Chapitre 3. Les autres rôles des plateformes numériques pour assurer le recouvrement de la TVA/TPS sur les ventes en ligne.

Ce chapitre porte sur les rôles autres que celui de la responsabilité intégrale pour la TVA/TPS que les plateformes numériques peuvent jouer pour faciliter la collecte de la TVA/TPS sur les ventes en ligne. Les obligations examinées dans ce chapitre incluent le partage d’informations et les accords de coopération formels entre les plateformes numériques et les administrations fiscales et la formation des fournisseurs. Ce chapitre examine également les avantages qui peuvent être tirés d’un engagement volontaire des plateformes numériques dans la collecte de la TVA/TPS. Ces obligations pourraient compléter le régime de responsabilité intégrale de la collecte de la TVA/TPS, en particulier si une telle approche n’est appliquée qu’à certains types de ventes en ligne.

    

3.1. Introduction

Ce chapitre reconnaît que, parallèlement au régime de responsabilité intégrale en matière de TVA/TPS applicable aux plateformes numériques qui a été décrit au Chapitre 2, d’autres fonctions peuvent leur être confiées pour contribuer à un recouvrement efficient et efficace de la TVA/TPS sur les ventes en ligne. En particulier, ce chapitre tient compte du fait que le champ d’application du régime de responsabilité intégrale en matière de TVA/TPS peut être limité en pratique, si bien qu’il peut être souhaitable pour les juridictions d’imposer d’autres obligations aux plateformes afin d’assurer un recouvrement effectif des impôts dus, à telle enseigne qu’il peut même en résulter des avantages pour les plateformes.

Les fonctions abordées dans ce chapitre sont l’obligation de partage d’informations, la formation des fournisseurs, la conclusion d’accords formels entre les autorités fiscales et les plateformes et la possibilité pour ces dernières d’assumer volontairement les obligations d’un collecteur de TVA/TPS.

Pour ces fonctions, les autorités fiscales doivent veiller tout particulièrement à évaluer la logique sous-tendant ces mesures en étant conscientes qu’elles devront consacrer des moyens humains, financiers et technologiques à l’application et l’administration de ces mesures et, de manière générale, de la nécessité que toutes mesures imposées aux plateformes et aux entreprises soient proportionnées. Les autorités fiscales sont invitées à évaluer l’intégration éventuelle des mesures décrites dans ce chapitre dans une stratégie globale de recouvrement effectif de la TVA/TPS sur les ventes en ligne, qui pourraient être combinées avec les mesures des Chapitres 2 et 4.

3.2. Obligation de partage d’informations

3.2.1. Considérations préliminaires et de fond

Une obligation de partage d’informations en vertu de laquelle une plateforme numérique serait légalement tenue de fournir aux autorités fiscales les informations pertinentes pour le respect des obligations en matière de TVA/TPS sans que cette plateforme soit nécessairement responsable de, ou joue un rôle dans, la collecte et le reversement de cette taxe pourrait être envisagée par les administrations fiscales en tant qu’aide au respect des obligations fiscales.

Concrètement, ces informations pourraient être demandées à la plateforme numérique soit périodiquement, soit sur demande ou spontanément, par exemple en cas d’activité suspecte.

Pour concevoir une telle mesure, l’administration fiscale devra se demander de quelle sorte d’informations elle a besoin pour assurer un recouvrement efficient et efficace de la TVA/TPS sur les ventes en ligne ; jusqu’à quel point il est raisonnable de demander ces informations aux plateformes numériques (par exemple, peut-on s’attendre à ce qu’elles puissent y accéder aisément) ; et elle devra apprécier si elle dispose réellement des moyens humains et techniques nécessaires pour traiter les données recueillies de manière à améliorer le recouvrement de la TVA/TPS. Il appartient aux autorités fiscales de réfléchir à la meilleure utilisation possible des données communiquées par les plateformes numériques, notamment en les soumettant à une analyse des risques poussée pour cibler les infractions. On voit donc combien il est important que l’application aux plateformes numériques d’une obligation de communication des informations soit envisagée à la lumière des utilisations possibles des données recueillies dans le contexte plus large d’une stratégie de recouvrement effectif de la TVA/TPS sur les ventes en ligne (voir le Chapitre 4).

Les autorités fiscales sont également invitées à minimiser le risque de redondances superflues dans les obligations d’information imposées aux plateformes numériques en vérifiant si les renseignements demandés sont déjà collectés par d’autres moyens ou s’ils ont été transmis à d’autres autorités telles que les douanes dans des circonstances où ces informations peuvent être exploitées efficacement aux fins du recouvrement de la TVA/TPS.

Les administrations fiscales sont invitées à s’assurer que les obligations de partage d’informations imposées aux plateformes numériques pour améliorer le recouvrement de la TVA/TPS sur les ventes en ligne sont globalement équilibrées en mettant en balance cet objectif d’action publique et le souci de limiter autant que possible la charge administrative en termes d’obligations fiscales. Ces considérations sont examinées ci-dessous de manière plus détaillée.

3.2.2. Portée et application de l’obligation

Pour définir la portée et les modalités d’application de cette obligation, il peut être utile de se demander si l’obligation de communication d’informations est une mesure indépendante ou si elle complète le régime de responsabilité intégrale en matière de TVA/TPS ou d’autres fonctions exercées en appui du recouvrement de la TVA/TPS.

Si l’obligation est une mesure indépendante, il sera raisonnable de viser toutes les plateformes numériques ayant accès aux informations pertinentes pour le bon recouvrement de la TVA/TPS (voir plus bas dans la Section 3.2.4 les indications sur le type d’informations qui pourraient être communiquées). Dans ce cas, l’obligation de partage d’informations pourrait s’appliquer aux plateformes :

  • qui exercent toutes les fonctions liées à la vente (ex. : les places de marché en ligne) ;

  • qui mettent en relation des acheteurs et des vendeurs (plateformes de réacheminement vers le site d’un vendeur ou de mise en relation d’acheteurs et de fournisseurs) ;

  • qui acceptent de ou s’engagent par contrat à référencer ou faire la publicité d’articles proposés à la vente en tout lieu ou sur tout moyen de communication ;

  • qui perçoivent une commission et/ou autre rémunération pour le référencement d’articles ou la publicité les concernant ;

  • qui assurent le traitement de paiements.

Si cette obligation est conçue de manière à être appliquée conjointement avec d’autres mesures ciblant les plateformes numériques, et notamment avec une obligation de collecter et reverser la TVA/TPS et d’autres obligations déclaratives, il pourrait être raisonnable et conforme au principe de proportionnalité de limiter l’application de toutes obligations supplémentaires de partage d’informations aux plateformes numériques qui n’entrent pas dans le champ de ces autres mesures.

Si une plateforme exécute à la fois des transactions relevant d’un régime de responsabilité intégrale en matière de TVA/TPS et des transactions qui en sont exclues (c’est-à-dire si un régime de responsabilité intégrale en matière de TVA/TPS s’applique à une catégorie de ventes limitée), il peut être préférable d’appliquer une obligation de partage d’informations large de manière à englober toutes les ventes parce que cela pourrait être plus simple sous l’angle administratif.

On peut considérer à bon droit que, comme une plateforme peut être située hors de la juridiction d’imposition, il peut être difficile de faire respecter cette obligation par des plateformes numériques étrangères. C’est pourquoi, idéalement, cette obligation de partage d’informations doit être combinée avec des accords de coopération administrative entre juridictions (voir le Chapitre 4).

3.2.3. Nature des informations à partager/communiquer

Les plateformes numériques sont capables de collecter une grande quantité de données. On peut raisonnablement demander aux plateformes numériques de partager des informations/données auxquelles elles accèdent dans le cours normal de leur activité et cette exigence est tout à fait proportionnée aux nécessités du recouvrement de la TVA/TPS (c’est-à-dire que cela est nécessaire pour prouver aux autorités fiscales que la taxe due sur une vente a bien été facturée et comptabilisée correctement par le fournisseur). L’Encadré 3.1 dresse la liste des informations qui pourraient être partagées/communiquées par les plateformes numériques.

Encadré 3.1. Liste des informations susceptibles d’être demandées
  • Nature de la vente ;

  • Date de la vente ;

  • Valeur de la vente ;

  • Identification du fournisseur, y compris son numéro d’identification fiscal (s’il existe) ;

  • Montant et taux de la TVA/TPS ;

  • Agent de transit ;

  • Adresse d’expédition ;

  • Entrepôt logistique ;

  • Adresse du client ;

  • Informations utilisées pour déterminer le lieu de résidence du client ;

  • Fournisseur de services de paiement ;

  • Facture ou autre document remis au client.

Note: Cette liste d’informations dont la communication pourrait être demandée par les juridictions est destinée à faciliter la conception de cette mesure et n’a qu’une valeur indicative. Certaines informations dépendront de la nature de la vente, à savoir la vente de biens, de services ou de biens incorporels.

3.2.4. Options envisageables pour la mise en œuvre

Deux grandes options peuvent envisagées pour l’application aux plateformes numériques d’une obligation de partage d’informations sur les ventes en ligne :

Option 1 – fourniture d’informations sur demande

Dans ce cas de figure, une juridiction demande à une plateforme numérique de conserver l’historique des ventes soumises à la TVA/TPS dans cette juridiction et de mettre ces informations à sa disposition sur demande. Elle pourrait demander à la plateforme de lui transmettre l’historique pour une catégorie donnée de ventes (ex. : ventes effectuées au cours d’une période donnée ou réalisées par un fournisseur donné par l’intermédiaire de la plateforme, par exemple dans le cadre d’un contrôle fiscal portant sur ce fournisseur). Elle pourrait aussi demander des informations sur une transaction donnée (par exemple pour vérifier si la valeur déclarée était exacte).

Option 2 – fourniture d’informations systématique

Dans ce cas, il est demandé à une plateforme numérique de fournir systématiquement et périodiquement des informations sur les ventes en ligne effectuées par l’intermédiaire de la plateforme à l’administration fiscale de la juridiction d’imposition. Le format de présentation et les informations demandées peuvent être spécifiés par cette juridiction. Une administration fiscale pourrait limiter cette obligation à certaines ventes (par exemple les biens dont la valeur excède un certain montant). La période pour laquelle les informations sont demandées peut être déterminée par la juridiction d’imposition en tenant compte de l’utilisation envisagée pour ces données (ex. : pour un contrôle ou pour une analyse de risques en temps réel).

3.2.5. Conception générale et observations/considérations de fond

Les considérations générales et considérations de fond ci-après peuvent être prises en compte par une administration fiscale pour l’application d’une obligation de partage d’informations aux plateformes numériques :

  • Il importe d’identifier à l’avance quelle sorte d’informations on peut raisonnablement demander à une plateforme numérique de partager/communiquer pour s’assurer que les buts d’une politique sont atteints tout en ayant présent à l’esprit le fait que toutes les plateformes ne disposent pas des mêmes informations ;

  • Trouver le bon équilibre entre la volonté de collecter des informations pertinentes et le souci d’épargner une charge administrative disproportionnée aux plateformes numériques ;

  • Tenir compte des liens avec les autres cadres réglementaires :

    • Problèmes liés à la protection des données/au respect de la vie privée/et autres garanties ;

    • Le droit de la concurrence peut limiter la mesure dans laquelle une plateforme numérique peut partager des informations commerciales ;

    • Difficultés auxquelles pourraient être exposées les plateformes numériques pour le partage de données qui ne sont pas détenues dans la juridiction d’imposition.

  • Afin de minimiser la charge administrative pesant sur une plateforme, vérifier que les informations qui lui sont demandées ne font pas double emploi avec des informations qui doivent être fournies par d’autres moyens à l’administration fiscale ou à une autre autorité ;

  • Fournir des indications claires sur le type d’informations considérées comme pertinentes/utiles (notamment le type d’informations à communiquer, sous quelle forme, selon quelle fréquence, etc.) ;

  • Envisager des mesures pour faciliter le respect des obligations (par exemple en autorisant l’emploi d’un système de déclaration électronique puisque les procédures des entreprises sont de plus en plus automatisées) – prendre pour point de référence certaines des recommandations du Rapport sur les mécanismes de collecte – Chapitre 3, Section C.5 (OCDE, 2017[1]) ;

  • Être conscient qu’une plateforme peut avoir besoin d’un délai suffisant pour faire en sorte que les systèmes de gestion et transmission de données et les capacités analytiques nécessaires soient en place. Les plateformes numériques peuvent avoir besoin d’améliorer leurs capacités technologiques (par exemple, elles peuvent avoir besoin d’adapter leurs systèmes internes pour recueillir et mettre à disposition les données demandées).

  • Promouvoir une coopération étroite entre administrations fiscales et plateformes numériques pour la demande/la transmission des données (par exemple, envisager de rédiger un contrat stipulant de façon détaillée les modalités du partage de données, les attentes du fisc, les dispositions prises pour travailler en mode collaboratif, etc.) ;

  • Veiller à ce que les données collectées soient utilisées efficacement pour améliorer fortement le respect des règles (voir le Chapitre 4) ;

  • Partager les données reçues des plateformes numériques avec les autorités douanières et/ou autres qui sont concernées de manière à exploiter pleinement ces données ;

  • Être conscient que la coopération internationale peut être très bénéfique dans ce domaine (voir le Chapitre 4).

3.3. Former les fournisseurs utilisant les plateformes numériques

3.3.1. Contexte et approche envisageable

Les obligations en matière de TVA/TPS peuvent poser des difficultés aux entreprises se livrant au commerce électronique transfrontalier, soit parce qu’il entraîne des obligations comptables et déclaratives et des règles de facturation particulières, soit parce qu’elles ne connaissent pas toujours le taux de TVA/TPS en vigueur pour un bien ou service donné dans le pays d’imposition. Ces difficultés sont particulièrement aiguës quand une entreprise vend dans plusieurs pays.

Les Principes directeurs (OCDE, 2017[2]) et le Rapport sur les mécanismes de collecte (OCDE, 2017[1]) soulignent qu’une stratégie de communication appropriée est indispensable pour amener les fournisseurs étrangers à respecter leurs obligations avec la rigueur voulue dans le pays d’imposition1. L’expérience tendrait à prouver que la possibilité d’accéder facilement à des instructions aisément compréhensibles par les contribuables se traduit par une meilleure exécution de leurs obligations, en particulier dans les pays qui ont mis en place des mécanismes administratifs et d’identification simplifiés pour le recouvrement de la TVA/TPS sur les importations. À cet égard, le rapport du FMI/de l’OCDE sur la sécurité juridique en matière fiscale, qui souligne que « des programmes anticipateurs d’éducation et de dialogue avec les contribuables concourent à la connaissance claire de leurs obligations par ces derniers », montre combien l’éducation des fournisseurs est utile (FMI/OCDE, 2017[3]).

Cependant, en pratique, les administrations fiscales peuvent éprouver des difficultés à toucher les fournisseurs situés hors de leur juridiction pour les informer de leurs obligations, en particulier pour ce qui a trait à la vente de biens car bien souvent des millions de fournisseurs du monde entier sont actifs sur les plateformes.

Étant donné que de nombreux fournisseurs passent par des plateformes électroniques pour accéder au marché mondial, il est possible d’utiliser celles-ci comme un moyen de communication pour envoyer en temps utile aux fournisseurs des informations exactes sur leurs obligations en matière de TVA/TPS. On remarquera que plusieurs plateformes numériques ont communiqué de leur propre initiative avec leurs fournisseurs au sujet des obligations dont ils sont redevables au titre de la TVA/TPS dans les diverses juridictions d’imposition, notamment en ouvrant des forums en ligne à l’intention de leurs communautés de fournisseurs de telle sorte que des informations sur les grandes questions de réglementation puissent être partagées.

L’expérience montre que la possibilité d’accéder à ces informations en un seul lieu (par exemple sur un portail Internet dédié au lieu d’avoir à consulter plusieurs sites) augmente l’efficacité de la communication et permet aux autorités fiscales d’effectuer plus facilement les mises à jour nécessaires. Il est toutefois reconnu que les administrations fiscales n’ont pas forcément les moyens technologiques requis pour mettre à disposition/actualiser ces informations et les mettre à la disposition des fournisseurs dans le monde entier. La capacité des plateformes numériques de communiquer avec les fournisseurs, souvent très nombreux, qui réalisent des ventes par leur intermédiaire offre aux administrations fiscales un canal d’une efficacité incomparable pour diffuser des informations sur les obligations de ces fournisseurs en matière de TVA/TPS. Il serait ainsi possible de diffuser des directives, d’envoyer des messages directs notifiant les modifications des obligations des fournisseurs et d’organiser des séminaires sur Internet et dispenser les conseils des administrations fiscales grâce aux forums communautaires créés par les plateformes.

3.3.2. Conception générale et observations/considérations de fond

Les considérations de fond ci-après concernent le rôle éducatif joué par les plateformes ou par leur intermédiaire:

  • Le rôle éducatif est conçu de manière à compléter et non à remplacer les stratégies de communication existantes des administrations fiscales pour informer les entreprises de leurs obligations;

  • Dans leur communication avec les fournisseurs, les plateformes doivent pouvoir se fier aux informations qu’elles ont reçues des administrations fiscales;

  • Les informations fournies au sujet des obligations en question doivent être ciblées, claires et à jour2;

  • Toute modification de ces informations doit être communiquée aux plateformes par les administrations fiscales en temps utile afin qu’elles puissent en aviser promptement leurs fournisseurs;

  • Puisqu’il est possible aux administrations fiscales de travailler avec les plateformes pour répondre aux questions de leurs fournisseurs, les administrations fiscales sont invitées à ouvrir un dialogue proactif avec les plateformes à ce sujet.

3.4. Accords de coopération formels

3.4.1. Considérations préliminaires et de fond

Une autre solution envisageable par les administrations fiscales est la conclusion avec les plateformes numériques d’accords en bonne et due forme fondés sur le principe de discipline fiscale basée sur la coopération. Ce type d’accord comporte par essence de multiples facettes parce qu’il peut combiner des mesures et approches très diverses pour amener les plateformes numériques à assurer un respect aussi strict que possible des règles relatives à la TVA/TPS sur les ventes en ligne. En général, ces accords prévoiront le partage d’informations (périodique et spontané), un volet éducatif (notamment en utilisant les plateformes comme vecteur de communication pour informer les fournisseurs de leurs obligations, etc.) et des mécanismes pour alerter les autorités fiscales et les plateformes des fraudes et répondre rapidement aux notifications par lesquelles une administration fiscale informe une plateforme qu’un de ses fournisseurs n’a pas respecté ses obligations en matière de TVA/TPS.

Ces accords sont bâtis en fonction du modèle de discipline fiscale basée sur la coopération. En 2013, dans un rapport intitulé Co-operative Compliance: A Framework: From Enhanced Relationship to Co-operative Compliance, le Forum sur l’administration de l’impôt a examiné les moyens de recouvrer efficacement les impôts grâce à la discipline fiscale basée sur la coopération entre l’administration fiscale et les entreprises (OCDE, 2013[4]). Cette étude recommandait aux autorités fiscales de tisser des relations reposant sur la confiance et la coopération. Ce rapport était basé sur un examen approfondi de l’expérience pratique des pays ayant instauré des relations de ce type. En outre, deux rapports récents du Forum de l’UE sur la TVA3 concernant la coopération entre administrations fiscales et entreprises livrent des indications générales sur les domaines se prêtant à une telle coopération et les bénéfices qu’on pourrait en attendre.

Bien que les accords de ce type entre administrations fiscales et plateformes soient par définition facultatifs, ils pourraient aussi porter sur les obligations qui résultent de la loi et non d’engagements contractuels, en particulier sur le partage d’informations. Il pourrait en outre être opportun de rendre ces accords publics car non seulement cela renforcera la transparence, mais en outre cela pourrait inspirer confiance aux consommateurs, aux fournisseurs et aux entreprises concurrentes dans les pays où sont réalisées les ventes.

3.4.2. Champ d’application des accords de coopération formels

Comme on l’a vu plus haut, il se peut que les autorités fiscales désirent axer ces accords sur la fourniture d’informations, l’éducation des plateformes et de leurs fournisseurs et, de manière générale, sur la coopération en ayant pour but de faire mieux respecter les règles tout en réduisant les incertitudes affectant les plateformes ou leurs fournisseurs quant à leurs obligations.

Un accord de coopération formel pourrait être particulièrement indiqué si une plateforme numérique ne joue aucun rôle dans ou n’est pas responsable de la collecte et du reversement de la TVA/TPS, même si ce type d’accords a encore son utilité dans le cas où la plateforme supporte la responsabilité entière de certaines transactions telles que les importations, mais pas dans d’autres cas tels que les ventes effectuées par un fournisseur dans son propre pays. Les administrations fiscales pourront également souhaiter conclure des accords de coopération formels avec des plateformes numériques à titre d’étape intermédiaire avant de leur appliquer un régime de responsabilité intégrale en matière de TVA/TPS. Cette démarche n’est pas sans intérêt parce que l’instauration d’un tel régime de responsabilité peut nécessiter un délai préalable, si bien qu’un accord de coopération peut contribuer à la sécurisation des recettes de TVA/TPS dans l’immédiat.

L’engagement de partage d’informations que comporte un tel accord peut être plus profitable qu’une obligation légale de déclaration parce qu’il peut inciter une plateforme à suivre une démarche anticipatrice pour détecter les comportements suspects de ses fournisseurs, à bloquer ceux qui ne respectent pas leurs obligations et à fournir en temps utile des informations ciblées sur les infractions à une administration fiscale de telle sorte que cette dernière puisse viser plus efficacement ces fournisseurs, même s’ils migrent vers d’autres plateformes.

La dimension éducative d’un accord peut contribuer utilement à l’amélioration de la discipline fiscale étant donné que de nombreux fournisseurs recourant à une plateforme sont situés dans un pays autre que celui d’imposition et risquent donc de mal connaître leurs obligations vis-à-vis de ce dernier. On peut inclure dans les mesures éducatives que pourrait stipuler un contrat de coopération la mise à disposition et la diffusion de guides par l’intermédiaire d’une plateforme, l’envoi de messages directs notifiant les modifications des obligations des fournisseurs, l’organisation de séminaires sur Internet et des conseils des administrations fiscales grâce aux forums communautaires créés par les plateformes. Un tel accord peut être particulièrement précieux pour une administration fiscale car il lui permet de toucher efficacement les fournisseurs d’une plateforme.

L’aspect coopératif d’un accord concerne la capacité d’une administration fiscale d’assurer une liaison efficace avec une plateforme numérique et vice-versa de manière à faciliter le respect des obligations incombant à ses fournisseurs. Par exemple, en vertu des dispositions sur la responsabilité conjointe et solidaire (voir le Chapitre 4), une administration fiscale pourrait communiquer efficacement avec la personne désignée comme interlocuteur (contact) pour lui donner des indications détaillées sur un fournisseur qui ne s’acquitte pas de ses obligations et permettre ainsi à la plateforme utilisée par celui-ci de prendre en interne les dispositions qui s’imposent pour l’obliger à respecter ses obligations, dans un premier temps en contraignant le fournisseur à s’immatriculer dans le pays d’imposition et dans un second temps, si nécessaire, en l’empêchant d’utiliser la plateforme. Au surplus, une plateforme ayant la possibilité de joindre un interlocuteur dédié chez l’administration fiscale peut lui signaler les manquements aux règles en temps utile. On peut envisager de rendre public un accord de coopération conclu avec une plateforme. Cette publicité peut être utile aux consommateurs parce qu’elle indique clairement quelles plateformes sont « sûres » au regard des règles de TVA/TPS, en particulier s’ils achètent en ligne des biens pour lesquels la TVA/TPS doit être payée à une plateforme en tant que point de vente, de telle sorte qu’ils sachent qu’ils n’auront plus de TVA/TPS à régler au moment de l’importation de ces biens. Il peut être nécessaire de rappeler dans ces accords, si tel est le cas, que les autres sujets concernant les consommateurs, comme la sécurité des produits, le respect des droits de propriété intellectuelle, etc. sont exclus de leur champ d’application.

3.4.3. Conception générale et observations/considérations de fond

Les considérations générales et considérations de fond ci-après peuvent être prises en compte par une administration fiscale pour l’application d’un accord de coopération formel à une plateforme numérique.

  • Les termes et conditions et la durée de validité de l’accord doivent être clairs, en particulier en ce qui concerne toute question juridique telle que, par exemple, la responsabilité conjointe et solidaire, les délais de réponse aux demandes de renseignements, les coordonnées des personnes désignées comme interlocuteur chez les parties signataires, etc. ;

  • Les termes de l’accord doivent être réalistes et proportionnés en gardant à l’esprit le fait qu’ils reposent sur le volontariat et la discipline fiscale basée sur la coopération entre l’administration fiscale et une plateforme. L’accord doit en outre faire l’objet de révisions périodiques pour s’assurer de son efficacité ;

  • L’administration fiscale et la plateforme peuvent avoir intérêt à rendre l’accord public. En effet, sa divulgation peut inspirer confiance aux fournisseurs et aux entreprises concurrentes dans le pays où opère la plateforme. À cet égard, une démarche envisageable consiste pour une administration fiscale à rédiger un accord cadre en concertation avec des plateformes, puis à leur demander de signer cet accord et de le faire savoir. Cette démarche a en outre le mérite de garantir la transparence et des conditions de concurrence équitables entre les plateformes ;

  • Les considérations relatives au partage d’informations qui ont été énumérées plus haut, tant pour le fond que pour la conception de l’accord, s’appliquent tout autant ici.

3.5. Plateformes agissant spontanément en tant qu’intermédiaire

3.5.1. Considérations préliminaires et de fond

Les Principes directeurs reconnaissent que « le respect de leurs obligations fiscales par les fournisseurs non-résidents pourrait être encore facilité en leur permettant de désigner une tierce partie pour agir en leur nom dans l’exécution de certaines procédures telles que le dépôt des déclarations. Cela pourrait être particulièrement utile en ce qui concerne les petites et moyennes entreprises et les entreprises qui sont confrontées à des obligations dans plusieurs juridictions. »4 (OCDE, 2017[2]) Les fonctions de ces tierces parties en matière de conformité fiscale peuvent être cantonnées à des tâches purement administratives telles que le calcul de la TVA/TPS et son versement à l’administration fiscale ou être nettement plus vastes, au point que certaines assument la responsabilité intégrale des fournisseurs.5 (OCDE, 2017[1]) En conséquence, les autorités fiscales pourraient envisager d’autoriser les plateformes à assumer spontanément le rôle de ces tierces parties pour le compte de leurs fournisseurs. Cette démarche pourrait être particulièrement opportune dans les cas où une plateforme est considérée comme responsable de certaines ventes seulement (voir plus bas). Cette disposition pourrait avoir des effets bénéfiques sur la discipline tant de la plateforme que de ses fournisseurs.

3.5.2. Champ d’application

Ce qui importe le plus à une juridiction ayant à définir le champ d’une mesure autorisant une plateforme à jouer spontanément le rôle d’intermédiaire est qu’il en résulte un recouvrement plus efficient et efficace des impôts qui lui sont dus. Une administration fiscale peut donc trouver des vertus à un accord en vertu duquel une plateforme de confiance collecte la TVA/TPS ou assume la responsabilité de la TVA/TPS pour le compte de ses fournisseurs, qui peuvent se compter par milliers.

Une juridiction pourrait permettre que cette disposition fonctionne de manière à compléter le régime de responsabilité intégrale en matière de TVA/TPS en l’appliquant à des transactions qui ne sont pas couvertes par cette obligation (voir le Chapitre 2). Cette juridiction pourrait aussi décider que le modèle d’exercice spontané du rôle d’intermédiaire constitue une mesure d’attente utile avant l’entrée en vigueur du régime de responsabilité intégrale en matière de TVA/TPS.

Plus précisément, une juridiction pourra, pour les importations de biens achetés en ligne, autoriser des plateformes à agir spontanément en tant qu’intermédiaires en collectant et reversant la TVA/TPS sur ces marchandises importées et en allant ainsi au-delà des obligations mises à leur charge par la loi. À titre d’illustration, si le régime de responsabilité décrit dans le Chapitre 2 n’est appliqué qu’aux importations de biens dont la valeur est inférieure au seuil d’exonération, on pourrait envisager d’offrir aux plateformes numériques la possibilité d’assumer volontairement pour le compte de leurs fournisseurs la collecte et le reversement de la TVA/TPS pour la fraction du prix qui excède le seuil d’exonération. Les accords de ce type devraient être conclus en concertation étroite avec l’administration des douanes.

Enfin, une autre considération relative au champ d’application concerne le fait de savoir si ces dispositions peuvent concerner les ventes effectuées par un fournisseur dans son propre pays et sous quelles conditions. Comme pour les fournisseurs étrangers, il y a lieu de prendre en compte les conséquences éventuelles sur les fournisseurs qui ne sont pas tenus de s’immatriculer à la TVA/TPS.

3.5.3. Conception générale et considérations de fond

Comme ces accords sont facultatifs alors qu’ils peuvent être bénéfiques pour les autorités fiscales parce qu’ils entraînent un plus grand respect des obligations légales, il est crucial qu’ils apportent aux plateformes numériques des avantages dans le domaine de leurs propres obligations. Ce constat est particulièrement vrai si une plateforme numérique n’est pas située dans le pays ayant les droits d’imposition. En conséquence, les juridictions peuvent envisager la mise en place d’un régime administratif et d’identification simplifié afin de faciliter le respect des obligations fiscales. À ce propos, les pays peuvent s’inspirer des conseils très complets énoncés dans le Chapitre 3 du Rapport sur les mécanismes de collecte qui portent sur la conception et les modalités pratiques selon lesquelles fonctionnent les régimes administratifs et d’identification simplifiés (OCDE, 2017[1]).

Les autres considérations à prendre en compte sont les suivantes :

  • Le champ d’un tel accord pour jouer spontanément le rôle d’intermédiaire doit être défini avec précision (par exemple en stipulant quels sont les biens qui, soit par nature, soit du fait de leur valeur, en sont exclus) ;

  • L’accord pour jouer spontanément le rôle d’intermédiaire doit donner lieu à la rédaction en termes très clair d’un accord souscrit par la plateforme et son fournisseur afin de faire en sorte que leurs responsabilités respectives en matière de TVA/TPS soient clairement délimitées. La possibilité qu’un fournisseur effectue des ventes par l’entremise de plusieurs plateformes doit aussi être prise en compte dans l’accord ;

  • Il se peut qu’une plateforme décide d’inclure cet accord dans l’offre de services qu’elle propose à ses fournisseurs ;

  • Il est légitime qu’une plateforme choisissant de jouer spontanément le rôle d’intermédiaire en collectant et reversant la TVA/TPS sur les ventes en ligne puisse bénéficier de tout régime d’identification et de recouvrement simplifié qui est ordinairement proposé à ses fournisseurs ;

  • Il est essentiel d’une administration fiscale ou douanière ait les moyens de vérifier que la TVA/TPS a été ou sera bien comptabilisée et que la plateforme en assume la responsabilité.

Références

[3] FMI/OCDE (2017), Tax Certainty: IMF/OECD Report for the G20 Finance Ministers, http://www.oecd.org/tax/tax-policy/tax-certainty-report-oecd-imf-report-g20-finance-ministers-march-2017.pdf.

[1] OCDE (2017), Mécanismes pour la collecte effective de la TVA/TPS - OCDE, OCDE, Paris, http://www.oecd.org/fr/ctp/beps/mecanismes-pour-la-collecte-effective-de-la-tva-tps.htm (consulté le 24 mai 2019).

[2] OCDE (2017), Principes directeurs internationaux pour la TVA/TPS, OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264272958-fr.

[4] OCDE (2013), Co-operative Compliance: A Framework: From Enhanced Relationship to Co-operative Compliance, OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264200852-en.

Notes

← 1. Directives, Chapitre 3, Section C.3.3.7. Accès à l’information ; Rapport sur les mécanismes de collecte, Chapitre 3, Section C.7 Stratégie de communication – accès à l’information.

← 2. Rapport sur les mécanismes de collecte, Chapitre 3, Encadré 4 – informations à mettre à disposition pour aider les fournisseurs étrangers à s’acquitter de leurs obligations dans le cadre d’un régime d’identification et de recouvrement simplifié.

← 3. Le Forum de l’UE sur la TVA est une plateforme de discussion à laquelle participent des représentants des administrations fiscales et des entreprises. Des informations sur le forum sont disponibles à l’adresse https://ec.europa.eu/taxation_customs/business/vat/eu-vat-forum_en.

Le rapport de 2016 sur la coopération est disponible à l’adresse https://ec.europa.eu/taxation_customs/sites/taxation/files/resources/documents/taxation/tax_cooperation/vat_gap/2016-03_guide-on-adm-cooperation_en.pdf.

Le rapport de 2018 sur le commerce électronique est disponible à l’adresse https://ec.europa.eu/taxation_customs/sites/taxation/files/d-1507602_report_consolidated_en.pdf.

← 4. Principes directeurs, paragraphe 3.148.

← 5. Rapport sur les mécanismes de collecte Chapitre 2, Section C.

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