Chapitre 13. Services écosystémiques et biodiversité

L’évaluation des services écosystémiques est devenue essentielle (peut-être même décisive) pour mesurer la contribution des écosystèmes et de la biodiversité au bien-être humain. Bien que l’on dispose de données amples et – au moins pour certains services écosystémiques – détaillées, l’analyse des progrès déjà obtenus à cet égard révèle la nécessité de mieux comprendre la production écologique, surtout en ce qui concerne la variabilité spatiale et la complexité des facteurs en jeu dans la production des services écosystémiques. Cela exige une approche réellement interdisciplinaire, étant donné le rôle important des sciences naturelles pour éclairer les étapes du processus d’analyse. De nombreuses discussions se poursuivent aussi sur les moyens d’analyser les décisions dans les situations où l’évaluation et la compréhension du monde naturel resteront sans doute marquées d’incertitude. De telles difficultés doivent être envisagées dans leur contexte propre. Un nombre croissant d’évaluations écosystémiques à grande échelle ont montré comment exploiter les données empiriques de façon instructive et utile pour l’action des pouvoirs publics. Ces développements seront déterminants pour que les évaluations rendent possible une analyse pertinente des politiques.

    

13.1. Introduction

L’évaluation de la biodiversité et des services écosystémiques est de plus en plus perçue comme un élément crucial d’un processus de décision rigoureux. Les « évaluations écosystémiques » à grande échelle ont contribué à cette évolution en aidant à éclaircir la manière dont les écosystèmes participent au bien-être humain. On peut y voir un antidote aux pratiques antérieures qui, trop souvent, prenaient en compte de façon seulement superficielle – ou même ignoraient complètement – le lien entre nature et bien-être dans l’analyse des politiques.

L’application des techniques d’évaluation économique à un milieu naturel complexe soulève un certain nombre d’enjeux importants. Le plus essentiel peut-être est la nécessité d’assurer que cette application s’appuie solidement sur les sciences naturelles1. Cette exigence d’interdisciplinarité reçoit un cadre conceptuel dans l’approche de la prise de décision fondée sur les « services écosystémiques ». Bien que généralement décrite comme issue des sciences naturelles, cette approche est hautement compatible avec l’analyse économique, car elle met l’accent sur le rôle des écosystèmes dans la fourniture de services qui, à leur tour, soutiennent la production ou contribuent directement au bien-être. Les services écosystémiques sont par conséquent définis comme des « contributeurs » aux valeurs anthropocentriques et, alors que les sciences naturelles permettent de comprendre les premiers, l’économie est bien placée pour analyser les secondes. L’évaluation économique, en particulier, devient un élément essentiel de l’approche axée sur les services écosystémiques dans l’analyse des décisions.

Bien que l’expression « services écosystémiques » soit assez nouvelle, au moins dans ce contexte, puisqu’elle n’a commencé à se répandre qu’à la suite de l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (EM, 2005), les économistes de l’environnement appliquent depuis de nombreuses années des techniques d’évaluation non marchande à ce type de services (voir, par exemple, Adamowicz et al., 1994 ; Ruitenbeek, 1989). Connaître la valeur économique des écosystèmes est important pour plusieurs raisons. L’une est évidemment le pouvoir de persuasion attribué au langage économique. Bateman et al. (2011b), par exemple, estiment qu’au Royaume-Uni, les services écosystémiques contribuent à trois milliards de sorties récréatives de plein air par an et que la valeur sociale de ces visites est sans doute supérieure à 10 milliards GBP. Selon les calculs de Gallai et al. (2009), la valeur globale des services fournis par les insectes pollinisateurs du seul point de vue des avantages résultant de la pollinisation des cultures qui servent (directement) à la consommation humaine atteint environ 190 milliards USD (en 2005). Réussir à décrire ce que nous fournit le monde naturel en termes monétaires est ainsi un puissant moyen de faire comprendre l’importance de sa conservation à un public plus large (peut-être non réceptif auparavant).

Outre leur impact rhétorique, de tels calculs présentent un réel intérêt, car les données ainsi obtenues peuvent être prises en compte pour guider la réflexion sur les politiques et la prise de décision. S’agissant par exemple de la valeur récréative des écosystèmes du Royaume-Uni, Bateman et al. (2011b) montrent aussi que la localisation (des sites) n’est pas sans importance. Un site récréatif spécifique pas trop étendu, par exemple, peut générer des valeurs qui varient entre 1 000 et 65 000 GBP par an, uniquement en fonction de sa localisation. Le facteur déterminant à cet égard est, comme on pouvait s’y attendre, la proximité d’une grande agglomération. Les forêts, par conséquent, se trouvent au « mauvais » endroit (assez loin des populations de visiteurs potentiels) et ont moins de chances (toutes choses égales par ailleurs) d’atteindre des valeurs sociales aussi élevées, constat qui n’est pas sans importance dans l’hypothèse où des décideurs envisagent de nouveaux investissements dans ces sites naturels.

D’une façon plus générale, l’intérêt essentiel qu’il y a à attribuer une valeur à la nature est que cela permet de remédier à un déséquilibre fondamental, cette valeur étant bien trop souvent grossièrement sous-estimée ou même entièrement ignorée dans les décisions privées et une grande partie des processus de décision d’intérêt collectif. Montrer l’étendue de la valeur de la nature pour la subsistance des populations humaines et, plus généralement, pour le bien-être humain représente un premier pas concret décisif vers la mise au point d’interventions publiques aptes à répondre au rythme actuel et futur de destruction des écosystèmes et d’érosion de la biodiversité. L’étude de Barbier (2007) est fréquemment citée dans ce contexte. Cette étude cherchait à estimer la valeur écologique des mangroves en Thaïlande – comme source de bois de chauffage, d’habitats utiles pour la pêche et d’atténuation des effets des tempêtes (en réduisant les risques d’inondation côtière) – afin de comparer ces résultats avec le rendement d’une forme d’utilisation des sols concurrente : l’élevage de crevettes. Elle constate que les profits privés associés à ces deux types d’utilisation sont respectivement de 584 USD et de 1 220 USD par hectare, ce qui, d’un point de vue financier, semble clairement justifierla conversion des mangroves. Cependant, l’analyse des coûts et avantages sociaux donne des résultats tout à fait différents et montre qu’un hectare typique de mangroves génère une valeur sociale de 12 392 USD.

L’approche économique, évidemment, ne conclut pas toujours à la nécessité de protéger les écosystèmes (ce qui montre le danger qu’il y a à manier des arguments économiques uniquement dans un but rhétorique). Par ailleurs, un motif de préoccupation tient à la difficulté qu’il y a à démontrer l’importance des fondamentaux écologiques – à commencer par la « biodiversité » – dans ces évaluations de la valeur instrumentale de la nature. Sans compter que les débats sur la valeur intrinsèque de la nature demeurent parfaitement pertinents. Néanmoins, de quelque façon que l’on pose la question, déterminer quelle part de la nature « devrait » être conservée nécessitera sans doute des efforts importants pour comprendre quelle est sa valeur au point de vue économique, ainsi que les coûts (d’opportunité) de sa conservation. Les difficultés à résoudre à cet égard sont énormes. Nombre d’entre elles ne sont pas impossibles à surmonter (comme semble l’indiquer l’enrichissement du socle de connaissances) mais, comme nous le verrons dans les pages qui suivent, l’évaluation de la nature se heurte inévitablement à certaines limites. Il est donc important aussi de déterminer comment poursuivre l’analyse économique une fois ces limites atteintes, comme l’illustre le chapitre 12.

13.2. Services écosystémiques

Toute forme de vie s’intègre dans un type ou un autre d’écosystème, celui-ci étant composé d’un ensemble d’êtres vivants (ou « biote ») et de leur milieu non biologique. Une forêt ou une zone humide constituent donc un écosystème, tout comme les récifs coralliens, les déserts, les estuaires et les cours d’eau. Tous les écosystèmes génèrent d’abondants services d’ordre général. Ces services ont essentiellement pour effet de rendre possible la vie sur Terre. Il en résulte que tous les services fournis par les écosystèmes sont d’une certaine façon de nature économique : ils possèdent une valeur économique puisqu’ils offrent des avantages aux êtres humains. Un écologiste jugerait probablement que les services procurés par les écosystèmes revêtent une importance considérable, mais ne les définirait sans doute pas nécessairement comme le ferait un économiste en fonction des seuls avantages manifestes qu’ils offrent aux êtres humains. Voici quelques exemples de services fournis par les écosystèmes qui offrent d’évidents avantages aux êtres humains :

  • des services d’épuration : par exemple, les zones humides filtrent l’eau et les forêts, la pollution atmosphérique ;

  • un recyclage écologique : par exemple, durant leur croissance, les végétaux absorbent (c’est-à-dire qu’ils « fixent » ou « piègent ») le dioxyde de carbone et le stockent dans la biomasse jusqu’à ce qu’ils meurent, le carbone passant ensuite dans le sol. Le dioxyde de carbone étant un gaz à effet de serre, l’accroissement de la biomasse a pour effet d’en réduire la concentration dans l’atmosphère ;

  • une fonction de régulation : les écosystèmes naturels abritent des espèces interdépendantes de sorte que la lutte contre les ravageurs est assurée par des processus naturels, ce qui réduit la nécessité de recourir aux produits chimiques. Les écosystèmes peuvent réguler les bassins versants tout comme les conditions météorologiques, réduisant ainsi les risques d’inondation ;

  • la fourniture d’habitats : outre qu’ils représentent des sources de nourriture, d’informations scientifiques et de valeur récréative et esthétique, les habitats constituent des réservoirs de diversité biologique, laquelle peut à son tour être à l’origine de processus qui réduisent les risques de disparition des écosystèmes (« résilience ») ;

  • des fonctions de régénération et de production : les écosystèmes « produisent » de la biomasse grâce à la transformation de la lumière, de l’énergie et des substances nutritives. Cette biomasse fournit de la nourriture, des matières premières et de l’énergie. Les écosystèmes assurent la pollinisation et la dissémination des semences, ce qui garantit leur propre renouvellement. On estime qu’environ 30 % des cultures vivrières mondiales sont tributaires de la pollinisation naturelle ;

  • une source d’informations et une fonction de maintien de la vie : les écosystèmes sont les produits de l’évolution et recèlent donc des informations accumulées pendant des millions d’années. Ces informations ont une valeur scientifique, mais constituent également une source d’émerveillement et favorisent le maintien de la vie.

Pour adapter la notion de services écosystémiques tirée des sciences naturelles aux exigences de l’économie, une option consiste à partir des systèmes de classification. Ces systèmes n’utilisent pas tous les mêmes catégories, mais ils établissent tous une distinction entre les services d’approvisionnement, les services culturels et les services de régulation. Par certains aspects, les deux premiers types de services recoupent tout à fait la distinction proposée antérieurement entre usage et non-usage (voir chapitre 4). Les services d’approvisionnement, par exemple, sont généralement des produits matériels tels que des aliments ou des matériaux naturels fournis par la nature. Les services culturels, en revanche, désignent les diverses formes d’expérience dont jouissent les individus dans leur interaction avec la nature (par exemple, dans le cadre de leurs loisirs), ainsi que le plaisir intangible procuré par l’existence de la nature ou sa valeur spirituelle. Bien que ces services soient décrits comme distincts dans un but de classification, les écosystèmes peuvent bien entendu fournir des « biens » qui répondent à la fois aux critères des services d’approvisionnement et à ceux des services culturels (pour un examen détaillé, voir Chan et al., 2011), ainsi que différents types d’avantages culturels résultant de leur usage ou non-usage. Une forêt, par exemple, peut être appréciée à la fois à cause des possibilités de loisirs qu’elleoffre et du fait de savoir que cette aire naturelle sera préservée et demeurera accessible, même si la personne qui exprime un tel jugement de valeur n’observe pas directement ce résultat. Le tableau 13.1 présente un exemple de classification tiré de Markandya (2016) et basé sur un projet de classification des services écosystémiques en cours aux fins de la comptabilité écosystémique.

Il existe d’autres classifications des services écosystémiques. Kumar (2010), par exemple, inclut dans la sienne les services d’habitat afin de tenir compte du rôle des écosystèmes dans la protection de « pools génétiques » et de l’importance des habitats interconnectés pour les espèces migratrices. L’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (EM, 2005) a aussi mis l’accent sur les fonctions de soutien des écosystèmes, à savoir les processus naturels qui sous-tendent les services d’approvisionnement, les services culturels et les services de régulation. Ces fonctions, comme le cycle des nutriments, constituent un niveau intermédiaire supplémentaire de la production écologique et sont maintenant fréquemment englobées dans la catégorie des « services de régulation » (Kumar, 2010). D’autres classifications comme celles de Heal et al. (2005) et de Groot et al. (2002) privilégient spécifiquement les services d’habitat et les services de régulation.

En dépit de leur partialité, ces approches révèlent un élément distinctif essentiel des tentatives de compréhension économique des écosystèmes. La jouissance des services écosystémiques (ultimes) est attribuée à un processus de production (naturel) dans lequel les services de régulation jouent notamment un rôle décisif. Ces services – par exemple, la régulation des flux hydriques (et de la qualité de l’eau) ou l’activité des insectes pollinisateurs – contribuent en définitive à la production de services agricoles d’approvisionnement (Goulder et Kennedy, 2011). L’évaluation des services écosystémiques met souvent l’accent sur le résultat final, en s’interrogeant sur le service ultime qui bénéficie aux individus. Il est évidemment important de connaître les biens et services consommés que fournit en fin de compte un écosystème, mais il est aussi essentiel de comprendre comment les niveaux de production intermédiaires contribuent au résultat final.

Tableau 13.1. Classification des services écosystémiques

Type de services

Division

Groupe

Classe

Services d’approvisionnement

Alimentation

Biomasse

Cultures

Animaux d’élevage et leurs produits

Plantes sauvages, algues et leurs produits

Animaux sauvages et leurs produits

Plantes et algues provenant de l’aquaculture in situ

Animaux provenant de l’aquaculture in situ

Eau

Eau superficielle destinée à l’alimentation

Eau souterraine destinée à l’alimentation

Matériaux

Biomasse

Fibres et autres matériaux d’origine végétale

Matériaux végétaux, algaux et animaux pour l’agriculture

Matériaux génétiques provenant de tous les biotes

Eau

Eau superficielle non destinée à l’alimentation

Eau souterraine non destinée à l’alimentation

Énergie

Énergie provenant de la biomasse

Ressources d’origine végétale

Ressources d’origine animale

Énergie mécanique

Énergie animale

Services de régulation et d’entretien

Traitement des déchets, des substances toxiques et d’autres nuisances

Traitement par les biotes

Biodépollution à l’aide de micro-organismes, etc.

Filtrage/piégeage/stockage/accumulation au moyen de micro-organismes, etc.

Traitement par les écosystèmes

Filtrage/piégeage/stockage/accumulation

Dilution dans l’atmosphère, l’eau douce, les écosystèmes marins

Traitement de l’odeur, du bruit, des impacts visuels

Traitement des flux

Mouvements de masses

Stabilisation et maîtrise des taux d’érosion

Amortissement et atténuation des mouvements de masses

Flux liquides

Maintien du cycle hydrologique et des flux d’eau

Protection contre les inondations

Courants atmosphériques

Protection contre les tempêtes, ventilation et transpiration

Maintien de conditions physiques, chimiques ou biologiques

Protection d’habitats et de pools génétiques

Pollinisation et dispersion des semences

Maintien des populations juvéniles et des habitats nourriciers

Lutte contre les ravageurs et les maladies

Lutte contre les ravageurs

Lutte contre les maladies

Formation et composition des sols

Processus d’altération

Processus de décomposition et de fixation

Paramètres de l’eau

Régulation des paramètres chimiques de l’eau douce et de l’eau salée

Régulation atmosphérique et climatique

Régulation du climat mondial par réduction des GES

Régulation de microclimats et de climats régionaux

Services culturels

Interactions physiques et mentales avec les biotes/écosystèmes

Interactions physiques et empiriques

Utilisation expérimentale de paysages, végétaux ou animaux

Différentes formes d’utilisation physique des paysages terrestres ou marins

Interactions mentales ou sous forme de représentations

Interactions scientifiques, éducatives, culturelles, esthétiques et axées sur la conservation ou le divertissement

Interactions spirituelles et symboliques avec les biotes/écosystèmes

Interactions spirituelles et/ou de type emblématique

Interactions symboliques

Interactions à caractère sacré et/ou religieux

Autres services culturels

Existence

Legs

Source : Markandya (2016).

Nombre de classifications n’accordent pas une place explicite à la valeur de la biodiversité. Un aspect assez inquiétant des évaluations écosystémiques récentes tient d’ailleurs au fait que la volonté de privilégier les services écosystémiques pourrait conduire paradoxalement à omettre le rôle vital de la biodiversité à la fois dans la fourniture de ces services et comme source de valeur en tant que telle. D’un côté, en effet, la biodiversité peut être envisagée comme un service. La biodiversité des pollinisateurs, par exemple, contribue directement à l’amélioration de la production agricole et certains aspects de la biodiversité, comme le maintien d’espèces emblématiques telles que l’ours polaire, constituent en tant que tels un bien (c’est-à-dire une source directe de bien-être). D’un autre côté, comme le déclarent Mace et al. (2012), privilégier exclusivement ce rôle de la biodiversité risque d’amener à négliger quelque chose de fondamental. Elmqvist et al. (2010) montrent de manière détaillée que la biodiversité fonctionne comme un service de soutien qui rend possible la fourniture de ce que Fisher et al. (2009) appellent les services écosystémiques ultimes. La biodiversité des sols, par exemple, améliore la fertilité des terres agricoles, qui détermine à son tour la production d’un bien (dans ce cas des aliments). Ces services rendus par la biodiversité ont même été comparés – parexemple par Pascual et al. (2010) (sur la base de contributions antérieures comme celles de Gren et al., 1994) – à une forme d’assurance.

Il est clair que les écosystèmes sont « multifonctionnels » ou « multiproduits » : ils génèrent tout un éventail de services écologico-économiques. Il a toutefois déjà été noté que les « produits » des écosystèmes ne sont généralement pas connus avec le même degré de certitude que ceux d’une entreprise qui proposerait toute une gamme de biens marchands. Il peut tout autant s’agir de biens purement individuels (bois de chauffage, eau pure, etc.) que de biens publics d’envergure locale (protection d’un bassin versant) ou planétaire (piégeage du carbone et valeur de non-usage de l’écosystème).

Pour isoler les premiers indices de valeur pratique des écosystèmes, il convient de réfléchir à la manière dont les services écosystémiques fournissent en définitive des avantages aux individus et aux entreprises. C’est ce qu’on a vu au chapitre 2 et que Freeman et al. (2013) appellent « les voies économiques par l’intermédiaire desquelles le bien-être est affecté » (p. 13). Ces voies sont multiples (Brown et al., 2007 ; Freeman et al., 2013) mais on peut les regrouper de trois façons :

  • Premièrement, certains services écosystémiques sont utilisés comme intrants dans la production économique, par exemple la fertilité des sols dans la production agricole, ou les services de régulation et purification hydrique dans le cas des unités économiques (de production) qui ont besoin d’un approvisionnement en eau propre, éventuellement à côté d’autres facteurs de production.

  • Deuxièmement, certains services écosystémiques ont une fonction d’apport conjoint dans la consommation des ménages. Autrement dit, l’utilisation de services écosystémiques en combinaison avec les dépenses consacrées à des biens ou des services marchands joue un rôle dans la fourniture d’un « produit » de consommation. En pareils cas, les services écosystémiques et les biens/services marchands fonctionnent comme des intrants complémentaires. On citera comme exemple à ce sujet les services fournis par la nature qui, associés à des frais de déplacement, entrent dans la production d’une expérience récréative en milieu naturel. Un service écosystémique peut aussi se substituer à un bien marchand : des services de purification de l’air, par exemple, peuvent se substituer à l’achat d’un appareil produit commercialement pour filtrer l’air.

  • Troisièmement, certains services écosystémiques contribuent aussi directement en tant qu’intrants au bien-être des ménages. Ils ne jouent un rôle dans aucune activité économique de production ou de consommation des ménages. Ils sont consommés directement et génèrent des avantages (qui sont au bout du compte une source de bien-être). Bien que difficiles à saisir, ils incluent, par exemple, les services valorisés pour des raisons en rapport avec le « non-usage » ou l’« usage passif » comme la « nature à l’état sauvage ».

13.3. Évaluation des services écosystémiques

Déterminer la valeur véritable des biens et se servir de ces données pour faire en sorte que les décisions contribuent à l’amélioration du bien-être humain est la raison d’être de l’analyse économique. Un certain nombre d’études récentes détaillées révèlent la multitude des méthodes – et des applications de ces méthodes – employées pour déterminer la valeur des services écosystémiques et de la biodiversité (voir, par exemple, Pascual et al., 2011 ; US EPA, 2009 ; Bateman et al., 2011b ; Kaveira et al., 2011 ; ainsi que les chapitres 3 à  7 de cet ouvrage). Ces travaux sont importants pour, d’une part, mettre en lumière ce que l’on connaît de l’évaluation des écosystèmes et de la biodiversité et, d’autre part, cerner ce qui reste à connaître. Le tableau 13.2 présente un bref aperçu des principales méthodes. Il importe de noter ici que toutes ces méthodes ont été appliquées à des écosystèmes. Leur grande variété n’est pas due à une recherche de la diversité pour elle-même, mais reflète pour l’essentiel la diversité des services que les praticiens ont cherché à évaluer.

Toute réflexion sur l’évaluation des services écosystémiques doit partir de l’idée que de telles analyses se fondent sur la théorie économique standard, mais s’appuient également sur les sciences naturelles (Daily, 1997 ; EM, 2005 ; Pagiola et al., 2004 ; Heal et al., 2005 ; Barbier, 2007 ; Sukhdev, 2008). La question de savoir si ce type d’évaluation peut se baser sur des prix de marché ou si l’analyste doit aussi chercher à obtenir des données de comportement non marchand (réel ou intentionnel) dépend des caractéristiques du bien ou service écosystémique en cause. Dans certains cas, l’évaluation doit partir des prix de marché. Les services d’approvisionnement en aliments ou en fibres, par exemple, constituent fréquemment des biens marchands ou quasi marchands pour lesquels existent des produits de substitution (commerciaux) proches. C’est la raison pour laquelle l’évaluation marchande prédomine dans ce type de situations, même s’il est nécessaire d’ajuster les prix observés pour tenir compte des distorsions du marché (tableau 13.2). Les services d’approvisionnement, cependant, dépendent en général eux-mêmes d’un service sous-jacent fourni par un processus écosystémique. Ainsi, bien que l’évaluation du produit final soit assez simple, le plus dur du travail d’analyse passe souvent par la spécification et l’estimation d’une fonction de production écologique. En d’autrestermes, les services écosystémiques sont fréquemment évalués en tant qu’intrants productifs (voir Barbier, 2007 ; Freeman, 2003 ; et Hanley et Barbier, 2009). Dans cette optique, il est nécessaire de chercher à isoler et préciser leur valeur du point de vue de leur effet sur un niveau de production observé (tableau 13.2). Cette approche peut être appliquée à toute une gamme de biens marchands (de consommation), mais elle a également été utilisée pour évaluer des services de régulation et de « protection » (par exemple contre les inondations et les phénomènes météorologiques extrêmes).

Tableau 13.2. Méthodes d'évaluation économique utilisées pour évaluer les services écosystémiques

Méthode d’évaluation

Description

Types de services écosystémiques visés

Valeur marchande ajustée

Utilisation des prix de marché ajustés pour tenir compte des distorsions éventuelles (dues, par exemple, à des taxes, des subventions ou des pratiques non concurrentielles)

Cultures, bétail et forêts

Estimation de la fonction de production

Estimation d’une fonction de production écologique dans laquelle le service écosystémique est pris en compte comme intrant du processus de production et évalué du point de vue de son effet sur un certain niveau de production

Maintien d’espèces bénéfiques, maintien de la productivité agricole, protection contre les inondations

Préférences révélées

Examen des dépenses effectives encourues en relation avec des biens marchands associés à des services écosystémiques. S’il s’agit de biens marchands de substitution, une approche fondée sur les dépenses de comportement préventif ou d’atténuation (par ex. les dépenses visant à éviter des dommages comme l’achat d’eau en bouteille ou l’installation de double vitrage) peut être appliquée. La méthode des coûts de déplacement peut aussi être utilisée dans le cas de biens marchands complémentaires (par ex. les frais de voyage dans un but de loisirs). Enfin, lorsqu’un service écosystémique est une caractéristique du bien marchand, on pourra recourir à la méthode des prix hédonistes (par ex. en examinant l’impact du bruit ou de la quantité d’espaces verts sur les prix immobiliers)

Qualité de l’eau, tranquillité, loisirs et avantages d’agrément

Préférences déclarées

Réalisation d’enquêtes pour connaître le consentement à payer en relation avec une modification de l’environnement (évaluation contingente) ou en demandant aux individus de choisir entre différents niveaux de services environnementaux à des prix différents pour déterminer leur consentement à payer (modélisation des choix)

Qualité de l’eau, conservation des espèces, qualité de l’air, valeurs de non-usage

Bien-être subjectif

Utilisation de réponses à des enquêtes mesurant le bien-être subjectif, et étude du degré auquel les indicateurs liés aux écosystèmes sont des déterminants du bien-être. L’évaluation peut nécessiter de se pencher sur l’arbitrage revenu/écosystèmes pour atteindre un niveau donné de bien-être subjectif

Qualité de l’eau, conservation des espèces, qualité de l’air selon la disponibilité d’indicateurs adaptés

Dans d’autres cas, cependant, les prix de marché ne reflètent pas – ou pas de manière adéquate – la valeur attribuée par les individus aux services écosystémiques. Il est nécessaire alors de recourir à des techniques d’estimation des valeurs non marchandes en les appliquant à un effet écologique qui peut lui-même avoir été déterminé au préalable au moyen d’une fonction de production. La méthode des préférences révélées évalue les biens environnementaux non marchands à partir de la consommation des biens privés marchands qui leur sont associés. Il existe plusieurs variantes de cette méthode selon que le bien environnemental et le bien marchand associé sont complémentaires, peuvent se substituer l’un l’autre ou sont liés entre eux, l’un étant un attribut de l’autre (tableau 13.2).

Dans le premier cas, les économistes se servent de la notion de « complémentarité faible » introduite par Mäler (1974) pour connaître ce que les individus sont prêts à dépenser pour un bien privé afin de jouir du bien environnemental, en révélant ainsi la valeur de ce dernier bien. La méthode des coûts de déplacement, par exemple, examine les dépenses et le temps que les individus sont prêts à consacrer à la visite d’aires naturelles dans un but de loisirs. Dans le deuxième cas, où les biens peuvent se substituer l’un à l’autre, il est possible de recourir à des approches s’appuyant sur les comportements de prévention ou dépenses de protection, par exemple l’achat d’eau en bouteille pour éviter de boire de l’eau contaminée. Enfin, la méthode des prix hédonistes des biens immobiliers repose sur l’idée qu’il est possible de déduire du marché immobilier la valeur implicite des caractéristiques sous-jacentes des habitations, qu’il s’agisse des caractéristiques structurelles, de la localisation et de l’accessibilité, du quartier ou de l’environnement (Rosen, 1974). Elle peut être utilisée par exemple pour déterminer le supplément que les individus sont prêts à payer pour acheter un logement plus proche d’espaces verts ou de certains types d’habitat (Gibbons et al., 2011).

Alors que les méthodes des préférences révélées déterminent les valeurs initiales en examinant le comportement réel, les méthodes des préférences déclarées (MPD) estiment les valeurs en partant du comportement envisagé. Ces dernières englobent toute une gamme de méthodes d’enquête qui se servent de marchés fictifs ou hypothétiques pour recueillir les préférences au regard de changements spécifiques dans la fourniture des services environnementaux (tableau 13.2). La technique MPD de loin la plus appliquée est la méthode d’évaluation contingente (voir, par exemple, Alberini et Kahn, 2006)2. Toutefois, depuis plusieurs années, la méthode de modélisation des choix gagne du terrain. Dans cette variante, il est demandé aux personnes interrogées de sélectionner leur option préférée parmi une série (parfois assez étendue) de politiques ou de modalités de fourniture de services à des prix différents, leur consentement à payer étant révélé indirectement par leur choix (voir, par exemple, Hanley et al., 2001 ; Kanninen, 2007)3.

Les méthodes des préférences déclarées devraient théoriquement être applicables à une large gamme de services écosystémiques et utilisées pour mesurer l’évolution future/prévisible de ces biens. Il importe de noter en outre que ces méthodes sont considérées comme la seule option qui existe pour estimer les services qui sont évalués à des fins de « non-usage ». En pratique, les MPD sont surtout justifiées lorsque les répondants ont exprimé auparavant une préférence claire pour les biens concernés ou lorsqu’ils manifestent des préférences économiquement cohérentes au cours de l’enquête. Si tel n’est pas le cas, les valeurs ainsi recueillies ne fournissent guère une base solide pour l’analyse d’une décision. Ce problème a plus de chances de se produire dans le cas de biens avec lesquels les individus sont peu familiarisés ou qu’ils comprennent mal (Bateman et al., 2008a ; 2008b ; 2010). Par conséquent, si les MPD permettent d’obtenir de solides évaluations pour les biens à forte valeur d’usage bien connus des personnes interrogées, plus on s’éloigne de ce type de biens en vue de déterminer des valeurs d’usage indirect ou de pur non-usage, plus le risque est grand de rencontrer des difficultés. Le paradoxe est que les MPD sont les plus utiles précisément dans les situations où leur efficacité est potentiellement moins grande.

Un certain nombre d’idées ont été mises en avant pour résoudre le problème que posent les biens encore mal connus des répondants. Christie et al. (2006) ont proposé de recourir à des ateliers d’évaluation intensifs pour leur permettre de se familiariser avec les services environnementaux sur lesquels porte l’évaluation. Cependant, les techniques en jeu s’appuient presque inévitablement sur de petits échantillons non représentatifs qui, après un exercice intensif de ce type, ne peuvent être considérés comme reflétant les préférences générales. Par conséquent, même si elles offrent des éclairages utiles sur les moyens de surmonter le manque de familiarité des participants à l’enquête avec un service écosystémique, on est en droit de se demander si le remède n’est pas ici pire que le mal. D’autres auteurs ont proposé concrètement d’étendre les applications conventionnelles, centrées sur l’individu, des MPD. Bateman et al. (2009), par exemple, utilisent des logiciels de réalité virtuelle pour communiquer des images de biens paysagers. Cela leur évite d’avoir à expliquer les attributs de ces biens en se servant d’unités de mesure peu familières comme l’hectare. Les résultats de l’application de cette méthode font apparaître une réduction importante du taux d’incohérences parmi les préférences que déclarent les participants.

Bien que des progrès importants soient possibles en étoffant la matrice d’évaluation des écosystèmes sans recourir à des méthodes jugées plus « problématiques », de graves lacunes subsistent sur le plan empirique. Le problème est particulièrement aigu en ce qui concerne de nombreux types de services culturels fournis par les écosystèmes. Comme l’indiquent Chan et al. (2010, p. 206), « peu de catégories de valeur sont plus difficiles à identifier et à mesurer que celles qui se rapportent aux aspects culturels et de non-usage des écosystèmes ». Les services écosystémiques culturels englobent les valeurs liées à l’usage, notamment les loisirs et les activités récréatives, les avantages en termes esthétiques ou d’inspiration, les avantages spirituels et religieux, les avantages communautaires, l’éducation et les connaissances écologiques, et la santé physique et mentale. Certains de ces services correspondent à des valeurs de non-usage, comme les valeurs d’existence, d’altruisme et de legs, et cela est source de difficultés particulières (Krutilla, 1967) 4. En outre, quelques-uns des avantages susmentionnés sont difficiles à distinguer. La situation actuelle semble se caractériser par un manque généralisé de connaissances et une pénurie spécifique de données monétaires sur la contribution des services écosystémiques culturels au bien-être. Les sections quisuivent examinent certains des défis qui se posent en particulier au sujet des valeurs de « santé » et de « non-usage » des écosystèmes.

Encadré 13.1. Valeurs pratiques des services écosystémiques

L’éventail possible des divers services écosystémiques est présenté dans le tableau 13.3, tiré de Markandya (2016), mais s’appuyant sur un travail antérieur de synthèse des données empiriques réalisé par Groot et al. (2012). Ce tableau recense en tout 22 services écosystémiques classés par biome (variétés très larges d’habitats terrestres et aquatiques). Les données présentées portent sur la valeur monétaire par hectare (ha) d’un service écosystémique (exprimée en USD aux prix de 2007).

Plusieurs remarques s’imposent à propos de ces données. Premièrement, le tableau est incomplet, très certainement à cause de divers facteurs. Dans certains cas, il se peut que tel ou tel service écosystémique ne joue qu’un rôle insignifiant dans un biome particulier. Il se peut aussi que les données soient tout simplement inexistantes ou bien insuffisantes pour être synthétisées dans l’une des cases du tableau. Deuxièmement, le tableau est à d’autres égards remarquablement complet, en particulier pour certains biomes (notamment les zones humides intérieures et côtières et les forêts tropicales). Cela est frappant étant donné la nouveauté de ce type d’études et montre que des progrès importants ont été réalisés en un temps assez court. Troisièmement, les données incluses dans le tableau montrent l’importance relative de certains services écosystémiques par rapport à d’autres dans le cadre d’un type de biome particulier. En outre, les valeurs par hectare semblent en principe assez simples à utiliser pour analyser de nouvelles politiques : par exemple, à quelle modification des services écosystémiques peut-on s’attendre pour tant d’hectares de plantation d’arbres sur un site particulier ? Bien qu’il ne permette pas de répondre exactement à cette question (pour des raisons développées ci-dessous), le tableau permet d’envisager différentes manières d’y répondre, tout en donnant un aperçu synthétique du socle de donnéesexistant.

Au-delà de ces remarques, il importe de réfléchir de près aux problèmes qui subsistent en dépit de l’aspect apparemment convaincant du tableau 13.3 et aux « alertes » qu’il conviendra de mettre en place quant à l’interprétation de ce type de données. Markandya (2016) note par exemple que ces données ne sont pas toujours nécessairement additives. Certains services écosystémiques de régulation entrent en fait dans la production d’autres services écosystémiques d’approvisionnement. Le tableau, par conséquent, bien qu’utile à bien des égards, ne libère pas l’analyste de l’obligation d’examiner plus en détail les diverses étapes des processus de production naturels et économiques dans lesquels entrent ces services écosystémiques. Les données détaillées qui sous-tendent cette synthèse sont également importantes pour d’autres raisons. Les valeurs standardisées par hectare dissimulent la forte variation spatiale des services écosystémiques, en particulier lorsque la localisation constitue un facteur réellement important, comme cela est le cas dans un contexte d’évaluation. Il n’y a aucune raison de penser que ces données sont valables partout (il peut donc être nécessaire de les ajuster) ou sont aussi manifestement linéaires que le suggère (implicitement) le tableau. Plus généralement, le tableau ne dit rien de la qualité des études d’évaluationutilisées pour parvenir à cette synthèse. Nombre de ces questions sont examinées plus en détail dans d’autres chapitres de ce document. Dans l’immédiat, il importe de noter que ces considérations ne signifient pas que le tableau 13.3 soit sans utilité pratique. Elles visent simplement à souligner le fait que les valeurs qu’il présente, bien qu’utiles, doivent être traitées et utilisées avec précaution par les analystes.

Revenons une nouvelle fois sur ce qui manque dans ce tableau. Le problème que pose le manque de données d’évaluation de certains services écosystémiques a été signalé plus haut. Cependant, l’attention privilégiée accordée aux services écosystémiques ne renseigne guère de façon explicite sur la valeur de la biodiversité, que la Convention sur la diversité biologique définit comme la « variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes ». Par conséquent, dans le tableau 12.3, les services écosystémiques typiques ne reflètent au mieux qu’implicitement la contribution de cette diversité biologique (sous la forme de la richesse, de la complexité et de la résilience des espèces et des écosystèmes où elles vivent). Mace et al. (2012) mettent en garde contre le fait de traiter les services écosystémiques et la biodiversité comme des termes synonymes. La biodiversité n’est pas non plus simplement un type particulier de service écosystémique (ultime) (par ex. la fourniture des espèces sauvages). Comme le soulignent Mace et al., la biodiversité agit aussi comme un régulateur des processus écosystémiques et constitue par conséquent un élément essentieldes diverses valeurs associées aux services écosystémiques recensés dans le tableau.

Tableau 13.3. Présentation synthétique des valeurs monétaires de chaque service par biome
en dollars internationaux par hectare par an, aux prix de 2007

Milieu marin

Récifs coralliens

Systèmes côtiers

Zones humides côtières

Zones humides intérieures

Lacs et cours d’eau

Forêts tropicales

Forêts tempérées

Zones boisées

Prairies

Total des services d’approvisionnement

102

55 724

2 396

2 998

1 659

1 914

1 828

671

253

1 305

1

Aliments

 93

667

2 384

1 111

614

106

200

299

52

1 192

2

Eau

1 217

408

1 808

27

191

60

3

Matières premières

8

21 528

12

358

425

84

181

170

53

4

Ressources génétiques

33 048

10

13

5

Ressources médicinales

301

99

1 504

1

6

Ressources ornementales

472

114

32

Total des services de régulation

 65

171 478

25 847

171 515

17 364

187

2 529

491

51

159

7

Régulation de la qualité de l’air

12

8

Régulation du climat

 65

1 188

479

65

488

2 044

152

7

40

9

Atténuation des perturbations

16 991

5 351

2 986

66

10

Régulation des flux hydriques

5 606

342

11

Traitement des déchets

85

162 125

3 015

187

6

7

75

12

Prévention de l’érosion

153 214

25 368

3 929

2 607

15

5

13

44

13

Recyclage des nutriments

45

1 713

3

93

14

Pollinisation

30

31

15

Contrôle biologique

948

11

235

Total des services d’habitat

5

16 210

375

17 138

2 455

39

862

1 277

1 214

16

Services nourriciers

194

10 648

1 287

16

1 273

17

Diversité génétique

5

16 210

180

6 490

1 168

23

862

3

1 214

Total des services culturels

319

108 837

300

2 193

4 203

2 166

867

989

7

26

18

Information esthétique

11 390

1 292

167

19

Services récréatifs

319

96 302

256

2 193

2 211

2 166

867

989

7

26

20

Inspiration

700

21

Expérience spirituelle

21

22

Développement cognitif

1 145

22

1

Valeur économique totale

491

352 249

28 918

193 844

25 681

4 267

5 263

3 014

1 588

2 871

Note : Les systèmes côtiers incluent les estuaires, les plateformes continentales et les prairies marines, mais excluent les zones humides telles que les marais littoraux, les mangroves et les milieux humides saumâtres.

Source : Markandya (2016) – adapté de De Groot et al. (2012).

13.3.1. Valeurs liées à la santé humaine

Bien que l’impact substantiel que les services écosystémiques peuvent avoir, directement ou indirectement, sur la santé humaine soit de plus en plus reconnu (Myers et Patz, 2009 ; Bird, 2007 ; de Vries et al., 2003 ; Hartig et al., 2003 ; Mitchell et Popham, 2008 ; Osman, 2005 ; Takano et al., 2002 ; Ulrich, 1984), la compréhension des liens complexes qui existent entre les attributs biophysiques des écosystèmes et nombre d’aspects de la santé humaine demeure limitée (Daily et al., 2011).

On admet de plus en plus que la qualité de l’environnement et la proximité des agréments naturels ont des effets importants, tant directs qu’indirects, sur la santé physique et mentale. Ces effets résultent généralement de divers processus. Les écosystèmes fournissent de nombreux services qui soutiennent la santé humaine (par exemple via l’alimentation, la régulation des maladies vectorielles ou la purification de l’eau). L’environnement naturel peut aussi favoriser le développement de comportements sains, par exemple un plus grand exercice physique, qui ont des incidences sur la santé physique et mentale (Pretty et al., 2007 ; Barton et Pretty, 2010). Enfin, le seul fait de l’exposition au milieu naturel, comme la vue d’un arbre ou d’herbe depuis une fenêtre, contribue à la santé mentale (Pretty et al., 2005) et physique (Ulrich, 1984). Les effets sanitaires sont à cet égard de deux types : la baisse de la mortalité et la diminution de la morbidité (physique et mentale).

Bien qu’il existe de nombreux travaux spécialisés sur les valeurs de santé, une grave lacune subsiste au sujet de la contribution des écosystèmes en ce domaine. En outre, on ne dispose pas encore de données statistiques établissant sans ambiguïté le lien entre les écosystèmes et la santé. En ce qui concerne, par exemple, le lien entre l’exercice physique et l’accès aux espaces verts, on soupçonne généralement que, même si l’on parvient à établir une corrélation plus solide avec l’amélioration de la santé physique, la valeur correspondante sera probablement peu élevée compte tenu de l’existence d’autres formes d’exercice physique. Il est donc probable que les avantages en termes de santé mentale atteignent un niveau plus élevé parmi ces deux types de résultats (agrégés) de santé. Toutefois, on sait encore peu de choses sur leur évaluation. Les approches axées sur le bien-être subjectif associées à une évaluation monétaire pourraient se révéler prometteuses et devront donc être examinées plus avant (voir chapitre 7). Une dernière difficulté – non moins importante – sera de parvenir à déterminer les valeurs qui se rapportent au changement du service fourni par un écosystème, la plupart des travaux réalisés à ce jour portant sur les avantages de santé éventuels liés à la fourniture actuelle de ce service.

13.3.2. Valeurs de non-usage

On considère généralement que les valeurs de non-usage liées à l’environnement atteignent un niveau non négligeable (voir, par exemple, Hanley et al., 1998). Cependant, la question cruciale de savoir où et quand de telles valeurs apparaissent reste débattue. L’évaluation des avantages relevant du non-usage est difficile à cause de leur caractère intangible et déconnecté des usages effectifs. C’est la raison pour laquelle il ne semble guère exister de corpus systématique de données sur les valeurs de non-usage, ni – et cela est important – de consensus sur la manière d’utiliser les données empiriques (aussi limitées soient-elles) à des fins d’analyse concrète dans le cadre d’évaluations de projets ou de politiques ou dans celui d’évaluations de portée plus étendue des écosystèmes, par exemple à l’échelon national. Dans le premier cas, on se préoccupera surtout de déterminer le lien entre une valeur de non-usage (ou la modification de cette valeur) et une proposition spécifique et distincte (ou, plus généralement, la fourniture d’un service). Dans le second, on se souciera par exemple d’éviter le double comptage ou de supposer à tort que l’estimation d’une valeur de non-usage (par ménage ou par individu) s’applique à tous les éléments plutôt qu’à ce qui pourrait être assimilé à un tout. Autrement dit, l’« unité » physique à laquelle rapporterles valeurs de non-usage est, à la réflexion, loin d’être évidente. Toutefois, étant donné l’importance possible des valeurs de non-usage dans certains contextes écosystémiques, la question mérite évidemment d’être étudiée plus en détail.

Un obstacle non négligeable à surmonter à cet égard tient au fait que, comme indiqué plus haut, les méthodes des préférences déclarées sont fréquemment considérées comme les seules techniques d’évaluation économique capables de mesurer les valeurs de non-usage, et les doutes concernant l’application de ces méthodes ou la précision de ce type d’évaluation seront évidemment particulièrement préoccupants dans ce contexte. Les problèmes que pose l’application des MPD aux valeurs de non-usage sont faciles à identifier. Le manque notable d’expérience et de familiarité des personnes interrogées sur leurs préférences à propos de la sauvegarde d’espèces qui se trouvent dans des pays lointains sera sans doute l’un des plus importants. À cela, il faut ajouter l’absence de contrôle adéquat de la cohérence des préférences dans nombre d’études de ce type (l’étude de Morse-Jones et al., 2012, qui sera discutée en détail plus loin, fait cependant exception à cet égard).

D’autres modes d’évaluation du non-usage méritent sans doute d’être explorés (même si aucun d’entre eux ne semble permettre de résoudre l’ensemble des difficultés qui se présentent dans ce contexte). On peut considérer la transmission, par exemple, comme une pure valeur de non-usage. Il est clair, en effet, que les individus qui lèguent par testament des fonds à une organisation de défense de l’environnement afin de soutenir des activités de conservation ne bénéficient pas eux-mêmes des avantages qui résultent de ces activités. Atkinson et al. (2009) déclarent qu’en dépit du fait que 6 % seulement des décès (en 2007) donnent lieu à un legs à une œuvre de bienfaisance au Royaume-Uni, la valeur de ces legs atteint un niveau important. Et même si les legs reçus par des organisations de défense de l’environnement ne représentent qu’une faible partie du total, Mourato et al. (2010), par exemple, estiment qu’ils ont dépassé 200 millions GBP pendant l’exercice 2008/09.

L’intérêt actuel pour ce qu’on appelle les « valeurs partagées » (voir, par exemple, Fish et al., 2011) n’est pas sans relation avec l’idée de « non-usage ». Il s’inscrit pour certains auteurs dans le prolongement des réflexions antérieures sur la manière dont les gens évaluent plus généralement les modifications des politiques environnementales en tant qu’individus ou que citoyens (Sagoff, 1988). Cependant, la notion de « valeurs partagées » est aussi un moyen de signaler que la valeur d’un écosystème ne se limite pas à l’addition des différents éléments qui entrent dans sa valeur économique totale et qu’il existe peut-être quelque chose en plus5. L’élément manquant est ici associé à la signification collective des écosystèmes et à l’importance que leur attribuent des groupes d’individus, sur la base éventuellement du « non-usage » ou de critères esthétiques.

Il n’existe guère de données manifestes permettant d’ancrer empiriquement ces idées. Néanmoins, les quelques études qui ont cherché à utiliser une approche délibérative de l’évaluation monétaire permettent dans une certaine mesure de saisir concrètement la valeur individuelle ou collective de certains changements environnementaux proposés dans un contexte de groupe (voir, par exemple, Macmillan et al., 2002 ; Alvarez-Farizo et al., 2007). Tester à plus grande échelle qu’il n’a été possible de le faire jusqu’ici la notion de valeurs partagées au regard des écosystèmes pourrait être riche d’enseignements pour la poursuite du développement de cette notion. Dans de telles situations, le « caractère délibératif » du processus d’évaluation (qui s’appuie sur la fourniture d’informations aux participants pour alimenter leur réflexion) pourrait aussi aider à atténuer les problèmes associés au manque d’information des consommateurs appelés à se prononcer sur des changements parfois complexes. Cependant, il demeure urgent de préciser le socle conceptuel sur lequel reposent les « valeurs partagées » et surtout de déterminer comment intégrer cette notion à l’analyse économique. Par exemple, il convient le cas échéant de reconnaître non seulement que i) la valeur d’un bien pour un individu peut différer radicalement de la valeur du même bien d’un point de vue sociétal,mais aussi que ii) même la valeur individuelle est sans doute en partie le produit du contexte social (et autre)6.

Une disposition à ne pas interpréter la « valeur » sous le seul angle économique est visible dans les travaux de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), qui a été créée en 2012 pour faire le lien entre la science et l’action publique dans le domaine de la biodiversité et des services écosystémiques, et qui est administrée par le PNUE. Si le programme de travail de l’IPBES est multiforme, ses travaux sur la valeur, résumés dans Pascual et al. (2017), sont fermement ancrés dans le « pluralisme de valeur » examiné au chapitre 2. Autrement dit, la valeur instrumentale – familière dans la plupart des applications économiques et objet principal de ce chapitre – ne représente qu’un des principes directeurs dont tient compte l’IPBES dans l’étude de la valeur de la contribution apportée par la nature aux populations.

Est prise en compte dans ce contexte, la notion de valeur partagée, que Pascual et al. (2017) classent dans la catégorie des valeurs relationnelles, définies comme « des valeurs qui n’émanent pas directement de la nature mais découlent de notre relation avec elle et de nos responsabilités à son égard » (p. 11), et qui englobent selon eux l’identité culturelle, la cohésion sociale et les responsabilités morales communes associées aux écosystèmes et à la biodiversité. Ce cadre dessine aussi explicitement la notion de valeurs intrinsèques, c’est-à-dire de valeurs inhérentes à la nature et indépendantes de l’expérience et de l’évaluation humaines. Quant aux implications pratiques, pour que cet ensemble de préférences et de croyances entrent en ligne de compte dans l’analyse, il faut au minimum conjuguer les techniques d’évaluation « traditionnelles » avec une forte dose d’approches participatives et délibératives.

13.4. Évaluation et analyse des politiques

L’intérêt accordé depuis peu à l’économie des écosystèmes remonte en grande partie à l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire (EM, 2005), qui a montré clairement l’étendue des enjeux en identifiant les menaces persistantes et croissantes auxquelles sont exposés les écosystèmes partout dans le monde. L’un des effets importants de l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire a aussi été d’étendre le champ des préoccupations concernant la perte de biodiversité, afin d’y inclure la perte des services écosystémiques, en mettant fortement l’accent sur « les avantages que les individus tirent des écosystèmes » (EM, 2005, p. 53). Il semble en outre que le message clé du Rapport Stern sur le changement climatique en matière d’évaluation n’a pas échappé aux décideurs chargés des politiques de conservation. On peut considérer, en effet, que des projets comme l’initiative TEEB (L’économie des écosystèmes et de la biodiversité, 2010), lancée par le G8/UE, et le programme NEA (National Ecosystem Assessment) au Royaume-Uni (UK-NEA, 2011)7, qui cherchent à promouvoir une plus grande sensibilisation à la biodiversité et aux services écosystémiques en favorisant le développement de politiques vigoureuses à cet égard, représentent des efforts concertés pour mettre à profitl’élan et les éclairages issus de l’Évaluation des écosystèmes pour le millénaire.

L’un des exercices d’évaluation des services écosystémiques les plus étendus réalisés à ce jour est au cœur de l’analyse économique qui sous-tend le programme NEA (UK-NEA, 2011). Reposant sur de grandes bases de données d’observation fortement désagrégées et sensibles aux variations spatiales, ce programme fournit aux décideurs un tableau global détaillé de l’ensemble des conséquences du choix d’une politique. Les décideurs du Royaume-Uni ont été prompts à saisir l’intérêt de cette démarche et les enseignements du programme NEA sont explicitement mentionnés dans le livre blanc sur le milieu naturel du Royaume-Uni (Defra, 2011), qui a été publié immédiatement après le rapport du programme NEA. Ces développements tant universitaires que politiques laissent à penser que la prise en compte des techniques de transfert de valeurs comme outils aux fins de la formulation des politiques officielles n’est pas sans promesse. Toutefois, en dépit de cette conclusion provisoire, le besoin subsiste d’outils permettant de traduire les données d’évaluation en action publique.

Dans le programme NEA ont été estimées les fonctions de valeur de nombreux services écosystémiques, y compris la valeur d’approvisionnement de la production agroalimentaire, les services de régulation de l’environnement sous forme de stockage de gaz à effet de serre et les services dits culturels de loisirs ruraux et urbains (y compris les avantages liés aux espaces verts urbains). En suivant Bateman et al. (2011a), ces fonctions ont été simplifiées afin de privilégier les facteurs principaux – théoriquement prévisibles – qui contribuent à ces valeurs, en évitant ainsi le transfert de facteurs non généraux, qui s’appliquent uniquement dans un contexte particulier. Les fonctions ont également été établies sous une forme intégrée permettant les liaisons entre niveaux de l’une à l’autre. Par exemple, dans le cas d’une augmentation des valeurs d’approvisionnement sous l’effet de l’intensification des activités agricoles, cette intensification provoque également une augmentation des émissions de gaz à effet de serre et une détérioration des ressources récréatives rurales, entraînant ainsi une baisse de ces deux dernières valeurs.

Pour illustrer les résultats de tels travaux, le graphique 6.5 au chapitre 6 montre les conclusions de l’analyse réalisée dans le cadre du programme NEA des avantages récréatifs ruraux induits par un changement d’utilisation des sols aboutissant à la transformation de terres agricoles conventionnelles en terres boisées ouvertes et multifonctionnelles8. La distribution obtenue en appliquant une fonction de valeur récréative sur l’ensemble du pays de Galles est l’expression de plusieurs facteurs, notamment la répartition de la population (celle-ci étant plus fortement concentrée dans le sud-ouest du pays de Galles et dans les régions d’Angleterre voisinant le nord-est) ainsi que l’accessibilité et la qualité du réseau routier. De telles données désagrégées d’un point de vue spatial permettent aux décideurs de cibler les ressources de la manière la plus efficiente, ce qui est évidemment très appréciable en période d’austérité.

Les études d’évaluation qui cherchent à déterminer la valeur d’une unité représentative (généralement 1 km2) de l’aire d’extension d’un écosystème montrent également les difficultés associées à la variabilité spatiale. En effet, on pourrait penser naïvement que, pour estimer la valeur totale, il suffit de multiplier la valeur de cette unité par la superficie totale de l’écosystème. Barbier et al. (2008) mettent en garde contre les dangers d’une telle approche lorsque la relation entre l’étendue d’un écosystème et les services qu’il fournit n’est pas linéaire. Par exemple, dans le cas des mangroves de Thaïlande qui atténuent les dommages causés par les vagues lors des tempêtes les plus fréquentes, l’hétérogénéité spatiale ne peut être ignorée parce que la proximité (des mangroves) à l’égard du rivage détermine de façon cruciale le degré de fourniture de ce service, qui diminue d’autant plus que l’écosystème est plus distant du littoral. Il est nécessaire de prendre en compte explicitement cette hétérogénéité pour parvenir à des données agrégées défendables. Cela est aussi nécessaire pour améliorer la précision de l’analyse des politiques. Autrement dit, ce que montrent Barbier et al. est que la valeur marginale (estimée) de l’aire demangroves figurant dans la zone étudiée en Thaïlande diminue. Les avantages nets totaux résultant de la protection de cet écosystème atteignent un niveau maximal autour de 8 km2. L’aire de mangrove actuelle couvrant une superficie de 10 km2, il s’ensuit que, même si la protection des mangroves est fréquemment justifiée, un certain degré de conversion peut être économiquement souhaitable.

L’économie peut contribuer grandement à guider l’évaluation des services écosystémiques, mais elle peut aussi orienter la réflexion sur la mise en œuvre de politiques visant à assurer la fourniture des services soumis à évaluation. Aujourd’hui, malheureusement, nombre de politiques mises en œuvre à cette fin négligent de prendre en compte les données montrant que la valeur des services écosystémiques varie selon les parties d’un écosystème, ou bien les enseignements de la théorie économique de base au sujet des facteurs d’incitation susceptibles d’amener les acteurs à révéler honnêtement comment ils évaluent les services dont ils bénéficient. Le programme britannique ELS (Entry Level Stewardship), qui prévoit le versement d’une somme forfaitaire à tous les agriculteurs où qu’ils se trouvent (Natural England, 2010), est instructif à cet égard. Ce type de programme ne cible pas les prestations sur les zones au rendement le plus élevé et n’incite aucunement les agriculteurs à fournir plus que le niveau élémentaire de gestion des sols compatible avec le programme. Les prestations de plus en plus élevées versées dans le cadre du deuxième pilier de la politique agricole commune de l’UE reposent le plus souvent sur une approche similaire.

L’évaluation économique ne suffit donc pas en elle-même à améliorer l’efficience de la fourniture des services écosystémiques. Un exemple suffira à illustrer le problème en montrant le rôle de l’intuition économique. Supposons que des décideurs cherchent à réduire la pollution diffuse de l’eau due aux activités agricoles au moyen d’un système de paiements pour services écosystémiques. La première condition est de réaliser un exercice d’évaluation pour identifier les bassins hydrographiques (et les aires à l’intérieur de ces bassins) où la réduction de la pollution entraînera probablement les avantages nets les plus importants. Cela permettra de recenser, par exemple, les exploitations agricoles situées au-dessus des points d’approvisionnement des réserves eu eau, qui devront être ciblées en priorité. L’attention devra ensuite se tourner vers la mise en œuvre efficiente d’une telle politique.

Une approche assez naïve se réduira, par exemple, à demander aux agriculteurs d’indiquer le niveau d’indemnisation qu’ils jugent nécessaire pour adopter un mode de production n’entraînant aucune pollution diffuse. Bien entendu, les agriculteurs ont intérêt d’un point de vue stratégique à exagérer leurs besoins d’indemnisation. La théorie économique des enchères suggère cependant qu’une méthode assez simple permet d’améliorer de manière significative l’efficience de la mise en œuvre (Vickrey, 1961 ; Clarke, 1971 ; Groves, 1973 ; Groves et Ledyard, 1977). L’adoption d’un système de soumission sous pli fermé, par exemple, réduit l’éventualité de réponses motivées par des considérations stratégiques et améliore le degré de compatibilité avec les mesures d’encouragement. Tel sera le cas s’il est annoncé aux agriculteurs que les contrats seront attribués sur la base à la fois de critères de réduction de la pollution et de coût.

Il est possible dans certains cas d’obtenir des gains d’efficience encore plus élevés. Lorsque la fourniture de services écosystémiques est facile à mesurer (par exemple dans le cadre de politiques de protection de certains habitats), les propriétaires fonciers sont les mieux placés pour déterminer si leurs terres sont particulièrement aptes à fournir de tels biens (ou donnent lieu aux coûts d’opportunité les plus faibles). Ces acteurs peuvent l’emporter sur leurs concurrents en offrant de meilleurs résultats (ou des coûts moins élevés)9. Toutefois, à ce jour, ce type de contrats n’a pas encore dépassé le stade expérimental.

En outre, l’évaluation des écosystèmes, tout comme l’évaluation de la biodiversité, est une entreprise complexe qui, fréquemment, se situe à la lisière des connaissances existantes. Cela oblige dans certains cas à faire preuve de circonspection quant au rôle de l’évaluation pour éclairer les décisions de conservation. La question de la prise de décision dans les situations où des valeurs ne sont pas connues – ou bien ne peuvent être établies avec quelque degré de certitude – a suscité de nombreux débats. En pareils cas, un mot d’ordre devrait s’imposer : celui de « précaution » (étant donné ce qui pourrait être perdu). L’adoption de normes écologiques, parfois appelées « normes minimales de sûreté », pour assurer la durabilité des ressources qui ne se prêtent pas à évaluation (Farmer et Randall, 1998) ou compensation, ou de projets compensatoires dont la viabilité écologique a été vérifiée, pourra être envisagée dans ce contexte (Federal Register, 1995). Dans de telles situations, l’évaluation des avantages peut être minimisée au profit d’une plus grande attention au rapport coût-efficacité dans la réalisation d’objectifs physiques spécifiques (voir chapitre 12).

Un exemple d’évaluation de la biodiversité servira à illustrer la difficulté à déterminer précisément de quelle façon l’évaluation pourrait guider la prise de décision sociale. Weitzman (1993) – en examinant la situation des espèces de grues qui subsistent aujourd’hui dans le monde – définit l’importance biologique de chaque espèce sur la base de sa caractérisation taxonomique (par exemple celle de la grue blanche par rapport à d’autres espèces de grues)10 et de son risque d’extinction. Si l’on suppose que l’objectif de la conservation des espèces est de maximiser la diversité (escomptée), le problème est de réussir à assigner de manière efficace en termes de coûts l’unité monétaire marginale (disponible) des fonds affectés à la conservation là où elle peut avoir le plus grand impact. Il s’agira généralement des lieux où existent à la fois une forte diversité et de faibles probabilités de survie.

Idéalement, il serait souhaitable de pouvoir appliquer ces idées aux préférences des individus à l’égard de la diversité. Morse-Jones et al. (2012) indiquent de manière peut-être rassurante avoir observé des substitutions prévisibles entre espèces écologiquement similaires – par exemple différentes espèces de petits amphibiens – dans les préférences déclarées des personnes interrogées. Toutefois, ces préférences ne se conforment pas toujours nécessairement à ce qui est faisable ou durable d’un point de vue écologique. Les personnes interrogées dans l’étude de Morse-Jones et al. ont ainsi exprimé des préférences extrêmement fortes pour des animaux emblématiques ou « charismatiques », qui l’ont emporté sur les inquiétudes que pouvaient susciter certains problèmes écologiques cruciaux comme les menaces d’extinction. Le consentement à payer pour assurer la conservation des lions, y compris là où ces animaux ne sont pas menacés d’extinction, dépassait de très loin les préférences déclarées au sujet d’une espèce de grenouille, par exemple, alors que cette espèce était au bord de l’extinction.

Un autre exemple est fourni par Bateman et al. (2009). Dans cette étude, les personnes interrogées expriment de fortes préférences positives pour l’extension d’une aire de marais d’eau douce adaptée au séjour et à l’observation de populations d’oiseaux, mais jugent négativement une aire voisine de vasières littorales, bien que celle-ci soit une source très importante d’aliments attirant les oiseaux dans la région. Ces résultats n’ont à bien des égards rien de surprenant. Cependant, ils posent plus profondément la question de savoir si les valeurs économiques peuvent guider la prise de décision et si les contraintes écologiques doivent être prises en compte. Il est évidemment simpliste d’affirmer que les préférences humaines sont (presque toujours) « justes » ou « fausses », mais savoir où placer la ligne de démarcation est loin d’être évident et, de toute façon, compte tenu de l’évolution des connaissances, il est probable que celle-ci changera dans le temps. Il convient par conséquent, tout en reconnaissant l’importance des valeurs économiques pour réfléchir à l’importance des écosystèmes et guider l’élaboration des politiques, de garder présentes à l’esprit la complexité et les incertitudes en jeu.

13.5. Remarques finales

L’évaluation des services écosystémiques est devenue essentielle (peut-être même décisive) pour mesurer la contribution des écosystèmes et de la biodiversité au bien-être humain. Un important corpus de recherches commence à apparaître et plusieurs évaluations des écosystèmes réalisées depuis peu au niveau national et international ont donné un nouvel élan à la poursuite des travaux en ce domaine. Bien entendu, d’importantes difficultés restent à résoudre. Ainsi, malgré l’étendue du socle de données et – au moins pour certains services écosystémiques – son caractère détaillé, l’analyse des progrès déjà obtenus fait ressortir le besoin d’une meilleure compréhension de la production écologique, surtout en ce qui concerne la variabilité spatiale et la complexité des facteurs en jeu dans la production des services écosystémiques. La taille et l’importance des lacunes empiriques qui, inévitablement, subsistent, ainsi que la possibilité de combler ces lacunes en reportant judicieusement certaines valeurs, la portée et les limites de l’utilisation des données existantes pour informer les processus décisionnels concrets, à la fois en général et en relation avec certaines préoccupations, obligent à se demander si les évaluations que l’on trouve dans la littérature spécialisée rendent suffisamment justice à l’importance desactifs écosystémiques et de la biodiversité.

Le présent chapitre a examiné les méthodes d’évaluation et, en particulier, les difficultés intrinsèques que pose l’évaluation des coûts et avantages non marchands. Certaines de ces difficultés tiennent à des considérations d’ordre général, tandis que d’autres sont propres à l’évaluation des écosystèmes ou, tout au moins, prennent semble-t-il un tour particulièrement aigu dans ce contexte. Dans certains cas, par exemple, la valeur du service ultime particulier fourni par un écosystème est bien connue ; par conséquent, il est possible d’évaluer les avantages en termes de santé physique et mentale (liés à la proximité des espaces verts), mais la grande difficulté est alors d’établir le lien causal entre l’expérience de la nature et ces résultats sanitaires. Pour d’autres types de valeurs culturelles, en particulier les valeurs dites de « non-usage », l’on soupçonne que les difficultés seront loin d’être négligeables dans certains contextes, même si les connaissances qui permettraient d’étayer ce soupçon de manière systématique font encore défaut. L’habitude dans le passé était de se tourner vers la méthode des préférences déclarées pour obtenir les données requises. Toutefois, il apparaît de plus en plus que cette méthode n’est peut-être pas la mieux adaptée pour obtenir les valeurs recherchées lorsque lespersonnes interrogées n’ont pas l’expérience ou manquent de familiarité avec le bien (écosystémique) considéré. Les méthodes envisagées pour surmonter ce problème n’en sont encore qu’à leurs tout débuts.

De telles difficultés doivent être abordées dans leur contexte propre. Un nombre croissant d’évaluations écosystémiques à grande échelle ont montré comment exploiter les données empiriques de façon instructive et utile à l’action des pouvoirs publics. Ces développements pourraient être déterminants pour que les évaluations rendent possible une analyse constructive des politiques. Ils offrent aussi l’espoir de mettre en lumière la valeur de ce qui est perdu en cas de dégradation ou de destruction des écosystèmes ou de la biodiversité, grâce à des évaluations agrégées à un niveau supérieur. De telles questions sont devenues courantes ailleurs mais, dans le contexte des écosystèmes, elles commencent seulement à être posées, bien que certains problèmes connexes touchant à l’évaluation de la complexité des écosystèmes soient étudiés depuis plus longtemps (voir aussi l’annexe au présent chapitre). L’obtention de progrès théoriques et pratiques à cet égard n’est certainement qu’une question de temps. Toutefois, il semble inévitable que des incertitudes subsistent. Autrement dit, même si l’on peut se prononcer de manière positive sur l’aptitude – aujourd’hui en plein essor – de l’évaluation des écosystèmes et de la biodiversité à permettre une compréhension approfondie des interventions publiques les mieux adaptées, la question desavoir si l’évaluation sera en elle-même suffisante pour assurer l’efficacité des politiques est encore à débattre. Le débat reste ouvert également au sujet des modalités à suivre pour analyser une décision dans les situations où l’évaluation et la connaissance de la nature resteront sans doute entourées d’une certaine incertitude.

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Annexe 13.A1. Évaluation « marginale » ou « totale » ?

La question de savoir s’il est réaliste ou non de parler de la valeur « totale » d’un certain type d’écosystème ou, plus ambitieux encore, de celle de l’ensemble des écosystèmes a été largement débattue à la suite de la publication d’une poignée d’études dont les auteurs affirmaient précisément se livrer à ce type d’évaluation (par exemple, Costanza et al., 1997 ; Sutton et Costanza, 2002). D’un côté, comme l’ont souligné Costanza et al. (2017), ces études ont été extrêmement efficaces en ce qu’elles ont permis de faire mieux connaître l’approche fondée sur les services écosystémiques (comme le montre le nombre de citations non seulement dans les études universitaires, mais aussi dans les débats publics) et de faire largement admettre que les écosystèmes possèdent une valeur économique considérable. De l’autre, il apparaît que des études aussi agrégées se heurtent à des difficultés. Pour examiner certains de ces problèmes, considérons le graphique 13.A1. L’axe des ordonnées indique la valeur économique en dollars et l’axe des abscisses le flux de services écosystémiques (SE) procurés par l’écosystème considéré que nous supposons pour les besoins de l’exposé pouvoir être exprimés sous une forme synthétiquepar une mesure unique.

Graphique 13.A1. Représentation schématique des coûts et des avantages de la fourniture de services écosystémiques
Graphique 13.A1. Représentation schématique des coûts et des avantages de la fourniture de services écosystémiques

La première courbe, DSE,M, correspond à la demande des services procurés par l’écosystème considéré. Elle ne porte que sur les services commerciaux ou marchands fournis par ce dernier, c’est-à-dire sur les services faisant l’objet d’échanges officiels sous forme monétaire sur des marchés déjà existants. Par conséquent, pour un écosystème produisant du bois d’œuvre ou du bois de chauffage, ou encore du gibier sauvage, ainsi que du tourisme, par exemple, et à supposer qu’il existe un marché pour ces différents produits, la demande de ceux-ci serait représentée par DSE,M. Une courbe de demande peut également être appelée « courbe de consentement à payer marginal » (CAPm) puisqu’elle indique le montant que les individus consentent à payer pour obtenir de plus grandes quantités du bien en question (SE). Bien qu’il soit tentant de considérer DSE comme une courbe de demande de tous les services de tous les écosystèmes, cette interprétation n’est pas sans danger (voir plus bas). Il est préférable de considérer pour le moment que, dans le graphique 13.A1, les services écosystémiques (SE) se limitent à ceux procurés par un seul écosystème, par exemple les forêts tropicales.

La seconde courbe décrit quant à elle la demande de l’ensemble des services procurés par l’écosystème considéré, qu’ils soient ou non commercialisés sur des marchés déjà existants. Il s’agit de DSE,MNM, qui est la courbe de demande des services marchands (M) et non marchands (NM) fournis par l’écosystème. Comme cela a déjà été observé, il existe une multiplicité de services non marchands : protection des bassins versants, piégeage et stockage du carbone, connaissances scientifiques, agréments esthétiques des écosystèmes naturels, etc. Comme on le sait, la courbe DSE,MNM se situe partout au-dessus de la courbe DSE,M. La raison en est que, par le passé, les êtres humains n’ont été que faiblement incités à instaurer des droits de propriété sur les services écosystémiques du fait de leur abondance. Toutefois, au fur et à mesure qu’ils ont étendu systématiquement leur « mainmise » sur les écosystèmes, ils ont ressenti la nécessité d’établir de tels droits à la suite de la raréfaction des services écosystémiques par rapport à leurs besoins (Vitousek et al., 1987).

Les deux courbes de demande du graphique 13.A1 présentent comme il fallait s’y attendre une pente descendante. Les êtres humains sont d’autant moins à même d’évaluer une unité additionnelle de services écosystémiques que ceux-ci sont nombreux. Rien ne permet de supposer que ces services se distinguent en quoi que ce soit des autres biens et services à cet égard, puisqu’ils sont eux-mêmes soumis à la « loi de la demande ». Observons toutefois ce qui se produit en cas de très faible niveau des services écosystémiques. Imaginons un monde où les forêts seraient très rares, les océans non pollués très peu nombreux, les quantités de récifs coralliens très réduites et où les concentrations de dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère seraient bien plus élevées. À la limite, s’il n’existait plus aucun océan non pollué ni aucune forêt et que les concentrations de gaz à effet de serre étaient extrêmement fortes, le consentement à payer pour une unité supplémentaire de services écosystémiques serait lui-même très élevé, peut-être au point de tendre vers l’infini. La courbe DSE,MNM est donc fortement ascendante à mesure que nous nous rapprochons de l’origine sur l’axe des abscisses. Elle est pratiquement illimitée :il existe une quantité minimale irréductible de services écosystémiques en dessous de laquelle le CAP marginal enregistrerait une spectaculaire augmentation, de sorte que la notion de valeur économique n’a plus aucun sens dans cette surface non bornée.

Laissés à eux-mêmes, les écosystèmes pourraient continuer à fournir les mêmes services écosystémiques année après année. Mais pour qu’ils continuent à fournir des services écosystémiques utiles aux êtres humains, certains coûts devront être encourus. Dans le graphique 13.A1, la courbe CMSE, G représente une première catégorie de coûts qui recouvre les coûts marginaux de la gestion des services écosystémiques. Faute d’informations fiables sur la forme de cette courbe, elle est représentée comme légèrement ascendante. Une seconde catégorie de coûts présente une importance considérable, à savoir celle des coûts d’opportunité de la fourniture des services écosystémiques. On part de l’hypothèse que la conservation des écosystèmes qui les génèrent garantit une meilleure fourniture de services écosystémiques. Elle est incompatible avec une affectation de ces écosystèmes à d’autres usages tels que l’agriculture. Pour s’assurer le bénéfice de ces services écosystémiques, il faut donc supporter un coût potentiellement important correspondant aux avantages (ou plus précisément à la valeur sociale) qu’aurait pu générer l’affectation de l’écosystème considéré à un autre usage et auxquels ila été renoncé. C’est ce que représente dans le graphique la courbe CMSE,CO – c’est-à-dire le « coût d’opportunité marginal de la conservation de l’écosystème ». D’un point de vue formel, il équivaut aux avantages nets de la conversion de l’écosystème auxquels il a été renoncé, c’est-à-dire de son « développement ». La somme de CMSE,G et de CMSE,CO, qui est égale à CMSE, donne le coût marginal total de la conservation.

Le graphique 13.A1 offre une représentation très simplifiée de la réalité, mais fait apparaître divers points dignes d’intérêt. Tout d’abord, étant donné que les véritables coûts agrégés du maintien d’un niveau donné de services écosystémiques correspondent à la surface située sous la courbe générale CMSE et que ses véritables avantages globaux sont représentés par la surface située sous la courbe DSE,MNM, le point SEOPT indique quel en serait le niveau de fourniture économiquement optimal. Ensuite, tous les points situés à gauche de SEOPT renvoient à une situation où les services écosystémiques offrent des avantages (surface située sous DSE,MNM) supérieurs aux coûts totaux de leur fourniture. Tous ces points, cependant, présentent une caractéristique intéressante. En effet, sauf si l’on restreint arbitrairement l’attention aux points situés entre SEMIN et SEOPT, tous les points situés à gauche de SEOPT font apparaître des avantages totaux infinis du fait que la courbe de demande de services écosystémiques est illimitée. Comme nous l’avons déjà observé,d’autres pourraient préférer formuler autrement ce problème en déclarant que la comparaison des coûts et des avantages perd tout son sens au-delà du point SEMIN. Enfin, la courbe de demande DSE,MNM n’est aucunement « opérationnelle » bien qu’elle reflète les véritables avantages globaux de la fourniture de services écosystémiques. Il en résulte que, à moins que quelque marché ne révèle le montant du CAP ou que les informations relatives à celui-ci ne puissent être utilisées pour imposer certaines limites quantitatives à la conversion des écosystèmes (interdictions, restrictions concernant le type de conversion, etc.), la courbe de demande DSE,M est celle dont il doit être tenu compte. Le graphique 13.A1 montre qu’il est tout à fait possible que l’incapacité à faire apparaître le véritable CAP sur les marchés réels aboutisse à une fourniture de services écosystémiques bien inférieure aux besoins.

Le graphique 13.A1 permet d’expliquer pourquoi la valeur économique totale de l’ensemble des écosystèmes ne peut être mesurée. Cette valeur correspondrait à la surface située sous la courbe DES,MNM, mais comme nous l’avons déjà remarqué, les limites de cette surface ne peuvent être déterminées. Si l’on retient l’idée que la courbe DES,MNM devient infiniment élastique au point ESMIN, la surface mesurant la valeur totale serait illimitée. Ceci explique sans doute pourquoi un économiste a pu affirmer que l’estimation de la valeur totale proposée par Costanza et al. (1997) « sous-estimait de beaucoup l’infini » (Toman, 1998). Pearce (1998) et Bockstael et al. (2000) procèdent à une critique similaire des efforts visant à estimer la valeur totale de l’ensemble des écosystèmes, voire celle d’un seul écosystème d’envergure planétaire. La prise en compte de la valeur des modifications (effectives) des écosystèmes, comme dans Costanza et al. (2014), peut constituer une meilleure approche. Cependant, comme on l’a vu au chapitre 12, la mesure de ces modifications, en particulier au niveau agrégé, représente toujours un formidable défi empirique.

Notes

← 1. À l’évidence, cette remarque ne vaut pas seulement dans le contexte des écosystèmes qui nous occupe. De très nombreuses applications exigent une collaboration interdisciplinaire entre, au minimum, les sciences naturelles et l’économie (et même probablement l’amalgame d’une série bien plus étendue de disciplines).

← 2. Pour un aperçu général, voir la bibliographie établie par Carson (2011) des études d’évaluation contingente publiées ou non dans le monde entier.

← 3. Un certain nombre d’études combinent les deux types de méthodes – préférences révélées et préférences déclarées – afin de mettre à profit leurs points forts respectifs et de réduire au minimum leurs limitations (voir, par exemple, Adamowicz et al., 1994).

← 4. La « valeur d’existence » découle de la seule connaissance de l’existence d’un bien ou d’un service. Dans le contexte de l’environnement, les individus accordent une valeur à la simple existence des espèces, des milieux naturels et d’autres écosystèmes. Lorsqu’un individu tire un certain bien-être du fait de savoir que d’autres personnes bénéficient d’un bien ou service environnemental particulier, on parle de « valeur d’altruisme ». Ce type de valeurs existe pendant la durée devie d’un individu, mais une valorisation indirecte peut aussi avoir lieu entre les générations. L’effet de bien-être associé au fait de savoir que ses enfants – ou les générations futures – pourront jouir à l’avenir d’un bien ou service environnemental, grâce par exemple à la conservation d’une forêt riche en biodiversité, est appelé « valeur de legs ».

← 5. Arrow et al. (2000) ont défendu un point de vue similaire à propos des processus physiques, en soutenant que la valeur de l’ensemble d’un système peut excéder la valeur de la somme de ses parties, notamment à cause de certaines interactions écologiques complexes.

← 6. Tout comme la valeur d’une ressource donnée change selon sa localisation et l’environnement qui lui est associé : dans le désert, par exemple, la valeur marginale de l’eau est bien plus élevée que dans les zones de forte pluviosité.

← 7. Le programme NEA a fait appel à une équipe de plus de 160 spécialistes des sciences naturelles réunis pour mesurer l’état des processus écosystémiques et les services écosystémiques qu’ils génèrent dans l’ensemble du Royaume-Uni, en partant de la classification individuelle des habitats (par ex. zones humides et forêts) et des services écosystémiques correspondant aux différentes catégories d’habitats. Une équiped’économistes, qui complétait l’organigramme du programme, a examiné plus particulièrement la valeur des habitats et des services écosystémiques pris en compte.

← 8. Ces résultats s’appuyaient sur Bateman et al., 2003.

← 9. Les marchés concernés peuvent aussi être définis de manière à bénéficier aux acheteurs de services écosystémiques du secteur privé. Dans les pays où un tel régime institutionnel existe, par exemple, les compagnies des eaux privées peuvent réduire leurs coûts d’approvisionnement en eau potable en évitant des mesures de traitement coûteuses au moyen d’accords de réduction de la pollution des cours d’eau avec les propriétaires fonciers. En effet, la théorie économique envisage la possibilité que plusieurs entités du secteur privé achètent conjointement les services, à condition que les marchés soient conçus de manière à éviter le parasitisme en exigeant comme préalable à l’émission des contrats de services écosystémiques que toutes les parties participent à l’achat des services (Guth et al., 2007 ; Potters et al., 2007 ; Ekel et Grossman, 2007 ; Bracht et al., 2008).

← 10. Weitzman (1993) définit la « caractérisation génétique » comme la distance évolutive de chaque espèce par rapport à unancêtre commun.

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