Principe 4. Gel, saisie et confiscation des avoirs

68. Le gel ou la saisie d’avoirs désigne « l’interdiction temporaire du transfert, de la conversion, de la disposition ou du mouvement de biens, ou le fait d’assumer temporairement la garde ou le contrôle de biens sur décision d’un tribunal ou d’une autre autorité compétente » (ONUDC, 2004[6]). Le gel a pour effet de suspendre temporairement les droits sur l’avoir, et peut ainsi s’appliquer à des comptes bancaires qui sont fongibles. La saisie est un acte visant à conserver temporairement un avoir ou à le placer sous la garde des autorités, et peut s’appliquer, par exemple, à des actifs physiques comme un véhicule. D’une manière générale, ces mesures sont utilisées pour empêcher temporairement les mouvements d’avoirs en attendant l’issue d’une affaire.

69. La confiscation d’avoirs peut en revanche être définie comme la « dépossession permanente de biens sur décision d’un tribunal ou d’une autre autorité compétente ». (ONUDC, 2004[6]). La confiscation est habituellement utilisée après l’issue définitive d’une affaire, car il s’agit d’une mesure définitive empêchant les malfaiteurs d’avoir accès aux actifs obtenus grâce à une infraction. Les pouvoirs de gel, de saisie et de confiscation doivent être exercés dans le respect du droit interne, et notamment des prescriptions relatives à la proportionnalité.

70. Pour que les enquêtes pénales puissent être menées avec succès et que les actifs à l’origine d’un délit fiscal ou en constituant le produit puissent être mis en lieu sûr pendant toute la durée des enquêtes, il est important que les autorités chargées des enquêtes puissent geler ou saisir ces actifs pendant la durée de l’enquête et de la procédure pénale. Comme on l’a vu, lors des enquêtes sur les infractions fiscales, la capacité de pouvoir interrompre les mouvements d’actifs financiers peut s’avérer déterminante pour mettre en évidence une infraction ou empêcher sa commission. De plus, les autorités devraient avoir le pouvoir de confisquer les actifs qui sont à l’origine d’un délit fiscal ou en constituent le produit. Cet aspect revêt une importance particulière dans la lutte contre les délits fiscaux car les actifs financiers peuvent aisément être transférés d’un pays à un autre, ce qui peut entraîner des pertes financières pour les États.

71. Le gel, la saisie et la confiscation des avoirs s’imposent pour empêcher un suspect de se défaire des produits d’une infraction ou d’en jouir, ou pour préserver les preuves matérielles du délit. Dans certains pays, la confiscation peut constituer une sanction en soi ou un moyen de s’assurer du paiement des amendes. Le gel, la saisie et la confiscation perturbent les activités délictuelles en bloquant l’accès à des avoirs dont aurait bénéficié la personne ou l’organisation auteur du délit et ils peuvent aussi empêcher que des avoirs criminels ne soient utilisés pour commettre de nouveaux délits. Le gel, la saisie et la confiscation des avoirs criminels représentent également des mesures dissuasives car ils peuvent entamer les profits résultants de la commission des délits fiscaux.

72. L’existence de pouvoirs permettant de geler, de saisir et de confisquer des avoirs dans les pays ayant répondu à l’enquête est décrite dans les chapitres par pays et ci-après. Tout au long de la présente section du guide, on notera que les circonstances précises et les procédures juridiques à suivre pour prendre des mesures de gel, de saisie ou de confiscation varient. Le fait, pour un pays, d’être effectivement pourvu d’un mécanisme particulier ne signifie pas que ce mécanisme peut être utilisé dans toutes les enquêtes concernant une infraction fiscale, mais qu’il peut au moins l’être dans certaines affaires d’infraction fiscale, sous réserve de l’obtention des autorisations légales et procédurales requises.

73. Les pays devraient faire en sorte qu’il soit possible de geler, de saisir et de confisquer des avoirs dans le cadre des enquêtes et des décisions fiscales nationales et étrangères. Le pouvoir juridique correspondant devrait être inscrit dans le droit interne ou, pour les affaires internationales, pouvoir être exercé en réponse à une demande d’entraide judiciaire conformément à des accords internationaux, comme les conventions d’entraide judiciaire (CEJ) (voir le principe 9 pour plus de détails). Les répondants à l’enquête ont la capacité juridique d’exercer des pouvoirs de saisie et de confiscation dans le cadre d’enquêtes fiscales étrangères et de décisions rendues par des tribunaux étrangers (à la suite d’une demande d’entraide judiciaire, par exemple) comme suit :

74. Les mécanismes existants de gel, de saisie et de confiscation d’avoirs varient d’un pays à l’autre, mais il pourrait s’avérer utile d’examiner les types de mécanismes ci-dessous. L’existence de l’ensemble de ces mécanismes dans un pays donné ou au sein d’une autorité donnée dépend de la structure organisationnelle mise en place pour enquêter sur les infractions fiscales et prendre des mesures répressives, ainsi que du système juridique, qui peut ne pas autoriser certaines mesures prévoyant la dépossession d’actifs.

75. La rapidité peut jouer un rôle essentiel lorsqu’il s’agit de geler et de saisir des avoirs, car les malfaiteurs peuvent transférer des fonds rapidement pour les mettre hors de portée des autorités ou se défaire des biens en apprenant que les organismes chargés des enquêtes pénales s’y intéressent. Le pouvoir juridique et la capacité opérationnelle de geler rapidement des avoirs en cas d’urgence sont utiles, par exemple, lorsque la disparition du bien est imminente. D’une manière générale, les autorités devraient pouvoir exécuter des ordonnances de gel temporaire dans les 24 ou 48 heures. Ce pouvoir existe pour les délits fiscaux dans les pays ayant répondu à l’enquête comme suit :

76. Une telle action implique non seulement de confisquer les biens associés à un délit spécifique, mais aussi d’autres biens qui, selon le tribunal, constituent les produits d’autres délits. Il peut être utile, pour lutter efficacement contre les activités en bande organisée, non seulement de confisquer les biens associés à un délit particulier, mais aussi les autres biens que le tribunal considère comme les produits d’autres délits. Ce pouvoir existe pour les délits fiscaux dans les pays ayant répondu à l’enquête comme suit :

77. Cette méthode de confiscation permet à un tribunal de confisquer une somme équivalente au montant des produits de l’infraction pénale. Elle s’applique lorsque le tribunal a déterminé le montant de l’avantage direct ou indirect que retire une personne d’un comportement délictueux, et l’ordonnance peut être exécutée sur tout actif appartenant à cette personne. Ce pouvoir existe pour les délits à fiscaux dans les pays ayant répondu à l’enquête comme suit :

78. Cette mesure vise à priver une autre personne que l’auteur de l’infraction – c’est-à-dire un tiers – d’un bien provenant de cette infraction. Elle s’applique lorsqu’un tiers est en possession d’actifs qui lui ont été sciemment transférés par l’auteur de l’infraction pour empêcher leur confiscation. La confiscation des avoirs d’un tiers peut réduire le risque de voir l’action d’une autorité être réduite à néant dès lors qu’un suspect transfère un bien provenant d’une infraction à un tiers afin d’éviter sa confiscation. Ce pouvoir existe pour les délits fiscaux dans les pays ayant répondu à l’enquête comme suit :

79. Il s’agit de pouvoir saisir des avoirs sans jugement et ou condamnation pénale et la confiscation sans condamnation préalable est une mesure répressive prise à l’encontre de l’avoir, et non de la personne. Elle est distincte de toute procédure pénale et impose de démontrer que le bien constitue le produit ou l’instrument d’une infraction. Dans certains pays, le comportement délictueux doit être établi en appliquant le critère de la probabilité la plus forte, qui réduit la charge de la preuve pour l’autorité et signifie que les avoirs peuvent être obtenus même lorsque les éléments de preuve ne sont pas suffisants pour obtenir une condamnation pénale. Ce pouvoir existe pour les délits fiscaux dans les pays ayant répondu à l’enquête comme suit :

80. Pour recouvrir efficacement les avoirs criminels, les pays devraient envisager les points suivants :

  • se doter du cadre de gouvernance requis pour que les autorités répressives spécialisées dans le droit pénal puissent intervenir en toute transparence, et fassent l’objet d’un contrôle adéquat pour ce qui touche à la gestion des actifs, afin de garantir leur intégrité ;

  • posséder l’expertise nécessaire en matière d’enquête et dans les domaines juridique et opérationnel ;

  • mettre en place une structure organisationnelle claire afin de gérer les affaires impliquant des actifs. Ces affaires pouvant nécessiter les compétences spécialisées d’experts des enquêtes et du droit susceptibles de travailler dans différents organismes, il peut être judicieux de créer une unité interinstitutionnelle ad hoc composée de professionnels dûment formés, dotée de ressources appropriées et spécialisée dans le recouvrement des avoirs ;

  • s’assurer que les droits des suspects sont protégés pendant une procédure de recouvrement d’avoirs ;

  • se doter d’une procédure pour gérer les avoirs en toute sécurité ;

  • recourir efficacement à la coopération internationale, les affaires de recouvrement d’avoirs pouvant être complexes et concerner des avoirs criminels situés dans d’autres pays.

Références

[1] ONUDC (2004), Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et Protocoles s’y rapportant, Nations Unies, New York, https://www.unodc.org/documents/treaties/UNTOC/Publications/TOC%20Convention/TOCebook-f.pdf.

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