4. Oléagineux et produits oléagineux

En 2019, les prix des oléagineux et produits dérivés ont atteint leur plus bas niveau depuis plusieurs années, en conséquence du ralentissement de la demande mondiale d’huile végétale et de tourteaux protéiques, ainsi que des incertitudes découlant des différends commerciaux bilatéraux. Les relations commerciales entre les États-Unis et la République populaire de Chine (ci-après « la Chine ») s’étant améliorées fin 2019, la politique commerciale a moins d’influence à court terme sur les prix mondiaux, en particulier du soja.

La production mondiale de soja a baissé en 2019/20 du fait de la réduction considérable des superficies consacrées à cette culture aux États-Unis. À l’inverse, en Amérique du Sud, la récolte de soja a atteint un nouveau record, avec plus de 190 Mt. Le recul de la production mondiale n’a pas entraîné les prix à la hausse, car la baisse de la consommation a été encore plus marquée. En effet, en dépit des attentes d’une reconstitution partielle du cheptel porcin en Chine, la peste porcine africaine continue de peser sur le secteur de l’élevage du pays, réduisant la demande d’aliments, en particulier de tourteaux de soja, qui constituent le principal aliment protéique. La production mondiale d’autres graines oléagineuses (colza, tournesol et arachide) a légèrement reculé en 2019/20. Le Canada et l’Union européenne ont déclaré un déficit considérable de la production de colza, que les augmentations enregistrées dans les autres grands pays producteurs n’ont pas compensé.

Le secteur de l’huile végétale a été marqué en janvier et février 2020 par un ralentissement de la croissance de la demande chinoise et indienne, causé par la diminution de la consommation hors du foyer. Cette évolution s’explique, en Chine, par la pandémie de COVID-19, et en Inde, par une hausse des prix intérieurs. Plusieurs pays ont également accru leur capacité de trituration et ont donc augmenté leurs importations de graines au détriment de leurs achats d’huile et de tourteaux. En conséquence, les exportations des principaux producteurs d’huile végétale, tels que l’Indonésie et la Malaisie, ont moins progressé que la moyenne, ce qui a entraîné un recul des prix. Face à cette situation, l’Indonésie a relevé les obligations d’incorporation de biodiesel, renforçant ainsi la demande intérieure d’huile de palme. En Malaisie, le léger recul de la production d’huile de palme a permis d’équilibrer le marché intérieur.

Au cours de la période de projection, la production mondiale de soja devrait continuer de progresser de 1.3 % par an, l’extension des superficies exploitées représentant environ un tiers de cette croissance. Au Brésil, les projections indiquent que la production nationale devrait atteindre 140 Mt en 2029, ce qui placera le pays en tête des producteurs à l’échelle mondiale, devant les États-Unis dont la production devrait être de 120 Mt en 2029. Ensemble, ces pays produiront près de deux tiers du soja mondial.

La production des autres oléagineux devrait augmenter de 1.2 % par an au cours de la prochaine décennie, soit une croissance plus lente que celle des dix dernières années. Cette tendance s’explique en partie par la moindre demande d’huile de colza utilisée comme matière première dans la production européenne de biodiesel. Le soja et les autres oléagineux continueront pour l’essentiel à être transformés par trituration pour produire des tourteaux et de l’huile, ces utilisations augmentant plus vite que les autres, à savoir notamment la consommation directe de graines de soja, d’arachide ou de tournesol dans l’alimentation humaine ou animale. Au total, la trituration devrait absorber 91 % de la production mondiale de soja et 87 % de la production mondiale des autres oléagineux en 2029.

L’huile végétale comprend les huiles obtenues par trituration de graines de soja et d’autres oléagineux (55 % de la production mondiale environ), l’huile de palme (35 %) ainsi que les huiles de palmiste, de coco et de coton. Compte tenu d’un ralentissement de l’expansion des superficies en palmiers à huile matures, la croissance de la production devrait être limitée en Indonésie (1.7 % par an) et en Malaisie (0.8 % par an). En outre, le relèvement de l’obligation d’incorporation de biodiesel décidé par l’Indonésie exercera une tension sur les disponibilités mondiales d’huile végétale à moyen terme. La demande mondiale d’huile végétale devrait progresser de 37 Mt d’ici à 2029, ce qui va probablement contribuer à faire baisser les stocks élevés et à soutenir les prix durant la période de projection.

Les tourteaux de soja représentent la majeure partie de la production et de la consommation de tourteaux protéiques. Par rapport à la décennie écoulée, leur utilisation devrait moins progresser (1.4 % par an contre 3.6 % par an) en raison d’une croissance plus lente de la production mondiale de porcs et de volailles, et du fait des actions engagées par la Chine pour abaisser la part des tourteaux protéiques dans les rations alimentaires animales. De ce fait, la consommation chinoise de tourteaux protéiques devrait croître légèrement moins vite que celle de la production animale. La consommation totale de tourteaux devrait baisser dans l’Union européenne à mesure que la production animale ralentit et que la part d’autres sources de protéines s’accroît dans les mélanges fourragers.

L’huile végétale figure parmi les produits agricoles dont la part de production échangée est la plus forte (40 %). L’Indonésie et la Malaisie, les deux premiers producteurs mondiaux d’huile de palme – laquelle constitue la plus grande part de l’huile végétale –, continueront de dominer les échanges (Graphique 4.1), exportant plus de 70 % de leur production combinée et représentant à eux deux près de 60 % des exportations mondiales. L’Inde, premier importateur d’huile végétale dans le monde, devrait rester sur une forte croissance annuelle des importations (3.2 % par an), en raison d’une population en expansion et de niveaux de revenu en hausse.

Les échanges mondiaux de soja, dominés par les Amériques, devraient voir leur croissance ralentir considérablement au cours de la prochaine décennie. Cette évolution est directement liée à une progression plus lente de la trituration de soja importé en Chine. Parallèlement, le Brésil va renforcer sa place de premier exportateur de soja.

La demande de tourteaux protéiques est liée à l’évolution de la production animale. L’incertitude qui entoure l’avenir de l’élevage porcin du fait de l’épizootie de peste porcine africaine en Asie de l’Est pourrait influer sur les projections, car il est possible qu’à long terme la viande de porc soit remplacée par une autre protéine animale (volaille ou poisson, par exemple) dont la production demande une moindre quantité d’aliment. L’apparition de plusieurs maladies touchant le cheptel porcin chinois ces dernières années a entraîné un tassement de la demande de tourteaux protéiques et reste source d’une grande incertitude sur la période de projection. En outre, les inquiétudes suscitées par les produits génétiquement modifiés ont conduit un nombre croissant de producteurs laitiers de l’Union européenne à ne plus utiliser d’aliments transgéniques, et notamment de tourteaux de soja, pour nourrir leur bétail. Sachant que l’Union européenne représentait 15 % de la demande mondiale de protéines sur la période 2017-19, ce changement de cap pourrait réduire encore la demande de tourteaux.

La marge de progression de la production d’huile de palme en Indonésie et en Malaisie reposera de plus en plus sur les activités de replantation et sur l’amélioration parallèle des rendements (et non sur l’augmentation des superficies), une solution qui n’a guère mobilisé les énergies ces dernières années, compte tenu de la faible rentabilité du secteur, d’une hausse du coût de la main-d’œuvre en Malaisie et du peu d’envergure des programmes publics de replantation menés en Indonésie, en particulier auprès des petits exploitants. Des progrès ont été rapportés concernant les grandes entreprises productrices d’huile de palme d’Indonésie après l’arrachage des anciens palmiers à huile et la replantation de palmiers à plus haut rendement. La question de la durabilité pèse également sur le développement de la production d’huile de palme étant donné que, dans les pays développés, la demande privilégie les huiles non liées à la déforestation et les consommateurs recherchent des huiles certifiées durables, que ce soit celles utilisées pour produire le biodiesel ou, de plus en plus, celles destinées à l’alimentation humaine.

Le prix des oléagineux et des produits oléagineux a augmenté en 2019, l’offre ayant progressé plus lentement que la demande. Cela étant, les stocks restent importants. La stabilité du prix réel du pétrole brut et la croissance économique continue, prises pour hypothèses dans les projections, devraient soutenir le prix des oléagineux et des produits oléagineux durant la période de projection, tandis que la croissance continue de la productivité exercera une pression à la baisse sur les prix réels. La pandémie de COVID-19 a réduit l’activité économique en 2020 et pourrait avoir un impact considérable sur le développement au cours de la prochaine décennie.

D’après les projections, les prix réels du soja, des autres oléagineux, de l’huile végétale et des tourteaux protéiques vont baisser légèrement, car la croissance de la productivité suivra vraisemblablement le rythme de progression de la demande pendant les dix prochaines années. Ces prix demeureront néanmoins supérieurs à leur plus bas niveau historique (Graphique 4.2). À moyen terme, les prix des oléagineux et des produits oléagineux en valeur nominale devraient augmenter, sans toutefois atteindre les précédents records enregistrés.

D’après les projections, la production de soja devrait croître de 1.3 % par an, contre 4.0 % par an au cours de la dernière décennie. La production des autres graines oléagineuses (colza, tournesol et arachide) progressera moins vite, de 1.2 % par an contre 2.8 % par an sur les dix dernières années (2010-19). Cette évolution s’explique avant tout par l’amélioration des rendements, qui génère 78 % de la croissance projetée (66 % dans le cas du soja). Le soja présente l’avantage d’être une culture à croissance rapide, ce qui permet de pratiquer une double culture, surtout en Amérique latine.

Ainsi, actuellement, le Brésil et les États-Unis produisent à peu près la même quantité de soja (115 Mt environ en 2017-19), mais durant la décennie à venir le Brésil devrait connaître un taux de croissance annuel supérieur à celui des États-Unis (1.5 % contre 0.6 %), en grande partie parce qu’il pourra augmenter l’intensité de culture annuelle en produisant successivement du soja et du maïs. Dans l’ensemble, la production de soja devrait continuer de croître fortement en Amérique latine, l’Argentine et le Paraguay produisant respectivement 61 Mt et 12 Mt d’ici 2029 (Graphique 4.3). En Chine, après une décennie de baisse, la production de soja devrait reprendre sa progression, profitant de la réduction des aides publiques à la culture de céréales. Enfin, la production de soja devrait également augmenter en Inde, dans la Fédération de Russie, en Ukraine et au Canada.

Les plus grands producteurs d’autres oléagineux sont la Chine (colza et arachide principalement) et l’Union européenne (colza et tournesol surtout). Leur production annuelle devrait ressortir à 31 Mt et 27 Mt respectivement en 2029. Elle devrait toutefois connaître une croissance limitée (1.0 % par an pour la Chine et -0.02 % par an pour l’Union européenne) en raison du prix relativement plus élevé des céréales, qui engendrera une forte concurrence entre les deux types de culture, la superficie de terre arable étant limitée. Le Canada, autre producteur important et premier exportateur de colza, devrait accroître sa production de 1.9 % par an pour atteindre 23 Mt en 2029. On prévoit également une forte croissance de la production des autres oléagineux en Ukraine et dans la Fédération de Russie, compte tenu du développement du secteur agricole dans la région de la mer Noire. En Inde, le rythme de croissance s’accélérera au cours des dix prochaines années, les pouvoirs publics continuant de soutenir la production des autres oléagineux pour répondre à la demande intérieure d’huile végétale et de tourteaux protéiques (voir l’analyse qui suit).

Les stocks de soja ne devraient pas varier, d’où un recul du ratio stocks/consommation à l’échelle mondiale, de 12.4 % en 2017-19 à 11.3 % en 2029. Compte tenu de la tendance générale à une concentration progressive de la production d’oléagineux dans un petit nombre de pays, la baisse de ce ratio pourrait se traduire par une plus grande instabilité des prix.

À l’échelle mondiale, la trituration du soja et autres oléagineux pour produire des tourteaux et de l’huile absorbe 90 % environ du volume total utilisé. La demande augmentera plus vite pour les produits issus de la trituration que pour d’autres usages, notamment la consommation alimentaire directe de graines de soja, d’arachide et de tournesol, ou l’utilisation directe du soja dans l’alimentation animale. Le lieu d’implantation des activités de trituration dépend de nombreux facteurs : frais de transport, politiques commerciales, tolérance à l’égard des cultures transgéniques, coûts de transformation (main-d’œuvre, énergie, etc.) et infrastructures (ports, routes, etc.).

En valeur absolue, la trituration du soja devrait augmenter de 56 Mt pendant la période de projection, soit bien moins que les 103 Mt enregistrées les dix années précédentes. La Chine devrait produire 22 Mt supplémentaires de soja trituré, soit 40 % environ de la progression mondiale, et utilisera essentiellement pour ce faire du soja importé. Même s’il est important, le niveau de croissance projeté pour la Chine sera bien plus faible qu’au cours de la dernière décennie. La progression de la trituration des autres oléagineux devrait suivre celle de la production, et, à l’inverse du soja, l’opération aura plus souvent lieu dans le pays de production. Par conséquent, la part des échanges d’autres oléagineux sera bien plus faible que celle du soja.

La production mondiale d’huile végétale dépend à la fois de la trituration des oléagineux et de la production des plantes oléagineuses tropicales vivaces, notamment des palmiers à huile. À l’échelle mondiale, la production d’huile de palme a crû plus rapidement que celle des autres huiles végétales au cours de la décennie écoulée, mais cette croissance devrait toutefois ralentir en raison des préoccupations environnementales grandissantes et des efforts pour limiter la déforestation liée aux plantations de palmiers à huile en Indonésie et en Malaisie. Ces deux pays représentent plus du tiers de la production mondiale d’huile végétale.

Au niveau mondial, les projections indiquent que l’offre d’huile de palme devrait s’accroître de 1.5 % par an. Le durcissement des politiques environnementales adoptées par les grands pays importateurs d’huile de palme et les normes de production agricole durable (dans le contexte du Programme de développement durable à l’horizon 2030, par exemple) devraient ralentir l’expansion des surfaces plantées en palmiers à huile en Malaisie et en Indonésie. Cela signifie que la croissance de la production tiendra de plus en plus aux gains de productivité, et notamment à une accélération des activités de replantation. La production d’huile de palme devrait progresser plus vite dans les autres pays, où elle part il est vrai d’un niveau fort bas, et alimenter essentiellement les marchés intérieurs et régionaux. Ainsi, la Thaïlande, la Colombie et le Nigéria devraient produire respectivement 3.8 Mt, 2.4 Mt et 1.4 Mt en 2029. Dans certains pays d’Amérique centrale, une production de niche se développe, assortie d’emblée de certifications de durabilité reconnues à l’échelle mondiale, ce qui place la région en situation de trouver un jour de larges débouchés à l’exportation.

L’agrégat « huile végétale » comprend l’huile de palmiste, l’huile de coco et l’huile de coton, auxquelles s’ajoutent l’huile de palme et les huiles extraites par trituration de graines oléagineuses, comme analysé plus haut. L’huile de palmiste est obtenue parallèlement à l’huile de palme, sa production évolue donc comme celle de cette dernière. L’huile de coco est produite principalement aux Philippines, en Indonésie et dans les îles océaniques. L’huile de palmiste et l’huile de coco ont de nombreux usages industriels, la première étant aujourd’hui beaucoup plus utilisée que la seconde du fait de la production croissante d’huile de palme. L’huile de coton est un sous-produit de l’égrenage du coton, dont la production est essentiellement concentrée en Inde, aux États-Unis, au Pakistan et en Chine. Globalement, les projections indiquent que la production mondiale d’huile végétale devrait augmenter de 1.4 % par an, soit plus rapidement que la plupart des produits agricoles étudiés dans les présentes Perspectives, ce qui s’explique principalement par la demande alimentaire résultant de l’accroissement démographique et de la hausse des revenus dans les pays en développement.

La production mondiale de tourteaux protéiques devrait également augmenter de 1.4 % par an, pour atteindre 403 Mt en 2029. Le tourteau de soja arrive en tête dans ce domaine, puisqu’il représente plus des deux tiers de la production mondiale de tourteaux protéiques (Graphique 4.4). La production est concentrée dans un nombre restreint de pays : l’Argentine, le Brésil, la Chine, les États-Unis, l’Inde et l’Union européenne devraient réaliser 73 % de la production mondiale en 2029. En Chine et dans l’Union européenne, la majeure partie des tourteaux produits le sont à partir de graines oléagineuses importées, principalement du soja cultivé au Brésil et aux États-Unis. Dans les autres grands pays producteurs de tourteaux, la matière première, soja et autres oléagineux, est en grande partie cultivée nationalement.

Du fait d’une demande par habitant saturée, la consommation d’huile végétale alimentaire par habitant devrait augmenter de 0.9 % par an, ce qui est bien inférieur aux 2.3 % annuels relevés sur la période 2010-19. En Chine (30 kg par habitant) et au Brésil (24 kg par habitant), les disponibilités en huile végétale alimentaire par habitant devraient atteindre des niveaux comparables à ceux observés dans les pays développés, où la croissance de la consommation plafonnera à 27 kg par habitant, soit une hausse annuelle de 0.6 % (Graphique 4.5).

L’Inde, deuxième consommateur et premier importateur d’huile végétale dans le monde, devrait conserver une croissance annuelle de 2.3 % de la consommation par habitant, pour atteindre 14 kg par habitant en 2029. Cette nette progression résultera à la fois d’une augmentation de la production intérieure (trituration d’une plus forte production nationale d’oléagineux) et d’une nouvelle hausse des importations, principalement d’huile de palme d’origine indonésienne et malaisienne. Dans les pays les moins avancés (PMA), les disponibilités d’huile végétale par habitant devraient augmenter de 0.8 % par an pour atteindre 9 kg par habitant en 2029. À mesure que l’urbanisation progresse dans les pays en développement, on s’attend à ce que les habitudes alimentaires et les structures traditionnelles des repas changent pour faire une plus grande place à des aliments transformés contenant davantage d’huile végétale.

L’utilisation d’huile végétale comme matière première pour produire du biodiesel devrait augmenter beaucoup plus lentement dans les dix prochaines années, comparé aux 4.3 % annuels enregistrés au cours de la décennie précédente, lorsque les politiques de soutien aux biocarburants sont entrées en vigueur. De manière générale, les objectifs nationaux d’incorporation obligatoire de biodiesel devraient moins progresser que par le passé. Par ailleurs, la part des huiles usées, du suif et d’autres matières premières s’accroît dans la fabrication du biodiesel en raison notamment de politiques particulières (pour plus de précisions sur les biocarburants, voir le Chapitre 9). En Argentine, la filière du biodiesel devrait rester tournée vers les exportations (plus de la moitié de la production est exportée). Le volume d’huile végétale utilisé dans l’industrie argentine du biodiesel devrait s’élever à 3.1 Mt en 2029, ce qui correspond à 74 % de la consommation domestique (Graphique 4.6). En Indonésie, l’utilisation d’huile végétale dans la production de biodiesel devrait continuer à progresser fortement du fait des politiques nationales de soutien. Le pays sera donc le principal moteur de ce type d’utilisation de l’huile végétale au niveau mondial. L’utilisation d’huile végétale pour produire du biodiesel dépend du cadre réglementaire (voir le Chapitre 9) et de l’évolution relative des prix de l’huile et du pétrole brut (voir plus loin).

La consommation de tourteaux protéiques devrait continuer d’augmenter à raison de 1.4 % par an, un rythme bien plus faible que celui enregistré durant la décennie écoulée (3.4 % par an). Cette évolution est étroitement liée à celle de la demande d’aliments pour animaux, puisque les tourteaux sont exclusivement utilisés à cette fin. Plusieurs facteurs jouent sur le lien entre utilisation de tourteaux dans l’alimentation animale et production animale : l’intensification de cette dernière accroît la demande de tourteaux protéiques, tandis qu’une plus grande efficacité alimentaire entraîne une réduction du volume de tourteaux par unité de production animale ; la composition de l’élevage et la taille du troupeau sont d’autres facteurs déterminants. Le lien entre production animale et consommation de tourteaux protéiques dépend du degré de développement économique d’un pays. Les pays à faible revenu, où l’élevage se pratique à l’échelle familiale ou artisanale, consomment moins de tourteaux protéiques que les économies à revenu élevé, qui ont recours à des systèmes d’élevage intensif. À mesure que les économies se développent, la production s’oriente vers des modèles reposant plus largement sur une alimentation intensive, et la consommation de tourteaux protéiques augmente (Graphique 4.7).

L’urbanisation rapide et la demande accrue de produits d’origine animale conduisent les pays en développement à se tourner vers des modes de production qui font davantage appel aux aliments pour animaux. La consommation de tourteaux protéiques tend alors à croître plus rapidement que la production animale. Dans les PMA, où les tourteaux protéiques sont encore très peu employés, l’intensification de l’élevage devrait se poursuivre, entraînant un recours plus systématique aux aliments composés. Avec l’intensification, en effet, la quantité de tourteaux protéiques utilisée par unité de production animale augmente considérablement, entraînant une croissance rapide de la demande totale de ces pays. Dans des pays tels que les États-Unis ou ceux de l’Union européenne, où les aliments composés répondent à la plupart des besoins en protéines de la production animale, la consommation de tourteaux protéiques devrait progresser plus lentement que la production animale, du fait d’une plus grande efficacité alimentaire. De plus, les produits d’origine animale commercialisés dans l’Union européenne sont de plus en plus souvent certifiés comme ayant été obtenus sans utilisation d’aliments pour animaux issus de cultures génétiquement modifiées.

Les projections indiquent que la croissance de la consommation de tourteaux protéiques en Chine devrait ralentir, passant de 5.0 % par an au cours de la décennie précédente à 1.9 % par an. En effet, la demande d’aliments composés dans ce pays devrait diminuer du fait du recul des taux de croissance de la production animale, et de la part déjà importante de la production utilisant ce type d’aliment. De surcroît, la part des tourteaux protéiques dans les aliments composés en Chine a bondi au cours de la décennie écoulée, dépassant nettement celle observée aux États-Unis et dans l’Union européenne, et devrait maintenant se stabiliser.

Plus de 40 % de la production mondiale de soja fait l’objet d’échanges internationaux, ce qui est beaucoup par rapport aux autres produits agricoles. Comparé à la décennie précédente, on s’attend à ce que l’essor des échanges mondiaux de soja ralentisse considérablement durant la période de projection. Cette évolution est directement liée à au fléchissement anticipé du volume de trituration de soja en Chine, et donc des importations correspondantes. Les importations chinoises de soja devraient augmenter de 1.8 % par an pour atteindre 105 Mt environ en 2029, représentant alors les deux tiers environ des importations mondiales. Les exportations de soja proviennent pour l’essentiel des Amériques – États-Unis, Brésil et Argentine –, qui devraient continuer de fournir 88 % des volumes exportés d’ici 2029. Les États-Unis, qui étaient de longue date le premier exportateur mondial de soja, ont été détrônés par le Brésil, qui voit ses capacités d’exportation croître de façon soutenue. D’après les projections, ce pays réalisera 48 % des exportations mondiales de soja en 2029, soit 1 point de pourcentage de plus qu’actuellement.

La part de la production faisant l’objet d’échanges internationaux est bien plus modeste pour les autres oléagineux, puisqu’elle représente quelque 14 % de la production mondiale. Les grands pays exportateurs, Canada, Australie et Ukraine, devraient réaliser plus de 73 % des exportations mondiales d’ici 2029. Au Canada et en Australie, plus de la moitié des autres oléagineux (colza) produits est exportée (Graphique 4.8). Une part supplémentaire de la production d’oléagineux est souvent exportée sous la forme d’huile végétale ou de tourteaux.

Les exportations d’huile végétale, qui représentent 40 % de la production mondiale, restent dominées par quelques pays. L’Indonésie et la Malaisie continueront d’assurer 60 % des exportations totales d’huile végétale au cours de la période de projection. L’Argentine devrait devenir le troisième exportateur mondial (d’huile de soja, principalement), avec une part de 7.4 % environ des exportations mondiales d’huile végétale d’ici 2029. Dans ces trois pays, les exportations absorberont plus des deux tiers de la production intérieure d’huile végétale. Toutefois, cette proportion devrait diminuer légèrement en Indonésie et en Malaisie, en raison de l’augmentation de la demande intérieure d’huile végétale pour l’alimentation, l’oléochimie et surtout la production de biodiesel. Les projections prévoient que l’Inde continuera d’accroître fortement ses importations, de 3.2 % par an, pour atteindre 22 Mt en 2029, soit environ un quart des importations mondiales d’huile végétale, afin de satisfaire une demande en hausse liée à l’accroissement de la population, à l’urbanisation et à une augmentation du revenu disponible.

Durant la période de projection, la croissance des échanges mondiaux de tourteaux protéiques devrait s’établir autour de 0.8 % par an, contre 1.8 % par an durant la décennie écoulée ; la part de la production mondiale échangée devrait par ailleurs baisser. Cette évolution s’explique par la concentration attendue de la croissance mondiale de la production de viande dans les principaux pays transformateurs d’oléagineux, où la consommation de tourteaux protéiques produits localement s’intensifiera, ne laissant qu’une faible marge d’augmentation des échanges. L’Argentine demeurera le premier exportateur de tourteaux car ce pays est le seul grand producteur à privilégier sans équivoque les exportations. Le plus gros importateur est l’Union européenne, dont les importations devraient baisser. La quasi-totalité des 8 Mt d’importations mondiales supplémentaires de tourteaux protéiques devraient avoir lieu en Asie, en particulier au Viet Nam, en Indonésie et en Thaïlande, où le recul de l’épizootie de peste porcine africaine devrait stimuler la croissance. Il est probable que la capacité de trituration de ces pays ne parviendra pas à progresser au même rythme que la demande de tourteaux protéiques, d’où la nécessité pour le secteur de l’élevage de se tourner vers l’importation d’aliments pour animaux afin de combler le déficit.

La propagation mondiale de la COVID-19 a entraîné une réduction des déplacements des personnes, ce qui influe fortement sur la consommation alimentaire hors du foyer. Ce confinement pourrait avoir une incidence sur la demande d’huile végétale, celle-ci étant largement utilisée pour les préparations frites dans un bain d’huile. En outre, le déclin de l’activité économique, conjugué à la baisse des prix du pétrole brut, réduit la demande d’huile végétale utilisée pour produire du biodiesel. La majeure partie de la production et de la transformation des oléagineux étant fortement mécanisée, la mobilité de la main-d’œuvre ne revêt pas une grande importance. Malgré tout, il est fait état de quelques perturbations dans la récolte de l’huile de palme et des noix de coco, en raison des restrictions de mobilité. De plus, les conséquences à long terme dépendent de la vitesse de la reprise économique, puisque la consommation d’huile végétale par habitant augmente fortement avec la croissance économique et que les tourteaux protéiques sont utilisés comme aliments dans la production animale, un secteur plus élastique.

Les inquiétudes des consommateurs concernant le soja sont liées au fait qu’une grande part de la production de cet oléagineux est obtenue avec des semences transgéniques. Dans l’Union européenne en particulier, les systèmes de certification fondés sur la garantie d’une alimentation animale sans produits génétiquement modifiés prennent de l’ampleur et pourraient entraîner une réorientation de la demande d’aliments pour animaux vers d’autres sources de protéines. Les préoccupations environnementales se font également plus pressantes, notamment pour ce qui concerne le lien potentiel entre la déforestation et l’essor de la production de soja au Brésil et en Argentine. Ces inquiétudes ont amené le secteur privé à encourager l’usage de terres déjà défrichées pour agrandir les superficies cultivées et à renoncer à poursuivre la déforestation. En cas de succès, ces initiatives volontaires devraient dissuader les producteurs de soja de défricher de nouvelles terres.

La marge de progression de la production d’huile de palme en Indonésie et surtout en Malaisie reposera de plus en plus sur les activités de replantation et sur l’amélioration des rendements (et non sur l’augmentation des superficies). Ces dernières années, le rythme de croissance de la production est resté poussif, compte tenu de la faible rentabilité du secteur et d’une hausse du coût de la main-d’œuvre en Malaisie. Les principales entreprises productrices d’huile de palme d’Indonésie ont quelque peu progressé dans la replantation. La question de la durabilité pèse également sur le développement de la production d’huile de palme étant donné que, dans les pays développés, la demande privilégie les huiles non liées à la déforestation et les consommateurs recherchent des huiles certifiées durables, que ce soit celles utilisées pour produire du biodiesel ou, de plus en plus, celles destinées à l’alimentation humaine. Plusieurs systèmes de certification sont en place et sont largement utilisés en Malaisie et en Indonésie.

Les systèmes de certification, l’étiquetage des produits et la législation environnementale pourraient freiner l’extension des superficies consacrées au palmier à huile dans les grands pays producteurs et réduire les achats des principaux importateurs, ce qui finira par peser sur la croissance de l’offre. Ces préoccupations font obstacle à la poursuite de l’agrandissement des plantations de palmiers à huile et aux exportations d’huile de palme par la Malaisie et l’Indonésie.

L’évolution des prix du pétrole brut, dont dépend la rentabilité de la production de biodiesel, demeure par ailleurs source de profondes incertitudes pour le secteur de l’huile végétale. La plus forte progression de la production de biodiesel est attendue en Indonésie, mais le lien entre les prix de l’huile de palme et ceux du pétrole brut ainsi que l’évolution économique peuvent modifier considérablement la trajectoire de croissance projetée. Dans l’Union européenne, les réformes des politiques et l’arrivée des procédés de production de biocarburants de deuxième génération vont probablement permettre de ne plus utiliser directement des cultures alimentaires comme matières premières. Aux États-Unis, dans l’Union européenne et en Indonésie, les politiques relatives aux biocarburants demeurent une source majeure d’incertitude pour le secteur de l’huile végétale, car 12 % environ de l’offre mondiale de ce secteur est destinée à la production de biodiesel. En Indonésie, rien ne permet d’affirmer avec certitude que l’obligation d’incorporation de 30 % de biodiesel pourra être respectée, compte tenu des contraintes que cela pourrait exercer sur l’offre à moyen terme.

Les tourteaux protéiques sont en concurrence partielle avec d’autres ingrédients dans la production d’aliments composés et sont donc sensibles à toute variation des prix des céréales. En outre, l’évolution des modes d’alimentation des animaux – en particulier des bovins – peut modifier la demande de tourteaux protéiques. En Chine, les ajustements actuellement apportés aux prix intérieurs des céréales, par exemple, auront des retentissements sur la formulation des aliments composés produits dans le pays, qui contiennent pour l’heure davantage de tourteaux protéiques que ce n’est le cas dans les pays développés et dans les autres grandes économies émergentes. Le rythme auquel le secteur porcin chinois va se rétablir après les épidémies de peste porcine africaine et de COVID-19 aura une influence considérable sur la demande d’aliments pour animaux, car une reprise plus rapide de la production de porcs augmentera le besoin de tourteaux protéiques.

Mentions légales et droits

Ce document, ainsi que les données et cartes qu’il peut comprendre, sont sans préjudice du statut de tout territoire, de la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire, ville ou région. Des extraits de publications sont susceptibles de faire l'objet d'avertissements supplémentaires, qui sont inclus dans la version complète de la publication, disponible sous le lien fourni à cet effet.

© OCDE/FAO 2020

L’utilisation de ce contenu, qu’il soit numérique ou imprimé, est régie par les conditions d’utilisation suivantes : http://www.oecd.org/fr/conditionsdutilisation.