4. Argentine

En Argentine, le soutien aux producteurs est négatif depuis le début des années 2000, conséquence des taxes à l’exportation qui font baisser les prix intérieurs perçus par les producteurs. Les paiements limités reçus par les producteurs sont axés sur le soutien à l’utilisation d’intrants, principalement sous forme de crédits à des taux préférentiels.

Les fluctuations du soutien s’expliquent par la variation des taxes à l’exportation et par l’instabilité de la conjoncture macroéconomique, par exemple par la forte dépréciation du peso argentin depuis 2018. La valeur négative la plus basse du niveau de soutien a été de -51.1 % des recettes agricoles brutes en 2008. Elle a ensuite diminué pour s’établir à -10.3 % en 2017 et à -18.3 % en 2019-21. Le soutien négatif des prix du marché est la principale composante de l’estimation du soutien aux producteurs (ESP). Par conséquent, 99 % des transferts découlant de l’action publique ont créé des distorsions importantes en 2019-21. Le ratio du prix à la production au prix à la frontière (CNP) a atteint 0.84 en 2019-21, ce qui signifie que les prix à la production ont été en moyenne de 16 % inférieurs aux prix du marché mondial.

Le soja, principal produit d’exportation, est soumis au plus fort taux de taxes à l’exportation et enregistre le soutien au titre d’un seul produit (TSP) le plus négatif, équivalent à 45 % des recettes agricoles brutes par produit. Plusieurs céréales et produits animaux présentent de même des TSP négatifs, alors que le soutien des prix et les TSP sont positifs pour la viande porcine et pour les œufs.

Les acheteurs de produits agricoles en amont de la chaîne bénéficient de prix à la sortie de l’exploitation inférieurs aux prix mondiaux. Compte tenu de l’ESP négative, les consommateurs profitent d’une estimation du soutien aux consommateurs positive s’élevant à 20.5 % des dépenses aux prix au départ de l’exploitation.

En proportion de la valeur de la production agricole, le soutien aux services d’intérêt général (ESSG) a légèrement diminué, passant de 0.6 % en 2000-02 à 0.5 % en 2019-21, une part inférieure à la moyenne de l’OCDE. Les dépenses consacrées aux systèmes d’innovation agricole sont la principale composante de l’ESSG. Ces vingt dernières années, la production et les exportations agricoles ont enregistré une croissance dynamique grâce à un secteur privé innovant, ainsi qu’au soutien fourni par les services publics, notamment dans le domaine des connaissances, de la recherche, de la vulgarisation et des contrôles sanitaires.

En Argentine, la majeure partie du soutien budgétaire à l’agriculture cible l’ESSG plutôt que les producteurs à titre individuel. Le soutien budgétaire total (ESBT) aux agriculteurs et au secteur dans son ensemble a représenté 0.1 % du PIB, bien en deçà de la valeur absolue du soutien négatif des prix du marché, ce qui rend l’estimation du soutien total à l’agriculture (EST) également négative tout au long de la période couverte : -1.1 % du PIB en 2000-02 et -1.9 % en 2019-21.

En décembre 2021, le pays a supprimé les taxes à l’exportation de plusieurs produits, dont les arachides, le maïs pour pop-corn, les semences, les fruits et légumes préparés, la farine d’avoine, le seigle, les pois chiches, les lentilles, les haricots, l’avoine perlée ou aplatie, les flocons de pomme de terre, l’amidon de pomme de terre et de manioc, et les produits biologiques. Cependant, ces taxes sont maintenues pour des produits clés tels que le soja et la viande bovine. Jusqu’en 2022, le gouvernement a adapté le taux des taxes à l’exportation par la voie de décrets discrétionnaires en utilisant une autorisation spéciale du Congrès justifiée par la situation d’« urgence économique ». Ces pouvoirs exécutifs spéciaux ont expiré le 1er janvier 2022 car la loi sur le budget 2022 n’a pas été approuvée au Congrès.

En août 2021, le Congrès a adopté une nouvelle loi sur les biocarburants qui ramène le taux d’incorporation obligatoire de biocarburant de 10 % à 5 % et autorise le Secrétariat de l’énergie à réduire le taux à un minimum de 3 % et à diminuer le taux d’incorporation de maïs dans le bioéthanol. Ces réductions pourraient influer sur les investissements dans les biocarburants jusqu’à la date d’expiration prévue de la nouvelle loi en décembre 2030.

Le SENASA, organisme responsable de la santé des plantes et des animaux et de la sécurité des aliments, a pris plusieurs décisions concernant le secteur de la viande porcine. Il a établi les Commissions nationales pour la santé et le bien-être pour le porc et pour d’autres espèces animales, qui servent d’organes de partage et d’échange d’informations et de collecte des demandes, des avis et des propositions des parties prenantes et d’autres organismes publics dans le cadre du processus décisionnel en matière de santé animale. Une nouvelle réglementation sur la reconnaissance officielle du statut « indemne de maladie » des élevages porcins définit des procédures conformes aux normes de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) sur les statuts zoosanitaires. À la suite de l’apparition de foyers de peste porcine africaine (PPA) en République dominicaine et à Haïti, le SENASA a lancé une alerte sanitaire en novembre 2021 couvrant l’ensemble du territoire argentin et adoptant et renforçant les mesures de prévention visant à réduire les risques d’entrée de la maladie.

  • Compte tenu de la part élevée (30 %) d’émissions de gaz à effet de serre (GES) provenant de l’agriculture, pour tenir son engagement de réduire les émissions nationales de 19 % en 2030 par rapport aux niveaux de 2007, l’Argentine gagnerait à fixer des objectifs d’atténuation propres au secteur agricole et définir des mesures pour atteindre ces objectifs.

  • Les mesures proposées dans les contributions déterminées au niveau national (CDN) pour le secteur de l’agriculture et de l’élevage, comme la promotion des pratiques durables et résilientes, la prévention et le transfert des risques climatiques, ainsi que la recherche et le renforcement des capacités, sont bienvenues. Les plans de mise en œuvre des CDN, en cours d’élaboration, notamment pour la déforestation, devraient être concrets et contrôlés.

  • L’inventaire récent des émissions de GES du secteur agricole est utile pour appuyer la conception, la mise en œuvre et la surveillance des politiques d’atténuation. Les initiatives visant à mieux estimer l’empreinte carbone, comme celle menée récemment pour le vin, peuvent renforcer la sensibilisation des agriculteurs et la capacité à mettre en œuvre et à surveiller les pratiques d’atténuation des émissions au niveau des exploitations et tout au long de la chaîne de valeur. Les projets de recherche tels que ceux menés par l’Institut national de technologie agricole (Instituto Nacional de Tecnología Agropecuaria – INTA) peuvent favoriser l’adoption de pratiques d’atténuation des émissions.

  • Les taxes et autres restrictions visant les exportations agricoles devraient être progressivement supprimées pour un système fiscal adapté à l’ensemble de l’économie, ce qui renforcerait aussi la stabilité budgétaire en s’appuyant sur d’autres sources de recettes fiscales. Les restrictions imprévisibles des exportations découragent les investissements à long terme et réduisent la sécurité alimentaire mondiale. La politique agricole pourrait s’inscrire davantage dans un cadre stratégique général à long terme, et évoluer vers des mesures plus neutres, stables, prévisibles et ciblées.

  • Le programme « L’Argentine contre la faim » (Argentina contra el Hambre) offre une aide financière mensuelle aux consommateurs par l’intermédiaire d’une carte électronique. Ce type de soutien aux consommateurs au moyen de mesures sociales est plus efficace que des mesures commerciales destinées à faire baisser les prix intérieurs des produits de base, qui ne représentent qu’une faible part des dépenses alimentaires. Ce programme s’est avéré utile pour fournir une aide alimentaire aux populations vulnérables dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Toutefois, les programmes de ce type devraient cibler les personnes qui en ont le plus besoin et leur mise en œuvre doit être contrôlée.

  • Afin de pouvoir fournir les prestations de recherche et de vulgarisation et les autres biens publics nécessaires à l’innovation agricole, et donc accélérer la croissance de la productivité (qui n’a été que de 0.3 % en moyenne ces dix dernières), l’Argentine doit mettre en place un suivi systématique des activités et des résultats dans les secteurs de la R-D et de l’innovation, mais aussi définir et mettre en œuvre des priorités stratégiques. La politique d’innovation devrait être axée sur les biens publics dans les domaines où le secteur privé a des difficultés à contribuer, tels que ceux liés à la durabilité et aux chaînes de valeur moins développées, ou pour les économies régionales hors de la région de la Pampa. Pour améliorer les performances environnementales du secteur agricole, il faudra également disposer de meilleurs systèmes de suivi et d’information, de manière à mieux concevoir les mesures mises en œuvre.

  • Le fonds spécial du tabac (Fondo especial del tabaco – FET), qui dispose d’un budget proche de celui de l’INTA, devrait être réformé. Les paiements au titre de la production réservés aux producteurs de tabac ne contribuent pas à l’atteinte des objectifs sociaux et devraient être supprimés. Les ressources pourraient être utilisées pour aider les régions pauvres productrices de tabac à diversifier leurs cultures en investissant dans le capital humain et physique ou pour mettre en place des mesures sociales ciblées. Cette réforme devrait inclure un suivi et une évaluation de l’ensemble des initiatives mises en œuvre par les provinces.

Mentions légales et droits

Ce document, ainsi que les données et cartes qu’il peut comprendre, sont sans préjudice du statut de tout territoire, de la souveraineté s’exerçant sur ce dernier, du tracé des frontières et limites internationales, et du nom de tout territoire, ville ou région. Des extraits de publications sont susceptibles de faire l'objet d'avertissements supplémentaires, qui sont inclus dans la version complète de la publication, disponible sous le lien fourni à cet effet.

© OCDE 2022

L’utilisation de ce contenu, qu’il soit numérique ou imprimé, est régie par les conditions d’utilisation suivantes : https://www.oecd.org/fr/conditionsdutilisation.