copy the linklink copied!Évaluations et recommandations

La notion d’accès à l’information renvoie à deux régimes de droit différents : d’une part, le droit dont jouissent de façon générique ou particulière les personnes physiques ou morales d’obtenir toute information communicable selon la loi ou certaines informations les concernant en particulier ; et, d’autre part, le droit des personnes à ce que les données les concernant ne soient pas divulguées, modifiées ni agrégées, notamment par le biais des traitements automatisés auxquels ces données sont soumises.

Les pays de l’OCDE ont adopté des législations relatives au droit d’accès à l’information et mis en place des institutions garantissant le droit d’accès à l’information (IGAI). Ces dernières assument un rôle fondamental dans la promotion, l’application et l’évolution de ce droit, ainsi que dans la protection des données individuelles et la communication des documents et informations.

D’un point de vue organique, les pays de l’OCDE comptent quatre types d’IGAI :

  • L’ombudsman ou le Médiateur (en Suède, en Norvège et en Nouvelle-Zélande, par exemple) ;

  • Le Commissaire à l'information (par exemple au Royaume-Uni, en Slovénie, en Hongrie, en Écosse et en Allemagne) ;

  • Une commission ou un institut (par exemple en France, en Italie, au Portugal, au Mexique et au Chili) ;

  • Un autre organisme chargé de la surveillance du droit, comme la Commission de vérification de l'accès à l'information et l’ombudsman, en Turquie, tous deux veillant au respect de la législation en la matière.

Dans les pays de la région MENA, depuis une vingtaine d’années et plus particulièrement à partir du cycle des Révolutions initié en 2011, le droit d’accès à l’information fait l’objet de revendications, débats et législations.

Le présent rapport sur les IGAI se concentre sur la communication spontanée ou sollicitée de l’information par les personnes assujetties à cette obligation. Il traite dans une première partie de la situation dans les pays de l’OCDE, et dans une seconde partie de la situation en Jordanie, en Tunisie, au Liban et au Maroc.

copy the linklink copied!Dans les pays de l’OCDE, un droit bien établi

La création et la compétence territoriale des IGAI

S’agissant dans certains pays d’un droit ancien, les pays membres de l’OCDE ont dans leur ensemble mis, après la Seconde Guerre mondiale, le développement et le respect du droit à l’information au centre de leurs préoccupations.

Des conventions et recommandations internationales, notamment de l’ONU, de l’OCDE, des organisations interaméricaines, du Conseil de l’Europe, de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et de l’Union européenne énoncent des objectifs et des règles dans le domaine de l’accès à l’information de nature à conduire, dans certaines situations, à une obligation positive générale de protection du droit d’accès à l’information et à la mise en place d’IGAI nationales.

Dans certains pays membres de l’OCDE, le droit d’accès à l’information figure expressément dans la Constitution nationale. Dans la majorité des pays membres toutefois, l’affirmation de ce droit découle d’autres dispositions constitutionnelles, notamment du droit à la liberté de pensée et d’expression.

Dans certains pays membres de l’OCDE, l’absence de cadre juridique en faveur du droit d’accès à l’information demeure un principe. D’autres pays en revanche se caractérisent, d’une part, par la mise en place d’une législation posant le principe du libre accès aux documents administratifs, et d’autre part par l’attribution d’une portée générale à ce droit, notamment pour ce qui est de la définition de l’information communicable. Dans un petit nombre de pays, la législation sur l’accès à l’information prévaut sur les dispositions concurrentes des autres législations.

Les formes d’organisation politique dans les pays membres de l’OCDE ont des effets considérables sur la législation relative à l’accès à l’information. Dans les pays fortement décentralisés ou fédéraux, la répartition des pouvoirs entre l’État central ou fédéral, d’une part, et les entités décentralisées ou fédérées d’autre part, induit deux conséquences. Tout d’abord, la loi nationale établit souvent un cadre général que les entités locales ou fédérées déclinent et complètent selon leurs compétences. Cette répartition peut ensuite engendrer d’une part des IGAI nationales ou fédérales, et d’autre part des IGAI relevant des collectivités locales ou des entités fédérées. Généralement, les États à forte tendance unitaire comptent une IGAI compétente pour l’ensemble du territoire alors que les États fortement décentralisés ou fédéraux instaurent une IGAI nationale et des IGAI infranationales.

Les IGAI ne disposent pas au sens propre de leur propre réseau de services déconcentrés ou décentralisés, mais certaines d’entre elles s’appuient sur des agents spécialement délégués aux activités d’accès à l’information et ont établi des coopérations avec des administrations nationales ou locales.

La nature juridique et la composition des IGAI

Dans certains pays de l’OCDE, l’IGAI prend une forme unipersonnelle, et dans d’autres pays une forme collégiale. L’IGAI unipersonnelle s’inscrit notamment dans la tradition des pays nordiques (l’ombudsman) et anglo-saxons, ainsi qu’en Europe centrale et orientale. Les pays de droit romain ainsi que le Japon ont choisi la constitution d’une commission.

Les IGAI infranationales peuvent être unipersonnelles ou collégiales, sans qu’il y ait une symétrie nécessaire entre elles et l’entité nationale. Toutefois, le caractère individuel ou collégial de l’IGAI ne semble pas revêtir une grande importance quant à l’efficacité de son activité.

Les IGAI ont le statut de personne morale de droit public ou administratif, selon l’ordonnancement institutionnel de chaque pays. Certaines Constitutions reconnaissent l’autonomie de l’institution. Même en l’absence d’une telle reconnaissance, les IGAI des pays de l’OCDE jouissent de l’autonomie juridique et peuvent être qualifiées d’autorités publiques administratives indépendantes, voire pour certaines IGAI de véritables juridictions, comme au Canada.

Pour ce qui est de leur fonctionnement, les IGAI peuvent être rattachées au pouvoir législatif, judiciaire ou exécutif. Dans certains cas, comme au Mexique, les IGAI ne sont rattachées à aucun de ces trois pouvoirs et constituent des organes publics constitutionnels ou indépendants.

La législation de certains pays accorde une grande latitude à l’autorité chargée de la nomination des personnes appelées à faire partie de l’IGAI. À l’opposé, d’autres législations déterminent précisément la qualité des personnes à nommer. De façon générale, la composition des IGAI varie selon les pays. Elles sont souvent formées de juristes, universitaires, magistrats ou professionnels de la communication. La composition de l’IGAI peut aussi tenir compte de certaines particularités tenant à l’organisation constitutionnelle ou administrative du pays, comme dans le cas de la Belgique.

Les conditions de nomination de l’IGAI ou de ses membres ont pour objectif d’offrir les meilleures assurances déontologiques, d’indépendance et de compétence, tout en réservant au pouvoir politique, responsable devant les électeurs, une marge d’action significative.

Les missions de portée générale des IGAI

Dans certains pays connaissant une forte spécialisation des IGAI et un rapprochement entre les autorités chargées du droit d’accès à l’information et les autorités responsables de la protection des données personnelles est en cours (Italie, France).

Nombre d’IGAI impulsent et coordonnent l’action de l’administration en faveur de l’accès à l’information. Certaines d’entre elles assument une mission générale de contrôle de l’exécution de la législation relative à l’accès à l’information. En vue de faciliter l’application de la législation relative au droit d’accès à l’information, les législations nationales autorisent les IGAI à formuler des avis, recommandations et conseils à l’intention des pouvoirs publics et de l’ensemble des personnes intéressées par l’application de la loi. Les IGAI disposent du pouvoir de produire des études et des rapports, et de formuler des observations générales et des propositions d’action.

Selon les législations, les missions des IGAI sont accomplies de manière spontanée ou sur saisine de la partie concernée. Dans leurs domaines de compétences de portée générale, les IGAI disposent souvent du droit d’auto-saisine pour formuler des observations.

Les demandes d’accès à l’information

Le traitement des demandes d’accès à l’information occupe une place de premier plan dans l’activité des IGAI et implique l’examen et le traitement de questions juridiques complexes. Les compétences des IGAI leur sont conférées par la législation relative à l’accès à l’information. Elles sont habilitées à se prononcer sur tous les éléments relatifs à cette législation concernant les situations individuelles ou collectives qu’elles ont à examiner. En particulier, elles se prononcent sur le bien-fondé des refus de communiquer une information, et souvent, notamment en Europe, sur la possibilité de la réutiliser.

La gratuité de l’accès à l’information tend à devenir la règle, pour autant que la dépense ne dépasse pas un seuil acceptable. Les sanctions en cas de communication indue d’information sont plus ou moins étendues selon les législations et les pratiques. De même, les exceptions au droit d’accès à l’information demeurent importantes dans certains pays. Les IGAI se prononcent souvent sur ces exceptions. La décision de l’IGAI se fonde de manière générale sur trois principes : la protection de la vie privée et de la sécurité nationale ; la notion d’affaire en cours ; et la régularité de la demande.

L'accessibilité ou l’inaccessibilité de l'information a notamment pour objectif de protéger les intérêts légitimes de certaines personnes, ou de manière plus générale de la société. En conséquence, les lanceurs d’alerte à l’origine des divulgations doivent bénéficier d’une protection spécifique et adéquate.

Dans les pays de l’OCDE, les modalités d’action contre le refus d’accès à l’information et les causes juridiques conférant le droit de s’adresser à l’IGAI sont variées. En cas de refus explicite ou tacite, certaines législations autorisent la personne victime du refus soit à introduire un recours contentieux devant une juridiction, soit à présenter un recours devant l’IGAI. D’autres législations, comme dans le cas de la France, obligent la personne concernée à saisir l’IGAI avant toute action en justice.

Lorsqu’elles sont saisies d’une demande concernant l’accès à l’information, les IGAI émettent des décisions administratives, publiques ou juridictionnelles. Elles peuvent dans certaines circonstances accepter la communicabilité partielle des informations.

Le fonctionnement des IGAI

Les IGAI unipersonnelles s’organisent autour d’une figure représentative, un Commissaire à l’information ou un ombudsman dans la plupart des cas. Cette personne se situe à la tête d’un service et peut être assistée d’un conseil. Les institutions collégiales sont composées de plusieurs membres de même niveau hiérarchique, prenant les décisions de manière collective et sous la direction d’un président.

Les IGAI sont assistées par des services administratifs, dont l’effectif et l’organisation sont généralement en accord avec la variété de leurs missions. Les IGAI chargées uniquement de l’accès à l’information sont de dimensions réduites et ont une organisation relativement simple, en accord avec leur effectif limité. Dès lors, en revanche, que les missions de l’IGAI sont plus nombreuses, les effectifs s’étoffent et les organigrammes se complexifient.

Selon les traditions et les législations, les IGAI mettent en place des procédures plus ou moins formalisées d’introduction, d’examen et de décision concernant l’accès à l’information, tant pour les affaires générales que pour celles concernant une ou plusieurs personnes.

Les IGAI bénéficient d’une large autonomie de gestion. Leurs budgets diffèrent grandement en fonction des missions, de la taille et de la situation particulière de chaque État ou collectivité interétatique.

Une hausse des demandes d’accès à des documents administratifs est perceptible dans nombre de pays. Cette évolution est parfois due à une utilisation du droit d'accès à l’information sans intérêt juridique légitime. L’engorgement auquel font face les personnes responsables de l’accès à l’information a aussi pour origine la lourdeur de la législation relative à l’accès à l’information. De même, la centralisation du traitement des requêtes empêche le bon fonctionnement de l’accès à l’information.

L’augmentation du nombre de refus explicites et tacites d’accès à l’information entraîne souvent celle du nombre de recours auprès des IGAI, et parfois l’accroissement des délais moyens de traitement des dossiers. L’augmentation du nombre de recours auprès des IGAI résulte, dans une certaine mesure, de la réticence de l’administration à communiquer des documents censément communicables. L’augmentation du nombre de recours a pour conséquence l’allongement des délais de traitement des dossiers par les IGAI. La communication spontanée de l’information contribue à l’amélioration du traitement des demandes d’accès à l’information.

L’augmentation du nombre de recours peut engendrer un encombrement handicapant. L’encombrement des IGAI et l’allongement des délais sont parfois dus à la libéralité des conditions de saisine, à la procédure de constitution du dossier par le demandeur et à la décision de la part de l’IGAI de prolonger l’instruction d’une affaire dans l’intérêt de la personne qui la saisit ou dans l’objectif d’une meilleure communication ou d’un avis plus précis, et donc plus utile au demandeur comme au représentant de l’institution. Les réponses tardives aux questions des IGAI de la part des personnes concernées provoquent également des retards dans le traitement des dossiers par les IGAI.

En conséquence, certaines IGAI ont considéré qu’elles n’étaient plus en mesure de mener à bien leurs missions dans des conditions optimales. Cela a conduit à des évolutions internes de certaines IGAI, par exemple à la concentration des ressources humaines sur les dossiers les plus complexes. Il arrive également que des réformes législatives simplifient les procédures, grâce à la mise en place du tri des requêtes par ordonnance sans instruction, ou en confiant le traitement des dossiers simples à une seule personne plutôt qu’au collège de l’IGAI. Ces réformes instaurent également de nouvelles procédures d’admissibilité des demandes confiées aux services administratifs ou de traitement automatisé des affaires les plus simples.

Le contrôle de l’action des IGAI

Même lorsque les IGAI constituent des institutions indépendantes, elles sont soumises aux contrôles affectant les organismes publics de leur pays. Elles échappent au contrôle hiérarchique du chef de service et à l’action des corps de contrôle rattachés à l’exécutif mais, selon les législations nationales, elles font l’objet de différentes formes de contrôle externes de nature administrative ou juridictionnelle.

Qu’elles soient rattachées ou non au Parlement, les IGAI demeurent sous son contrôle, soit par le biais du contrôle parlementaire sur l’exécutif, soit directement, par exemple dans le cadre de l’élaboration et de l’examen du budget annuel. Certaines IGAI remettent directement leurs rapports au Parlement qui peut en discuter.

Les organisations de la société civile attachent beaucoup de prix au droit d’accès à l’information, qui constitue un outil essentiel pour leurs activités. Il leur permet, d’une part, de comprendre les raisons de l’action publique et d’agir sur celle-ci, et, d’autre part, de se constituer en tant que force de proposition.

Différents types de recours juridictionnels contre les actions des IGAI sont envisageables, en fonction de l’ordonnancement juridique de chaque pays membre de l’OCDE. Selon les législations nationales, la décision de l’IGAI peut être directement ou non soumise au juge. Parfois, seule la décision de l’assujetti au droit d’accès à l’information fait l’objet d’un recours juridictionnel.

copy the linklink copied!En Jordanie, au Liban, au Maroc et en Tunisie, un droit à confirmer

L’évolution du droit d’accès à l’information

Avant le cycle révolutionnaire de 2011, la situation de l’accès à l’information n’était pas favorable dans les pays arabes. Mis à part la Jordanie, qui a adopté en 2007 une législation relative à l’accès à l’information, la plupart de ces pays ne disposaient pas de loi relative à la liberté d'échange de l'information. Et dans le cas où il y en existait une, une conjonction de dispositions pénalisait la mise à disposition, l'échange et la communication des informations sans l'autorisation préalable des autorités compétentes. Enfin, les administrations se montraient peu enclines dans la pratique à autoriser les citoyens à recourir au droit d’accès à l’information.

Les Révolutions de 2011 ont instauré un climat favorable au droit d’accès à l’information. L’amélioration de la transparence des pouvoirs publics et de l’État, et de l’accès à l’information détenue par l’administration ont occupé une place significative dans les revendications populaires durant ces évènements. Cela a conduit à des évolutions cruciales dans la législation et les habitudes administratives de certains États.

Au Maroc et en Tunisie, les Constitutions de 2011 et 2014 font explicitement référence au droit d’accès à l’information. À l’opposé, la Constitution libanaise de 1926 et la Constitution jordanienne de 1952 ne le mentionnent pas, tout en reconnaissant la liberté d’expression et de la presse pour la première, et le droit d’interroger les pouvoirs publics pour la seconde.

Les Constitutions tunisienne et marocaine se caractérisent, par ailleurs, par la mise en place d’institutions indépendantes, responsables de la protection et du développement des droits sociaux et humains. Ces institutions sont susceptibles, dans leur domaine de compétences, de participer à la promotion et la défense de l’accès à l’information.

Le droit international tient aussi une place dans la promotion du droit d’accès à l’information dans les quatre pays de la zone MENA concernés. La Jordanie, la Tunisie et le Maroc ont par ailleurs adhéré au Partenariat pour un gouvernement ouvert. Les quatre pays mentionnés dans ce rapport coopèrent également activement avec l’OCDE, par exemple à travers le Programme MENA-OCDE pour la gouvernance et le Programme sur le gouvernement ouvert.

Depuis 2016, la législation relative à l’accès à l’information en Tunisie, au Liban et au Maroc a connu de nettes améliorations. En Tunisie, l’Assemblée des représentants du peuple a adopté, le 24 mars 2016, une loi organique relative à l’accès à l’information. Le Liban a, pour sa part, approuvé, le 10 février 2017, la loi n° 28 relative à l’accès à l’information, qui établit les principales modalités d’application de ce droit. Cependant, cette loi requiert un certain nombre de textes d’application, concernant notamment la composition de la Commission nationale anticorruption, ainsi que les modalités de nomination de ses membres et d’exercice de ses compétences. Le Parlement marocain a enfin adopté, le 6 février 2018, le projet de loi n° 31-13 relatif au droit d’accès à l’information, dont les dispositions entreront en vigueur un an après sa promulgation.

Alors même que des améliorations sont intervenues au plan législatif après 2011, les législations relatives à l’accès à l’information coexistent avec de multiples dispositions constitutionnelles, légales ou règlementaires, protégeant par exemple les libertés individuelles ou les données personnelles, et ayant pour conséquence de renforcer ou restreindre l’exercice du droit d’accès à l’information.

En outre, dans les quatre pays de la région MENA examinés, le droit d’accès à l’information reste peu connu et sous-utilisé, et la transparence et la mise à disposition des informations publiques demeurent réduites.

Les seules données statistiques sur plusieurs années relatives au droit d’accès à l’information qui soient disponibles concernent la Jordanie. Dans ce pays, entre 2012 et 2015, 10 305 demandes ont été formulées. Pour l’année 2016, ce nombre a connu une augmentation considérable et atteint 12 101. Entre 2012 et 2016, on note un taux de réponses positives aux demandes d’accès élevé. Par ailleurs, entre 2008 et 2017, le Conseil de l’information, qui constitue l’IGAI nationale, a reçu 51 recours. Entre 2012 et 2017, 353 refus de communication ont été prononcés par l’administration du pays, à comparer aux 45 recours devant le Conseil de l’information, représentant un taux d’appel de 12.7 %.

La nature juridique et la composition des IGAI

Les quatre États de la région MENA examinés se sont dotés, ou sont en passe de le faire, de commissions de nature collégiale formant les IGAI nationales. La Jordanie depuis 2007 et la Tunisie depuis 2017 ont instauré leurs IGAI, constituées de neuf membres. La loi marocaine du 6 février 2018 prévoit la création d’une Commission d’accès à l’information composée de dix membres. La loi libanaise du 10 février 2017 prévoit la création d’une Commission nationale anticorruption qui assurera la mission d’IGAI, sans toutefois arrêter la composition de cette commission ni déterminer précisément ses missions et attributions. En conséquence, ces aspects ne sont pas examinés dans le présent rapport.

Dans les législations jordanienne, tunisienne et marocaine, l’autonomie de l’IGAI vis-à-vis du gouvernement diffère. En Jordanie, le Conseil de l’information n’est pas indépendant de l’administration et il est dirigé par le ministre de la Culture. La Commission d’accès à l’information marocaine sera placée sous la responsabilité du Chef du gouvernement. À l’opposé, l’Instance d’accès à l’information tunisienne est dotée du statut de personne juridique autonome et constituera soit une autorité administrative indépendante, soit une juridiction administrative spécialisée.

L’IGAI jordanienne est composée pour l’essentiel d’agents publics en relation étroite avec ses attributions ; dans les deux autres cas, la composition de l’IGAI est plus large, ouverte vers d’autres compétences et la société civile. En Jordanie et au Maroc, la désignation des membres de l’IGAI revient au pouvoir exécutif, alors qu’en Tunisie, l’Assemblée des représentants du peuple tient le premier rôle. Dans le cas de ces trois IGAI, des règles déontologiques fortes sont appliquées, de sorte à garantir l’intégrité des membres.

Les missions de portée générale des IGAI

Les missions de portée générale des quatre IGAI de la région MENA examinées les conduisent à veiller au droit à l’information publique comme instrument de promotion des valeurs et droits démocratiques. Les législations des quatre pays considérés énoncent une définition large du terme « information », alors que les personnes assujetties à l’obligation de communiquer l’information sont les pouvoirs publics, les administrations, et les personnes exerçant une mission de service public ou en lien étroit avec celui-ci, par exemple par le biais de la réception de subventions.

Les législations générales des quatre pays considérés prescrivent la publication obligatoire d’un certain nombre d’actes, tels les lois et règlements. Les lois sur l’accès à l’information tunisienne, libanaise et marocaine prévoient la publication spontanée d’un grand nombre d’autres informations et documents, telles des directives et circulaires, à l’opposé de la loi jordanienne sur l’accès à l’information qui ne contient pas ces dispositions. La publication peut intervenir par divers moyens, notamment au moyen de l’internet.

Ni la loi jordanienne d’accès à l’information ni la loi tunisienne n’envisagent explicitement la réutilisation de l’information. Les lois libanaise et marocaine le font, mais en protégeant les droits des tiers et la propriété intellectuelle. Par ailleurs, elles ne règlementent pas les conditions éventuelles de rémunération, par exemple à travers des licences de réutilisation de l’information.

Les limitations au droit d’accès à l’information prévues par les législations des quatre pays de la région MENA examinés sont parfois complexes et tiennent à l’histoire de chaque pays ou à sa situation actuelle aux niveaux politique, social et géographique. Certaines limitations tiennent à la personne du demandeur. Ainsi, la législation jordanienne réserve le droit de solliciter l’information aux citoyens du pays. La plupart s’attachent, à l’opposé, à l’information sollicitée. La législation précitée établit ainsi un grand nombre d’exceptions au droit d’accès, notamment lorsque les informations portent sur la vie privée. De son côté, la loi tunisienne comprend une disposition concernant les exceptions fondées notamment sur l’évaluation du préjudice à la sécurité ou à la défense nationale, et les relations internationales afférentes, ou les droits des tiers.

Les quatre IGAI examinées promeuvent et évaluent la mise en œuvre effective des dispositions de la législation relative à l’accès à l’information, établissent des rapports, donnent des avis sur les lois et règlements, et échangent des expériences avec les autorités étrangères équivalentes.

Le traitement des demandes d’accès à l’information

Le droit d’une personne ou d’un groupe de personnes d’accéder à l’information se manifeste, d’abord, par la formulation d’une demande auprès du détenteur de l’information. Dans l’exercice de leurs missions, les IGAI sont conduites à examiner l’application de la législation sur le droit d’accès à l’information.

Les législations des quatre pays ont édicté des procédures de demande précises auprès de l’assujetti à la communication de l’information. Les demandes doivent être formulées par écrit, parfois au moyen exclusif du formulaire préparé par l’administration à cet effet.

Les délais de réponse figurent dans les législations et font parfois l’objet de modulations afin de prendre en compte les circonstances particulières. Selon les législations libanaise et marocaine, la décision intervient par écrit et de manière motivée.

Lorsque le demandeur n’a pas reçu satisfaction, il peut formuler un recours dans le délai imparti, soit, selon les législations tunisienne, libanaise et marocaine, auprès de l’IGAI exclusivement, soit, selon la législation jordanienne, auprès de l’IGAI ou du Conseil d’État, qui constitue une juridiction.

La loi libanaise relative au droit d’accès à l’information ne contient aucune disposition sur l’instruction des demandes. La législation jordanienne confie l’instruction de la demande adressée au Conseil de l’information au Commissaire à l’information, mais ne définit pas clairement les pouvoirs d’investigation de l’institution. La loi tunisienne attribue des pouvoirs d’investigation élargis à l’Instance d’accès à l’information. En particulier, cette dernière peut accomplir toutes les recherches nécessaires sur place auprès de l’organisme concerné et entendre toute personne dont l’audition peut être utile. Selon la loi marocaine sur l’accès à l’information, la Commission d’accès à l’information reçoit les plaintes, les instruit et se prononce à leur sujet.

Les quatre lois examinées déterminent de manière précise les délais dont dispose l’IGAI pour décider des recours individuels qui lui sont présentés. Le délai dont dispose le Conseil de l’Information jordanien pour statuer sur une demande est de 30 jours à compter du dépôt de la demande. Un projet de loi propose de réduire ce délai à 15 jours. Le délai est de 45 jours pour l’IGAI tunisienne, de 2 mois pour la Commission nationale anticorruption libanaise, et de 30 jours selon la loi marocaine.

Le caractère obligatoire des décisions de l’IGAI jordanienne n’est pas clairement défini. La commission n'a pas le pouvoir d'imposer des sanctions aux autorités publiques qui manquent au respect de la loi. La loi demeure silencieuse sur le caractère obligatoire des décisions de la Commission nationale anticorruption libanaise. Il en va de même pour ce qui concerne les décisions de la Commission d’accès à l’information marocaine. De façon très novatrice, selon la législation tunisienne, la décision de l’Instance d’accès à l’information revêt un caractère contraignant pour l’organisme visé par la décision.

Le fonctionnement et les correspondants des IGAI

Les pays de la région MENA examinés, d’organisation politique unitaire, ont mis en place des IGAI à compétence nationale, siégeant dans la capitale du pays. Seul le Conseil de l’information jordanien est pleinement actif depuis une dizaine d’années. Le 17 juillet 2017, l’Assemblée des représentants du peuple tunisien a élu les neuf membres de l’Instance d’accès à l’information. Le 1er février 2018, cette institution a rendu sa première décision. Depuis lors, elle a connu une augmentation importante de ses saisines et de l’ensemble de son activité.

Bien que la législation relative au droit de l’information ait été adoptée, la Commission nationale anticorruption libanaise n’a pas été nommée, et le dispositif juridique actuel ne semble pas suffisant pour permettre son fonctionnement. La loi relative à l’information marocaine venant d’être votée, la Commission d’accès à l’information n’a pas encore été formée.

En Jordanie, le Conseil de l’information est secondé par le Commissaire à l’information, qui assure son secrétariat général. Étant donné le très faible nombre de recours individuels adressés au Conseil de l’information, celui-ci ne rencontre pas de difficultés pour remplir sa mission. Il a, partant, développé ses activités en direction de la promotion du droit d’accès à l’information.

La loi tunisienne d’accès à l’information détermine précisément les modalités de fonctionnement de l’Instance d’accès à l’information, qui sont similaires à celles d’une juridiction. L’Instance d’accès à l’information dispose d’un secrétariat et reçoit des financements de l’État. Son secrétaire général est désigné par le Conseil de l’Instance.

Les modalités de fonctionnement de la Commission d’accès à l’information du Maroc sont proches de celles de l’IGAI tunisienne. Toutefois, le secrétaire général est nommé par le gouvernement sur proposition de la Commission. De plus, la Commission ne dispose pas d’un secrétariat indépendant, celui-ci étant assuré par le secrétariat de la Commission nationale de contrôle de la protection des données à caractère personnel.

La loi sur l’information jordanienne ne prescrit pas la mise en place d’agents chargés de l’information dans les administrations. Elle établit toutefois que l’agent concerné facilite l’obtention de l’information. Les législations des trois autres pays examinés envisagent également la désignation, au sein des entités assujetties à l’obligation de communication de l’information, de personnes chargées à titre principal de veiller au droit d’accès à l’information, ou, dans l’un des cas, d’assumer le rôle de correspondants de l’IGAI.

Le contrôle de l’action des IGAI

Les IGAI faisant partie de la hiérarchie administrative sont soumises au contrôle hiérarchique ; telle est la situation du Conseil de l’information jordanien et de la Commission d’accès à l’information marocaine. La Commission nationale anticorruption libanaise et l’Instance d’accès à l’information tunisienne ne sont pas, d’après les textes qui les régissent, soumises au contrôle hiérarchique. Seule l’Instance d’accès à l’information tunisienne présente son rapport annuel au président de la République, au président de l’Assemblée des représentants du peuple et au Chef du gouvernement.

Les ONG se montrent très actives dans le domaine de l’accès à l’information. Elles suivent attentivement l’activité du Conseil de l’information jordanien. Elles ont formulé des observations et recommandations sur les projets de loi relative à l’information dans l’ensemble des pays observés. Pour sa part, la loi tunisienne d’accès à l’information charge l’Instance de promouvoir la culture de l’accès à l’information auprès de la société civile.

Les décisions des IGAI étudiées sont passibles de recours devant les juridictions administratives, garantissant ainsi le respect de l’État de droit.

copy the linklink copied!Recommandations

  1. 1. Le principe du libre accès du public à l’information est l’une des pierres angulaires de toute société démocratique, en ce qu’il garantit la transparence des activités des administrations publiques et des personnes morales, notamment celles qui sont chargées d’une mission de service public et sont à ce titre étroitement liées à ce principe.

  2. 2. Dans une société démocratique, un certain droit connaît des exceptions afin d’assurer sa compatibilité avec des droits supérieurs ou équivalents. Les législations nationales sont donc appelées naturellement à poser des limites au droit d’accès à l’information quand celui-ci porte atteinte aux droits de la personne ou à la sécurité de la nation. De trop nombreuses exceptions diminueraient toutefois ce droit de façon excessive et seraient susceptibles d’aller jusqu’à le neutraliser. Dès lors, il est recommandé de : a) limiter les exceptions au droit d’accès à l’information, en utilisant de manière appropriée le test de préjudice et le test d’intérêt public de l’accessibilité à l’information ; b) veiller à ce que les conflits entre les différentes législations ne privent pas d’effet de façon excessive la législation relative au droit d’accès à l’information ; et c) étudier dans quelles conditions il est opportun de recourir au principe législatif de supériorité du droit d’accès à l’information sur les droits concurrents.

  3. 3. La facilité d’accès constitue l’une des clés de voûte de l’accès à l’information, notamment pour les citoyens les moins bien préparés à affronter les difficultés liées aux relations avec les personnes morales assujetties au devoir de transmettre l’information. En outre, l’exercice d’une liberté publique ne requiert par principe aucune justification. Il en résulte qu’il n’est pas indiqué que les personnes soient soumises à l’obligation de formuler leurs demandes : a) par écrit ; b) au moyen exclusif d’un formulaire préétabli ; et c) en les motivant.

  4. 4. Il importe toutefois que la transmission de l’information ne mette pas en danger la personne ayant donné l’alerte, de manière désintéressée et de bonne foi, au sujet d’une violation de la législation, d’une menace ou d’un préjudice grave pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance. L’ensemble des législations doivent ainsi disposer un régime spécial de protection des lanceurs d’alerte au regard du droit d’accès à l’information.

  5. 5. Par ailleurs, l’exercice d’une liberté publique doit demeurer le plus aisé possible, le plus largement accessible, et ne pas se trouver contraint de manière excessive par les impératifs économiques ou administratifs. C’est pourquoi il convient de : a) limiter les frais de mise à disposition de l’information à ceux réellement et directement supportés par les assujettis ; et b) ne pas limiter le droit d’accès à l’information aux seuls nationaux.

  6. 6. L’accès à l’information dans les délais les plus brefs revêt, dans certaines circonstances, une importance considérable pour la vie, la sécurité et la liberté d’une personne. Il est en conséquence essentiel de prévoir dans les législations nationales que les délais de réponse à une demande d’accès à l’information soient fortement réduits lorsque celle-ci est nécessaire à la protection d’une personne ou de sa liberté.

  7. 7. Le réemploi de l’information concerne les notions de liberté de circulation de l’information et de transparence, et revêt un aspect financier, par exemple lorsqu’il s’agit de valoriser commercialement les gisements de données dont dispose l’administration. Parallèlement, il est nécessaire de garantir la protection des droits patrimoniaux et intellectuels de l’administration et des personnes privées, alors que l’information disponible croît de façon vertigineuse. Il est à ce titre nécessaire : a) d’instaurer rapidement dans tous les pays une législation relative à la réutilisation de l’information ; b) de charger les IGAI de veiller à l’exercice de cette législation ; et c) d’accorder aux IGAI les moyens financiers, humains et techniques de prendre en charge le traitement des demandes de réutilisation des données publiques.

  8. 8. Les IGAI constituent des instruments essentiels de l’État de droit et de la démocratie. Leur existence et les conditions de leur fonctionnement ne sauraient être suspects de soumission au pouvoir politique ou économique, ni échapper à une réglementation claire et complète, donnant aux IGAI les moyens d’exercer pleinement leurs missions. Il convient dès lors : a) de compléter rapidement la règlementation relative à l’accès à l’information, en adoptant les dispositions d’application des lois d’accès à l’information; b) de donner aux IGAI la pleine autonomie juridique ; c) de créer le plus rapidement possible les IGAI nationales ; d) d’accorder aux IGAI tous les moyens humains et matériels nécessaires au bon accomplissement de leurs missions ; et e) de réguler le traitement des demandes par l’établissement de procédures de traitement automatisées et de tri des requêtes.

  9. 9. La transmission proactive de l’information est au fondement d’une transparence et d’une ouverture accrues de l’administration ainsi que des agissements des personnes assujetties à l’obligation de transmettre l’information. Elle offre à ceux qui recherchent l’information un accès immédiat aux données publiques, tout en leur évitant les coûts liés à la présentation d’une demande ou à la mise en œuvre de procédures administratives. Pour ce qui est des organismes publics, elle réduit les charges liées au traitement des demandes d’accès à l’information découlant de la législation sur la liberté de l’information. Elle crée, enfin, un climat de confiance dans les institutions publiques, essentiel notamment dans le contexte de pays situés dans des régions géopolitiques complexes. La communication proactive tend, par ailleurs, à réduire les besoins de recours à l’IGAI en vue d’obtenir l’information. Il résulte de ce qui précède que les IGAI se doivent de promouvoir la culture de la transmission proactive de l’information, en particulier au moyen de l’internet et de la mise à jour des portails et sites web des entités et personnes assujetties à l’obligation de transmission de l’information.

  10. 10. L’accès à l’information est un sujet qui intéresse au premier chef les citoyens et la société civile, auprès desquels il est nécessaire de le promouvoir ainsi que le recours aux IGAI, et cela en rapprochant les parties concernées du mieux possible, par exemple par des rencontres, formations et échanges d’analyses et d’expériences.

  11. 11. Pour être identifiable et utilisable, l’information doit être traitée et classée de manière appropriée. Or elle provient de nombreuses sources et les documents, notamment électroniques, sont souvent mal structurés et rarement organisés selon des plans de classement adaptés. Les outils d’accès se multiplient et les usagers éprouvent des difficultés importantes à s’y repérer. Il en résulte des pertes de temps, un sentiment de saturation et de confusion, et souvent une méconnaissance d’informations essentielles. Il est dès lors impératif que les organismes assujettis à la mise en œuvre de l’accès à l’information soient contraints de prendre toutes les mesures susceptibles de promouvoir la gestion, l’actualisation, le classement et la préservation des informations qu'ils détiennent, de manière à faciliter la présentation des informations auprès des requérants. Il devrait également incomber aux IGAI de contribuer à cette mission.

  12. 12. L’activité des IGAI se heurte parfois à l’indolence de l’administration ou au manque de diligence des personnels concernés. En outre, l’émergence de la vérité requiert parfois des pouvoirs d’instruction élargis, quoique précisément encadrés. Pour ces motifs, il convient : a) de donner aux IGAI les pouvoirs d’enquête sur pièces et auprès des organismes concernés, en vue d’accomplir toutes les procédures d’instruction et d’auditionner toute personne concernée ; b) d’exiger des responsables des organismes concernés par la législation sur l’accès à l’information qu’ils collaborent activement avec l’IGAI afin de faciliter l’exercice de ses fonctions ; et c) d’évaluer si la charge de la preuve relative à la non-communicabilité de l’information incombe aux personnes ayant dénié l’accès.

  13. 13. Peu de législations confèrent une force obligatoire aux avis et décisions des IGAI. Ce choix est compréhensible en ce qu’il laisse une marge d’action au représentant de l’institution qui, par ailleurs, est soumis au contrôle du juge. Cependant, priver les avis et décisions des IGAI d’effet nuit à leur efficacité, mine leur autorité, et fait naître des doutes sur l’utilité de leur création. Dès lors, il est indispensable de trouver un équilibre afin que l’inexécution des avis ou décisions de l’IGAI nationale reste exceptionnelle. Il convient en conséquence : a) d’évaluer la bonne exécution des avis et décisions de l’IGAI ; b) dans le cas où l’évaluation révèle un faible taux d’exécution des avis et décisions, d’envisager une évolution de la législation afin de conférer un caractère obligatoire aux avis et décisions de l’IGAI et le cas échéant octroyer un pouvoir de sanction à l’IGAI ; et c) dans l’objectif de réaffirmer l’autonomie décisionnelle de l’IGAI, de qualifier juridiquement ses actions, notamment en faveur des demandes d’accès à l’information, pour qu’elles ne soient pas annulées ni modifiées par les autorités administratives.

  14. 14. Dans certains pays, notamment de la région MENA, le recours au droit d’accès à l’information reste méconnu et peu de données sont disponibles, et a fortiori fiables. Il en résulte une nécessité forte de suivre régulièrement la mise en œuvre du droit d’accès à l’information, en prévoyant par exemple l’établissement de statistiques centralisées. L’IGAI nationale, en coopération avec les services administratifs compétents, pourrait être chargée de cette mission.

  15. 15. La bonne gouvernance publique, dont la transparence et l’accès à l’information constituent des piliers, requiert l’action concertée à visée systémique de l’ensemble des acteurs concernés. Il en résulte le besoin d’instaurer les moyens requis pour garantir la coopération entre les IGAI et les autres institutions concernées par l’accès à l’information, notamment les institutions compétentes pour ce qui concerne la protection des données individuelles, la bonne gouvernance, la prévention et la lutte contre la corruption ainsi que la médiation (ombudsman).

  16. 16. Les IGAI ne sauraient assumer seules la totalité de leurs vastes missions. Une implication forte des personnes assujetties à la loi sur l’accès à l’information est indispensable. Cela est d’autant plus le cas que certaines IGAI souffrent de l’absence de relais locaux, du manque de contact avec le terrain et d’une difficulté à accéder aux données et coordonner l'action de l’ensemble de l’administration. Il est donc souhaitable que les IGAI établissent des réseaux de correspondants et emploient tous les moyens disponibles (documents écrits, sites web, rencontres, par exemple) pour les animer.

  17. 17. Créer un environnement propice à la transparence et facilitant l'accès à l'information requiert aussi la mise à disposition de tous les points de contact avec les citoyens ceci inclut, en plus des chargés d'accès à l'information, les points de relations avec les citoyens (accueils, bureau d'information, etc.) ainsi que les chargés de communication. Ces derniers peuvent être un levier important de l'accès à l'information, étant un point de contact permanent avec les médias.

  18. 18. Il convient aussi de rappeler l'importance de la sensibilisation et du renforcement des capacités des fonctionnaires en charge de l'accès à l'information ainsi que des rattachés aux services détenteurs de l'information, à l'importance de ce droit, et ce à tous les niveaux du gouvernement et dans les institutions indépendantes.

  19. 19. L’IGAI constitue un moyen d’assurer l’exécution de la loi émanant du Parlement. Elle peut aussi devenir l’auxiliaire de ce dernier, en l’informant sur la situation du droit d’accès à l’information et en évaluant la mise en œuvre de la loi. Parallèlement, même si l’IGAI n’est pas soumise à l’autorité du Parlement, ce dernier ne saurait s’en désintéresser. En effet, l’IGAI est un élément essentiel de l’État, sur lequel veille le Parlement, en vertu du mandat que les électeurs lui ont donné. Il en résulte un impératif d’instaurer des relations fortes et suivies entre l’IGAI et le Parlement, par exemple par le biais d’un examen public des rapports et auditions de la première par le second.

  20. 20. La consultation de l’IGAI en amont de l’adoption des lois et règlements concernant l’accès à l’information ou ayant des effets sur lui revêt le plus grand intérêt. En effet, elle renforce la qualité technique du texte examiné et la cohérence juridique de l’ensemble de la législation, et cela d’autant plus que la jurisprudence de l’IGAI intègre celle des tribunaux et cours constitutionnelles réglant les litiges relatifs à l’accès à l’information. Enfin, les avis de l’IGAI se fondent sur son expérience propre, ses échanges avec les parties prenantes et sa connaissance de l’actualité internationale dans le domaine concerné. Il pourrait en conséquence s’avérer utile que l’IGAI nationale soit consultée et émette des avis relatifs aux projets de texte législatifs ou règlementaires d’origine gouvernementale ou que le Parlement souhaite examiner.

  21. 21. L’accès aux juridictions par les citoyens ayant à se plaindre d’un avis ou d’une décision d’un organisme public ou chargé d’une mission d’intérêt public constitue un des fondements de l’État de droit. Il convient en conséquence : a) de rendre pleinement accessibles les recours juridictionnels contre les décisions de refus d’accès à l’information émanant des autorités administratives, par exemple en garantissant leur gratuité totale et leur recevabilité sans le concours d’un avocat ; b) d’attribuer aux tribunaux du lieu de résidence du plaignant compétence pour juger ces requêtes ; et c) de former les magistrats des juridictions compétentes au droit d’accès à l’information.

  22. 22. Enfin, les gouvernements devraient prévoir, dans leurs plans d'action du gouvernement ouvert, des engagements en matière d'accès à l'information. Ceci est de nature à favoriser l'implication de toutes les structures administratives assujetties au droit d'accès à l'information, aussi bien au niveau national que local, et à susciter l'intérêt des citoyens et de la société civile. Par ailleurs, les IGAI doivent pouvoir participer activement aux échanges internationaux dans le domaine de l’accès à l’information, de transparence et de redevabilité, et doivent intégrer le Partenariat du Gouvernement Ouvert.

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