1. Échanges commerciaux

Le rythme de l’intégration des échanges internationaux au cours de la seconde moitié du XXe siècle reflétait la part croissante des échanges dans l’économie mondiale, moteur fondamental de croissance pour la plupart des pays. Entre 1990 et 2008, la part totale des marchandises dans le produit intérieur brut (PIB) mondial s’est accrue de plus de 60 %. L’expansion du commerce, qui allait devenir un facteur significatif d’intégration économique, s’expliquait principalement par le rôle prépondérant des économies émergentes. Si les échanges de marchandises représentaient 19 % du PIB des économies émergentes en 1990, cette part était passée à plus d’un tiers en 2008. Les échanges commerciaux ont également connu une augmentation importante dans la région de l’Union pour la Méditerranée (UpM) ; en 2018, ils représentaient une part importante de l’économie de la région, à savoir 35 % du PIB.

Les échanges de services ont eux aussi commencé leur essor dans le dernier quart du XXe siècle, et plus fortement encore au début du XXIe siècle, avec une augmentation de 125 % entre 2005 et 2018. Aujourd’hui, les échanges de services représentent environ 7 % du PIB mondial1.

Si l’expansion des échanges commerciaux a enregistré un ralentissement après la crise financière mondiale de 2008 et plus récemment avec la crise sanitaire, les échanges demeurent un pilier incontournable de l’économie mondiale (Graphique 1.1)

En effet, le commerce international est largement reconnu comme un moteur de croissance économique, tant pour les économies développées que pour les économies en développement, même si les pays doivent se doter de politiques visant à « mettre le commerce au service de tous » (Programme de développement durable à l’horizon 2030 de l’ONU) ; (OECD, 2017[1]). Il faut notamment relever que les échanges internationaux sont créateurs d’emploi : la part des emplois rendus nécessaires par la demande étrangère peut atteindre 50 % dans les petites économies très intégrées, si l’on tient compte à la fois des canaux directs et indirects (les canaux indirects incluant à la fois les emplois liés aux biens et services directement exportés, mais aussi la main-d’œuvre intervenant dans la fabrication de produits intermédiaires utilisés dans la fabrication de biens exportés).

Pour encourager et faciliter le développement des échanges, au fil des ans, les pays ont signé des accords commerciaux qui visaient traditionnellement la réduction des barrières douanières. Ce type d’accord était la norme entre la Seconde Guerre mondiale et la fin du XXe siècle, s’opposant à un scénario de protectionnisme global voyant la mise en place de droits de douane élevés pour limiter la concurrence des produits étrangers sur les marchés nationaux. L’instauration d’accords commerciaux tout au long du XXe siècle a entraîné la baisse considérable des droits de douane partout dans le monde (WTO, 2007[2]).

À l’heure actuelle, les droits de douane et les quotas sur les importations sont en tête de liste des sujets des accords commerciaux (Rodrik, 2018[3]). Les États ont entamé progressivement des négociations commerciales couvrant des domaines politiques complexes, en particulier des domaines où la théorie économique sur laquelle repose le libre-échange manque de solutions plus consensuelles. Ces nouveaux arguments cherchent à régler des problèmes divers, comme les règles encadrant les brevets, les normes applicables aux produits, les normes du travail, la protection de l’environnement ou encore la bonne gouvernance. La complexité de ce type d’accords illustre à quel point la plus grande intégration des échanges peut avoir un impact sur une économie locale. En effet, ces dernières années, de nombreux pays ont cherché activement à conclure de nouveaux accords d’échanges bilatéraux et régionaux, souvent plus modernes, dans le but d’augmenter les échanges et de dynamiser la croissance économique (Graphique 1.2).

Les indicateurs retenus pour le suivi de l’intégration des échanges dans la région de l’UpM donnent une vue d’ensemble du niveau actuel d’intégration des dynamiques régionales, sous-régionales et nationales des échanges selon plusieurs dimensions, notamment la législation, le volume des échanges et l’intégration des chaînes de valeur (Tableau 1.1). Ces indicateurs reflètent l’hétérogénéité de la couverture des pays de l’UpM, les pays du sud de la Méditerranée étant moins bien couverts, mais permettent néanmoins une analyse approfondie des tendances commerciales de cette région.

Les flux d’échanges dépendent fortement d’une multitude de facteurs, des accords commerciaux aux pratiques réglementaires en passant par l’éloignement géographique. Dans les années 1990 et au début des années 2000, les accords commerciaux conclus dans la zone euro-méditerranéenne mettaient surtout l’accent sur la réduction des droits de douane appliqués aux échanges de produits agricoles et manufacturés, mais ne couvraient pas les échanges de services (Tableau d’annexe 1.B.1).

Les deux principaux accords commerciaux régionaux Sud-Sud, l’Accord de Libre Échange Arabe (ACLA), en vigueur depuis 1998, et l’Accord d’Agadir, en vigueur depuis 2007, ciblaient tous les deux l’élimination des droits de douane sur les biens échangés, fixant pour cela des objectifs et des mécanismes aux degrés de complexité variables. L’ACLA cherche à faciliter les échanges transfrontaliers de marchandises, mais omet des éléments essentiels liés à la production et au commerce, comme l’investissement, les services ou encore la propriété intellectuelle. L’Accord d’Agadir cible lui aussi le commerce des biens, mais jette les bases d’une future plateforme d’intégration économique en reconnaissant l’importance des échanges de services et en couvrant des questions importantes en matière de fiscalité, de finances, de coordination douanière, de politiques industrielles et de commerce extérieur. Au moment de l’entrée en vigueur de l’Accord d’Agadir, les pays signataires ont réalisé ses engagements en matière d’élimination des droits de douane2. Ce n’est pas le cas de l’ACLA, dont on considère que la mise en œuvre a été moins réussie (UNESCWA, 2019[4]).

Le (Graphique 1.3) illustre les accords actuellement en vigueur dans la zone euro-méditerranéenne.

Les accords commerciaux Nord-Sud concernent principalement les accords d’association de l’Union européenne et les accords de l’Association européenne de libre-échange (AELE). Dans les deux cas, si les accords avec les pays du sud de la Méditerranée sont négociés de façon bilatérale et réglementent l’élimination des droits de douane pour les échanges de biens, ils ne couvrent pas la facilitation des échanges de services.

Les relations entre l’Union européenne et la Turquie sont plus complexes, car le pays a le statut de candidat éligible à l’UE depuis 1997 et a conclu un accord d’union douanière avec l’UE en 1995. Les négociations pour l’adhésion de la Turquie à l’UE (qui ont commencé en 2005) couvrent un ensemble très divers de domaines politiques3, ce qui reflète l’objectif d’instaurer une véritable association d’intégration économique, et non une simple zone de libre-échange. À l’exception de l’UE, parmi les pays de l’UpM, l’économie turque est celle qui a conclu le plus d’accords commerciaux bilatéraux avec d’autres pays de l’UpM, avec à chaque fois pour objet la libéralisation des échanges de biens4.

Alors que la région tend vers une diminution des barrières douanières, l’ambition et la nature des accords commerciaux modernes impliquent la création de nouvelles règles sur les flux de biens et de services. Les mesures non tarifaires (MNT) sont cruciales pour veiller à ce que les pays se livrent à des relations commerciales respectant, entre autres, des pratiques sociales, environnementales et de sécurité. Ces règles traitent de questions importantes liées au commerce international, mais sont susceptibles de représenter un fardeau pour les entreprises ne disposant pas des capacités requises pour comprendre et respecter ce type de réglementations, en particulier les PME.

Plusieurs enquêtes menées auprès d’entreprises par le Centre du commerce international (ITC)5 dans les années 2010 ont mis en évidence le fait qu’une part non négligeable d’entreprises se heurtaient à des obstacles commerciaux liés au MNT, en particulier dans les économies en développement. Près d’un tiers des entreprises exportatrices de l’UE ont rencontré des obstacles liés aux MNT, tandis que l’ITC estime que près de la moitié des entreprises exportatrices issues d’économies en développement sont touchées. Parmi les pays de la région MENA6 (Moyen-Orient et Afrique du Nord) couverts par l’enquête, les entreprises exportatrices de Jordanie sont les plus touchées par les MNT (64 %), suivies par l’Autorité palestinienne (56 %), la Tunisie (52 %), l’Égypte (37 %) et le Maroc (23 %). De même, les entreprises agricoles semblent plus préoccupées par les MNT que les entreprises manufacturières dans tous les pays couverts par l’enquête. Selon les entreprises de la région, les trois principaux types d’obstacles liés aux MNT sont les évaluations de conformité, les mesures liées aux exportations (ex. interdiction de l’exportation de certains produits du fait de pénuries internes ; inspections sanitaires pour les aliments transformés à exporter) et les règles d’origine7. Il est possible de minimiser l’impact négatif potentiel des MNT en encourageant l’harmonisation des règles et en rendant ces dernières plus transparentes et compréhensibles pour les entreprises. Les tentatives d’harmonisation des règles d’origine des produits définis dans les accords commerciaux au sein de la région de l’UpM sont une évolution notable qui pourrait contribuer à dynamiser les échanges régionaux (Encadré 1.1).

Enfin, la réglementation des échanges de services est couverte par les accords de stabilisation et d’association8 conclus par l’UE avec les pays des Balkans occidentaux, y compris l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro. La nature de ces accords, qui ciblent un vaste ensemble de domaines outre les échanges, comme l’État de droit, la stabilité des institutions, la coopération économique et le rapprochement du dialogue politique, reflète le statut de candidats (Albanie et Monténégro) et de candidat potentiel (Bosnie-Herzégovine) à l’adhésion à l’UE des pays concernés.

L’Accord sur la facilitation des échanges (AFE) de l’OMC est entré en vigueur en 2017. Il établit des règles multilatérales visant à résoudre des obstacles spécifiques aux procédures commerciales, permettant aux pays de tirer les avantages économiques inhérents à l’amélioration de la vitesse et de l’efficacité des procédures frontalières. Depuis, l’OCDE a développé un ensemble spécifique d’« Indicateurs de facilitation des échanges » qui reflètent les principales dispositions de l’accord de l’OMC, ce afin de déterminer la mesure dans laquelle les pays ont introduit et mis en œuvre des mesures de facilitation des échanges. Ces mesures visent à rationaliser et simplifier les procédures techniques et juridiques à appliquer lorsqu’un produit entre ou sort d’un pays dans le cadre d’un échange international. La facilitation des échanges couvre tout le spectre des procédures frontalières, de l’échange électronique de données sur l’expédition à la simplification et à l’harmonisation des documents commerciaux, en passant par la possibilité de faire appel des décisions administratives des autorités chargées des contrôles aux frontières.

Ces dernières années, des progrès ont été enregistrés pour quasiment toutes les sous-régions de l’UpM dans le domaine de la facilitation des échanges (Graphique 1.4). À l’échelle nationale, sur une échelle de 0 à 2 (meilleure performance), les valeurs de l’Algérie (0,8), de la Jordanie (1) et du Liban (0,9) sont relativement faibles, tandis que le Maroc (1,6) enregistre la meilleure performance moyenne des pays de la région MENA.

La plupart des pays de l’UpM enregistrent des résultats plutôt similaires pour les onze indicateurs déterminant leur performance moyenne en facilitation des échanges. Il existe cependant quelques exceptions. Par exemple, les résultats pour l’Algérie indiquent la nécessité de procéder à des améliorations dans le domaine des formalités, principalement pour ce qui concerne les obligations de documentation et le manque d’harmonisation des documents (0,3), la coopération avec les pays voisins et les pays tiers (0,4), l’automatisation des formalités commerciales nécessaires (0,6) et les questions de gouvernance et d’impartialité (0,6) ; tandis que les performances du pays sont déjà élevées dans d’autres domaines, comme les frais et charges (1,25), les décisions anticipées (1,25) et les procédures d’appel (1,56). En analysant chacun des onze indicateurs, les pays peuvent évaluer l’état de leurs efforts de facilitation des échanges et identifier des pistes d’amélioration. Cette démarche est particulièrement importante pour soutenir les efforts d’optimisation du potentiel commercial à l’échelle régionale et mondiale des pays du sud de l’UpM.

En 2018, l’UpM a exporté plus de 6 billions d’USD de marchandises, soit 33 % du total des exportations mondiales de marchandises (Graphique 1.5).Toutefois, quand bien même la valeur totale absolue des exportations de marchandises de la région a triplé depuis 1996, sa part relative mondiale a baissé de près de 6 points de pourcentage (de 39 % en 1996) à mesure que les économies émergentes, et en particulier la République populaire de Chine, ont considérablement accru leur poids dans les échanges internationaux de marchandises. Ces 30 dernières années, toutes les grandes économies développées ont perdu du terrain en valeur relative sur les marchés mondiaux ; à l’inverse, la part des exportations chinoises de marchandises sur les exportations mondiales a connu une croissance annuelle mondiale moyenne de 0,5 point de pourcentage depuis 1996.

Le marché intrarégional de l’UpM est la principale destination des exportations de marchandises de la région et représentait plus de 61 % (3,7 billions d’USD) des exportations des pays membres de l’UpM en 2018. L’importance du marché intrarégional de la région est restée relativement constante depuis (56 % du total des exportations de marchandises), avec un pic en 2007 (63 %). Le marché intrarégional de l’UpM, qui représentait plus de 20 % des échanges mondiaux de marchandises en 2018, demeure l’un des marchés mondiaux les plus importants.

Cependant, ce marché intrarégional se concentre principalement sur la rive nord de la Méditerranée. Ainsi, l’Union européenne est à l’origine de plus de 95 % des exportations de marchandises à l’intérieur de la région (approximativement 3,6 billions d’USD en 2018) et de 93 % des exportations externes de marchandises (plus de 2,2 billions d’USD) (Graphique 1.6).La Turquie est le troisième exportateur de la région, avec 2,3 % des exportations de marchandises intra-UpM. La sous-région de l’Afrique du Nord est le quatrième partenaire d’exportations de marchandises de la région (1,8 % en 2017), ce qui est principalement dû au secteur des hydrocarbures en Algérie et à l’importance croissante du secteur manufacturier au Maroc. Enfin, Israël (0,41 %), les Balkans (0,228 %) et les pays du Levant (0,07 %) représentent une part mineure de ce marché.

À l’exception de l’Union européenne et d’Israël, les autres pays et sous-régions de l’UpM ont vu leur part des exportations régionales de marchandises intra-UpM augmenter depuis 1996, comme suit :

  • La Turquie enregistre l’augmentation la plus forte, sa part des exportations de marchandises intra-UpM ayant plus que doublé ces 20 dernières années.

  • Les parts de la région du Levant, d’Afrique du Nord et des Balkans occidentaux ont également augmenté, de respectivement 78 %, 30 % et 56 %. La région du Levant partait d’un niveau initial d’exportations de marchandises intra-UpM extrêmement bas.

  • Israël, qui s’appuie considérablement moins sur le marché intrarégional de l’UpM que les autres partenaires, enregistre une pondération relativement stable, avec une baisse de 5 % depuis 1996, mais une pondération moyenne de 0,48 % ces deux dernières décennies.

  • Enfin, la part de l’UE dans les exportations de marchandises à l’intérieur de l’UpM a légèrement baissé (1,34 %) depuis 1996. Néanmoins, comme prévu, l’UE demeure l’un des principaux partenaires commerciaux de la plupart des économies de l’UpM, même des pays du Levant qui échangent pourtant de façon beaucoup plus intensive avec les pays du Golfe (Tableau 1.2).

En 2018, les pays de l’UpM ont exporté quasiment deux fois plus de marchandises vers d’autres pays de l’UpM que vers le reste du monde (Graphique 1.7 Volet A). Toutefois, le niveau élevé des exportations intrarégionales de marchandises par rapport aux exportations extrarégionales de marchandises s’explique largement par les échanges survenant au sein du marché intérieur de l’Union européenne. Si l’on exclut le marché intérieur de l’UE, plus de 80 % des exportations brutes de marchandises des pays de l’UpM sont destinées à d’autres régions du monde (Graphique 1.7 Volet B). Les exportations extrarégionales de marchandises de l’UpM s’élevaient à 2,2 billions d’USD, contre 3,7 billions d’USD de marchandises exportées au sein de la région. Néanmoins, même en excluant le marché intérieur de l’UE, le ratio des exportations intrarégionales par rapport aux exportations extrarégionales de marchandises marque une légère tendance à la hausse, ce qui pointe vers une amélioration de l’intégration régionale.

L’analyse approfondie de l’évolution des principaux partenaires d’exportation des différentes économies de l’UpM depuis 2005 met en évidence la tendance à la hausse de l’intégration régionale de la rive sud de la Méditerranée (Graphique 1.8). Les exportations de marchandises se sont accrues plus intensément entre les économies d’une même sous-région (Annexe Tableau 1 A.2), mais il faut également noter l’amélioration globale des échanges bilatéraux entre les économies non membres de l’UE. (Tableau 1.3). C’est particulièrement vrai pour les sous-régions des Balkans occidentaux et du Levant. L’Égypte a pour principaux partenaires commerciaux les pays du Levant, tandis que la Turquie se démarque par une présence plus hétérogène sur toute la rive sud.C’est particulièrement vrai pour les sous-régions des Balkans occidentaux et du Levant. L’Égypte a pour principaux partenaires commerciaux les pays du Levant, tandis que la Turquie se démarque par une présence plus hétérogène sur toute la rive sud.

L’analyse des échanges intra-UpM par type de marchandises met en évidence l’importance croissante des échanges d’articles manufacturés plus sophistiqués (Graphique 1.9 A). En 2006, les hydrocarbures représentaient la plus grande part du marché intérieur de l’UpM avec plus de 16 % du total des exportations à l’intérieur de la région, et provenaient pour 60 % d’Algérie. En 2018, les équipements de transport constituaient la marchandise la plus représentée, avec 13 % des exportations internes de la région. De manière générale, les articles manufacturés, les instruments scientifiques et les produits chimiques et pharmaceutiques ont gagné en importance sur le marché régional, prenant le pas sur les exportations d’hydrocarbures, de textiles, vêtements et chaussures, et de fer et acier.

L’évolution de ces grands groupes de produits confirme la tendance à une plus grande part des articles manufacturés dans les exportations intra-UpM (Graphique 1.9 B) La part des exportations d’articles manufacturés au sein de la région UpM est passée de 66 % du volume total des exportations en 2006 à 73 % en 2018, tandis que la part des exportations d’hydrocarbures et de produits miniers, qui représentaient 24 % des exportations en 2006, a récemment baissé sous la barre des 15 %. De même, les exportations agricoles ont connu une augmentation importante (près de 29 % depuis 2006), même si leur part des exportations intra-UpM reste inférieure à 9 %.

L’analyse traditionnelle des flux d’échanges nous informe principalement sur le prix final d’un produit donné, les données ne reflétant pas la valeur des différents composants du produit, et plus important encore, leur origine. À mesure que les chaînes de valeurs mondiales et régionales gagnent en complexité et en pertinence dans les flux d’échanges, comme c’est le cas depuis une centaine d’années, les données sur les échanges de produits intermédiaires utilisés dans la production de nouveaux composants et de produits finis sont fondamentales pour mieux comprendre les rapports étroits entre des économies interconnectées, qui ne se contentent pas d’échanger des biens et des services, mais leur ajoutent elles-mêmes de la valeur.

Par exemple, l’industrie automobile nécessite un ensemble complexe de composants et de matériaux issus de douzaines de points du globe. L’émergence d’une industrie automobile au Maroc a considérablement accru le poids des activités de fabrication nationales dans les exportations du pays. L’essor des exportations marocaines s’est fait dans un contexte d’augmentation des flux d’articles manufacturés depuis et vers les États membres de l’UE, ce qui illustre la plus grande intégration du Maroc avec les pays de la rive nord de la Méditerranée.

Les données sur les échanges en valeur ajoutée (ÉVA) permettent de décrire comment les différentes économies et les sous-régions de l’UpM sont interconnectées, en particulier en ce qui concerne la création et l’origine de la valeur à chaque étape de la production (Encadré 1.2). Les données sur les échanges en valeur ajoutée permettent de mieux estimer l’intégration réelle des économies de l’UpM dans les chaînes de valeur régionales et mondiales.

Tous les pays de l’UE27, Israël, la Turquie, le Maroc et la Tunisie sont inclus dans la base de données ÉVA de l’OCDE. Même si certains pays manquent, la taille globale de l’ensemble d’économies de l’UpM couvertes par les ÉVA permet de procéder à une analyse instructive des rapports de commerce et de production qui unissent une part notable des économies de l’UpM.

À l’échelle mondiale, le rythme de l’intégration des CVM s’est ralenti depuis 2011, malgré une légère reprise après la dernière crise financière mondiale9. L’intégration d’une économie donnée dans les CVM peut être en partie observée par l’analyse des composants de sa production provenant de l’étranger. Les pays s’étant dotés de politiques commerciales plutôt libérales et ouverts aux échanges et aux investissements étrangers tendent à se caractériser par une part plus élevée de valeur ajoutée étrangère dans les biens qu’ils produisent et exportent. Plus précisément, les économies basées sur les services et les économies spécialisées dans les étapes finales du processus de fabrication se caractérisent par une part élevée de valeur ajoutée étrangère dans leur production et dans leurs exportations, tandis que les économies spécialisées dans les activités survenant en début de chaîne de production (comme les industries extractives) se caractérisent par une part élevée de valeur ajoutée nationale dans leurs exportations.

Le (Graphique 1.10) indique le pourcentage de valeur ajoutée étrangère dans les exportations d’un pays, ce qui inclut les exportations d’articles manufacturés, de produits agricoles, d’industries extractives et de services. Suivant la tendance mondiale, l’intégration des économies de l’UpM dans les chaînes de valeur mondiale s’est ralentie. En 2016, la Tunisie enregistrait le pourcentage le plus élevé de part de valeur ajoutée étrangère dans ses exportations (30 %), en partie du fait du tourisme ; c’était également le seul pays dont la part est restée stable après 2012. La part de valeur ajoutée étrangère dans les exportations brutes du Maroc s’élevait à 25 %, un taux similaire à celui des pays de l’UE et du Royaume-Uni, dont la part de valeur ajoutée étrangère a légèrement diminué après 2012. Israël et la Turquie enregistrent des niveaux plus faibles de liaisons en amont dans les CVM, avec 17 % de la valeur de leurs exportations brutes issue d’autres pays. De même, Israël a vu la part de valeur ajoutée étrangère dans ses exportations baisser fortement, à savoir de 8 points de pourcentage depuis 2005.

À l’échelle régionale, les liaisons en aval d’Israël, du Maroc, de Tunisie et de Turquie dans les chaînes de production de l’UE et du Royaume-Uni ont fortement augmenté depuis 2005, même si la contribution de ces quatre économies aux exportations externes de l’UE et du Royaume-Uni reste modeste, avec 0,48 % de la valeur des exportations extérieures brutes issues de ces quatre pays (Graphique 1.11)

Les liaisons en aval, c’est-à-dire la production d’intrants intermédiaires utilisés dans les exportations d’autres pays, augmentent le marché potentiel, exploitent les ressources humaines, naturelles et de capital de la Turquie, et par conséquent, contribuent à rééquilibrer l’économie turque. L’accroissement de la production destinée aux marchés étrangers nécessite une convergence des normes de produits vers des bonnes pratiques internationales et favorise un cercle vertueux de productivité, d’innovation, de dotation en ressources humaines et de conditions de vie.

La Turquie a enregistré la plus forte croissance de la contribution en valeur ajoutée aux exportations externes de l’UE et du Royaume-Uni. La contribution relative d’Israël et du Maroc a également augmenté depuis 2005.

Le (Graphique 1.12) représente la contribution de certaines économies de l’UpM au total des exportations brutes d’Israël, du Maroc, de Tunisie et de Turquie de 2005 à 2015. La part de l’UE et du Royaume-Uni dans les exportations brutes des autres économies de l’UpM a baissé pour chaque cas, à l’exception du Maroc. Cette baisse s’est avérée particulièrement forte pour Israël, avec un effondrement de 37 % de la part de l’UE et du Royaume-Uni dans les exportations israéliennes après 2005. La part de l’UE et du Royaume-Uni a baissé de 13 % pour la Tunisie et de 0,7 % pour la Turquie. Par contraste, la part de la valeur ajoutée de l’UE et du Royaume-Uni dans les exportations marocaines a augmenté de 4,5 % au cours de la même période.

Si la contribution de l’UE et du Royaume-Uni aux exportations brutes des autres pays de l’UpM a globalement baissé, ce n’est pas le cas pour les autres pays. La part de valeur ajoutée israélienne et turque dans les exportations brutes marocaines a nettement augmenté depuis 2005. La part de valeur ajoutée turque dans les exportations tunisiennes a bondi de plus de 100 %, contre 48 % et 34 % respectivement pour la valeur ajoutée israélienne et marocaine. La part de valeur ajoutée issue de Tunisie et d’Israël dans les exportations turques a (légèrement) baissé, tandis que la part de valeur ajoutée marocaine dans les exportations brutes turques a augmenté de 85 %. L’économie israélienne est la seule à avoir enregistré une baisse globale de la part de valeur ajoutée issue d’autres économies de l’UpM dans ses exportations brutes ; ce constat est cohérent avec la tendance générale de la part de valeur ajoutée étrangère dans les exportations brutes d’Israël (Graphique 1.10). Le pic enregistré pour la part de valeur ajoutée marocaine dans les exportations brutes israéliennes s’explique principalement par le poids relativement très faible de ce pays dans la valeur ajoutée des exportations brutes israéliennes.

En 2015, l’UE et le Royaume-Uni représentaient conjointement 14,5 % de la valeur des exportations brutes de Tunisie, contre 12 % pour le Maroc, 6 % pour Israël et 5,7 % pour la Turquie. La Turquie était quant à elle le deuxième contributeur de valeur des exportations brutes des autres partenaires de l’UpM, en particulier du Maroc et de Tunisie. Si l’on considère son poids économique, la part de valeur ajoutée israélienne dans les exportations des autres économies de l’UpM semble inférieure à son potentiel. L’analyse sera approfondie dans la section consacrée au coût de la non-intégration dans la région de l’UpM.

En 1995, l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) de l’OMC est venu reconnaître l’importance des services dans l’économie mondiale. Depuis, les déclarations et l’application d’accords sur les échanges de services se sont multipliées, même si elles demeurent limitées dans certaines régions. Comme cela a déjà été observé dans ce chapitre, les seuls accords commerciaux actuellement appliqués au sein de la région de l’UpM et abordant les échanges de services sont les accords d’association conclus entre l’UE d’une part et l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine et le Monténégro d’autre part.

Les échanges de services ne représentent que 25 % des flux d’échanges mondiaux10. Pourtant, le secteur des services emploie un travailleur sur deux dans le monde11 et est à l’origine d’environ deux tiers de la production mondiale totale12, ce qui souligne son importance en tant que pilier du développement et de l’intégration économiques.

Malgré l’importance des échanges de services, les données nécessaires à une analyse approfondie sont manquantes pour bon nombre de pays de l’UpM. Par exemple, la base de données de l’Indice de restriction sur les échanges de services (IRES) de l’OCDE, outil important pour analyser les échanges de services, ne couvre actuellement qu’une partie des membres de l’UpM, notamment les États membres de l’UE, Israël et la Turquie. Des interventions en cours devraient permettre d’intégrer prochainement l’Albanie et la Bosnie-Herzégovine.

La base de données des ÉVA de l’OCDE contient des données sur les échanges ventilées par secteur13 et sous-secteur économique pour les membres suivants de l’UpM : UE27, Israël, Turquie, Maroc et Tunisie. L’importance des services dans l’économie de ces pays de l’UpM est cohérente avec la tendance mondiale en la matière. Parmi ces pays, c’est Israël qui enregistre la plus grande part de services dans la valeur ajoutée nationale (79 %), suivi par l’ex UE2814 (78 %) et la Turquie (69 %). La Tunisie (61 %) et le Maroc (59 %) sont légèrement en dessous de la moyenne mondiale15. La part des services dans les exportations totales de ces pays de l’UpM est supérieure à la moyenne mondiale, à l’exception de la Tunisie, mais reste bien inférieure au poids des services dans l’économie mondiale (Tableau 1.4). Lorsque c’est pertinent pour l’analyse, le Royaume-Uni (RU), couvert par la base de données ÉVA de l’OCDE, est considéré comme un ancien membre de l’Union européenne.

Le (Graphique 1.13) illustre l’évolution de la part des services extérieurs sur la valeur des exportations brutes d’Israël, du Maroc, de la Tunisie, de la Turquie et de l’ex UE28 en 2005-2015. Elle vient approfondir l’analyse de la (Graphique 1.12) qui se penchait sur la contribution de l’ensemble des activités agricoles, de fabrication, extractives et de services

La tendance évolutive (à la hausse ou à la baisse) de l’intégration est la même que pour la contribution agrégée, bien qu’avec des intensités différentes. La seule exception porte sur le secteur des services en Israël : si la valeur ajoutée israélienne totale dans les exportations brutes de la Turquie a baissé de près de 1 % après 2005, la valeur ajoutée des services israéliens dans les exportations brutes turques a grimpé de plus de 30 %.

Autre remarque importante, la part de la valeur ajoutée des services des autres économies de l’UpM analysées dans les exportations brutes de l’ex UE28 était inférieure, ou enregistrait une légère baisse, par rapport à la valeur ajoutée pour l’ensemble des secteurs économiques. Là encore, la seule exception concerne Israël, dont la part de la valeur ajoutée correspondant aux services dans les exportations brutes de l’ex UE28 a augmenté plus rapidement (54 %) (Graphique 1.3) que la valeur ajoutée israélienne totale (26 %) dans les exportations brutes de l’ex UE28 (Graphique 1.2). La valeur ajoutée du secteur des services marocain dans les exportations brutes d’Israël et de Turquie a également enregistré une augmentation importante depuis 2005 (11 % et 54 % respectivement). Pour les autres économies, la part de la valeur ajoutée du secteur des services dans les exportations brutes des autres pays de l’UpM a soit augmenté plus fortement que la part de la valeur ajoutée pour tous les secteurs de production, soit suivi une tendance similaire.

La présente section se penche sur le potentiel commercial des États membres de l’UpM, en particulier sur le plan des exportations, pour évaluer la portée de l’amélioration de l’intégration des échanges dans la région. Cette analyse recourt principalement à un indice des performances relatives à l’exportation, qui mesure les performances à l’exportation d’un pays par rapport au niveau d’exportations prédit par un modèle gravitationnel conventionnel. Cet indice des performances relatives à l’exportation s’obtient par le ratio des exportations réelles sur les exportations théoriques16 et donne des informations sur le rythme de l’intégration intra et extra-UpM et sur le potentiel de hausse des exportations.

Les exportations théoriques servant de référence pour cet exercice sont dérivées d’un modèle gravitationnel qui prend en compte la taille relative des partenaires commerciaux, le coût des échanges entre les partenaires et les autres caractéristiques observables et non observables propres à chaque pays et affectant les échanges bilatéraux17.

Avant de passer aux résultats, il est important de mentionner quelques mises en garde qui en faciliteront l’interprétation. Premièrement, la principale limitation concerne le recours à des modèles gravitationnels dans un monde de plus en plus caractérisé par des processus de production mondiaux. S’il est largement accepté que le cadre gravitationnel s’applique aux produits intermédiaires ainsi qu’aux produits finis, les modèles utilisés ici ne font pas la distinction entre les exportations entièrement consommées dans l’économie de destination et les exportations utilisées comme intrants intermédiaires et subissant une nouvelle transformation et une nouvelle exportation, ce qui signifie que les mêmes élasticités sont calculées pour ce qui est des variables explicatives. Cependant, il est possible que les rapports entre, par exemple, les exportations et la distance bilatérale, ne soient pas les mêmes pour les produits finis et les produits intermédiaires18. En ce sens, les exportations théoriques (de référence) dérivées du modèle gravitationnel ne peuvent saisir qu’une partie de ces aspects de la fragmentation. Partant, cette analyse s’attache plutôt à donner une indication des performances en matière d’intégration régionale des échanges qu’une quantification précise des écarts entre les niveaux prédits et déclarés d’exportations.

Deuxièmement, il convient de noter les limites inhérentes aux données disponibles, c’est-à-dire que l’analyse effectuée dans cette section met surtout l’accent sur les biens, et non les services, pour lesquels les données disponibles (c’est-à-dire, la part des exportations de services sur le PIB) laissent supposer des performances insuffisantes (sauf pour le tourisme) pour la plupart des économies de l’UpM.

Il est également important de noter que le modèle gravitationnel inclut les flux d’échanges du Royaume-Uni avec ceux du sous-groupe de l’Union européenne et dans les échanges intra-UpM. Le Royaume-Uni, qui appartenait au marché intérieur européen et était couvert par les accords commerciaux bilatéraux de l’UE jusqu’à la fin 2020, s’est avéré un partenaire commercial important pour la région. Exclure les données commerciales de ce pays générerait une distorsion des résultats du modèle, qui ne refléteraient alors pas l’évolution réelle de l’intégration commerciale au sein de la région de l’UpM pour la période de l’analyse (1995-2018).

Malgré les mises en garde concernant l’interprétation des exportations théoriques, les résultats de l’analyse démontrent clairement que les exportations globales intra-UpM sont conformes aux niveaux de référence issus du modèle gravitationnel, et c’est d’autant plus vrai aujourd’hui qu’au début du processus de Barcelone. Ce résultat est vrai pour tous les grands secteurs : agricole, minier et manufacturier. Cependant, ces résultats mettent également en évidence un potentiel non négligeable d’accroissement des exportations vers les autres membres de l’UpM par le couloir d’échanges Sud-Sud et vers les pays non membres de l’UpM.

Il faudrait approfondir l’analyse des échanges de services pour prendre effectivement en compte la valeur ajoutée dans les flux d’échanges observés. Toutefois, il faudrait pour cela investir dans les statistiques sous-jacentes pour nombre d’économies de l’UpM.

Le Graphique 1.14 Volet A, représente l’indice des performances standardisées relatives à l’exportation (SREP)19 des membres de l’UpM vers leurs partenaires commerciaux. Si les exportations du groupe étaient inférieures de 7 % à la valeur théorique de référence au début de la période, elles dépassaient les attentes du modèle gravitationnel de près de 10 % entre 2015 et 2018. Une tendance similaire s’observe si l’on exclut l’UE et le Royaume-Uni.

La ventilation du total des échanges de marchandises entre les exportations intra et extra-UpM (Graphique 1.14) permet d’établir que les exportations intra-UpM formaient le principal moteur d’amélioration, en particulier ces dernières années (2015-2018). De plus, la mesure des performances relatives à l’exportation (REP) est encore plus élevée si l’on exclut les États membres de l’UE et le Royaume-Uni. Les exportations intra-UpM dépassent alors les prédictions du modèle théorique de près de 20 % (contre 14 % pour l’ensemble du groupe).

D’autre part, la plus forte intégration de ces économies dans les chaînes de valeur européennes (desservant les marchés européens) semble avoir entraîné un éloignement gravitationnel des autres marchés. En effet, l’indice SREP a entamé une nouvelle baisse après une amélioration progressive jusqu’à la crise financière de 2008-2009.

La ventilation des résultats par sous-groupe de l’UpM révèle le potentiel d’amélioration des échanges au sein de certains sous-groupes de pays, à commencer par les échanges Sud-Sud (Graphique 1.15 et (Tableau 1.5).

  • À la fin des années 1990, les exportations de l’Union européenne et du Royaume-Uni étaient proches des prédictions théoriques, tant vers les autres membres de l’UpM que vers le reste du monde. Si l’Union européenne a connu une intégration plus étroite ces dernières années (2015-2018), la position relative du Royaume-Uni s’est détériorée et le pays a au contraire enregistré un pic d’exportations extra-UpM.

  • Les Balkans occidentaux, déjà fortement intégrés à l’UE à la fin des années 1990, ont enregistré une forte amélioration de leur indice SREP ces dernières années, mais leur intégration dans les échanges extra-UpM reste faible.

  • Les économies d’Afrique du Nord et la Turquie ont connu un parcours similaire. Cependant, si les exportations extra-UpM restent inférieures aux prédictions théoriques, la situation relative des exportations intra-UpM s’est améliorée ces dernières années par rapport à la fin des années 1990.

  • Par contraste, la sous-région du Levant et Israël semblent s’être davantage intégrés au reste du monde qu’avec l’UpM au cours de la période, leur indice SREP traduisant un potentiel inexploité non négligeable d’exportations intra-UpM ces dernières années.

La spécification de modèle retenue (modèle 4 dans le Tableau d’annexe 1.B.1) a également été utilisée à l’échelle du produit, d’abord à un niveau plus agrégé – agriculture, hydrocarbures et produits miniers et articles manufacturés, et ensuite par groupes détaillés d’articles manufacturés (voir Annexe 1.C pour connaître la définition des groupes de produits).

La tendance générale à la plus forte intégration commerciale des États membres de l’UpM se confirme pour tous les groupes de produits, les performances relatives à l’exportation des échanges intra-UpM dépassant les performances des échanges extra-UpM pour tous les groupes de produits. En 2015-2018, les exportations intra-UpM de produits agricoles, hydrocarbures et produits miniers et articles manufacturés dépassaient respectivement de 4 %, 17 % et 14 % le modèle théorique (Graphique 1.16).

  • Les Balkans occidentaux, la Turquie et l’Afrique du Nord ont fortement amélioré leurs performances à l’exportation intra-UpM ces 25 dernières années pour les articles manufacturés (Graphique 1.16.).

  • Les exportations intra-UpM des Balkans occidentaux et de la Turquie, inférieures à la valeur théorique de référence au début de la période, étaient supérieures de 95 % et 53 % respectivement à la fin de la période, cette croissance s’expliquant notamment par la forte intégration dans les chaînes de valeur de l’UE.

  • Les États nord-africains membres de l’UpM dépassaient déjà la valeur théorique de référence à la fin des années 1990 grâce à une bonne intégration dans les chaînes de valeur de l’UE, et ces dernières années, la Turquie, les pays du Levant et les États nord-africains membres de l’UpM ont été encore davantage intégrés, ce qui reflète en partie la plus grande complexité (et la fragmentation) de certaines chaînes de valeur européennes.

  • Israël, qui dépend fortement des exportations de services, a vu son indice SREP diminuer progressivement pour le secteur manufacturier.

  • Les performances du groupe du Levant, qui étaient déjà insuffisantes par rapport à la valeur de référence des années 1990, se sont encore nettement dégradées ces dernières années.

À la fin des années 1990, les produits textiles représentaient environ la moitié des exportations d’articles manufacturés des membres de l’UpM (à l’exclusion de l’ex UE28) vers les autres membres de l’UpM. Cependant, les données les plus récentes traduisent un net déclin de la part des produits textiles dans les exportations totales d’articles manufacturés, à environ un quart, même si les textiles demeurent le principal produit d’exportation en valeur. D’autres articles manufacturés plus sophistiqués ont connu une croissance plus importante que les textiles, plus précisément. plus précisément les équipements de transport, les machines électriques et les machines voir également (Graphique d’annexe 1.A.1).

Le (Graphique 1.18) illustre l’évolution au fil du temps de l’indice SREP à l’échelle détaillée des produits manufacturés. Alors que le secteur des produits textiles avait l’indicateur le plus élevé au début de la période, au fil du temps, il a été rattrapé par le secteur des transports, des machines électroniques et des machines, dont les exportations ont dépassé le modèle théorique de respectivement 250 %, 168 % et 148 %.

Les exportations intra-UpM d’équipements de transport ont connu la plus forte amélioration au fil du temps. Le Monténégro, le Maroc, la Tunisie et la Turquie ont enregistré des performances particulièrement importantes dans ce secteur des équipements de transport, qui représentait auparavant moins de 5 % des exportations de marchandises de ces pays et avait augmenté de plus de 20 % à la fin de la période. Le Maroc semble avoir tout particulièrement tiré profit des investissements étrangers des multinationales européennes pour intégrer les chaînes de valeur des équipements de transport de l’UE, tout en élargissant ses activités en Turquie et en Égypte. Entre autres, les groupes automobiles Renault et PSA ont installé d’importants sites de production au Maroc, voir par exemple (Hahn and Auktor, 2017[5]). De la même façon, la valeur des exportations intra-UpM de machines électroniques et de machines a été multipliée par sept depuis 1995, principalement grâce au Maroc, à la Turquie et à la Tunisie (Graphique d’annexe 1.A.1). La Bosnie-Herzégovine, la Turquie et la Tunisie ont enregistré la plus forte amélioration des performances à l’exportation pour un large éventail de produits.

L’indice SREP des différents membres de l’UpM (à l’exclusion de l’ex UE28), évalué pour un large éventail d’articles manufacturés, présente de fortes variations. Le Graphique 1.19 illustre, pour les produits agricoles et miniers et pour six sous-ensembles d’articles manufacturés, l’indice SREP pour 1995-1999 sur l’abscisse et l’indice correspondant pour 2015-2018 sur l’ordonnée. Les pays situés au-dessus de la diagonale ont amélioré leurs performances à l’exportation intra-UpM au fil du temps par rapport à la valeur de référence théorique, tandis que les exportations des pays situés en dessous de la diagonale sont inférieures aux prédictions du modèle gravitationnel.

  • La note de la Bosnie-Herzégovine de l’Égypte, du Maroc de la Turquie s’est grandement améliorée, tandis qu’en comparaison, celle de la Jordanie et celle du Liban sont faibles.

  • La Bosnie-Herzégovine est le principal moteur de l’intégration rapide des Balkans occidentaux aux autres membres de UpM ces deux dernières décennies. L’indice SREP pour la Bosnie-Herzégovine a souvent enregistré la plus forte augmentation au fil de la période d’étude, en particulier pour les machines électroniques.

  • Dans le même temps, la Tunisie, et dans une moindre mesure, l’Égypte, bien que spécialisées dans des produits différents, ont largement contribué à la plus forte intégration de l’Afrique du Nord avec les autres États membres de l’UpM. Le Maroc et la Tunisie ont accru leur intégration dans le secteur des équipements de transport, des machines et des machines électroniques, tandis qu’en Égypte, c’est le secteur des produits chimiques qui a connu un essor considérable.

  • Les performances à l’exportation de la Turquie vers les autres membres de l’UpM se sont elles aussi nettement améliorées pour tous les secteurs manufacturiers, et en particulier pour le secteur des équipements de transport, des machines électroniques et des machines.

Les exportations d’articles manufacturés intra-UpM de la Jordanie et du Liban, inférieures à la valeur de référence au début de la période, sont restées nettement inférieures à cette valeur de référence ces dernières années. La principale exportation manufacturière de Jordanie, les produits chimiques, a atteint la moitié des prévisions en 2015-2018, tandis que la plupart des autres produits ont enregistré de mauvaises performances (à l’exception des équipements de transport) (Graphique 1.19). De même, le Liban a vu son indice SREP baisser pour tous les articles manufacturés.

Les exportations algériennes d’hydrocarbures et de produits miniers, qui représentent plus de 90 % du total de ses exportations de marchandises, sont restées légèrement en dessous de la valeur de référence au fil des ans, tandis que la composition des exportations du pays n’a quasiment pas changé. Cependant, les exportations algériennes de produits chimiques et de machines électroniques ont progressé au fil des ans grâce à des liens plus étroits avec la Turquie, même si les niveaux d’exportation de ces produits restent très faibles.

Depuis la fin des années 1990, la part des exportations albanaises de textiles, vêtements et chaussures sur le total des exportations de marchandises du pays est restée assez stable (de 58 % à 60 %), alors que la majorité des autres pays de l’UpM sont passés à une production plus « sophistiquée ». De fait, le secteur du textile est le seul pour lequel l’Albanie a amélioré ses performances d’exportations intra-UpM au fil du temps, dépassant la valeur de référence de plus de 30 % sur la dernière période.

Les pays de l’UpM représentaient 33 % des exportations mondiales en 2018, soit plus de 6 billions d’USD de marchandises échangées, une valeur ayant triplé depuis 1996. Néanmoins, le poids de cette région dans le monde a reculé ces dernières décennies du fait de l’importance croissante des économies émergentes dans le commerce mondial.

Dans la région de l’UpM, les échanges Nord-Sud et les échanges Sud-Sud sont réglementés par des accords d’échange de marchandises. Si les différentes parties reconnaissent l’importance des échanges de services, comme l’attestent certains accords régionaux comme l’Accord de libre-échange d’Agadir (auquel s’ajoutent des négociations bilatérales en cours, mais pas encore en vigueur, notamment entre l’UE et le Maroc et entre l’UE et la Tunisie), seuls les accords d’association entre l’UE et les Balkans occidentaux réglementent les échanges de services.

L’aspiration des pays de l’UpM à atténuer les obstacles actuels au commerce et à respecter les normes mondiales en matière de procédures frontalières se reflète dans l’amélioration générale des indicateurs mesurant la facilitation des échanges. Toutefois, même si des progrès ont été enregistrés partout, les différences entre la rive nord et sud de la Méditerranée demeurent significatives.

Bien que modeste, au fil du temps, le marché intrarégional de l’UpM a gagné en pertinence pour la plupart des économies de l’UpM, tant pour les produits finis que pour les produits intermédiaires et l’intégration dans les chaînes de valeur régionales. L’étude des performances à l’exportation des pays de l’UpM (en comparant les exportations déclarées avec une valeur de référence générée à l’aide d’un modèle gravitationnel des échanges) confirme cette tendance. Les résultats indiquent que globalement, les échanges de marchandises entre pays de l’UpM atteignent, voire dépassent, les niveaux prédits par le modèle ; de plus, l’intégration au sein du groupe s’est accélérée depuis le lancement du processus de Barcelone.

La plus grande progression des échanges régionaux de marchandises, telle qu’observée par le ratio des exportations régionales intra-UpM sur les exportations régionales extra-UpM, concerne les sous-régions de la rive sud de la Méditerranée et des Balkans occidentaux. L’évaluation du potentiel d’exportation le confirme également :

  • La Turquie et les sous-régions des Balkans occidentaux et de l’Afrique du Nord ont amélioré leur intégration avec le reste de l’UpM.

  • Par contraste, les exportations des pays du Levant et d’Israël vers le reste de l’UpM sont restées nettement inférieures aux prédictions théoriques, de 50 % et 20 % respectivement.

  • Si les pays de l’UpM sont globalement bien intégrés à leur propre sous-groupe (ex. intra-Balkans, intra-Afrique du Nord) et avec l’Union européenne, il subsiste un potentiel inexploité d’expansion des échanges entre les différents sous-groupes, principalement entre les Balkans occidentaux et Israël et les pays du Levant, et entre Israël et les pays du Levant et les pays d’Afrique du Nord.

Les exportations intra-UpM se sont diversifiées et sophistiquées ces dernières décennies. La part des biens manufacturés dans les exportations a augmenté, venant réduire la prépondérance des produits miniers et pétroliers, tandis que les exportations de produits agricoles sont restées stables au fil du temps. L’analyse des performances relatives à l’exportation à l’échelle des produits confirme la tendance générale, tout en soulignant une hétérogénéité intéressante entre les différents pays et les différents groupes de produits :

  • La Tunisie, la Turquie et la Bosnie-Herzégovine se sont éloignées de leur secteur d’exportation traditionnel (agriculture, textile) et dépassent maintenant les niveaux de référence pour l’exportation d’un large éventail de produits, y compris les équipements de transport et les machines électroniques.

  • En revanche, la Jordanie et le Liban enregistrent des résultats insuffisants à l’exportation vers le reste des pays de l’UpM pour de nombreux produits.

  • Les exportations algériennes et albanaises étant fortement concentrées dans deux secteurs (respectivement, le secteur minier et le secteur du textile), ces deux pays enregistrent des performances inférieures au potentiel d’exportation de référence pour la plupart des autres produits.

L’analyse de l’intégration par la participation aux chaînes de valeur régionales conclut également à une évolution positive. La contribution des économies de l’UpM aux exportations de l’UE a augmenté régulièrement depuis 2005. Dans le même temps, l’intégration des économies de la rive sud de la Méditerranée dans les chaînes de valeur du Sud est hétérogène, mais particulièrement positive pour le Maroc. La part de valeur ajoutée israélienne et turque dans les exportations du Maroc et de Tunisie a augmenté. De plus, malgré le manque d’accords d’intégration économique couvrant les services, ce secteur a globalement participé plus intensément à l’intégration des pays de l’UpM (à l’exclusion de l’ex UE28) dans les chaînes de valeur régionales que les autres. Cependant, la contribution des services des pays de l’UpM à la valeur ajoutée de l’UE et du Royaume-Uni est restée modeste.

Les résultats de l’analyse mettent en évidence des initiatives politiques que pourraient prendre les pays de l’UpM de la rive sud de la Méditerranée et des Balkans occidentaux pour déployer tout le potentiel commercial de la région et profiter de l’intégration régionale :

  • Amélioration de la coopération frontalière avec les pays voisins, comme le reflètent les indicateurs de facilitation des échanges de l’OCDE, et plus grande automatisation des formalités commerciales pour réduire le coût actuel des échanges. L’amélioration des infrastructures de transport, évoquée au Chapitre 3 du présent rapport, est également incontournable pour réduire le coût des échanges, car à l’heure actuelle, les coûts et les délais de transport inhérents aux échanges avec les pays voisins des sous-régions de MENA et du Levant peuvent dissuader les entreprises envisageant d’entamer ou de développer des activités d’exportation. L’amélioration des infrastructures de transport permettrait également aux entreprises implantées dans des zones rurales et éloignées de se connecter aux réseaux nationaux et internationaux de production.

  • Promotion de l’accès aux financements pour favoriser l’internationalisation des entreprises. Le développement du secteur financier dans les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée devrait améliorer l’accès aux financements, en particulier pour les petites et moyennes entreprises (voir Chapitre 2).

  • L’amélioration du cadre général de commerce, y compris de l’accès au transport et aux financements, crée certes des conditions propices, mais demeure inefficace en l’absence de diversification industrielle. Par conséquent, les pays doivent continuer d’encourager et de faciliter la diversification industrielle, car la sous-exploitation du potentiel des échanges Sud-Sud semble s’expliquer notamment par une offre limitée ou inadéquate de produits.

  • Renforcement de la collaboration sur la réglementation des échanges, en particulier l’adoption d’accords plus ambitieux sur la vente de services et l’homogénéisation des procédures communes, par exemple l’adoption de règles d’origine communes. La facilitation des échanges de biens et services dans la zone euro-méditerranéenne devrait s’accompagner d’un plan d’action volontaire visant à lutter contre les répercussions socio-économiques sur les salaires, l’emploi et les déséquilibres régionaux au sein des pays.

Enfin, il est indispensable de disposer de statistiques fiables et saines pour informer la conception de politique commerciale efficace et suivre leur mise en œuvre et leur impact, ce qui garantit ensuite une utilisation efficace et ciblée des ressources stratégiques précieuses. À ce jour, nombre de pays de l’UpM de la rive sud de la Méditerranée ne disposent pas des statistiques nécessaires pour évaluer leur capacité à tirer profit des mégatendances de la mondialisation et de la digitalisation pour améliorer leur compétitivité internationale. Notamment, outre les pays de l’UpM membres de l’OCDE, seuls le Maroc et la Tunisie ont été récemment ajoutés à la base de données des échanges en valeur ajoutée (ÉVA) de l’OCDE, un outil statistique indispensable pour étayer les politiques visant à aider les pays à tirer profit des chaînes de valeur mondiales. Ce constat souligne qu’il est important que les pays de l’UpM redoublent d’efforts pour développer leurs données et les aligner sur les normes internationales.

Références

[7] Dadakas et al (2020), “Examining the trade potential of the UAE using a gravity model and a Poisson pseudo maximum likelihood estimator”, Vol. Journal of International Trade & Economic Development 29 (5): 619-646,, https://doi.org/10.1080/09638199.2019.1710551.

[5] Hahn and Auktor (2017), he effectiveness of Morocco’s industrial policy in promoting a national automotive industry,“ Discus, German Development Institute, https://ideas.repec.org/p/zbw/diedps/272017.html.

[1] OECD (2017), “Making trade work for all”, OECD Trade Policy Papers, No. 202, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/6e27effd-en.

[3] Rodrik (2018), What Do Trade Agreements Really Do?”, Journal of Economic Perspectives 23 (2):73-90,, http://, https://drodrik.scholar.harvard.edu/publications/what-do-trade-agreements-really-do.

[6] Santos and Tenreyro, (2006), “The Log of Gravity,” Review of Economics and Statistics 88 (4):641–658,, https://www.jstor.org/stable/40043025?seq=1#metadata_info_tab_contents.

[4] UNESCWA (2019), Towards modernisation of the Pan-Arab Free Trade Area Agreement, United Nations Organization, Economic and Social Commission for Western Asia,, https://www.unescwa.org/sites/www.unescwa.org/files/events/files/1901034.pdf.

[2] WTO (2007), World Trade Report: Six Decades of Multilateral Cooperation, What Have we Learnt?, WTO, https://www.wto.org/english/res_e/publications_e/wtr07_e.htm.

L’analyse des performances à l’exportation conduite dans ce chapitre repose sur la comparaison entre les niveaux d’échange déclarés et les prédictions d’un modèle gravitationnel structurel qui sert de niveau de référence. Le modèle gravitationnel des échanges part du principe que les échanges internationaux entre deux pays sont directement proportionnels au produit de leur taille et inversement proportionnels aux tensions commerciales entre eux. Les fondements théoriques de base de la « gravité structurelle » ont été définis dans les travaux fondateurs de Anderson et Van Wincoop (2003), qui étendent le cadre gravitationnel de base ou « naïf » pour tenir compte à la fois de la taille des marchés et du coût des échanges bilatéraux, mais surtout, du coût des échanges entre tous les partenaires commerciaux possibles (la « résistance multilatérale »).

Il faut souligner que l’exercice mené dans ce chapitre visait à déterminer le modèle offrant la meilleure efficacité prédictive des flux d’échanges, et non pas à enquêter sur les causes déterminant les échanges. Aux fins de cet exercice, il est considéré que les exportations d’un pays i vers un pays j dépendent :

  • de leur taille respective, représentée par leur PIB nominal (obtenu auprès des indicateurs du développement dans le monde de la Banque mondiale et des autorités nationales) ;

  • d’un ensemble de variables de coût des échanges, y compris la distance bilatérale, la contiguïté, l’existence d’une langue commune, la présence d’une monnaie commune et l’existence, à un moment donné, d’un lien colonial (toutes les données sont tirées de la base de données Gravity du CEPII) ;

  • de contrôles supplémentaires définis par les politiques commerciales, y compris l’adhésion à l’OMC (pour l’exportateur comme pour l’importateur), l’adhésion à l’UE et l’existence d’un accord commercial régional, données tirées de la base de données Gravity du CEPII pour les années 1995-2015, complétées par des données de l’OMC et de DESTA (institut sur le commerce international) pour les années 2016-2018.

En outre, un déclarant et un partenaire fictif ont été inclus pour tenir compte d’autres caractéristiques observables et non observables propres à chaque pays et susceptibles d’affecter les échanges bilatéraux, afin de représenter les termes de résistance multilatérale extérieure et intérieure, respectivement20.

Un ensemble de quatre modèles, évalués soit par la méthode des moindres carrés ordinaire (MCO), soit par le modèle Poisson de pseudo-maximum de vraisemblance (PPML), ont été testés pour trouver le modèle d’analyse comparative optimal :

logXijt= β0+β1 sizeit+β2 sizejt+β3trade costsij+trade agreementsijt + εijt [1] MCO

logXijt= β0+β1 sizeit+β2 sizejt+β3trade costsij+trade agreementsijt +di+dj+dt+ εijt [2] MCO

Xijt=expβ0+β1 sizeit+β2 sizejt+β3trade costsij+ trade agreementsijt *εijt [3] PPML

Xijt=expβ0+β1 sizeit+β2 sizejt+β3trade costsij+ trade agreementsijt +di+dj+dt*εijt [4] PPML

Xijt correspond aux exportations d’un pays i vers un pays j au cours de l’année t.

Un panel de données couvrant quelque 200 pays exportateurs et tous leurs partenaires commerciaux pour les années 1995 à 2018 a été utilisé pour estimer les coefficients du modèle gravitationnel. Les exportations bilatérales, déclarées en dollars US nominaux, sont tirées de la base de données Comtrade des Nations unies. La totalité de l’échantillon de données (et pas uniquement les données correspondant aux membres de l’UpM) a été utilisée pour estimer les coefficients de régression, en prenant la moyenne sur cinq ans pour les flux déclarés comme pour les prédictions de flux, afin de minimiser les erreurs de mesure et de prédiction.

Tableau d’annexe 1.B.1 présente les résultats des régressions calculées pour éclairer le choix du modèle de référence.

Le modèle 1, ajusté par une MCO log-linéaire, représente la spécification gravitationnelle « naïve » (ne tenant pas compte des termes de résistance multilatérale) et sert d’estimation de référence pour les coefficients, généralement conformes aux références bibliographiques empiriques sur le commerce. Le modèle 2 réplique le modèle 1 en intégrant les effets fixes (EF) du déclarant et du partenaire afin de représenter les termes de résistance multilatérale extérieure et intérieure, respectivement. Les effets fixes annuels sont également inclus dans le modèle 2. Les modèles 3 et 4 sont équivalents aux modèles 1 et 2, mais sont estimés à l’aide du modèle Poisson de pseudo-maximum de vraisemblance (PPML). La méthode PPML est largement considérée comme supérieure à la méthode MCO dans ce contexte de modèle gravitationnel, car elle permet d’obtenir des estimations de coefficients non biaisées en cas d’hétéroscédasticité et de fixer des flux d’échanges nuls (Santos and Tenreyro,, 2006[6]). Conformément aux références bibliographiques connexes, la taille des coefficients est bien plus petite avec la méthode PPML qu’avec la méthode MCO pour tous les modèles (voir (Santos and Tenreyro,, 2006[6]), (Dadakas et al, 2020[7])). Le modèle 4, estimé avec la méthode PPML, inclut l’ensemble complet des effets fixes et semble le modèle à privilégier, tant par sa plus grande efficacité prédictive (c’est celui qui obtient l’erreur quadratique moyenne (RMSE) la plus faible) que par ses paramètres cohérents avec la théorie et économiquement plausibles. Selon ces spécifications, l’existence d’un accord de libre-échange accroît les exportations de 69 % (exp(0,525)-1), tandis que l’adhésion à l’UE entraîne une augmentation supplémentaire de 44 %21. Cependant, le partage d’une monnaie commune ne semble pas avoir d’effet positif sur les exportations bilatérales22.

Pour en vérifier la robustesse, le modèle retenu a également été estimé sur les importations, dont on considère qu’elles sont généralement mieux déclarées du fait de la collecte des droits de douane. L’évolution des coefficients estimés était négligeable. Pour minimiser les lacunes de données dans cet exercice d’analyse comparative, les données relatives aux importations sont utilisées en miroir pour combler les lacunes de déclaration des exportations.

L’Annexe Figure 1.B.1 représente les exportations déclarées des membres de l’UpM (vers tous leurs partenaires commerciaux) ainsi que les prédictions du modèle gravitationnel retenu (modèle 4). Dans l’ensemble, le modèle correspond plutôt bien aux données. Il est intéressant de noter que les exportations déclarées dépassaient régulièrement les prédictions du modèle pour les sept dernières années. Ce résultat s’explique principalement par les échanges intra-UE, qui ont largement dépassé les valeurs de référence au cours de la dernière période. Les exportations intra-UE étaient inférieures de 15 % aux prédictions en 1995, ont atteint leur plein potentiel vers 2006-2007 et dépassaient d’environ 20 % les prédictions en 2018. Les pays de l’UpM non membres de l’ex UE28 ont également dépassé les prédictions du modèle ces dernières années, mais comme leurs exportations représentent seulement 5 % du total des flux de la zone UpM, leur poids dans l’agrégat est limité.

Une fois le modèle gravitationnel optimal retenu, les performances relatives à l’exportation ont été calculées en faisant le ratio entre les exportations réelles d’un pays i et les prédictions d’exportation vers un pays j :

Performances relatives à l’exportation ij = exportations réelles ij / exportations prévues ij

Ensuite, pour faciliter l’interprétation du résultat, un indice des performances standardisées relatives à l’exportation (SREP)23 a été calculé comme suit :

Performances standardisées relatives à l’exportation =

(performances relatives à l’exportation ij -1) / (performances relatives à l’exportation ij +1)

L’indice SREP varie entre (−1, 1). Un indice SREP positif implique des échanges bilatéraux déclarés supérieurs aux prédictions du modèle, ce qui signifie que les exportations ont déjà atteint (ou dépassé) les niveaux prévus. Au contraire, un indice SREP négatif indique que, d’après le modèle, le pays exportateur a le potentiel de développer ses échanges avec un partenaire donné.

Pour minimiser à la fois les erreurs de mesure des données déclarées et les erreurs de prédiction, la moyenne sur cinq ans des valeurs prédites et déclarées a été retenue pour calculer les indicateurs de performances relatives à l’exportation.

L’analyse des flux d’échanges de marchandises dans ce chapitre s’appuie sur les regroupements de marchandises selon la Classification type pour le commerce international, Révision 3 (CTCI rév. 3), une classification statistique en fonction des produits largement utilisée à des fins d’analyse économique.

L’agrégat total des marchandises est ventilé entre quatre grands groupes de produits, à savoir les produits agricoles, les hydrocarbures et produits miniers, les articles manufacturés et autres. Ils sont ensuite ventilés en groupes de produits plus détaillés, selon la structure hiérarchique suivante :

Notes

← 1. Plus de 6 billions d’USD en 2018 (base de données Comtrade).

← 2. OMC (2018), Présentation factuelle : Accord arabo-méditerranéen de libre-échange (« Accord d’Agadir ») entre l’Égypte, la Jordanie, le Maroc et la Tunisie (marchandises) [les signataires]) : rapport du secrétariat, https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/SS/directdoc.aspx?filename=r:/WT/COMTD/RTA11-1.pdf&Open=True.

← 3. https://ec.europa.eu/neighbourhood-enlargement/countries/detailed-country-information/turkey_en

← 4. La Turquie a conclu des accords commerciaux bilatéraux avec l’Albanie, l’Autorité palestinienne, la Bosnie-Herzégovine, l’Égypte, Israël, Monténégro, le Maroc et la Tunisie (Annexe 1. A, Tableau 1.A.1).

← 5. Programme de l’ITC sur les mesures non tarifaires https://ntmsurvey.intracen.org/ntm-survey-data/country-analysis/

← 6. Programme de l’ITC sur les mesures non tarifaires, pays couverts et date de publication de l’enquête : Égypte (2016), Jordanie (2018), Maroc (2012), Autorité palestinienne (2015), Tunisie (2014).

← 7. Pour plus d’informations sur les MNT : Classification internationale des mesures non tarifaires

← 8. https://ec.europa.eu/neighbourhood-enlargement/policy/glossary/terms/sap_en

← 9. https://www.oecd.org/industry/ind/tiva-2018-flyer.pdf (en anglais)

← 10. L’Accord général sur le commerce des services (AGCS) : objectifs, couverture et disciplines (en anglais) : https://www.wto.org/english/tratop_E/serv_e/gatsqa_e.htm.

← 11. Base de données ILOSTAT, https://ilostat.ilo.org/fr/.

← 12. Données sur les comptes nationaux des pays de l’OCDE et de la Banque mondiale.

← 13. Les ÉVA couvrent 36 activités économiques distinctes

← 14. L’« ex UE28 » désigne les 27 États membres actuels de l’UE plus le Royaume-Uni.

← 15. Valeur ajoutée selon les prix de base. Source : base de données des échanges en valeur ajoutée (ÉVA) de l’OCDE, décembre 2018.

← 16. Cet indicateur est également connu sous le nom de potentiel des exportations dans les références bibliographiques empiriques sur le commerce.

← 17. Un déclarant et un partenaire fictif sont également inclus pour tenir compte d’autres caractéristiques observables et non observables propres à chaque pays et susceptibles d’affecter les échanges bilatéraux.L’Annexe 1.B décrit les spécifications du modèle gravitationnel utilisé dans cet exercice, ainsi que les indicateurs utilisés pour l’analyse.

← 18. Antrás et de Gortari (2020) ont établi dans « On the Geography of Global Value chains » que l’élasticité des flux d’échanges par rapport à la distance est beaucoup plus forte pour les produits finis que pour les produits intermédiaires.

← 19. L’indice SREP se calcule comme suit : (indice des performances à l’exportation -1) / (indice des performances à l’exportation +1). L’indice varie entre (−1, 1). Un indice SREP positif implique des échanges bilatéraux déclarés supérieurs aux prédictions du modèle, tandis qu’un indice négatif implique le contraire. Voir Annexe 1.B pour en savoir plus.

← 20. La résistance multilatérale extérieure enregistre le fait que les exportations d’un pays dépendent aussi des tensions commerciales avec toutes les destinations potentielles, et pas seulement du coût inhérent à un importateur potentiel donné. De même, la résistance multilatérale intérieure enregistre le fait que les importations d’un pays dépendent du coût des échanges pour les différents fournisseurs potentiels.

← 21. Comme les partenaires fictifs ne sont pas exclusifs, l’existence d’un accord de libre-échange est toujours 1 quand UE = 1, ce dernier mesure donc l’effet marginal de l’adhésion à l’UE étant donné qu’un accord commercial était déjà en vigueur.

← 22. La direction et le degré de signification de l’effet d’une monnaie commune sur les échanges sont réputés très sensibles pour l’ensemble des effets fixes utilisés. Voir, entre autres, Mayer et al. (2018).

← 23. Suivant la notation de l’indice du potentiel standardisé d’exportation, tel que documenté dans Benedictis et Vicarelli (2005).

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