Chapitre 6. Transformation digitale, emploi des jeunes et Agenda 2063 en Afrique du Nord

L’emploi représente une préoccupation majeure, le chômage et l’accroissement des inégalités s’étant avérés des sources d’instabilité politique depuis 2011, avec des répercussions encore tangibles. Face aux déséquilibres sur le marché du travail, l’Agenda 2063 de l’Union africaine (UA) et les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies ont inscrit les questions de l’emploi au cœur de leurs objectifs stratégiques. Entre 2010 et 2018, le niveau moyen du taux de chômage dans la sous-région s’établit à 12.1 % (tableau 6.2), avec une tension plus forte en Libye (19 %) et en Tunisie (15.8 %) qu’au Maroc (9.2 %). Le chômage persistant est accentué par un faible taux de participation de la population active sur le marché du travail (environ 43.9 %), caractérisé par une forte disparité de genre : 66.3 % pour les hommes, contre seulement 17.3 % pour les femmes (OIT, 2019).

Au-delà de l’épineuse question de l’emploi de façon globale, le chômage des jeunes reste un défi persistant et difficile à contenir dans les pays d’Afrique du Nord, qui disposent d’un important réservoir de jeunes diplômés. En effet, le taux de chômage des jeunes dépasse le double du taux de chômage global dans la plupart des pays, et reste un problème crucial en Tunisie (35.8 %) et en Libye (48.7 %). Ce phénomène s’explique en partie par l’inadéquation entre les profils de formation et les demandes du marché du travail, ainsi que par le faible développement des startups innovantes capables d’offrir des opportunités d’emplois stables. Les pays caractérisés par un chômage élevé des jeunes ont été les plus touchés par l’instabilité politique associée au Printemps arabe. Lutter contre le manque d’accès à l’emploi, en particulier chez les jeunes, représente donc un gage de stabilité politique.

Par ailleurs, le marché du travail reste confronté à un secteur informel non négligeable – entre 30 % et 70 % de l’activité (OIT, 2015) – ce qui précarise la situation des travailleurs. Le taux d’informalité contraste avec la faible proportion de travailleurs vivant sous le seuil de pauvreté (1.9 USD par jour), qui s’avère relativement bas pour les pays d’Afrique du Nord. Toutefois, environ un travailleur sur 100 est pauvre en Afrique du Nord et des disparités existent entre les pays de la région, signe d’une fragilité sociale persistante. Ainsi, au-delà de l’urgence de procurer du travail à un grand nombre de demandeurs d’emplois, il paraît nécessaire de créer des emplois décents pour améliorer les conditions de vie de la population et réduire les inégalités croissantes.

La précarité de l’emploi en Afrique du Nord est liée à la fragilité des principaux secteurs pourvoyeurs d’emplois. Entre 2010 et 2018, les services ont contribué à 47.7 % de l’emploi total, contre 27.1 % et 22.8 % pour les secteurs industriel et agricole. L’industrie, la plus susceptible de créer des emplois stables et de qualité, n’emploie que le quart de la force de travail. Les politiques prioritaires en matière de travail dans la sous-région doivent s’orienter dans une certaine mesure vers ce secteur qui, au-delà de la qualité de l’emploi qu’il garantit, accélère la transformation productive, à travers la montée en gamme dans les chaînes de valeur mondiales.

La situation de l’emploi en Afrique du Nord reste également tributaire de son profil, orienté vers le salariat. Entre 2000 et 2020, l’emploi salarié domine, à hauteur de 62.1 % du total des emplois, contre 29.3 % pour l’auto-emploi et 8.6 % de chefs d’entreprises, eux-mêmes employeurs (graphique 6.1). L’explication tient à la structure de l’économie nord-africaine, caractérisée par la forte présence d’industries extractives (Libye et Algérie) et touristiques (Maroc, Tunisie et Égypte). D’où la nécessité d’importants investissements privés dans le secteur du numérique et des startups innovantes, afin de profiter des potentialités de la sous-région en main-d’œuvre qualifiée.

Le secteur du numérique représente un vivier d’emplois pour les jeunes qualifiés et exerce également une externalité positive sur de nombreux autres secteurs, dans lesquels il améliore la productivité, contribuant ainsi à la création d’emplois indirects. Pour que la digitalisation puisse servir de levier à la création d’emplois à travers ses divers usages, les infrastructures de communication s’avèrent indispensables.

Avec un taux de pénétration moyen du téléphone mobile de 67.1 % et une couverture de la 4G de 66.1 % en 2018, l’Afrique du Nord est la région la mieux connectée du continent. Malgré son avance et l’accroissement continu du nombre d’abonnés au réseau mobile, la région a encore des efforts à faire en termes de digitalisation. De façon globale, en 2018, les deux tiers (67.1 %) de la population ont accès au réseau mobile, tandis qu’une part similaire, de 66.1 %, est couverte par la 4G (graphique 6.2), pour un taux d’accès à Internet de 48.2 %. Par ailleurs, le téléphone mobile a remplacé les lignes fixes (moins de 10 % d’accès dans tous les pays, sauf la Tunisie).

Malgré cette dynamique d’ensemble encourageante, des disparités en termes de digitalisation sont à noter au niveau des différents indicateurs et selon les pays. La Mauritanie et l’Égypte enregistrent des degrés de digitalisation relativement plus faibles que les autres pays. Le taux de pénétration du téléphone est plus élevé en Algérie et en Tunisie, tandis que la couverture 4G est mieux assurée au Maroc et en Tunisie – des économies de services. Enfin, la couverture Internet semble être meilleure en Libye et en Algérie. Le potentiel digital de l’Afrique du Nord a permis d’améliorer la communication des entreprises à travers des sites Internet (graphique 6.3) et le développement des plateformes de commerce électronique.

En Afrique du Nord, Maroc et Tunisie en tête, 57 % des entreprises disposent d’un site Internet, avec un potentiel en termes de marketing et de clientèle très large. Ce taux est de 47 % pour les petites entreprises, 67 % pour les moyennes entreprises et 80 % pour les grandes entreprises. Si une grande majorité des entreprises d’Afrique du Nord dispose d’un site Internet, leur mise à jour régulière reste à effectuer, afin de rendre cet outil réellement efficace. Contrairement aux autres pays, plus de la moitié des petites entreprises au Maroc et en Tunisie possède un site Internet, mettant ainsi en évidence une forte dynamique de digitalisation.

L’avance du Maroc et de la Tunisie en termes d’utilisation des outils digitaux à des fins économiques est confirmée par l’indiceBusiness to Consumer (B2C) (graphique 6.4), avec des scores supérieurs à 40 en 2019. En effet, pour que le commerce en ligne puisse s’effectuer de façon optimale, il faut des instruments de paiements dématérialisés et des moyens de transport de marchandises efficaces. L’insuffisance de ces canaux facilitant l’e-commerce peut expliquer les scores modérés de l’indice B2C en Afrique du Nord, malgré une bonne couverture Internet et une forte pénétration du téléphone mobile. En conséquence, il faudra, pour impulser l’e-commerce et favoriser la création d’emplois, que les banques mettent à disposition des moyens de paiements dématérialisés. D’autre part, des investissements complémentaires seront également indispensables dans les infrastructures de transport, afin de faciliter l’acheminement des colis des vendeurs aux acheteurs.

L’existence d’une finance numérique développée, avec des connexions haut débit et des systèmes de paiement modernes et adaptés, permet le développement d’une nouvelle économie favorisant la relance et la création d’emplois de qualité au profit des jeunes en Afrique du Nord. Le développement des services financiers numériques peut être un vecteur de transformation économique, sociale et culturelle. Ces services favorisent l’inclusion financière en offrant aux ménages et aux PME (petites et moyennes entreprises)-PMI (petites et moyennes industries) des solutions de financement et d’assurance adaptées. Ils réduisent les formalités administratives et les coûts commerciaux, et génèrent de nouvelles opportunités de relance pour l’économie dans son ensemble.

La digitalisation a favorisé le développement du commerce électronique en Afrique du Nord, qui a connu une évolution rapide, caractérisée par une croissance annuelle de 6.2 % sur la période 2005-17. Cette dynamique est rendue possible grâce aux ressources technologiques (smartphones, accès au mobile et à Internet, 4G) et au capital humain renforcé par un nombre important de jeunes diplômés. Cependant, la part de l’e-commerce dans les exportations reste encore faible, à environ 8 % sur la période 2010-17, avec une dynamique variable suivant les pays (graphique 6.5).

Des services livrables uniquement par le réseau des technologies de l’information et de la communication (TIC) naissent ainsi comme supports à la clientèle dans de nombreux domaines (services après-vente, assurances et banques), et constituent des opportunités de création d’emplois nouveaux. En effet, face au coût de la main-d’œuvre élevé dans les pays développés et à l’essor des TIC dans de nombreux pays en développement, bien des entreprises ont délocalisé leurs centres d’appel. Paradoxalement, la contribution des services digitaux aux exportations est relativement plus importante dans les pays disposant d’une faible couverture numérique (Algérie et Mauritanie), en raison de leur potentiel d’exportation limité (graphique 6.5). Cependant, le chiffre d’affaire des services digitaux est caractérisé par une tendance baissière au cours de ces dernières années, en raison de la crise du Printemps arabe, qui a conduit à la relocalisation de nombreuses entreprises offrant ce type de services.

Le faible niveau de l’e-commerce et des services livrables, en relation avec l’insuffisance de startups actives, montre que l’Afrique du Nord ne parvient pas encore à réellement tirer parti de la digitalisation pour dynamiser l’emploi. En effet, la région reste caractérisée par un faible développement des startups, réparties de façon inégale au sein des pays et entre eux, selon Crunchbase (2020b) : en Égypte, seules 92 start-ups ont pu lever plus de 100 000 USD entre 2011 et 2020 ; pour l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, ce sont respectivement 3, 13 et 13 startups. L’impact des startups sur l’emploi reste par ailleurs limité sur le plan spatial, en raison de leur localisation dans les centres urbains. Cette concentration, en relation avec les inégalités spatiales d’accès à Internet, met en évidence la nécessité d’améliorer non seulement le cadre institutionnel pour le développement des startups, mais également leur extension à d’autres villes.

En Afrique du Nord, l’Égypte, le Maroc et, dans une moindre mesure, la Tunisie sont les trois pays où des startups spécialisées en fintech1 sont les plus présentes, en raison d’un écosystème favorable caractérisé par un soutien gouvernemental important, d’une bonne implication du secteur privé et de niveaux d’éducation satisfaisants. Par contre, les obstacles souvent mentionnés dans les pays de la région sont le manque de confiance, la résistance au changement, la rigidité de la règlementation ou la lenteur de son actualisation (crowdfunding, blockchain, etc.), les questions de sécurité numérique et de fiabilité, ainsi que la fragmentation des marchés (Wamda Research Lab, 2017).

Le faible dividende digital en Afrique du Nord peut être également lié à la qualité de l’éducation, au déficit de compétences technologiques et à l’inadéquation entre les besoins du marché du travail et les cursus de formation. L’indice d’agilité digitale2 en 2018 (Euler Hermes, 2019) voit les pays nord-africains mal classés, avec le Maroc en 77e position, avant l’Égypte (80e), la Tunisie (84e), l’Algérie (92e) et la Mauritanie (114e). Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, seuls 56 % des employeurs estiment disposer d’employés suffisamment qualifiés pour atteindre les objectifs, tandis que 55 % pensent qu’il y a un déficit entre les compétences attendues et celles des demandeurs d’emplois (YouGov, 2016). Ce fossé de compétences est encore plus persistant en ce qui concerne les prérequis en connaissance digitale, en raison des profils de formation. En effet, comme le suggère Youth Employment in the Mediterranean (YEM, 2020), la proportion d’étudiants de l’enseignement supérieur inscrits dans des programmes d’ingénierie, de fabrication et de construction reste globalement faible (tableau 6.3) : seuls 20.7 % des hommes, contre 10.2 % pour les femmes, sont inscrits dans des filières scientifiques. Une réadaptation des cursus de formation aux exigences du marché du travail s’avère donc une nécessité pour des gains accrus en termes de digitalisation.

Le digital présente certes un atout pour les pays d’Afrique du Nord, mais peut également mettre en évidence de nouveaux risques pour les économies, notamment en termes de sécurité numérique. En stimulant la croissance économique, la digitalisation apparaît néanmoins comme une solution aux problèmes d’emploi, en particulier pour les jeunes.

L’e-commerce (achats et ventes en ligne) s’impose sans doute comme la première opportunité économique associée à la digitalisation. Les plus grandes enseignes du monde ont aujourd’hui des vitrines en ligne et les grands groupes commerciaux, tels que Facebook ou Amazon, ont vu leur chiffre d’affaires connaître un essor très rapide grâce à la digitalisation. Cette dernière peut permettre aux entreprises naissantes de communiquer facilement avec une large clientèle et de réaliser des économies d’échelle, compte tenu de la dématérialisation des opérations. Par exemple, des plateformes comme Avito, Jumia, Vongo, Affariyet, Bazar, Mytek, etc. se sont installées en Afrique du Nord en captant une grande partie de l’attention des consommateurs en ligne, dont 70 % sont âgés de 18 à 34 ans. En moyenne, 250 000 personnes consacrent 16 minutes et 26 secondes de leur temps chaque jour sur Avito (Herpin, 2020). Le développement du commerce électronique est favorisé par la généralisation du téléphone mobile. En 2017, le « m-commerce » représentait ainsi un quart du chiffre d’affaire réalisé par les e-commerçants.

Dans le secteur de la santé, le recours à la digitalisation, à travers les cartes sanitaires, les téléconsultations et la mise en place de plateformes sanitaires, représente une véritable avancée. La digitalisation est mobilisée largement dans le matériel médical, afin de réduire les erreurs de suivi des patients. Elle a également favorisé l’essor de la télésanté, qui a élargi l’accès aux soins de santé. En 2016, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Union internationale des télécommunications (UIT) ont lancé en Égypte un programme national dénommé « mDiabète » pour exploiter la technologie mobile au service des patients diabétiques. Dans le même temps, l’hôpital virtuel de l’Université Ain Shams fournit des services de télémédecine institutionnelle via l’initiative « Treat and Teach » desservant l’Égypte, les pays arabes et le continent africain. Au Maroc, la Société marocaine de télémédecine (SMT) a lancé en 2018 la phase d’expérimentation de son projet de télémédecine dans les centres de santé d’Anfgou et Imilchil (North Africa Health, 2020). De nombreuses startups de la santé numérique ont émergé en Afrique du Nord, à travers des plateformes qui permettent aux patients de trouver et de réserver facilement un rendez-vous avec un médecin disponible à proximité : D-Kimia, Services médicaux intelligents et Shezlong en Égypte, SihhaTech en Algérie et Daba Doc basé au Maroc et maintenant disponible dans cinq pays, dont l’Algérie, la Tunisie, le Nigeria et l’Afrique du Sud.

La digitalisation peut avoir des intérêts multiples (éducation, finance, agriculture…) et améliorer l’efficacité de l’action publique. En effet, les TIC peuvent favoriser la diffusion de supports pédagogiques, mais également permettre l’évaluation des élèves/étudiants, ainsi que le traitement administratif des notes. Les bibliothèques virtuelles et les possibilités d’accès à de nombreux supports scientifiques en ligne sont autant d’opportunités. La continuité pédagogique assurée grâce à de multiples plateformes (Zoom, Microsoft Teams, Meet, etc.) durant la crise sanitaire du COVID-19, illustre bien l’intérêt des TIC dans l’éducation. Ces opportunités s’étendent au secteur agricole, où les TIC peuvent permettre aux agriculteurs d’avoir des informations concernant la météorologie et l’état des récoltes ainsi que des outils de contrôle des pesticides, améliorant ainsi la rentabilité. Les pouvoirs publics utilisent également les canaux digitaux (SMS, WhatsApp,…) pour faire passer des messages de sensibilisation, mais également pour faciliter les procédures administratives aux entreprises (création d’entreprises, déclaration d’impôts, paiements d’impôts, etc.) et aux ménages (cartes d’identité, passeport, casiers judiciaires, etc.). L’e-gouvernement ou l’e-administration reste une opportunité réelle à approfondir pour une plus grande efficacité de l’administration publique et l’amélioration de la gouvernance. Des politiques publiques favorisant l’innovation numérique dans plusieurs domaines peuvent accélérer la transformation digitale et, par la même occasion, améliorer l’emploi des jeunes en Afrique du Nord.

Par ailleurs, malgré les innombrables atouts de la digitalisation pour les économies de la région, elle porte quelques risques, en raison des mutations qu’elle implique.

  • L’utilisation des outils digitaux à finalité professionnelle (site Internet, messagerie électronique, etc.) nécessite un niveau de compétence que de nombreux professionnels dans différents secteurs n’ont pas, plus particulièrement parmi les PME-PMI. À défaut de s’initier aux TIC ou de se renouveler, les entreprises qui ne parviennent pas à intégrer la digitalisation dans leur mode de gestion peuvent disparaître, au risque d’accentuer les problèmes d’emploi pour une main-d’œuvre qui ne parvient pas à s’adapter aux besoins du marché.

  • Le rythme de l’automatisation est également beaucoup plus rapide dans la production de machines électriques, d’automobiles et de composants d’avions, qui constituent une part importante des exportations de plusieurs pays d’Afrique du Nord, tels que le Maroc et la Tunisie. Au total, 23 % des exportations de biens à destination de l’OCDE en provenance d’Afrique du Nord sont susceptibles d’être robotisées, une proportion bien plus élevée que pour l’Afrique (14.1 %), l’Asie en développement (18.9 %) ou l’Amérique latine et les Caraïbes (19.0 %).

  • Une autre contrainte liée à la digitalisation est le risque de piratage des comptes d’entreprises, avec comme conséquence la diffusion de données sensibles, et divers incidents de sécurité numérique pouvant générer de lourdes pertes pour les entreprises. Les outils digitaux sont également des moyens pour diffuser rapidement de fausses informations, particulièrement pour les groupes terroristes qui, dans leur stratégie de communication pour effrayer, revendiquent des attentats commis ou réclament des rançons d’otages. Face à ces risques, le développement de la digitalisation doit être accompagné de sa sécurisation, afin de limiter les effets adverses liés à des utilisations criminelles.

Malgré son potentiel numérique élevé par rapport aux autres régions du continent, l’Afrique du Nord ne bénéficie pas encore des dividendes de la digitalisation (amélioration de l’efficacité et de l’efficience productive, meilleure qualité de vie, accélération de l’apprentissage des jeunes, renforcement de la transparence de l’administration, etc.). Cette faiblesse est liée à la participation limitée au marché du travail, des jeunes et des femmes en particulier, nécessitant des politiques publiques qui permettent d’améliorer l’accessibilité digitale des acteurs potentiels du marché du travail. Les pays de la région doivent prendre des mesures pour améliorer le potentiel existant de la transformation technologique et le développement de l’économie numérique. Pour ce faire, les gouvernements doivent appuyer le développement des fintech, améliorer la connexion entre les systèmes éducatifs et les nouveaux besoins du marché du travail, ainsi que développer l’entrepreneuriat et l’innovation dans l’économie digitale.

La résistance au changement constitue une contrainte majeure à la transformation digitale en Afrique du Nord en général, et au développement des fintech en particulier. L’accès au digital pour le financement des investissements dans cette région a été la plupart du temps une question de cadre légal, de régulation, de manque d’infrastructure et de confiance dans le numérique. En effet, les juridictions en Afrique du Nord sont basées sur le droit civil, droit qui interdit tout ce qui n’est pas mentionné dans la loi, entraînant, en fin de compte, un vide règlementaire. Par exemple, un organisme non bancaire n’a pas la possibilité de proposer des services bancaires alternatifs, tant que ce n’est pas inscrit explicitement dans la loi. Ce constat fait que la sûreté et la clarté juridiques sont essentielles pour le développement des fintech (Lukonga, 2018). Dans le même cadre, la règlementation bancaire dans ces pays a favorisé des positions dominantes en faveur de grands groupes bancaires tels que Attijariwafa Bank ou Commercial International Bank (CIB), ce qui a découragé l’innovation et la créativité dans le domaine des paiements, par rapport à d’autres régions d’Afrique (voir le chapitre sur l’Afrique de l’Est). Le déficit infrastructurel constitue également un sérieux obstacle au développement des services financiers numériques. Enfin, des préoccupations en matière de sécurité et des craintes de violation des données et/ou de prolifération de la fraude n’ont pas favorisé une grande demande des services financiers numériques dans les pays de la région.

La définition d’un cap stratégique contenant des réformes bancaires et financières de grande ampleur, incluant des objectifs audacieux en termes d’accès à Internet, de transmission de données, de paiements électroniques, etc. (tableau 6.4), et intégrant les différentes parties prenantes, est essentielle pour pouvoir s’adapter aux disruptions technologiques en Afrique du Nord. Une telle approche doit commencer par une plus grande ouverture favorisant la concurrence et encourageant le développement des solutions technologiques adaptées. Elle doit également mobiliser toutes les parties prenantes autour d’un objectif commun et contribuer à ce que les jeunes trouvent des emplois décents à l’ère digitale. Au Maroc, par exemple, Bank Al Maghrib a fait passer la loi n° 103-12 permettant aux acteurs non bancaires d’offrir des solutions de paiement électroniques et donnant aux acteurs présents sur le marché la liberté de positionner leurs portefeuilles numériques et d’adapter leurs offres (PwC et Casablanca Finance City, 2020).

En Afrique du Nord, l’approche prudentielle reflétant le souci de limiter les risques et entraînant un freinage de l’innovation doit laisser la place à une stratégie de prise de risque. Les autorités doivent, dans ce cadre, assouplir les règles portant sur les infrastructures habilitantes, à l’instar des API (interfaces de programmation applicative) ouvertes, le cloud et le partage des données et ce, pour encourager l’émergence des fintech et favoriser les investissements dans ce domaine. Dans la même veine, une dérèglementation des télécommunications et de la finance peut favoriser l’émergence des opérateurs non bancaires offrant des solutions adaptées aux PME-PMI et appuyant le processus de développement des solutions digitales (voir le chapitre sur l’Afrique de l’Est). Cette dérèglementation doit être soigneusement évaluée, compte tenu de ses conséquences éventuelles sur la santé et la stabilité du système financier. Les gouvernements peuvent également encourager des partenariats entre les banques publiques et les fintech afin d’améliorer leur pénétration et de renforcer l’accessibilité des services financiers digitaux pour les clients. Ils doivent autoriser les entreprises opérant dans le domaine des TIC (surtout les PME) à offrir leurs services de connectivité en utilisant leur propre infrastructure plutôt que de dépendre des opérateurs historiques. De surcroît, les autorités de la concurrence de la région doivent veiller à ce que les obstacles que doivent surmonter les nouveaux entrants ne soient pas aggravés par des stratégies illicites de la part de ces opérateurs historiques (distribution exclusive, remise de fidélité, etc.), afin de permettre in fine le développement des innovations et l’acquisition des parts de marché pour les PME-PMI.

Les autorités de régulation dans ces pays doivent passer progressivement d’une approche de règlementation à une approche d’expérimentation. Ces autorités sont souvent considérées comme conservatrices et manquent de capacités, ce qui favorise leur aversion à l’égard du risque et le fait qu’elles soient mal informées des opportunités offertes par les technologies disruptives (Lukonga, 2018). C’est pour cette raison que les gouvernements en Afrique du Nord doivent renforcer les capacités au sein des agences publiques et des instances règlementaires chargées du numérique. Une approche expérimentale permettant de débloquer progressivement le verrou règlementaire est nécessaire. En Tunisie, par exemple, la Banque centrale vient d’adopter la Sandbox règlementaire qui permet de contrôler les solutions innovantes proposées par des fintech à petite échelle et avec des clients volontaires (encadré 6.2). Une Sandbox a également été créée en juin 2019 par la Banque centrale d’Égypte, afin de suivre la dynamique règlementaire des fintech, d’assurer l’inclusion financière, d’améliorer l’accès des PME aux services bancaires et financiers, ainsi que de soutenir la transition vers une économie digitale favorisant le decashing (AFI, 2018).

Quant aux pays n’ayant pas une règlementation adéquate, un cadre de suivi et de surveillance régissant les services et les prestataires fintech s’avère important. Il passe par le renforcement des structures de coordination au sein des banques centrales de la région, l’adhésion des multiples départements concernés par l’évolution des technologies financières et une forte implication des autorités publiques compétentes dans l’octroi des licences et la surveillance de ces entités (Banque mondiale, 2018). L’instauration des mécanismes de coordination permet en effet aux régulateurs de fusionner les efforts dans un objectif d’identification et de résolution des incohérences et des vides règlementaires qui se présentent. Aussi, la mise en place des exigences de déclaration imposées aux entités disposant d’une licence permet-elle aux superviseurs de suivre les changements dans les structures de marché des fintech, et par conséquent d’identifier les risques et d’offrir des réponses de politiques économiques en temps opportun.

Par ailleurs, le développement des fintech ne peut être assuré que grâce à la confiance dans l’intégrité et la sécurité de la finance numérique sur le marché. Dans ce cadre, les gouvernements doivent investir dans des mécanismes solides assurant la protection des clients et leur facilitant des recours en cas de pratique déloyale de la part des prestataires de services. Dans le même cadre, ils doivent mettre en place un cadre juridique et réglementaire pour la protection et la confidentialité des données et la gouvernance en matière de sécurité numérique. Enfin, ils doivent instaurer des normes et/ou des lois appropriées soutenant la certification en sécurité informatique et la gestion des risques au niveau des réseaux informatiques. Sur un autre plan, la supervision et le contrôle des prestataires doivent inclure les préparatifs de lutte contre les risques d’incidents de sécurité numérique et les pratiques de gestion inappropriée des risques des banques vis-à-vis des tiers, ainsi que l’interdiction de la concentration des risques chez les mêmes prestataires. Aussi, des arrangements collaboratifs entre les régulateurs financiers et les autres entités règlementaires non traditionnelles doivent-ils être renforcés (Lukonga, 2018).

La diffusion des technologies numériques doit être une opportunité pour développer les infrastructures de paiement en Afrique du Nord. Dans ce cadre, les gouvernements de la région doivent combler d’abord les sous-investissements existants dans les infrastructures de communication à travers le renforcement des réseaux de liaison en fibres optiques favorisant l’utilisation des technologies 4G et 5G. Des efforts devront aussi se concentrer sur le développement et la mise à niveau des infrastructures de paiement, ainsi que l’ouverture du marché aux prestataires de services financiers. Les gouvernements sont invités à faciliter l’intégration des prestataires de services financiers aux infrastructures nationales de règlement, qu’il s’agisse de systèmes d’échange de paiements ou de chambres de compensations.

Le développement des fintech en Afrique du Nord doit coïncider avec des politiques de développement de l’infrastructure digitale et de connectivité. Les gouvernements doivent en effet soutenir les efforts d’investissement privé visant l’amélioration de l’accessibilité et la connectivité haut débit, accélérer l’installation des réseaux fibres optiques, multiplier les points d’échange Internet (IXP)3 et favoriser l’interopérabilité des plateformes virtuelles. Sur ce dernier point, il est à préciser qu’au Maroc, l’interopérabilité a été lancée en 2018 entre les banques et les institutions de paiement. L’objectif consiste à renforcer le potentiel de rentabilité des différentes entités à travers un accès plus facile à un vaste pan du marché encore sous-exploité, mais aussi via une offre adaptée aux microentreprises.

De nombreux pays d’Afrique du Nord pourront devenir des pôles de connectivité s’ils savent exploiter leur potentiel. Dans ces pays, il est possible de tirer profit des réseaux terrestres pour compléter la connectivité sous-marine en Méditerranée. L’Égypte, le Maroc et l’Algérie pourraient en effet développer davantage leur position en tant que pôles de connectivité. L’Algérie dispose par exemple d’une dotation impressionnante de 75 000 kilomètres de fibre optique. Si le pays connectait cette infrastructure à l’Afrique subsaharienne et aux câbles de la mer Méditerranée, il pourrait changer la géographie de l’infrastructure Internet mondiale (Banque mondiale, 2018). Dans ce cadre, il est nécessaire d’aller vers une déconcentration des marchés haut débit et de les rendre plus compétitifs, en favorisant l’entrée des acteurs privés, principalement les entreprises informatiques nationales compétentes. De même, il s’avère utile de mener des projets pilotes de réseaux sans fil 5G rapides dans les grandes villes de la région, attirant des groupes industriels et favorisant l’emploi des jeunes formés. Enfin, des mécanismes de financement spécifiques, notamment une utilisation proactive des subventions publiques, peuvent faciliter l’accès aux réseaux et encourager les jeunes entrepreneurs technophiles.

Les interventions publiques doivent aussi éviter les goulots d’étranglement infrastructurels existants, surtout dans les milieux ruraux, pour aider les classes moins favorisées à bénéficier du développement des fintech. En effet, d’après les données du Gallup World Poll, seuls 35.7 % de la population en milieu rural bénéficient d’un accès à Internet, contre 53.9 % en milieu urbain en Afrique du Nord. Dans ce cadre, les gouvernements peuvent appuyer les efforts d’innovation du privé dans ces milieux, à l’instar du développement des réseaux satellitaires qui permettent d’accroître la couverture Internet et renforcent les capacités de communication des communautés rurales. De même, des politiques d’incitation favorisant la collaboration entre les différents opérateurs exerçant sur le marché local peuvent stimuler les investissements dans les zones éloignées. Enfin, une offre fiable de services d’électricité dans ces milieux permet d’éviter d’éventuelles perturbations au niveau de l’offre des services financiers digitaux en faveur de la population rurale (Banque européenne pour la reconstruction et le développement, Banque européenne d’investissement et Banque mondiale, 2016).

En Afrique du Nord, les politiques publiques doivent appuyer les efforts d’investissement en TIC à travers des mécanismes « accélérateurs » appuyant les programmes de développement des startupeurs, mais aussi via des politiques incitatives au profit des importateurs et/ou producteurs des équipementshigh tech. Les gouvernements de la région doivent dans ce cadre réviser leurs législations afin de faciliter le recours des startups à des partenaires financiers « accélérateurs » et de bénéficier de leur expertise en la matière. D’autre part, une politique de ciblage de subventions au profit des investissements en infrastructures de communication et des réductions des tarifs douaniers sur les importations de haute technologie sont aussi nécessaires afin de réduire les coûts et de favoriser la demande. La Tunisie a par exemple fait voter en 2018 la loi sur les startups (Startup Act) qui facilite pour les jeunes entrepreneurs la levée de fonds, l’octroi de subventions et d’avantages fiscaux, permettant aux porteurs de projets d’avoir des congés de mise en disponibilité et de les assister dans le dépôt des brevets internationaux.

Le secteur public doit s’associer au secteur privé pour appuyer le potentiel de demande pour les fintech, ce qui libère les initiatives, stimule l’offre et renforce l’emploi des jeunes. Les politiques publiques devront dans ce cadre envisager des mécanismes de financement public et/ou sectoriel permettant aux consommateurs (à pouvoir d’achat réduit surtout) d’acquérir le matériel nécessaire pour les paiements électroniques (smartphones, ordinateurs, puces téléphoniques, etc.). Aussi, les gouvernements doivent-ils mettre en œuvre des mécanismes incitatifs encourageant les jeunes à recourir aux plateformes numériques, que ce soit pour le financement (côté entrepreneur) ou pour le règlement des prestations (côté consommateur). Le Maroc est par exemple l’un des premiers pays sur le continent à déployer de nombreux efforts pour faire adopter une loi facilitant l’activité de financement participatif, ou crowdfunding. En Tunisie aussi, un projet de loi sur le crowdfunding s’inscrivant dans le sillage de la loi sur les startups a été adopté en juillet 2020. Sur un autre plan, la Banque centrale d’Égypte (CBE) a imposé aux entités gouvernementales des paiements électroniques pour les montants de plus de 20 000 livres égyptiennes (EGP) au profit des fournisseurs de services (A4FI, 2018a).

Enfin, les gouvernements ne doivent pas nier l’importance d’un partenariat entre les institutions de microfinance et les opérateurs de téléphonie mobile, d’une part, mais aussi et surtout entre ces mêmes institutions financières et les prestataires de services financiers digitaux, d’autre part. Le premier type de partenariat permet en effet de favoriser l’épargne et les services de crédit digital, l’interopérabilité mobile-portefeuille électronique, etc. Le second type de partenariat facilite quant à lui les solutions liées au credit scoring et le recours aux technologies blockchain (AFI, 2018b). Les autorités règlementaires doivent avant tout comprendre l’importance de ces partenariats et des mutations financières existantes en général. Elles doivent aussi optimiser les synergies potentielles entre la finance digitale et la microfinance qui seront bénéfiques simultanément pour les fintech (convenance, efficacité…) et les institutions de microfinance (efficience opérationnelle, diversification des clients…). Cela peut être assuré à travers la clarification (ou la suppression) des règles d’externalisation, mais aussi l’instauration d’exigences en matière de partage d’information sur les crédits.

Les avancées technologiques provoquées par la révolution digitale sont en train de façonner le monde du travail et de changer la nature de la demande, ce qui nécessite une adaptation des compétences à ce changement. Les gouvernements en Afrique du Nord doivent dans ce cadre jouer un rôle central dans la mise en place des principes fondamentaux du développement inclusif et équitable des compétences digitales afin de s’adapter aux différentes mutations du marché du travail. Ceci passe en particulier par la modernisation des systèmes éducatifs et la valorisation de la formation technique et professionnelle. Dans le même cadre, les États de la région doivent accorder une importance particulière à l’apprentissage tout au long de la vie et la requalification de la main-d’œuvre, afin d’assurer des conditions d’offre durable de développement des compétences numériques. Enfin, ils doivent mener des politiques publiques dont l’objectif est de soutenir et coordonner, si nécessaire, les partenariats avec le secteur privé, mais aussi suivre et évaluer les différents programmes de développement des compétences digitales.

Les politiques d’éducation en Afrique du Nord doivent être proactives, innovantes et basées sur une approche participative. La technologie est en train de changer la façon dont les jeunes se préparent à entrer sur le marché de travail. Elle influence non seulement les fins de l’éducation, mais aussi les moyens (BIRD, 2019). C’est la raison pour laquelle l’apprentissage doit être basé sur l’éducation expérientielle qui développe à un stade précoce chez les enfants les aptitudes de communication, le travail d’équipe, la résilience, la confiance en soi, la négociation et l’expression. Cette méthode d’apprentissage doit impliquer les enseignants et les parents. Dans la même veine, les gouvernements de la région sont appelés à intégrer l’utilisation des TIC dans les méthodes d’enseignement, à équiper les enfants scolarisés d’outils numériques d’éducation et à créer des plateformes éducatives digitales. La plateforme éducative gratuite en ligne Nafham, accessible en Algérie et en Égypte, en est un exemple. Elle diffuse un contenu original, utilisant des programmes d’études de plusieurs pays de la région et bénéficiant du crowdsourcing pour permettre le téléchargement des leçons. Par ailleurs, il s’avère utile d’encourager des startups spécialisées dans le domaine éducatif afin de pouvoir aider à diffuser du contenu éducatif digitalisé. En Égypte, par exemple, la startup Tutorama met en relation les élèves et leurs parents avec des tuteurs. Cette plateforme constitue une sorte d’individualisation du processus d’enseignement, donnant aux jeunes plus d’espace pour comprendre et assimiler l’enseignement des manuels scolaires.

Les nouvelles technologies digitales présentent une opportunité pour innover et moderniser le système éducatif en Afrique du Nord. La révolution numérique nécessite une prise de conscience des nouvelles compétences requises facilitant l’insertion sur le marché du travail. Dans ce cadre, les programmes d’éducation doivent s’adapter à la nouvelle donne en intégrant les soft skills, notamment les capacités cognitives, les capacités socio-comportementales et l’esprit critique. À titre d’exemple, la rhétorique législative au Maroc considère que les aptitudes que les élèves doivent s’approprier à l’école sont : la maîtrise des langues, le développement des aptitudes sociales, la compréhension des affaires civiques et la préparation précoce des élèves à leurs futures carrières (BIRD, 2019). Dans le même cadre, il est nécessaire d’adopter de nouveaux outils d’e-learning et d’auto-apprentissage pratique, et de développer des cours de culture digitale. La Banque de connaissance en Égypte (EKB), plateforme d’apprentissage digitale lancée en 2016, a permis l’accès à des ressources et à des outils d’apprentissage pour les enseignants, les chercheurs, les étudiants et le grand public. L’objectif étant non seulement de développer la recherche scientifique, de promouvoir de nouvelles méthodes d’enseignement pour les professeurs, mais également d’apporter de nouvelles ressources d’apprentissage pour les étudiants.

Les gouvernements doivent combler le fossé de compétences technologiques en rendant les technologies complémentaires au facteur travail. Le monde évolutif des technologies doit pousser les gouvernements à adopter non seulement l’idée de réformer le système d’éducation et de formation, mais également à assurer un programme d’apprentissage et d’adaptation aux changements. L’approche par les compétences (APC) adoptée au Maroc et sa reproduction dans le domaine numérique et technologique s’avèrent utiles pour les pays de la région. L’objectif consiste à transformer les qualifications en savoirs et compétences utiles à l’activité digitale. Au Maroc, la réforme complète du système de formation s’est basée sur une approche participative où différents acteurs (État, régions, employeurs, syndicats, secteurs et entreprises) interviennent aussi bien dans le pilotage que dans la mise en œuvre du dispositif de formation professionnelle. L’implication des branches professionnelles intervient au moment de l’identification des besoins en formation des entreprises, de la gestion du dispositif de formation, en collaboration avec l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (Maurin et Melonio, 2011).

Le besoin en travailleurs technologiquement compétents doit inciter les autorités à repenser les programmes d’études tertiaires dispensés. Il s’agit d’accorder une importance particulière aux sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STIM) au lieu de miser sur les études sociales qui ont longtemps été privilégiées par les employeurs du secteur public ( Banque mondiale, 2018). L’objectif consiste à généraliser quelques disciplines liées au domaine des TIC dans les parcours éducatifs (analyse de données, ingénierie financière, sciences informatiques, codage, développement des logiciels, etc.) et à encourager une plus grande ouverture à l’innovation et à la prise de risque et ce, afin de renforcer la créativité chez les jeunes et de favoriser un écosystème technologique où ils se trouvent capables de transformer leurs idées en projets (CUA/OCDE, 2019).

Par ailleurs, hormis les STIM, qui sont considérés comme le fondement pour la création des compétences adaptées aux industries 4.0, les programmes d’éducation en Afrique du Nord doivent renforcer les aptitudes d’affaires, l’esprit d’entrepreneuriat et les compétences cognitives et non cognitives (aptitudes socio-émotionnelles telles que la curiosité, la maîtrise de soi, etc.). Tout cela facilitera la création (et parfois l’absorption) des technologies numériques, limitera la dépendance technologique vis-à-vis des pays du Nord et favorisera les conditions d’intégration des jeunes sur le marché du travail (BAfD, 2019).

Les pouvoirs publics doivent aussi accorder une attention particulière à la formation technique et professionnelle à travers la mise en place de programmes riches et adaptés. Ces programmes doivent avoir pour objectif ultime d’améliorer les compétences des jeunes souhaitant profiter des opportunités offertes par les industries 4.0 en général, et par le digital en particulier. Il s’agit d’intégrer dans le parcours de formation des éléments d’éducation de base ainsi que des formes génériques de préparation professionnelle ayant pour objectif le renforcement de la polyvalence des jeunes dans certains secteurs ( BAfD, 2019). En même temps, il est nécessaire de développer des programmes de formation pour les formateurs et de les équiper en matériaux pédagogiques et en logiciels d’apprentissage. Le Centre pour le développement des compétences professionnelles en Tunisie (CDCP) assure par exemple des formations certifiantes de formateurs, accréditées par l’American Institute of Professional Studies (AIPS). Pour ce centre, l’objectif est d’intégrer l’évolution rapide des modes d’apprentissage impactés par la révolution technologique et de repenser les schémas de transmission des savoirs, tout en prenant en compte de nouveaux formats visuels.

Les stratégies éducatives en Afrique du Nord doivent enfin garantir le développement d’une culture de formation continue afin de se préparer à la transformation digitale et de s’adapter aux exigences de l’économie numérique. Ces stratégies doivent avoir comme fondement la nécessité d’acquisition d’un certain nombre de compétences basiques afin de pouvoir continuer le parcours d’éducation et/ou de formation. D’autre part, les exigences en matière de compétences techniques et professionnelles doivent être rehaussées afin d’avoir les qualifications nécessaires. Durant chaque stade, l’utilisation des TIC doit être étendue afin de diffuser à grande échelle le contenu des enseignements. En parallèle, les pouvoirs publics doivent soutenir le développement d’une industrie de logiciels éducatifs, laquelle fait défaut dans la majorité des pays d’Afrique du Nord (Banque mondiale, 2013).

Des politiques de renforcement du capital humain visant la montée en compétences (upskilling) et/ou la requalification de certaines cohortes actives sur le marché du travail (reskilling) sont nécessaires pour faire face aux bouleversements attendus du marché de l’emploi en Afrique du Nord. Les politiques publiques doivent permettre de réduire le fossé existant entre les besoins futurs du marché du travail et les qualifications de demain. Dans ce cadre, les gouvernements doivent appuyer les efforts du secteur privé, pour faire face à la forte demande prévue de professionnels capables de combiner leur expertise traditionnelle avec les compétences numériques et les STIM, mais aussi d’experts susceptibles de faciliter une interaction transparente homme-machine (ingénieurs en mécanique numérique, analystes de données des opérations commerciales, spécialistes en interface utilisateur, etc.). Plus particulièrement, il s’agit de financer des contrats-programmes au profit des entreprises souhaitant recruter les profils susmentionnés, désirant créer des plateformes de collaboration en ligne ou voulant offrir des formations techniques au profit de leurs cadres. Par ailleurs, il faudra accompagner les entreprises souhaitant former des jeunes dans le domaine digital, à l’instar de ce qui se fait en Allemagne, où il existe un système dual d’éducation et de formation professionnelle. Ce type de politiques génère de nouvelles opportunités d’emplois pour les jeunes, augmente l’habilité et la productivité des travailleurs, et offre de nouvelles voies plus flexibles pour les demandeurs d’emplois (Forum économique mondial, 2017).

Des politiques publiques doivent se préoccuper des compétences féminines en technologies afin de profiter d’un réservoir humain encore inexploité en Afrique du Nord. En effet, pour améliorer le taux d’activité féminine, il est nécessaire de lutter contre la discrimination de genre à travers des partenariats entre institutions publiques et opérateurs privés facilitant l’accès des femmes aux technologies. Il est également utile de mettre en place un cadre règlementaire prohibant l’inégalité des salaires homme/femme et favorisant la mobilité et la sécurité des femmes actives. Les pays de la région peuvent enfin déployer des mécanismes de collaboration favorisant des modalités de travail souples via la levée des lois restrictives, l’amélioration de l’accès des femmes au crédit et la promotion des lieux de travail présentant un meilleur équilibre entre les sexes (Banque mondiale, 2018).

L’association du secteur privé dans la définition des cursus en Afrique du Nord pourra faciliter la transition entre l’école et le travail. En effet, une telle association pourra renforcer les capacités d’éducation publique ainsi que l’alignement entre l’agenda de développement de compétences de chaque pays et les besoins futurs du marché de travail. Dans ce cadre, il s’avère intéressant d’engager le secteur privé dans la co-création des parcours de formation professionnelle. Au Maroc, dans le cadre d’un partenariat avec l’Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences (Anapec), la Fédération des technologies de l’information, des télécommunications et de l’off-shoring (Apebi) essaie de renforcer les capacités d’emploi du marché de l’IT à travers la co-création des parcours de formation et de délivrance des certificats de qualification professionnelle. Le programme de certification « CQP » (Certificat de qualification professionnelle dédié aux développeurs en nouvelles technologies) en est une parfaite illustration.

Les partenariats peuvent être élargis pour intégrer les ONG nationales et internationales et ce, afin de favoriser le développement des compétences entrepreneuriales en TIC et des aptitudes digitales. Ce partenariat facilite le développement de programmes visant à encourager les compétences entrepreneuriales appuyées par les TIC et à assurer un minimum de connaissances en digital. L’exemple du projet Digital Livelihoods: Youth and the Future of Work at Scale, monté en partenariat entre le gouvernement canadien, l’organisation Digital Opportunity Trust et un certain nombre de pays Africains (dont le Maroc), est intéressant. Il s’agit d’un programme qui permet de doter les jeunes des compétences et de l’éducation dont ils ont besoin pour utiliser les TIC afin de créer de nouvelles entreprises, de trouver des emplois et d’accéder à des produits et services financiers (UNESCO, 2017). En même temps, les gouvernements d’Afrique du Nord doivent être capables d’évaluer les différents programmes établis avec les partenaires afin d’identifier et de renforcer ceux qui fonctionnent correctement, de clarifier les bonnes pratiques et de cadrer les politiques publiques. Une évaluation rigoureuse et objective peut être mieux réalisée grâce à un renforcement de coordination entre les agences gouvernementales et les organismes intersectoriels concernés par les programmes de formation digitale. Des efforts en matière de recherche et de partage de données sont aussi nécessaires pour faciliter les analyses à l’échelle régionale et globale.

En Afrique du Nord, l’adoption d’une démarche décentralisée pourra favoriser le lien entre les parcours de formation, d’une part, et les besoins en compétences des entreprises locales, d’autre part. L’association des acteurs qui ont les capacités d’identifier les compétences souhaitées dans les différentes régions est nécessaire, afin de tenir compte des spécificités de chacune des régions, tout en partageant une vision nationale pour le digital. Répondre aux besoins des entreprises locales pour favoriser l’insertion professionnelle des lauréats et créer des formations adaptées aux spécificités de chaque région s’avère utile. En particulier, l’offre en filières d’enseignement supérieur se révèle particulièrement riche et diversifiée dans les régions où établissements publics et privés rivalisent d’initiatives pour proposer les cursus les plus pointus et novateurs. L’exemple des Cités des métiers et compétences au Maroc est pertinent. Il s’agit de structures régionales multisectorielles et multifonctionnelles proposant de nouvelles filières de formations et des programmes modernes qui répondent aux attentes des écosystèmes sectoriels et régionaux. D’ailleurs, certaines régions pilotes ont été désignées pour accueillir les premières Cités, comme Souss-Massa où une formation de haut niveau sera dispensée, y compris dans le digital.

Hormis l’implication directe des États dans la création d’emplois pour les jeunes, les gouvernements doivent favoriser un environnement propice à l’entrepreneuriat et au développement de l’innovation. Une amélioration de la gouvernance pourra également accélérer la transformation digitale et améliorer l’employabilité dans la région.

Pour réussir leur transformation digitale, les pays d’Afrique du Nord doivent soutenir le développement d’une nouvelle économie qui encourage l’entrepreneuriat, génère plus d’opportunités pour les jeunes et renforce les capacités du secteur public à venir en aide aux PME. Des mesures d’incitation et de renforcement des compétences entrepreneuriales, appuyées par des pôles numériques et des programmes d’éducation adaptés, existent (tableau 6.5). Flat6Labs constitue un exemple de programme accélérateur favorable à l’entrepreneuriat assorti de nombreux ateliers de préparation, avec pour but de garantir le financement des jeunes startupeurs. Il offre plusieurs tickets d’investissement et accueille des startups travaillant dans divers secteurs orientés vers l’innovation et l’économie du savoir, dont l’éducation, l’énergie, les transports, les fintech, les green tech, les TIC, l’électronique et les solutions industrielles. Un tel programme tire sa légitimité de la présence d’une population éduquée, connectée et éprise des nouvelles technologies, mais aussi d’une volonté des pouvoirs publics de mettre en place un écosystème entrepreneurial, déjà en croissance. Dans la même veine, le développement d’un tel écosystème ne peut être assuré qu’à travers le drainage des sources de financement adaptées, provenant aussi bien d’investisseurs nationaux qu’internationaux. En Égypte, par exemple, la croissance des startups a poussé les sociétés du capital-risque et les Business Angels nationales à saisir cette opportunité et à augmenter leurs financements. Algebra Ventures en est un exemple typique. Depuis sa création en 2016, des financements importants ont été accordés à une quinzaine de compagnies, spécialisées dans plusieurs secteurs. De plus, et au-delà des financements locaux, des investisseurs internationaux tels que DiGAME, EndureCap, BECO Capital et Silicon Badia ont fourni un financement et une expertise supplémentaires permettant aux entreprises locales de se développer.

Un écosystème entrepreneurial favorable en Afrique du Nord ne peut être assuré que si les décideurs se concentrent sur les facteurs permettant aux plateformes digitales multidimensionnelles de se développer, ainsi que sur l’élaboration de conditions de concurrence équitable. Il s’agit d’assurer des services basés sur le cloud, de géolocalisation, de sécurité, etc., qui permettent le développement des plateformes digitales multidimensionnelles. La généralisation dans toute la région de l’expérience Uber par exemple (déjà présente en Égypte et au Maroc) peut dans ce cadre être intéressante. Les gouvernements doivent aussi et surtout lever les obstacles d’accès à ce type de plateformes en apportant des amendements légaux, pour faciliter le lancement de jeunes entrepreneurs dans des activités utilisant ces plateformes, notamment celles mettant en relation les offreurs et les demandeurs d’emplois, offrant des formations adaptées et hébergeant des incubateurs de startups, à l’instar de la plateforme Upwork. En particulier, dans les économies basées sur l’énergie, le développement de plateformes digitales dans le cadre de l’automatisation des usines ou la redéfinition des plateformes de cloud énergétique peuvent favoriser l’émergence d’un écosystème de prestataires privés.

Les pouvoirs publics doivent accorder une attention particulière aux données et les considérer comme des « actifs nationaux » s’ils veulent atteindre leur objectif de transformation digitale. Les politiques publiques doivent se concentrer sur la gestion de ces actifs (collection, accès, sécurité, etc.) et leur gouvernance (propriété, financement, stockage, etc.). En même temps, les gouvernements de la région doivent faciliter le développement des infrastructures physiques leur permettant de gérer les données provenant des sources non traditionnelles et que les infrastructures de communication actuelles ne sont capables de supporter (Internet des objets, par exemple). L’établissement de centres de données (Data Center), conçus pour l’hébergement des serveurs et des systèmes de stockage informatique, ne peut que favoriser le développement d’un écosystème numérique national. Il permet en effet de faciliter l’accès aux TIC, de réduire les coûts d’expérimentation de nouvelles technologies pour les jeunes entrepreneurs soumis aux contraintes de financement et d’adapter l’utilisation de la technologie au cycle économique (OCDE, 2019). L’Égypte est le pays de la région où figure le plus grand nombre de Centres de Données4 et où l’État, à travers des partenariats avec des opérateurs historiques installés dans le pays, encourage l’établissement de ce type de centres et ce, afin d’exploiter les technologies intelligentes pour fournir divers services (notamment des solutions IoT, du cloud computing et des plateformes d’intelligence artificielle).

Les gouvernements d’Afrique du Nord doivent aider les entrepreneurs à acquérir de nouvelles technologies leur permettant de définir de nouveaux modèles d’affaire et solutions de développement de long terme. Des politiques publiques de soutien au développement du contenu local pour les PME-PMI permettent à celles-ci d’innover dans la production des logiciels et les assistent dans la bonne gestion des ressources, l’accès à l’information et la réduction des coûts. Elles permettent également de réaliser des gains sur les délais de commercialisation et un meilleur positionnement sur les marchés (CNUCED, 2019). Dans ce cadre, garantir la clarté juridique et politique pour les développeurs de contenu locaux, les hébergeurs, les réseaux de diffusion de contenus et les autres parties prenantes concernées s’avère indispensable (UA, 2019). De même, des lois protégeant la propriété intellectuelle sont de nature à renforcer les efforts d’innovation des jeunes entrepreneurs en Afrique du Nord. Il s’agit de mettre en place des politiques de protection des marques et de droits voisins, ainsi que des mesures de facilitation de dépôt de brevets. En particulier, la mise en place de droits sur les franchises, de droits de production des bases de données, de licences d’utilisation des résultats de recherche et développement ou de droits de reproduction des logiciels, sont de nature à favoriser l’innovation, créatrice d’emplois.

Des politiques de collaboration triangulaire entre États, universités et secteur privé facilitent la mise en place des pôles technologiques et des centres d’incubation en Afrique du Nord. Cette collaboration crée en effet un environnement de pollinisation croisée des idées et de co-création de projets, favorisant l’innovation dans la région (tableau 6.6). Ces pôles et centres renforcent souvent le soutien logistique et l’assistance technique aux jeunes startupeurs. L’Égypte est devenue ces dernières années une terre d’accueil pour plusieurs incubateurs de premier plan (Ebni, 1864 Accelerator et EdVentures), dont l’objectif ultime est de soutenir un ensemble de startups technologiques. Elle figure également parmi les premiers parcs technologiques d’adopteurs africains puisque, depuis 2001, elle a lancé le Smart Village Cairo, et plus récemment, en 2017, le gouvernement a investi dans le nouveau parc technologique de Maadi (OBG, 2019).

Le développement et l’extension de ces parcs technologiques pourra se faire à travers des politiques de « clusterisation » permettant de soutenir l’économie numérique et de réussir la transformation digitale dans la région. Des politiques d’attraction des firmes opérant dans le digital, et plus largement dans le domaine des TIC, permettent aux pays de cette région de bénéficier des transferts technologiques et d’augmenter les capacités d’innovation locales. Aussi, des politiques d’attraction des compétences étrangères hautement qualifiées et, surtout, des expatriés actifs dans les universités, les laboratoires et au sein des géants technologiques (Gafam notamment) sont-elles nécessaires. Le Maroc a par exemple su lancer, à travers des PPP, le Maroc Numeric Cluster (MNC), afin de renforcer l’écosystème des TIC et de faire de la filière digitale un vecteur de développement économique et social (encadré 6.3).

Les gouvernements d’Afrique du Nord peuvent jouer le rôle de facilitateurs en offrant des mécanismes d’appui pour les jeunes innovateurs. Ceci pourra se faire à travers l’offre de solutions de proximité, mais aussi via un plus grand soutien à l’innovation au sein des entreprises. Ce soutien peut s’opérer à travers la mise en place de mécanismes de financement et de transfert de connaissances technologiques. En Égypte, par exemple, le gouvernement a mis en place en 2004 un programme de financement des startups via le Centre d’innovation technologique et de l’entrepreneuriat (TIEC), l’une des premières initiatives de ce type dans la région. Fin 2017, le ministère de l’Investissement et de la Coopération internationale (MIIC) a lancé un projet d’incubation de startups nommé Fekratek Sherkatek (« Votre idée, votre projet ») qui avait aidé à fonder 42 startups locales avec des montants variant entre 5 000 et 30 000 USD chacun (OBG, 2019). Dans le même cadre, étant donné la dominance des PME-PMI dans le tissu économique en Afrique du Nord, les gouvernements de la région doivent multiplier les efforts pour faciliter leur accès au marché. Les administrations publiques peuvent dans ce cadre soutenir ces structures dans leurs projets innovants à travers les commandes publiques, à l’instar du Small Business Act. Elles peuvent également créer des plateformes digitales nationales d’approvisionnement aidant ces entreprises à gérer leurs achats, et par conséquent à réduire leurs coûts.

Les pays d’Afrique du Nord ne pourront soutenir un écosystème entrepreneurial et garantir un environnement innovant qu’à travers l’imposition d’une discipline au niveau de la gouvernance. L’inefficacité des services publics et le manque de confiance à l’égard des pouvoirs publics à cause de l’absence de transparence peuvent être corrigés par la mise en place d’une administration numérique. L’existence de cette administration accroîtra certainement la réactivité, l’efficacité et la transparence des services administratifs, et favorisera l’instauration d’un climat de confiance et d’innovation pour les entreprises. L’adoption de l’open data et de l’open gov en Afrique du Nord s’avère désormais essentielle. Le Maroc a déjà manifesté son intérêt et lancé son portail national en mai 2011, dans le cadre d’un large processus de réforme. De même, la Tunisie a mis en place son cadre réglementaire en 2011, à travers l’adoption d’une loi donnant accès aux documents administratifs, et a lancé son portail national de données. Ce dernier fournit l’accès aux données liées à une grande variété de sujets et est complété par des portails de données ouverts, liés à divers ministères (OCDE, 2017).

Des politiques publiques anti-corruption basées sur le numérique s’avèrent aussi nécessaires en Afrique du Nord. La digitalisation de l’administration et le développement des services publics numériques réduisent les points de contact et donc le risque de corruption, de discrimination et de paiements informels. L’offre de solutions dématérialisées, à l’instar des applications numériques d’achats publics, améliore la gouvernance, limite la corruption et renforce la confiance. En effet, la passation électronique des marchés publics facilite l’interaction et l’échange d’informations entre l’administration et les opérateurs économiques. En Tunisie, la plateforme Tunisia Online E-procurement System (TUNEPS), système d’achats publics en ligne, vise à conférer davantage d’efficacité et de transparence aux marchés publics, avec pour corollaire une meilleure gestion des finances publiques. Pour les PME-PMI, la digitalisation des processus de passation des marchés publics favorise la concurrence et augmente la transparence. Elle leur permet de surmonter le problème de manque de capacités techniques et financières, de faire des économies de coûts et d’éviter les risques de corruption. Le Maroc et la Tunisie reconnaissent par exemple le rôle important des PME et leur réservent 20 % de la valeur annuelle estimée des marchés publics (OCDE, 2016).

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Notes

← 1. Pour plus de détails, voir CEA (2018).

← 2. L’indice d’agilité digitale est basé sur cinq critères : la réglementation et l’environnement des affaires ; le système éducatif et les dispositifs de recherche ; la connectivité ; les infrastructures logistiques ; et la taille du marché.

← 3. L’avantage de ce type d’infrastructure est de fluidifier le trafic Internet, renforcer le débit et permettre la connexion 5G et l’Internet des objets.

← 4. L’Égypte compte 12 centres de données contre cinq au Maroc, deux en Tunisie et un seul en Algérie. Pour plus de détails, voir Internet Society (2020).

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