12. Surveillance
Ce chapitre commente le principe de surveillance figurant dans la recommandation du Conseil de l’OCDE sur l’intégrité publique. Il décrit comment la surveillance et le contrôle externes renforcent la redevabilité au sein du système d’intégrité publique. Il vise à encourager les organismes du secteur public à répondre aux conseils des instances de surveillance et à mettre en place des mécanismes pour renforcer la réactivité des instances de surveillance aux plaintes et aux allégations. Il explore également le rôle des instances de surveillance pour garantir une application impartiale des lois et des règlements. Ce chapitre aborde les deux défis couramment rencontrés, à savoir la rapidité des décisions pour éviter de créer un sentiment d’impunité et garantir l’accès aux recours procéduraux, et la charge et l’efficacité de l’application.
La supervision et la surveillance externes constituent des éléments essentiels d’un système d’intégrité. Les organisations publiques et les agents publics sont responsables de leurs décisions, actions et dépenses. La surveillance contribue à l’efficacité du système d’intégrité publique, notamment par des réponses adéquates des organisations publiques aux recommandations des instances de surveillance, par un traitement efficace des plaintes et des allégations, tant par les procédures propres des instances de surveillance que par celles des organisations publiques, et par l’application impartiale des lois et des règlements dans l’ensemble du secteur public. Au-delà de la création de mécanismes spécifiques pour établir et renforcer la redevabilité publique, la surveillance peut favoriser l’apprentissage par l’évaluation et la mise en évidence des mauvaises et des bonnes pratiques. De plus, les rapports de surveillance peuvent éclairer la stratégie en matière d’intégrité, ainsi que les politiques et les réformes. Certaines instances de surveillance exercent également des fonctions fondamentales en matière d’intégrité (par exemple, la protection des lanceurs d’alerte ou la collecte et la vérification des déclarations de patrimoine).
La Recommandation de l’OCDE sur l’intégrité publique stipule que les adhérents doivent « renforcer le rôle de la surveillance et du contrôle externes au sein du système d’intégrité publique, notamment :
a. en facilitant l’apprentissage institutionnel et en démontrant la transparence des entités du secteur public grâce à des réponses adaptées (y compris des mesures de réparation, le cas échéant) aux sanctions, décisions et avis formels prononcés par les instances de surveillance (institutions supérieures de contrôle des finances publiques, médiateurs ou commissions d’information, entre autres), les organismes d’exécution réglementaire et les juridictions administratives ;
b. en s’assurant que les instances de surveillance, organismes d’exécution réglementaire et juridictions administratives qui renforcent l’intégrité publique donnent suite aux informations sur des cas présumés d’acte répréhensible ou de comportement fautif qui leur sont communiquées par des tiers (plaintes ou allégations émanant d’entreprises, d’employés ou d’autres particuliers, par exemple) ;
c. en veillant à l’application impartiale des législations et des réglementations (qui sont susceptibles de s’appliquer à des organisations publiques comme privées, ainsi qu’aux particuliers) par les organismes d’exécution réglementaire » (OCDE, 2017[1]).
La redevabilité publique contribue à susciter la confiance en la bonne gestion du secteur public. Il s'agit d'une relation entre un acteur et un forum dans laquelle l'acteur a l'obligation d'expliquer et de justifier sa conduite ; le forum peut poser des questions et porter un jugement, et l'acteur peut en subir les conséquences (Bovens, 2006[2]). Ainsi, un modèle global de redevabilité publique comporte deux dimensions :
l’obligation de rendre des comptes : l’obligation de fournir des informations, des clarifications, des explications et des justifications ;
la sanction : action formelle contre tout comportement illégal, incorrect, inefficace ou inefficient de l'institution ou du fonctionnaire responsable (Schedler, Diamond et Plattner, 1999[3] ; Pelizzo et Stapenhurst, 2013[4]).
L’obligation de rendre des comptes et la sanction exigent une structure institutionnelle adéquate à deux niveaux : 1) des mécanismes internes (au sein de la chaîne de commandement bureaucratique) et 2) des mécanismes externes de surveillance et de contrôle. Les mécanismes de contrôle interne, tels que décrits au chapitre 10, peuvent éliminer la plupart des irrégularités et fournir des informations sur lesquelles les instances de surveillance externe peuvent s’appuyer. Cependant, les mécanismes de contrôle interne peuvent manquer d’indépendance et d’objectivité dans les enquêtes sur les actes répréhensibles. Par conséquent, des mécanismes de surveillance à la fois internes et externes sont nécessaires pour garantir un système de contrôle global pour tous les organismes publics.
Ce chapitre se concentre uniquement sur les mécanismes de redevabilité externe, en particulier les institutions de surveillance et de contrôle indépendantes et spécialisées. Le graphique 12.1 détaille la typologie et la position des instances de surveillance externe parmi les divers mécanismes de reddition des comptes et de répression.
Dans la typologie des instances de surveillance, et des organes de contrôle et de répression externes, les quatre groupes d’institutions suivants font l’objet d’une discussion plus approfondie :
les médiateurs : mandats généraux et spécialisés
les institutions supérieures de contrôle des finances publiques (ISC)1
les tribunaux administratifs : tribunaux administratifs spécialisés et tribunaux de compétence générale assurant un contrôle juridictionnel indépendant et impartial des actions et omissions de l’administration
les organismes d'exécution réglementaire : organes chargés de promouvoir la conformité et d’atteindre les objectifs de la réglementation au sein des organismes publics et privés.
Les médiateurs, les ISC et les tribunaux administratifs sont explicitement chargés de superviser les organes publics. Les organismes d'exécution réglementaire ont toutefois un champ d’action plus large. Ces organismes se concentrent principalement sur l’inspection des activités et des marchés pertinents des entités publiques et semi-publiques, des entreprises privées et des individus présentant des risques particuliers vis-à-vis de divers biens publics, notamment la santé publique, l’éducation, la sécurité et l’environnement. Bien qu’ils ne soient pas explicitement chargés de superviser les organes publics, les organismes d'exécution réglementaire constituent des éléments nécessaires des systèmes d’intégrité publique, car leur mission couvre également la surveillance des institutions publiques et des entreprises publiques. Le tableau 12.1 résume les principales caractéristiques, les similitudes et les différences entre les instances de surveillance.
Malgré l’existence de nombreux modes de configuration institutionnelle, ainsi que d’outils et mécanismes à la disposition d’un pays pour mener à bien la surveillance externe, les lignes d’action suivantes sont essentielles :
encourager les organismes du secteur public à répondre de manière adéquate aux conseils des instances de surveillance
renforcer l’efficacité du traitement des plaintes et des allégations par les instances de surveillance
garantir l’application impartiale des lois et des règlements par les instances de surveillance.
12.2.1. Encourager les organismes du secteur public à répondre de manière adéquate aux conseils des instances de surveillance
Pour faciliter l’apprentissage institutionnel et démontrer la redevabilité des organes du secteur public, il est nécessaire d’apporter des réponses adéquates aux sanctions, décisions et conseils officiels des instances de surveillance. De plus, les dispositions en matière de bonne gouvernance augmentent les chances d’une mise en œuvre réussie des recommandations et conseils des instances de surveillance (Bureau national de contrôle des finances publiques de l’Australie, s.d.[5]). Lors de la mise en place d’un système de suivi et de surveillance, il est essentiel que les organisations publiques attribuent des responsabilités claires, relient le système de suivi et de surveillance au cycle de gestion et de contrôle, et communiquent régulièrement l’état d’avancement de la mise en œuvre des recommandations aux organes internes et externes concernés.
Le système de suivi et de surveillance doit comprendre des éléments de base tels que le conseil et l’organe qui l’a fourni, la date à laquelle le conseil a été émis et la date à laquelle une réponse est attendue. Si une date de réponse n’est pas fournie par l’instance de surveillance et n’est pas précisée dans une loi ou un règlement pertinent, les organes du secteur public doivent fixer un délai raisonnable pour répondre à chaque conseil, recommandation et sanction reçus. Pour soutenir la mise en œuvre, les organisations publiques doivent également désigner une personne en leur sein qui sera chargée de mettre en œuvre les conseils et/ou d'y répondre, et d'informer l’encadrement supérieur de l'état d'avancement de la mise en œuvre (encadré 12.1). Les responsables de la mise en œuvre des conseils ou des recommandations peuvent adopter diverses mesures, en fonction de la gravité ou de la complexité de ces conseils ou recommandations. On peut par exemple utiliser un tableau de bord basé sur des feux de signalisation, en mettant en évidence les questions les plus importantes et/ou urgentes en rouge, afin de fixer et de mettre en évidence les priorités.
Suite à un audit effectué par le Bureau national de contrôle des finances publiques de l’Australie (Australian National Audit Office - ANAO), le ministère de l’Agriculture australien a chargé un responsable de haut rang de veiller à la mise en œuvre effective de chacune des recommandations de l’ANAO. La redevabilité générale en matière de gestion a été confiée au secrétaire adjoint chargé de cette fonction. Le responsable de haut rang devait fournir des mises à jour sur l’avancement de la mise en œuvre, le secrétaire adjoint donnant son approbation finale.
Source : (Bureau national de contrôle des finances publiques de l’Australie, s.d.[5]).
Pour suivre les recommandations des ISC et d’autres instances de surveillance externes, un comité d’audit similaire à ceux qui sont généralement en place dans le secteur privé peut aider à superviser la mise en œuvre des recommandations. Un comité d’audit fournit des conseils et une assurance au chef d’une organisation sur le niveau d’adéquation du cadre de reddition des comptes et de contrôle de l’entité et sur l’état de la mise en œuvre des recommandations de l’ISC. Pour être efficaces, les comités d'audit sont dotés d'un certain degré d'autonomie ou d'indépendance et se réunissent régulièrement (encadré 12.2).
En vertu de la loi australienne sur la gouvernance publique, la performance et la responsabilité de 2013 (loi PGPA), chaque entité du gouvernement australien est tenue de disposer d’un comité d’audit. En Australie, un comité d’audit doit être composé d’au moins trois personnes qui possèdent les qualifications, les connaissances, les compétences et l’expérience appropriées pour s’assurer que le comité s’acquitte de ses fonctions. La majorité des membres du comité d’audit doit être indépendante : ils ne doivent être ni des agents publics ni des employés de l’organisation. En outre, la plus haute autorité de l’organisation, le directeur financier et le directeur général ne sont pas autorisés à être membres du comité d’audit. L’indépendance du comité par rapport aux activités quotidiennes de gestion contribue à garantir son objectivité, son impartialité et son isolement par rapport aux conflits d’intérêts, aux biais ou aux influences extérieures indues.
Les fonctions du comité d’audit doivent être décrites dans une charte, et doivent inclure l’examen par le comité de la pertinence des rapports financiers, des rapports de performance, des systèmes de surveillance, y compris l’audit interne et l’audit externe, des systèmes de gestion des risques et des systèmes de contrôle interne de l’entité.
En ce qui concerne la fonction d’audit, les comités d’audit peuvent :
conseiller la direction de l’organisation sur les plans d’audit interne
fournir des conseils sur les normes professionnelles à utiliser par les auditeurs internes lors de la réalisation d’audits
examiner l’adéquation de la réponse de l’organisation aux recommandations d’audit interne et externe
examiner le contenu des rapports d’audit interne et externe afin d’identifier les éléments pertinents pour l’organisation
conseiller l’autorité responsable sur les bonnes pratiques.
Le Bureau national de contrôle des finances publiques de l’Australie (Australian National Audit Office - ANAO), en tant qu’institution supérieure de contrôle des finances publiques du pays, est invitée à assister aux réunions du comité d’audit en tant qu’observateur. Chaque réunion fait l’objet d’un procès-verbal qui est remis à la direction et mis à la disposition de l’ANAO. Les membres du comité informent également l’encadrement supérieur des activités du comité d’audit et discutent des progrès réalisés dans certains domaines, par exemple en ce qui concerne la mise en œuvre des recommandations d’audit.
Source : (Gouvernement australien - ministère des Finances, 2018[6]).
La contribution des instances de surveillance est également utile au-delà de l’amélioration de la légalité, de la probité, de l’efficacité et de l’efficience des organisations publiques. Les apports des instances de surveillance peuvent également contribuer à l’amélioration des politiques gouvernementales, notamment des politiques en matière d’intégrité. Par exemple, le travail des ISC sur les audits de performance liés aux politiques gouvernementales peut être très utile pour soutenir la formulation, la mise en œuvre et l’évaluation du système d’intégrité. Leur analyse externe et objective contribue à la définition de réformes et de politiques publiques fondées sur des données probantes, et leur vision transversale leur permet d'évaluer de manière exhaustive l'efficacité et l'efficience des programmes gouvernementaux, y compris ceux liés à l'intégrité (OCDE, 2017[7]). Les audits d’intégrité réalisés par les ISC sont particulièrement pertinents dans ce contexte. Il peut s’agir d’audits de la gestion de l’intégrité de l’organisation ou de la mise en œuvre des réglementations pertinentes, comme la gestion des conflits d’intérêts. Cependant, il peut également s’agir d’audits à l’échelle gouvernementale de la mise en œuvre et des performances de la politique d’intégrité des gouvernements, et même d’un audit de l’infrastructure d’intégrité d’un pays.
De plus, en mettant en œuvre des fonctions d’intégrité fondamentales telles que la réalisation d’audits d’intégrité, la vérification des déclarations de patrimoine et d’intérêts et la fourniture de services de conseil en déontologie, les fonctions de surveillance peuvent utiliser leur position dans le système d’intégrité pour soutenir l’apprentissage organisationnel. Par exemple, en Autriche, la Cour des comptes (ACA) est un acteur clé du système d’intégrité et effectue des audits d’intégrité des organisations publiques. L'ACA évalue si les mécanismes existants sont adaptés pour prévenir la corruption au sein des organisations publiques et publie des recommandations pour accroître la transparence ainsi que le contrôle et la sensibilisation du public à ces questions.2 Les contributions des institutions de médiation peuvent également contribuer à une amélioration des services ou des politiques publiques, notamment en tirant des enseignements des résultats des enquêtes qu’elles mènent. Un médiateur peut mener une enquête « d’initiative », un outil spécifique permettant aux institutions de médiation de suggérer des changements de politique, sans avoir reçu de plainte préalable (Institut international de l'Ombudsman, 2018[8]). Les enquêtes d’initiative sont utilisées pour s’attaquer à la cause profonde d’un problème qui a donné lieu à un certain nombre de plaintes similaires. Les conclusions peuvent permettre de réagir rapidement à un problème avant qu’il ne s’aggrave, ou permettre au médiateur d’émettre des recommandations sur une question problématique touchant un certain nombre d’organisations publiques. De plus, les enquêtes d’initiative peuvent attirer l’attention sur des questions d’intérêt public, et susciter des discussions sur des questions politiques et législatives. Enfin, ces enquêtes peuvent faire entendre dans l'arène politique des voix qui se plaignent rarement, sont rarement entendues ou ne sont pas en mesure de déposer une plainte, contribuant ainsi à améliorer leur accès à l'élaboration des politiques (Institut international de l'Ombudsman, 2018[8]).
Comme les ISC et les institutions de médiation adressent généralement des rapports à leur corps législatif national, ce dernier peut également soutenir la mise en œuvre de leurs recommandations. Par exemple, le législateur peut créer un comité ou un sous-comité spécial pour surveiller régulièrement la mise en œuvre des conseils des instances de surveillance et exiger que les organes gouvernementaux fassent état de leurs performances en la matière. Le fait de garantir l’accès des instances de surveillance au pouvoir législatif et l’opportunité de présenter les résultats de leurs travaux à la fois au sein des commissions compétentes et en séance plénière peut également contribuer à soutenir la mise en œuvre des recommandations.
En ce qui concerne les organismes d'exécution réglementaire, leurs recommandations s’adressent principalement aux entités réglementées, mais les services gouvernementaux concernés peuvent également contrôler ces recommandations. En particulier, le contrôle peut détecter les domaines dans lesquels les violations des règlements sont les plus graves ou les plus fréquentes, et indiquer les domaines dans lesquels une intervention politique ou un contrôle renforcé est nécessaire. Leurs recommandations portent notamment sur la mise en œuvre des normes d'intégrité, des principes d'efficacité et de transparence et des règles en matière de conflits d'intérêts (OCDE, 2019[9]). Si les recommandations des organismes d’exécution réglementaire concernent des opérateurs de marché appartenant à l'État ou d'autres institutions publiques, elles peuvent être analysées et surveillées par les services gouvernementaux qui les supervisent (OCDE, 2019[9]).
L’exécution efficace des décisions des tribunaux administratifs nécessite divers mécanismes, selon la nature et le contenu de la décision. Par exemple, si le tribunal administratif accepte une plainte pour silence administratif, il doit fixer un délai contraignant à l’administration pour résoudre l’affaire. Pour résoudre les plaintes contre la légalité des actes administratifs, le tribunal doit posséder des compétences étendues afin de pouvoir exercer des recours complets et efficaces contre les actions et décisions irrégulières de l’administration publique, telles que :
le pouvoir non seulement d’abroger les décisions administratives illégales, mais aussi de remplacer ces actes par sa décision finale, en résolvant l’affaire au fond
le pouvoir d’imposer des sanctions (par exemple, des amendes) aux organes administratifs ou aux fonctionnaires responsables d’actes illégaux causant des dommages aux citoyens ou aux entreprises.
12.2.2. Renforcer l’efficacité du traitement des plaintes et des allégations par les instances de surveillance
Le traitement des plaintes et des allégations est une autre fonction essentielle des instances de surveillance (pour en savoir plus, voir les chapitres 9 et 10). Parmi elles, les médiateurs sont généralement tenus par la loi d’enregistrer et de traiter les signalements individuels de toutes les personnes physiques et morales sur les violations de leurs droits et libertés par les autorités publiques, y compris les signalements sur les violations de l’intégrité par les organisations publiques. Certaines institutions de médiation sont également spécifiquement chargées de recevoir les signalements des lanceurs d’alerte et d’assurer leur protection. Par exemple, depuis 2016, le Défenseur des droits français, chargé de protéger les droits et libertés des personnes et de promouvoir l’égalité, est tenu de protéger les demandeurs et de les orienter vers les autorités compétentes qui examinent le cas. Le médiateur publie des conseils et soutient les lanceurs d'alerte dans leur orientation vers d'autres autorités responsables tout en les protégeant, si nécessaire, contre toute sorte de mesures de représailles qui pourraient être prises à leur encontre (HATVP, 2019[10]).
Qu’il existe ou non un mandat d’intégrité spécifique, un traitement efficace des plaintes et des allégations nécessite un accès clair et des réponses rapides. Les institutions de médiation peuvent faciliter le dépôt de signalements en acceptant divers canaux de soumission, tels que la soumission en personne, les signalements écrits et ceux soumis par le biais des canaux électroniques, y compris les médias sociaux. De même, malgré l’éventuelle absence de délai pour l’examen des dossiers, chaque plainte doit être traitée dans un délai raisonnable. Les chartes de service pourraient sensibiliser au droit de porter plainte, aux attributions de l’institution, à la portée de la compétence et aux normes de service en termes de réponse.
Une fois le signalement examiné et accepté, les recommandations du médiateur doivent être adressées à l’institution publique concernée et le demandeur doit être informé des actions entreprises par le médiateur. Il est également essentiel de mettre en place des mécanismes de suivi de la mise en œuvre des recommandations des institutions de médiation (encadré 12.3).
Le bureau de l’ombudsman de l’Ontario a mis en place une équipe d’intervention spéciale de l’ombudsman (EISO) composée d’enquêteurs spécialisés dans les enquêtes systémiques approfondies. Un élément important du travail de l’équipe est un suivi postenquête solide pour s’assurer que les recommandations basées sur ses enquêtes systémiques sont correctement mises en œuvre et observées par les organisations publiques. Chaque rapport de l’EISO contient une recommandation explicite enjoignant l’organe compétent à faire un rapport par écrit et à intervalles spécifiques sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre des recommandations. Les intervalles entre les rapports sont fixés au cas par cas, en fonction des circonstances particulières et de la nature des recommandations. Les rapports soumis par ces organes sont ensuite analysés par l’EISO, et les informations sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre des recommandations sont publiées dans les rapports annuels ou sur le site web de l’Ombudsman. Pour son évaluation, l’EISO s’appuie également sur d’autres sources d’information (par exemple, en contactant des groupes d’intérêt ou de défense) et fait participer le public par le biais des médias d’information et des médias sociaux pour s’assurer que les recommandations ne sont pas ignorées.
Si la performance des organisations publiques dans la mise en œuvre des recommandations de l’Ombudsman n’est pas satisfaisante, les étapes suivantes peuvent comprendre des tentatives de résolution des problèmes de manière informelle et collaborative ou, en dernier recours, l’ouverture d’une autre enquête.
Source : (Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario, 2017[11]).
Afin d’améliorer leur réactivité et leur ouverture, les instances de surveillance peuvent élaborer une stratégie pour une meilleure communication et une plus grande participation du public. Avec une meilleure visibilité et une plus grande confiance des citoyens, les instances de surveillance peuvent produire un impact plus important sur l’administration. Les recommandations peuvent être publiées et diffusées par divers canaux de communication, tels que les communiqués de presse, les médias sociaux et les présentations publiques. La visibilité des institutions de médiation pourrait également être améliorée par une présence territoriale plus importante de l’institution. Par exemple, le médiateur de Pologne organise des consultations régionales (encadré 12.4).
Le médiateur de Pologne mène un programme de consultations régionales depuis 2016. Chaque année, le médiateur et son équipe visitent de nombreuses municipalités (49 en 2016 ; 58 en 2017 ; 38 en 2018). Ces réunions avec le médiateur sont ouvertes à tous les participants intéressés. Elles s’accompagnent de consultations avec les OSC locales et le milieu universitaire. Au cours des visites, des plaintes peuvent être soumises directement à l’équipe du médiateur, ce qui a entraîné une augmentation systématique du nombre total de dossiers reçus et examinés par le Médiateur au cours des dernières années. Pour les seules années 2016 et 2017 respectivement, 25 642 et 25 711 dossiers ont été examinés, sur un total de 52 551 et 52 836 demandes. Les réunions régionales ont également permis au médiateur d’identifier de nouveaux domaines de violations systémiques des libertés et des droits au sein des organisations publiques.
Source : (Commissioner for Human Rights, 2017[12]); (Commissioner for Human Rights, 2018[13]).
En ce qui concerne les institutions supérieures de contrôle des finances publiques, la publication des rapports d’audit ne suffit pas à renforcer la confiance du public. La fonction des ISC a évolué, certaines jouant désormais un rôle prospectif, les résultats de leur collecte de données pouvant être utilisés pour analyser la pertinence, la performance et des alternatives aux processus publics existants. Ces résultats et recommandations alimentent à leur tour la phase d’élaboration des politiques (OCDE, 2017[7]). Certaines ISC ont notamment participé au renforcement des systèmes de gestion des ressources humaines fondés sur le mérite, et à leur transformation de systèmes basés sur la carrière en systèmes basés sur les postes, où les risques de corruption peuvent provenir de la mobilité entre secteurs public et privé ou des activités de lobbying. En Autriche et au Royaume-Uni, les évaluations des ISC ont contribué à accroître la transparence et l’intégrité des partenariats publics-privés et de la passation des marchés, à renforcer la protection des lanceurs d’alerte et à définir des garanties contre les influences indues dans les processus décisionnels publics.
Traditionnellement, en tant qu’instances de surveillance parlementaire de l’exécutif, les ISC n’étaient pas obligées d’interagir avec les citoyens, car le pouvoir législatif était leur principal interlocuteur. L'évolution de leur rôle, dans l’optique de devenir le plus important organe de surveillance public, peut s'accompagner de l'ouverture des ISC aux contributions et à l'engagement des citoyens (OCDE, 2017[14]). Les ISC peuvent envisager de permettre aux citoyens de soumettre des plaintes et des propositions de sujets ou d’organisations publiques à contrôler. Les citoyens et les organisations de la société civile peuvent également être invités à faire part de leurs commentaires sur la mise en œuvre des recommandations des ISC (Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies, 2013[15]).
Les ISC, les médiateurs et les organismes d'exécution réglementaire peuvent également recueillir des informations par le biais d’un suivi systématique des médias, y compris les médias nationaux, mais aussi régionaux et locaux, qui rendent compte des actes répréhensibles présumés de l’administration. Dans un tel cas, les instances de surveillance peuvent ouvrir des enquêtes d’office, sans demande officielle des citoyens concernés. Les institutions de surveillance peuvent mettre en place une équipe ou une unité chargée de recueillir les données issues du suivi des médias.
Le mandat des tribunaux administratifs pourrait englober toutes les actions et omissions des organes exerçant des fonctions publiques. Les délais de soumission d’un dossier (recours, plaintes contre des actions administratives et omissions) doivent être suffisamment longs pour que la partie puisse préparer la soumission et recueillir toutes les informations nécessaires. L’accessibilité à la justice administrative est essentielle. Les frais judiciaires ne devraient pas empêcher les personnes dans le besoin d’accéder à la justice et à l’aide juridique. De plus, le traitement des dossiers par les tribunaux dans un délai raisonnable contribue à assurer la confiance dans le système judiciaire. Dans certains pays, la législation impose aux tribunaux administratifs des délais pour examiner les dossiers et/ou rendre une décision, qui peuvent être prolongés dans des circonstances spécifiques et complexes.
Les plaintes individuelles et les allégations d’actes répréhensibles commis par des entités réglementées peuvent également être prises en compte par les organismes d'exécution réglementaire dans la planification des activités d’inspection. Ces organismes peuvent veiller à ce que les mesures nécessaires soient en place pour permettre au public de soumettre des plaintes et de signaler des allégations par différents moyens (en personne, par écrit, par téléphone ou au moyen de formulaires disponibles sur le site web), les soumissions étant gratuites et la charge bureaucratique réduite au minimum nécessaire, par exemple, en décrivant le cas et en fournissant au demandeur les coordonnées nécessaires. Des campagnes de sensibilisation sur les typologies et les risques associés aux actes répréhensibles peuvent être utilisées pour encourager le public à les signaler (encadré 12.5). Les organismes doivent analyser attentivement les informations reçues de la part des tiers pour faire la distinction entre les plaintes fondées indiquant des infractions aux règlements et les plaintes exprimant un mécontentement général à l'égard des services fournis par les entités réglementées (OCDE, 2014[16]). En outre, les gouvernements peuvent veiller à ce que les organismes de réglementation adoptent des procédures et des processus pour traiter les plaintes et les allégations pour lesquelles il existe des preuves solides d'un grand risque imminent (OCDE, 2014[16]).
En 2014, l’Autorité pour les conditions de travail du Portugal (ACT) a lancé une campagne de sensibilisation contre le travail non déclaré. Elle a été inspirée par la prétendue prolifération du travail non déclaré due à la crise économique. La campagne s’adressait à la fois aux employeurs et aux travailleurs. L’objectif principal était d’utiliser des mesures de sensibilisation afin de promouvoir la transformation du travail non déclaré en emploi régulier. Outre les affiches, brochures et dépliants distribués aux travailleurs et aux entreprises, des séances de sensibilisation ont été organisées à l’intention des employeurs, mais aussi dans les écoles primaires et secondaires. Un service d’assistance téléphonique a été lancé, ainsi qu’une FAQ sur le site web de l’ACT. La campagne a été appuyée par des annonces dans la presse et à la radio. En conséquence, au cours de la période 2014-2015, environ 9 000 cas de travail non déclaré ont été identifiés et le statut de ces travailleurs a été converti en emploi régulier.
Source : Plate-forme européenne sur le travail non déclaré, Fiche pratique : Campagne de sensibilisation, Portugal, https://ec.europa.eu/social/main.jsp?pager.offset=5&catId=1495&langId=en
12.2.3. Garantir l’application impartiale des lois et règlements par les instances de surveillance
Le principe de surveillance invite également les adhérents à veiller à l'application impartiale des lois et des règlements, applicables aux organisations publiques et privées ou aux particuliers, par les organismes d'exécution réglementaire (OCDE, 2017[1]). Cette exigence peut être satisfaite si les organismes d'exécution réglementaire sont à l’abri de l’influence indue de décideurs politiques et de groupes d’intérêt, et restent soumis à l’obligation de rendre des comptes de leurs décisions à l’extérieur, notamment à un contrôle judiciaire.
L'indépendance des organismes d'exécution réglementaire possède deux dimensions (OCDE, 2018[17]) : 1) l'indépendance formelle (de jure), qui exige que les organismes de réglementation restent en dehors de la chaîne de commandement bureaucratique et hiérarchique au sein d'un ministère ; et 2) l'indépendance réelle (de facto), qui fait référence à l'autodétermination de l'organisme dans l'utilisation des mesures de réglementation (Hanretty et Koop, 2012[18]).
L’impossibilité pour les décideurs politiques de donner des instructions ou d’adopter des orientations et des directives contraignantes concernant les mesures et les priorités des organismes d'exécution réglementaire favorise leur indépendance formelle. Les organismes peuvent bénéficier d’une grande indépendance dans la sélection des entités réglementées à inspecter et dans la décision des mesures à appliquer, y compris les sanctions. Les organes de gestion des organismes peuvent être nommés par le biais de procédures ouvertes et transparentes pour une durée déterminée, avec une possibilité limitée de licenciement anticipé pour des motifs inscrits dans la législation. Leur indépendance repose également sur leur autonomie dans la définition de leur organisation interne ainsi que de leur gestion des ressources humaines et financières.
La redevabilité et la transparence sont l'autre face de la médaille de l'indépendance (OCDE, 2018[17]). En effet, ces organismes sont soumis à des mécanismes de surveillance et de contrôle visant à s’assurer qu’ils atteignent effectivement les objectifs politiques jugés d’intérêt public par le gouvernement et le législateur. Une définition claire des objectifs des organismes de réglementation, des indicateurs de performance complets et significatifs et des rapports réguliers sur leurs performances à l'intention du pouvoir législatif - tels que les comités de surveillance législative, soit directement, soit par l'intermédiaire de leur ministre - peuvent contribuer à la réalisation de cet objectif (OCDE, 2014[19]).
Le principe de l’indépendance des organismes d'exécution réglementaire n’implique pas l’absence de contrôle de leurs activités par le gouvernement. Par exemple, les services gouvernementaux respectifs peuvent être habilités à fixer des objectifs et des cibles de performance pour les organismes opérant dans leur domaine politique, tout en s’abstenant d’interférer avec la gestion quotidienne et les différentes procédures administratives. Les objectifs et les cibles peuvent refléter des objectifs et des priorités politiques plus larges du gouvernement, ainsi que traiter les principaux risques dans les domaines concernés. Les organismes d’exécution réglementaire peuvent également fournir aux départements des ministères concernés des informations actualisées provenant du terrain sur les principaux risques de corruption ou les lacunes de la réglementation.
Si l'indépendance formelle de jure peut créer des conditions favorables au renforcement de l'indépendance de facto, elle ne peut pas totalement éliminer le risque d'influence indue (OCDE, 2017[20]). Pour faire face à ce risque, les régulateurs doivent créer et maintenir une culture d'indépendance forte et institutionnellement proactive qui renforcera leurs pratiques et comportements quotidiens (OCDE, 2014[19]). Une étude de l’OCDE sur les dispositifs de gouvernance de 130 régulateurs économiques (dont la plupart détiennent des pouvoirs d’exécution) dans 38 pays montre qu’il existe une association positive entre l’indépendance et la redevabilité. Ces résultats confirment les conclusions de l'enquête de l'OCDE sur la réglementation des marchés de produits de 2013 (Koske et al., 2016[21]) qui indique que, pour les régulateurs du secteur économique, une plus grande autonomie s'accompagne de structures de redevabilité plus solides. Les coefficients de corrélation sont visibles dans tous les secteurs examinés (énergie, communications électroniques, transport ferroviaire et aérien et eau) et sont particulièrement forts pour les régulateurs des secteurs de l'énergie et des communications électroniques (Casullo, 2019[22]).
La réduction du risque d'influence indue des hommes politiques et des industries réglementées sur les organismes d’exécution réglementaire exige des garanties formelles d'indépendance et, renforce aussi activement l'autodétermination des organismes (OCDE, 2018[17]). Ainsi, les gouvernements peuvent prendre en considération les aspects affectant le degré d'indépendance réelle des organismes, présentés dans le tableau 12.2.
Pour traiter les aspects affectant l'indépendance de ces organismes, certains pays - tels que le Canada et la Norvège - ont élaboré des politiques et des normes pour les gestionnaires des organismes d’exécution réglementaire (voir l’encadré 12.6, ainsi que le chapitre 13).
Canada : En plus des normes de gestion des conflits d’intérêts, la directive sur les conflits d’intérêts, qui remplace l’ancienne politique sur les conflits d’intérêts et l’après-mandat, impose certaines obligations d’après-mandat au moment du départ du personnel.
Avant de quitter la fonction publique, tous les fonctionnaires sont tenus de divulguer tout emploi ou activité future potentielle présentant un risque de conflit d’intérêts avec leurs fonctions dans l’administration publique. Les chefs adjoints de chaque institution publique sont également tenus de désigner les postes de la structure interne qui pourraient être confrontés à des risques spécifiques de conflit d’intérêts après la fin de l’emploi. En ce qui concerne ces employés, un délai de carence obligatoire d’un an a été introduit.
Pendant cette période, sauf autorisation de leur chef de service, un certain nombre de restrictions sont en vigueur, notamment :
accepter une nomination à des organes de gestion ou des offres d’emploi dans des entités avec lesquelles ils ont traité en tant que fonctionnaires
représenter ou agir au nom de ces entités
fournir des conseils aux clients sur la base d’informations qui ne sont pas publiques ou recueillies dans le cadre des fonctions publiques.
Dans des circonstances particulières, la personne intéressée peut demander une dérogation ou la réduction du délai de carence.
Norvège : La loi sur le devoir d’information, la quarantaine et la récusation des hommes politiques, des fonctionnaires et des hauts fonctionnaires (la loi sur la quarantaine), ainsi que le règlement sur le devoir d’information, la quarantaine et la récusation des hommes politiques, des fonctionnaires et des hauts fonctionnaires, énoncent deux interdictions relatives à l’après-mandat :
L’interdiction temporaire - Dans les six mois suivant la cessation de ses fonctions, un fonctionnaire ou responsable politique ne peut être employé par une organisation privée opérant dans le domaine de responsabilité dudit responsable public. Cette interdiction est compensée par le droit de continuer à percevoir leur salaire pendant le délai de carence.
L’abstinence d’implication dans certains cas - Pendant un an après avoir quitté leurs fonctions, les anciens agents publics ne peuvent pas être impliqués dans des affaires ou des domaines qu’ils ont traités en tant que fonctionnaires ou responsables politiques. Les agents publics qui quittent leur poste sont tenus d’informer leurs anciens employeurs publics des offres d’emploi qu’ils reçoivent.
Il existe deux systèmes différents pour traiter les cas individuels :
Pour les questions concernant les responsables politiques (Premier ministre, ministres, secrétaires d’État et conseillers politiques), les décisions sont prises par un conseil indépendant, appelé « Comité sur les restrictions applicables à l’après-mandat public ».
Pour le reste (les hauts fonctionnaires et les fonctionnaires), les décisions sont prises par l’autorité locale de nomination.
Source : (Gouvernement du Canada, 2012[24] ; Gouvernement de la Norvège, 2015[25] ; Gouvernement de la Norvège, 2015[26]).
Des mécanismes rapides, transparents et solides pour les recours contre les décisions réglementaires importantes sont également nécessaires (OCDE, 2014[19]). En pratique, cela peut concerner à la fois la surveillance du contenu des décisions (comme l’imposition de sanctions et d’amendes aux opérateurs du marché) et la procédure, notamment en ce qui concerne la durée excessive des inspections et autres procédures menées par ces organes. Le contrôle juridictionnel est également l’un des instruments de mesure de la qualité des activités d’inspection. La part des actes des organismes d’exécution réglementaire confirmés par les tribunaux constitue l’un des principaux indicateurs de qualité.
D’autres instances de surveillance, tels que les ISC et les institutions de médiation, examinent également les activités des organismes d’exécution réglementaire. Tandis que les médiateurs enquêtent sur les violations potentielles des droits de l’homme au cours des inspections, les attributions des ISC leur permettent de se concentrer également sur l’efficacité et l’efficience des inspections. Les organismes d’exécution réglementaire pourraient également relever du régime de transparence applicable à tous les organismes publics, ce qui permettrait aux particuliers d’accéder à des informations sur leurs activités et leur gouvernance (pour en savoir plus, voir le chapitre 13).
Bien que les défis à relever pour renforcer la surveillance externe puissent varier en fonction des contextes et des dispositifs nationaux, ils comprennent généralement :
rendre des décisions dans les délais, en particulier par les tribunaux administratifs
réduire la charge et renforcer l’efficacité par le biais de réformes fondées sur les risques.
12.3.1. Rendre des décisions dans les délais
La durée excessive des procédures judiciaires dans les tribunaux administratifs mine la sécurité juridique des parties, crée des coûts supplémentaires et nuit à la confiance dans le pouvoir judiciaire en tant que mécanisme de surveillance efficace. Les longs délais créent un sentiment d’impunité, surtout si les enquêtes sont limitées et qu’aucune sanction n’est prononcée, ou lorsque les procédures et les enquêtes sont menées, mais que les délais de prescription expirent. Les retards dans l’administration de la justice peuvent résulter d’une durée excessive des procédures dans une instance donnée, ou être dus à l’examen récurrent d’une même affaire par différentes instances de l’administration et/ou des tribunaux.
La résolution du problème de la durée excessive des procédures judiciaires nécessite un suivi permanent de la charge de travail des tribunaux et des juges, et une amélioration des conditions techniques de l’administration des tribunaux. Toutefois, les parties touchées par les retards devraient également avoir accès à des recours procéduraux efficaces. Il s’agit notamment de types particuliers de plaintes visant à accélérer la procédure et d’un droit de demander une indemnisation pour les dommages causés par les retards. S’appuyant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, certains pays européens ont élaboré une législation prévoyant à la fois des procédures spéciales de plainte et un droit à l’indemnisation. Par exemple, la Slovénie a adopté une telle loi en 2006 (encadré 12.7).
La loi de 2006 sur la protection du droit à un procès sans retard excessif s’applique à toutes les procédures judiciaires et procédures pénales préalables au procès. Cette loi prévoit trois voies de recours pour les parties affectées par la durée excessive de la procédure :
un recours en surveillance visant à accélérer l’instruction du dossier
une demande de fixation d’un délai pour le traitement du dossier
une demande de satisfaction équitable.
L’indemnisation monétaire peut s’élever de 300 EUR à 5 000 EUR, en fonction de la complexité du dossier, de son importance pour la partie et des activités de celle-ci au cours de la procédure.
Source :(République de Slovénie, 2006[27]).
12.3.2. Réduire la charge et renforcer l’efficacité par le biais de réformes fondées sur les risques
Les régulateurs s’appuient de plus en plus sur la combinaison de procédures fondées sur la conformité et de mesures incitatives pour renforcer l’application impartiale et efficace des lois et des règlements. Les organismes d’exécution réglementaire sont nécessaires pour protéger les biens publics et améliorer les résultats de la réglementation, mais leurs activités créent également une charge et des coûts pour les industries et les marchés réglementés. Une application intelligente est moins visible et moins contraignante pour les entreprises, et plus efficace pour servir l’intérêt public. Les réformes en matière d’inspection réalisées ces dernières décennies fournissent un vaste catalogue de mesures à cet effet, notamment :
La planification commune des inspections, renforcée par des systèmes informatiques communs pour l’ensemble ou la plupart des inspections.
Le ciblage fondé sur le risque qui permet aux organismes de limiter le nombre total d’inspections, tout en augmentant l’efficacité du système d’inspection global. Le ciblage fondé sur le risque nécessite une méthodologie avancée et l’accès aux données recueillies par de nombreuses institutions publiques.
La provision aux entités réglementées d’orientations claires en termes de bonnes pratiques, y compris en matière de préparation et de publication de listes de contrôle utilisées par les inspecteurs (Blanc, 2012[28]).
Pour compléter les outils de conformité traditionnels, les régulateurs utilisent de plus en plus des informations relatives au comportement pour élaborer des incitations et des normes (OCDE, 2016[29]). Dans divers domaines allant de la prestation de services publics au recouvrement des impôts, un certain nombre d’organisations et d’organismes d'exécution réglementaire ont mené des expériences afin de déterminer dans quels domaines les données comportementales pourraient améliorer le respect et la mise en œuvre de la législation. Les expériences ont porté sur de nombreux sujets, dont l’amélioration de l’efficacité des règles et pratiques officielles au sein des organisations publiques et l’élargissement des incitations aux entités réglementées et aux citoyens. Par exemple, dans les domaines des produits financiers et des travaux publics, les expériences ont abouti à des solutions qui pourraient respectivement améliorer la résolution des plaintes et accroître l’engagement civique avec les organismes publics. Au-delà de la promotion de la mise en œuvre et du respect des règles, des données comportementales peuvent également être utilisées pour évaluer l'efficacité de la mise en œuvre, alimenter la conception et les réformes des politiques et - en s'appuyant sur les enseignements tirés - réduire la nécessité de mesures correctives (OCDE, 2017[30]).
Références
[28] Blanc, F. (2012), Inspection Reforms: Why, How, and with What Results, OCDE, Paris, https://www.oecd.org/regreform/Inspection%20reforms%20-%20web%20-F.%20Blanc.pdf.
[2] Bovens, M. (2006), « Analysing and assessing public accountability: A conceptual framework », European Governance Papers (EUROGOV), No C-06-01, https://www.ihs.ac.at/publications/lib/ep7.pdf.
[31] Brezis, E. et J. Cariolle (2014), « The revolving door indicator: Estimating the distortionary power of the revolving door », U4 Brief, n° 10, U4, Bergen, https://www.u4.no/publications/the-revolving-door-indicator-estimating-the-distortionary-power-of-the-revolving-door.pdf.
[11] Bureau de l’Ombudsman de l’Ontario (2017), Stratégies de l’ombudsman pour obtenir un oui, et plus encore : acceptation et application des recommandations, https://www.ombudsman.on.ca/ressources/discours-et-articles/articles/2017-fr/strategies-de-l%E2%80%99ombudsman-pour-obtenir-un-oui,-et-plus-encore-acceptation-et-application-des-recom (consulté le 24 janvier 2020).
[5] Bureau national de contrôle des finances publiques de l’Australie (s.d.), Implementation of Recommendations, 2019, https://www.anao.gov.au/work/audit-insights/implementation-recommendations (consulté le 24 janvier 2020).
[22] Casullo, L. (2019), « The 2018 Indicators on the Governance of Sector Regulators - Part of the Product Market Regulation (PMR) Survey », https://doi.org/10.1787/a0a28908-en.
[13] Commissioner for Human Rights (2018), Summary of the Report on the Activity of the Ombudsman in Poland in 2017, Office of the Commissioner for Human Rights, Warsaw, http://www.rpo.gov.pl (consulté le 24 janvier 2020).
[12] Commissioner for Human Rights (2017), Summary of the Report on the Activity of the Commissioner for Human Rights in 2016, Office of the Commissioner for Human Rights, Warsaw, http://www.rpo.gov.pl (consulté le 24 janvier 2020).
[15] Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies (2013), Citizen Engagement Practices by Supreme Audit Institutions: Compendium of Innovative Practices of Citizen Engagement by Supreme Audit Institutions for Public Accountability, Nations Unies, New York, http://www.intosai.org/fileadmin/downloads/downloads/4_documents/publications/eng_publications/Compendium_UNPAN92198.pdf.
[32] EUROSAI Task force sur l’audit et la déontologie (2017), Audit of Ethics in Public Sector Organisations, EUROSAI, http://www.eurosai-tfae.tcontas.pt/activities/Papers/default.aspx?RootFolder=%2Factivities%2FPapers%2FActivities%2FAuditing%20Ethics&FolderCTID=0x012000C41CE7772A232E488A0A019DBA2F60C6&View={63A04D2D-71A7-4B26-8C24-7B208EB64BEB}.
[33] EUROSAI Task force sur l’audit et la déontologie (s.d.), Auditing Ethics in the Public Sector, EUROSAI, https://www.eurosai.org/handle404?exporturi=/export/sites/eurosai/.content/documents/working-groups/audit-ethics/RelDoc/TFAE_paper-Auditing-Ethics-in-Public-Sector.pdf.
[6] Gouvernement australien - ministère des Finances (2018), Audit Committees, https://www.finance.gov.au/government/managing-commonwealth-resources/managing-risk-internal-accountability/duties/risk-internal-controls/audit-committees (consulté le 1 août 2019).
[25] Gouvernement de la Norvège (2015), Act on the Duty of Information, Quarantine and Recusal for Politicians, Civil Servants and Senior Civil Servants (Quarantine Act), https://lovdata.no/dokument/NL/lov/2015-06-19-70.
[26] Gouvernement de la Norvège (2015), Regulations on the Duty of Information, Quarantine and Recusal for Politicians, Civil Servants and Senior Civil Servants, https://lovdata.no/dokument/SF/forskrift/2015-12-02-1380?q=Forskrift%20til%20lov%20om%20informasjonsplikt,.
[24] Gouvernement du Canada (2012), Policy on Conflict of Interest and Post-Employment, https://www.tbs-sct.gc.ca/pol/doc-eng.aspx?id=25178 (consulté le 24 janvier 2020).
[18] Hanretty, C. et C. Koop (2012), « Measuring the Formal Independence of Regulatory Agencies », Journal of European Policy, vol. 19/2, pp. 198-2016, https://doi.org/10.1080/13501763.2011.607357.
[10] HATVP (2019), Guide déontologique, https://www.hatvp.fr/wordpress/wp-content/uploads/2019/04/HATVP_guidedeontoWEB.pdf (consulté le 1 octobre 2019).
[8] Institut international de l’Ombudsman (2018), Own Initiative Investigations, Institut international de l’Ombudsman, Vienne, http://file:///C:/Users/Munro_C/Downloads/BPP_Issue%203_own%20initiative%20investigations_July%202018%20(1).pdf.
[21] Koske, I. et al. (2016), « Regulatory management practices in OECD countries », OECD Economics Department Working Papers, n° 1296, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5jm0qwm7825h-en.
[23] Maggetti, M. (2012), Regulation in Practice: The De Facto Independence of Regulatory Agencies, ECPR Press, Colchester, https://doi.org/10.5167/uzh-66106.
[9] OCDE (2019), « Recommandation du Conseil relative aux lignes directrices sur l’intégrité et la lutte contre la corruption dans les entreprises publiques », OCDE, Paris, https://one.oecd.org/document/C/MIN(2019)5/FINAL/fr/pdf (consulté le 2 octobre 2019).
[17] OCDE (2018), Politique de la réglementation : Perspectives de l’OCDE 2018, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264305458-fr.
[30] OCDE (2017), Behavioural Insights and Public Policy: Lessons from Around the World, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264270480-en.
[7] OCDE (2017), Institutions supérieures de contrôle des finances publiques et bonne gouvernance: Supervision, conseil et prospective, Examens de l’OCDE sur la gouvernance publique, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264285613-fr.
[14] OCDE (2017), Mexico’s National Auditing System: Strengthening Accountable Governance, OECD Public Governance Reviews, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264264748-en.
[20] OCDE (2017), « Policy measures to prevent policy capture », dans Preventing Policy Capture : Integrity in Public Decision Making, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264065239-5-en.
[1] OCDE (2017), Recommandation du Conseil sur l’intégrité publique, OCDE, Paris, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0435 (consulté le 24 janvier 2020).
[29] OCDE (2016), Protecting Consumers through Behavioural Insights: Regulating the Communications Market in Colombia, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264255463-en.
[16] OCDE (2014), Contrôle et mise en œuvre de la réglementation, Principes de bonne pratique de l’OCDE en matière de politique réglementaire, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264208926-fr.
[19] OCDE (2014), La gouvernance des régulateurs, Principes de bonne pratique de l’OCDE en matière de politique réglementaire, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264222649-fr.
[4] Pelizzo, R. et F. Stapenhurst (2013), Government Accountability and Legislative Oversight, Routledge, New York, https://doi.org/10.4324/9781315850610.
[27] République de Slovénie (2006), Act on the Protection of the Right to a Trial without Undue Delay of the Republic of Slovenia, http://www.mp.gov.si/fileadmin/mp.gov.si/pageuploads/mp.gov.si/zakonodaja/angleski_prevodi_zakonov/121212_Act_on_the_Protection_of_the_Right_to_a_Trial_without_Undue_Delay_eng.pdf.
[3] Schedler, A., L. Diamond et M. Plattner (1999), The Self-Restraining State: Power and Accountability in New Democracies, Lynne Rienner Publishers, Inc., https://www.journalofdemocracy.org/books/the-self-restraining-state-power-and-accountability-in-new-democracies/ (consulté le 15 octobre 2019).
Notes
← 1. Les ISC dotées de pouvoirs juridictionnels sont également habilitées à prendre des mesures répressives.
← 2. Pour un aperçu détaillé des processus d'audit d'intégrité, dont des études de cas par pays, voir (EUROSAI Task force sur l’audit et la déontologie, s.d.[33]). Pour de plus amples informations sur la manière de procéder à un audit d'intégrité, voir (EUROSAI Task force sur l’audit et la déontologie, 2017[32]).
← 3. Il existe trois types de mobilité entre les secteurs public et privé qu’il faudrait prendre en compte : 1) Public-privé : anciens responsables publics au service d'entités réglementées ; 2) Privé-public : anciens cadres d'entités réglementées reprenant des fonctions publiques ; 3) Privé-public-privé : combinaison de mouvements de type 1 et de type 2 (Brezis et Cariolle, 2014[31]).