4. Structure et systèmes de la Belgique
Ce chapitre examine si les dispositifs institutionnels de la Belgique soutiennent ses objectifs de coopération pour le développement. Il porte sur le système dans son ensemble, et évalue dans quelle mesure la Belgique dispose des capacités nécessaires pour assurer une coopération efficace et contribuer au développement durable.
Une première partie analyse les compétences, les mandats et la coordination afin de déterminer si la responsabilité en matière de coopération pour le développement est clairement définie. Elle analyse également si le système est bien coordonné, s’articule autour de mandats clairement définis et complémentaires, et s’inscrit dans le cadre d’une approche pangouvernementale – dans les services centraux et dans les pays et territoires partenaires. Une deuxième partie consacrée aux systèmes examine si la Belgique a mis en place des processus et procédures explicites et transparents. La dernière partie étudie les capacités en place dans le système de coopération pour le développement de la Belgique – en particulier si la Belgique dispose des compétences et connaissances nécessaires pour assurer la gestion et la mise en œuvre de sa coopération pour le développement – ainsi que l’efficacité de son système de gestion des ressources humaines.
Depuis l’examen par les pairs de 2015, la coopération au développement belge a engagé des réformes pour rationaliser ses efforts, favoriser les synergies, être plus flexible et accroître son impact. Une stabilité institutionnelle est désormais nécessaire pour tirer profit de ces réformes. Alors que la définition de la stratégie de coopération reste du ressort de la Direction générale Coopération au développement et Aide humanitaire (DGD), sa mise en œuvre repose sur des partenaires dont l’autonomie est renforcée. Dans ce cadre, la DGD doit occuper sa place de force de proposition stratégique et de coordinatrice pour tirer pleinement avantage des réformes. Un renforcement de l’approche pangouvernementale et une réflexion sur le niveau de décentralisation au sein de l’administration et sur la division des responsabilités entre les niveaux politique et administratif contribueraient à renforcer l’efficacité de l’aide belge.
La Belgique a renforcé ses systèmes de gestion de l’aide et compte désormais sur des mécanismes solides et flexibles. La réforme en cours de la gestion des risques – qui repose sur une analyse compréhensive et opère la transition d’une stratégie d’évitement à une stratégie de gestion – est prometteuse mais doit encore être pleinement opérationnalisée.
Le personnel de la DGD est impliqué, mais il est affecté par le rythme et la nature des réformes et est demandeur d’un accompagnement renforcé et d’une communication plus active. Un état des lieux des besoins et compétences disponibles, au sein de la DGD comme auprès des partenaires, permettrait à la DGD d’établir un plan d’action pour réconcilier besoins et ressources et s’engager pleinement dans la planification des effectifs. La stratégie de mobilisation d’expertise d’Enabel via son personnel propre, des experts provenant des différents services publics fédéraux (SPF) ou d’un vivier de partenaires lui permettra de répondre avec souplesse aux besoins émanant du terrain, qui ne cesseront d’augmenter avec l’accroissement du chiffre d’affaires de l’agence.
La DGD est responsable de la coopération au développement, mais ne pilote qu’une part limitée de l’aide publique au développement (APD)
La DGD du SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement est responsable de la coopération au développement. Elle élabore les stratégies en fonction des orientations politiques et du cadre légal, octroie des financements et suit le programme de coopération. Placée sous la responsabilité du ministre de la Coopération, ses grandes orientations stratégiques sont approuvées dans un contrat d’administration biannuel signé entre le SPF et le ministre et qui fait l’objet d’un suivi régulier (SPF Affaires étrangères, 2016[1]). Elle partage les fonctions de redevabilité auprès du Parlement avec le Service de l’évaluation spéciale dont le mandat n’est pas limité aux actions pilotées par la DGD mais couvre l’ensemble de l’aide publique au développement belge (Chapitre 6).
La DGD n’est administrativement directement responsable que de 56 % du budget d’APD qu’elle octroie à des partenaires pour son exécution (Graphique 4.1). Les 44 % d’APD restants sont en grande partie non pilotable, notamment parce qu’ils correspondent à des versements et contributions à des organisations multilatérales sous la responsabilité d’autres services publics fédéraux – tels que celui des finances – ou du ressort des régions et des communautés, et donc indépendants des orientations fédérales (4 %). Cependant, près de la moitié de ces 44 % d’APD sont constitués de la contribution de la Belgique à l’APD de la Commission européenne via le budget de l’Union et, bien qu’administrativement octroyé par le SPF Finances, ils sont politiquement pilotés par la DGD. De plus, l’autorité de la direction a été renforcée en 2016, date à laquelle la DGD est devenue compétente pour le suivi des banques régionales situées en Afrique et co-responsable avec le SPF Finances du suivi de la Banque mondiale. Cette évolution des compétences de la DGD renforce son autorité sur l’orientation de l’APD multilatérale.
L’autonomie des partenaires de mise en œuvre complexifie le pilotage du portefeuille de la DGD
Dans un souci de rationaliser ses efforts et d’accroître la flexibilité de son programme, et comme recommandé par le précédent examen par les pairs (OCDE, 2015[3]), l’administration belge s’est engagée dans une série de réformes qui ont modifié son organisation interne et renforcé l’autonomie de ses partenaires (Chapitre 5). En interne, la DGD a créé, réorganisé ou fusionné des directions pour les organiser autour des sujets clés de la coopération belge1 (Annexe C). En externe, le rôle de la DGD est passé de pilote stratégique et technique à pilote stratégique et coordinateur de partenaires. L’administration a notamment consolidé le portefeuille des acteurs de coopération non gouvernementale autour d’objectifs communs (Chapitre 5) et revu le mandat de l’agence pour accroître son autonomie ( Encadré 4.1).
L’autorité de la DGD sur ses partenaires publics se manifeste dans les contrats de gestion signés tous les cinq ans avec Enabel, l’agence de mise en œuvre, et BIO, l’institution financière de développement [(Royaume de Belgique, 2017[4]), (Royaume de Belgique, 2018[5])]. Ces contrats précisent les missions, valeurs, principes, axes stratégiques prioritaires et modalités des interventions des deux institutions tout en préservant leur indépendance décisionnelle et opérationnelle. Dans cet esprit de préservation de l’indépendance et d’autonomie de gestion, la DGD siège au sein de leurs conseils d’administration respectifs mais à titre d’observateur seulement.2
La réforme de l’ancienne Coopération technique belge (CTB) en agence de développement Enabel en 2018 s’est accompagnée de trois changements majeurs :
Un mandat plus large : en plus de la coopération bilatérale directe, Enabel peut réaliser, à la demande du gouvernement, toute mission de service public qui s’inscrit dans le cadre des engagements internationaux de la Belgique et des mandats pour tiers.
Une flexibilité et autonomie accrues grâce à une gestion par portefeuille plutôt que par projets comme recommandé par l’examen de 2015. Après instructions du ministre, l’agence définit des portefeuilles pays et peut réorienter jusqu’à 15 % du budget global d’un portefeuille pays entre interventions mais dans le respect des objectifs et cadre de résultats initialement définis.
La capacité d’établir des contrats avec des acteurs sur le terrain pour mettre en œuvre son mandat d’exécution, qu’ils soient issus de la société civile locale, des organisations multilatérales ou du secteur privé dans une recherche de partenaires les plus mieux placés (« fit-for-purpose »).
Le premier contrat de gestion entre Enabel et l’État fédéral (Royaume de Belgique, 2017[4]) repose sur une obligation de résultats pour l’agence et un engagement de moyens pour l’État à hauteur de 875 millions d’euros (EUR) pour les coûts opérationnels pour les cinq années de durée du contrat1. Au total, Enabel met en œuvre 13% de l’aide publique au développement belge, soit 24% du portefeuille de la DGD.
Note : La liste des partenaires de mise en œuvre doit être approuvée par le ministre lors de la définition du portefeuille pays.
← 1. Le Chapitre 5 du contrat de gestion entre Enabel et l’État fédéral stipule les règles et conditions relatives à la capacité de gestion, l'obligation de résultats et la gestion des risques de la part d’Enabel. L’État s’engage à financer Enabel à hauteur de 165 millions EUR par an minimum et 185 maximum.
Source : Royaume de Belgique (2017[4]), Arrêté royal portant approbation du premier contrat de gestion entre l'Etat fédéral et la société anonyme de droit public à finalité sociale Enabel, Agence belge de développement.
Une stabilisation institutionnelle permettra de tirer profit des réformes
Une période de stabilisation institutionnelle est désormais nécessaire pour permettre à la Belgique de tirer profit des réformes adoptées et pour que la DGD se dote des instruments de pilotage et de coordination adaptés à son nouveau rôle : celui de diriger plus fortement au niveau stratégique et d'être moins impliquée dans les opérations. La capacité de la DGD à assurer ce rôle dépendra de son positionnement stratégique et de la capacité de son personnel à se l’approprier.
La période sous examen a révélé une forte implication ministérielle dans l’action de la DGD, non seulement par l’introduction de nouvelles priorités (Chapitre 2), mais également dans la programmation (section suivante) rendant moins lisible l’autorité de la direction sur ses partenaires. Alors que la DGD réfléchit à actualiser ses notes stratégiques, notamment pour mettre en avant sa contribution aux Objectifs de développement durable (ODD), les thèmes retenus influenceront sa disposition à être force de proposition vis-à-vis du politique et des acteurs de mise en œuvre (Chapitre 2).
De plus, malgré des efforts en cours pour extraire la connaissance produite par ses partenaires de mise en œuvre, la DGD n’est pas encore suffisamment outillée pour extraire des informations plus stratégiques qu’opérationnelles et les consolider à un niveau qui lui permette un véritable pilotage, que ce soit au niveau pays ou global (Chapitre 6). Les efforts en termes d’apprentissage institutionnel (Chapitre 6), le rapprochement en cours des services géographiques de l’aide gouvernementale et non gouvernementale, et la réorganisation de l’organigramme autour de priorités thématiques devraient permettre de consolider le suivi géographique, le pilotage thématique et la coordination en appui au terrain dans une logique de cohérence, de réactivité et d’anticipation.
L’approche globale comme vecteur principal de coordination pangouvernementale à Bruxelles
Les mécanismes de coordination pangouvernementale s’inscrivent principalement dans « l’approche globale » développée pour traiter des enjeux de fragilité (Chapitre 7). Issue de l’approche 3D-LO3, cette approche réunit les différents départements fédéraux (Affaires étrangères, Développement international, Défense, Justice et Intérieur) autour de groupes de pilotage (taskforce) thématiques ou géographiques (Encadré 7.1). Sans autre structure de coordination, la coordination pangouvernementale hors approche globale est principalement axée sur les questions de plaidoyer.4 Ainsi, bien que les taskforces de l’approche globale soient principalement ad hoc, elles pourraient servir d’exemple pour une approche pangouvernementale plus systématique sur les sujets porteurs de la coopération belge.
Au-delà des instances gouvernementales, la Belgique a également cherché à renforcer la coordination entre Enabel et BIO avec la participation systématique de BIO aux missions préparatoires de toute nouvelle coopération bilatérale directe. Ces efforts ont permis de mieux intégrer la perspective du secteur privé dans les analyses de contextes (Chapitre 5), mais ne sont pas traduits par une coordination opérationnelle. Cette faible coordination s’explique par des différences dans les modes opératoires d’Enabel et de BIO, ainsi que l’autonomie des acteurs de mise en œuvre.
La réforme de l’agence, et sa nouvelle capacité à travailler directement avec les organisations internationales, pose également la question du renforcement de la coordination autour du portefeuille multilatéral pour en garantir la cohérence d’ensemble : les différents services publics fédéraux n’ayant pas encore pleinement identifié Enabel comme responsable des financements extrabudgétaires, le flux d’informations entre les SPF finançant des organisations multilatérales et l’agence sont encore limités.
Une coordination renforcée sur le terrain
La coordination de la coopération gouvernementale sur le terrain a été renforcée par la mise en place d’une politique « one-roof ». Progressivement, les représentations d’Enabel ont été hébergées par les ambassades, désormais présentes dans tous les pays et territoires partenaires, tout en conservant leur autonomie fonctionnelle. Ce rapprochement physique en une seule équipe, Team Belgium, a renforcé les interactions entre chefs de coopération et représentants résidents, et facilité la répartition des fonctions de représentation et d’engagement auprès des gouvernements partenaires comme des partenaires techniques et financiers.
Le fait qu’Enabel puisse désormais être mandatée directement par d’autres SPF et s’appuyer sur leur expertise devrait permettre de renforcer cette coordination sur le terrain. Par exemple, l’agence mobilise et coordonne étroitement au niveau opérationnel avec le Ministère de la Défense et le SPF Justice dans les contextes de fragilité (Chapitre 7).
Une programmation plus flexible mais des modes opératoires à stabiliser
Malgré l’ambition de décentraliser la prise de décisions au plus près du terrain en renforçant l’autonomie de l’agence ( Encadré 4.1), la rédaction des premiers portefeuilles pays d’Enabel a révélé une forte implication de l’administration centrale et du ministre dans les orientations choisies, de nombreux aller-retours entre Enabel et la DGD et entre le terrain et Bruxelles, et une opportunité manquée pour un engagement plus conséquent des pays et territoires partenaires5 (Chapitre 5), entraînant d’importants coûts de coordination interne. À noter également, la pratique actuelle de remontée de nombreuses décisions pour validation au niveau du conseil d’administration de l’agence est perçue comme sous-optimale par certains membres du personnel6. Par ailleurs, les ambassades jouent un rôle très actif d’avis et de consultation mais ne sont dotés ni d’autonomie de décision ni de budget quant aux interventions de coopération. De plus, avec le nouveau contrat de gestion d’Enabel et un travail plus décentralisé de ses experts, les ambassades notent une diminution dans l’appui technique apporté par l’agence, en particulier dans le soutien au dialogue politique sectoriel. Ceci pourrait porter préjudice à la qualité effective de la coordination sur le terrain et des échanges avec les partenaires.
La rédaction en cours d’une instruction commune aux postes et à l’agence est l’occasion de réfléchir au degré de décentralisation de l’administration, et sur les interactions entre administration et politique, entre l’agence et le SPF, ainsi qu’au sein même de l’agence. Elle devrait permettre, par une formalisation des modes opératoires, de définir plus précisément les modalités de consultation et de décisions sur le terrain et de réduire les lourdeurs administratives qui pèsent sur un personnel déjà sous tension.
Des processus et mécanismes solides de gestion de l’aide
La Belgique dispose de processus et mécanismes solides pour gérer son aide. Informée par l’examen par les pairs de 2015 et des analyses de la Cour des comptes (Cour des comptes, 2015[6]), la DGD a développé un plan d’action pour mieux structurer son contrôle interne, renforcer la gestion et le suivi des subsides accordés (Chapitre 5) et assurer la qualité des interventions sous son contrôle. Certaines procédures demeurent administrativement lourdes, pour l’administration comme pour ses partenaires, et le défi demeure d’améliorer leur rendement sans augmenter la charge de travail, Enabel, quant à elle, est engagée dans une stratégie de réforme “Strat & Go” pour rendre son fonctionnement plus agile, efficace et efficient.
Le Tableau 4.1 présente une analyse des systèmes de coopération au développement de la Belgique.
La gestion des risques et l’intégrité financière et morale sont au cœur de l’agenda belge (Encadré 4.2). Partant d’une certaine aversion aux risques, l’administration belge a adopté une approche plus globale, proactive et multidimensionnelle qui vise à identifier et gérer les risques liés à l’atteinte des résultats de développement plus qu’à les éviter. Cette évolution va de pair avec la place centrale accordée aux contextes de fragilité et au développement du secteur privé local.
En 2018, la DGD, Enabel, BIO et 89 organisations de la société civile ont signé une Charte d’Intégrité ((n.a.), 2018[8]). Ce document, qui marque une étape importante dans la gestion, par la coopération belge, des risques d’atteinte à l’intégrité, s’est traduit par un plan d’action conjoint d’adoption des mesures préventives et correctives nécessaires à la gestion des risques d’intégrité, tant financière que morale.
Deux guides ont été élaborés sous l’égide de la DGD pour soutenir les partenaires dans le renforcement de leurs systèmes d’intégrité (Guide pour la gestion des plaintes liées aux atteintes à l’intégrité (Deloitte, 2019[9]) ; Processus d’analyse de l’intégrité lié aux partenaires de mise en œuvre (Deloitte, 2019[10])). Ils fournissent des conseils détaillés et pratiques. Par exemple, le guide d’analyse des partenaires identifie divers signaux d’alarme et des processus d’approbation et d’atténuation des risques.
Le développement en cours de mécanismes formels d’alerte et d’investigation, ainsi que des sessions de formation et de sensibilisation – à Bruxelles comme sur le terrain – permettront à la Belgique de consolider ces efforts.
Cette démarche participe de la mise en œuvre de la Recommandation du Conseil de l’OCDE à l’intention des acteurs de la coopération pour le développement sur la gestion du risque de corruption (OCDE, 2016[11]). Elle anticipe et traite également des principes à la base de la Recommandation du CAD sur l'élimination de l'exploitation sexuelle, des atteintes sexuelles et du harcèlement sexuel dans le contexte de la coopération pour le développement et de l'aide humanitaire (OCDE, Comité d'aide au développement, 2019[12]).
Sources : Deloitte (2019[9]), Guide pour la gestion des plaintes liées aux atteintes à l’intégrité ; Deloitte (2019[10]), Processus d’analyse de l’intégrité lié aux partenaires de mise en œuvre.
La coopération belge compte sur un personnel engagé mais en mal d’accompagnement
La gestion des ressources humaines demeure un défi majeur pour la DGD et la recommandation de la revue par les pairs de 2015 reste valide (OCDE, 2015[3]). Malgré une pression sur les effectifs de l’ensemble du SPF qui a particulièrement impacté la DGD jusqu’en 2016, la rotation importante du personnel et la contraction générale des moyens budgétaires à la fonction publique belge, la DGD a réussi à stabiliser le nombre de ses agents ces trois dernières années grâce à des dispositifs d’échanges de fonctionnaires, de mobilité interne et de détachement. Toutefois, l’équipe humanitaire a vu ses effectifs réduire alors que ses financements se sont fortement accrus, ce qui associé, à une forte rotation du personnel, accroît les risques fiduciaires et de réputation. De plus, les fonctions de coopération au développement dans le réseau des postes ont réduit drastiquement, passant de 54 en 2014 à 28 en 2020, alors que les ambassades doivent désormais s’impliquer activement dans le suivi des partenaires multilatéraux prioritaires (Chapitre 2).
Par ailleurs, les réformes successives, menées avec peu de consultations, ont contribué à un essoufflement et une perte de repères du personnel quant à son nouveau rôle. Ainsi, la DGD en général, et l’équipe humanitaire en particulier, fait face à un fort taux de rotation et d’absence de longue durée notamment pour cause de stress accru7. Associé à l’intégration des anciens attachés de coopération internationale dans une carrière unique, cette rotation accroît les problématiques de gestion des connaissances. Dans ce contexte, rétablir la motivation du personnel permettrait de stabiliser les équipes et tirer profit des opportunités offertes par la réforme, notamment par la mise en place d’une politique volontariste de prévention des risques psycho-sociaux et une définition collégiale des nouvelles fonctions de la DGD. Une plus grande mobilité du personnel entre les domaines de l'urgence et du développement permettrait de diversifier le réservoir de compétences dans le domaine humanitaire et de réduire la surcharge au sein de cette équipe.
La DGD doit clarifier ses besoins en expertise à la lumière des récents changements
Les réformes rendent nécessaire une réflexion au sein de la DGD sur la nature de l’expertise requise pour assurer la formulation des orientations stratégiques et le suivi de la politique de coopération belge. Le personnel doit être capable de s’impliquer dans des instances financières, d’avoir une vision d’ensemble sur de nouveaux sujets complexes et d’extraire l’expertise technique de partenaires autonomes pour élaborer ou porter un avis éclairé sur des programmations ou stratégies de développement tout en jouant un rôle de coordination et dialogue avec les partenaires de mise en œuvre en Belgique ou sur le terrain.
Un état des lieux des besoins et compétences disponibles, au sein de l’administration comme auprès d’Enabel et de BIO, permettrait à la DGD d’établir un plan d’action pour réconcilier besoins et ressources et s’engager pleinement dans la planification et la prévision des effectifs. Ce plan pourrait couvrir les moyens et modalités pour investir dans la formation du personnel, une politique de recrutement adaptée, des dispositifs renforcés de mobilité et détachements – qu’ils soient intra-inter ministériels ou avec les autres acteurs de coopération – et une stratégie de gestion des connaissances pour réduire la perte de mémoire institutionnelle et systématiser les apprentissages (Chapitre 6). Une analyse concertée avec les partenaires clés d’exécution de la coopération au développement belge pourrait maximiser la pertinence de ces efforts.
Enabel peut compter sur un large vivier d’experts
En adéquation avec sa politique de décentralisation, Enabel dispose d’un personnel de 184 employés au siège pour un effectif de 1 302 sur le terrain. À noter que, pour la première fois en 20 ans, la récente réforme a doté son personnel d’un régime légal permettant d’harmoniser les procédures de ressources humaines entre le siège et le terrain. La gestion des ressources humaines par Enabel est ancrée dans des principes de diversité, forte présence locale, prise de responsabilité, efforts soutenus d’auto-évaluation et amélioration de la gestion prévisionnelle avec une vision de court, moyen et long terme. Dans ces efforts, elle devra veiller à valoriser les compétences et le développement professionnel de son personnel, dont une partie ressent une forte pression et une précarité liées à la croissance rapide du budget et à l’évolution des champs d’expertise pour répondre aux priorités de la coopération belge. La définition et la mise en œuvre de la réforme « Strat & Go » qui vise à définir la stratégie d’Enabel à dix ans est une opportunité pour aborder ces enjeux et renforcer l’accompagnement du changement auprès des équipes. Ce processus pourrait gagner en pertinence en étant mené de concert avec la DGD, et informé par les considérations et défis que cette dernière rencontre en termes de ressources humaines et d’expertise.
Enabel a une compréhension large de l’expertise. Pour répondre avec flexibilité aux besoins émanant du terrain, elle mobilise de manière proactive et inclusive son personnel propre, des experts provenant des différents SPF ou identifiés via le vivier mis à disposition par ses 62 partenaires et des consultants indépendants. Cependant, dans un souci constant d’amélioration, l’agence réfléchit à l’adéquation entre les sources d’expertise, les modalités de mobilisation dont elle dispose et ses besoins. À noter également l’objectif affiché d’Enabel de renforcer la représentation des femmes parmi les expatriés et les experts techniques mobilisés lors des interventions (elles représentent aujourd’hui respectivement 23 et 27 %). Cet objectif s’inscrit dans une stratégie plus large d’élaboration d’une politique de ressources humaines plus inclusive, notamment dans les fonctions d’encadrement, et prenant en compte des critères d’âge, nationalité, etc.
Références
[8] (n.a.) (2018), Charte d’intégrité, https://cdn.webdoos.io/vliruos/884cf91fea25f6a8e2a4ed982bc9220b.pdf.
[6] Cour des comptes (2015), ’Evaluation du contrôle interne de la DGD du SPF Affaires étrangères“, Cour des comptes, Bruxelles, https://www.ccrek.be/docs/2015_30_EvalControleInterneDGD.pdf.
[9] Deloitte (2019), “Guide pour la gestion des plaintes liées aux atteintes à l’intégrité”, Deloitte, Bruxelles.
[10] Deloitte (2019), “Processus d’analyse de l’intégrité lié aux partenaires de mise en œuvre”, Deloitte, Bruxelles.
[2] OCDE (2020), “Belgique”, in Les profils de coopération au développement, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/060a1f98-fr.
[7] OCDE (2019), Manuel de référence pour les examens par les pairs réalisés par le CAD 2019-20, OCDE, Paris, https://www.oecd.org/fr/cad/examens-pairs/manuel-de-reference-pour-les-examens-par-les-pairs-realises-au-CAD.pdf.
[11] OCDE (2016), “Recommandation du Conseil de l’OCDE à l’intention des acteurs de la coopération pour le développement sur la gestion du risque de corruption”, https://www.oecd.org/fr/corruption/Recommandation-Cooperation-Developpement-Corruption-FR.pdf.
[3] OCDE (2015), Examens de l’OCDE sur la coopération pour le développement : Belgique 2015, Examens de l’OCDE sur la coopération pour le développement, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264242036-fr.
[12] OCDE, Comité d’aide au développement (2019), “Recommandation du CAD sur l’élimination de l’exploitation sexuelle, des atteintes sexuelles et du harcèlement sexuel dans le contexte de la coopération pour le développement et de l’aide humanitaire : principaux piliers de la prévention et de la réponse”, OCDE, Paris, http://www.oecd.org/officialdocuments/publicdisplaydocumentpdf/?cote=DCD/DAC(2019)31/FINAL&docLanguage=Fr#:~:text=La%20Recommandation%20du%20CAD%20sur%20l'%C3%A9limination%20de%20l'exploitation,du%20CAD%20%C2%BB)%20est%20le%20premier.
[5] Royaume de Belgique (2018), Arrêté royal portant approbation du deuxième contrat de gestion entre l’État belge et la société anonyme de droit public “Société belge d’investissement pour les pays en développement” (BIO SA), http://www.ejustice.just.fgov.be/mopdf/2019/01/02_1.pdf#Page4.
[4] Royaume de Belgique (2017), Arrêté royal portant approbation du premier contrat de gestion entre l’Etat fédéral et la société anonyme de droit public à finalité sociale Enabel, Agence belge de développement, http://www.ejustice.just.fgov.be/mopdf/2017/12/22_1.pdf#Page19.
[1] SPF Affaires étrangères (2016), “Contrat d’administration relatif au fonctionnement du service public fédéral Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement 2016-18”, Royaume de Belgique, Bruxelles, https://diplomatie.belgium.be/sites/default/files/downloads/2016-2018_contrat_administration.pdf.
Notes
← 1. Les modifications de l’organigramme se sont articulées autour des sujets clés de la coopération belge que sont : environnement et climat (MD8), migration (D0), aide humanitaire et transition (D5), résultats (D0.1), développement du secteur privé (D2.4) et, plus récemment, rapprochement du suivi de la coopération gouvernementale et non gouvernementale (D-GEO).
← 2. Le Conseil d’administration de BIO est composé de dix administrateurs indépendants, un observateur (le directeur général de la DGD) et deux commissaires du gouvernement, l’un nommé par le ministre de la Coopération au développement, l’autre par le ministre du Budget. Le Conseil d'administration d’Enabel est composé de douze membres nommés par le Conseil des ministres, pour un terme renouvelable de quatre ans, sur la base de leur connaissance de la coopération internationale ou en matière de gestion. Le directeur général de la DGD en fait partie mais ne dispose pas du droit de vote.
← 3. Diplomacy, defense, development, law and order.
← 4. La fusion de la division Climat de la DGD avec la division Multilatérale, et une concertation forte avec le SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement de la Belgique facilite la définition des positions dans les foras internationaux.
← 5. Pour la coopération gouvernementale, l’approbation des stratégies pays et des portefeuilles d’interventions se fait au niveau du ministre. Il en est de même pour les demandes d'accréditation et de subvention de la coopération non gouvernementale.
← 6. Les mandats pour tiers sont validés après avis de non objection du ministre si hors de la liste des pays et territoires prioritaires, dans le cas contraire ils sont validés au conseil d’administration de l’agence. Au sein des portefeuilles pays, les agences pays peuvent réallouer 15 % du budget sans demander l’approbation du conseil d’administration. La mobilisation des 10 % de réserves passe systématiquement par une décision du conseil d’administration.
← 7. Sur la période 2015-20, 12.7 % des membres du personnel de la DGD ont été absents pendant quelques semaines à plusieurs mois pour raison médicale. La pression accrue sur l’équipe humanitaire s’explique notamment par un cumul de baisse des effectifs, augmentation du budget et pressions des délais d’urgence.