7. L’intégration des questions d’égalité femmes-hommes dans la gouvernance publique au Maroc

L’égalité entre les femmes et les hommes est une question de politique publique complexe, transversale et multidimensionnelle qui nécessite la participation et la coordination d’un ensemble d’acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux.

Au Maroc, le principe d’égalité entre femmes et hommes est consacré par l’article 19 de la Constitution de 2011 (Royaume du Maroc, 2011[1]), qui dispose : « l'homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent titre et dans les autres dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le Maroc et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes du Royaume et de ses lois ». En outre, le Maroc a ratifié plusieurs conventions internationales pour la protection des droits des femmes, notamment la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF) ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. L’examen du dernier rapport périodique du Maroc par le Comité CEDEF a eu lieu en juin 2022.

Le renforcement de l’égalité femmes-hommes et la participation des femmes dans la société est l’un des enjeux majeurs du Maroc moderne (Gouvernement du Maroc, 2021[2]). Le Maroc reconnaît par ailleurs que l’égalité femmes-hommes est tout d’abord une condition nécessaire pour une société ouverte, cohésive et solidaire (Gouvernement du Maroc, 2021[2]). La parité femmes-hommes dans les processus décisionnels est également indispensable pour que les priorités et les besoins de l’ensemble de la société soient justement représentés, permettant aussi, à terme, de renforcer la confiance des citoyennes et citoyens en leurs institutions (OCDE, 2016[3]). Les politiques publiques visant à mieux intégrer les femmes dans l'économie peuvent également contribuer à accroître le revenu global et à améliorer sensiblement les perspectives de croissance du Maroc (Fonds Monétaire International, 2017[4]).

L’intégration de la perspective d’égalité femmes-hommes dans les politiques publiques est particulièrement importante pour faire progresser l’égalité des sexes au Maroc. Le Maroc a été précurseur dans la région de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient dans ce domaine, en instaurant la budgétisation sensible au genre (BSG) au sein de son gouvernement dès 2002 (Ministère de l'Economie et des Finances, 2017[5]).

Cependant, les efforts visant à intégrer une perspective d’égalité femmes-hommes dans les politiques publiques marocaines peuvent être renforcés, afin de rendre les politiques publiques et les pratiques budgétaires plus transparentes et efficaces. De plus, recourir à une approche institutionnalisant l’égalité permettrait de réduire les inégalités sociales, d’augmenter la mobilité sociale à l’échelle de l’ensemble de la société, notamment via une approche intersectionnelle, qui prend également en compte le niveau de pauvreté, les disparités territoriales, les populations marginalisées, et autres facteurs importants. De manière générale, les économies sont plus résilientes, productives et inclusives lorsqu'elles réduisent les inégalités entre les sexes et soutiennent activement la participation égale des femmes dans toutes les sphères de la société (OCDE, 2019[6]).

Les femmes ont été touchées de manière disproportionnée par les retombées économiques et sociales de la pandémie de COVID-19, principalement parce que la pandémie a exacerbé les inégalités structurelles et les normes d’égalité femmes-hommes préexistantes (OCDE, 2021[7]). Au Maroc, 25,4% de la population1 considère avoir eu des conflits liés à l’égalité femmes-hommes avec les personnes avec lesquelles elles étaient confinées, et 34% ont eu des conflits avec leur conjointe ou conjoint2 (Haut-Commissariat au Plan, 2020[8]). En réponse, le ministère de la Solidarité, de l'Insertion Sociale et de la Famille (MSISF) a pris plusieurs mesures, notamment en soutenant le lancement d’une plateforme de soutien téléphonique aux femmes victimes de violences. Au Maroc, les conséquences de la pandémie de COVID-19 ont aussi eu un impact sur la santé des femmes. L'accès des femmes aux soins de santé a été réduit, notamment en raison des limitations de mobilité imposées par les mesures de confinement. Ainsi, 30% des femmes ne pouvaient plus se rendre dans les centres de santé génésique. Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a également constaté que les femmes étaient davantage exposées au risque de contracter le virus, notamment du fait de leur surreprésentation dans le secteur de la santé : elles représentent 58% du personnel médical et 67% du personnel paramédical, comme le personnel infirmier et technicien (Haut-Commissariat au Plan, 2021[9]). Les disparités sociales créées par la pandémie demandent globalement une réponse de la part des gouvernements, afin d’éviter que les inégalités existantes ne s’accentuent davantage. Cela étant, et compte tenu de l’importance déjà portée par le gouvernement à la problématique de l’égalité au Maroc, le gouvernement marocain peut considérer disposer d’une dynamique positive de promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et s’assurer de poursuivre les efforts en cours et de les intensifier.

Selon les données du HCP, les femmes représentaient 50,2% de la population marocaine en 2020. La population de femmes s’élèvera à 19,1 millions en 2026, contre 18 millions en 2020, équivalant un taux de croissance démographique de 0,9% par année (Haut-Commissariat au Plan, n.d.[10]; Gouvernement du Maroc, 2020[11]). Cela aura pour conséquence l’augmentation de plus d’un million de femmes en âge de travailler d’ici à 2026 (13,5 en 2020 à 14,7 en 2026). L’évolution démographique des femmes au Maroc se traduira également par des changements dans la structure par âge de la population entre 2020 et 2025-26. Les tranches d’âge des 15-24 ans, 25-34 ans et 25-34 ans resteront stables, tandis que les tranches d’âge des 35-44 ans et 45-65 ans connaitront une augmentation3. Pleinement conscient des progrès réalisables, le gouvernement du Maroc a inclus l'égalité entre les femmes et les hommes parmi ses priorités phares pour le renforcement de la gouvernance et de l'administration. À cet effet, le Programme Gouvernemental 2021-26 (Gouvernement du Maroc, 2021[12]) et le Nouveau Modèle de Développement (NMD) (Gouvernement du Maroc, 2021[2]) comprennent des mesures et objectifs clairs tendant à l'autonomisation économique des femmes au cours des prochaines années. En particulier, le Maroc a pris l’engagement d’augmenter le taux d’activité des femmes à 45% d’ici 2035, impliquant des efforts renforcés pour la création d’emplois supplémentaires. En sus, des emplois additionnels devront être créés pour les femmes en situation de chômage.

Les cadres et outils de l’OCDE peuvent être considérés comme des instruments privilégiés pour accompagner le gouvernement marocain vers une meilleure intégration des questions d’égalité femmes-hommes dans la gouvernance publique. La Recommandation de 2015 du Conseil de l'OCDE sur l'égalité femmes-hommes dans la vie publique (OCDE[3]) plaide en faveur de l’adoption et la mise en œuvre d’une stratégie à l’échelle de l’ensemble de l’administration et d’une prise en compte systématique et effective de la problématique femmes-hommes dans ses activités. Pour ce faire, elle recommande la mise en place de mécanismes solides de responsabilisation et pérennisation des initiatives dans le domaine de l’égalité, ainsi que d’outils et indicateurs renforçant la prise de décision inclusive. Selon la Recommandation, rendre les institutions étatiques plus sensibles aux questions d’égalité des femmes et des hommes passe avant tout par une meilleure compréhension de la manière dont les politiques, pratiques et processus étatiques peuvent perpétuer les inégalités existantes.

Sur la base de cette Recommandation, l’OCDE a développé une boîte à outils pour guider les gouvernements dans l’intégration et l’application concrète du principe de l’égalité femmes-hommes dans leurs pratiques et politiques. Des bonnes pratiques et outils d'auto-évaluation aident ainsi les gouvernements à évaluer les forces et faiblesses de leurs politiques d’égalité, permettant aux décideuses et décideurs politiques de fixer des priorités et objectifs d'amélioration. Plus généralement, le but de cet outil est d’aider à susciter une transformation systémique qui inclut l’ensemble des institutions et des processus de décision publics. Cette transformation systémique peut permettre de remettre en question les mentalités qui sous-tendent les rôles et comportements sexués profondément enracinés dans la société et parvenir à une égalité de fait entre les femmes et les hommes.

Dans son effort pour soutenir les pays membres et partenaires de l’OCDE à combler les disparités entre les femmes et les hommes au moyen de réformes structurelles et de gouvernance, l’OCDE a publié le Cadre d’action pour une gouvernance publique intégrant la problématique des genres en 2021 (OCDE[13]). Ce Cadre intègre la problématique de l’égalité femmes-hommes et s’appuie entre autres sur la Recommandation de l’OCDE de 2015 (Encadré 7.1). Le Cadre d’action sert de socle pour une évaluation globale et uniforme du degré de sensibilité à l’égalité dans la décision et gouvernance publique. Il prévoit d'évaluer le degré de prise en compte de l’égalité femmes-hommes dans l’action publique ainsi que dans des mécanismes et outils de gouvernance publique au sens large. La composition et la culture du secteur public sont aussi évaluées au regard d’un équilibre entre les femmes et les hommes. L'objectif de ce Cadre est d'inclure les préoccupations de la population dans la prise de décision, sur la base de leur sexe et en tenant compte d'autres facteurs liés à leur identité.

Comme préconisé par les piliers clés de la Recommandation de 2015, l'État marocain a entrepris divers programmes et actions pour parvenir à l’égalité entre les sexes. Le gouvernement démontre ainsi un engagement à adopter une approche politique globale visant à combler les lacunes en matière d'accès aux services et infrastructures, d'opportunités et de ressources que connaissent les femmes. La vision du gouvernement marocain se traduit par la simplification de procédures de gestion interne, une administration renforcée, autonome, digitalisée et transparente au service des citoyennes et citoyens, accompagnée par un système d’évaluation et suivi. L’autonomisation juridique et institutionnelle des femmes fait également partie intégrante des valeurs constitutionnelles du Maroc. L’objectif est de soutenir une réforme systémique, qui touche l’ensemble des institutions et des secteurs d’activités afin de favoriser un accès équitable des femmes et des hommes aux infrastructures et aux services publics.

Ce chapitre est consacré à l’examen de l’intégration de la perspective d’égalité femmes-hommes dans la gouvernance publique au Maroc. Il est réalisé en coopération avec les partenaires marocains. Plus spécifiquement, il examine le rôle des Services du Chef du gouvernement (SCG) et d’autres acteurs centraux de l’administration. Il analyse également la planification stratégique ainsi que la coordination entre les différentes parties prenantes. Pour relever les défis auxquels le gouvernement marocain fait face, des recommandations concrètes sont proposées par l’OCDE. Celles-ci visent à soutenir et renforcer les efforts déployés en faveur de l'égalité femmes-hommes dans les politiques publiques marocaines.

Cette section examine le cadre stratégique visant à promouvoir l'égalité femmes-hommes au Maroc. Est analysée la manière dont les objectifs d’égalité femmes-hommes sont intégrés dans les documents clés de politiques publiques au Maroc. La façon dont les ministères de tutelle intègrent les objectifs d’égalité femmes-hommes dans leurs documents stratégiques sectoriels fait aussi l'objet d’une analyse spécifique.

La planification stratégique est un outil puissant pour mettre en œuvre la politique d'égalité femmes-hommes d'un gouvernement. Elle fournit une approche systématique, structurée et coordonnée de ses objectifs. En effet, les plans stratégiques qui intègrent des considérations d'égalité femmes-hommes peuvent soutenir les gouvernements en établissant une justification claire et en définissant les priorités, les délais, les objectifs, les cibles et les résultats attendus. Pour être efficace, le plan stratégique doit refléter les besoins des différents groupes de la société. Cela passe par un engagement collectif et une appropriation du plan par tous les acteurs gouvernementaux, afin d'intégrer les objectifs d'égalité aux niveaux ministériel et programmatique (OCDE, 2018[14]). L’importance d’une action gouvernementale proactive a été mise en exergue par la pandémie de COVID-19, qui a également révélé en quoi l'intégration d'une perspective d’égalité femmes-hommes dans la planification stratégique peut contribuer à combler les écarts systémiques entre les sexes. Mettre systématiquement en lumière les inégalités exacerbées par la pandémie peut contribuer à rendre la politique publique de l’égalité plus résiliente face aux crises futures. Au contraire, l’absence d'efforts concertés visant à intégrer une perspective d’égalité dans les politiques de relance peut risquer de creuser davantage les inégalités entre les sexes (OCDE, 2021[7]).

La planification stratégique permet également l'intégration des perspectives d’égalité femmes-hommes dans tous les domaines de l'élaboration des politiques. Elle suit une double approche, entendant dans un premier temps intégrer l’égalité femmes-hommes dans la conception, l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation de toutes les politiques publiques. Dans un second temps, elle vise à adopter des actions ciblées pour éliminer les discriminations fondées sur le sexe et permettre des progrès dans des domaines spécifiques, tels que l’égalité salariale par exemple.

Le Maroc a déployé des efforts considérables pour intégrer, à moyen terme, une vision pangouvernementale de l'égalité des sexes dans plusieurs documents stratégiques, démontrant un engagement important du leadership envers cette problématique.

Au Maroc, l’intégration de la problématique d’égalité femmes-hommes est inscrite parmi les réformes gouvernementales prioritaires depuis 2002. En matière de planification stratégique, les principaux axes de réforme de l’administration sur l’intégration de l’égalité femmes-hommes sont les suivants :

  • Le Programme Gouvernemental 2021-26 est un plan stratégique général, centré autour de trois axes : le renforcement des fondements sociaux de l’État, la relance de l’économie et la bonne gouvernance dans la gestion des affaires publiques. Les cinq principes du plan sont l’amélioration du choix démocratique, l’institutionnalisation de la justice sociale, l’élargissement de la classe moyenne tout en favorisant son pouvoir d’achat et d’épargne, le capital humain au centre de l’opérationnalisation du nouveau modèle de développement et les politiques publiques axées sur la dignité du citoyen. Ses objectifs relatifs à l’égalité de sexes se concentrent sur l’augmentation du taux d’activité des femmes et de généraliser les allocations familiales fixées à 300 dirhams par mois pour chaque enfant dans la limite de 3 enfants.

  • Le NMD est un cadre stratégique général qui définit les ambitions du pays en matière de création de capital et d'emplois, d'accroissement des compétences, d'inclusion et de consolidation du lien social, de compétitivité et d'environnement, en fixant les priorités du gouvernement à l'horizon 2035. L’égalité femmes-hommes et la participation des femmes dans la société occupent une place de choix dans le NMD. Un chapitre entier du NMD est ainsi dédié à l’autonomisation des femmes et à l’égalité femmes-hommes. Son objectif est d’augmenter substantiellement la participation des femmes dans les sphères économiques, politiques et sociales. Pour y parvenir, le Maroc a défini trois leviers prioritaires. Premièrement, lever les contraintes sociales qui freinent la participation des femmes. À cet effet, le Maroc a pris des mesures pour concilier les vies professionnelles et personnelles en renforçant les droits des parents, notamment via la prolongation du congé maternité (de 12 à 14 semaines) et du congé paternité (de 3 à 15 jours). Le deuxième levier du NMD est le renforcement des dispositifs d’éducation, de formation, d’insertion, d’accompagnement et de financement destinés aux femmes. Le troisième levier se concentre sur la promotion des valeurs liées à l’égalité et vise à assurer une tolérance zéro envers toutes les formes de violences et de discrimination à l’égard des femmes.

  • Les plans gouvernementaux pour l’égalité PGE I (2012-16), puis PGE II (2017- 21) ont été initiés en 2012, en tant que cadres stratégiques de convergence des différents programmes publics dans le domaine de l’égalité femmes-hommes. Ces plans, initiés par le département chargé de l’Égalité, et adoptés par le Conseil du Gouvernement, servent également de mécanismes permettant la déclinaison territoriale des dispositions de la constitution. Afin de traduire les engagements gouvernementaux en matière d’égalité, le MSISF a lancé un processus pour l’élaboration du PGE III, en concertation avec toutes les parties prenantes. Le suivi et la coordination du PGE III seront assurés par le MSISF, qui aspire à une action de convergence harmonisée entre les différents départements ministériels. Selon les informations livrées par le Maroc, le PGE III visera à décliner les orientations et engagements du programme gouvernemental 2021-26 sur l’égalité, la lutte contre les violences et les discriminations fondées sur le genre. Le cadre stratégique du PGE III a été adopté lors de la première réunion de la Commission nationale pour l’égalité des sexes et l’autonomisation de la femme, le 17 mars 2023, sous la présidence du Chef du gouvernement. Le cadre stratégique du PGE III adopté est constitué de trois axes, pour le moment provisoires : autonomisation et leadership, protection et bien-être et droits et valeurs. Chaque axe peut être décliné en plusieurs programmes. Les trois programmes actuellement retenus sont : 1.1 Autonomisation économique et leadership (axe 1), 2.1 Un environnement protecteur des femmes (axe 2) et 3.1 Promotion des droits et lutte contre les discriminations (axe 3).

  • Le programme 1.1 du PGE III intitulé « Autonomisation économique et leadership4 » constitue une réponse nationale pour promouvoir la situation économique des femmes et des filles. Cherchant notamment à augmenter le taux d’activité des femmes, ce programme a été conçu en alignement avec les orientations du NMD, qui prévoient une augmentation du taux d'activité des femmes à 45% en 2035, notamment à travers la promotion d’un accès égal des femmes au travail décent et le développement des opportunités professionnelles. Au moment du présent rapport, le MSISF avait lancé l’actualisation et l’adaptation des indicateurs et des engagements du programme, via un plan de budgétisation des mesures prioritaires du programme, afin de concrétiser les engagements des départements, avec des plans d’actions et indicateurs de résultat et pouvoir les intégrer dans le projet de loi de finances de 2024. Certaines mesures prioritaires ont été intégrées dans le projet de loi de finances de 2024. Lors de la rédaction du présent rapport, le programme « Autonomisation économique et leadership » définissait les domaines d’intervention suivants : éducation et formation, emploi & leadership, entrepreneuriat et économie sociale et solidaire, soutien aux femmes rurales et femmes en situation de précarité, et environnement incitatif et durable.

  • Dans le cadre de la mise en œuvre du Programme Gouvernemental 2021-26, le MSISF a développé une nouvelle stratégie « Green Inclusive Smart Social Régénération » (GISSR) 2021-26, qui vise à créer une nouvelle génération de services sociaux au profit des familles et des personnes en situation difficile. La stratégie GISSR accorde une attention particulière à la promotion et la réalisation de l’égalité femmes-hommes à travers son deuxième pilier. Ce dernier est consacré à l’égalité, l’autonomisation et au leadership. Il détermine plusieurs grands axes stratégiques comme suit : promotion des droits des femmes, lutte contre la violence à l’égard des femmes, lutte contre les stéréotypes de genre et le sexisme, autonomisation socioéconomique et leadership. Cette stratégie constitue actuellement le cadre de référence du MSISF par rapport à ses domaines d’intervention et particulièrement en matière de promotion de l’égalité entre les sexes et la lutte contre les discriminations, y compris pour l’élaboration du PGE III et du programme « Autonomisation économique et leadership ».

  • La stratégie d’institutionnalisation de l’égalité des sexes dans la Fonction publique (SIESFP) (2016-20), menée par le Ministère de la Transition Numérique et de la Réforme de l'Administration (MTNRA), est l’axe principal de réforme de l'administration, qui vise en premier lieu le capital humain, premier levier de performance de l'administration. Cette stratégie s’articule autour de trois axes : la consolidation des structures dédiées à la promotion de l’égalité femmes-hommes dans la fonction publique, l’intégration de l’égalité femmes-hommes dans le système juridique et son ancrage dans les pratiques, et les comportements et la culture d’organisation de l’administration.

  • Les stratégies ministérielles et sectorielles

Le Tableau 7.1 présente une vue d'ensemble de la planification stratégique liée à l'égalité femmes-hommes, y compris les entités responsables et les principaux objectifs.

Un nombre croissant de pays membres de l’OCDE ont adopté des cadres stratégiques pour fixer des objectifs, résultats et cibles clairs en matière d’égalité femmes-hommes. Le modèle le plus fréquent parmi les pays de l’OCDE consiste en l’établissement d’objectifs visant l’égalité des sexes dans les plans gouvernementaux généraux. Toutefois, l’adoption de cadres visant l’égalité femmes-hommes et autres objectifs sectoriels spécifiques est aussi une pratique courante au sein des pays de l’OCDE. Une étude réalisée par l’OCDE a permis d’identifier qu’entre 2017 et 2022, un nombre croissant de pays de l'OCDE ont adopté des cadres stratégiques pour fixer des objectifs, des résultats et des cibles clairs en matière d'égalité entre les femmes et les hommes. Les 30 pays interrogés ont déclaré avoir mis en place un cadre stratégique actif consacré à l'égalité entre les femmes et les hommes - soit sous la forme d'une stratégie globale (27 pays interrogés), soit sous la forme d'une stratégie ciblée sur des questions spécifiques d'égalité entre les femmes et les hommes (3 pays interrogés). Au moins 5 répondants ont adopté un cadre stratégique pangouvernemental pour la première fois, tandis que 19 répondants ont introduit des engagements renouvelés ou élargis depuis 2017. Le Maroc se place, en termes généraux, dans la continuité de la pratique des pays de l’OCDE. Des exemples plus détaillés de pratiques en Colombie et au Canada sont discutés ci-dessous (Encadré 7.2) (OCDE, 2022[15]). Une analyse plus poussée est nécessaire pour mieux évaluer les ressources et capacités nécessaires à la mise en œuvre complète de ce cadre stratégique au Maroc.

Le Maroc continue d’accroître ses efforts pour développer des stratégies robustes, définissant des objectifs répondant aux attentes de la population en matière d’égalité femmes-hommes. Les réformes réalisées ces dernières années dans ce domaine offrent un environnement propice pour que le gouvernement marocain puisse accomplir les changements escomptés en matière d’égalité femmes-hommes, à la fois dans son cadre juridique et son édifice institutionnel. Une attention particulière est réservée à la référence à l’égalité des sexes dans le NMD, qui montre un engagement significatif et durable de la part du gouvernement à réduire les inégalités.

Le NMD et le Programme Gouvernemental 2021-26 misent fortement sur l’autonomisation économique des femmes avec des objectifs précis, élément clé pour réduire les inégalités et la marginalisation de la femme dans la société marocaine. Cependant, ces cadres stratégiques pourraient être déclinés plus précisément à travers des documents de référence prévoyant des mécanismes de mise en œuvre plus détaillés, et viser également un renforcement de la lutte contre les formes de discriminations fondées sur le sexe, qui restent marquées au Maroc, particulièrement au sein de la famille (OCDE, 2023[16]).

Dans ce contexte, le gouvernement du Maroc souligne l’existence d’un plan autonome d’intégration de la dimension de d’égalité femmes-hommes pouvant donner un nouvel élan au gouvernement marocain pour mieux mettre en œuvre l’égalité des sexes. À cette fin, les révisions et évaluations régulières du PGE donnent la possibilité de reformuler les axes prioritaires en fonction du contexte. À titre d’exemple, la note de cadrage du PGE III, s’appuie sur les conclusions et recommandations de l’évaluation du PGE II.

La planification stratégique ne se limite pas uniquement aux plans nationaux et semble gagner du terrain au sein de ministères. Récemment, le MISFS a adopté la stratégie GISSR, avec l’ambition de contribuer à la réalisation des objectifs du programme gouvernemental 2021-26, en pilotant l’action en matière d’égalité sociale. Cette stratégie contient des objectifs au sein de plusieurs piliers, budgétés jusqu’en 2026, dont l’un dédié à l’autonomisation et au leadership des femmes. De plus, plusieurs ministères ont déclaré avoir développé leur propre stratégie ministérielle afin de mieux cibler l’égalité femmes-hommes, déclinant les axes, objectifs, actions et indicateurs du plan PGE II. Cette phase a été précédée par la réalisation de diagnostics des inégalités entre femmes et hommes appelés analyses genre sectorielles (AGS), au profit de 15 départements ministériels. Ces AGS ont permis d’identifier les inégalités existantes dans le secteur, qui constituent le fil conducteur des actions contenues dans les plans d’action adoptés par les ministères respectifs. Néanmoins, il est important d’assurer que ces stratégies fonctionnent en cohésion avec les autres ministères concernés pour parvenir à l’impact escompté. Dans ce sens, il est important de veiller à la cohérence entre les stratégies ministérielles et leurs plans d’action avec les plans nationaux et de systématiser l’évaluation de la mise en œuvre des différentes stratégies sectorielles.

La planification stratégique visant l’intégration d’une perspective de genre est une première étape importante. Également importantes, la phase de mise en œuvre et les réformes afférentes nécessitent une organisation et des ressources adéquates. Il est donc essentiel d’envisager un cadre contraignant à l’échelle du gouvernement, par lequel les ministères investissent pour la mise en place de mécanismes et ressources nécessaires en alignement avec les objectifs nationaux. À cet effet, l’évaluation ex post systématique des PGE a permis au Maroc d’adapter les plans subséquents aux nécessités et défis émergents, afin d’augmenter leur impact.

La planification stratégique du Maroc peut bénéficier de la prise en compte des résultats de mécanismes internationaux tel que le rapport national du Maroc relatif à la CEDEF. Ce rapport exhaustif donne une vue d'ensemble des progrès réalisés au Maroc en matière d'élimination des discriminations à l'égard des femmes, y compris le cadre stratégique mis en place. Les recommandations énoncées dans ce rapport peuvent se révéler précieuses pour l'élaboration des plans futurs, y compris le PGE III (Organisation des Nations unies, 2022[17]). La Stratégie GISSR va dans ce sens, en prévoyant notamment l’identification des expériences réussies au niveau international, et de capitaliser sur ces dernières pour le développement du volet social marocain.

Ce processus d’évaluation a été mis en place pour le PGE I (2012-16), tandis que l’évaluation du PGE II a été finalisée et que le PGE III est en cours de finalisation.

En 2020, l’idée a été lancée de mettre en place un PMO (Project Management Office), dans le but de pouvoir faciliter le pilotage, le suivi et l’évaluation du PGE II. Cet outil vise à renforcer la coordination avec les secteurs ministériels et de gérer plus efficacement les programmes et les projets contenus dans le PGE II. Cette évolution atteste de la volonté du gouvernement de piloter et évaluer les plans PGE afin de pouvoir les adapter au fur et à mesure aux besoins.

En 2021, le MSISF a lancé une évaluation finale du PGE II, avec un rapport comprenant aussi des éléments liés à la pandémie de COVID-19. Ce rapport a permis d’apprécier le degré de réalisation des résultats escomptés selon les indicateurs définis, et de fournir des éléments d’orientation pour la prochaine politique publique pour l’effectivité de l’égalité, la parité et le genre (PGE III). Dans ce contexte, une attention particulière a été portée à la mise en œuvre des Objectifs de Développement Durable (ODD). L’objet de l’évaluation était de disposer d’une analyse globale et indépendante de la performance du PGE II. Cette dernière a été réalisée en plusieurs phases, dont une première de concertation avec un grand nombre de parties prenantes issues de plusieurs secteurs, y compris de la société civile et du secteur privé.

Ainsi, il est crucial que le PGE III soit développé sur la base des résultats de l’évaluation du PGE II. Il devra également correspondre aux ambitions stratégiques du NMD et autres stratégies gouvernementales pertinentes, tout en répondant aux effets de la pandémie de COVID-19. Au niveau global, la crise a mis en exergue les inégalités entre les sexes. Les femmes étaient en effet moins présentes dans les processus décisionnels, et peu de pays ont intégré une perspective d’égalité femmes-hommes dans leur prise de décision d'urgence (OCDE, 2021[7]).

Le processus de finalisation du PGE III est en cours. Des concertations avec plusieurs acteurs, notamment les départements gouvernementaux, ont été organisées sur la base d’une note de cadrage. Cette note définit les axes stratégiques et transversaux, en alignement avec les dispositions du programme du gouvernement 2021-26 et la stratégie GISSR tout en tenant compte des stratégies sectorielles des différents départements. Le PGE III devrait être finalisé et adopté en juin 2023.

Les efforts du Maroc pour faire converger son action en matière de développement social se matérialisent dans la Stratégie GISSR, qui représente une avancée en matière d’inclusion du genre dans la planification stratégique. La mise en œuvre de ce plan de travail ambitieux est prévue à travers l’élaboration d’une feuille de route et la mise sur pied d’une task force, cependant non établies au moment du présent rapport. Selon les informations partagées par le Maroc, les projets inscrits dans la Stratégie GISSR sont budgétisés dans le cadre du budget sectoriel du MSISF et dans le cadre des programmes de coopération.

Dans le cadre de la mise en œuvre de la Stratégie GISSR, une attention particulière devrait être portée à la cohérence avec les autres cadres stratégiques existant en matière d’égalité des sexes, notamment en raison de leurs spectres et horizons temporels différents. Il est important de veiller à ce que les mécanismes établis fonctionnent de manière complémentaire, notamment afin d’assurer la coordination des efforts entrepris par le gouvernement du Maroc.

En outre, la stratégie prévoit un large champ de mesures, nommées « chantiers », telles que l’harmonisation des textes législatifs en matière d’égalité des genres et l’institutionnalisation de l’approche genre dans la planification des programmes et des politiques publiques aux niveaux national et territorial. Ces mesures bénéficieraient toutefois d’un plan de mise en œuvre spécifique, détaillant, par exemple, un agenda précis et des cibles pour harmoniser les textes législatifs pertinents et institutionnaliser l’approche genre dans la planification des programmes d’ici à 2026. Ainsi, le Maroc bénéficierait du développement d’une feuille de route incluant des étapes et indicateurs.

Pour assurer la concrétisation de la Stratégie, il est crucial d’impliquer les ministères pertinents et autres parties prenantes. Le centre du gouvernement (CdG) devrait également idéalement détenir un rôle clé, afin d’assurer l’encrage de la stratégie dans la politique publique marocaine. Le Maroc souligne la vocation de la Stratégie à améliorer la convergence de l’action du ministère avec ses partenaires gouvernementaux, mais aussi avec les institutions indépendantes comme l’Institut national de formation aux droits de l'Homme. La Stratégie vise par ailleurs à renforcer le dialogue avec la société civile.

Le MSISF prévoit un suivi de la Stratégie GISSR, élément clé de la planification stratégique. Toutefois, des précisions quant à un tel mécanisme sont à apporter : type de suivi (interne ou externe), parties impliquées, fréquence du suivi et redevabilité. Par ailleurs, des cibles claires à atteindre pour chaque mesure sont nécessaires pour réaliser un suivi objectif de la Stratégie GISSR. C’est pourquoi le Maroc gagnerait à intégrer ces éléments dans la feuille de route de la Stratégie GISSR.

L’égalité femmes-hommes dans la fonction publique fait partie intégrante des politiques de ressources humaines dans l’administration publique. Au Maroc, l’objectif d’égalité dans la fonction publique est inclu dans les référentiels sur les emplois et compétences. Des mécanismes institutionnels ont été développés spécifiquement pour permettre aux femmes d’accéder à des postes à responsabilité dans l’administration publique marocaine.

Un observatoire de la fonction publique a été créé en vue d’informer de la situation des femmes dans la fonction publique et de documenter la formulation de politiques dédiées qui devront être suivies par les directions des ressources humaines. Ces politiques ont pour but de permettre aux femmes de progresser dans leur carrière tout en conservant un équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée.

Comme le reconnaît la Recommandation de l'OCDE sur le gouvernement ouvert (2017[18]), la participation des parties prenantes accroît la responsabilité du gouvernement, élargit l'autonomisation et l'influence des citoyens et citoyennes sur les décisions, renforce les capacités civiques, améliore la base de données factuelles pour l'élaboration des politiques, réduit les coûts de mise en œuvre et exploite des réseaux plus larges pour l'innovation dans l'élaboration des politiques et la prestation de services. Suite à la pandémie de COVID-19 et face aux nouveaux défis mondiaux urgents, il est devenu encore plus important de mettre en place des débats et un engagement publics collaboratifs et constructifs pour obtenir l'adhésion des citoyens et citoyennes aux décisions politiques urgentes (OCDE, 2022[19]). Cela contribue également à accroître la confiance dans le gouvernement, à lutter contre la mésinformation et la désinformation et à renforcer les démocraties.

Les plans et reformes élaborés par le Maroc semblent impliquer une concertation d’un grand nombre de parties prenantes (ministères, société civile, secteur privé, universités, syndicats, agences de développement, et collectivités territoriales) afin de répondre efficacement aux besoins variés de la population. Le PGE II a été développé sur la base des enseignements tirés, des expériences vécues, des aspirations communes et des engagements conjoints de l’ensemble des acteurs gouvernementaux concernés par la promotion de l’égalité au Maroc.

Cependant, ces efforts pourraient être mieux reflétés dans les initiatives de sensibilisation à l’égalité femmes-hommes. Par exemple, les stratégies de communication nationales en matière d’égalité pourraient être pilotées au niveau du Chef du gouvernement et ses services afin de sensibiliser davantage le gouvernement et la population. Bien que des efforts de sensibilisation à cette problématique aient déjà été réalisés, il est important d’investir davantage sur une communication pertinente à l’aide de campagnes digitales, et le développement d’une plateforme accessible à tout public.

Il est essentiel que les plans existants et nouveaux restent complémentaires et alignés sur les mêmes priorités. En effet, il est important que les divers plans et stratégies adoptés récemment en faveur de l’égalité suivent un fil rouge. Par exemple, selon les informations fournies par le Maroc, le gouvernement capitalise sur les résultats des plans gouvernementaux (PGE I et II) dans l’élaboration du PGE III, afin de mettre en œuvre des mesures ciblées, répondant aux besoins actuels des femmes. La Stratégie GISSR pourrait également capitaliser sur ces résultats.

En complément, il serait utile de créer un point d'accès unique pour tous les plans et documents disponibles afin de s'assurer que toutes les parties prenantes soient informées des plans et cadres existants. Ainsi, une clarification de la stratégie globale qui sous-tend les autres plans et la manière dont ils s'articulent serait une pratique bienvenue. Selon les informations livrées par le Maroc, la Stratégie GISSR tend vers cette pratique.

À travers la promulgation de la loi organique relative à la loi de finance, cadre légal rendant obligatoire la budgétisation sensible au genre (voir chapitre sur le cadre budgétaire), des indicateurs genre ont été introduits. Ces indicateurs permettent d’évaluer la prise en compte de la dimension genre, notamment dans les programmes support, pour renforcer l’égalité dans tous les domaines de la vie, notamment l'autonomisation économique des femmes et, par conséquent, renforcer l’activité économique du Maroc dans sa globalité. Les indicateurs (voir les 178 indicateurs de performance sensibles au genre compris dans le Rapport annuel de performance 2019 de l’ancien ministère de l’Économie, des Finances, de la Réforme et de l’Administration) (Ministère de l'Economie, des Finances, de la Réforme et de l'Administration, 2019[20]) sont développés avec le soutien des partenaires externes et coordonnés par le ministère de l'Économie et des Finances (MEF). Un rapport sur le budget axé sur les résultats tenant compte de l’aspect genre est également publié annuellement.

Un des axes de réforme du gouvernement actuel repose sur le renforcement de la budgétisation sensible au genre (BSG), notamment au niveau territorial. L’intégration du genre au niveau territorial est institutionnalisée à travers les trois lois organiques relatives aux collectivités territoriales. Ainsi, différentes circulaires de programmation budgétaire triennale (mars 2020, 2021 et 2022) recommandaient une meilleure prise en compte par les départements ministériels des priorités en matière d’égalité des sexes et d’autonomisation. Pour le budget 2022, une circulaire du Chef du gouvernement (N°04/2021, du 17 mars 2021 pour la programmation budgétaire 2022-24) recommandait aux départements ministériels et aux institutions publiques, dans le cadre de leurs budgets sectoriels, d’adhérer et s’engager dans la conception du PGE III et à concrétiser la mise en œuvre des mesures relatives au Programme « Autonomisation économique et leadership » adopté en 2020, et sa version mise à jour, en cours de finalisation, selon les informations fournies par le Maroc. De même, la circulaire du Chef du gouvernement n°5/2022 pour la programmation budgétaire triennale 2023-25 recommande aux départements ministériels et institutions d’accélérer la mise en œuvre des mesures relatives au programme « autonomisation économique et leadership » et la concrétisation de ses engagements relatifs à l’égalité des chances et l’autonomisation économique des femmes.

Ce cadre de référence souligne la nécessité d’une traduction opérationnelle pour les départements impliqués dans le programme « autonomisation économique et leadership ». À cet égard, la dernière circulaire de programmation budgétaire triennale pour 2023-25 recommande également aux départements ministériels de concrétiser la mise en œuvre des mesures du programme « autonomisation économique et leadership ». Cette circulaire demande que les projets de performance soient réalisés sur la base d’objectifs mesurés par des indicateurs sensibles au genre. Ces indicateurs peuvent être développés sur la base des AGS déjà conduites.

Le cadre institutionnel pour la promotion de l'égalité femmes-hommes fait référence, entre autres, aux rôles et mandats attribués aux institutions centrales chargées de l'égalité des sexes en tant qu' « organismes principalement chargés de soutenir le programme du gouvernement visant à faire progresser les objectifs d'égalité des sexes à l'échelle de la société », ainsi qu'au CdG, aux organismes producteurs de données tels que les bureaux nationaux de statistiques, aux ministères de tutelle et administrations publiques à différents niveaux de gouvernement (y compris dans des domaines qui ne sont pas traditionnellement associés à l’égalité femmes-hommes tels que l'environnement, les transports, la passation des marchés, la planification ou le développement économique), et à d'autres partenaires d'exécution spécifiques au contexte de chaque pays (OCDE, 2021[13]).

Les mécanismes de redevabilité et de contrôle, tels que les commissions indépendantes, les institutions d'audit et les commissions parlementaires, jouent également un rôle clé, en aidant le gouvernement à identifier les besoins, les lacunes et les défis pour atteindre les objectifs d'égalité des sexes et en encourageant le respect des politiques d'égalité des sexes (OCDE, 2019[21]). Au Maroc, il semblerait que l’Autorité pour la parité et la lutte contre toute les formes de discrimination (APALD) puisse jouer ce rôle, dès qu'elle sera opérationnelle (Encadré 7.3).

Les organes appartenant au CdG sont des acteurs importants pour assurer le leadership et piloter la mise en œuvre des objectifs transversaux du gouvernement. Le CdG assume la responsabilité quasi exclusive de la coordination de la préparation des réunions du Cabinet et de la coordination des politiques au sein du gouvernement (OCDE, 2017[22]). Cela fait du CdG un acteur essentiel pour faire avancer les politiques et initiatives publiques en faveur de l’égalité femmes-hommes à l'échelle de la société. Le CdG peut, par exemple, contribuer à clarifier le rôle des ministères de tutelle dans la promotion de l'égalité femmes-hommes, établir des cadres de responsabilité et de performance efficaces, et veiller à ce que le prisme de l'égalité femmes-hommes soit intégré dans tous les processus décisionnels du gouvernement.

Le rôle du CdG dans le domaine de l’égalité femmes-hommes varie selon les pays. Dans l'ensemble de l'OCDE, il n'existe pas de modèle standardisé de structure institutionnelle pour mettre en œuvre, coordonner et faire progresser l'égalité des sexes. Le Graphique 7.1 illustre la variété existante dans les dispositifs institutionnels chargés de l’égalité femmes-hommes.

Par convention, une institution centrale pour l'égalité femmes-hommes ou un organisme peut se voir déléguer la responsabilité de la coordination et de la mise en œuvre de l'égalité des sexes dans un pays au niveau central ou fédéral. Autrement, l’un des modèles privilégiés par les pays de l’OCDE est celui d’un organisme dédié à l’égalité femmes-hommes dans les ministères des Affaires Sociales ou des ministères indépendants. Les analyses récentes démontrent par ailleurs une tendance croissante à recourir à des unités au sein du CdG : depuis la première collecte de données par l'OCDE sur cette question en 2011, le nombre d’unités situées au sein du CdG a progressivement augmenté au sein des pays de l'OCDE (10 adhérents en 2021) (OCDE, 2022[15]). Cette tendance s’explique par le fait que l’égalité femmes-hommes est une question transversale. Confier cette responsabilité au CdG permet une action mieux coordonnée à l’échelle de l’ensemble du gouvernement. Cela permet entre autres un pilotage politique des objectifs prioritaires, de collecter les informations sur la mise en œuvre des objectifs d’égalité des sexes et d’autres stratégies horizontales ou sectorielles et de discuter les défis au plus haut niveau du gouvernement.

En règle générale, l’OCDE observe qu'une configuration efficace consiste à disposer d'un ministère dédié à l'égalité des sexes, doté de capacités suffisantes et soutenu par des équipes spécialisées au sein du CdG, notamment en matière de coordination et d’exigences en matière d'intégration de la dimension d’égalité femmes-hommes pour toute l'administration publique. Comme le montre l’Encadré 7.4, le Canada correspond à cette configuration puisqu’il dispose à la fois d’un ministère œuvrant pour l’égalité femmes-hommes (Femmes et Égalité des genres Canada (FEGC), et d’institutions au sein du CdG qui assurent la coordination interministérielle pour ces questions.

Le Maroc s'est efforcé de renforcer son cadre institutionnel pangouvernemental pour promouvoir l'égalité femmes-hommes aux niveaux national et territorial. Comme l'illustre le Graphique 7.2, ce cadre fait référence aux acteurs clés de la promotion de l'égalité femmes-hommes :

  • Le MSISF, chargé de la coordination de l’élaboration et le suivi de la mise en œuvre des PGE ;

  • Le MTNRA, responsable de l'intégration de l'égalité des sexes dans la gestion des ressources humaines de l'État, à travers le Réseau de Concertation Interministérielle (RCI) ;

  • Le MEF chargé de la budgétisation sensible au genre ;

  • Le Centre d’Excellence de la Budgétisation Sensible au Genre (CE-BSG) du MEF, chargé de l’accompagnement des différents acteurs BSG pour l’intégration du genre à la planification stratégique et programmation budgétaire ;

  • La Commission Nationale pour l'égalité des genres et la promotion de la femme, créée par décret en juin 2022, dont le secrétariat est assuré par le MSISF ;

  • Le Comité Technique issu de la Commission Nationale pour l’Égalité, qui détient un rôle de suivi opérationnel des recommandations de la commission nationale de l'égalité entre les sexes et l’autonomisation de la femme ;

  • Plusieurs observatoires thématiques relatifs à l’égalité femmes-hommes au Maroc, chargés d’analyser les évolutions au sein du gouvernement (Encadré 7.5) ;

  • Le HCP, chargé de la production statistique sensible au genre de façon globale, dégageant aussi bien des indicateurs de genre et ceux ventilés par sexe. Le HCP produit également des études et des rapports reflétant les problématiques liées à l’égalité des sexes ;

  • Des ministères de tutelle mettant en œuvre des politiques d’égalité femmes-hommes dans leurs domaines de responsabilité ;

  • Des autorités et administrations locales.

Dans sa configuration actuelle, le Maroc répond à l’un des schémas institutionnels les plus communs au sein des pays de l’OCDE : la politique publique de l’égalité femmes-hommes est principalement pilotée par le MSISF, qui joue un rôle essentiel dans l'avancement de l'agenda de l'égalité au Maroc.

Néanmoins, au cours des dernières années, le Maroc s’est appuyé sur les instruments institués et mis en œuvre par le CdG dans le contexte de son objectif d'avancement de l'égalité femmes-hommes. Cette mobilisation s'est notamment faite par le biais de la Commission Nationale pour l’égalité, qui est présidée par le Chef du gouvernement et se réunit au moins une fois par an, et selon le besoin, pour discuter des questions stratégiques liées à l'égalité femmes-hommes. La tâche principale de cette commission est d'encourager et inciter les différents organes gouvernementaux à mettre en œuvre les stratégies pertinentes. Ainsi, la Commission joue un rôle de suivi et stratégique, y compris dans le pilotage du PGE III. Elle est assistée dans ses fonctions par d'autres comités, plus techniques, notamment par le Comité Technique, présidé par le MSISF, et les groupes thématiques prévus par le décret de création de la Commission, ainsi que le MEF et le MTNRA en tant que coordinateurs des actions et initiatives du gouvernement. La circulaire du Chef du gouvernement est également un moyen courant pour le Chef du Gouvernement de rappeler aux ministères la nécessité de mettre en œuvre les actions du gouvernement, notamment en matière d’égalité.

Les organes du CdG jouent un rôle clé dans le pilotage de la mise en œuvre des objectifs transversaux du gouvernement. En tant que tel, le CdG est également un acteur important de la promotion des objectifs d'égalité des sexes à l'échelle de la société. Les données de l'OCDE montrent que l'implication du CdG dans la gouvernance de la politique de l’égalité femmes-hommes est l'un des principaux facteurs de succès pour que les initiatives d'intégration de la dimension d’égalité femmes-hommes s'enracinent également dans l'administration publique. En particulier, le CdG pourrait jouer un rôle plus central en fournissant une orientation stratégique et une supervision dans la mise en œuvre des objectifs d'égalité femmes-hommes, tout en donnant aux institutions centrales chargées de l'égalité femmes-hommes les moyens de travailler avec toutes les entités du secteur public pour conduire le changement. En outre, le CdG peut clarifier le rôle des ministères de tutelle pour faire progresser l'égalité femmes-hommes, développer des moyens de mesure et d’évaluation clairs et simples de la performance de l'exécutif et éliminer les obstacles à la mise en œuvre. Enfin, l'implication du CdG permet de souligner l'importance de l'égalité femmes-hommes en tant qu'objectif national et pratique politique, tout en favorisant la responsabilisation et en facilitant l'adhésion des acteurs impliqués.

Il est à noter cependant que le rôle du MSISF reste restreint pour suivre les résultats d’autres acteurs pour la réalisation des deux PGE (SCG et autres institutions centrales de l’administration) et capitaliser sur ceux-ci. En outre, les liens de travail avec d'autres ministères clés et le HCP ne semblent pas clairement définis. À cet effet, les SCG et le ministère de l’Investissement et de la Convergence des Politiques Publiques (MICPP), dans son rôle de convergence et d’harmonisation des outils et des politiques publiques, pourraient envisager de jouer un rôle plus central afin de consolider tous les efforts en cours, en soutien à l’action ministérielle. Le gouvernement marocain pourrait également envisager des mesures permettant de disposer d’une expertise, de compétences et d’un mandat permettant de mobiliser et soutenir les SCG dans l’application de l’agenda pour l’égalité femmes-hommes. Il s'agirait d'un choix stratégique plaçant l'égalité femmes-hommes au CdG notamment auprès des SCG, en assurant un pilotage clair et continu à travers tous les ministères et programmes en cours. En outre, le gouvernement pourrait envisager d'accroître ses ressources financières et humaines pour assurer un meilleur encadrement de toutes les initiatives en faveur de l’égalité homme-femme.

À travers les décisions stratégiques prises à haut niveau, les ministères sont invités à élaborer leur stratégie genre par le biais d’une multitude d'outils, tels que les Projets de Performance et les AGS (Encadré 7.6), et d’institutions et mécanismes tels que le CE-BSG, et les points focaux genre (PFG).

Au Maroc, les AGS sont utilisées systématiquement afin de mettre en relief les situations d’inégalité les plus fréquentes entre les femmes et les hommes et de réaliser un constat à propos du déficit actuel en données statistiques quantitatives et qualitatives. À ce jour, 15 AGS ont été élaborées en tant que pilotes et 8 plans d’action sectoriels à moyen terme (PASMT) ont été développés. Ces analyses ont permis d’effectuer une triangulation entre les indicateurs du PGE, les résultats des AGS et les indicateurs de performances des projets de performances des départements ministériels. Elles pourraient donc informer les futures décisions prises par le CdG.

Actuellement, chaque département, en partenariat avec le CE-BSG, est responsable de la mise en œuvre de l’actualisation de sa propre AGS. Les AGS servent de référence pour toute élaboration et/ou révision des politiques publiques et programmes sectoriels. Suivi en interne, en principe par l’unité genre, il n’existe pas d'organe central de coordination au sein du CdG pour mesurer et exploiter l’impact des actions entreprises, entraînant une occasion manquée de capitaliser sur les acquis de cet exercice. De plus, les ressources disponibles pour cet exercice varient selon la capacité de chaque ministère et les priorités fixées par les directions.

Le CdG pourrait utiliser son autorité pour faciliter la mise en œuvre des AGS et les institutionnaliser au niveau du gouvernement, comme au Mexique (Encadré 7.7). Il pourrait aussi superviser le contrôle qualité de ces dernières, conjointement avec l’entité ministérielle compétente. Établir un groupe de travail favoriserait par ailleurs la coopération entre les parties prenantes.

L’OCDE souligne que la coordination pangouvernementale est nécessaire pour atteindre les objectifs fixés en matière d’égalité femmes-hommes, car il s’agit d’une question de gouvernance publique complexe et transversale. En effet, l'intégration de la dimension d’égalité femmes-hommes représente un effort à l'échelle de l'ensemble de l'administration. Elle nécessite une coordination efficace entre les différentes entités (horizontales) et les différents niveaux (verticaux) de l'administration, tout en garantissant les compétences et des capacités adéquates des fonctionnaires pour participer à l'intégration de la dimension d’égalité femmes-hommes. Pour assurer une coordination pangouvernementale efficiente, il est important d’intégrer l’ensemble des institutions publiques, comme les CdG, les institutions centrales chargées de l’égalité femmes-hommes et tous les ministères fonctionnels, y compris les ministères chargés de domaines traditionnellement non concernés par cette problématique, comme les transports, la planification, le développement économique, l’industrie et l’innovation ainsi que l’environnement.

Une structure institutionnelle solide et des capacités adéquates sont nécessaires pour faciliter la mise en œuvre de l'intégration effective de la dimension d’égalité femmes-hommes en tant que stratégie visant à faire progresser la politique d'égalité femmes-hommes à l’échelle du gouvernement. Il n'existe pas, dans l’ensemble de l’OCDE, de modèle de structure institutionnelle pour la mise en œuvre, la coordination et l’avancement de l’égalité femmes-hommes. Comme énoncé précédemment, il est souvent d’usage qu’une institution ou un organe central chargé de l'égalité femmes-hommes se voie déléguer la responsabilité de la coordination et de la mise en œuvre de l'égalité femmes-hommes dans un pays au niveau central ou fédéral.

Plus spécifiquement, et selon l'enquête de 2021 de l'OCDE sur l'intégration de la dimension d’égalité femmes-hommes et la gouvernance, la grande majorité (88%) des pays membres déclare disposer de mécanismes de coordination au sein du gouvernement central/fédéral, tandis que 50% d'entre eux ont déclaré avoir mis en place des mécanismes de coordination avec les gouvernements infranationaux (OCDE, 2022[15]). L'Encadré 7.8 met en évidence certains des exemples recensés concernant les mécanismes de coordination en place. Cependant, plusieurs défis ont été signalés par les pays interrogés, principalement l'existence de priorités concurrentes au niveau central, un financement insuffisant et un manque d'intérêt au niveau du CdG. L'absence de structures et de cadres appropriés pour l'engagement des gouvernements infranationaux, ainsi que l'insuffisance des financements font partie des défis verticaux les plus souvent cités.

Au Maroc, la mise en œuvre des réformes gouvernementales et la coordination entre ces dernières incombent à des institutions aux mandats spécifiques et des instruments avec des fonctions définies. La Commission Nationale pour l’égalité et le Comité Technique chargé du suivi de la mise en œuvre du plan gouvernemental pour l’égalité sont des organismes chargés du suivi et pilotage stratégiques. Des comités de pilotage ont pour rôle d’assurer la coordination horizontale des ministères sectoriels et institutions publiques. Une commission mixte est par ailleurs spécifiquement chargée du suivi et de l’amélioration des indices de disparités entre les femmes et les hommes. Si ces commissions sont chargées de missions variées, le cadre législatif permet, en parallèle, de développer et de pérenniser les droits des femmes. L’intégration d’une perspective d’égalité femmes-hommes est avancée par des instruments exécutifs et/ou législatifs sur des sujets spécifiques, comme les réformes des ressources humaines. Le suivi-pilotage stratégique de la politique publique de l’égalité est assuré par la Commission Nationale pour l’égalité et le Comité Technique (Encadré 7.9). Un rapport d'activité est établi annuellement, s’appuyant sur une actualisation de la situation par rapport aux indicateurs, cibles et chaînes de résultats du PGE. La réalisation des mesures programmées pour la mise en œuvre du PGE II ont souvent impliqué la mobilisation de plusieurs acteurs. Un (ou des) département a été désigné comme responsable principal pour la réalisation de chaque mesure. Le système de suivi et d’évaluation de la mise en œuvre du PGE II intégrait des mesures propres à la gouvernance du PGE II (l’Objectif 0.1 : Assurer une bonne gouvernance du PGE II) et des mesures d’appui aux différents axes (l’Objectif 0.2 : Renforcer les capacités dans le domaine d’intégration du genre). Le Maroc rapporte qu’une plateforme informatique est en cours de conceptualisation afin d’assurer le suivi de l’implémentation du PGE III.

Au-delà des ministères, l’Union Européenne (UE) est un autre acteur important de l’appui à la mise en œuvre des PGE. Une première assistance technique avait été mise en place pour le plan PGE I et, suite à une évaluation des réalisations et résultats obtenus dans le cadre du partenariat entre le Maroc et l’UE pour promouvoir l’égalité, l’aide technique pour PGE II a été formalisée dans le cadre du Programme Égalité/Moussawat, par le biais d’une convention de financement signée le 26 décembre 2018. Le programme d’appui de l’UE au PGE II prévoyait plusieurs instances pour la coordination, le suivi, la revue et l'évaluation de la mise en œuvre du plan, notamment un comité de pilotage du Programme composé du MSISF, du MEF et de la Commission européenne et de toutes les parties prenantes. Son rôle consistait principalement en le suivi de la réalisation des objectifs du programme (y compris la coopération technique et les autres volets de l'aide complémentaire) et l’évaluation de l'état d'avancement du programme sur les axes et mesures identifiés. Ce suivi prend aussi la forme de la participation de la Commission européenne au Comité Technique Interministériel, de la réalisation de missions de suivi permettant de vérifier si les conditions de décaissement sont remplies et de fournir des éléments pour alimenter le dialogue sectoriel sur les réformes concernées par le programme (par exemple, état d'avancement de la réforme, retards et contraintes). Une analyse finale a permis de valoriser un certain nombre de conclusions et recommandations issues des évaluations multiples, et de décider des adaptations et réorientations nécessaires du projet. Ces conclusions devraient par ailleurs être prises en compte dans l’élaboration et la mise en œuvre du PGE III en cours de finalisation.

La Stratégie GISSR prévoit quant à elle de renforcer la convergence des actions en matière d’égalité sociale. Elle prévoit notamment la création d’une task force rassemblant les parties prenantes et partenaires stratégiques à son implémentation. Selon les informations partagées par le Maroc, les détails concernant la mise en œuvre de la stratégie et le fonctionnement de la task force seront détaillés dans une feuille de route, à un stade ultérieur. Plusieurs éléments peuvent toutefois être discutés à ce stade. Ainsi, lors de l’élaboration de la feuille de route, il est important de prévoir la manière dont la task force coordonnera son activité avec les mécanismes existants en matière d’égalité femmes-hommes, et plus particulièrement avec les principaux mécanismes en charge du PGE III (Commission Nationale pour l’égalité et Comité Technique). Tandis que l’action de la task force peut être complémentaire à celle des mécanismes existants, elle peut également poser des défis supplémentaires si ses fonctions et son mandat ne sont pas clairement définis et que les partenaires pertinents ne sont pas intégrés dans ses activités.

En outre, le fait que la Stratégie GISSR ne soit pas uniquement dédiée à l’égalité des genres, mais à l’équité sociale en général, peut représenter une opportunité supplémentaire. Cette convergence peut permettre de mieux prendre en compte les questions d’égalité des sexes dans des politiques sociales qui concernent les enfants, les personnes en situation d’handicap, et autres. Pour assurer la coordination horizontale, il est important que les représentantes et représentants des ministères impliqués soient représentés au sein de la task force, si possible à un niveau décisionnel. Le CdG est aussi un acteur essentiel pour faire avancer la GISSR, et il pourrait, à ce titre, être impliqué dans la task force. La Stratégie GISSR planifie aussi une meilleure coordination avec le niveau territorial, enjeu clé de la planification stratégique. C’est pourquoi les représentantes et représentants des territoires pourraient également faire partie de la task force.

Dans l’ensemble, il apparaît que le cadre de coordination au Maroc est en phase avec les modèles existants dans les pays de l’OCDE. Des lacunes, qui demeurent cependant au niveau de l’opérationnalisation de ce cadre au Maroc, feront l’objet de développements dans les sections suivantes.

Le Réseau de Concertation Interministérielle pour l'institutionnalisation de l'égalité entre les sexes dans la Fonction Publique (RCI) (Encadré 7.10) a été créé afin d’assurer un dialogue continu entre les différents ministères et soutenir l’institutionnalisation de l’égalité des sexes dans la fonction publique. Les PFG de tous les départements ministériels y siègent en tant que facilitateurs de la coordination. Dans ce contexte, il est important que la task force de la stratégie GISSR tienne compte de la manière dont son activité et ses fonctions peuvent s’imbriquer avec celles du RCI. Ces éléments devraient idéalement être considérés dans la feuille de route de la task force, car une multiplication des instruments de coordination peut aussi représenter un défi.

Dans les pays de l’OCDE, les unités d’égalité femmes-hommes au sein de chaque ministère sont généralement chargées de sensibiliser leur unité ou ministère aux avantages de l'égalité femmes-hommes (80%), d’élaborer la politique/stratégie/plan d'action en matière d'égalité femmes-hommes (80%) et de soutenir l'intégration du genre dans les activités (73%) (OCDE, 2019[21]). Au Maroc, les PFG assurent un double rôle : ils sont à la fois les interlocuteurs du département auprès du Comité Technique chargé du suivi de la mise en œuvre du PGE et les relais du comité au sein de leurs propres départements. L’évaluation de ces missions se fait lors des restitutions des bilans des départements, au cours desquelles ont lieu des concertations autour des programmes adoptés par la Commission nationale de l'égalité du genre et l’autonomisation de la femme ou par le Conseil du gouvernement. Des circulaires du Chef du gouvernement relatives à la programmation budgétaire demandent à ce que les PFG soient associées à ce processus. Via le RCI, les PFG bénéficient du développement d’une culture de partage et d’échange d’expérience entre les ministères à travers des bilans annuels et la mise en œuvre de mesures institutionnelles pour promouvoir un meilleur accès des femmes aux postes de responsabilités.

À ce jour, tous les ministères semblent avoir des PFG qui siègent dans le RCI, même si l’existence d’une unité dédiée au genre n'est pas répandue. Le rôle des PFG n’est pas suffisamment institutionnalisé ou précisé, ce qui implique une disparité sur la position des PFG au sein de chaque ministère. Des incohérences entre les ministères semblent exister à la fois en ce qui concerne la place des PFG en leur sein, ainsi que les compétences et expertises mobilisées par ces derniers pour mener à bien leur rôle. Selon un diagnostic co-réalisé par le ministère la Famille, de la Solidarité, de l’Égalité et du Développement social, le ministère chargé de l’administration et de la fonction publique et le MEF, avec l’appui d‘ONU Femmes réalisé en 2017 et finalisé début 2018, des PFG devraient idéalement être placés au sein du Secrétariat général de chaque ministère, à travers une circulaire du Chef du gouvernement. Cette configuration permettrait un accès à l’ensemble des activités des ministères, via une collaboration et un flux d’information accrus. Par ailleurs, le gouvernement du Maroc souligne5 que placer les PFG au sein des services des ressources humaines peut assurer une coordination et mise en œuvre des politiques de l’égalité tout aussi efficiente, notamment en raison des prérogatives allouées aux services de gestion des ressources humaines. Une étude portant sur l’élaboration d’un diagnostic de la toile d’institutionnalisation du genre et de la BSG a été lancée par le CE-BSG en septembre 2022, en partenariat avec le MSISF et le MTNRA. Cette étude vise l’ancrage institutionnel des PFG.

En ce qui concerne la collecte de données, le HCP supervise l'exercice de collecte de données ventilées par sexe afin de s'assurer que la composante d’égalité femmes-hommes soit prise en compte dans les processus décisionnels. Un programme intitulé « Prendre en considération chaque femme et chaque fille» vise à développer des statistiques sur l’égalité des sexes afin d’observer, suivre et évaluer les ODD, ainsi que des stratégies nationales visant à atteindre l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles. En parallèle, les observatoires nationaux de la femme sont chargés d'identifier et de collecter diverses informations, données et statistiques sur les droits des femmes. Toutefois, ce lien reste quelque peu difficile à comprendre et il serait bénéfique de renforcer la coordination entre les différentes unités et agences gouvernementales afin d'améliorer la collecte, l'utilisation et la dissémination des données ventilées par sexe lorsque cela est possible. Une coopération accrue pour la collecte des données locales et sectorielles serait aussi la bienvenue dans le domaine des preuves qualitatives permettant de lutter contre les discriminations multiples et soutenir l'élaboration de politiques sensibles au genre, y compris par le biais d'audits, pour comprendre les lacunes dans les compétences, les capacités et les processus étatiques. Cela concerne notamment les secteurs où ces données font défaut. Idéalement, on pourrait envisager l’inclusion d'une stratégie statistique autour de l'égalité femmes-hommes dans le PGE III dans le but de développer des indicateurs d'impact sur le genre qui soient plus ciblés.

Les données statistiques constituent un atout stratégique, car elles permettent d'identifier les biais et les inégalités, et d’y répondre à travers une prise de décision politique informée. Les données statistiques peuvent également être utilisées pour permettre aux mécanismes de coordination de cibler les politiques et les structures adéquates. Renforcer les capacités du Maroc à produire et à utiliser des données et preuves sexospécifiques6 permettrait de créer un écosystème de gouvernance des données solide. Ce renforcement passe par l’amélioration de la coordination entre les différentes unités et agences gouvernementales, tout en assurant la qualité et l’interopérabilité des données.

Plusieurs méthodes de collecte de données sont utilisées par les pays de l’OCDE. Les plus courantes sont la mise en place des éléments suivants : un portail en ligne (ou équivalent) pour faciliter l'accès public à toutes les statistiques ventilées par sexe, des équipes/unités/centres spécialisés dans les statistiques ventilées par sexe au sein des bureaux nationaux de statistiques, et des comités/conseils/équipes spéciaux consultatifs pour déterminer les lacunes et les besoins en matière de données. En outre, la transformation digitale offre la possibilité de tirer parti des outils numériques pour accroître la disponibilité, l'accessibilité et l'utilisation des données ventilées par sexe, tout en garantissant la confidentialité des données. Durant la pandémie de COVID-19, les gouvernements de l'OCDE ont développé des mécanismes innovants afin de produire rapidement des données ventilées par sexe de qualité pour éclairer l'élaboration des politiques publiques. Par ailleurs, le développement d'indicateurs (de processus et/ou d'impact) peut permettre de mesurer les progrès vers l'égalité femmes-hommes de manière cohérente dans l'ensemble du gouvernement. L'Encadré 7.11 décrit plus en détail quelques exemples de pratiques visant à améliorer la collecte, l'utilisation et la dissémination des données ventilées par sexe.

Ce cadre serait guidé par les résultats et évaluations des plans achevés et soutenu par la sensibilisation des institutions publiques et des citoyennes et citoyens.

À travers les différentes stratégies nationales mises en place, le gouvernement marocain a réussi à définir ses priorités de façon claire en matière d’égalité femmes-hommes. Pour atteindre les objectifs fixés en matière d’égalité femmes-hommes et aller plus loin, le gouvernement marocain pourrait envisager de :

  • Capitaliser sur les résultats des deux plans PGE et les observations faites par les expertes et experts de l’ONU lors de l’examen du rapport national relatif à la CEDEF et élaborer la troisième itération du PGE en harmonie avec les objectifs fixés par le Nouveau Modèle de Développement ;

  • Assurer la mise en œuvre des objectifs liés à l’égalité femmes-hommes énoncés dans la stratégie GISSR en adéquation avec les objectifs fixés par le gouvernement marocain, notamment à l’aide d’indicateurs d’impact précis et ventilés par sexe pour chaque mesure ;

  • Intensifier les efforts de communication et sensibilisation autour des objectifs et réformes en cours afin de mobiliser l’ensemble des institutions publiques marocaines et de fédérer les citoyennes et citoyens autour de la nécessité d’assurer l’égalité entre les hommes et les femmes. 

Les schémas institutionnels permettant la prise en compte de l’impact différentiel des politiques publiques sur les femmes et les hommes diffèrent selon les pays de l'OCDE. De façon générale, doter le centre du gouvernement d’un rôle important au regard de l’égalité femmes-hommes est un signe d'importance et permet que les questions d’égalité femmes-hommes soient considérées dans une perspective pangouvernementale et non restreintes à un domaine politique limité (comme les questions sociales ou l'emploi). Lorsque les États disposent d'un ministère distinct pour les questions d'égalité entre les femmes et les hommes, l'accent est également mis sur l'ensemble de l'administration. Dans ce sens, le gouvernement marocain pourrait envisager les actions suivantes :

  • Renforcer la coordination institutionnelle au moyen de mécanismes de remontée de l’information aux SCG dans l’ensemble de l’administration marocaine, sur la mise en œuvre des objectifs du plan PGE III et du programme « autonomisation économique et leadership », de la stratégie GISSR et autres stratégies et programmes ;

  • Envisager la création d’unités dédiées à l’égalité femmes-hommes dans chaque ministère, sous un cadre de redevabilité unique ;

  • Renforcer et harmoniser le rôle, le statut et les prérogatives des PFG à travers chaque ministère pour permettre une répartition des compétences claire et des mécanismes de suivi efficaces ;

  • Envisager d'institutionnaliser des initiatives telles que les AGS pour pérenniser les progrès réalisés en matière d’égalité femmes-hommes ;

  • Assurer et renforcer des mécanismes de monitoring pour améliorer le suivi de toutes formes de discriminations subies par des femmes et renforcer les pratiques antidiscriminatoires ;

  • Mobiliser davantage les ministères et autorités locales dans la promotion de l’égalité femmes-hommes, notamment à l’aide de circulaires du Chef du Gouvernement ;

  • Renforcer la coordination entre les différentes unités et agences gouvernementales à toutes les échelles afin d'améliorer la collecte, l'utilisation et la dissémination des données ventilées par sexe, y compris la collecte des données locales et sectorielles ;

  • Mener des campagnes de sensibilisation autour des objectifs et réformes en cours pour impliquer l’ensemble des citoyens et citoyennes dans la promotion de l’égalité femmes-hommes, et renforcer l’implication de la société civile dans l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies gouvernementales en faveur de l’égalité femmes-hommes ;

  • Assurer l’intégration des objectifs en matière d’égalité femmes-hommes dans les plans gouvernementaux et cadres stratégiques.

References

[4] Fonds Monétaire International (2017), Morocco: Selected Issues, Country Report No. 2017/065.

[2] Gouvernement du Maroc (2021), Le Nouveau Modèle du Développement, Rapport Général, https://www.csmd.ma/documents/Rapport_General.pdf.

[12] Gouvernement du Maroc (2021), Programme gouvernemental 2021-2026, https://social.gov.ma/programme-gouvernemental/.

[11] Gouvernement du Maroc (2020), MAROC-ATTAMKINE - PROGRAMME NATIONAL INTÉGRÉ D’AUTONOMISATION ECONOMIQUE, https://social.gov.ma/wp-content/uploads/2021/05/TAMKINE-fRAN9AIS-FINALImp.pdf.

[9] Haut-Commissariat au Plan (2021), Communiqué de presse : Publication du rapport d’analyse genre de l’impact de la pandémie COVID-19 sur la situation économique, sociale et psychologique des ménages.

[8] Haut-Commissariat au Plan (2020), Communiqué du Haut-Commissariat au Plan à l’occasion de la campagne nationale et internationale de mobilisation pour l’élimination de la violence à l’encontre des femmes.

[10] Haut-Commissariat au Plan (n.d.), Indicateurs Structure de la population, https://www.hcp.ma/Indicateurs-Structure-de-la-population_r526.html.

[5] Ministère de l’Economie et des Finances (2017), https://www.finances.gov.ma/fr/Pages/detail-actualite.aspx?fiche=2325.

[20] Ministère de l’Economie, des Finances, de la Réforme et de l’Administration (2019), Rapport annuel sur le budget.

[16] OCDE (2023), Social Institutions & Gender Index (SIGI), https://www.oecd.org/stories/gender/social-norms-and-gender-discrimination/sigi?country=MAR.

[19] OCDE (2022), Note d’information et projet de plan d’action sur la participation et la représentation pour la réunion du Comité de la gouvernance publique (CGP) au niveau ministériel sur le thème « Bâtir la confiance et renforcer la démocratie, https://one.oecd.org/official-document/GOV/PGC(2021)21/REV1/fr.

[15] OCDE (2022), Rapport sur la Mise en Œuvre des Recommandations de l’OCDE sur l’Égalité Hommes-Femmes, https://www.oecd.org/fr/rcm/Mise-en-%C5%92uvre-Recommandations-OCDE-%C3%A9galit%C3%A9-Hommes-Femmes.pdf.

[13] OCDE (2021), Cadre d’action pour une gouvernance publique intégrant la problématique des genres, https://www.oecd.org/mcm/Policy-Framework-for-Gender-Sensitive-Public-Governance.pdf.

[7] OCDE (2021), Towards Gender-inclusive Recovery, https://www.oecd.org/coronavirus/policy-responses/towards-gender-inclusive-recovery-ab597807/.

[21] OCDE (2019), Fast Forward to Gender Equality: Mainstreaming, Implementation and Leadership, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/g2g9faa5-en.

[6] OCDE (2019), Parité et développement.

[14] OCDE (2018), Boîte à outils de l’OCDE pour l’intégration et l’application concrète du principe de l’égalité entre les femmes et les hommes OCDE, https://www.oecd.org/gov/toolkit-for-mainstreaming-and-implementing-genderequality.pdf.

[22] OCDE (2017), Centre Stage 2, The organisation and functions of the centre of government in OECD countries, en anglais, https://www.oecd.org/gov/report-centre-stage-2.pdf.

[18] OCDE (2017), Recommandation du Conseil sur le Gouvernement Ouvert, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0438#adherents (accessed on 19 March 2021).

[3] OCDE (2016), Recommandation de 2015 du Conseil de l’OCDE sur l’égalité hommes-femmes dans la vie publique, Éditions OCDE,, https://doi.org/10.1787/9789264252875-fr.

[17] Organisation des Nations unies (2022), Examen du rapport du Maroc devant le CEDAW : le pays est félicité pour nombre de mesures prises en faveur des droits des femmes, mais il se voit recommander d’accélérer la mise en œuvre de l’égalité dans tous les domaines, https://www.ohchr.org/fr/press-releases/2022/06/experts-committee-elimination-discrimination-against-women-praise-morocco.

[1] Royaume du Maroc (2011), Constitution, http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/constitution/constitution_2011_Fr.pdf (accessed on 5 May 2022).

Notes

← 1. 28% des femmes et 22% des hommes

← 2. 33% parmi les femmes et 35% parmi les hommes.

← 3. L’évolution démographique des femmes entre 2020 et 2025-2026 ventilée par groupes d'âge est la suivante : La tranche d’âge 15-24 ans, passera de 2,94 millions à 2,96 millions. La tranche d’âge 25-34 passera de 2,93 millions à 2,91 millions. La tranche d’âge 35-44 ans, connaitra une augmentation de 2,56 millions à 2,77 millions. Finalement, la tranche d’âge 45-65 ans, connaîtra une forte augmentation, en passant de 3,78 millions à 4,38 millions.

← 4. Ce programme était précédemment connu sous le nom de « Attamkine Warryada ».

← 5. Ces informations ont été collectées lors d’un entretien entre le gouvernement du Maroc et l’OCDE le 30 janvier 2023. Étaient représentés à cette réunion le MTNRA, le MSISF, le CE-BSG, le MEF et le HCP.

← 6. Permettant une ventilation par sexe.

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