Chapitre 3. Le gouvernement ouvert à La Marsa, Sayada et Sfax

Ce chapitre propose une évaluation du cadre institutionnel et des pratiques du gouvernement ouvert dans les communes de La Marsa, Sayada et Sfax. Il dresse un état des lieux des pratiques existantes, de leurs opportunités et faiblesses et les situe dans la perspective du gouvernement ouvert proposée par le code des collectivités locales. L’expérience des pays de l’OCDE et la Recommandation de l’OCDE sur le gouvernement ouvert permettent de formuler des recommandations pour une approche plus cohérente et systématique.

    

Les délégations spéciales des communes nommées en 2011 ont été confrontées à des attentes des citoyens visant une gouvernance publique plus inclusive et ouverte, capable de surmonter les défis du développement local. C’est dans ce contexte que quelques maires et conseillers municipaux/communaux ont pris l’initiative de mettre en œuvre des pratiques visant une administration locale plus ouverte et axée sur les citoyens. Le manque de légitimité faute d’élection a accru l’urgence et l’importance d’inclure les citoyens dans la gestion des politiques publiques et des services municipaux. Cette ouverture avait pour but de rompre avec la culture du secret et d’instaurer un climat de confiance. Les nouveaux mécanismes de participation et de transparence, surtout en matière de finances, avaient également pour but d’intéresser les citoyens aux affaires communales et de restaurer la confiance dans la gestion municipale afin de les encourager à payer leurs impôts locaux (Guidara, 2015).

Les citoyens et la société civile, quant à eux, n’ont pas attendu la mise en place d’un nouveau système de gouvernance et se sont présentés comme moteur de changement en proposant aux communes des nouvelles formes de participation citoyenne. Cette force de proposition et l’engagement de la part de la société civile, qui s’ajoutaient à l’ouverture d’esprit des communes, ont conduit à l’instauration de pratiques de gouvernement ouvert prometteuses dans quelques communes, à savoir le budget participatif et les données ouvertes. Les communes de La Marsa, Sayada et Sfax font partie de ses expériences innovatrices. La Marsa et Sfax comptent parmi les quelques communes à avoir adopté le budget participatif et Sayada s’est engagée dans un partenariat avec la société civile afin de rendre la municipalité plus transparente. Compte tenu de ces expériences et de l’engagement du gouvernement national à promouvoir les principes et initiatives du gouvernement ouvert au niveau local, l’équipe chargée du gouvernement ouvert tunisien, en collaboration avec le ministère des Affaires locales et de l’Environnement, ont choisi les communes de La Marsa, Sayada et Sfax pour une coopération et une étude pilote avec l’OCDE. Cette coopération a pour but de passer en revue le cadre légal, institutionnel des politiques publiques, ainsi que les pratiques du gouvernement ouvert dans ces trois communes pilotes afin, d’une part, d’augmenter leur pertinence et leur impact et, d’autre part, de partager leurs bonnes pratiques et leurs leçons avec l’ensemble des communes tunisiennes.

Les caractéristiques de La Marsa, Sayada et Sfax

La Marsa, Sayada et Sfax sont des communes côtières situées au nord et au milieu de la Tunisie. Elles se trouvent dans les gouvernorats de Tunis (La Marsa), Monastir (Sayada) et Sfax (Commune de Sfax). Ces communes se situent parmi les gouvernorats les plus développés du pays. Tunis et Sfax sont au premier et deuxième rang de l’Indice du climat d’affaires local et Monastir au huitième. L’indice évalue les services municipaux, l’approche participative, la transparence et l’accès à l’information, les services non municipaux, le cadre de vie et la disponibilité de la main d’œuvre (IACE, 2016). Ces gouvernorats réunissent aussi des secteurs économiques importants de la Tunisie, à savoir l’agriculture, le textile, le cuir, la pêche et l’industrie chimique.

L’indice de développement régional (2012) montre également que Tunis arrive au 1er rang avec 0,76. Monastir, 4e rang avec 0,64, et Sfax, 7e rang avec 0,56, comptent parmi les 7 premières régions du pays par rapport à des régions plus marginalisés comme Kairouan (23e rang avec 0,25) ou Kasserine (24e rang avec 0,16)1. Il est à noter d’importantes différences de croissance entre Tunis (0,76) et Kasserine (0,16)1.

En termes d’indicateurs sociaux et économiques (voir Tableau ‎3.1), les trois communes connaissent de meilleurs résultats que la moyenne tunisienne, notamment en ce qui concerne le chômage, le niveau d’éducation ou la connectivité à l’Internet. Ce constat les place dans une situation avantageuse par rapport à d’autres communes pour expérimenter et instaurer des mécanismes de gouvernement ouvert.

Tableau ‎3.1. Recensement général de la population et de l’habitat 2014

Population

92 987

272 801

24 889 12 962 (Sayada)

10 982 754

Jeunes (15-29)

23,7%

23,8%

26,5%

25%

Analphabète (10+)

9,3%

12%

10,9%

18,8%

Utilisation internet (10+)

57,9%

47%

46,9%

36,9% (total milieu) 45,4& (milieu communal)

Chômage

9%

9%

7,2%

14,8%

Chômage m.

7,3%

6,2%

4,8%

11,4%

Chômage f.

11,8%

14,3%

10,5%

22,2%

Note : Les chiffres pour Sfax hors population font référence à la délégation de Sfax ville

Source : INS, 2014, Recensement général de la population et de l’habitat 2014.

Vers une approche compréhensive du gouvernement ouvert au niveau local

Les données de l’OCDE montrent que, malgré l’existence d’une multitude de pratiques de gouvernement ouvert au niveau des gouvernements nationaux et infranationaux, une approche cohérente est souvent absente alors qu’elle est importante pour un changement culturel et une utilisation stratégique des initiatives du gouvernement ouvert. En conséquence, la Recommandation de l’OCDE sur le gouvernement ouvert recommande aux adhérents « d’élaborer, d’adopter et de mettre en œuvre des stratégies et initiatives en matière de gouvernement ouvert ». Selon la définition de la recommandation, « une stratégie en matière de gouvernement ouvert est un document définissant un programme en matière de gouvernement ouvert pour l’administration centrale et/ou pour tout niveau d’administration infranationale, ou encore pour toute institution publique ou tout domaine thématique et énonçant de grandes initiatives en matière de gouvernement ouvert ainsi que des objectifs à court, moyen et long terme et des indicateurs » (OCDE, 2017c). En Tunisie, concernant le gouvernement central, les plans d’action biannuels du gouvernement ouvert constituent davantage une sorte de feuille de route du gouvernement ouvert plutôt qu’une stratégie. Les municipalités, y compris La Marsa, Sayada et Sfax, ont développé des pratiques en matière de gouvernement (qui sont discutées ci-dessous) qui ne font cependant pas partie d’une vision stratégique. De ce fait, les municipalités pourraient élaborer leur propre stratégie en matière de gouvernement ouvert au niveau local, comme l’a fait la région de Rhénanie-du-Nord-Westphalie en Allemagne (voir Encadré ‎3.1). Les maires et les élus de ces communes pourraient, en concertation avec les citoyens, arriver à un consensus sur les grandes priorités en matière de transparence, de participation des parties prenantes, d’intégrité et de reddition de comptes, s’inspirant des nouvelles prérogatives du code des collectivités locales. Cette stratégie inclurait la vision, les objectifs, les activités à entreprendre, ainsi qu’un calendrier et des indicateurs pour une évaluation d’impact. Une stratégie en matière de gouvernement ouvert permettrait d’avoir une approche à long terme au-delà des élections et d’assurer une cohérence entre toutes les activités, en plus de regrouper toutes les parties prenantes autour d’une même vision. Elle permettrait également de mieux harmoniser les activités avec les ressources humaines et financières disponibles et d’élaborer une feuille de route pour le développement de ces ressources. Des stratégies pourraient être élaborées par chaque commune. Cependant un échange pourrait leur servir à les harmoniser, à apprendre l’une de l’autre et à avoir une approche conjointe envers le gouvernement central.

Encadré ‎3.1. Open NRW - stratégie du gouvernement ouvert de l’état fédéré de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (NRW) en Allemagne

L’élaboration de la stratégie était l’un des engagements pris dans l’accord de coalition du gouvernement 2012-2017 en vue de développer une nouvelle culture de participation à l’ère numérique et de renforcer la transparence de l’administration. Dans ce but, la stratégie a été adoptée en 2014 et présente une approche cohérente, ambitieuse et axée sur la pratique. Elle se fonde sur les principes de participation, de transparence et de collaboration.

Les points-clés de la stratégie sont :

  • Une approche interministérielle qui vise à impliquer toute l’administration.

  • Une approche intégrative qui inclut la participation, la transparence et la collaboration.

  • Une approche participative de l’élaboration de la stratégie.

Les objectifs-clés sont

  • Renforcer le dialogue entre citoyen et administration afin d’améliorer la confiance.

  • Ouvrir l’action de l’administration à l’engagement des citoyens, du secteur privé et des universitaires afin de lui donner un nouvel élan.

  • Tirer profit du potentiel d’innovation du gouvernement ouvert.

Les activités de la stratégie incluent :

  • La création du cadre institutionnel nécessaire au sein de l’administration.

  • Les données ouvertes.

  • La participation à travers des standards et mécanismes en ligne.

  • L’e-collaboration en interne et avec la société civile.

  • Le portail Open.NRW comme plateforme centrale du gouvernement ouvert.

  • La communication interne et externe autour d’Open.NRW.

  • Information, formation et changement culturel dans l’administration.

  • L’évaluation de la mise en œuvre de la stratégie.

Source : Die Landesregierung Nordrhein-Westfalen 2014.

Le cadre institutionnel pour le gouvernement ouvert à La Marsa, Sayada et Sfax

Le succès de la mise en œuvre des pratiques de gouvernement ouvert et l’élaboration d’une stratégie en la matière dépend également du cadre institutionnel de l’administration. Les analyses menées dans les pays de l’OCDE ont démontré l’utilité de structures spécifiques dédiées à la coordination des initiatives de gouvernement ouvert pour assurer leur cohérence, leur complémentarité et leur pertinence. Ainsi, 77% des pays de l’OCDE ont un service chargé de la coordination horizontale des initiatives du gouvernement ouvert au niveau central. L’étude montre que ce service est responsable de plusieurs tâches liées à la mise en œuvre des réformes de gouvernement ouvert, telles que: la formulation d’une stratégie en matière de gouvernement ouvert, la coordination de la mise en œuvre des initiatives en matière de gouvernement ouvert, leur suivi et évaluation, la communication et, dans certains cas également, l’allocation des ressources financières et l’évaluation de l’impact (Graphique ‎3.1.) (OCDE, 2017b).

Graphique ‎3.1. Responsabilités du bureau de coordination
Graphique ‎3.1. Responsabilités du bureau de coordination

Source : OCDE, 2017b.

Après la révolution de 2011 et la dissolution des conseils municipaux, des délégations spéciales ont été désignées par décret dans toutes les communes du pays. Cette démarche a valu pour les villes de La Marsa, Sayada et Sfax, ce qui a permis de gérer les activités municipales jusqu’à la tenue des élections municipales conformément à l’article 12 de la loi organique des communes. Cependant l’ensemble des trois communes ont connu plusieurs nominations de délégations qui ont dû chaque fois rétablir le dialogue avec les citoyens alors que la population locale était obligée de rappeler aux nouvelles délégations les engagements de gouvernement ouvert pris par l’ancienne délégation. Ces changements ont eu un impact sur ces initiatives, en particulier à Sayada2. Cette municipalité a connu une situation particulière après la démission du président et des membres de la délégation spéciale le 26 octobre 2015 (Businessnews, 2015), ce qui l’a amenée à être dirigée par le gouverneur de Monastir pendant plus d’un an jusqu’à la nomination d’une nouvelle délégation le 8 février 20173. La délégation spéciale de La Marsa a été remplacée deux mois seulement (le 9 juin 20114) après sa nomination initiale (le 8 avril 20115) à cause d’un mécontentent des acteurs locaux, ainsi que l’ont expliqué les dirigeants de La Marsa. Sfax a vu la nomination d’une nouvelle délégation en octobre 20126. Finalement, les compositions des délégations de La Marsa et Sfax ont été modifiées en avril 20177. Les conseils municipaux élus lors des élections locales en mai 2018 sont maintenant appelés à continuer le dialogue avec les citoyens afin de gagner leur confiance.

Les délégations spéciales des sept dernières années ont été présidées par le maire et comprennent plusieurs membres. Le fait d’avoir été en place pendant plus longtemps que la nomination initiale prévue pour un an a conduit certains membres à l’inactivité. Les membres de la délégation ont été responsables des huit commissions permanentes de la municipalité, qui sont chargées des affaires administratives et financières, des travaux et de l’aménagement urbain, de la santé, de l’hygiène et de la protection de l’environnement, des affaires économiques, des affaires sociales et de la famille, de la jeunesse, du sport et de la culture, de la coopération et des relations extérieures et de l’action volontariat (loi de 1975). En revanche, à Sayada, compte tenu du nombre réduit de membres de la délégation, deux commissions ont dû être regroupées. L’administration municipale connaît une structure similaire dans les trois communes et est composée de plusieurs départements. L’existence d’un responsable de l’accès à l’information dans chaque administration est une obligation en vertu de l’article 32 de la loi organique relative au droit d’accès à l’information et l’existence d’un responsable du mécanisme de gestion des plaintes est une exigence du programme PDUGL, dont le rôle est clairement défini dans le Guide sur les mécanismes de gestion des plaintes. Sfax et La Marsa possèdent aussi un bureau des relations avec les citoyens.

Graphique ‎3.2. Structure administrative de la commune de la Marsa
Graphique ‎3.2. Structure administrative de la commune de la Marsa

Source : La Marsa, 2017, www.communemarsa.tn/services-de-la-commune/?lang=ar.

Graphique ‎3.3. Structure administrative de la municipalité de Sfax
Graphique ‎3.3. Structure administrative de la municipalité de Sfax

Source : Sfax, 2017, www.commune-sfax.gov.tn

Graphique ‎3.4. Structure administrative de la commune de Sayada
Graphique ‎3.4. Structure administrative de la commune de Sayada

Source : Document fourni par la commune de Sayada

Afin de respecter les nouvelles exigences en matière de gouvernement ouvert, il est inévitable que les cadres institutionnel, humain et financier soient adaptés à moyen et long terme. Cela nécessite un cadre dans lequel les différentes sections et personnes- ressources (pour l’accès à l’information, les plaintes, le bureau des relations avec les citoyens) travaillent en coopération et échangent des informations. Le ministère des Affaires locales et de l’Environnement, en coopération avec des structures représentatives des communes (Fédération nationale des villes tunisiennes et le futur Conseil supérieur des collectivités locales), pourrait formuler des propositions sur l’organisation institutionnelle en se basant sur l’expérience de la coordination du gouvernement ouvert au niveau central dans les pays de l’OCDE ou sur les structures existant en matière de participation citoyenne dans les villes des pays de l’OCDE (voir Encadré ‎3.2). Ces structures devraient toutefois être adaptées aux communes en fonction de leur taille et de leur contexte.

Encadré ‎3.2. Direction « Relation aux citoyens » de la ville de Dieppe, France

À Dieppe, cette direction est « l’un des principaux outils de la démarche de participation des habitants engagée par la municipalité de Dieppe. Composée de trois agents, elle est chargée de travailler à l’élaboration et à la mise en place d’outils de démocratie locale en formant des groupes de travail participatifs, des conseils de quartiers et des ateliers thématiques de ville. Elle assure l’interface avec les habitants, tout au long de l’avancement de leur réflexion, afin de les aider à aboutir à des projets finalisés et partagés. Elle joue auprès d’eux un rôle de soutien logistique, notamment pour la réservation et la préparation des salles de réunion, la mise à disposition d’informations ou de documentation. À la demande des habitants, elle facilite et organise les temps d’échange avec les élus ou les services municipaux, pour leur apporter l’information nécessaire à l’établissement d’un diagnostic partagé, puis pour permettre l’expertise technique et financière des projets élaborés, qui auront ensuite vocation à s’inscrire dans le processus de budget participatif. L’équipe assure également l’accompagnement des Dieppois souhaitant mettre en œuvre, à l’échelle de leur quartier, des microprojets éligibles au fonds de participation des habitants, qui est destiné à la mise en œuvre d’actions centrées sur le développement du lien social et l’amélioration de la vie des quartiers. Elle a enfin pour mission d’organiser et de suivre le fonctionnement des cinq Conseils de quartiers. »

Source : Ville de Dieppe, (n.d.)

Des ressources humaines et financières restreintes

Le succès de toute initiative du gouvernement ouvert dépend également des ressources humaines et financières disponibles. Pour cela, la Recommandation de l’OCDE sur le gouvernement ouvert appelle le gouvernement à mettre en œuvre les réformes « en fournissant [aux agents publics] les ressources humaines, financières et techniques adéquates, tout en favorisant une culture institutionnelle propice » (OCDE, 2017c). La Recommandation reconnaît ainsi que le gouvernement ouvert présente une nouvelle culture de gouvernance qui requiert des compétences et ressources humaines et financières adaptées. Par exemple, l’interaction avec les citoyens demande des compétences en termes de négociation ou de médiation – des compétences que l’administration pourrait acquérir à travers des formations proposées par elle-même, l’administration nationale ou des partenaires.

En Tunisie, on compte environ 800 000 fonctionnaires publics dont seulement 10% au niveau infra-national. Dans les pays de l’OCDE, la rémunération du personnel des administrations locales représente 35,7% des dépenses publiques de la même catégorie (OCDE, (n.d.)). En Tunisie, la situation des ressources humaines des communes s’est encore dégradée avec le gel des embauches depuis 2011. De plus, les municipalités n’ont pas le droit de recruter sans l’accord de leur tutelle, à savoir le ministère des Affaires locales et de l’Environnement. À Sfax, un important nombre d’agents publics sont partis à la retraite et la commune n’a pas pu recruter de nouveaux fonctionnaires. La décentralisation en cours prévoit des nouvelles tâches pour les municipalités qui, faute d’encadrement, ont des difficultés pour exécuter les projets. Ce manque de ressources humaines implique aussi que les nouvelles obligations, telles que la désignation d’une personne spécifiquement chargée de l’accès à l’information ou les revendications de communication plus efficace et transparente avec les citoyens, deviennent autant de tâches supplémentaires pour les agents publics. À Sayada, cette situation se concrétise par le fait que le responsable des finances est aussi responsable des plaintes et est le point de contact pour la société civile ; de son côté, le responsable informatique est également point de contact pour l’accès à l’information. Les municipalités doivent alors faire face aux demandes de mise en œuvre des initiatives de gouvernement ouvert sans être capables d’améliorer par le recrutement leurs capacités et leur expertise dans le domaine. L’Association Action associative a proposé un renforcement des capacités et une formation lors de l’introduction du budget participatif à La Marsa et à Sfax. Ces activités ont cependant été uniquement ad hoc alors que les communes ont besoin d’un accompagnement à long terme afin de répondre aux nouvelles exigences en termes d’accès à l’information, d’ouverture, de participation et de reddition de comptes et afin de prendre en charge leurs nouvelles prérogatives après les élections et l’adoption du code des collectivités locales. Dans ce but, la décentralisation prévoit l’augmentation du taux d’encadrement.

Prenant en compte la situation actuelle et le gel des embauches, le gouvernement national (ministère des Affaires locales et de l’Environnement ainsi que la Présidence du Gouvernement) en coopération avec la société civile et des organisations représentatives des communes, pourrait proposer des formations en matière de gouvernement ouvert et d’accès à l’information afin d’aider les municipalités à accomplir leurs missions. Ces formations devraient faire partie d’une approche globale de la formation sur le gouvernement ouvert. Cette démarche nécessite l’implication d’acteurs différents tels que l’École nationale de l’administration, le Centre de Formation et d’Appui à la Décentralisation ou l’Académie internationale de la bonne gouvernance. La participation au réseau des écoles nationales d’administration de l’OCDE ou encore la coopération avec d’autres organisations internationales pourrait également favoriser l’élaboration des programmes de formation. Les municipalités elles-mêmes sont appelées à concevoir des approches de gouvernement ouvert qui nécessitent peu de ressources humaines et financières. Des partenariats avec la société civile, les universités ou le secteur privé – telles qu’il en existe à Sayada concernant la gestion du site web – pourraient être envisagés.

De manière similaire, les ressources financières au niveau local ne représentent qu’une petite partie des finances globales. Le part des dépenses publiques des administrations infranationales n’est que de 4% (UCLG, 2016) en Tunisie contre 40% dans les pays de l’OCDE (OCDE, (n.d.)). Sur ce budget, la majorité est utilisée pour le fonctionnement, ce qui restreint le budget disponible pour les investissements. Les communes dépendent des transferts de l’État afin d’assurer leur budget de fonctionnement, qui était fixé à 75% sur des ressources propres et à 25% sur des transferts en 2010 (Turki et Verdeil, 2015). Lors des entretiens avec les fonctionnaires et élus des trois communes, des difficultés ont été signalées concernant la mise à disposition d’un budget stable qui permette de développer les activités liées au gouvernement ouvert au niveau local, comme le bureau de plaintes, l’accès à l’information, la stratégie de communication et de transparence de la commune, etc. Cependant la commune de Sfax peut compter sur un budget dont 41,6% consacré en 2017 à l’investissement. Les sources de financement des communes sont l’autofinancement, les prêts d’investissement accordés par la CPSCL et la dotation globale non affectée allouée par le budget national. Comme indiqué ci-dessus, les communes connaissent des difficultés à atteindre l’autofinancement prévu. La commune de Sayada déclare qu’elle ne collecte qu’environ 10% des impôts. L’augmentation du taux de recouvrement des impôts locaux pourrait être un moyen effectif d’augmenter le budget et, par conséquent, d’augmenter les possibilités d’investir ; cette mesure dépend par contre d’une confiance accrue entre la commune et ses citoyens.

La stabilité et la prévisibilité financière sont des pré-conditions pour une vision à long terme du gouvernement ouvert dans les communes. Cela demande une confiance accrue des citoyens dans les communes mais, par ailleurs, le gouvernement national pourrait soutenir des campagnes de sensibilisation afin d’inciter les citoyens à payer leurs impôts.

Graphique ‎3.5. Finances de La Marsa en 2016
Graphique ‎3.5. Finances de La Marsa en 2016Graphique ‎3.5. Finances de La Marsa en 2016
Graphique ‎3.6. Finances de Sfax en 2016
Graphique ‎3.6. Finances de Sfax en 2016Graphique ‎3.6. Finances de Sfax en 2016
Graphique ‎3.7. Finances de Sayada en 2016
Graphique ‎3.7. Finances de Sayada en 2016Graphique ‎3.7. Finances de Sayada en 2016

Source: Ministère des Affaires Locales et de l'Environnement, 2017

Initiatives et pratiques du gouvernement ouvert à La Marsa, Sayada et Sfax

Selon la définition de l’OCDE, le gouvernement ouvert se fonde sur les principes de la transparence, de la participation des parties prenantes, de l’intégrité et de la redevabilité. La transparence fait référence « à la divulgation et l’accessibilité ultérieure des données publiques pertinentes » ; la participation « se réfère généralement au fait d’associer des individus et des groupes à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation d’un projet ou d’un plan » ; la redevabilité « fait référence à la responsabilité et au devoir des pouvoirs publics d’informer leurs citoyens des décisions qu’ils prennent ainsi que de rendre compte des activités et des performances de l’ensemble des administrations et de leurs agents » (OCDE, 2017b). Par l’intégrité publique, on « entend la conformité et l’adhésion sans faille à une communauté de valeurs, de principes et de normes éthiques aux fins de protéger l’intérêt général contre les intérêts privés et de lui accorder la priorité sur ces derniers au sein du secteur public » (OCDE, 2017e).

En outre, le concept de participation fait référence à toute une échelle de pratiques de participation qui va de l’information à l’implication, supposant une augmentation du degré d’influence des citoyens (voir Graphique ‎3.8).

Dans les communes de La Marsa, Sayada et Sfax, des initiatives qui visent la transparence, la participation des parties prenantes, l’intégrité et la redevabilité sont mises en œuvre et des pratiques correspondant à toute l’échelle de participation peuvent y être trouvées.

Graphique ‎3.8. Échelle des pratiques de participation : niveaux de participation des acteurs
Graphique ‎3.8. Échelle des pratiques de participation : niveaux de participation des acteurs

Source : OCDE, 2017b.

Ainsi que nous l’avons mentionné, les municipalités sont toujours régies par la loi organique des communes de 1975 qui prévoit plusieurs pratiques en matière de gouvernement ouvert. Ces pratiques incluent :

  • des réunions préliminaires qui doivent précéder d’un mois au moins la tenue des sessions ordinaires du conseil municipal (qui ont obligatoirement lieu quatre fois par an). Lors de ces réunions préliminaires, les citoyens sont invités à s’exprimer sur les questions d’ordre local (Art. 32) ;

  • les audiences du conseil municipal qui sont publiques ; la date de leur tenue est annoncée, par voie d’affichage, à l’entrée du siège de la commune et de ses arrondissements, ainsi qu’au moyen des différents médias accessibles (Art. 39) ;

  • Les réunions des commissions qui se réunissent une fois par mois au moins et dont les audiences sont publiques ; la date de la tenue de ces audiences est annoncée, par voie d’affichage, à l’entrée du siège de la commune et de ses arrondissements, ainsi qu’au moyen des différents médias accessibles (Art. 14). Les fonctionnaires et les habitants peuvent être appelés à participer aux travaux des commissions avec voix consultative (Art.17) ;

  • un extrait du procès-verbal de l’audience du conseil municipal est affiché (Art. 42).

Après 2011, les communes de La Marsa, Sfax et Sayada ont à la fois activé ces mécanismes et essayé d’aller au-delà afin d’instaurer des dialogues constructifs avec les citoyens. À La Marsa et à Sfax, cette démarche s’est ainsi concentrée sur le budget participatif – un outil de codécision avec les citoyens – qui était proposé aux municipalités par l’association «Action Associative », tandis qu’à Sayada, la transparence et les sondages ont été priorisés.

La transparence

En vertu de l’article 15 de la Constitution de 2014, les autorités locales sont obligées d’être transparentes. Cette exigence est renforcée par l’Article 139 de la Constitution qui consacre les principes du gouvernement ouvert – y compris la transparence – comme principes directeurs pour les autorités locales, ainsi que par la loi organique relative au droit d’accès à l’information adoptée en 2016 et en vigueur depuis le 24 mars 2017. Même si le cadre juridique pour la transparence a été renforcé depuis la révolution, le cadre juridique d’avant 2011 comprenait des exigences fondamentales en matière de transparence. La loi n° 75-33 du 14 mai 1975 sur les communes (toujours en vigueur) stipule que les réunions du conseil municipal, les réunions préliminaires et les réunions des commissions doivent être ouvertes au public. La transparence de l’activité gouvernementale ne faisait cependant pas partie de la culture administrative sous le régime de Ben Ali. Les administrations municipales ainsi que les délégations spéciales nommées en 2011 se sont ainsi trouvées confrontées à des demandes d’ouverture et de transparence – des exigences des citoyens et de la société civile et du nouveau cadre juridique adopté – comme le décret-loi sur l’accès aux documents administratifs.

La longue tradition d’opacité a eu pour conséquence le fait que peu de mécanismes et de processus de transparence ont été mis en place. La commune de Sayada a été la première à adopter des mesures de transparence suite aux initiatives individuelles de citoyens. Depuis 2012, la municipalité publie son budget et les procès-verbaux des réunions du conseil municipal en ligne. Cette ouverture n’a été possible que grâce à l’engagement actif des citoyens, regroupés ensuite dans l’Association pour la culture numérique libre (Clibre) qui a développé et gère encore aujourd’hui un portail collaboratif en ligne pour la municipalité (villedesayada.tn). Le budget, l’état civil, les recettes, les procès-verbaux et les appels d’offres sont publiés sur le site. Cette collaboration permet également à la société civile de publier des informations. Selon la perception de la municipalité et de la société civile, cette ouverture a accru la confiance envers la municipalité.

Les communes de La Marsa et Sfax ont également pris des mesures pour accroître la transparence et gèrent des portails web de leurs communes depuis mi-2016 à La Marsa (communemarsa.tn) et depuis 2010 à Sfax (commune-sfax.gov.tn), sur lesquels certains documents et données-clés tels que l’organigramme sont publiés de manière proactive. Toutes les municipalités sont cependant confrontées à un manque de ressources pour assurer la mise à jour de leurs sites web. En outre, les trois communes ont mis en place des pages Facebook (voir Tableau ‎3.2), un moyen de communication important en vue de l’importance de Facebook en Tunisie. Dans le cas de Sayada, cette page est cogérée avec la société civile. Ces pages servent également de plateforme pour publier des informations et interagir avec les citoyens.

Tableau ‎3.2. Fans Facebook des pages officielles des communes (11 août 2017)

La Marsa

7 021

Sayada

12 066

Sfax

19 598

Source : Facebook

Les communes utilisent également des moyens de communication plus traditionnels comme les banderoles, l’affichage, les haut-parleurs ou les points presse avec les médias locaux. L’approche proactive en matière de transparence se limite à la publication des documents-clés (procès-verbaux, données statistiques, date des réunions, etc. et, dans le cas de Sayada, les dépenses et les recettes mensuelles en format données ouvertes). Quelques données ouvertes figurent également sur le portail national www.collectiviteslocales.gov.tn.

Alors qu’une culture en matière de gouvernement ouvert est en voie de développement depuis 2011, les citoyens sont toujours confrontés à la réticence de l’administration publique en matière d’accès à l’information. L’administration peut prendre de longs retards dans la fourniture d’informations, ne publier que certaines parties ou refuser la diffusion des données. Ce fut par exemple le cas à La Marsa lorsque la société civile a exigé de voir les contrats et études concernant le renouvellement d’un pont de la ville. Le secret professionnel et la lourde responsabilité engagée en cas de divulgation non autorisée peuvent également expliquer pourquoi les agents publics optent pour la rétention de l’information (Nicolás Adán, J.-E., Ben Hassen, S. et Doggui, 2014). En conséquence, la société civile ou les citoyens doivent parfois recourir au système judiciaire – ce qui requiert néanmoins des procédures de longue durée et des jugements pas toujours exécutés. La participation aux réunions a été citée comme constituant l’un des moyens les plus efficaces afin d’accéder à l’information concernant les projets municipaux en cours, tel que l’aménagement d’une place de la ville.

Depuis le 24 mars 2017, les municipalités doivent mettre en œuvre la nouvelle loi relative au droit d’accès à l’information qui remplace le décret-loi sur l’accès aux documents administratifs. Même si, comme l’exige la loi, les trois municipalités ont nommé un agent officiellement responsable de l’accès à l’information, les municipalités ont des difficultés à mettre en œuvre les nouvelles exigences. Suite aux visites réalisées en février et mars 2017, il est apparu que l’expertise et la compréhension des implications de la loi restent basiques, malgré certains efforts de formation en coopération avec l’OCDE. De plus, au- delà des capacités de ce responsable de l’accès à l’information (voir la section sur les ressources humaines), les municipalités ne disposent pas d’un système adapté de gestion des données et d’archives. Les efforts de coordination entre les différents services de la municipalité devraient également être améliorés afin de faciliter l’accès à l’information, en particulier dans les grandes municipalités telles que Sfax. Les difficultés résident non seulement dans l’échange d’informations entre les différents services, mais les conseillers municipaux signalent aussi des difficultés à accéder à l’information à Sfax et à La Marsa. De plus, les recherches de l’association Al Bawsala dans le cadre du projet « Marsad Baladia » montrent que les municipalités ne sont pas encore en conformité avec le nouveau cadre légal. L’association a établi une mesure de transparence qui se fonde, entre autres, sur la publication de manière proactive des informations sur le site web de la municipalité et sur le taux de réponse à l’information demandée par l’association (voir Tableau ‎3.3).

Tableau ‎3.3. Taux de transparence selon l’index de Marsad Baladia d’Al Bawsala

La Marsa

22,6%

Sfax

17,7%

Sayada

46,7%

Radès

86%

Source : Al Bawsala, (n.d.)

L’accès à l’information n’est pas seulement une nouvelle obligation pour les municipalités. C’est aussi un nouveau droit pour les citoyens. Or, la connaissance de ce droit reste faible parmi les citoyens et, en conséquence, son utilisation l’est aussi. Les municipalités – même si elles ne collectent pas de statistiques officielles – rapportent qu’elles reçoivent très peu de demandes officielles d’accès à l’information. Les données de l’OCDE indiquent toutefois l’importance de mesurer l’impact des efforts de transparence. Il est essentiel pour que les municipalités améliorent les processus, d’une part, de collecter des données sur l’utilisation des informations publiées, sur le nombre des demandes d’information reçues et traitées, et d’autre part, d’en mesurer l’impact. Actuellement, les municipalités n’ont pas les capacités financières et humaines nécessaires pour le faire.

L’indice de la transparence municipale développé par Transparency International Lituanie révèle ce que Transparency International considère comme les informations à publier de manière proactive par les municipalités. Cet exemple pourrait inspirer les communes tunisiennes (voir Encadré ‎3.3).

Les municipalités pourraient envisager des partenariats avec la société civile locale ainsi qu’avec les médias locaux afin d’identifier les informations et les données les plus importantes et les plus demandées en vue d’une publication proactive. S’inspirant du modèle de Sayada, un partenariat peut aider à surmonter les défis à relever en matière de capacités humaines et financières restreintes et pourrait servir à publier les informations dans un format ouvert et facile à comprendre.

Ces partenariats peuvent aussi servir à diffuser une culture de la transparence, à la fois au sein de l’administration et parmi les citoyens. Des séminaires, des formations, mais également l’utilisation des technologies de l’information et de la communication, pourraient faciliter une meilleure compréhension des droits et obligations liés à l’accès à l’information. Pour ce faire, des guides de praticiens qui expliquent les obligations des agents publics, donnent des cas exemplaires et expliquent les démarches et droits des citoyens pourraient être envisagés. La mise en place de prix récompensant la transparence ou des concours de transparence pourraient également susciter une culture de la transparence parmi les agents publics et activer l’esprit innovateur des citoyens, de la société civile et de l’administration. Pour ce faire, les municipalités peuvent tirer profit des expériences déjà existantes en Tunisie au niveau national, tel que les Apps for Democracy Hackathons organisé par l’association The Tunisian e.Gov Society.

Encadré ‎3.3. Indice de transparence municipale

Transparency International Lituanie a développé un indice de transparence municipale qui évalue les 60 communes de Lituanie en fonction de la publicité et de la disponibilité de certains types d’informations sur leurs sites web.

L’indice contient les éléments suivants :

Informations sur la structure organisationnelle

  1. 1. liste et coordonnées des employés

  2. 2. descriptions de poste

  3. 3. déclarations d’intérêt des fonctionnaires

  4. 4. déclarations de patrimoine des hauts responsables politiques et des cadres supérieurs

Informations sur les activités du conseil municipal

  1. 5. dossier des votes individuels

  2. 6. dossier des votes individuels sous la mandature précédente

  3. 7. procès-verbal des réunions du conseil municipal

  4. 8. procès-verbal des réunions du conseil municipal sous la mandature précédente

Informations sur les politiques et activités de lutte contre la corruption

  1. 9. programme/plan anticorruption

  2. 10. informations sur les outils/initiatives qui font partie du programme anti- corruption

  3. 11. code de déontologie

  4. 12. politique concernant les déplacements et la réception des cadeaux

  5. 13. informations sur les procédures et modes de dénonciation

  6. 14. informations sur les processus liés aux rapports soumis par des dénonciateurs

  7. 15. liste des groupes d’intérêt rencontrés en cours de service

Informations sur les entreprises appartenant à la municipalité

  1. 16. liste des sociétés appartenant à la municipalité

  2. 17. liste des cadres supérieurs des entreprises

  3. 18. proportion des actions détenues dans ces sociétés

  4. 19. liste des entreprises fournissant des services publics sur son territoire

Informations sur les finances municipales

  1. 20. budget annuel

  2. 21. budget annuel des années précédentes

  3. 22. rapports financiers annuels

  4. 23. rapports financiers annuels des années précédentes

  5. 24. dettes de la municipalité et motifs de cet endettement

Informations sur les marchés publics

  1. 25. marchés publics prévus

  2. 26. spécifications techniques des adjudications correspondantes

  3. 27. déclarations d’intérêts du comité de sélection

  4. 28. liste des entreprises lauréates des marchés publics

  5. 29. liste des services à acheter

  6. 30. valeur monétaire des services (à fournir)

  7. 31. justification derrière les sélections des entreprises lauréates

  8. 32. biens appartenant à la municipalité et prix de loyer associé

Informations relatives à la participation publique

  1. 33. opportunités et lieux de participation à la consultation publique

  2. 34. suggestions/commentaires reçus lors des consultations publiques

  3. 35. décisions prises après consultation publique

  4. 36. informations sur les réunions planifiées du conseil, ordres du jour et documents associés

  5. 37. informations sur les mécanismes de rétroaction

  6. 38. informations sur les processus liés aux suggestions/commentaires des citoyens.

Source : Transparency International Lithuania, (n.d.)

Le budget participatif

« Le budget participatif est un processus de démocratie de base à travers lequel les citoyens prennent des décisions de manière souveraine et indépendante, avec l’accord de la commune, sur une partie du budget de leur commune 8 ». Le premier budget participatif a été développé en 1989 dans la ville brésilienne de Porto Alegre comme réponse de la municipalité au besoin d’instaurer la démocratie et aux problèmes posés par les pratiques patronales traditionnelles, par l’exclusion sociale et par la corruption. La ville a alors expérimenté des mécanismes de participation permettant de dépasser les contraintes financières, d’attribuer aux citoyens un rôle direct dans les activités du gouvernement et d’inverser les priorités en matière de dépenses sociales. C’est dans ce contexte que le budget participatif est né et qu’il a initialement été mis en œuvre dans plusieurs villes brésiliennes (Shah, 2007). En 2005, le budget participatif existait dans plus de 300 municipalités dans le monde. En Tunisie, le budget participatif a été introduit pour la première fois en 2014 dans quatre municipalités, à savoir La Marsa, Menzel Bourguiba, Tozeur et Gabès, à l’initiative de l’association Action Associative. En 2015, Manouba, Gafsa et Sfax se sont ajoutées à cette liste, ainsi qu’en 2016, Ben Arous, Kef, Sbeitla et Ettadhamen. Aujourd’hui, 19 municipalités ont adopté le mécanisme du budget participatif (Béja, Kélibia, Sidi Bou Said, Nabeul, Monastir, Ariana, Sidi Bouzid, Raoued) (La Presse.tn, 2017). Selon Action Associative, le budget participatif « vise à la construction d’une relation de confiance entre les citoyens et les institutions municipales […] par la participation des citoyens au processus de la prise de décision […] et par la mise en œuvre de mécanismes de transparence et de redevabilité au sein des municipalités » (Action associative, (n.d.)).

L’association Action Associative a accompagné les municipalités dans la mise en œuvre du budget participatif selon une méthode précise (voir Encadré ‎3.4). Elle a dans ce but formé à la fois les agents des municipalités et des citoyens, chargés d’agir en tant que facilitateurs.

Encadré ‎3.4. Étapes du budget participatif en Tunisie

Plusieurs communes tunisiennes ont adopté le mécanisme du budget participatif. On trouve dans le monde une multitude d’approches pour mettre en œuvre le budget participatif. En Tunisie, l’association Action Associative est un acteur-clé qui informe et dispense une formation selon une méthodologie bien définie. Le budget participatif se déroule ainsi selon les étapes décrites ci-dessous.

Le processus débute souvent avec une décision officielle du conseil municipal d’ouvrir une ligne budgétaire pour le budget participatif. Ensuite, un accord entre la société civile et la municipalité est signé qui définit les règles de coopération.

La première phase est la phase de communication et de sensibilisation au budget participatif et à la possibilité de s’engager dans le processus. Ensuite, des forums sont organisés dans les différentes zones d’habitation, animés par des facilitateurs locaux proposés par les associations signataires à titre bénévole des conventions. Les facilitateurs ont aussi pour rôle d’informer et de sensibiliser les citoyens à travers des flyers, des messages diffusés par des haut-parleurs, des visites à domicile, etc.

Chaque forum dure deux jours, d’ordinaire le samedi et le dimanche. Le samedi est consacré à la présentation du budget participatif, des projets prévus, des réalisations et des finances locales par la mairie ou le service technique. Le dimanche sert à une discussion entre les citoyens afin qu’ils puissent présenter leurs besoins et voter les projets. À l’issue du forum, trois délégués, obligatoirement une femme, un homme et un jeune, sont choisis pour représenter la zone d’habitation/arrondissement auquel ils doivent rendre des comptes.

Après le vote dans tous les quartiers, un forum des délégués est organisé au cours duquel sont votés les projets qui seront ensuite adoptés par le conseil municipal.

La méthodologie prévoit également l’implication des citoyens dans la phase de mise en œuvre. Des comités de citoyens de suivi sont formés afin de suivre la passation des marchés et l’exécution des travaux.

De plus, plusieurs municipalités, dont La Marsa, Menzel Bourguiba, Gabès, Tozeur, La Manouba, Sfax, Gafsa ont signé un accord d’entraide intercommunale sur le budget participatif. Ce réseau intercommunal a pour but le soutien et la pérennisation du budget participatif.

Sources : Jaouahdou, 2016, Action associative, (n.d.)

À La Marsa où le budget participatif a été lancé par l’arrêté municipal du 9 janvier 2014 et où une première édition d’un budget de 550 000 dinars a été affectée à des projets d’éclairage public, le montant du budget participatif atteint actuellement 10% du budget total d’investissement. À Sfax, le conseil municipal a décidé le 25 février 2015 d’affecter 3 millions de dinars du budget d’investissement au budget participatif. Les catégories de services soumis au budget participatif sont à La Marsa l’éclairage public, la voirie, l’évacuation des eaux pluviales et les trottoirs et à Sfax la voirie, l’éclairage public et le pavage. Selon l’administration, ce processus de participation a contribué à l’amélioration des relations entre les citoyens et leur administration locale et à la construction d’un rapport de confiance. Le budget participatif est vu comme un moyen d’apprendre la démocratie et un moyen de lutte contre la corruption car il instaure un contrôle et un suivi par les citoyens. Il a également contribué à l’amélioration des infrastructures en répondant aux besoins prioritaires des communautés. Cependant, pour instaurer une confiance sur le long terme, il a besoin de continuité et de crédibilité, notamment par la mise en œuvre des projets choisis par les citoyens.

Quelques années d’expérience du budget participatif à La Marsa et la mise en œuvre de ce projet à Sfax en 2015 ont également mis en évidence un certain nombre de défis. Malgré les efforts de communication et l’exigence qu’un délégué soit un jeune, les responsables de La Marsa ont évoqué l’absence de jeunes dans le processus. En outre, des délais dans la mise en œuvre et l’exécution des projets mettent en danger la confiance établie. Quant aux services techniques, responsables de l’exécution, ils ne sont pas associés au processus de budget participatif, ce qui réduit leur soutien et leur engagement pour le dialogue avec les citoyens. Certains ont évoqué cette culture du travail entretenue par eux-mêmes et l’absence de valorisation du savoir-faire des citoyens et de la société civile comme raisons de la méfiance entre l’administration et les citoyens.

Dans le but d’instaurer la confiance des citoyens et de la société civile, il serait utile d’augmenter la transparence qui entoure l’action municipale, en particulier en ce qui concerne les délais de mise en œuvre des projets. Cette démarche requiert une approche systématique de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre des projets. La ville de Paris, par exemple, qui a adopté le processus du budget participatif, permet le suivi sur son site web de la réalisation des projets votés. Le site indique si un projet a été réalisé et dans quelle phase de réalisation il est (démarrage, études et conception, lancement des procédures, réalisation des travaux, livraison et inauguration).

Néanmoins, le budget participatif est une initiative utile, jugée positive par la plupart des membres de l’administration et par la société civile de La Marsa et de Sfax. Toutefois, le budget participatif comporte aussi le risque que les initiatives du gouvernement ouvert se focalisent seulement sur ce processus alors que la participation à d’autres actions municipales, à des activités plus structurantes telles que les réunions du conseil municipal et la transparence de l’administration locale dans son ensemble sont négligées. De toute façon, l’avenir du budget participatif est incertain depuis la mise en œuvre des processus entourant le plan annuel d’investissement dans le cadre de PDUGL.

Le budget participatif permet aux citoyens de décider des projets de proximité. Le PAI exigé dans le cadre de PDUGL englobe en revanche tous les investissements de la municipalité, à savoir les projets de proximité, les projets structurants et les projets administratifs. La méthodologie du PAI prescrit la participation, mais un niveau de participation – la consultation – qui donne moins de pouvoirs de décision aux citoyens que le budget participatif, lequel implique la codécision. Depuis 2016, toutes les municipalités, y compris les municipalités ayant adopté le budget participatif, sont obligées d’élaborer leur PAI selon la méthodologie prescrite par la CPSCL. Cependant, entretemps, l’expérience du budget participatif a créé une communauté d’agents publics, de conseillers municipaux et d’organisations de la société civile convaincue de la valeur ajoutée du budget participatif et du droit des citoyens de participer aux décisions de la municipalité et persuadée que l’abrogation du processus budget participatif n’est pas une option. Les municipalités ont alors essayé de combiner les deux méthodes. À La Marsa et à Sfax, les projets de proximité ont été décidés conjointement avec les citoyens. De fait, La Marsa avait déjà terminé le processus du budget participatif pour choisir les projets avant la consultation obligatoire pour le PAI. Les choix des citoyens ont alors constitué la base du PAI. Actuellement, la coexistence des deux méthodes crée des confusions. D’une part, le processus du budget participatif permet une participation plus forte (codécision, participation au diagnostic, suivi de l’exécution des projets, contrairement à une consultation publique pour le PAI), mais, d’autre part, le PAI couvre des projets structurants et administratifs pour lesquels le processus de budget participatif n’est pas adapté. L’Association Action Associative, en coopération avec les municipalités ayant adopté le budget participatif, plaide pour la fusion des deux mécanismes, ce que la CPSCL refuse. Or, étant donné son pouvoir financier, celle-ci a les moyens d’obliger les municipalités à n’appliquer que le PAI.

Ces développements soulèvent des questions sur la portée de la participation citoyenne qui devraient faire l’objet d’un consensus. Ces questions incluent : quel devrait être le rôle des citoyens, à quel point devraient-ils participer à la gestion de la municipalité ? La participation des citoyens dans l’élaboration des projets structurants et administratifs est- elle souhaitée ? Les citoyens sont-ils assez bien informés et capables d’agir pour l’intérêt général ? Quel rôle et responsabilité restent aux élus et au conseil municipal si les citoyens décident de tous les investissements ? Une participation accrue, en forme de codécision, risque-t-elle d’obliger la municipalité à mettre en œuvre les priorités des citoyens (ou encore d’une partie des citoyens ayant participé) au lieu de ses propres priorités et qu’est-ce que cela implique en termes de responsabilité ? En même temps, les municipalités ayant expérimenté des mécanismes de participation ne peuvent plus revenir en arrière, la société civile et les citoyens demandant leur droit de participation. Comme le remarque l’étude de l’UE, « un enjeu de pouvoir a commencé à se dessiner entre les acteurs étatiques et la société civile sur leurs rôles et prérogatives futurs » (Nicolás Adán, J.-E., Ben Hassen, S. et Doggui, 2014). La Charte parisienne de la participation propose un cadre commun entre la ville et ses citoyens qui établit les droits et obligations de chacun (voir Encadré ‎3.5).

Encadré ‎3.5. La Charte parisienne de la participation

La Ville de Paris s’est dotée d’une charte de la participation en 2009 afin de créer un cadre commun et de renforcer la participation. Considérant les développements à mettre en œuvre depuis sa création, cette Charte, a été révisée en se basant sur un processus participatif. Une nouvelle Charte a été adoptée en 2018.

La Charte contient les points-clés suivants.

POUR UNE PARTICIPATION DE TOUT :

  1. 1. Ce que participer veut dire.

  2. 2. Une participation libre et inclusive.

  3. 3. Une participation connue de toutes et tous.

  4. 4. Une participation plus lisible.

TRANSPARENCE ET PRISE EN COMPTE DE LA PARTICIPATION 

  1. 5. Transparence et contrat participatif.

  2. 6. Renouveler et mettre en lien les instances citoyennes.

  3. 7. Renforcer la place des Parisiens dans la politique municipale.

AVENIR DE LA PARTICIPATION ET VIE DE LA CHARTE

  1. 8. Promouvoir les Agoras et l’expérimentation publique.

  2. 9. Inscrire la culture participative dans la durée.

  3. 10. Faire vivre la Charte.

Source : Mairie de Paris, 2018.

La participation citoyenne dans la planification stratégique

Le budget participatif et le PAI ne représentent que deux des mécanismes de participation même ils sont actuellement les plus débattus et qu’ils attirent le plus l’attention de la municipalité et des citoyens à La Marsa et à Sfax. L’implication des citoyens dans d’autres processus et décisions de la municipalité est tout aussi importante.

Le budget participatif et le PAI permettent néanmoins la participation dans une partie limitée des activités municipales. À Paris par exemple, la consultation publique de tous les grands projets municipaux est envisagée. En fait, la participation citoyenne s’est développée et remonte aux années 1960, en particulier dans le domaine de l’aménagement urbain où les citoyens ont demandé un droit de participation. Faisant suite à la nouvelle Constitution, le projet de Code de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire tunisien (CATU) prévoit également une approche participative de la politique de l’urbanisme (Articles 40 et 77). La participation des citoyens n’était ni prévue dans la loi organique des communes ni dans le CATU de 1994. L’élaboration du plan d’aménagement urbain (PAU) dont les communes sont chargées représente alors une occasion de participation (Turki, S.Y. et Mahjoub, 2014). Le projet de Code des collectivités locales prescrit également une approche participative pour le PAU (Article 228).

  • Article 40: de l’approche participative. L’élaboration et l’exécution de la politique de l’urbanisme se font avec des approches participatives et en concertation avec les différents intervenants concernés, notamment par la consultation de conseils ou de commissions où les populations et collectivités locales intéressées sont représentées, ainsi que les organismes socio-économiques et les associations les plus représentatives dans le domaine de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme.

  • Article 77: de l’approche participative. Un débat peut avoir lieu au sein du conseil communal sur les orientations générales du projet de plan de développement urbain avant son examen par les entreprises et établissements publics concernés. Dans le cas d’une révision, ce débat peut aussi avoir lieu lors de la mise en révision du plan de développement urbain. Le débat peut associer les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées, pendant toute la durée de l’élaboration du projet dudit plan. Le président du conseil communal peut recueillir l’avis de tout organisme ou association compétent en matière d’aménagement du territoire, d’urbanisme, d’environnement, d’architecture, d’habitat et de déplacements9.

Actuellement, La Marsa, Sfax et Sayada n’ont pas encore développé d’approches participatives d’élaboration du PAU. La Marsa est en train de réviser son PAU, un processus pour lequel des experts ainsi que des institutions nationales ont été associées. Les citoyens auront la possibilité de présenter leurs remarques une fois que le plan aura été élaboré.

Depuis 2014, la municipalité de Sayada mène des enquêtes sur son site web permettant aux citoyens de donner leurs avis principalement sur les projets d’infrastructure et de voirie. Les résultats sont ensuite présentés au conseil municipal pour appropriation. La consultation se déroule en plusieurs phases : premièrement un panier de projets est proposé que les citoyens classent par préférence ; ils sont ensuite invités à choisir les détails des projets. Le revêtement des certaines rues a par exemple été décidé par ce mécanisme. Cependant, ce processus est encore marqué par une faible participation et un manque d’explication des choix et enjeux des enquêtes publiques. À Sfax, les sept municipalités du Grand Sfax ont vécu une expérience de participation avec l’élaboration de la Stratégie pour le développement de Sfax 2007-2016 qui s’est fondée sur un diagnostic participatif de la situation actuelle (Bennasr, A., Megdiche, T. et Verdeil, 2013; Hadj, 2008).

La Marsa, Sfax et Sayada témoignent d’un esprit innovateur dans la manière dont elles ont instauré des pratiques de gouvernement ouvert. Il serait utile d’en tirer les leçons retenues et les bonnes pratiques, afin que ces expériences ainsi que la confiance établie à travers le budget participatif et le partenariat à Sayada puissent servir de base pour l’instauration de mécanismes structurés de consultation publique et de dialogue avec toutes les parties prenantes des grands projets municipaux et des plans d’aménagement urbain. Une participation plus structurée gagne encore en importance avec l’adoption du code des collectivités locales et le transfert des nouvelles compétences aux communes. Les expériences de la ville d’Alcobendas en Espagne en matière de participation dans la planification stratégique peuvent servir de source d’inspiration en la matière (voir Encadré ‎3.6).

Encadré ‎3.6. Participation à la planification stratégique à Alcobendas, Espagne

En 2013, le conseil de la municipalité d’Alcobendas a approuvé le plan stratégique «Concevoir Alcobendas 2020 » (“Diseña Alcobendas el futuro que queremos”). Le plan comprend 38 projets répartis en cinq catégories stratégiques (promotion de la ville, développement économique, innovation, éducation et emploi ; développement durable ; bonne gouvernance, gestion transparente et responsable ; responsabilité sociale et qualité de vie) qui ensemble définissent une vision pour la ville.

Un des objectifs principaux était l’implication de toutes les parties prenantes dans le processus. En se fondant sur les mécanismes de participation définis dans la réglementation sur la participation citoyenne, le plan a été élaboré en suivant les étapes suivantes :

  • L’élaboration d’un rapport diagnostic et une enquête sur les stratégies préférées. Ces deux documents ont été publiés sur le site web et dans la presse locale et ont été expliqués lors de tables rondes avec les citoyens.

  • Des experts ont été invités pour discuter chaque thématique afin d’apporter des conseils et d’aider à définir l’opinion publique.

  • Sur la base de ces informations, des groupes de travail utilisant la méthodologie SWOT ont été appelés à définir leur vision d’Alcobendas, à proposer et à élaborer des projets à inclure dans le plan stratégique.

  • 513 propositions de projets ont été présentées en personne et par le site web, à l’initiative d’individus ou d’entreprises. Ces personnes ou sociétés privées ont eu la possibilité de présenter et défendre leurs projets devant le public.

  • Les projets ont été regroupés selon les thématiques et les parties prenantes les ont classées par ordre de priorité lors du conseil social de la municipalité. Elles ont utilisé deux critères : l’utilité pour les citoyens et la viabilité du projet.

  • Le plan final a été présenté devant le conseil social de la municipalité et approuvé par le conseil municipal.

Tous les participants ont eu un retour sur leurs propositions. Au total, 320 personnes ont participé au processus, soit en leur propre nom, soit en tant que représentants d’institutions, associations ou entreprises. Toute la documentation sur le plan stratégique est disponible sur le site web (www.alcobendas.org/es/portal.do?TR=C&IDR=2295) : PV des réunions, analyse SWOT, etc. Des rapports de suivi et évaluation sont également publiés sur le site web (site de l’observatoire de la ville) afin de permettre aux citoyens de s’informer sur l’état d’avancement des projets (terminé, en cours, retardé, non activé).

Source : Lino Ramos Ferreiro, Jefe de Planificación y Evaluación, Ayuntamiento de Alcobendas.

Participation aux réunions du conseil municipal

L’ouverture des séances du conseil municipal au public est une pratique courante dans les villes des pays de l’OCDE. Cette publicité permet aux citoyens de suivre l’action municipale de près, d’être informés et d’évaluer la capacité de la municipalité à gérer les affaires de la commune. En Tunisie, les sessions ordinaires du conseil municipal sont, en principe, publiques. Des réunions préliminaires sont organisées afin de permettre aux citoyens d’exprimer leurs avis. Les réunions des commissions sont également publiques. Ces clauses sont encore renforcées dans le code des collectivités locales qui stipule que «lors des séances du conseil municipal, une place est obligatoirement réservée aux médias ainsi qu’aux composantes de la société civile » (Article 219). Les communes sont tenues d’en informer les citoyens par divers moyens.

Malgré l’importance des réunions du conseil pour la vie de la municipalité et pour ces opportunités de participation, les trois communes – La Marsa, Sfax et Sayada – constatent une faible participation générale de la population aux réunions, une réticence et un désintéressement envers la vie municipale. Les participants sont toujours les mêmes personnes qui en profitent aussi pour faire entendre leurs réclamations. Les réunions du conseil sont annoncées à travers des banderoles et par la presse locale ; l’invitation aux commissions cible, quant à elle, directement les acteurs intéressés – les chambres de commerce, les syndicats, les associations – et, par conséquent, dans des communes comme Sfax, elle rencontre une plus grande participation. Sfax reconnaît par contre que la publicité sur les réunions des commissions reste faible – le calendrier n’est pas publié à l’avance et les réunions sont préparées de manière spontanée, ce qui réduit la possibilité d’une plus grande participation. Les engagements des trois communes pour construire un meilleur dialogue avec les citoyens et pour créer un climat de confiance ont tout de même eu un impact positif sur la participation aux réunions des conseils. La Marsa constate une plus grande participation depuis le budget participatif, surtout de la part des citoyens impliqués dans son processus d’élaboration, et, à Sayada, les citoyens demandent au conseil municipal des discussions autour de certains sujets comme ceux relatifs au littoral. Les procès-verbaux des réunions sont d’habitude affichés dans les locaux de la municipalité et dans certains cas aussi publiés sur le site web. Encadré ‎3.7 présente des approches innovantes afin d’augmenter la participation. Les municipalités pourraient renforcer leurs efforts d’utilisation des technologies de l’information et de la communication – notamment les réseaux sociaux numériques – pour une participation accrue aux réunions des conseils municipaux. Les conseils municipaux et ses commissions gagneront davantage en légitimité avec les élections municipales et deviendront par conséquent des lieux importants pour les décisions municipales. Les conseillers organisent aussi des permanences ou des portes ouvertes – une pratique courante dans de nombreuses villes des pays de l’OCDE – qui ne connaissent encore qu’une faible affluence.

Encadré ‎3.7. Pratiques innovantes de participation utilisant les technologies de l’information et de la communication

Participation aux réunions du conseil municipal

À Grenoble, les réunions du conseil municipal sont transmises sur YouTube en live, avec interprétation en langage des signes. Elles sont disponibles à la médiathèque sur le site web.

Participation via Facebook au Maroc

À travers leur projet Nouabook – une plateforme en ligne qui permet de communiquer avec les députés – l’association SIM SIM propose des débats avec des parlementaires sur Facebook. Les débats d’environ une heure se concentrent sur des thématiques spécifiques, telles que la question des femmes (4e débat), et sont disponibles en live sur Facebook. Les citoyens ont la possibilité de suivre le débat, de laisser des commentaires et questions. Les débats arrivent à rassembler un public assez important. Le quatrième débat (13 juillet 2017) a été regardé plus de 60 000 fois et le 3e (29 juin 2017) presque 40 000 fois.

Source: Ville de Grenoble, (n.d.), www.facebook.com/Nouabook/videos/726927920825378/?hc_ref=ARRcj0IjJMDg7DRgZanve5NHBrvcJrI-nXnfOJ9ET8xjEYuGvaKmwZ05I6N6QzyUuuo.

Les réclamations

Les réclamations représentent un autre moyen d’interaction entre administration locale et citoyens. Elles permettent aux citoyens de faire entendre leur voix et leur avis sur la qualité du service administratif. Le système de réclamations existait longtemps avant la révolution. Le décret n° 93-982 du 3 mai 1993 relatif à la relation entre l’administration et ses usagers fait référence à l’obligation de réponse aux réclamations relatives aux prestations administratives des collectivités locales. Le programme PDUGL exige une personne responsable du mécanisme de gestion des plaintes dont le rôle est bien défini dans le Guide sur les mécanismes de gestion des plaintes. Les communes reçoivent les réclamations par des voies diverses, y compris des courriers et des emails, par l’intermédiaire du bureau des relations avec les citoyens lorsqu’il existe et via Facebook. La commune de La Marsa a aussi instauré un système de réclamations en ligne10 et Sfax reçoit des réclamations par l’intermédiaire des radios locales. De plus, Sfax a mis en œuvre un site (https://sfax.crowdmap.com/) pour soumettre des réclamations pour lesquelles on peut préciser l’emplacement de la demande d’intervention sur la carte de la commune. Les intentions sont estimables mais, en raison de la faible utilisation des mécanismes mis en place, les résultats demeurent attendus. Aucune des trois communes n’a la capacité de collecter de statistiques sur les réclamations et sur les réponses. D’après leur expérience, une grande partie des plaintes concerne la police municipale, en rapport par exemple aux infractions relatives aux chantiers. Depuis 2011, la police municipale n’est plus sous l’autorité de la municipalité, ce qui a pour effet que ces plaintes ne relèvent plus de la municipalité mais dépendent du bon vouloir de la police municipale. La lenteur d’intervention met l’administration locale dans une situation délicate face aux citoyens qui attendent des réponses rapides à leurs réclamations.

La participation d’acteurs spécifiques

La participation d’acteurs de tous les milieux sociaux et de tous âges est une précondition afin d’assurer que les politiques publiques répondent aux besoins de tous et que chaque groupe social ait l’opportunité de s’exprimer et de faire entendre sa voix. Toutefois, les efforts de participation citoyenne au niveau national comme au niveau local, en Tunisie ou dans d’autres pays, sont confrontés à ce défi. L’OCDE identifie deux groupes principaux qui ne participent pas : les parties prenantes désireuses de participer mais ne pouvant pas et les parties prenantes capables de participer mais n’étant pas désireuses. Par conséquent, des efforts supplémentaires sont nécessaires afin d’abaisser les barrières à la participation et afin de la rendre plus attractive (OCDE, 2009). Encadré ‎3.8 identifie divers mécanismes utilisés par l’Office de consultation publique de Montréal afin d’élargir la participation.

Encadré ‎3.8. Comment élargir la participation au processus de consultation publique

La capacité et l’intérêt à participer à la prise de décisions collectives varient en fonction des personnes. Du point de vue des institutions démocratiques, il est possible d’adopter une approche passive – recevoir et entendre ceux et celles qui répondent naturellement à l’appel – ou active en mettant en place divers moyens recherchant la participation de tous ceux qui sont concernés par les enjeux traités.

Une approche active se détermine dès le début, au moment de la conception de la démarche de consultation. Elle commence par une cartographie des personnes et groupes concernés par l’enjeu de la consultation et par une évaluation des différentes entraves à la participation. Ces dernières peuvent être de plusieurs ordres telles que:

  • la méfiance à l’égard des décideurs

  • le manque d’information

  • le manque de disponibilité

  • la distance et l’accessibilité des lieux de consultation

  • le désintérêt

  • la complexité des formes de participation

  • le sentiment d’exclusion.

À l’évidence, il n’existe pas de forme de participation qui s’adresse à tous. Il faut donc se tourner vers une approche multicanale. Pour illustrer ces différentes méthodes, on trouve ci-dessous des exemples d’activités participatives qui ont été organisées dans le cadre de la consultation de l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) sur la réduction de la dépendance aux énergies fossiles (http://ocpm.qc.ca/energies-fossiles/).

Auditions publiques d’opinions

Format, traditionnellement utilisé par l’OCPM, par lequel des citoyens ou groupes s’inscrivent pour présenter devant une commission leurs opinions concernant le thème débattu. Ce type de participation est formel et permet une participation relativement experte. Par contre, il est peu flexible (lieu et moment fixés) et certains peuvent trouver intimidante la présentation orale devant le public.

Activités contributives citoyennes

Sous la forme d’une trousse d’animation qui propose une démarche et de l’information pour traiter du thème débattu. Cette formule est très facilement adaptable selon les groupes et peut prendre une dimension ludique. Elle ne présente pas de contrainte de lieu ou d’horaire. Cette approche a été testée avec succès auprès de groupes variés tels que les associations, les cercles d’amis, les écoles, les groupes de parents, et ce quelque soit le niveau de littéracie et à divers niveaux de maîtrise de la langue.

Plateforme de consultation en ligne

Un outil en ligne qui permet de se renseigner sur le thème de la consultation et de contribuer par l’expression d’idées et d’opinions. Il est plus facile de rejoindre un grand nombre de participants, surtout en ayant recours aux réseaux sociaux numériques. Les citoyens ont ainsi la possibilité de participer à tout moment et en tout lieu.

Marathon créatif

Des approches créatives peuvent être la meilleure façon de faire participer certains publics. Dans le cas du Marathon créatif organisé par l’OCPM, la contribution de la communauté de l’innovation montréalaise était souhaitée. Ayant peu de contacts dans ce milieu et une faible connaissance de leurs pratiques, ces groupes ont été invités à concevoir eux-mêmes la manière par laquelle ils seraient consultés. Le résultat a été obtenu à travers une série d’événements apparentés à des Hackathons au cours desquels des équipes travaillaient à réaliser des prototypes de solutions pour réduire la dépendance aux énergies fossiles. L’étape finale s’est concrétisée par une présentation devant la commission et des représentants de la ville.

Source : Guy Grenier, 2017, Coordonnateur de démarches participatives, Office de consultation publique de Montréal.

La participation des jeunes

La Constitution de 2014 met l’accent sur les jeunes en reconnaissant que « la jeunesse est une force active dans la construction de la patrie » et en stipulant que l’État « encourage les jeunes à assurer leurs responsabilités et à élargir leur contribution au développement social, économique, culturel et politique » (Article 8). De plus, elle stipule que « la représentation des jeunes au sein des conseils des collectivités locales » est garantie (Article 133). La Tunisie reconnaît ainsi que les politiques publiques doivent être conçues et mises en œuvre avec la participation des jeunes afin de répondre à leurs besoins et de les rendre acteurs du développement national et local. Cependant, en termes de participation citoyenne, les initiatives méritoires de La Marsa, Sfax et Sayada n’ont pas réussi à impliquer les jeunes. Selon les entretiens réalisés au cours des missions de février et mars, les représentants communaux ont été contraints de constater que, de façon générale, il existe un manque de mobilisation et de participation active des jeunes aux thématiques débattues lors du budget participatif et lors des réunions du conseil, malgré l’obligation qu’un des trois délégués du budget participatif soit un ou une jeune. Les maisons de jeunesse appartiennent aux municipalités et elles pourraient constituer un lieu d’interaction avec les jeunes, mais ces lieux sont sous la tutelle du ministère de la Jeunesse et des Sports, ce qui demande une coordination directe entre la municipalité et le niveau national. À Sayada, la maison des jeunes est en chantier depuis deux ans, ce qui réduit les lieux d’activités avec les jeunes. Le projet CoMun de la GIZ essaie de répondre aux défis d’une politique locale d’intégration et d’inclusion en proposant des formations sur l’implication des jeunes et en élaborant des projets communs entre les municipalités et les jeunes. Dans le cadre du plan d’action nationale du gouvernement ouvert, le ministère de la Jeunesse et des Sports s’est engagé à mettre en œuvre des conseils de jeunes au niveau local. L’ensemble de ces initiatives peut servir à concevoir des approches et des stratégies plus cohérentes d’engagement des jeunes dans la vie municipale. « Penser jeunes » impliquera de cibler la communication envers les jeunes, d’utiliser des moyens qui leur parlent, de mettre en œuvre des structures innovantes de participation, de présenter les enjeux de la municipalité d’une manière qui les rende pertinents et de renforcer la capacité des jeunes en la matière. Encadré ‎3.9 présente quelques bonnes pratiques de participation des jeunes dans les communes des pays de l’OCDE. Des actions ciblées afin d’inclure les jeunes et les groupes marginalisés sont nécessaires. Des partenariats avec les associations qui les représentent pourraient servir à mieux les impliquer.

Encadré ‎3.9. Pratiques innovantes en matière d’implication des jeunes dans les municipalités

En France, à Paris, le Conseil parisien de la jeunesse, créé en 2003, est une instance de démocratie participative. Il vise à associer les jeunes parisiens à l’élaboration des politiques municipales, à éclairer la municipalité dans ses décisions de manière à mieux prendre en compte les besoins et les attentes des jeunes parisiens et à aider la collectivité à innover et à imaginer des solutions pour accompagner les jeunes Parisiens vers l’autonomie. Il est composé de 100 jeunes âgés de 15 à 30 ans qui se réunissent en formation plénière deux fois par an et en réunions pour les différents travaux. Les candidats sont choisis par tirage au sort. La Mairie de Paris saisit le Conseil pour obtenir leur avis sur divers sujets qui sont présentés aux élus.

En Belgique, les « Centres de jeunes » sont des associations implantées au niveau local ayant pour objectif de favoriser le développement d’une citoyenneté critique, active, responsable et solidaire, principalement chez les jeunes de 12 à 26 ans, par une prise de conscience et une connaissance des réalités de la société, des attitudes de responsabilité et de participation à la vie sociale, économique et culturelle. Ces centres développent une politique de jeunesse locale et encouragent la mise en œuvre et la promotion des pratiques socioculturelles et de création. Les activités dans lesquelles ces associations choisissent de s’investir sont très diverses. Il s’agit notamment d’actions ou de projets ayant trait aux pratiques artistiques, à la question de l’égalité des chances, aux technologies de l’information et de la communication, aux pratiques sportives alternatives, etc. Certains centres de jeunes sont à l’origine d’initiatives d’actions locales de développement, telles que l’organisation de conseils communaux de jeunes, d’aide aux devoirs ou d’actions en milieu ouvert pour des jeunes en situation précaire.

Au Québec, les maisons de jeunes, membres du Regroupement des maisons de jeunes du Québec (RMJQ), sont des associations de jeunes et d’adultes qui se sont donnés pour mission, sur une base volontaire, d’entretenir dans leur communauté un lieu de rencontre animé où les jeunes de 12 à 17 ans peuvent développer leurs capacités et leurs connaissances en matière de citoyenneté. Elles offrent aux jeunes la possibilité de prendre des responsabilités et de s’engager dans des projets d’activités culturelles, éducatives et sportives, de sensibilisation, d’information et de promotion de la santé qui les intéressent et qui se veulent utiles à la communauté.

Sources : Mairie de Paris, (n.d.) et autres sources de Belgique et du Québec.

Vers une relation de confiance entre citoyens et administration locale

Ces initiatives de participation sont louables compte tenu du fait que, avant la révolution, la communication directe entre les citoyens et l’administration ne faisait pas partie de la culture politique et administrative. Cependant, ces initiatives doivent faire face à un manque de confiance mutuelle: tout d’abord, depuis l’ancien régime, les citoyens manquent de confiance envers la classe politique et l’administration. Le fait que le gouvernement tarde à mettre en œuvre la démocratie locale et est encore confronté à des problèmes de corruption, diminue sa crédibilité auprès de la population tunisienne. De plus, l’administration manque de confiance envers les citoyens qui ne payent pas tous leurs impôts locaux et envers la société civile que certains accusent de servir des intérêts particuliers. Une étude de 2014 commandée par l’Union européenne identifie des défis similaires. Ces défis pour la démocratie participative incluent notamment :

  • « Le sentiment d’une faible volonté de collaboration de la part des acteurs étatiques;

  • Le sentiment d’une déconsidération de la société civile par les acteurs étatiques qu’on écoute à peine ;

  • Le sentiment d’instrumentalisation des associations par les acteurs étatiques ;

  • Le sentiment d’une faible volonté de collaboration des organisations de la société civile avec les acteurs étatiques ;

  • Le sentiment que la société civile cherche à servir ses intérêts davantage que l’intérêt général ;

  • Le sentiment d’absence de légitimité et de représentativité de la société civile » (Nicolás Adán, J.-E., Ben Hassen, S. et Doggui, 2014)

Les municipalités et la société civile essaient de rompre avec la culture d’une administration fermée et d’établir de nouveaux mécanismes d’interaction. Cet engagement a pu faire émerger des pratiques de gouvernement ouvert, mais afin d’instaurer une nouvelle culture et de faire du gouvernement ouvert les principes directeurs de l’administration locale, des efforts supplémentaires restent nécessaires. Une vision commune des rôles de chaque acteur, de l’administration locale, des citoyens et de la société civile, aidera à mettre en œuvre la culture du gouvernement ouvert. Le Code des collectivités locales peut également servir à aller dans ce sens, car il établit une multitude de mécanismes de transparence, de participation et de responsabilité et reconnaît l’importance des citoyens, de la société civile et des médias dans les affaires municipales. En particulier, il met l’accent sur la démocratie participative qui devient la manière dont les affaires municipales doivent être gérées. L’inclusion des principes de gouvernement ouvert dans le cadre légal est une pratique qui existe également dans d’autres pays de la région MENA et de l’OCDE et peut renforcer la mise en place de ces pratiques. On peut citer la loi organique n° 113-14 relative aux communes, adoptée en 2015 au Maroc, qui contient des propositions relatives à la transparence, à la participation et à la reddition de comptes. Le Chapitre V relatif aux mécanismes participatifs de dialogue et de concertation est également à mentionner. Il demande la mise en place de mécanismes participatifs de dialogue et de concertation ainsi que la création d’une instance consultative. La loi sur les collectivités locales de la Nouvelle-Zélande (2002) contient également des provisions relatives à la participation, y compris des principes de consultation (Article 82), et le Code municipal du Costa Rica prévoit dans son Article 5 la participation active de la population. Encadré ‎3.10 énumère les plus importantes prérogatives de la gouvernance ouverte du Code des collectivités locales en Tunisie.

Encadré ‎3.10. Prérogatives les plus importantes en matière de gouvernance ouverte du Code des collectivités locales

Le Code consacre tout un chapitre (Chapitre 5) à la démocratie participative et à la gouvernance ouverte. De plus, on retrouve tout au long du texte des clauses sur la transparence, la participation citoyenne et la responsabilité.

Chapitre 5 : La démocratie participative et la gouvernance ouverte

  • Dans l’établissement des programmes de développement et d’aménagement du territoire, les collectivités locales recourent obligatoirement aux mécanismes de la démocratie participative.

  • Le conseil de la collectivité locale assure une participation effective à tous les résidents et à la société civile durant les différentes phases de préparation des programmes de développement et d’aménagement du territoire, de suivi de leur exécution et de leur évaluation.

  • Les collectivités locales peuvent refuser tout programme de développement contraire aux dispositions de cet article. Toute décision prise par la collectivité locale en violation des dispositions du présent article est susceptible de recours par voie de poursuite pour excès de pouvoir.

  • La collectivité locale tient sur sa demande un registre des composantes de la société civile concernées par les affaires locales.

  • La collectivité locale dispose d’un registre spécial relatant les avis des habitants et des réponses à ces questions.

  • Les projets organisationnels sont publiés 15 jours avant la délibération aux conseils élus.

  • Le conseil de la collectivité locale peut organiser un référendum sur la préparation des programmes et la réalisation des projets relevant de ses compétences.

  • Un dixième des habitants résidant dans la collectivité locale peuvent également proposer l’organisation d’un référendum. Il ne peut être procédé à plus d’un référendum durant le mandat municipal ou régional. Le gouverneur peut s’opposer à l’organisation du référendum devant le tribunal administratif de première instance dans un délai ne dépassant pas un mois à compter de la date de sa notification.

  • L’approche proactive est prescrite en matière de transparence et d’accès à l’information concernant:

    • les projets de décisions réglementaires de la collectivité locale ;

    • la gestion financière ;

    • la gestion des biens ;

    • les contrats conclus par la collectivité locale ;

    • les travaux et les investissements projetés par la collectivité locale.

  • Les collectivités locales travaillent, en collaboration avec l’Institut National de la statistique, sur l’élaboration d’une base de données statistique locale.

  • Les conseils municipaux et régionaux peuvent organiser des rencontres publiques avec les habitants au cours desquelles le conseil apporte des clarifications et les habitants soumettent leurs propositions avant l’adoption des décisions sur certaines thématiques.

  • Une réunion peut également être organisée suite au dépôt d’une demande motivée par au moins 10% des habitants inscrits au registre électoral de la municipalité ou de la région.

  • Les présidents des conseils locaux et leurs membres chargés de fonctions déclarent leurs biens et intérêts.

Parmi les autres clauses stipulant la gouvernance ouverte, on trouve des points sur la transparence de la gestion de la municipalité :

  • principe de transparence et participation en préparant le budget (Article 130) ;

  • extrait de PV de délibération affiché et inséré sur le site web (Article 224).

Les mécanismes participatifs lors de l’élaboration des activités de la municipalité:

  • le principe du gouvernement ouvert dans la gestion des services publics (Article 75)

  • le plan de développement local (Article 105), le programme d’investissement, le programme d’équipement municipal (Article 238) et les plans d’urbanisme (Article 239) sont élaborés selon le mécanisme de la démocratie participative ;

  • les commissions adaptent le mécanisme de démocratie participative (Article 212).

et le rôle important des citoyens, de la société civile et des médias :

  • la municipalité peut créer une commission spéciale composée de certains représentants de la société civile chargés du suivi du fonctionnement des services publics (Article 78) ;

  • chaque arrondissement crée un comité consultatif (Article 229) ;

  • deux nouvelles commissions sont créées, celles de la démocratie participative et de la gouvernance ouverte et des médias, de la communication et de l’évaluation (Article 210) ;

  • lors des séances du conseil municipal une place est obligatoirement réservée aux médias ainsi qu’aux organismes de la société civile (Article 219).

Source: Code des collectivités locales

Dans le but de mettre en œuvre ces nouvelles prérogatives et de relever le défi de la méfiance, les municipalités pourraient envisager d’engager un dialogue avec la société civile afin d’établir une charte/vision commune, fondée par exemple sur la charte adoptée pour le budget participatif, et une feuille de route pour l’application des clauses sur le gouvernement ouvert incluses dans le Code des collectivités locales. Cette démarche permettrait ainsi d’élargir les mécanismes de participation utilisés (voir Tableau ‎3.4).

Tableau ‎3.4. Mécanismes de participation

Nom de l’initiative

Objectif

Nature des thèmes abordés

Organisateur

Durée/Nombre de participants

Réunion publique du XXIe siècle

Conseiller les décideurs au moyen des technologies modernes

Principalement des enjeux locaux, comme le développement communal

Municipalité, agences

1 jour/500-5 000

Enquête évaluative

Impulser un processus de changement, sur la base de succès antérieurs

Processus de changement dans les organisations et la société

Entreprises, municipalités, agences

Flexible

Forum citoyen

Renforcer les compétences démocratiques, lancer un débat de société

Discussions au sujet de questions régionales, nationales et transnationales

Seulement des fondations privées jusqu’à aujourd’hui

Plusieurs semaines/300-10 000

Budget participatif

Inciter les citoyens à participer aux décisions budgétaires

Définition des priorités et des dépenses et consolidation des budgets locaux et communaux

Élus locaux, gouvernement local

Plusieurs mois/ jusqu’à 10 000

Panel citoyen

Conseiller les décideurs

Avis donnés aux hommes politiques et fournisseurs de services, changement à long terme de l’opinion publique

Élus locaux, gouvernement local et autres parties prenantes

3-4 ans (jusqu’à 4 enquêtes annuelles)/500-2 500

Conseil des citoyens

Influencer les débats dans la société, conseiller les décideurs

Développement communal et questions locales

Élus locaux, gouvernement local clubs, entreprises

Réunions mensuelles de deux jours/petits groupes de 8-12 personnes

Scrutin délibératif

Transfert d’informations, délibération

Large gamme d’enjeux, du niveau local au niveau transnational

Décideurs politiques

Plusieurs semaines/300-500

Consultation citoyenne européenne

Transférer des informations, influencer les débats de société

Futur de l’Europe, questions locales et européennes

Agences et décideurs politiques

Plusieurs mois/ différents groupes de 25-150 personnes, jusqu’à un total de 1 800 personnes

Conférence de consensus

Échanger entre experts et non-initiés

Questions controversées d’intérêt public, du niveau local et au niveau transnational

Agences

3 jours (+2 week-ends de préparation)/10-30

Forum sur des questions nationales

Transférer des informations, acquérir des compétences

Différentes questions d’organisation publique, à l’échelle locale ou nationale

Municipalités, écoles, universités et autres institutions d’éducation

1-2 jours/10-20

Conférence ouverte

Réfléchir et lancer de nouvelles idées

Virtuellement toute question qui appelle une idée nouvelle ou créative

Entreprises, clubs, agences, institutions communales, établissement d’éducation, Églises, etc.

1-3 jours/flexible (10-2 000)

Planification d’un exercice réel

Réorganiser les espaces communs

Projets de planification urbaine

Élus locaux, gouvernement local, institutions de même type

Plusieurs mois/ flexible

Cellule de planification

Intégrer les connaissances des citoyens aux décisions de planification

Problèmes de planification locale et régionale (planification urbaine, infrastructure)

Élus locaux, gouvernement local, institutions de même type

2-4 jours/flexible (max. 25 personnes par cellule de planification)

Scénario technique

Comparer divers scénarios pour le futur

Anticipation des évolutions à venir et formulation de recommandations à différents sujets, du niveau local au niveau transnational

Entreprises, clubs, institutions, gouvernement local, institutions éducatives, Églises, etc.

1-3 jours/flexible (25-250, max. 30 personnes par groupe)

Café mondial

Mobiliser l’intelligence collective

Virtuellement toute question qui appelle une idée nouvelle ou créative

Entreprises, clubs, institutions, gouvernement local, institutions éducatives, Églises, etc.

Flexible (3 heures à 2 jours)/flexible (12-1 200)

Conférence pour l’avenir

Développer des perspectives communes, acceptées par toutes les parties prenantes

Stratégies et objectifs de long terme dans les organisations et la société

Entreprises, municipalités, institutions

2-3 jours/ idéalement, groupe de 64

Atelier Futur

Approcher de façon créative la résolution de problèmes complexes, développer des perspectives communes sur le futur

Changements de long terme et orientation des processus et projets

Municipalités, institutions, organisations, clubs, etc.

2-3 jours/flexible (max. 25 personnes par groupe)

Même si cette réflexion peut être propre à chaque commune, un échange intercommunal servirait à s’inspirer d’autres expériences. Un dialogue avec le gouvernement national, lequel prépare actuellement un cadre juridique encadrant les consultations publiques, pourrait également s’avérer utile pour définir une vision commune. Ces dialogues aux niveaux local et national aideront à développer une vision commune de la participation citoyenne en Tunisie. Afin d’assurer la continuité, la société civile et les agents publics seront appelés à partager leurs expériences et bonnes pratiques avec le nouveau conseil municipal une fois que ce dernier aura été élu.

Le secteur associatif, les mouvements sociaux et les médias

La participation active des citoyens au développement des communes ainsi que leur capacité à demander des comptes à la municipalité dépend en partie du secteur associatif et de l’existence des médias.

La liberté d’association est un droit constitutionnel (Article 35). Elle est régie par le Décret-loi n° 2011-88 du 24 septembre 2011 portant organisation des associations, qui après la révolution a fixé les conditions de la liberté d’association. Depuis lors, la Tunisie a connu une hausse du nombre d’organisations de la société civile avec, en mai 2017, plus de 20000 associations inscrites au Journal officiel de la République tunisienne. Cependant, selon les responsables de la plateforme jamaity.org, seulement environ 3 000 associations sont véritablement actives dont un grand nombre dépend de financements internationaux (Robert, 2016). De plus, un rapport de l’UE constate que, malgré l’existence d’associations ayant un certain degré de professionnalisme et de technicité, un grand nombre d’entre elles manquent d’expertise et se conçoivent « quoique de manière plus relative, dans une position de bénéficiaire vis-à-vis de l’État et de son administration », suivant ainsi une culture héritée de l’ancien régime (Nicolás Adán, J.-E., Ben Hassen, S. et Doggui, 2014).

Sur l’ensemble des organisations de la société civile en Tunisie, environ 20% sont immatriculées dans le gouvernorat de Tunis où se situe La Marsa, 8% dans le gouvernorat de Sfax et 4% dans le gouvernorat de Monastir où se trouve Sayada. La plupart des associations œuvrent dans les domaines éducatif, culturel et artistique et seulement 3,2% sont actives dans le domaine de la citoyenneté (Centre d’Information, de Formation, d’Etudes et de Documentation sur les Associations, 2017).

Selon les responsables de La Marsa, cette municipalité compte environ 400 associations. Un collectif d’associations de la société civile de La Marsa (voir Graphique ‎3.9) qui regroupe 16 associations structurées en réseau, ayant signé une charte commune, permet la mise en œuvre collective d’actions importantes. Ce type de réseau facilite non seulement l’activité de la société civile mais aussi l’engagement avec la commune.

Graphique ‎3.9. Collectif des associations de la société civile de La Marsa
Graphique ‎3.9. Collectif des associations de la société civile de La Marsa

Source : www.facebook.com/CASCMarsa/?ref=py_c.

Le nombre d’associations présentes à Sayada est estimé à environ 23 organisations dont la moitié a été créée après 2011. Cependant, toutes les associations et leurs membres ne sont pas actifs. À Sayada, une coordination entre plusieurs associations, environ 8 à 10, œuvre à créer et réaliser des projets à long terme avec la municipalité, notamment sur le littoral ou le port de pêche. Ces associations constatent que le manque d’espace pour se rencontrer représente un défi à leur activité associative. Sfax peut compter sur une société civile très dynamique. De plus, la municipalité soutient les associations en leur allouant des fonds pour financer des activités sur le terrain. Comme le montre (Encadré ‎3.11), le soutien de l’État ou des municipalités aux associations est une pratique courante dans les pays de l’OCDE.

Encadré ‎3.11. Soutien à la vie associative dans les communes en France

Dans nombreuses communes en France, la ville propose un soutien à la vie associative afin de l’encourager. Cet appui inclut le soutien financier ainsi que l’expertise, l’accompagnement et la mise à disposition d’outils et de lieux.

La Ville de Champigny-sur-Marne appuie le mouvement associatif à travers :

  • « Aide dans les démarches, accompagnement des porteurs de projets.

  • Mise à disposition d’outils et de supports méthodologiques.

  • Subventions et aides matérielles (prêts de salles, de gymnases, de matériels…).

  • Valorisation des actions des associations et des bénévoles et accompagnement dans la mise en œuvre d’événements. »

À Clamart, ce soutien comprend des conseils aux associations sur la gestion, l’aide à la création et des formations pour les responsables.

La commune d’Aubervilliers qui octroie des subventions aux associations demande le respect de certains critères par les associations, y compris les suivants :

  • « L’association doit être déclarée en Préfecture et être immatriculée au fichier SIRET.

  • Les actions de l’association doivent être à destination des Albertivillariens et participer à la vie locale.

  • L’association ne doit pas être une association religieuse ou politique.

  • L’association doit respecter les règles de gestion désintéressée et de non lucrativité et fonctionner de manière démocratique, sans discrimination, en favorisant l’égale participation des femmes et des hommes, ainsi que des différentes générations.

  • L’association s’engage à fournir à la Ville un bilan financier et un rapport d’activités validés en assemblée générale dans les six mois qui suivent la fin de son exercice. »

Sources : Mairie de Champigny-sur-Marne, (n.d.), Mairie de Clamart, (n.d.), Vie associative-Portail des associations d’Aubervilliers, (n.d.).

Dans un contexte de transition où le pays attend depuis plusieurs années des élections locales, il n’est pas surprenant que plusieurs associations soient accusées d’être politisées et de vouloir se présenter aux élections. Certains acteurs publics expliquent leur méfiance à l’égard des organisations de la société civile par le fait qu’ils considèrent que certaines associations jouent de fait le rôle de partis politiques (Nicolás Adán, J.-E., Ben Hassen, S. et Doggui, 2014).

En conséquence, le développement d’une culture de la transparence, au sein non seulement des municipalités mais aussi du secteur associatif, devient encore plus impératif. Il serait alors utile de mettre en place des normes en matière de transparence et de reddition des comptes. Un échange entre associations tunisiennes, ainsi qu’avec des associations internationales, pourrait servir à définir une charte des associations, incluant des points sur la transparence financière et les conflits d’intérêts.

En plus des associations, il existe aussi des Comités de quartier. Ces structures datent des années 1990 et ont été créées en 1991 lors d’un conseil ministériel. Les comités de quartier étaient considérés comme « un relais dynamique entre les décideurs et les citoyens » et leur objectif était « la mobilisation et la participation des citoyens à l’amélioration des conditions de vie dans le quartier, notamment par une implication de ses membres dans la vie municipale à travers notamment leur participation aux conseils municipaux où ils représenteront les intérêts du citoyen ». Les Comités de quartier ont également été très actifs en ce qui concerne la propreté et l’environnement. Cependant, à l’époque de Ben Ali, les comités de quartier auraient été cooptés et utilisés par le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) à des fins de contrôle et de propagande (Nicolás Adán, J.-E., Ben Hassen, S. et Doggui, 2014). Après 2011, les Comités de quartier ont continué d’exister et leur rôle est en train d’être redéfini.

Même si la participation citoyenne envisagée dans le cadre du gouvernement ouvert reste faible, la Tunisie suit une ligne globale et se focalise sur la participation des citoyens individuels, des organisations de la société civile ou du secteur privé. L’engagement citoyen s’exprime également par d’autres moyens tels que les mouvements sociaux ou les protestations citoyennes qui ont fortement augmenté en Tunisie en 2017, en particulier à propos des disparités régionales et du développement régional. Ces mouvements se manifestent surtout dans le sud de la Tunisie mais on a aussi vu des mouvements de soutien dans plusieurs gouvernorats dont ceux de Tunis, Sousse ou Sfax. La structure sectorielle des manifestations de protestation collective était concentrée sur les enjeux économiques, sociaux, politiques, administratifs et sécuritaires en mai 2017, mais les questions éducatives et sanitaires ont été importantes à d’autres moments, notamment en janvier 2017. Les mouvements de protestation portent entre autres sur les gouvernorats, les délégations et les instances sécuritaires, les stades sportifs, les ministères et la présidence du gouvernement, les municipalités et l’ARP (FTDES, 2017). La Tunisie a également connue une vague des mouvements de protestation en début de 2018 suite à l’adoption de la loi des finances.

Ces mouvements montrent donc l’existence d’une mobilisation importante des citoyens en Tunisie et une participation qui se déploie dans d’autres lieux et selon d’autres modalités. Cependant, la participation citoyenne encouragée par l’administration publique se concentre, comme partout dans le monde, sur l’invitation à prendre part à des processus de participation institutionnalisés concernant des problématiques définies par les pouvoirs publics. Les citoyens sont rarement encouragés à initier de façon proactive des processus de participation et à définir les problématiques (Schauppenlehner-Kloyber et Penker, 2016). À l’exception de certaines associations, un manque d’initiative des citoyens et des associations a aussi été relevé comme constituant un défi à La Marsa, Sayada et Sfax. Pourtant, plusieurs villes dans le monde telles que Berlin ou Paris offrent des exemples d’actions collectives, d’auto-organisation et de gestion collective des ressources, tels que les jardins participatifs ou les groupes de quartier. Une autre manière d’interaction avec la société civile est incarnée par les conseils citoyens locaux en Amérique latine (Encadré ‎3.12).

Encadré ‎3.12. Les conseils citoyens locaux en Amérique latine

Depuis les années 1980, les pouvoirs publics latino-américains ont établi une nouvelle relation avec leurs citoyens et permettent à ces derniers de participer plus activement au processus de décision. Ils y sont parvenus, en partie, grâce à la création de conseils citoyens locaux.

Bien que les conseils locaux aient différentes appellations et formes à l’échelle de l’Amérique latine, ils partagent des caractéristiques communes. De manière générale, ils regroupent des représentants de différents secteurs de la société civile, tels que le monde universitaire, les organisations civiques ou locales et le secteur privé, et ils les associent aux représentants des autorités politiques locales au sein d’un organe unique où, ensemble, ils élaborent des politiques publiques ou des programmes de développement. En outre, ils poursuivent généralement un objectif commun : renforcer la démocratie et améliorer la qualité et la réactivité des politiques publiques au niveau local.

Dans certains cas, la mise en place des conseils locaux est prévue par la Constitution (par exemple Constitution du Pérou, titre IV, chapitre XIV sur la décentralisation) ou une loi nationale (par exemple loi nationale mexicaine sur l’eau, qui prescrit la création de conseils de bassin). Dans d’autres cas, les conseils ont vu le jour à l’initiative des administrations locales et des citoyens (par exemple en Colombie, avec les conseils municipaux des jeunes de Medellin).

En général, les conseils locaux d’Amérique latine sont constitués de représentants élus de divers secteurs sociaux, politiques et parfois économiques, ce qui montre l’importance des capacités et la bonne volonté des acteurs participant aux conseils, et en particulier l’attitude adoptée par les administrations locales à l’égard de la participation des citoyens. Les conseils locaux d’Amérique latine suivent deux grands modèles s’agissant de l’éventail des domaines thématiques dont ils traitent. Selon le premier modèle, les conseils locaux peuvent examiner et déterminer des plans globaux de développement qui recouvrent de nombreuses problématiques sectorielles, à l’instar du Plan de développement concerté du Pérou (Plan de desarrollo concertado). Selon le deuxième modèle, les conseils locaux sont créés pour traiter de domaines thématiques spécifiques, tels que la politique sociale, la protection de l’environnement, la gouvernance urbaine ou la prestation des services publics, à l’instar des Conseils locaux de la santé du Paraguay.

Source: OCDE, 2017b.

Ces formes d’actions représentent une opportunité de participation citoyenne au débat sur les enjeux et à la conception du développement des communes (Schauppenlehner- Kloyber et Penker, 2016). Les processus de participation institutionnalisés offrent, en même temps, un moyen pour les mouvements sociaux d’exprimer différemment leurs demandes. Par exemple, à Berlin en Allemagne en 2013, des mouvements sociaux ont utilisé le référendum pour faire connaître leurs demandes sur la remunicipalisation de l’électricité, ou encore en 2014, sur l’utilisation de l’ancien aéroport Tempelhof (Lebuhn, 2015). Les mouvements sociaux ont la capacité de proposer des moyens de participation au-delà des dispositifs constitués par les institutions et de mobiliser les citoyens non organisés (Martínez, 2010), ainsi qu’on l’a aussi vu en Tunisie. Par conséquent, une réflexion sur la manière de mieux intégrer les mouvements sociaux aux efforts des communes de promotion du gouvernement ouvert ne pourrait qu’enrichir et élargir la participation citoyenne (Neveu, 2011). Encadré ‎3.13 présente d’autres approches qui pourraient aider à élargir la participation.

Encadré ‎3.13. Mécanisme de participation – extrait du Guide de bonnes pratiques de gouvernance locale
  • « Renforcer, là où cela parait nécessaire, les capacités et le sens de l’initiative des citoyens (participation Bottom-Up et Top-Down). Cet objectif pourrait être réalisé à travers, par exemple, la mise en œuvre de dispositifs d’écoute ayant pour objectif d’instaurer un service appelé proximité-citoyenneté. Nous illustrons ce service par l’exemple des maisons citoyennes situées dans les quartiers des communes françaises. Il s’agit de lieux de rencontre animés par des agents de services de proximité, des conseillers de quartiers et des collectifs d’habitants.

  • Activer le rôle des comités consultatifs d’urbanisme et leur donner davantage d’autorité et de prérogatives. Il s’agit de comités composés de citoyens et de représentants d’entreprises choisis par les élus locaux. Ils peuvent être assimilés à une force de proposition, tout autant qu’une force de lobbying.

  • Promouvoir le rôle des instances d’arbitrage (coutumières et étatiques) afin de résoudre les conflits fonciers locaux et faciliter l’accès à la terre, surtout dans les régions rurales qui acceptent d’accueillir de nouveaux projets de développement. Ces instances peuvent être assistées par « des groupes stratégiques » constitués par des personnes jouissant d’une reconnaissance sociale et bénéficiant d’un poids politique et d’une influence notable dans le milieu local où se produisent des conflits fonciers ».

Source : IACE, 2015.

Le secteur médiatique au niveau local détermine également les possibilités de mise en place du gouvernement ouvert. Les médias servent souvent de relais entre l’administration publique, le gouvernement et les citoyens en informant sur les politiques publiques et en demandant des comptes à l’administration. Depuis 2011, avec la libéralisation de la presse, le secteur médiatique en Tunisie a connu une importante transformation. Ainsi, la Tunisie a vu l’émergence de nouveaux médias, aux niveaux national et local, dans le secteur de la presse écrite et en ligne, ainsi que dans le secteur audiovisuel. La reconnaissance légale des radios associatives, définies comme des radios « spécialisées, locales, à but non lucratif et au service de l’intérêt général » et la naissance de plusieurs radios de ce type montrent l’importance accordée aux médias locaux dans le débat public et dans la participation citoyenne. Cependant, sur les dix radios associatives reconnues par la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA), trois se trouvent dans la région du Grand Tunis (Radio Campus, Media Libre FM, Radio 6) et aucune à Sfax ou à Sayada. Dans ces régions, les radios locales publiques (Radio Sfax et Radio Monastir) ainsi que les radios privées (dont Jawhara FM à Monastir ou Radio Diwan à Sfax) sont d’importantes sources d’informations locales. Le gouvernorat de Monastir ainsi que la commune utilisent fréquemment Radio Monastir pour débattre et informer des problématiques locales comme la propreté, l’éclairage public, ou encore les transports en commun (GIZ, 2014). Comme indiqué ci-dessus, la radio à Sfax sert aussi à transmettre les avis et réclamations de la population à la municipalité. Une radio est en cours de création à La Marsa11.

À une période où des radios associatives, y compris des web radios, naissent en Tunisie et où émerge la presse en ligne, les collectivités locales devraient privilégier le dialogue avec ces médias afin de les aider à devenir des acteurs du dialogue entre société et gouvernement. En installant des contacts presse et en facilitant l’accès direct à l’information – sans avoir à passer par le niveau central – les municipalités pourront encourager un journalisme qui traite davantage des enjeux locaux.

Références

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Notes

← 1. www.cgdr.nat.tn/upload/files/13.pdf

← 2. La municipalité de Sayada - Décret n° 2011-1208 du 27 août 2011

← 3. Décret gouvernemental n° 2017-200 du 8 février 2017

← 4. Décret n° 2011-694 du 9 juin 2011

← 5. Décret n° 2011-384 du 8 avril 2011

← 6. Décret n° 2012-2364 du 11 octobre 2012

← 7. Décret gouvernemental n° 2017-434 du 12 avril 2017

← 8. Documentation fournie par la commune La Marsa

← 9. www.legislation.tn/sites/default/files/files/textes_soumis_avis/texte/code- amenagement.pdf

← 10. www.communemarsa.tn/e-reclamation/

← 11. www.facebook.com/pg/RadioLaMarsa/videos

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