplacement. Cet avantage perd toutefois son intérêt pour les déplacements sur des distances longues. De plus, il n’incite aucunement à renoncer à la voiture particulière au profit des transports en commun ou d’un mode actif.

Le Luxembourg engrange depuis longtemps d’importantes recettes fiscales en attirant les automobilistes étrangers avec des carburants moins chers. Ces prix bas sont rendus possibles par l’application de droits d’accise relativement faibles sur l’essence et – surtout – le gazole (Chapitre 3). Comme indiqué plus haut, bien qu’ayant chuté au cours de la décennie écoulée, les « exportations de carburant » restent une grande source de recettes fiscales pour le Luxembourg. Il y a tout lieu de penser qu’elle se tarira dans les années à venir à mesure que l’on avancera sur la voie de la mobilité durable. Ainsi, l’électrification du secteur des transports conduira à sa décarbonation. Les voitures de tourisme et utilitaires légers à motorisation électrique disposeront probablement d’une autonomie moindre que les véhicules équipés d’un moteur à combustion interne. Il sera donc moins intéressant de faire un détour de l’autre côté de la frontière pour recharger son véhicule à un coût potentiellement plus bas que celui pratiqué dans son pays d’origine.

Pour les poids lourds, plusieurs pays étudient les possibilités – ou planifient la mise en œuvre d’un moyen – d’assurer la fourniture d’électricité sur les axes routiers empruntés par ces véhicules. La concrétisation de telles solutions priverait à terme le Luxembourg d’une source de recettes fiscales. Aussi le pays devrait-il s’y préparer, par exemple en augmentant progressivement les droits d’accise sur les carburants de façon à les rapprocher de ceux en vigueur dans les pays voisins (Chapitre 3)18. Il devrait renforcer la politique de tarification des places de parking, afin de décongestionner le réseau routier et d'encourager le covoiturage. Il pourrait également envisager l'introduction d'un système de péage routier.

Le Luxembourg s’est donné des objectifs ambitieux pour traiter les questions de pollution de l’air et de mobilité. Leur réalisation dépendra du niveau d’engagement de tous les acteurs (État, communes, employeurs, citoyens, transfrontaliers), de la coordination entre le niveau national et local et de la coopération avec les pays voisins au sein de la Grande Région. La cohérence des politiques et la capacité du Luxembourg à exploiter les synergies entre les mesures concernant les transports et la mobilité, le logement (construction, chauffage), l’aménagement du territoire, la qualité de l’air, le climat, et l’efficacité énergétique seront cruciales. Pour réussir la transition vers une mobilité durable, le gouvernement devra assurer une bonne coordination avec les communes et les entreprises, notamment en ce qui concerne la réévaluation des besoins en places de stationnement pour voitures, la mise en place de systèmes de co-voiturage ou l’aménagement des heures de travail. L’engagement des communes est particulièrement important pour intégrer les questions de mobilité et de qualité de l’air dans les plans d’aménagement local, et pour garantir la cohérence avec les autres outils d’aménagement du territoire (PDAT, plans directeurs sectoriels) et avec les mesures en faveur du climat et de l’efficacité énergétique. Cela peut être soutenu par le Pacte Climat qui comprend des mesures « mobilité » et depuis 2017 un volet « qualité de l’air », et qui récompense l’action des communes dans ces domaines.

Dans les années à venir, il sera important de bien suivre l’évolution des besoins de mobilité et d’évaluer les impacts en terme de coûts et de bénéfices des différentes mesures, y compris la gratuité des transports en commun. Le Luxembourg devrait en particulier réexaminer les coûts et les bénéfices des différentes aides financières (primes, subventions), taxes (sur les carburants, les voitures, les véhicules de service) et autres incitations financières. L’examen devrait évaluer si ces aides financières contribuent bien aux objectifs de mobilité durable fixés par le gouvernement et à une d’internalisation accrue des coûts externes environnementaux. Les choix qui restent encore à faire en matière de mobilité durable et le suivi des résultats devront se fonder sur une base d’information solide et fiable, avec des données précises, complètes et actualisées. Cette base devrait comprendre des données sur les niveaux d'activité dans les différents modes de transport qui faisaient défaut jusqu'à présent et un suivi régulier, notamment par l’observatoire de la mobilité qui est en train d’être mis en place.

Références

AEV (2018), Luxembourg’s Informative Inventory Report 1990-2016, Administration de l’Environnement, Luxembourg, https://webdab01.umweltbundesamt.at/download/submissions2018/LU_IIR2018.zip?cgiproxy_skip=1.

Bernard, Y. et al. (2018), Determination of real-world emissions from passenger vehicles using remote sensing data, TRUE – The Real Urban Emissions Initiative, Londres, https://www.trueinitiative.org/data/publications/determination-of-real-world-emissions-from-passenger-vehicles-using-remote-sensing-data.

Braathen, N. (2011), “Interactions Between Emission Trading Systems and Other Overlapping Policy Instruments”, OECD Green Growth Papers, No. 2011/2, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5k97gk44c6vf-en.

CE (2015), Règlement (UE) 2015/1185 de la Commission du 24 avril 2015 portant application de la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences d’écoconception applicables aux dispositifs de chauffage décentralisés à combustible solide, https://op.europa.eu/fr/publication-detail/-/publication/c6ccf626-2f6d-11e5-9f85-01aa75ed71a1.

Chargy (n.d), website, https://chargy.lu/ (consulté en juillet 2019).

Dallmann, T. et al. (2018), Remote sensing of motor vehicle emissions in Paris, TRUE – The Real Urban Emissions Initiative, Londres, https://theicct.org/sites/default/files/publications/TRUE_ParisRS_study_20190909.pdf.

Dechezleprêtre, A., N. Rivers and B. Stadler (2019), “The economic cost of air pollution: Evidence from Europe”, Documents de travail du Département des affaires économiques de l’OCDE, No. 1584, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/56119490-en.

Département des Transports (2018), Modu 2.0 – Stratégie pour une mobilité durable, Département des Transports, Luxembourg, http://www.modu2.lu.

Garrahan, D. (2019), “My new commute? E-scooter, e-bike and e-board put to the test”, Financial Times, 25 juillet, https://www.ft.com/content/7da23ad4-ae00-11e9-8030-530adfa879c2.

Harding, M. (2014), “Personal Tax Treatment of Company Cars and Commuting Expenses: Estimating the Fiscal and Environmental Costs”, Documents de travail de l’OCDE sur la fiscalité, No. 20, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5jz14cg1s7vl-en.

Hunt, A. et al. (2016), “Social Costs of Morbidity Impacts of Air Pollution”, Documents de travail de l’OCDE sur l’environnement, No. 99, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5jm55j7cq0lv-en.

OCDE (2020a), “Air et climat : Émissions atmosphériques par source”, Statistiques de l’OCDE sur l’environnement (database), https://dx.doi.org/10.1787/data-00598-fr (accessed on 10 January 2020).

OCDE (2020b), “Qualité de l’air et santé : Mortalité et coûts en bien-être imputables à l’exposition à la pollution de l’air”, Statistiques de l’OCDE sur l’environnement (database), https://dx.doi.org/10.1787/a9fa014e-fr (accessed on 17 January 2020).

OCDE (2014), Le coût de la pollution de l’air : Impacts sanitaires du transport routier, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264220522-fr.

Orliac, N. (2019), “France-Luxembourg : une nouvelle convention fiscale inquiète les transfrontaliers français”, Le Figaro, 4 juillet, http://www.lefigaro.fr/impots/france-luxembourg-une-nouvelle-convention-fiscale-inquiete-les-transfrontaliers-francais-20190704.

Rosendahl, K. (2019), “EU ETS and the new green paradox”, CESifo Working Papers, No. 7645, CESifo, Munich, http://www.cesifo-group.org/wp.

Roy, R. (2014), “Environmental and Related Social Costs of the Tax Treatment of Company Cars and Commuting Expenses”, Documents de travail de l’OCDE sur l’environnement, No. 70, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5jxwrr5163zp-en.

Santos, G. (2017), “Road fuel taxes in Europe: Do they internalize road transport externalities?”, Transport Policy, Vol. 53, Elsevier, Amsterdam, pp. 120-134, https://doi.org/10.1016/j.tranpol.2016.09.009.

Shi, L. et al. (2016), “Low-Concentration PM”, Environmental Health Perspectives, Vol. 124/1, US National Institute of Health Sciences, pp. 46-52, https://doi.org/10.1289/ehp.1409111.

TomTom (2020), The TomTom Traffic Index portal, https://www.tomtom.com/en_gb/traffic-index/ (consulté en juillet 2019.

Transport for London (2018), Dockless Bike Share Code of Practice for Operators in London, Transport for London, Londres, http://content.tfl.gov.uk/dockless-bike-share-code-of-practice.pdf.

van Dender, K. (2019), “Taxing vehicles, fuels, and road use: Opportunities for improving transport tax practice”, Documents de travail de l’OCDE sur la fiscalité, No. 44, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/e7f1d771-en.

van Essen, H. et al. (2019), Handbook on the External Costs of Transport: Version 2019, Office des publications de l’Union européenne, Luxembourg, https://op.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/e021854b-a451-11e9-9d01-01aa75ed71a1/language-en/format-PDF/source-106177318.

Notes

← 1. La Grande Région est l’unité géographique comprenant le Luxembourg, la Région wallonne en Belgique, la Lorraine en France et deux Länder allemands (la Sarre et la Rhénanie-Palatinat).

← 2. https://www.tomtom.com/en_gb/traffic-index/. Les neuf villes qui sont plus embouteillées que Luxembourg sont toutes situées en Pologne ou au Royaume-Uni.

← 3. Au Luxembourg, les émissions de SO2 sont dues en grande partie à une seule installation industrielle.

← 4. L’UE applique également une valeur limite horaire de 200 µg de NO2 par m³ d’air, que le Luxembourg a toujours respectée.

← 5. Au vu des résultats de la campagne, il a été décidé de poursuivre les mesures dans une quarantaine d’endroits.

← 6. La notion de « coûts » est décrite plus en détail dans le Chapitre 1 dans OCDE (2014).

← 7. Il ressort de travaux récents de l’OCDE [Dechezleprêtre et al., (2019)] que les coûts d’opportunité sont beaucoup plus importants qu’on le pensait auparavant. À partir des données relatives au PIB annuel d’un grand nombre de régions européennes, il est ainsi apparu qu’une hausse des concentrations atmosphériques de PM2.5 de 1 µg par m³ au cours d’une année donnée entraînait cette même année un recul de 0.8 % du PIB réel par habitant.

← 8. Dans leur étude, van Essen et al. (2019) indiquent utiliser des données sur la performance du transport routier provenant d’Eurostat selon le principe de la nationalité. Autrement dit, les activités de transport sont imputées aux pays d’immatriculation des véhicules. Une autre solution consiste à utiliser le principe de la territorialité, c’est-à-dire d’imputer les activités de transport aux pays où ces activités ont lieu. Par exemple, les kilomètre parcourus par des véhicules belges au Luxembourg sont imputés à la Belgique si on applique le principe de la nationalité, et au Luxembourg si on applique celui de la territorialité. Comme il n’existe pas, au niveau de l’UE, d’ensemble de données détaillées sur la performance du transport routier fondé sur le principe de la territorialité, van Essen et al. (2019) ont utilisé l’ensemble de données officiel d’Eurostat, qui repose sur le principe de la nationalité. Les données relatives aux activités de transports sont cependant entourées d’incertitudes significatives, car il y a au Luxembourg un déficit d’estimations de qualité concernant les tonnes-kilomètres et voyageurs-kilomètres parcourus. À titre d’exemple, il n’existe pas de système de comptage automatique des voyageurs présents dans un autobus donné.

← 9. Voir http://www.luxmobil.lu/ et https://transports.public.lu/fr/mobilite.html.

← 10. Il est parfois avancé qu’il faut prendre en considération les émissions de CO2 et de polluants atmosphériques locaux causées par la production de l’électricité consommée par les bus et les autres véhicules électriques. Cependant, dans les pays européens, les émissions de CO2 issues de la production d’électricité sont plafonnées dans le cadre du Système d’échanges de quotas d’émissions de l’UE (SEQE). Une hausse de la demande d’électricité n’affectera donc pas notablement les émissions de CO2 à l’échelle de l’UE. Indirectement, ce plafonnement aura aussi une incidence sur les émissions de polluants atmosphériques locaux à l’échelle de l’UE ; voir Braathen (2011). Depuis la modification du SEQE en 2018, le plafond global n’est plus totalement fixe. Par conséquent, la production de l’électricité nécessaire à l’alimentation des véhicules électriques augmentera quelque peu les émissions de CO2 à l’échelle de l’UE, mais l’impact sera limité. Rosendahl (2019) propose un examen plus approfondi des conséquences des récentes modifications du SEQE.

← 11. Un montant de 45 millions EUR équivaudrait à 12.5 % de l’investissement annuel moyen dans les transports publics entre 2015 et 2019.

← 12. Certains de ces véhicules peuvent avoir une durée de vie de quelques mois seulement, surtout s’ils sont utilisés dans des conditions météorologiques difficiles. Par endroits, jeter les vélos ou les trottinettes dans les cours d’eau, les canaux ou à la mer est devenu un « sport » pour certains groupes d’individus.

← 13. D’après Garrahan (2019), les trottinettes électriques n’ont jamais été autorisées sur la voie publique ou sur les trottoirs au Royaume-Uni. À Paris, leur utilisation sur les trottoirs est depuis peu interdite, mais elles peuvent circuler sur la chaussée.

← 14. Par exemple, au 1er juillet 2019, de nouvelles restrictions de circulation sont entrées en vigueur à Paris. Les véhicules légers et utilitaires légers à motorisation diesel datant de 2006 ou avant et les véhicules à essence datant de 1997 ou avant sont interdits à la circulation entre 8 heures et 20 heures, du lundi au vendredi. L’interdiction frappe également, sept jours sur sept, les poids lourds et autobus qui fonctionnent au diesel et dont la première immatriculation date de 2009 ou avant.

← 15. Voir https://transports.public.lu/fr/contexte/initiatives/mesures-fiscales/clever-fueren-steiere-spueren.html.

← 16. En général, pour une catégorie de véhicule donnée, un modèle diesel émettra moins de CO2 qu’un modèle à essence, ce qui tend à réduire davantage encore l’écart entre les montants de la taxe annuelle de circulation.

← 17. Dans le prolongement de la note 10, il est possible que cette estimation soit en réalité trop élevée. L’électricité qui sert au fonctionnement des trains relève du « quota » fixé dans le cadre du SEQE-UE. Par conséquent, l’exploitation d’un train supplémentaire ne saurait faire grimper le niveau des émissions de CO2 à l’échelle de l’UE. Ne peuvent en résulter que des effets de fuite, compte tenu des modifications apportées au SEQE-UE en 2018.

← 18. Van Dender (2019) examine de manière approfondie la fiscalité des carburants, des véhicules automoteurs et de l’utilisation du réseau routier.

Mentions légales et droits

Ce document, ainsi que les données et cartes qu’il peut comprendre, sont sans préjudice du statut de tout territoire, de la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire, ville ou région. Des extraits de publications sont susceptibles de faire l'objet d'avertissements supplémentaires, qui sont inclus dans la version complète de la publication, disponible sous le lien fourni à cet effet.

© OCDE 2020

L’utilisation de ce contenu, qu’il soit numérique ou imprimé, est régie par les conditions d’utilisation suivantes : http://www.oecd.org/fr/conditionsdutilisation.