3. Comportement des ménages et transport

Les transports sont indispensables pour l’accessibilité et l’échange des biens, mais ils engendrent de nombreux coûts sociaux, sanitaires et environnementaux. Le secteur des transports est responsable d’environ un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). La quantité de dioxyde de carbone (CO2) émise par le secteur est particulièrement difficile à réduire, car le nombre de propriétaires de voitures croît et les moteurs à combustion interne continueront de circuler pendant encore un certain temps (FIT, 2021[1]). Outre les émissions, les activités de transport sont à l’origine d’autres externalités négatives comme la pollution atmosphérique locale, le bruit, les accidents et les embouteillages. Les coûts de la pollution atmosphérique pour la société sont plus élevés dans les zones fortement encombrées, qui sont aussi généralement densément peuplées. En 2015, les activités de transport de marchandises et de passagers ont été à l’origine de plus de 50 % des émissions mondiales d’oxyde d’azote (NOX), de 30 % des émissions de monoxyde de carbone (CO), de 20 % des émissions de composés organiques volatiles (COV) et de 15 % des émissions de dioxyde de soufre (SO2) (AIE, 2016[2]) . Les coûts en bien-être par an et par habitant imputables à la pollution de l’air dans les pays de l'OCDE ont été estimés à 1 280 USD en 2015, chiffre qui devrait atteindre 1 650 USD en 20601 (OCDE, 2016[3]). Les embouteillages donnent également lieu à des pertes de temps et à du gaspillage de carburant qui représentent des coûts importants (Goodwin, 2004[4]).

L’analyse effectuée par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indique que les stratégies axées sur la demande peuvent réduire les émissions de GES du secteur des transports terrestres de 67 % (GIEC, 2022[5]). L’aménagement urbain peut réduire les kilomètres-véhicules parcourus, par exemple en réaffectant les rues et les espaces de stationnement aux transports en commun ou aux pistes cyclables, ce qui permettrait d’économiser du carburant et de réduire les émissions (FIT, 2021[6]). L'arrivée de nouvelles technologies joue également un rôle majeur. L’interdiction des véhicules à moteur à combustion interne classiques et la définition d’objectifs pour la voiture électrique pourraient réduire les émissions de GES du secteur de 30 % à 70 % (GIEC, 2022[5]). À l’échelle des individus, vivre sans voiture et éviter les vols long-courrier sont les deux décisions qui auront le plus d’impact sur la réduction des émissions. L’adoption des transports publics et des véhicules électriques à batterie présentent également un fort potentiel d’atténuation (GIEC, 2022[5]). Dans les villes, la baisse de l’utilisation des voitures thermiques et une mobilité plus active permettront aussi d’améliorer la qualité de l’air (Creutzig et al., 2022[7]).

Des politiques efficaces de décarbonation des transports sont indispensables pour assurer un futur plus durable au secteur. Ces mesures doivent notamment promouvoir la réduction des trajets non nécessaires, l'adoption de modes de transport moins polluants, l'amélioration de l'efficacité énergétique et la démocratisation des voitures électriques et des carburants à faibles émissions de carbone (FIT, 2021[1])2. Ces changements contribueront à minimiser la demande globale en transport, à réduire l’utilisation des véhicules motorisés et à diminuer l’intensité d’émission du kilomètre-passager parcouru moyen.

L’adoption de nouveaux comportements peut se faire selon différentes échelles de temps (Weis et al., 2010[8]). Certains changements s’opèrent immédiatement et sans coût financier trop important, comme adopter un mode de transport différent pour un trajet particulier, par exemple prendre le vélo plutôt que la voiture. Toutefois, les coûts personnels de tels changements (comme les inconvénients) peuvent être élevés (Gardner et Rebar, 2019[9]). D'autres changements peuvent s’opérer sur le moyen terme, comme la décision d’acheter une voiture fonctionnant avec des carburants fossiles ou des carburants de substitution. Les changements qui s’inscrivent dans le long terme, qui concernent par exemple le lieu d’habitation et la distance domicile/travail, ont souvent d’importantes répercussions financières pour les individus, ainsi qu’un impact sur l’empreinte environnementale de l’activité de transport (OCDE, 2018[10] ; OCDE, 2021[11]).

Ces changements de comportement sont au cœur de l'évolution du secteur des transports. Les mesures destinées à réduire l’impact des activités de transport sur l’environnement ne seront efficaces que si les choix qui déterminent les habitudes de déplacement des ménages et leurs modes de transport sont bien compris. La dépendance à la voiture représente un défi particulier qui nécessitera d’importantes politiques transformatrices visant à canaliser les ménages vers les modes de transport durables et à réduire la demande de transport (OCDE, 2022[12]). Les objectifs de l’action publique doivent notamment inclure :

  • L'augmentation massive de la disponibilité et de l’accessibilité des transports publics et de la mobilité douce exigera des responsables politiques qu’ils comprennent les préférences des répondants en matière d’accessibilité et de commodité (FIT, 2021[1] ; FIT, 2017[13]) . Cela leur sera utile pour mettre en place des services de qualité suffisante et proposer des mécanismes incitatifs adaptés et rentables en faveur des systèmes de transport public.

  • La démocratisation des véhicules à carburant de substitution – comme les véhicules électriques à batterie, hybrides rechargeables et à hydrogène – dépendra de la façon dont les utilisateurs potentiels évalueront les caractéristiques relatives de ces véhicules par rapport à celles des voitures conventionnelles, comme le prix d'achat et les coûts d’utilisation. Il est par conséquent indispensable de mieux comprendre les préférences et les situations socioéconomiques des consommateurs, et leur rôle dans la demande de véhicules à carburant de substitution. Sur le long terme, les réglementations du côté de l’offre, comme l’interdiction de la vente de nouvelles voitures à moteur thermique, conditionneront fortement le choix des consommateurs (EPRS, 2022[14]).

Ce chapitre fournit un aperçu des données recueillies sur les habitudes de mobilité des ménages lors de la troisième édition de l’Enquête de l’OCDE sur les politiques de l’environnement et l’évolution des comportements individuels (EPIC)3. Il explore en particulier :

  • l’utilisation des transports publics et les voyages longue distance

  • l’utilisation des voitures électriques et thermiques

  • l’adhésion aux politiques de transport durable.

Pour chacun de ces domaines, le chapitre utilise des échantillons nationaux représentatifs pour analyser les différences dans les comportements et les attitudes des répondants en fonction de certaines variables telles que le niveau de revenu, le lieu et le type de résidence, le statut d’occupation du logement (propriétaire ou locataire) et le niveau de préoccupation pour l’environnement.

Même si 50 % des répondants urbains utilisent les transports publics, la marche ou le vélo pour se rendre au travail, les autres utilisent des voitures thermiques (45 %), des cyclomoteurs (1 %) ou le covoiturage (4 %). D’importantes différences dans les modes de transport sont observées entre les zones urbaines, périurbaines et rurales (Graphique ‎3.1) 4. Les différences dans les modes de transport en fonction des zones résidentielles semblent plus prononcées en France, où 71 % des ménages en zone rurale déclarent utiliser une voiture comme principal mode de déplacement domicile-travail, contre 49 % et 37% dans les zones périurbaines et urbaines, respectivement. C’est aux États-Unis que l’utilisation de la voiture est la plus courante, 82 % des ménages déclarant en utiliser une pour se rendre au travail en zone rurale, et 65 % en zone urbaine. L’utilisation de la voiture en zone périurbaine varie de 31 % en Suisse à 79% aux États-Unis. C’est aux Pays-Bas que le vélo est le plus utilisé dans les zones urbaines, périurbaines et rurales (39 %, 27 % et 32%, respectivement). Le plus grand pourcentage de répondants qui déclarent marcher pour se rendre au travail se trouve au Royaume-Uni (25 % des dans les zones urbaines et 23 % dans les zones rurales).

L’utilisation des transports publics varie fortement selon les pays et va de 71 % des ménages en Suisse à 28 % aux États-Unis (Graphique ‎3.2). Malgré ces variations, on relève plusieurs tendances d’utilisation de ces services dans les neufs pays considérés. Dans la plupart des pays, les ménages à faible revenu déclarent plus souvent une utilisation régulière des transports publics que les ménages plus aisés. En Suisse et aux États-Unis, toutefois, les ménages à revenu élevé semblent plus les utiliser que les ménages modestes5. À l’exception d’Israël, l’utilisation déclarée des transports publics est 10 % plus élevée chez les personnes affichant un degré élevé de préoccupation pour l’environnement.

Les données indiquent en outre que les ménages qui utilisent régulièrement des voitures thermiques ont moins tendance à utiliser les transports publics que ceux équipés de véhicules électriques (Graphique ‎3.3). Cette constatation peut traduire le fait que les ménages qui utilisent des voitures électriques sont également plus susceptibles de vivre en zone urbaine. En revanche, elle va à l’encontre de conclusions qui postulent que les premiers adeptes des voitures électriques habitent principalement dans des zones rurales ou périurbaines (Plötz et al., 2014[15]).

En ce qui concerne la possibilité de réduire l’utilisation de la voiture, 54 % des utilisateurs réguliers de voitures indiquent que des transports publics de meilleure qualité les encourageraient à moins prendre le volant (Tableau ‎3.1). Ce pourcentage est le plus élevé en Israël (66 %) et le plus bas au Canada et aux États-Unis (44 % et 42 %). Parmi ces répondants, 35 % vivent en zone urbaine.

Des transports moins chers, plus fréquents et plus développés sont les principales améliorations citées par les répondants lorsqu’on leur demande ce qui les inciterait à moins utiliser leur voiture (Graphique ‎3.4)6. Globalement dans les neuf pays, 42 % des répondants considèrent « Très important » que les transports publics soient moins chers. Ce pourcentage est le plus élevé en Belgique et aux Pays-Bas, à 49% et 50 %, respectivement. Des services plus fréquents sont également considérés comme un facteur important (41 % en moyenne) et en particulier en Israël (60 %). C’est en Israël que la facilité de passer d’un mode de transport à un autre est considérée la plus importante. La propreté et la sécurité sont moins souvent citées, sauf aux États-Unis, où les répondants les considèrent aussi importantes que d’autres facteurs. Les facteurs susceptibles d’accroître le sentiment d’insécurité dans les transports publics sont notamment le faible nombre d’usagers ou des services trop peu fréquents. Il convient de noter que certains aspects des transports publics peuvent ne pas être classés parmi les plus importants parce que les répondants sont déjà satisfaits du niveau actuel de service. En conséquence, les différences dans les réponses peuvent refléter des différences tant dans le niveau de prestation des services que dans les préférences individuelles.

Les modes utilisés pour les voyages longue distance varient également en fonction des pays. En moyenne, 37 % des trajets longue distance sur une année sont faits en voiture, 16 % en train, 15 % en bus, et 11 % en avion. Les répondants en Israël, ainsi que ceux des pays européens, déclarent faire en moyenne 1,75 à 2 trajets longue distance en train par an. La Suisse fait figure d’exception ici, avec en moyenne 3,5 trajets de ce type par an. Les trajets en train sont moins fréquents au Canada (0.5 par an) et aux États-Unis (0.9). Ces variations reflètent la situation de l’offre de services ferroviaires à grande vitesse en Amérique du Nord par rapport à l’Europe et à Israël (AIE, 2019[16]). En moyenne sur l’ensemble des pays, les répondants font de 1 à 2.3 trajets de longue distance pour les loisirs en bus, et de 1 à 1.6 trajet en avion par an. Encadré ‎3.1 L’Encadré ‎3.1 présente les résultats d’enquêtes sur l’impact de la pandémie de COVID-19 sur les voyages aériens.

Les répondants déclarent utiliser un large éventail de types de véhicules (Graphique ‎3.6), mais la grande majorité utilisent des deux-roues ou des voitures à moteur thermique, et plus de 80 % des acheteurs potentiels de voitures ont toujours l’intention d’acheter un véhicule qui fonctionne au moins en partie aux carburants fossiles. En moyenne, 75 % des ménages déclarent qu’au moins un membre du foyer utilise une voiture thermique de manière régulière (de 60 % en Suède à 87 % aux États-Unis). Même si tous les répondants n’utilisent pas nécessairement ces véhicules en tant que principal moyen de déplacement ou avec la même intensité, ces chiffres confirment que la voiture thermique reste un moyen de transport très présent pour la plupart des ménages. Ainsi, si l’électrification de la flotte de véhicules particuliers doit apporter des bienfaits considérables sur le plan climatique, il faudra pour atteindre cet objectif une adoption de grande ampleur de la voiture électrique par les ménages. En moyenne, 7 % des ménages déclarent qu’au moins un membre de leur foyer utilise régulièrement une voiture électrique à batterie, de 4 % au Canada à 10 % aux États-Unis7.

L’utilisation des voitures thermiques semble plus élevée pour les ménages à revenu élevé que pour ceux à faible revenu (Graphique ‎3.7), ce qui vient confirmer les éléments empiriques existants. Les ménages d’une seule personne déclarent un usage moins fréquent de la voiture thermique (64 % en moyenne) que ceux comptant de deux à quatre adultes (82 %). Les exceptions sont les États-Unis, le Canada et Israël, où l’utilisation déclarée n’augmente que légèrement avec le nombre d'adultes dans le foyer. Dans la majorité des pays toutefois, l’utilisation déclarée de la voiture diminue dans les ménages de cinq adultes ou plus. Les ménages avec et sans enfants ne déclarent pas de niveaux sensiblement différents d’utilisation de la voiture thermique. Dans tous les pays, les ménages urbains déclarent une utilisation moindre que celle des ménages ruraux.

On relève certaines exceptions à l’échelle des pays. Aux États-Unis, aucune différence en fonction du niveau de revenu n’est observée quant à l’utilisation d’une voiture thermique, et seules de petites différences sont relevées entre les zones urbaines et rurales. On observe en Israël que de petites différences en fonction du lieu de résidence. Globalement dans l’ensemble des pays, et malgré son impact sur l’environnement, l’utilisation des voitures thermiques ne varie pas beaucoup en fonction du degré de préoccupation environnementale. La plus grande différence (7 points de pourcentage) est relevée en Suisse.

Ces résultats révèlent le degré de dépendance des ménages vis-à-vis des voitures particulières pour leurs déplacements, ainsi que les contraintes et les inconvénients liés à un changement de comportement. Dans les zones urbaines, l’action publique peut chercher à réduire l’utilisation des voitures thermiques en améliorant la commodité des solutions de transport public. Dans les zones où les solutions pour remplacer les déplacements en voiture sont moins nombreuses, les politiques peuvent encourager un passage à la voiture électrique en multipliant les infrastructures de charge et en la rendant plus abordable.

Alors que les utilisateurs des transports publics semblent davantage préoccupés par l’environnement que les non-utilisateurs dans tous les pays, c’est moins le cas pour les utilisateurs de voitures électriques (Graphique ‎3.8)8. En général, ceux qui sont préoccupés par l’environnement déclarent une utilisation de la voiture électrique seulement légèrement supérieure (9 %) que ceux qui ne le sont pas (7%). Cette tendance ne se retrouve pas dans tous les pays. La préoccupation pour l’environnement est plus fortement associée à l’utilisation de voitures électriques aux États-Unis, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, où l’on observe des différences de 4 à 8 points de pourcentage entre ces groupes. On constate en revanche peu de différences en Suisse, en Israël et en Suède. En France, un plus grand pourcentage de personnes peu préoccupées par l’environnement (9 %) déclarent utiliser régulièrement une voiture électrique que celles davantage préoccupées (6 %). Une plus forte proportion de répondants (14 %) déclarent utiliser des voitures électriques dans les zones urbaines que dans les zones périurbaines et rurales (8 % et 4 %, respectivement).

On relève une association positive entre l’utilisation des voitures électriques et le revenu au Canada et aux États-Unis, ce qui vient confirmer les données factuelles existantes (Sovacool et al., 2019[18]). Cette association n’est cependant pas observée dans d’autres pays. En fait, les ménages dans les quintiles de revenu inférieur en Suisse, en France, en Israël, aux Pays-Bas et en Suède déclarent une plus grande utilisation de la voiture électrique que ceux des quintiles de revenu supérieur. Ce résultat pourrait s’expliquer par le fait que des ménages utilisent régulièrement une voiture électrique dans le cadre d’un système de partage de voiture, sans en posséder une (Münzel et al., 2020[19]). Les observations découlant de l’enquête pourraient également refléter des différences de coûts selon les régions entre les voitures thermiques et électriques après prise en compte des incitations des pouvoirs publics (AIE, 2022[20]). Enfin, parmi les utilisateurs de voitures, les hommes déclarent généralement une utilisation de voiture électrique par le ménage plus importante que les femmes (11 % et 6 % respectivement). Cette constatation confirme également des données factuelles existantes, qui laissent penser que les hommes et les femmes n’ont pas le même niveau d’utilisation et de détention de voiture, ni les mêmes préférences concernant les caractéristiques des véhicules (Sovacool et al., 2019[21]).

Dans l’ensemble, 33 % des répondants déclarent qu’il n’y a pas de borne de recharge pour voitures électriques à moins de trois kilomètres de leur domicile (Graphique ‎3.9), et encore 26 % ne savent pas s’il y en a (jusque 40 % en Israël)9. La disponibilité des bornes de recharge semble la plus élevée aux Pays-Bas, où 33 % des répondants déclarent qu’il y a une borne disponible là où ils stationnent habituellement leur véhicule (à domicile, au travail ou dans un parking). L’absence quasi-totale d’utilisateurs de voiture électrique parmi ceux qui ont peu accès aux infrastructures de charge confirme l’importance de ces dernières pour favoriser l’utilisation des voitures électriques (Hardman et al., 2018[22]). Certaines données indiquent que les inquiétudes, notamment liées à l’autonomie, concernant l’utilisation des voitures électriques disparaissent largement lorsque les détenteurs de véhicule passent à l’électrique (AAA, 2020[23]).

Dans l’ensemble, 24 % des répondants déclarent que leur ménage n’utilise pas de voiture thermique de manière régulière. Parmi ces derniers, 48 % citent la proximité des transports publics comme la principale raison de ne pas se déplacer en voiture (de 31 % au Royaume-Uni à 71 % en Suisse). Par ailleurs, 46 % (de 32 % en Suisse à 52 % en Suède et au Canada) considèrent que les coûts d’utilisation élevés constituent un facteur important (Graphique ‎3.10). Le fait de disposer de services de base accessibles à pied ou à vélo était important pour 42 % des répondants en moyenne (jusqu’à 57 % aux Pays-Bas). Le coût d’achat élevé figurait parmi les principales raisons pour 42 % de cet échantillon. Les convenances personnelles, plutôt que les préoccupations environnementales, semblent fortement influencer les comportements en matière de transport, ces dernières n’étant citées que par 19 % de l’échantillon.

Le Graphique ‎3.11 examine si les raisons avancées pour ne pas utiliser de voiture diffèrent entre les ménages à revenu élevé et ceux à faible revenu. Dans l’ensemble des pays, la disponibilité des transports publics et les coûts d’utilisation élevés sont des raisons considérées importantes, tant par les ménages à revenu élevé que par ceux à faible revenu, de ne pas utiliser de voiture. Les répondants appartenant à un ménage à revenu élevé sont plus susceptibles de citer le fait de vivre à proximité des services essentiels10, tandis que les coûts d’achat sont plus fréquemment cités par les ménages des quintiles de revenu inférieur. C’est aux États-Unis que les répondants des quintiles de revenu supérieur évoquent le plus souvent l’absence de titulaire du permis. Et c’est en Suisse que les ménages à revenu élevé citent le plus souvent les préoccupations environnementales comme raison de ne pas utiliser de voiture.

Lorsqu’on leur demande quelles mesures ils soutiendraient pour réduire l’impact des voitures sur l’environnement, la majorité (77 %) cite l'amélioration des transports publics (Graphique ‎3.12). Ce niveau élevé d’approbation est observé quels que soient les niveaux de revenu, les degrés de préoccupation pour l’environnement et le lieu de résidence (Graphique ‎3.13). Même parmi ceux déclarant ne pas avoir confiance dans les pouvoirs publics, 75 % sont pour ou tout à fait pour l’amélioration des transports publics. Les autres mesures les plus souvent approuvées sont la promotion du télétravail (60 %), les aides à l’achat des véhicules à faibles émissions ou écoénergétiques (60 %), des normes d’efficacité énergétique plus strictes pour les nouvelles voitures (56 %) et la fourniture d’indications environnementales plus détaillées pour les voitures (51 %). Comme il est indispensable d’électrifier l’activité de transport dans les zones où les solutions pour remplacer les déplacements en voiture sont moins nombreuses, ces résultats indiquent que les mesures visant à accroître l’adoption des voitures électriques devraient être bien accueillies.

Les répondants étaient le plus en désaccord avec la mise en place d’une redevance par kilomètre parcouru (57 %) et l’augmentation des frais de stationnement ou la réduction des places de parking (61 %). L’approbation était également moins forte pour une taxe sur les émissions de CO2 ou les voitures énergivores (36 %), l'accès payant aux centres-villes (33 %), une redevance par kilomètre parcouru (20 %) et les frais de stationnement (18 %). On relève cependant des différences considérables d’un pays à l’autre. Au Canada, en Israël, en Suède et en Suisse, la part des ménages non favorables à une redevance par kilomètre parcouru (66 %) est sensiblement plus élevée qu’en Belgique et aux Pays-Bas (39 %). De la même manière, le pourcentage des ménages opposés à la réduction des limites de vitesse sur autoroute est plus élevé en Suisse (51 %), qu’aux États-Unis (37 %) et au Royaume-Uni (28 %). Les manifestations des « gilets jaunes » en France dues aux augmentations des taxes sur les carburants et les émeutes au Chili qui ont suivi la forte hausse des prix des transports publics illustrent le caractère très controversé de certaines mesures liées aux transports.

Les personnes fortement préoccupées par l’environnement sont plus susceptibles d’adhérer à toutes les mesures visant à réduire l’impact environnemental des voitures (Graphique ‎3.13). Même si l’adhésion de ce groupe à certaines mesures est moindre – par exemple pour une taxe sur les émissions de carbone et les restrictions d’accès aux centres-villes – elle reste deux fois plus élevée que celle des personnes peu soucieuses de l’environnement. Les individus qui déclarent avoir confiance dans les pouvoirs publics et ceux vivant dans les zones urbaines sont aussi systématiquement plus enclins à adhérer à tous les types de mesures visant la réduction de l’utilisation des voitures. L'impopularité des mesures qui ont un coût pour les ménages pourrait en partie être le reflet de la forte dépendance des répondants à l’égard des voitures, y compris pour les utilisateurs de voiture soucieux de l’environnement. Dans l’ensemble, ces résultats suggèrent que des mesures complémentaires pourraient renforcer l’adhésion à ces politiques (comme affecter les recettes issues des mesures fiscales aux investissements visant l’amélioration des transports publics). En outre, des stratégies de communication pourraient cibler certains groupes de population afin de renforcer leur adhésion.

Dans l’enquête EPIC de 2011, les répondants indiquaient également un niveau élevé d’adhésion aux investissements dans les transports publics, mais ils approuvaient encore davantage les aides à l’achat de véhicules à faibles émissions et écoénergétiques (OCDE, 2013[24]). Il semble donc que le soutien déclaré aux aides à l’achat de véhicules à faibles émissions et économes en carburant se soit quelque peu affaibli avec le temps. Cela est peut-être lié à la baisse des prix des voitures électriques sur la même période (AIE, 2020[25]). Toutefois, l’importance accordée à la fourniture de transports publics reste élevée, tandis qu’en 2011 comme en 2022, les mesures d’ordre fiscal sont les moins appréciées11.

On relève d’importantes différences dans l’adhésion des individus aux diverses mesures visant à réduire l’impact des voyages aériens sur l’environnement (Graphique ‎3.14). L’investissement dans la recherche afin de développer des technologies vertes en matière de transport aérien est la mesure la plus soutenue (66 %), suivie par l’investissement dans de meilleurs services pour les moyens de transport alternatifs (63 %). L’adhésion est moins générale pour les mesures réglementaires telles qu’une taxe sur les billets d’avion, une taxe sur le kérosène, ou la limitation du nombre de vols court courrier : les répondants des Pays-Bas, de Suisse et de Belgique sont ceux qui approuvent le plus ces mesures, alors que l’approbation est particulièrement faible au Canada, en Israël et aux États-Unis.

Références

[23] AAA (2020), Owning an Electric Vehicle is the Cure for Most Consumer Concerns, https://newsroom.aaa.com/2020/01/aaa-owning-an-electric-vehicle-is-the-cure-for-most-consumer-concerns/ (consulté le 27 avril 2023).

[20] AIE (2022), Global EV Outlook 2022: Securing supplies for an electric future, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/c83f815c-en (consulté le 7 septembre 2022).

[25] AIE (2020), « Average price and driving range of BEVs, 2010-2019 », World Investment 2020, https://www.iea.org/data-and-statistics/charts/average-price-and-driving-range-of-bevs-2010-2019 (consulté le 28 février 2023).

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[12] OCDE (2022), Redesigning Ireland’s Transport for Net Zero: Towards Systems that Work for People and the Planet, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/b798a4c1-en.

[11] OCDE (2021), Réconcilier le logement et l’environnement, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/7039c7e2-fr.

[10] OCDE (2018), Rethinking Urban Sprawl: Moving Towards Sustainable Cities, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264189881-en.

[3] OCDE (2016), Les conséquences économiques de la pollution de l’air extérieur, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264262294-fr.

[24] OCDE (2013), Greening Household Behaviour: Overview from the 2011 Survey, Études de l’OCDE sur la politique de l’environnement et le comportement des ménages, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264181373-en.

[15] Plötz, P. et al. (2014), « Who will buy electric vehicles? Identifying early adopters in Germany », Transportation Research Part A: Policy and Practice, vol. 67, pp. 96-109, https://doi.org/10.1016/j.tra.2014.06.006.

[18] Sovacool, B. et al. (2019), « Income, political affiliation, urbanism and geography in stated preferences for electric vehicles (EVs) and vehicle-to-grid (V2G) technologies in Northern Europe », Journal of Transport Geography, vol. 78, pp. 214-229, https://doi.org/10.1016/J.JTRANGEO.2019.06.006.

[21] Sovacool, B. et al. (2019), « Are electric vehicles masculinized? Gender, identity, and environmental values in Nordic transport practices and vehicle-to-grid (V2G) preferences », Transportation Research Part D: Transport and Environment, vol. 72, pp. 187-202, https://doi.org/10.1016/j.trd.2019.04.013.

[8] Weis, C. et al. (2010), Models of mode choice and mobility tool ownership beyond 2008 fuel prices, SAGE Publications Sage CA: Los Angeles, CA, https://doi.org/10.3141/2157-11.

Notes

← 1. Valeurs exprimées en USD constants (2010), à parité des pouvoirs d’achat (PPA).

← 2. C’est-à-dire l'approche « Éviter, Changer, Améliorer » (Bongardt et al., 2019[27]) ; voir l’Encadré 1.1 du Chapitre 1.

← 3. Voir l’Annexe B sur la conception et la mise en œuvre de l’Enquête EPIC et sur la qualité du panel de répondants.

← 4. On a demandé aux répondants quel était leur principal mode de transport pour se rendre au travail, pour les loisirs et pour les trajets liés à la garde des enfants. Seules les réponses concernant les trajets domicile-travail sont rapportées, car les différences entre les diverses raisons de déplacement n’étaient pas significatives, y compris à l’échelle des pays.

← 5. Cette situation peut caractériser les grandes villes des États-Unis. Dans les plus petites villes, les transports publics sont généralement davantage utilisés par les ménages plus modestes (Burrows, Burd et Mckenzie, 2021[26]).

← 6. Ces résultats confirment d’autres études sur ce qui détermine l’utilisation des transports publics (Boisjoly et al., 2018[28]).

← 7. En divisant les valeurs d’utilisation de voiture électrique au niveau des ménages rapportées ici par la taille moyenne des ménages (1.97 adultes), on obtient des chiffres qui rendent mieux compte de l’utilisation par habitant.

← 8. La préoccupation pour l’environnement est déclarée au niveau individuel ; l’utilisation d’un véhicule électrique est déclarée au niveau du ménage (à savoir si au moins un membre du foyer en utilise un régulièrement).

← 9. De nombreux pays ont pris des mesures afin d’accroître la disponibilité des bornes de recharge. Ces résultats font état de la situation en juin/juillet 2022.

← 10. Ce résultat n’est pas dû à des différences de revenus selon les zones de résidence, car des proportions similaires de personnes vivant en zone urbaine, périurbaine et rurale se trouvent dans les quintiles de revenu supérieur, à savoir 36 %, 36 % et 34 %, respectivement.

← 11. L’enquête de 2011 proposait une question sur «des taxes plus élevées sur les carburants» et celle de 2022 sur « une taxe sur les émissions de carbone ou les voitures énergivores ».

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