Résumé

Les variations de revenus sont fréquentes et correspondent souvent à des étapes importantes de la vie comme l’entrée sur le marché du travail, l’évolution professionnelle, le fait de s’occuper de ses enfants ou la retraite. Certaines de ces fluctuations peuvent être avantageuses, mais elles ne contribuent pas toutes au bien-être global des personnes. Les pertes de revenus peuvent avoir des répercussions négatives considérables sur les vies individuelles et la société dans son ensemble, surtout si elles sont déclenchées par des événements imprévisibles comme une perte d’emploi ou une maladie. Les inquiétudes relatives à la perte d’emploi et au temps de travail se sont accentuées dernièrement avec la pandémie de COVID-19 ; même si les marchés du travail sont tendus actuellement dans la plupart des pays de l’OCDE, les mutations structurelles de long terme – transformation numérique, mondialisation et vieillissement de la population notamment – impliquent que certaines personnes sont confrontées en permanence aux risques associés à la précarité de l’emploi.

Dans les pays européens de l’OCDE, les situations individuelles changent souvent : ainsi, un tiers de la population d’âge actif qui a changé de statut d’emploi pendant la période de référence de 48 mois l’a fait à plusieurs reprises au cours d’une même année. Souvent, les changements de statut d’emploi n’entraînent pas d’augmentation pérenne des revenus. Par exemple, dans tous les pays européens de l’OCDE, 20 % seulement des ménages d’âge actif ont vu leurs revenus augmenter durablement d’au moins 25 % au cours de la période de référence de 48 mois. À l’inverse, l’instabilité des revenus était principalement synonyme soit de fluctuations des revenus soit de baisse des revenus. Ces estimations sont probablement prudentes, puisqu’elles portent uniquement sur l’instabilité des revenus induite par les changements de statut d’emploi et non sur d’autres sources de chocs sur les revenus, comme l’éclatement de la famille.

L’instabilité des revenus concerne majoritairement les personnes déjà susceptibles de basculer dans la pauvreté, comme les chômeurs, les travailleurs temporaires ou sans contrat de travail ou les ménages jeunes ou à un seul revenu. Les personnes ayant des revenus modestes et peu réguliers ont donc des perspectives d’ascension sociale limitées et restent souvent dans le bas de l’échelle de distribution des revenus (sans en gravir les échelons), leurs enfants sont plus susceptibles de pâtir de retards de développement et ont de moins bons résultats scolaires que les enfants issus de familles aux revenus stables. Il est donc probable que l’instabilité des revenus soit un frein à l’ascension sociale au sein d’une même génération et entre les générations.

Même lorsque leurs revenus fluctuent, les personnes peuvent avoir les moyens financiers nécessaires pour faire face. Elles peuvent puiser dans leurs actifs liquides, contracter un prêt, être aidées par leur famille ou leurs proches ou revoir leur consommation à la baisse, du moins dans un premier temps. Pour autant, certaines personnes ont de plus en plus de mal à réduire leurs dépenses compte tenu de la crise du coût de la vie, ou à emprunter au vu des niveaux déjà élevés d’endettement des ménages, voire de surendettement. Pour une grande partie de la population, le niveau des réserves financières est bas. 67 % environ des personnes appartenant à des ménages d’âge actif à faible niveau de revenu, 50 % des personnes vivant dans des ménages à revenu intermédiaire et même 20 % de celles qui vivent dans des ménages à revenu élevé ne disposent pas d’actifs liquides suffisants pour se maintenir au-dessus du seuil de pauvreté pendant au moins trois mois.

Ce manque de réserves financières s’accompagne souvent d’une instabilité des revenus. Dans les pays européens de l’OCDE, une personne sur six vivant dans un ménage d’âge actif non seulement ne dispose pas d’actifs liquides suffisants pour éviter de basculer dans la pauvreté pendant au moins trois mois, mais pâtit aussi de revenus très instables. On considère que ces ménages sont en situation d’insécurité économique. Ce fléau touche majoritairement les personnes qui ne bénéficient pas d’une sécurité de l’emploi, sont au chômage ou vivent dans un ménage à un seul apporteur de revenu. Les femmes sont exposées à des risques relativement élevés d’insécurité économique, car elles sont plus susceptibles que les hommes de vivre dans un ménage à un seul revenu et entretiennent des liens plus ténus avec le marché du travail. Néanmoins, quiconque ne dispose pas de réserves financières suffisantes court un risque s’il subit un choc négatif sur ses revenus.

Les personnes en situation d’insécurité économique sont plus susceptibles de craindre pour leur avenir. Près de 70 % des personnes en situation d’insécurité économique estiment qu’elles ont une forte probabilité de perdre leur emploi au cours de l’année à venir, contre un quart des personnes qui ne sont pas concernées par la précarité économique. Elles exercent aussi souvent des professions davantage exposées au risque d’automatisation (travailleurs non qualifiés par exemple) que celles exercées par les personnes non concernées par la précarité économique (professions intellectuelles et scientifiques, et cadres). Les risques d’insécurité économique future sont particulièrement élevés pour les travailleurs non qualifiés, car ce sont eux qui ont le moins de possibilités d’évoluer vers des emplois viables et attrayants, qui sont les moins bien placés pour tirer profit des nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle, et qui ont moins de chances d’accumuler des actifs financiers, compte tenu de leurs bas salaires.

Il ne fait aucun doute que les pouvoirs publics doivent passer à l’action compte tenu des conséquences de l’insécurité économique et du fait qu’elle touche principalement les groupes défavorisés et qu’elle devrait demeurer un problème à l’avenir. Les mesures adoptées doivent cibler à la fois l’exposition à l’insécurité économique et la vulnérabilité face à ce fléau, en limitant la probabilité de chocs économiques négatifs, en aidant les individus à lisser leurs revenus et en renforçant leur résilience financière.

On s’accorde de plus en plus à reconnaître l’importance des systèmes de protection sociale pour assurer un rempart contre l’insécurité économique, et ce rapport montre que les prestations sociales sont extrêmement importantes pour réduire l’instabilité des revenus. Dans les pays européens de l’OCDE, les allocations de chômage, les pensions de vieillesse et les allocations liées à l’éducation diminuent de 42 % l’instabilité des revenus. D’autres prestations sociales, comme les allocations pour enfant à charge et les allocations de logement, peuvent aussi contribuer à réduire l’instabilité des revenus. Toutefois, les systèmes de protection sociale ne sont pas toujours en mesure de s’adapter aux besoins et à la situation des individus. Par exemple, dans de nombreux pays européens, les prestations sociales sont versées toutes les quatre semaines, d’où des fins de mois parfois difficiles pour les personnes aux revenus modestes. De longues périodes entre deux versements de prestations induisent du stress, des difficultés à payer les factures et une insécurité alimentaire. De la même manière, le premier versement peut parfois prendre plusieurs semaines, ce qui peut entraîner des difficultés financières et accroître le risque de pauvreté. Il faut s’efforcer d’accroître la fréquence des versements et de réduire les délais d’attente et de traitement, y compris en simplifiant l’application de critères de ressources.

Par ailleurs, les mesures visant à promouvoir la culture financière sont essentielles pour renforcer la résilience financière et le bien-être, particulièrement en période de tensions budgétaires lorsque les pouvoirs publics ont moins de moyens pour financer des dépenses sociales massives. Des dispositifs d’épargne adaptés, couplés à des stratégies efficaces d’éducation financière, des services de conseil et des mesures d’allégement de la dette, peuvent aider les personnes à risque à se constituer des réserves financières et à lisser leurs revenus. Les progrès récents des techniques d’exploration de données et de l’intelligence artificielle peuvent aussi être mis à profit pour intervenir avant le surendettement, en aidant les pouvoirs publics à orienter précisément les services vers les personnes les plus vulnérables et à définir des échéanciers de paiement.

Avertissement

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