Résumé

La violence politique ne cesse de progresser en Afrique du Nord et de l’Ouest. Ces dix dernières années, les affrontements entre forces gouvernementales et milices locales, groupes rebelles et organisations extrémistes ont ainsi fait plus de 100 000 morts. Les conflits sont devenus plus violents, prenant de plus en plus pour cible les civils, en particulier dans les zones rurales et frontalières où le pouvoir et les infrastructures de l’État sont depuis longtemps déficients. Des centaines d’acteurs aux objectifs divergents sont impliqués, et leurs relations complexes ont de profondes répercussions sur la résolution des conflits et leur géographie. Ce rapport montre que les organisations violentes ne peuvent être appréhendées isolément, car elles s’inscrivent dans un réseau de conflit.

Plus étendus que jamais, les conflits se propagent par-delà les frontières nationales, suscitant l’instabilité dans de nombreux États. Cette nature transfrontalière des conflits rend aujourd’hui plus complexe le rôle des gouvernements dans leur résolution. Groupes rebelles et organisations extrémistes peuvent en effet opérer dans un pays et en utiliser un autre comme refuge pour l’entraînement et le recrutement, développant ainsi des relations divergentes avec des forces gouvernementales voisines. Comprendre ces relations complexes entre les acteurs en conflit, ainsi que leur évolution au fil du temps, apparaît donc comme un préalable à la possibilité d’une stabilité politique à long terme dans la région.

Pour analyser ces relations complexes, ce rapport propose une approche novatrice, connue sous le nom d’analyse dynamique des réseaux sociaux (DSNA). Au-delà du simple examen des caractéristiques spécifiques des acteurs, telles que leur nationalité, leurs objectifs ou leur puissance militaire, la DSNA prend à la fois en compte la structure globale des réseaux de conflit et la position des acteurs en leur sein, que ce soit sur le plan temporel ou spatial (chapitre 1).

Cette approche dynamique aborde trois questions cruciales pour l’avenir de la région : 

  1. 1. Qui est allié à qui ? Qui est en conflit avec qui ?

Ce rapport s’appuie sur un ensemble de données portant sur 36 760 événements violents sur une période de 23 ans dans 21 pays d’Afrique du Nord et de l’Ouest pour cartographier l’environnement de conflit à l’échelon local et régional, et mettre au jour les rivalités et alliances qui sous-tendent les dynamiques de violence. Il identifie en outre les acteurs les plus importants ou centraux au sein du système global de conflit.

  1. 2. Comment rivalités et alliances évoluent-elles au fil du temps ?

Ce rapport donne un aperçu des modalités de coopération ou d’opposition entre acteurs en conflit, de la fréquence à laquelle ces relations peuvent s’inverser au fil du temps, et de l’incidence de l’introduction ou du retrait de certains acteurs clés sur les relations entre les autres acteurs du réseau. Il examine en outre les causes de la fragmentation des organisations violentes (chapitre 2).

  1. 3. Quelle est l’incidence des interventions militaires sur les réseaux de conflit ?

Ce rapport étudie l’incidence des interventions militaires extérieures sur les dynamiques des réseaux de conflit, question encore largement inexplorée malgré son importance décisive pour l’évaluation des perspectives de paix dans la région (chapitres 2 et 3). Il montre en outre que les interventions militaires ne sont pas parvenues à apporter une solution durable aux conflits, qui continuent de ravager la région. Certaines ont même contribué au renforcement des organisations jihadistes et rebelles (chapitre 5). Il rappelle enfin que les interventions militaires ne sont pas en mesure de remédier aux causes profondes des conflits, ni de susciter le changement politique nécessaire au rétablissement de la stabilité – autant d’impératifs qui restent du ressort des gouvernements nationaux.

La nature transfrontalière et la dimension territoriale uniques des conflits en Afrique du Nord et de l’Ouest nécessitent l’adoption de politiques plus territorialisées et d’une approche à la fois locale et régionale. Le fait que les zones frontalières sont les régions les plus dangereuses d’Afrique du Nord et de l’Ouest vient corroborer ce constat, tout comme trois études de cas sur les principaux théâtres de conflit de la région : l’insurrection malienne et ses répercussions dans le Sahel central (Burkina Faso, Mali, Niger) ; l’insurrection de Boko Haram dans la région du lac Tchad (Cameroun, Niger, Nigéria, Tchad) ; et les première et deuxième guerres libyennes (chapitre 4). Les analyses novatrices et temporelles — menées sur une période allant de 1990 à la mi-2020 — proposées dans ce rapport entendent éclairer la conception et la mise en œuvre de politiques de soutien à la résolution des conflits en cours. Elles soulignent en outre le rôle essentiel, pour y parvenir, d’une approche à plusieurs échelles et de politiques territorialisées.

Il convient enfin de promouvoir des politiques axées sur la conclusion d’alliances régionales pour lutter contre la propagation de la violence politique. Gouvernements et partenaires doivent se coordonner pour faire des zones frontalières une priorité, et tenir compte de leurs spécificités géographiques et sociales. Les politiques doivent par ailleurs s’attacher à renforcer la cohésion nationale en favorisant la mise en place d’initiatives et d’institutions plus décentralisées au bénéfice de tous, sur un pied d’égalité, et au service d’un dialogue plus inclusif avec les populations.

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