Résumé

Au cours de la décennie écoulée, le bilan environnemental de l’Irlande a peu ou prou évolué au gré du cycle économique. Les principales pressions environnementales, telles que les émissions de gaz à effet de serre (GES) et de polluants atmosphériques, la production de déchets et la consommation de matières ou encore le bilan azoté, se sont atténuées pendant la récession de 2007-12. Le manque cruel d'investissements qui a suivi a nui à la qualité des infrastructures et ralenti les progrès dans le domaine de l’environnement. La forte croissance économique de 2014-19 s’est accompagnée d’une montée des pressions environnementales, qui devrait s'intensifier sous l’effet de la croissance démographique, du développement de l’étalement urbain, de la hausse du trafic routier et de l’augmentation des cheptels. Les effets bénéfiques de la crise du COVID-19 sur l’environnement ne devraient être que temporaires.

Malgré cette incidence favorable de la crise du COVID-19, l’objectif fixé pour 2020 à l’égard des émissions non couvertes par le marché européen du carbone semble hors de portée. Le volume des émissions de GES a augmenté de 3 % au cours de la période 2014-19. Des mesures plus énergiques sont nécessaires pour enrayer les émissions des bâtiments, des transports et de l’agriculture (en particulier, de l’élevage de ruminants). L’Irlande s’est engagée à mettre progressivement fin à la production d’électricité à partir de tourbe et du charbon au cours des années 2020. La part des énergies renouvelables, en particulier l’éolien, dans le bouquet énergétique a plus que doublé depuis 2010. Les combustibles fossiles n’en restent pas moins dominants puisque le charbon, la tourbe et les hydrocarbures fournissent environ la moitié de l’énergie nécessaire au chauffage domestique. L’Irlande doit accélérer l’élimination progressive des chaudières d'habitation à énergie fossile sans perdre de vue les risques de précarité énergétique. De même, ses dispositifs de soutien à l’efficacité énergétique devraient cibler les travaux de rénovation en profondeur des bâtiments existants.

L'adoption du Plan d'action climat en 2019 constitue une avancée notable vers la réduction de 30 % (par rapport à 2005) des émissions non couvertes par le système européen de plafonnement et d'échange, conformément à l’objectif fixé pour 2030. Son exécution, qui nécessite des investissements considérables, mettra à l’Irlande en situation d'atteindre l’objectif de neutralité GES à l’horizon 2050. Étant donné les contraintes qui pèsent sur les finances publiques, il est primordial de mobiliser le secteur privé afin qu’il investisse dans les énergies renouvelables, la rénovation des logements et les véhicules électriques, notamment.

L’Irlande doit rester fidèle à l’engagement de mener une « transition juste » vers une économie neutre en carbone. Les désavantages nets en termes d’emploi devraient être modestes et circonscrits à quelques régions. Le gouvernement a nommé un commissaire à la transition juste et créé un fond spécial pour faire face aux pertes d’emploi qui résulteront à court terme de l’abandon progressif de la tourbe dans les Midlands.

Les émissions de la plupart des polluants atmosphériques diminuent depuis 2010 et la qualité de l’air est généralement satisfaisante. En revanche, celles d'ammoniac d’origine agricole continuent de grimper et il est difficile de réduire davantage les émissions d’oxydes d’azote (NOx) dans les transports. La pollution atmosphérique localisée est principalement associée au transport routier urbain ainsi qu'à la consommation de combustibles fossiles de chauffage à usage domestique. L’interdiction localisée des combustibles émetteurs de fumées (smoky fuels) a permis de réduire les émissions de particules fines et devrait à terme être étendue à l’ensemble du pays.

D’importants volumes de déchets ont échappé à la mise en décharge grâce à la hausse progressive de la taxe correspondante. Il n’empêche que le recyclage des déchets municipaux stagne. Les matières recyclables et réutilisables sont généralement incinérées ou exportées. Une grande partie des déchets ne sont pas convenablement triés. Les prestataires ne pratiquent pas tous des tarifs distincts pour les déchets recyclables ou alimentaires. Le Plan d’action déchets pour une économie circulaire 2020-25 prévoit un large éventail de mesures visant à prévenir la production de déchets et à atteindre les objectifs de recyclage définis pour l’après-2020.

Des mesures doivent être prises d’urgence pour lutter contre la pollution diffuse de l’eau causée par les déperditions d'éléments nutritifs. Le versement des aides financières et techniques destinées à améliorer les pratiques agricoles devrait à présent être assorti de conditions liées à des améliorations mesurables du bilan environnemental. Certains intrants agricoles font l'objet d'un traitement fiscal favorable. La suppression de ces exemptions contribuerait à une utilisation plus efficiente des ressources, à l’amélioration de la qualité de l’eau et à la réduction des émissions de GES et d'ammoniac.

Malgré l’essor des investissements dans les infrastructures de l’eau, l’Irlande reste pénalisée par de lourdes pertes en eau, par l’existence de points noirs de la qualité de l’eau et par les insuffisances du traitement des eaux usées. Elle fait figure d’exception parmi les pays de l’OCDE en ce que les services de l’eau ne sont pas facturés aux ménages. À partir de 2022, seuls les ménages dont la consommation d’eau dépasse un certain seuil paieront une redevance de surconsommation. Par conséquent, le secteur de l’eau est essentiellement financé par le budget de l’État. Ce modèle pourrait ne pas permettre de répondre à l’ampleur des investissements requis.

Si l’Irlande a consolidé son cadre d'action en faveur de la biodiversité, les habitats demeurent pour la plupart dans un état défavorable, principalement en raison des pressions exercées par l’agriculture, l’extraction des ressources, la construction de logements et le développement des infrastructures. Le programme national pour les tourbières, qui a permis de restaurer une partie de ces habitats, pourrait passer à la vitesse supérieure. L’essentiel des fonds alloués à la conservation de la biodiversité sont versés sous la forme de paiements agro-environnementaux, dont l’efficacité est néanmoins incertaine. La plupart des sites constitutifs du réseau terrestre Natura 2000 ne font pas l’objet d’objectifs et de mesures spécifiques de conservation, tandis que le réseau d’aires marines Natura 2000 est incomplet. Fait encourageant, le gouvernement s’est engagé à protéger 30 % des eaux maritimes irlandaises d’ici à 2030, contre 2 % actuellement, ainsi qu’à établir un cadre national de planification de l’espace maritime.

L’Irlande applique de bonnes pratiques internationales dans de nombreux domaines de la gouvernance environnementale. La collaboration horizontale et verticale entre les institutions nationales et locales de l’environnement est bonne. Les évaluations ex ante et ex post facilitent l'élaboration efficace des politiques. L’Irlande doit toutefois consolider sa réglementation, en particulier dans le domaine de l’eau, comme suite à la transposition désordonnée des directives de l’UE. L'accès à l’information et à la justice environnementales est largement garanti. La participation citoyenne occupe une place centrale dans l'action publique, les procédures d’autorisation et les décisions d’aménagement. La délivrance des autorisations environnementales a gagné en efficience, mais il conviendrait d'étendre les règles générales contraignantes de manière à alléger le fardeau administratif pour les installations à faible impact.

Si les mesures de contrôle de l’application et de promotion de la conformité sont bien coordonnées, les taux de non-conformité sont relativement élevés. Les inspections reposent pour une bonne part sur l’évaluation systématique des risques des activités réglementées. Chose rare parmi les pays de l’OCDE, les droits d'inspection couvrent la majeure partie des frais de vérification et de contrôle de l’application. La répression des infractions repose surtout sur le droit pénal, ce qui impose un fardeau considérable aux autorités réglementaires. Les sanctions pécuniaires sont plafonnées à des montants relativement faibles. Il faudrait accentuer leur effet dissuasif en les reliant à l’avantage économique tiré du non-respect de la réglementation. L’Irlande devrait instaurer des amendes administratives variables pour dépénaliser les infractions environnementales mineures.

Il importe d'agir au plus vite pour placer la reprise sous le signe de la transformation verte et éviter une recrudescence des pressions environnementales. Face à la crise, le gouvernement a notamment débloqué des sommes très importantes pour accélérer l'investissement dans les transports durables, l’efficacité énergétique, les infrastructures de l’eau et la réhabilitation des tourbières en 2020-21. La progression de l’investissement public doit aller de pair avec une mobilisation accrue des financements privés. Le Plan national de développement (NDP) 2018-27 prévoit de consacrer autour de 30 milliards EUR (soit plus d’un quart de ses dépenses) à la transition climatique et énergétique. L’examen approfondi du NDP, qui s’achèvera en 2021, permettra de mieux faire coïncider les priorités d’investissement avec les Objectifs de développement durable.

Il y a matière à favoriser l’éco-innovation et à élargir les marchés verts. Pourtant forte d’un robuste système d'innovation et de ressources humaines très qualifiées, l’Irlande fait partie des pays de l’OCDE qui consacre le moins d’argent public à la recherche-développement liée aux questions environnementales et climatiques. Il faudrait que l’État y remédie et soutienne davantage les petites et moyennes entreprises. L'Irlande a donné la priorité à la recherche sur les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique. Le pays s’est spécialisé dans quelques technologies vertes, mais le nombre de brevets liés à l'environnement reste relativement faible.

Une trajectoire crédible de tarification du carbone favoriserait la consommation, l’investissement et l’innovation bas carbone. Il y a lieu de saluer l’engagement du gouvernement de porter la taxe carbone à 100 EUR par tonne de dioxyde de carbone en 2030, contre 33.55 EUR en 2021. Une partie de ces recettes servira à lutter contre la précarité énergétique, à garantir une transition juste pour les travailleurs dont l’emploi a été supprimé et à financer des investissements en faveur du climat. Afin d'assurer la cohérence du signal-prix, l’Irlande devrait progressivement éliminer les exonérations et allégements d’impôts qui encouragent encore la surconsommation d'énergie dans les secteurs de l’agriculture, de la pêche, du chauffage et des transports. Une partie des aides de soutien aux filières de la tourbe et du charbon sont déjà en cours de suppression.

L’Irlande se caractérisant par un peuplement dispersé et une faible densité démographique, les déplacements se font très majoritairement par la route. Or les transports routiers constituent une source importante et croissante d’émissions de GES. La progression des véhicules diesel et d’occasion fait craindre une aggravation de la pollution atmosphérique urbaine. En 2020, l'activité des transports a chuté en raison des mesures prises pour contenir la pandémie. Toutefois, on ignore encore les effets que la crise du COVID-19 aura à moyen et long termes sur les habitudes de mobilité et l’environnement.

L’Irlande a mis en place un régime de taxation des véhicules fondé sur les émissions de CO2 et de NOx ainsi qu’un généreux dispositif de primes à l’achat de véhicules électriques. L’État s’est engagé à investir davantage dans le ferroviaire, les transports publics et la mobilité active, à consacrer deux fois plus de dépenses aux transports publics qu'aux routes et à redistribuer l’espace de voirie au profit des modes plus durables. La coordination des mesures d’aménagement du territoire et de planification des transports s’est améliorée dans l’intérêt d'un développement compact. Il faudrait néanmoins que l’Irlande améliore l’application des règles d’urbanisme afin que toutes les opérations d’aménagement favorisent la facilité d'accès aux liaisons de transport et prévoient l’édification d’un réseau de voies piétonnes et cyclables sûres.

Il est toujours difficile de réduire la dépendance à l’égard des véhicules particuliers et de propose des solutions de rechange dignes de ce nom. La hausse de la congestion et de ses coûts devrait se poursuivre, en particulier dans le Grand Dublin. À l’exception du tunnel du port de Dublin, l’Irlande ne recourt pas aux péages urbains pour gérer la demande de déplacements. Les subventions cachées en faveur de la voiture, dont fait partie la gratuité du stationnement sur le lieu de travail, incitent de façon implicite à effectuer ses déplacements quotidiens en voiture. L’Irlande devrait envisager d’instaurer des redevances de congestion tout en réfléchissant aux investissements et mesures à engager pour améliorer les conditions de déplacement des piétons, cyclistes et usagers des transports publics. Le financement serait assuré par le produit des redevances, qui servirait également à compléter le revenu des ménages vulnérables.

L'Irlande s’est fixé pour objectif de compter près de 1 million de véhicules électriques en circulation en 2030. Il s'agit de l’un des principaux piliers de sa stratégie de décarbonation des transports. De généreuses subventions encouragent les ventes de véhicules électriques, qui n’en conservent pas moins une place insignifiante dans le parc automobile. Ce dispositif coûteux devrait être complété par un système de gestion de la demande de déplacements - notamment fondé sur les péages - ainsi que par une hausse de la fiscalité des véhicules classiques et l’extension du réseau de bornes de rechargement. Une fiscalité axée sur l’utilisation des infrastructures routières permettra de mieux faire face aux coûts environnementaux et induits par la congestion, mais aussi de compenser en partie la diminution du produit des taxes sur les carburants que le passage aux véhicules électriques entraînera à moyen terme.

En Irlande, la circulation des marchandises se fait majoritairement par la route en raison de la faiblesse des capacités et de la demande de fret ferroviaire. Les pouvoirs publics prennent des mesures en faveur des carburants de substitution pour poids lourds, en particulier le gaz naturel. Toutes les possibilités de combiner les modes routier, ferroviaire et maritime et de rééquilibrer les incitations économiques en faveur du fret ferroviaire n’ont pas encore été exploitées. D'autres mesures, en matière de normalisation et de partage des données, pourraient améliorer l’efficacité logistique et contribuer à la réduction des émissions de GES. L’Irlande ne devrait plus plafonner les prix du gazole payés par les transporteurs routiers, de ce fait moins enclins à opter pour des véhicules, des modes de conduite et des systèmes de logistique de nature à réduire leur consommation de carburant.

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