2. Synthèses régionales

Les synthèses régionales incluses dans les Perspectives présentent les grandes tendances dans les régions définies par la FAO pour mettre en œuvre son programme de travail général. Compte tenu de la diversité qui existe entre les régions, le but de ces synthèses n’est pas de comparer la situation de l’une à l’autre mais de mettre en évidence certaines des évolutions les plus récentes en insistant sur les réponses apportées aux défis mondiaux et les nouvelles tendances qui s’en dégagent, et en reliant ces dernières avec les principaux messages émanant des Perspectives. Les évaluations comparent généralement le point final de la période de projection des Perspectives (2032) avec la période de référence de 2020-22. La région Asie-Pacifique, vaste et hétérogène, fait l’objet de deux synthèses distinctes : d’un côté, l’Asie développée et de l’Est ; de l’autre, l’Asie du Sud et du Sud-Est.

Les systèmes agricoles et alimentaires du monde entier ont connu ces dernières années de nombreuses perturbations : d'abord celles causées par la pandémie de la covid-19, puis celles liées à la guerre de la Russie contre l’Ukraine. La flambée des prix des produits alimentaires qui a suivi a, dans de nombreuses régions, eu des conséquences sur l’accessibilité financière de ces produits et la sécurité alimentaire. Les synthèses régionales ne contiennent pas d’évaluation quantitative des impacts de ces perturbations mais reflètent les dernières projections macroéconomiques en date, à l'heure où le monde commence à sortir de ces difficultés. Les tendances et les problématiques exposées dans ce chapitre sont celles qui devraient sous-tendre les Perspectives sur le moyen terme, en supposant que les effets négatifs sur la production, la consommation et les échanges des produits destinés à l’alimentation (humaine et animale) et des carburants s’estomperont peu à peu, étant entendu que plusieurs incertitudes demeurent.

Le chapitre est divisé en sept sections dans lesquelles le texte, les tableaux et les graphiques sont organisés de manière similaire pour chaque région. Une section Contexte présente les principales caractéristiques de la région et décrit le cadre dans lequel s’inscrivent les projections de la production, de la consommation et des échanges figurant dans les sections suivantes. Chaque synthèse régionale comporte une annexe fournissant des graphiques et tableaux de même type décrivant les principaux aspects des projections de la région.

Avec 1.6 milliard d’habitants, cette région1 est la deuxième plus peuplée parmi celles examinées dans le présent chapitre, l’écrasante majorité de sa population se trouvant en Chine. C’est aussi la seule région dont la population devrait diminuer au cours de la prochaine décennie. L’Asie développée et de l’Est comprend des pays très différents jouant des rôles centraux sur les marchés internationaux. Elle inclut la Chine et le Japon, qui sont respectivement les deuxième et troisième plus grandes économies mondiales. Ramenés au nombre d’habitants, les revenus varient de 8 789 USD en Chine à 62 344 USD en Australie. L’urbanisation a progressé rapidement et l’on estime qu’en 2032, 74 % de la population vivra en milieu urbain, contre seulement 55 % en 2010. Cette urbanisation a pour corollaire un changement d’alimentation qui suscite une consommation accrue de produits de plus grande valeur ainsi que d’aliments transformés et emballés, d'où une transformation rapide des systèmes alimentaires.

La croissance des revenus s’est maintenue dans la région, malgré de nombreux chocs exogènes. Le recul du PIB par habitant de 0.6 % seulement en 2020 en fait l’une des régions les moins touchées économiquement par la pandémie, même s’il existe des différences manifestes entre les pays, à savoir de fortes baisses au Japon, en Australie et en Nouvelle-Zélande, mais une hausse continue en Chine (2.0 %). La reprise a également été l'une des plus rapides. La région a enregistré une croissance de 5.7 % en 2021, et la reprise a été générale dans tous les pays – sachant que le revenu moyen par habitant en 2021 avait déjà augmenté de 5.1 % par rapport à 2019. En dépit de la poursuite de la guerre en Ukraine, de la hausse des prix de l’énergie qu’elle a entraînée et de la spirale de l'inflation, les revenus par habitant ont encore progressé de 2.9 % en 2022 et devraient s'accroître de 3.5 % en 2023 à mesure que la Chine continue de lever les restrictions liées à la pandémie. Bien que positive, cette évolution représente un net ralentissement par rapport à la tendance habituelle et les perspectives de croissance à court terme se trouvent très menacées, notamment du fait de l’existence d'un environnement mondial plus difficile où la demande s'affaiblit, le prix des produits de base chute, l'inflation atteint un niveau élevé et les politiques monétaires se resserrent. Les revenus par habitant devraient croître de 3.4 % par an sur le moyen terme, ce qui signifie qu’en 2032, ils seront de 45 % supérieurs à la moyenne de la période de référence. La hausse des revenus sera un moteur déterminant de la demande en Chine, alors que ce sont sans doute les préférences des consommateurs qui l’emporteront dans les pays développés à revenu élevé de la région.

Les ressources agricoles exploitables de la région sont aussi variées que les pays qui la composent. Très limitées en Chine, en Corée du Sud et au Japon, elles sont en revanche abondantes en Australie et en Nouvelle-Zélande. La part de la valeur ajoutée du secteur primaire de l’agriculture et des pêches dans l’économie est en recul – à quelque 5 % – et devrait baisser encore pour atteindre 4 % en 2032. La croissance économique s’accompagne d'une baisse de la part des dépenses alimentaires dans le budget total des ménages, à 14 % (sachant que cette part varie de 18 % en Chine à 8 % en Australie). Le maintien du niveau élevé des prix et les problèmes d'accessibilité financière pourraient avoir d'importantes répercussions sur la sécurité alimentaire dans la région, même si les chocs mondiaux pourront être plus ou moins atténués par la protection intérieure mise en place dans certains pays. 2

La région comprend un certain nombre de grands exportateurs et importateurs de produits agricoles et alimentaires. La Chine et le Japon se situent respectivement à la première et la deuxième place mondiale en termes d’importations nettes de produits alimentaires, tandis que la Corée du Sud arrive au sixième rang3. Du fait de leurs activités commerciales, ces pays jouent un rôle important sur les marchés et les chaînes de valeur de l’agriculture au niveau mondial. De leur côté, la Nouvelle-Zélande et l’Australie se classent parmi les 10 plus gros exportateurs nets mondiaux de produits alimentaires en valeur, en particulier de produits laitiers et d'origine animale. Les domaines de spécialité de la région donnent lieu à de vastes échanges interrégionaux qui vont en s’accroissant. À l’exception de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, les politiques interventionnistes qui sont menées dans la région jouent un rôle important sur les marchés locaux et, compte tenu de la taille des pays qui les mettent en œuvre et de la place qu'ils occupent sur les marchés mondiaux, toute modification de ces politiques intérieures peut avoir un impact considérable au niveau international.

Les difficultés que connaît la région sont aussi nombreuses que les pays qui la composent. Les ressources naturelles sont limitées en Chine, en Corée du Sud et au Japon, ce qui donne lieu à une utilisation intensive d’intrants, qui entraîne des problèmes croissants de durabilité. À certains endroits, les ressources hydriques ont atteint un niveau terriblement bas et certaines zones de la région sont extrêmement vulnérables au changement climatique. Des sécheresses de plus en plus intenses se multiplient, en particulier en Australie, et cette situation va sans doute persister, voire s'aggraver, sous l’effet du changement climatique. La production de viande dans la région est principalement menacée par des maladies animales comme la peste porcine africaine (PPA) et la grippe aviaire. L'impact majeur qu’a eu en Chine l'épizootie de PPA en 2018 montre à quel point il est important de déployer des mesures plus adaptées pour faire face à ces menaces.

Malgré ces défis, la valeur ajoutée de l’agriculture par unité de surface agricole continue d'augmenter. La progression de la productivité totale des facteurs au cours des dix ans écoulés est estimée à 1.6 % par an, contre 2 % pendant la précédente décennie4. Compte tenu du niveau restreint des ressources, il sera essentiel, pour garantir la durabilité future, de continuer à investir pour accroître la productivité dans la région.

La région se classe à la seconde place mondiale pour la production de produits agricoles, halieutiques et aquacoles et représentait presque un-cinquième de la production mondiale en valeur pendant la période de référence 2020-22. En 2032, une hausse de la valeur nette de la production de 15 % sera suffisante pour que la région conserve sa part dans la production mondiale. La Chine occupe une place centrale dans la production de la région. Le pays représentait déjà presque 90 % de la valeur totale de la production au cours de la période de référence (2020-22), et le graphique 2.1 montre qu'il sera également le principal moteur de la croissance au cours de la période de projection. Alors que la Chine devrait enregistrer une hausse – en valeur – de sa production agricole, halieutique et aquacole de presque 10 % d’ici 2032, les autres pays de la région connaissent un recul de 3 % du fait principalement d’une baisse de la valeur de la production en Australie et au Japon. Mis à part la reprise du secteur de l’élevage après l’épizootie de peste porcine africaine, la croissance dans la région s’est globalement ralentie sous l’effet de l’arrivée à maturité des marchés intérieurs, de l’évolution des politiques publiques et de l’intensification de la concurrence commerciale.

Le secteur végétal de la région représente 38 % de la production totale de l'agriculture et de la pêche au cours de la période de référence, bien que la prise en compte des fruits et légumes augmenterait cette contribution. Une croissance de la valeur de la production de seulement 4 % implique que la part des cultures dans la valeur ajoutée agricole totale pourrait tomber à 36 % d'ici 2032. La majeure partie de cette baisse est absorbée par la production de poisson, qui pourrait représenter 27 % de la valeur ajoutée totale d'ici 2032, tandis que le secteur de l'élevage maintient sa part à 37%.

La surface agricole totale devrait diminuer légèrement d'ici 2032, dans la continuité des évolutions passées. Cette évolution reflète la baisse de la superficie des pâturages, alors que les terres utilisées pour la production végétale devraient s'étendre de 5 %, presque exclusivement en Australie. Du fait des ressources limitées dans les autres pays de la région, la croissance repose nécessairement sur les gains de productivité. La valeur générée sur un hectare de terre cultivée est d’ores et déjà plus élevée en Asie développée et de l’Est que dans toute autre région, et devrait rester relativement stable d’ici 2032. L’accroissement des rendements attendu grâce aux nouvelles variétés de semences, à l’amélioration des méthodes de production et à l’extension de l’irrigation est généralement plus lent que par le passé. Les questions environnementales et la sécurité alimentaire sont des sujets de préoccupation croissants dans le contexte de la raréfaction de l’eau et compte tenu du fait que l’utilisation d’engrais de synthèse par hectare est déjà l’une des plus élevées parmi toutes les régions. L’épandage d’engrais pourrait encore s’accroître au cours de la période de projection, bien que lentement, mais les prévisions relatives au panachage des cultures et aux gains de productivité sont telles que la production rendue possible par unité d’engrais utilisée devrait augmenter de 5 %.

Dans la région, la superficie cultivée est dominée par les céréales. Plusieurs végétaux contribuent pour une part non négligeable à la production mondiale, notamment le riz, le maïs et le blé. Le secteur de la transformation représente également une part substantielle de la production mondiale de tourteaux protéiques et d’huile végétale, quoique reposant principalement sur des oléagineux importés. La quasi-totalité de la production de maïs de la région provient de Chine, qui contribue également pour 93 % à la production régionale de riz et pour 80 % à celle de blé. La production de blé restante est assurée presque exclusivement par l’Australie. En Chine, la superficie consacrée à la production de maïs devrait être accrue de 2.3 Mha au cours des dix ans à venir ; ajouté à la hausse des rendements de 0.7 % par an, cela entraînera une augmentation de la production de 12 % d'ici 2032. À l’inverse, les superficies consacrées à la culture du riz et du blé devraient perdre respectivement 1.2 Mha et 1.3 Mha. La hausse des rendements sera suffisante pour permettre une hausse de la production de riz de 2 % et maintenir celle de blé aux niveaux actuels, malgré la diminution des surfaces cultivées. En Australie – qui est le seul autre producteur de blé notable dans la région –, cette production végétale devrait diminuer de 16 % par rapport à la période de référence, conséquence d'une baisse de 5 % de la superficie récoltée ainsi que de la normalisation des rendements (qui avaient atteint des niveaux record en 2022). La baisse de la production de blé de la région est presque entièrement imputable à l’Australie.

La production animale représente 37 % de la valeur totale de la production agricole, halieutique et aquacole, et une croissance attendue de 9% est suffisante pour la maintenir à ce niveau jusqu’en 2032. La croissante résulte principalement de l’intensification et des gains de productivité, du fait de la contraction de la superficie des pâturages en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Japon. La hausse de la production de viande de la région devrait se composer pour plus des trois quarts de viande de porc, et pour 11 % de viande de volaille.

La Chine reste le plus gros producteur de viande de la région, avec presque 80 % de la valeur de la production animale. La viande de porc et celle de volaille sont les deux principaux secteurs et représentent respectivement 58 % et 28 % de la production totale de viande en Chine. La production de viande dans ce pays devrait s’accroître de 14 % au cours des dix ans à venir, et 80 % de cette production supplémentaire sera de la viande de porc. Suite aux effets dévastateurs de l’épizootie de PPA en 2018, les effectifs porcins en Chine ont été en grande partie reconstitués et dépassaient en 2022 les niveaux de 2017. En 2032, la production de viande de porc devrait dépasser de 8 % celle de 2022 sous l’effet de l’intensification du secteur après l’éradication de la PPA. Les nombreux petits producteurs ont été remplacés par de grandes exploitations commerciales privilégiant la biosécurité. Ces dernières années, l’épizootie de PPA a également entraîné une augmentation de la production de viande de volaille, qui a un cycle court et qui a pu apporter une réponse rapide face au niveau élevé du prix de la viande qu’a connu la Chine au plus fort de l’épizootie. De 2018 à 2022, la production de volaille s’est accrue de 20 % ; toutefois, compte tenu de la reprise de la production de viande porcine et du retour à la normale des prix, sa hausse ultérieure ne sera que de 4.5 % en 2032.

Bien que représentant une part beaucoup plus faible de la production totale de viande de la région, l’Australie est plus encline – compte tenu de ses ressources exploitables – à produire de la viande bovine, qui compte pour presque la moitié dans sa propre production de viande. Le pays contribue ainsi à hauteur de 20 % à la production de viande bovine de la région. Avec une progression de sa production de 0.8 % par an, l’Australie contribuera également pour une large part à l’augmentation de la production régionale de viande bovine.

L’Asie développée et de l’Est contribue pour presque 40 % à la production halieutique et aquacole mondiale, sa production étant assurée à 90 % par la Chine. Ce pays est également le principal moteur de la croissance de cette production dans la région, annoncée à 1.3 % par an. La progression est beaucoup plus rapide dans le secteur de l’aquaculture, puisqu’elle sera de 1.5 % par an au cours des dix ans à venir, contre seulement 0.6 % pour la pêche. Par conséquent, l’aquaculture pourrait représenter en 2032 presque 78 % de la production totale de la région. Compte tenu du rôle central de la Chine dans la production régionale, le contexte politique du pays – qui, ces dernières années, a privilégié de plus en plus la durabilité – déterminera à l’avenir l’évolution du marché halieutique et aquacole.

Les émissions totales de GES imputables à l’agriculture devraient augmenter de 5.1 % dans la région d’ici 2032. Celles provenant de l’élevage grimperaient de 5.1 % du fait de l’expansion des troupeaux de bovins et d’ovins de respectivement 7 % et 3 %. Une hausse de 4.6 % est également prévue pour les émissions liées à la production végétale au cours des dix ans à venir. Cela dit, rapportée à la valeur de la production agricole, halieutique et aquacole, la baisse des émissions de GES par unité produite devrait se poursuivre, quoique plus lentement.

L’Asie de l’Est a beaucoup progressé en matière de sécurité alimentaire et l’impact de la pandémie y a été moins important que dans la plupart des autres régions. Bien que la covid-19 ait eu des effets indubitables sur le comportement des consommateurs et les chaînes d'approvisionnement agricoles, le PIB de la région s’est montré relativement résilient, en particulier en Chine, et les mesures d’aide au revenu dans les pays développés ont également contribué à atténuer les répercussions à grande échelle de la pandémie sur la sécurité alimentaire. Malgré la faible progression de la prévalence de l’insécurité alimentaire (modérée ou grave) en 2020, la reprise amorcée en 2021 a été telle que cette insécurité a atteint son plus bas niveau en cinq ans, en dépit de la hausse des prix. La disponibilité totale en calories s’est accrue en 2022 et devrait encore augmenter en 2023, malgré la forte poussée de l’inflation et du coût de la vie. Il est prévu qu’elle progresse de 6 % d’ici 2032 (soit un gain d’environ 200 kcal/personne/jour), pour atteindre 3 473 kcal/personne/jour. Cette quantité de calories arrive à la deuxième place dans le classement régional et reflète des revenus par habitant généralement élevés dans la plupart des pays de la région. Néanmoins, après prise en compte des déchets estimés des ménages, l’apport total de calories devrait se situer en dessous de 3 239 kcal/personne/jour.

Diverses tendances démographiques sont à noter dans les pays qui composent la région. Le vieillissement de la population est une réalité dans de nombreux pays de la région et le taux de dépendance5, déjà élevé au Japon et en Corée, devrait encore augmenter à l’horizon 2030 (UN DESA, 2020[1]). Le postulat général est que le vieillissement de la population aura un effet de modération sur le taux de croissance global de la consommation alimentaire dans ces pays. D'un autre côté, l’urbanisation rapide – en particulier en Chine – donne lieu à une consommation croissante d’aliments prêts à l’emploi, de viande, de matières grasses et de sucres, qui dépassera à l’avenir celle de la plupart des autres groupes d'aliments. La consommation de sucre est celle qui, parmi tous les groupes d'aliments, devrait croître le plus. La progression de la consommation d'huile végétale ralentit, son niveau en valeur absolue est déjà élevé ; d'ici 2032, elle devrait approcher les 28 kg par habitant, dépassant la moyenne mondiale de 70 %.

Compte tenu des niveaux de revenu, de développement et de maturité dans la plupart des pays de la région, c’est en Chine que le régime alimentaire devrait le plus changer. En 2032, la consommation par habitant de produits à base de sucre devrait avoir augmenté de 15 % tandis que celle de produits halieutiques et aquacoles, de viande et de produits laitiers aura crû de respectivement 14 %, 12 % et 12 %. Ces taux contrastent avec une progression de moins de 0.5 % de la consommation de céréales, ce qui montre bien l’ampleur du changement de régime alimentaire attendu.

L’augmentation de la consommation de viande va également se traduire par une disponibilité accrue en protéines, avec un gain de 10 g/personne/an à l’horizon 2032. Cela portera la disponibilité totale en protéines dans la région à 118 g/personne/an, soit 30 % de plus que la moyenne mondiale. C’est en Chine que cette disponibilité devrait le plus augmenter, des hausses plus modestes étant également enregistrées en Corée et au Japon. En Australie et en Nouvelle-Zélande, la disponibilité en protéines sera en baisse par rapport à 2020-22 – période où le niveau était cependant élevé –, principalement à cause de la diminution de la consommation de produits laitiers.

Au niveau régional, la consommation de produits halieutiques et aquacoles par habitant devrait s'accroître de 13 % – soit une hausse de 5 kg par habitant – au cours de la période de projection. Ce pourcentage recouvre une forte hausse en Chine (14 %), une progression plus faible en Australie (6 %), en Nouvelle-Zélande (5 %) et en Corée (4 %), ainsi qu’une relative stabilité au Japon.

La région représente un peu plus d'un quart de la consommation mondiale d’aliments pour animaux. D’ici 2032, la consommation en alimentation animale devrait progresser de 11 % dans la région, ce qui permettra à cette dernière de conserver la même part de la consommation mondiale qu’actuellement. La consommation d’aliments pour animaux dépend de plusieurs facteurs, parmi lesquels l'intensité de l’utilisation de ces aliments selon les systèmes de production, ainsi que le taux de conversion alimentaire des différentes espèces animales. Des différences sont à noter entre les pays au regard des pratiques de production et des espèces dominantes. La Chine concentre plus de 85 % de la consommation d'aliments pour animaux de la région, et sa consommation devrait s'accroître de 13 % à l’horizon 2032. Cette situation s’explique notamment par la hausse de la demande des secteurs de l’élevage de porc et de volaille, qui sont de plus en plus intensifs. Ces exploitations de grande taille, à vocation purement commerciale, font un usage plus intensif des aliments pour animaux que les petits producteurs au fonctionnement plus traditionnel, mais l’association d'un environnement contrôlé et d'une amélioration de la génétique favorise aussi une bien meilleure conversion alimentaire. On estime, compte tenu de l’ensemble de ces facteurs, que la consommation d'aliments pour animaux en Chine augmentera un peu plus lentement que la production de viande. En Australie et en Nouvelle-Zélande, en revanche, les systèmes de production de produits laitiers ainsi que de viande bovine et ovine ont une consommation d’aliments pour animaux plus variable en termes d’intensité et recourent davantage aux pâturages ; par conséquent, la consommation en alimentation animale y progresse plus lentement.

Dans les systèmes de production reposant sur une alimentation intensive des animaux, le maïs et le tourteau protéique sont les ingrédients de base de la plupart des prémélanges et représentent presque 70 % des composants de l’ensemble des aliments pour animaux. L’utilisation de ces ingrédients dans l'alimentation animale de la région devrait croître de respectivement 15 % et 11 % au cours de la prochaine décennie, la progression plus faible du tourteau protéique s’expliquant par la volonté de la Chine de réduire la teneur en protéines des rations animales. Si le blé représente un pourcentage beaucoup plus faible de l’alimentation animale totale, son utilisation devrait augmenter de 21 % au cours de la prochaine décennie.

La région représente environ 10 % de la consommation mondiale d’éthanol et en son sein, la Chine en absorbe presque 80 %. En 2017, ce pays a annoncé d’ambitieuses prescriptions d’E10 devant être mises en œuvre à l’échelle nationale avant 2020, ainsi qu'un objectif de réduction des stocks excessifs de maïs. Ces stocks ont, depuis, retrouvé un niveau normal, ce qui incite peu à accroître la production d’éthanol. Par conséquent, la hausse attendue des taux d'incorporation ne sera que de 1.7 % d'ici 2032, ce qui est supérieur à la progression de 1.2 % en moyenne au cours de la période de référence mais très inférieur à l’ambitieux objectif de 10 %. Alors que la consommation totale d’essence est prévue à la baisse, l’augmentation des taux d'incorporation maintiendra la hausse de la consommation d’éthanol en Chine à 1.1 % par an sur dix ans. En 2032, la Chine continuera de ne représenter que 7 % environ de la production mondiale d’éthanol.

L’Asie développée et de l’Est devrait voir son déficit commercial se stabiliser au cours de la prochaine décennie, même si elle restera, de toutes les régions couvertes dans ces Perspectives, la plus grosse importatrice nette. Cette situation est due principalement aux importations de l’Asie de l’Est – en particulier de la Chine et du Japon – et occulte le statut d’exportatrice nette de l’Océanie. Les principaux produits importés en Asie de l’Est sont le soja, le maïs, l’orge, le sorgho, le blé, l'huile végétale et les produits d’origine animale. L’Océanie est en revanche une importante exportatrice nette de blé, d’orge, de colza, de sucre, de viande et de produits laitiers.

La valeur nette des importations de la région devrait augmenter de 7 % entre la période de référence (2020-22) et 2032, ce qui représente un net ralentissement par rapport à la précédente décennie. Quasiment 75 % des importations supplémentaires reviennent à la Chine, qui est le premier pays importateur de soja au monde. Les importations chinoises de soja ont atteint un niveau record en 2020, malgré les difficultés logistiques liées à la pandémie de la covid-19. La demande d'importations s’expliquait par la croissance rapide de la production de volaille, ainsi que par la reconstitution des effectifs porcins après l’éradication de la peste porcine africaine. Les importations se sont ensuite ralenties dans le contexte actuel d'inflation, mais elles devraient repartir à la hausse (+ 6 %) d'ici 2032 en raison de la croissance de la production animale et de la résolution d'une partie des difficultés liées aux échanges. Malgré le ralentissement de sa croissance, la Chine continuera de représenter 60 % du commerce mondial de soja, ses importations provenant majoritairement du Brésil, des États-Unis et d’Argentine. Bien que la hausse de la consommation animale pousse également la demande de maïs vers le haut, les importations de cette céréale devraient diminuer sous l’effet de la forte progression de sa production intérieure. On prévoit qu’en 2032, la Chine produira presque 95 % de sa consommation totale de maïs, mais qu’elle représentera malgré tout presque 9 % des échanges mondiaux de cette céréale.

Les importations de viande de la région devraient reculer de 14 % au cours des dix prochaines années, principalement du fait de la diminution de 25 % des importations de la Chine liée à la reprise de la production du pays après l’éradication de la PPA. La viande bovine et dans une moindre mesure la viande ovine sont les seuls types de viande que la Chine sera susceptible d’importer davantage. S'agissant des autres pays de la région, la Corée devrait enregistrer une hausse de ses importations de viande de 12 %, sachant toutefois que sa contribution aux importations totales de la région est nettement plus faible. Une partie de la demande de viande de l’Asie de l’Est sera sans doute satisfaite grâce à l’augmentation des exportations de l’Océanie, qui est idéalement située pour approvisionner les marchés asiatiques. L’Australie figure déjà parmi les cinq principaux fournisseurs de viande bovine à la Chine, et les relations commerciales entre les deux pays se sont améliorées. Les exportations australiennes de viande bovine devraient croître de 19 %, pour atteindre 1.8 Mt en 2032. Cela dit, les 290 kt supplémentaires qui seront fournis par l’Australie d’ici 2032 ne représentent qu’un tiers de la hausse attendue des importations chinoises de viande bovine.

L’Océanie exporte en abondance de nombreux autres produits, mais plusieurs d’entre eux devraient enregistrer un recul durant la prochaine décennie. Si les exportations de blé sont amenées à baisser, l’Australie demeure un important fournisseur mondial de cette céréale, en particulier dans le contexte de la guerre qui se poursuit en Ukraine, qui a freiné les exportations à partir de la région de la mer Noire. En 2032, l’Australie devrait encore représenter 10 % des exportations mondiales de blé. Malgré sa faible superficie agricole, la Nouvelle-Zélande représente plus de 30 % des exportations mondiales de viande ovine et 23 % de celles de produits laitiers. Bien que les pâturages soient de plus en plus restreints et censés se réduire encore d’ici 2032, les exportations de viande ovine devraient rester stables et celles de produits laitiers progresser de simplement 6 %. Par conséquent, la part de la Nouvelle-Zélande dans les exportations mondiales sera en baisse pour ces deux catégories de produits.

L’Asie du Sud et du Sud-Est abrite 34 % de la population mondiale, ce qui en fait la région la plus peuplée de toutes celles examinées dans ce chapitre. Un peu plus de la moitié de ses 2.7 milliards d'habitants se trouvent en Inde. L’urbanisation progresse dans toute la région et le pourcentage de la population vivant en zone urbaine devrait dépasser les 46 % en 2032, contre 41 % en moyenne en 2020-22. Les revenus moyens s'élèvent à 3 157 USD par habitant, ce qui représente le niveau le plus bas à l’échelle mondiale et s’explique par la diversité des pays qui composent la région. Ainsi, le revenu moyen est de 1 345 USD par habitant dans les pays les moins avancés, mais il dépasse 60 000 USD à Singapour.

Estimée à 3.8 % par an durant la prochaine décennie, la hausse des revenus par habitant en Asie du Sud et du Sud-Est devrait dépasser celle de toutes les autres régions. Vigoureuse par le passé, cette hausse a rapidement gagné du terrain après le recul de 2020 lié à la pandémie de la covid-19. En 2022, les revenus moyens par habitant dépassaient ceux de 2019 de plus de 3 %. Dans plusieurs pays possédant des réserves énergétiques ou des stocks de produits, l’augmentation des revenus a été rendue possible par le cycle des prix des produits de base, devenus plus élevés. Compte tenu de la progression continue des revenus, la part des secteurs primaires que sont l’agriculture, la pêche et la foresterie devrait continuer à diminuer au fil du temps, passant de quelque 13 % pendant la période de référence à environ 9 % en 2032.

Sous l’effet de la forte croissance économique, la part moyenne de l’alimentation dans le budget des ménages de la région a chuté à moins de 17 %. Dans les pays les moins avancés, en revanche, le pourcentage est de 30 %6, ce qui signifie que l’augmentation du prix des produits alimentaires de ces deux dernières années a eu un impact considérable sur la sécurité alimentaire d'une grande partie de la population de ces pays. En témoigne l’aggravation de l'insécurité alimentaire – auparavant modérée – en Asie du Sud et du Sud-Est, une région qui avait par le passé beaucoup progressé dans la réduction de la famine.

La région a amélioré son excédent commercial pour les produits agricoles, même si ses ressources sont de plus en plus mises à mal. Les terres agricoles s’étendent sur quelque 580 Mha, ce qui correspond à seulement 0.2 ha/personne (contre une moyenne mondiale d’environ 0.6 ha). Avec une croissance démographique future estimée à 0.9 % par an, la pression sur les ressources ne fera que s'intensifier, ce qui signifie que les gains de productivité sont d'une importance capitale. La productivité totale des facteurs a progressé de 2 % par an – soit plus que la moyenne mondiale de 1.4 % – au cours de la dernière décennie, ce qui a joué un rôle clé dans la croissance économique7. Compte tenu de la pression qui pèse actuellement sur les ressources de la région, les gains de productivité futurs devront impérativement s'appuyer sur la durabilité.

La hausse des revenus ainsi que la progression de l’urbanisation entraînent une forte augmentation de la demande de produits alimentaires, mais l’évolution des préférences des consommateurs demeure quelque peu incertaine, en particulier s'agissant des produits d’origine animale. L’urbanisation est généralement synonyme d'une consommation accrue de produits alimentaires de plus grande valeur, transformés et prêts à l’emploi. Cela dit, une grande partie de la population de la région est soit végétarienne (notamment en Inde), réticente à la viande porcine ou intolérante au lactose, ce qui laisse entendre que les régimes alimentaires risquent de ne pas évoluer de la même façon que dans de nombreuses autres régions du monde. Par ailleurs, vu l'hétérogénéité de la région, les préférences de la demande peuvent évoluer différemment ; dans certains pays, la demande de produits carnés augmente rapidement.

La région enregistre un excédent commercial relativement faible mais compte plusieurs importateurs et exportateurs importants de tout un éventail de produits agricoles et alimentaires. De manière générale, elle exporte presque un quart de sa production agricole, halieutique et aquacole. Les exportations se composent majoritairement de produits végétaux, en particulier de riz et d'huile végétale qui représentent respectivement 81 % et 61 % des exportations mondiales. L’Asie du Sud-Est est considérée comme un acteur de premier plan dans les principales chaînes de valeur mondiales, telles que celles de la pêche ou du manioc, ou celles concernant les huiles végétales et les produits transformés qui en sont dérivés8.

Le principal défi auquel est confrontée la région tient à sa capacité à accroître de façon durable la productivité et l’innovation, surtout dans un contexte de ressources limitées, de risques liés au changement climatique et de croissance démographique. Malgré ses progrès accomplis jusqu'ici, l’Asie du Sud et du Sud-Est représente toujours près d'un tiers de la population mondiale souffrant de sous-alimentation. Pour continuer à améliorer sa sécurité alimentaire, la région devra faire en sorte que la hausse des revenus se poursuive, quoique dans un contexte mondial moins favorable, avec une forte inflation et des problèmes d’accessibilité financière persistants. Par conséquent, les principales questions qui doivent être examinées par les autorités publiques sont la nature et la portée des dispositifs d’intervention sur les marchés intérieurs, ainsi que leur incidence sur les interactions avec les marchés mondiaux.

L’Asie du Sud et du Sud-Est est le plus gros contributeur à la valeur totale de la production agricole, halieutique et aquacole. La production végétale arrive en tête, à 52 %, mais la production animale croît plus rapidement. D’ici 2032, la production agricole de la région devrait s’accroître de 20 %, ce qui représente l'une des progressions les plus rapides de toutes les régions et le pourcentage d'augmentation le plus élevé au niveau mondial. Le taux de progression de la production agricole est presque deux fois supérieur à la croissance démographique, d'où l’hypothèse que, rapportée par habitant, la valeur de la production agricole devrait également augmenter.

Selon les prévisions, la production végétale progressera de 16 %, d'où une légère baisse de la part qu’elle représentera en 2032 dans la production agricole, halieutique et aquacole totale. Parallèlement, la surface des terres consacrées à cette production n'augmentera que de 3.5 % en dix ans. En fait, la valeur générée sur un hectare de terre cultivée augmente de plus en plus au cours de la période de projection – jusqu’à 1.2 % par an –, ce qui témoigne de la combinaison de l’intensification de l’activité, des changements intervenus dans le panachage des cultures et de l’amélioration de la productivité. L’utilisation accrue d’engrais – +8 % par hectare d’ici 2032 – contribuera à l’amélioration des rendements. Par voie de conséquence, le nombre de calories produites par unité d’engrais va également augmenter.

La région intervient pour une part importante dans la production mondiale de toutes sortes de produits alimentaires dont le riz, le blé, l’huile végétale, les légumineuses et le sucre. Cette part devrait s'accroître pour tous ces produits sauf l’huile végétale, pour laquelle elle restera stable.

La production de céréales de la région a lieu principalement en Inde, en Indonésie, au Pakistan et dans les PMA que sont le Bangladesh, le Cambodge et le Myanmar. À elle seule, l’Inde représente respectivement quelque 70 % et 40 % de la production régionale de blé et de riz. La hausse de la production de céréales se concentre également en Inde, qui représentera 75 % de la production supplémentaire de blé et 46 % de celle de riz dans les dix prochaines années. L'augmentation de la production de riz est exclusivement due à l’amélioration des rendements à l'horizon 2032 – de 15 % en Inde et de 14 % dans les pays asiatiques les moins avancés – sur une surface presque inchangée.

La production de sucre est assurée principalement par l’Inde et la Thaïlande, dont la part respective dans la production régionale s'élève à presque 60 % et 17 %. La production régionale de sucre enregistrera une hausse de 17 %, dont la moitié en Thaïlande où cette hausse sera rendue possible par les améliorations des variétés et des taux d’extraction sur une superficie qui n’augmentera que de 3%.

La région représente 44 % de la production mondiale d’huile végétale, principalement du fait de la production d’huile de palme en Malaisie et Indonésie. Ce secteur a connu de nombreuses perturbations ces dernières années telles que des mauvaises conditions météorologiques, un grave déficit de main-d’œuvre dû aux restrictions de la mobilité des travailleurs étrangers pendant la pandémie, et une interdiction temporaire des exportations indonésiennes pour préserver l’offre intérieure. Ces facteurs viennent s'ajouter aux obstacles structurels préexistants comme le vieillissement des plantations d’huile de palme et l’accent de plus en plus mis sur la durabilité. L’expansion limitée des superficies de palmiers à huile matures donnera lieu à un fort ralentissement de la croissance de la production d’huile de palme au cours de la prochaine décennie, particulièrement en Indonésie. La production supplémentaire proviendra en majorité de l’augmentation des rendements due au développement de la mécanisation et au renouvellement des vieilles plantations.

Le secteur de l’élevage compte actuellement pour 28 % dans la valeur de la production agricole, halieutique et aquacole de la région, et sa croissance de 2.6 % par an amènera cette part à 31 % en 2032. L’Inde et le Pakistan sont les pays contribuant le plus à cette hausse, tirée principalement par les produits laitiers. L'augmentation de la production laitière de 33 % provient de l’expansion des cheptels de 23 % et de la progression du rendement par vache laitière de 8 %. La moitié de l’extension des cheptels dans la région aura lieu en Inde.

La volaille représente un peu plus de la moitié de la production totale de viande et presque 60 % de la hausse de cette production d’ici 2032. La croissance du secteur sera due en grande partie au recours accru aux aliments pour animaux et à l’amélioration de la sélection animale. La production de viande porcine est peu développée dans la région et se concentre surtout au Viet Nam et en Thaïlande. Après de maigres résultats en 2019 et 2020 à cause de la peste porcine africaine (PPA), cette production a repris vigoureusement au Viet Nam et dépassait en 2022 les niveaux de 2018. Sur le moyen terme, elle devrait s'accroître de 1.8 % par an en moyenne, pour atteindre plus de 4.7 Mt en 2032. La production de viande bovine devrait augmenter de 1.6 % par an, l'Inde et le Pakistan contribuant à plus de 60 % de la production totale.

La production halieutique et aquacole intervient pour une part importante dans la valeur totale de la production agricole de la région, à hauteur de 20 %. Toutefois, avec une croissance de 15 % à l’horizon 2032, sa progression est la plus faible parmi les trois sous-secteurs de l’agriculture, d'où une réduction de sa contribution au fil du temps. Alors que le secteur de la pêche enregistre une croissance faible – du fait des ressources limitées –, l'aquaculture connaît une progression de 2.3 % par an, ce qui signifie qu’elle dépassera la pêche en 2025, pour finalement représenter 54 % de la production en 2032.

Les émissions directes de GES imputables à l’agriculture devraient s'accroître au total de 11 % en 2032 par rapport à 2020-22, principalement à cause du secteur de l’élevage. Tandis que les émissions liées à la production végétale progresseront de 4 %, celles dues à l’élevage – qui connaîtra un accroissement des troupeaux de ruminants – augmenteront à un rythme légèrement plus faible que pendant la précédente décennie, à savoir de 1.2 % par an. En 2032, 29 % des émissions mondiales de GES de l’agriculture seront imputables à l’Asie du Sud et du Sud-Est.

Une forte croissance de la demande, mais avec des préférences différentes selon la région

Après des années de progrès en matière de réduction de l'insécurité alimentaire et de la sous-alimentation, la tendance en Asie du Sud et du Sud-Est s’est inversée suite à la baisse des revenus liée à la pandémie de 2020, puis à la hausse des prix des produits alimentaires. Ces deux facteurs combinés ont eu un impact majeur sur l’accessibilité financière et, en Asie du Sud-Est en particulier, la prévalence de la sous-alimentation a dépassé les 15 % pour la première fois en dix ans. En Asie du Sud comme en Asie du Sud-Est, la sous-alimentation a encore pris de l’ampleur en 2021 malgré la forte reprise de l’économie. En dépit des prévisions d'une nouvelle hausse des revenus, la persistance de prix alimentaires élevés continue de faire obstacle à l’amélioration à grande échelle de la sécurité alimentaire sur le court terme et, avec un frémissement de moins de 0.5 % en 2022, la quantité de calories disponibles devrait encore être faible en 2023. Sur le moyen terme, alors qu’un retour à la normale des prix alimentaires commencera à s’opérer, la combinaison d'une accélération de la hausse des revenus, d'un léger recul de la croissance démographique et d'une urbanisation lente mais régulière contribuera à l’évolution continue des habitudes alimentaires en stimulant la demande d'aliments plus caloriques et nutritifs (Law, Fraser et Piracha, 2019[2]), (Kelly, 2016[3]), (Reardon et al., 2014[4]).Cela dit, les types de produits consommés dépendent également des préférences plus ou moins uniques de la région, une part importante de la population étant végétarienne. En 2032, la disponibilité moyenne en calories devrait augmenter de 265 kcal/personne/jour pour atteindre 2 900 kcal, soit 5 % en deçà de la moyenne mondiale ; cette augmentation sera due principalement à la consommation accrue de blé, de légumineuses, de riz, de produits laitiers et d'huiles végétales.

Les céréales continuent de représenter plus de la moitié des calories disponibles à la consommation dans la région. D'ici 2032, leur part dans la consommation totale de calories aura vraisemblablement baissé, pour atteindre 51 %. Le riz arrive toujours en tête de la consommation totale de céréales, même si le blé progresse également. Au niveau régional, la consommation par habitant de produits à base de riz et de blé devrait s'accroître respectivement de 0.4 % et 0.7 % par an à l’horizon 2032, mais les tendances varient selon les pays. En Inde, la consommation de riz et de blé progressera au même rythme. En Indonésie et au Viet Nam, en revanche, la consommation de riz par habitant devrait diminuer, tandis que celle de produits à base de blé sera en hausse.

La consommation protéique moyenne dans la région reste très inférieure à la moyenne mondiale, mais avec des gains de 9 g/personne/jour d'ici 2032, le déficit devrait être proche de 14 %. Ces gains s’expliquent par l’augmentation de la consommation de viande et de produits laitiers. La consommation de produits laitiers, déjà bien supérieure à la moyenne mondiale, va croître en 2032 de 20 % par habitant, ce qui la portera à presque 25 % au-dessus de la moyenne mondiale. Cette croissance est due majoritairement aux produits laitiers frais, dont la consommation sera en forte hausse en Inde et au Pakistan. La consommation de viande devrait elle aussi augmenter, quoique partant d’un niveau peu élevé, pour atteindre exactement 12 kg par habitant en 2032. Cette moyenne régionale masque toutefois des différences importantes entre les pays. En Inde, cette consommation est très faible et devrait se limiter à 3.3 kg par habitant par an alors qu’au Viet Nam, sa progression devrait être de presque 7 kg par habitant, ce qui la portera à 52 kg en 2032. Au niveau régional, plus de la moitié de la consommation supplémentaire de viande se compose de volaille, hormis au Viet Nam où la viande porcine est majoritaire.

À mesure que la production de produits laitiers et d’origine animale augmentera, la combinaison de l’extension des cheptels, de l’utilisation plus intensive d’aliments pour animaux et des gains d’efficience contribuera à une augmentation de la consommation en alimentation animale de 21 % en 2032. Cette hausse est moins forte que celle de la production de viande et de produits laitiers, ce qui montre les effets de l’amélioration de la conversion alimentaire dans la région. Au Viet Nam, la consommation d'aliments pour animaux connaît une progression beaucoup plus rapide (34 %) du fait de leur utilisation de plus en plus intensive dans l’élevage porcin. Le maïs et le tourteau protéique constituent l’essentiel de l'alimentation animale dans la région. Leur utilisation devrait encore s'accroître d'ici 2032 – respectivement de 27 % et 23 % –, ce qui signifie que la part du maïs dans l'alimentation animale totale va continuer à augmenter.

Selon les prévisions, la part de la région dans la consommation mondiale d’éthanol va passer de moins de 8 % en 2020-22 à 12 % en 2032. Cela représente une progression significative de sa part sur le marché mondial, due en grande partie aux obligations d’incorporation croissantes, en particulier en Inde, qui s’est fixée l’objectif ambitieux d’atteindre la cible E20 avant 2025. Toutefois, compte tenu de l’offre réduite d'aliments pour animaux, cet objectif ne devrait être atteint qu’en 2032. En Thaïlande, où des objectifs d'incorporation ont également été fixés dans le cadre du plan de développement des énergies alternatives, le taux obtenu en 2032 sera vraisemblablement de 14 %. Dans ces pays, la production d'éthanol donnera lieu à une augmentation des besoins en produits agricoles, notamment de canne à sucre, une matière première importante.

La région contribuera à une part plus élevée de la consommation mondiale de biodiesel (22 %), qui devrait atteindre 24 % en 2032, principalement en raison des augmentations en Indonésie – où la mise en œuvre d'un taux d'incorporation de 30 % dans le biodiesel vise à réduire la dépendance du pays à l’égard des carburants fossiles importés. Combinée aux mesures de soutien prises dans le cadre de son programme sur le biodiesel, la production intérieure d’huile de palme devrait se tourner vers le marché de ce biocarburant, laissant présager une augmentation de la consommation de biodiesel par l’Indonésie de 33 % à l’horizon 2032. La stabilité additionnelle que procure le biodiesel aux prix de l’huile de palme pourrait encourager les investissements dans le secteur et dynamiser le renouvellement des plantations de palmiers à huile.

L’Asie du Sud et du Sud-Est est, à un faible niveau, une exportatrice nette de produits agricoles, mais cet excédent devrait se transformer en déficit d’ici 2032. Ce positionnement global de la région masque de grandes différences entre les pays qui la composent. L’Inde est de loin le plus gros exportateur net et a été le principal moteur de la hausse des exportations dans cette région, mais elle est également le principal responsable de la baisse des exportations sur la période projections. L’Asie du Sud-Est est également une exportatrice nette, mais son excédent est faible et restera sensiblement le même en 2032. À l’opposé, les PMA et autres pays en développement de la région enregistrent une hausse continue de leurs importations nettes. Du fait de la réduction de l’excédent de l’Inde, la région devient importatrice nette à partir de 2029.

Les exportations totales nettes de la région devraient diminuer de 6.7 % au cours des dix prochaines années. Les produits exportés se composent principalement de riz, de racines et tubercules, de sucre, d'huile végétale et de viande. Les exportations d'huile végétale sont surtout le fait de l’Indonésie et la Malaisie, qui sont les deux plus gros exportateurs d'huile de palme au monde. La progression des exportations d'huile végétale sera faible (seulement 0.3 % par an), ce qui entraînera une légère diminution de la part de la région dans les exportations mondiales. À l’opposé, l'augmentation rapide des exportations de riz et de sucre implique que la part de la région sur le marché mondial sera respectivement de 86 % et 28 %. Presque un tiers de la hausse des exportations de riz sera à mettre sur le compte de la Thaïlande (où la progression pourrait être en moyenne de 1.9 % par an), tandis que d’autres contributions importantes proviendront également du Viet Nam et de PMA comme le Myanmar et le Cambodge. Si la région représente presque un quart des exportations mondiales de produits halieutiques et aquacoles, cette part devrait évoluer à la baisse en raison de la croissance limitée des exportations régionales, du fait de la hausse de la consommation intérieure desdits produits. Une part importante des échanges de produits halieutiques et aquacoles aura lieu au sein même de la région.

La région devient de plus en plus dépendante des importations de plusieurs produits dont le blé, le maïs, le soja et le tourteau protéique. Sa dépendance à l’égard de ces produits devrait s’accroître durant les dix prochaines années. Bien que la région soit censée représenter une part croissante des importations mondiales de viande et de produits laitiers, ces deux produits occupent une faible place dans la consommation totale, et les taux d’autosuffisance resteront relativement stables à l’horizon 2032. Le rôle des importations des plus prononcés dans plusieurs pays.

Vaste et hétérogène, l’Afrique subsaharienne représente 19 % des terres agricoles mondiales et abrite 1.1 milliard de personnes, soit 14 % de la population du globe. Elle se distingue des autres régions examinées dans ce chapitre par son profil démographique atypique. Sa population est la plus jeune, sa croissance démographique la plus rapide et son urbanisation la plus lente. D’ici 2032, les habitants de la région (1.45 milliard de personnes) représenteront 17 % de la population mondiale. Bien que l’Afrique subsaharienne soit concernée par l’urbanisation, elle est l’une des deux seules régions (avec le Proche-Orient et l’Afrique du Nord) où la taille absolue de la population rurale continue d’augmenter, et la seule région où l'on estime que plus de la moitié de la population totale continuera à vivre en zone rurale en 2032.

Les revenus moyens par habitant restent les plus bas du monde, à 1 706 USD en USD constants de 2010. Leur niveau est toutefois très variable selon les pays, de moins de 1 000 USD dans les PMA à 7 810 USD en Afrique du Sud. Les économies de la région sont généralement très dépendantes des produits résultant de l’exploitation des ressources naturelles (notamment agricoles, pétrolières et minières) ; le secteur de l’agriculture – incluant la pêche et la foresterie – représentait ainsi 15 % de la production économique entre 2020 et 2022. Ce pourcentage atteint un niveau encore supérieur dans certains pays. Malgré le prix élevé des produits, la croissance du PIB par habitant de la région n’a regagné que 1.9 % en 2021 après le recul de 5 % en 2020 lié à la pandémie de la covid-19. La faiblesse de la reprise s’explique par le ralentissement mondial de l’activité, le resserrement des marchés financiers dans le monde entier, les maigres ressources disponibles pour soutenir la reprise et la poussée inflationniste. Dans le contexte d’incertitude croissante de l’économie mondiale, les taux de change d'un grand nombre de pays en développement de la région ont considérablement baissé, provoquant une accélération de l’inflation et parfois des inquiétudes concernant les réserves de devises étrangères. Exprimée par habitant, la hausse des revenus a été de moins de 1 % en 2022 et devrait être similaire en 2023, avant d'atteindre 1.2 % en moyenne sur le reste de la période de projection. Les revenus moyens par habitant s'établiront alors à 1 930 USD en 2032, mais d'après les taux de croissance prévus, le niveau de revenu prévalant dans la région avant la pandémie ne sera pas dépassé avant 2025.

Du fait de la faiblesse des revenus en valeur absolue, les ménages d’Afrique subsaharienne consacrent une part plus élevée de leurs revenus à l’alimentation que dans n’importe quelle autre région examinée dans ce chapitre. Dans cette région, la moyenne est de 23 % mais le pourcentage varie selon les pays ; il est par exemple de 31 % en moyenne dans les PMA de l’Afrique subsaharienne.9 Le nombre de calories absorbées par habitant figure déjà parmi les plus faibles du monde, et la forte proportion du revenu total consacrée à l’alimentation accroît la vulnérabilité de la région par rapport aux prix alimentaires, qui se maintiennent à un niveau élevé depuis deux ans. Dans le contexte de chocs extérieurs multiples (comme la pandémie et la guerre qui se poursuit en Ukraine), l’accessibilité financière des produits alimentaires et, par voie de conséquence, la sécurité alimentaire sont devenues de plus en plus difficiles à atteindre. Selon l’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde de la FAO (2022), le retour à la croissance du PIB en 2021 ne s’est pas traduit par des améliorations de la sécurité alimentaire, car la prévalence de la sous-alimentation – qui était déjà passée de 20.1 % en 2019 à 22.7 % pendant la pandémie en 2020 – a encore progressé jusqu'à 23.2 %. Le nombre absolu de personnes souffrant de sous-alimentation dans la région a augmenté de 12 millions en 2021, soit moins de la moitié des 34 millions de personnes sous-alimentées qui se sont ajoutées en 2020. Bien que la prévalence de la sous-alimentation ne cesse de s’accroître dans la région depuis 2018, la pandémie survenue en 2020 a entraîné une forte accélération qu'il est difficile d'inverser dans le contexte actuel. La combinaison d'une inflation galopante, d'un ralentissement de la croissance économique et d'un niveau élevé des prix en 2022 va sans doute avoir provoqué une nouvelle détérioration de la situation, et seul le retour à la normale des prix sera susceptible d’engendrer une amélioration.

L’Afrique subsaharienne est une région riche en terres qui affiche une grande variété sur le plan agroécologique ; elle représente 16 % des terres cultivées et 20 % des pâturages à l’échelle mondiale. Malgré la vaste superficie agricole de la région, de grandes différences existent entre les pays en ce qui concerne la disponibilité des terres et les structures des exploitations. Dans certaines régions, des exploitations de taille moyenne font clairement leur apparition (Jayne et al., 2016[5]); dans d’autres, en revanche, le secteur agricole est en proie à un manque de terres et à la diminution de la taille des parcelles. Une grande partie des terres arables disponibles sont concentrées dans un petit nombre de pays et sont souvent situées sous un couvert forestier (Chamberlin, Jayne et Headey, 2014[6]); dans d’autres cas, elles se trouvent dans des zones reculées où l'accès aux marchés et à l’infrastructure est difficile. Malgré la forte proportion des terres utilisées à l’échelle mondiale que représente l’Afrique subsaharienne, les pratiques agricoles y sont souvent moins intensives : la région ne représentait que 5 % de la valeur mondiale de la production agricole, halieutique et aquacole en 2020-22. La part de la région dans la consommation mondiale est nettement plus élevée, et ce du fait de sa vaste population. Le régime alimentaire se compose toujours en grande partie d’aliments de base et depuis 2020-22, l’Afrique subsaharienne représente 42 % de la consommation mondiale de racines et tubercules et 12 % de celle de céréales, mais seulement 7 % de celle de sucre et 6 % de celle d'huile végétale. L'apport protéique est relativement peu élevé du fait du faible pouvoir d'achat de la population ; ainsi, seuls 6 % de la consommation mondiale de produits halieutiques et aquacoles, 5 % de celle de produits laitiers et 4 % de celle de viande sont attribués à la région. Malgré de fortes disparités entre les pays, les taux d’autosuffisance de l’Afrique subsaharienne diminuent en général pour la plupart des principaux produits alimentaires, le rythme de croissance de la production intérieure n’ayant pas suivi celui de la croissance démographique.

Les plus gros défis que devra relever la région à court et à moyen terme seront notamment de réduire la famine et d’améliorer la sécurité alimentaire, dans un contexte où les revenus n’augmenteront toujours pas et les conditions météorologiques sont de plus en plus instables du fait du changement climatique. Malgré les progrès et les succès enregistrés dans certains pays, le niveau de productivité reste désespérément bas dans la plus grande partie de la région. La concentration des terres dans un petit nombre de pays peut offrir des occasions importantes de développer les échanges intrarégionaux (surtout au vu des réductions de droits de douane qui ont été négociées dans le cadre de l’accord sur la zone de libre-échange continentale africaine), mais une réduction des coûts commerciaux est nécessaire pour rendre ces échanges plus compétitifs. Les importations de la région devraient donc continuer à augmenter au cours de la période de projection. Dans un marché mondial de plus en plus instable et fragmenté, les pistes les plus importantes pour permettre à la région d’offrir à sa population croissante des produits alimentaires plus abordables et d'améliorer sa sécurité alimentaire consistent à améliorer la productivité et l’accès au marché, ainsi qu’à réduire les coûts des transports et des échanges régionaux.

Au cours des dix prochaines années, la production agricole, halieutique et aquacole de l’Afrique subsaharienne devrait s'accroître de 24 % en valeur ajoutée nette. Cela équivaut à un gain moyen de 2.2 % par an – qui reste inférieur à la croissance démographique attendue dans la région – et devrait donc entraîner une nouvelle baisse de la valeur de la production par habitant, conformément à la tendance observée depuis 2015 (Graphique 2.5). La progression en valeur proviendra pour l’essentiel de la production végétale, qui représentera plus de 70 % de la valeur agricole totale en 2032, soit une légère augmentation par rapport à la période de référence. Si la production animale s'accroît à un rythme légèrement supérieur de celui de la production végétale, son point de départ est plus bas et sa part dans la valeur ajoutée totale ne devrait progresser que légèrement (de 19.5 % en 2020-22 à 19.8 % en 2032). La contribution en valeur de la production de produits halieutiques et aquacoles sera en baisse, à 10 %. Les céréales, les racines et les tubercules sont les principaux végétaux produits dans la région ; l’Afrique subsaharienne devrait d'ailleurs voir sa part de la production mondiale augmenter pour de nombreux types de végétaux. D'ici 2032, la région devrait contribuer à la production mondiale à hauteur de 42 % pour les racines et tubercules, 22 % pour les légumineuses, 6.5 % pour les céréales, 2 % pour les oléagineux et 6 % pour le coton. Les PMA représentent environ 65 % de la production de coton de la région et se trouvent surtout en Afrique de l’Ouest (le Bénin et le Burkina Faso étant les principaux producteurs). La production de coton par les PMA d’Afrique subsaharienne ne devrait augmenter que de 1.5 % par an en moyenne, principalement grâce à la hausse des rendements car les superficies plantées en coton devraient légèrement diminuer.

L’augmentation de 27 % des cultures vivrières au cours de la prochaine décennie sera le résultat à la fois de l’intensification des pratiques, de gains de productivité et de modifications apportées au panachage des cultures. La valeur réelle de la production végétale, exprimée en unité de surface agricole, devrait progresser de 1.7 % par an, plus rapidement qu’au cours des dix précédentes années. La raison de cette progression est une certaine intensification des pratiques, ainsi qu'une expansion de 7 % des surfaces utilisées pour la production végétale d'ici 2032. Le système de double récolte est fréquent dans un grand nombre de régions tropicales ayant un régime fluvial binaire, tout comme les cultures d’irrigation sont répandues en Afrique australe, où le soja et le blé sont souvent produits l’un à la suite de l’autre au cours d’une même année. Le développement de la culture du riz dans la région, notamment au Nigéria, devrait lui aussi bénéficier de la pratique de plus en plus courante consistant à effectuer plusieurs récoltes par an. Outre l’intensification des cultures, une extension des surfaces est également attendue pour plusieurs végétaux ; ainsi, l’augmentation de la superficie des cultures de racines et tubercules, de maïs, de riz, de légumineuses et de céréales secondaires ne sera que partiellement contrebalancée par la baisse de celle de blé et de coton.

L’extension relativement faible des superficies cultivées – de 0.2 % par an au cours de la période de projection – représente un important ralentissement équivalant tout simplement à diviser par deux le taux observé au cours de la précédente décennie. Bien que la région soit considérée globalement comme riche en terres, Chamberlain et al. notaient déjà en 2014 que presque 65 % des terres disponibles pouvant être affectées aux cultures étaient concentrées dans 10 pays seulement (Soudan, Madagascar, République démocratique du Congo, Mozambique, Angola, République du Congo, République centrafricaine, Éthiopie et Zambie). Partout ailleurs, l’extension de la superficie agricole qui est en cours est limitée par la fragmentation des parcelles, les défis liés à la dégradation des sols, les conflits dans certains pays riches en terres ainsi que l’existence d’autres utilisations concurrentes telles que l’exploitation minière et l’étalement urbain. Il est donc d'autant plus important, pour accroître la production dans la région, d'améliorer la productivité.

Le rendement moyen des céréales dans la région devrait augmenter de 1.9 % par an au cours de la période de projection, soit un peu plus rapidement qu’au cours de la décennie écoulée. La hausse ininterrompue des rendements de la majorité des principales cultures s’explique par les investissements dans des variétés végétales améliorées et adaptées à l’environnement local, ainsi que par des pratiques de gestion optimisées. L'augmentation des rendements de la plupart des cultures dépasse les taux projetés à l’échelle mondiale, mais en partant d’un niveau qui est souvent inférieur à la moitié de la moyenne mondiale. Cela signifie que l’écart substantiel entre les rendements de la région et ceux obtenus dans le reste du monde va se réduire mais demeurera important en 2032. Les efforts déployés pour combler totalement cet écart sont freinés par la faible utilisation d’intrants, ainsi que par le manque d’irrigation et d’infrastructure. Malgré la mise en œuvre de vastes programmes de subvention des engrais dans de nombreux pays, l’utilisation de ces intrants en Afrique subsaharienne est la plus faible de toutes les régions ; de plus, dans cette région qui est une importatrice nette d’engrais, la forte augmentation de leurs prix en 2022 a encore freiné les achats. Cela a entraîné, dans de nombreux cas, une utilisation qui s’est avérée ensuite insuffisante. Au cours de la période de projection, l’utilisation des engrais devrait progresser de 9 % mais restera inférieure à 20 % de la moyenne mondiale une fois rapportée à l’hectare (Graphique 2.6). La hausse sera plus forte dans les PMA (où le niveau pendant la période de référence était plus faible), mais le resserrement de l’écart restera tributaire de l’accessibilité financière, en partie limitée par le coût élevé des engrais importés dans la région.

La valeur nette de la production de l’élevage devrait croître de 27 % dans les dix prochaines années, soit un peu plus rapidement que la production végétale. Une grande partie de cette croissance sera due au secteur laitier, qui gagnera 10 Mt supplémentaires d’ici 2032 alors que celui de la viande progressera de presque 3 Mt. Le secteur de viande majoritaire en Afrique subsaharienne est actuellement celui de la viande bovine ; avec la viande de volaille, ils devraient enregistrer les plus fortes hausses, à savoir respectivement 1 Mt et 916 kt supplémentaires en 2032. À cela s’ajoutent 622 kt de viande ovine et presque 400 kt de viande porcine. La hausse de la production de viande devrait avoir lieu principalement dans les PMA de la région (Graphique 2.12).

Les systèmes de production de viande bovine et ovine de la région sont généralement extensifs, et l’augmentation précitée sera due davantage à l’agrandissement du cheptel qu’à des gains de productivité. En 2020-2022, l’Afrique subsaharienne représentait seulement 7 % de la production mondiale de viande bovine, mais presque 17 % du cheptel bovin mondial. La part de la région dans ce cheptel mondial a progressé régulièrement au cours des dix ans écoulés et devrait atteindre quasiment 19 % en 2032, mais sa part dans la production bovine mondiale restera légèrement inférieure à 8 %. De même dans le secteur ovin, la région comptabilise 13 % de la production mondiale, mais 25 % du cheptel. La production de viande ovine devrait progresser de 29 % au cours de la prochaine décennie en Afrique subsaharienne, ce qui permettra à la région de voir sa part dans la production mondiale passer à 15 %, avec 29 % du cheptel mondial. Du fait du caractère extensif des modes de production, une part importante de la production de viande repose sur le pâturage, qui dépend des conditions météorologiques. Par conséquent, les événements climatiques extrêmes comme la sécheresse prolongée dans la Corne de l’Afrique ont provoqué de larges pertes du fait de la disponibilité limitée des pâturages. Ces pressions pourraient s'intensifier au cours de la prochaine décennie car l’expansion prévue du cheptel se produira sur une zone pâturée presque inchangée, et le changement climatique pourrait avoir de graves conséquences sur la fréquence et l’intensité des événements météorologiques extrêmes.

Pour ce qui concerne la volaille, bien que les systèmes de production extensifs à base de races indigènes mixtes soient toujours courants dans la région, un certain degré d’intensification commence également à apparaître, en particulier dans les pays produisant un excédent de céréales fourragères (par exemple l’Afrique du Sud). Bien que partant d'un niveau faible, l’utilisation d’aliments pour animaux devrait continuer à augmenter dans la région, sous l’effet de la modernisation des chaînes d'approvisionnement dans des pays comme la Zambie, la Tanzanie et le Nigéria ; toutefois, de nombreux petits producteurs utilisent encore des aliments pour animaux autres que des céréales, qu'ils se procurent souvent de manière informelle. Dans les pays qui utilisent déjà les aliments pour animaux de façon plus intensive, les améliorations génétiques et celles, progressives, du taux de conversion alimentaire réduiront la quantité d'aliments requise par animal. À l’échelle de toute la région, le résultat final est que l’utilisation d’aliments pour animaux progresse un peu plus lentement que la production de viande de volaille ; l'écart est cependant plus important en Éthiopie et dans les autres PMA où l’intensification reste plus faible.

En Afrique subsaharienne, la production halieutique et aquacole repose encore majoritairement sur la pêche, qui représentait plus de 90 % du total pendant la période de référence 2020-22. L’aquaculture prend de l’ampleur et devrait croître de presque 20 % d'ici 2032 – quoique partant d'une base peu élevée – et peser pour un peu moins de 10 % dans la production totale de produits halieutiques et aquacoles en 2032, contre 8.7 % pendant la période de référence. La pêche connaîtra une croissance moins marquée – de 11 % à l’horizon 2032 –, signe que les ressources halieutiques ne sont pas infinies.

Ces projections impliquent que les émissions directes de GES liées à l’agriculture devraient progresser de 19 % d’ici 2032 par rapport à la période de référence. Cela s’explique en grande partie par la poursuite de la croissance de l’élevage extensif, souvent dans les zones semi-arides où la production végétale n’est pas viable ; d’ici 2032, l’Afrique subsaharienne représentera donc 16 % des émissions directes de GES au niveau mondial. En revanche, rapportées à la valeur de la production au niveau régional (en USD), les émissions du secteur agricole devraient continuer à diminuer.

La région abrite la plus forte concentration de personnes pauvres et sous-alimentées au monde. La disponibilité totale en calories par habitant est la plus faible de toutes les régions couvertes dans ce chapitre. Les problèmes de sécurité alimentaire qui existaient déjà en Afrique subsaharienne ont été aggravés ces dernières années par les effets prolongés de la covid-19 et des restrictions imposées pour contenir la pandémie, mais aussi par la guerre qui se poursuit en Ukraine, la poussée inflationniste et la lente reprise économique. Le choc initial causé par la pandémie a été double : d'une part en provoquant des perturbations sur les chaînes d'approvisionnement, en particulier sur les marchés informels, qui sont très nombreux dans la région ; d'autre part en pesant sur l’emploi et les revenus, d'où le problème d'accessibilité financière des produits. Malgré l’ouverture des économies après la pandémie de la covid-19, la guerre en Ukraine a prolongé un grand nombre des difficultés qui existaient sur les chaînes d'approvisionnement, en particulier pour les produits – comme le blé – qui proviennent surtout de l’étranger. La combinaison du niveau toujours élevé des prix alimentaires, du ralentissement de la croissance économique sur le court terme et de la poussée inflationniste ne va que perpétuer les problèmes d'accessibilité financière. Par voie de conséquence, la sécurité alimentaire et la sous-alimentation continueront probablement de poser des problèmes, et même lorsque les revenus commenceront à repartir à la hausse, le redémarrage ne sera durable qu'à condition d’améliorer à l’avenir la disponibilité, l'accès, l’accessibilité financière et l’utilisation des approvisionnements alimentaires.

Le ralentissement de l’économie en 2020 et l’augmentation des prix qui a suivi ont conduit à une baisse de la quantité de calories disponibles par habitant dans la région pendant plusieurs années de suite. La persistance d'une forte inflation et la prévision de faible augmentation des revenus signifient que la progression de la disponibilité en calories par habitant sera lente, et donc que la croissance démographique restera le principal moteur de la hausse de la consommation alimentaire dans la région. En fait, la croissance démographique est telle que, malgré une progression de seulement 5 % de la disponibilité totale en calories par habitant d'ici 2032, l’Afrique subsaharienne restera l’une des régions connaissant la plus forte hausse de la demande alimentaire. Par voie de conséquence, la part de la région dans la consommation totale de calories au niveau mondial devrait passer de 12 % pendant la période de référence 2020-22 à 14 % en 2032.

Avec une progression de 124 kcal/jour au cours de la période de projection, la disponibilité moyenne en calories dans la région dépassera en 2032 les 2 555 kcal/jour par habitant. Néanmoins, après prise en compte des déchets estimés des ménages, l’apport total de calories devrait se situer à 2 450 kcal/personne/jour. Indépendamment de la prise en compte des déchets des ménages, les quantités de calories disponibles dans la région est inférieure de 17 % à la moyenne mondiale et devrait rester la plus faible au monde à l’horizon 2032.

Pour ce qui est du régime alimentaire, la contribution des aliments de base à la disponibilité totale en calories est plus élevée en Afrique subsaharienne que dans toute autre région, à savoir presque 70 % en 2020-22 (Graphique 2.13). Le maïs, les racines et les tubercules représentent la majeure partie de ces aliments de base. La consommation d'aliments de base par habitant est projetée à la hausse au cours de la période examinée mais sa composition devrait changer, la consommation de racines et de tubercules restant relativement stable alors que celle de riz et de maïs augmentera. La part des aliments de base dans la disponibilité totale en calories devrait par ailleurs légèrement diminuer. Pour la plupart des autres catégories de produits, dont la viande, les produits laitiers, les produits halieutiques et aquacoles, le sucre et les huiles végétales, les niveaux de consommation par habitant sont actuellement les plus faibles du monde. Alors que la consommation par habitant de viande, de produits laitiers, de sucre et d’huile végétale va faiblement augmenter au cours de la période de projection, celle de produits halieutiques et aquacoles devrait légèrement décliner. L'évolution des niveaux de consommation par habitant tend à signifier que le régime alimentaire met du temps à se diversifier ; toutefois, compte tenu de la croissance démographique rapide, la consommation totale va considérablement s'accroître pour tous les produits.

La disponibilité en protéines – provenant surtout de produits d’origine végétale – devrait croître de 2.6 g par personne et par jour. La consommation de viande et de produits laitiers ne progressera que très faiblement tandis que celle de produits halieutiques et aquacoles diminuera, ce qui limitera l’amélioration des apports de nutriments et micronutriments essentiels.

Au cours de la prochaine décennie, les céréales devraient supplanter les racines et les tubercules et devenir la principale source d'alimentation animale pour le secteur de l’élevage, le maïs en tête. Toutefois, compte tenu de la prédominance des systèmes de production extensifs dans la plus grande partie de la région, l’utilisation d’aliments pour animaux sera globalement faible. En 2032, l’Afrique subsaharienne représentera un peu plus de 4 % de l’alimentation animale totale consommée dans le monde, alors qu’elle abritera 17 % de la population du globe.

Pour pouvoir nourrir sa population en augmentation rapide, la région devrait compléter sa production en recourant progressivement aux importations. Hormis de rares exceptions, la plupart des aliments de base produits dans la région sont destinés à la consommation intérieure et non à l’exportation, mais la production intérieure de nombreux produits n’est pas suffisante pour satisfaire à la demande. Néanmoins, un grand nombre de pays tirent parti de la différence de saison dans l’hémisphère nord et des coûts de main-d'œuvre compétitifs pour devenir exportateurs nets de produits frais à valeur élevée.

Le déficit commercial de la région pour les principaux produits alimentaires devrait se creuser au cours de la prochaine décennie car la demande de produits importés progresse plus vite que l’offre de produits à exporter. Évalué en prix de référence mondiaux constants (2014-16), ce déficit devrait s’accélérer par rapport à la précédente décennie, de quelque 9 milliards USD en 2020-22 à 24 milliards USD en 2032. Les déficits alimentaires persistants devraient être amplifiés par l’augmentation de la facture liée aux importations – causée par l'inflation mondiale, la dette des pays libellée en USD et la hausse des taux d’intérêt aux États-Unis –, en particulier pour les pays africains travaillant beaucoup avec le dollar.

Bien que largement autosuffisante en maïs, la région dépend fortement des importations pour les céréales principales comme le riz et le blé. Outre la hausse des volumes des importations, les taux d’autosuffisance pour ces deux céréales devraient diminuer pour passer respectivement à 50 % et 24 % en 2032. Dans la mesure où une large part des importations de blé provenaient généralement de Russie et d’Ukraine, l’approvisionnement de la région a été extrêmement perturbé au début de la guerre, en 2022. Le coût des produits importés a en outre considérablement augmenté en l’espace d'un an ; toutefois, les problèmes de disponibilité initiaux se sont ensuite allégés après l’accord conclu sous l’égide des Nations Unies pour débloquer l’exportation des céréales. Compte tenu de la guerre qui se poursuit en Ukraine et de la terrible sécheresse qui sévit depuis plusieurs années en Afrique de l’Est, le renouvellement de cet accord en 2023 est capital pour la région.

Même si la plupart des problèmes commerciaux directement liés à la première vague de la pandémie de la covid-19 se sont atténués en Afrique subsaharienne, les résultats de cette dernière dans les indicateurs mesurant l’efficacité dans le domaine du commerce (comme l’indice de performance logistique de la Banque mondiale) étaient déjà peu satisfaisants avant les perturbations de ces trois dernières années. Suite aux difficultés de 2020, les volumes des importations ont augmenté pour la plupart des produits, mais la région continue d’être handicapée par la hausse des frais de transport et le prix toujours élevé des carburants, qui ont accru davantage le coût des échanges – entraînant une hausse des prix à la consommation qui pèse lourdement sur les ménages à faible revenu.

Contrairement à sa situation au regard des cultures vivrières de base, la région est exportatrice nette de produits de plus grande valeur comme le coton, ainsi que de fruits et de légumes frais. La production de coton de l’Afrique subsaharienne est vendue pour l’essentiel sur les marchés mondiaux et en 2032, plus de 85 % seront exportés. La valeur réelle des exportations de fruits et de légumes devrait augmenter de respectivement 28 % et 44 % d’ici 2032. Par voie de conséquence, la valeur totale des exportations agricoles de la région, exprimée en USD de 2014-16, devrait croître de presque 19 % au cours de la prochaine décennie.

L’Afrique subsaharienne a mis beaucoup d’espoir dans le développement du commerce intrarégional grâce à la mise en œuvre de l’accord sur la zone de libre-échange continentale africaine (ZLEC). La création de chaînes de valeur régionales pour les produits agricoles prioritaires fait partie de la stratégie de l’Union africaine pour favoriser la transformation du système agroalimentaire, l’amélioration de la productivité et la croissance de l’agro-industrie en reliant, d’un côté, les producteurs et les agroparcs situés dans les zones de production excédentaires, et de l’autre, les marchés et les zones déficitaires. L’accord portant création de la ZLEC est appliqué depuis deux ans et son objectif – qui est d'accroître les échanges intrarégionaux – est essentiel pour le développement économique, en particulier dans le contexte d'intensification des incertitudes au niveau mondial. La pandémie de la covid-19 a retardé sa mise en œuvre initiale et en 2020, les échanges intra-africains ont été ramenés à 16 %, contre une moyenne de 18 % sur les cinq années précédentes. Les produits agricoles représentent près d'un quart du commerce intra-africain, et les perturbations des chaînes d'approvisionnement causées par la pandémie ont clairement eu un impact ; toutefois, les attentes sont grandes et la nouvelle impulsion politique qui a été donnée a fourni à l’accord l’élan tant attendu.

L'objectif de l’accord portant création de la ZLEC est de supprimer les droits de douane sur 90 % des lignes tarifaires ; une mise en place progressive est prévue sur dix ans pour les PMA et sur cinq ans pour les autres pays. Jusqu'ici, huit pays participent déjà à l’Initiative commerciale guidée, dont le but est de permettre des échanges commercialement significatifs dans le cadre de l’accord, ainsi que de tester l'environnement opérationnel, institutionnel, juridique et de la politique commerciale. Les produits pouvant être échangés dans le cadre de cette initiative incluent plusieurs produits agricoles et alimentaires. Malgré les progrès accomplis, un grand nombre des dispositions de l’accord d'origine ne sont pas encore appliquées et certains membres de l’Union africaine n’ont toujours pas ratifié le texte, ce qui empêche la pleine application du régime préférentiel à plusieurs organisations commerciales régionales, à moins que des compromis puissent être trouvés pour que l’accord puisse être mis en œuvre au cas par cas. Alors que de nouveaux engagements doivent être pris concernant les règles d’origine, seuls 3 % des lignes tarifaires seront finalement exclus de l’accord, qui a donc toutes les capacités d'accroître les échanges intra-africains sur le moyen terme. Dans son Rapport 2021 sur le développement économique en Afrique, la CNUCED note que le projet de création d'un marché sans frontière d'une valeur de 3 000 milliards USD pourrait permettre d'inverser la tendance actuelle sur le continent (à savoir la pauvreté et l'inégalité) et d’y favoriser la croissance.

Hormis les droits de douane, un autre frein aux échanges intrarégionaux est le niveau élevé des obstacles non tarifaires. Bien que l’accord portant création de la ZLEC prévoie une reconnaissance mutuelle des normes et des licences ainsi que l’harmonisation des mesures sanitaires et phytosanitaires, un grand nombre de ces obstacles – non tarifaires – sont difficiles à éliminer ou réduire. Selon les données relatives au coût des échanges recueillies par la CESAP-Banque mondiale, l'équivalent ad valorem du coût des obstacles non tarifaires sur les échanges internes du continent est estimé à quelque 283 %. Il est en outre de plus de 300 % pour les produits agricoles10 et dépasse de plus de 100 % celui des produits manufacturés non agricoles. Les facteurs y contribuant sont le coût élevé du transport routier, qui résulte de la déficience des infrastructures, ainsi que le manque d’efficacité aux postes-frontières. Cela est corroboré par la présence de seulement six pays d’Afrique subsaharienne dans la première moitié de l'indice de performance logistique de la Banque mondiale, qui couvre 160 pays. Compte tenu des réglementations mises en œuvre à ce jour et de la nécessité de finaliser les programmes de réduction des droits de douane et les listes de produits sensibles, aucun impact visible n’a été prévu dans les projections de référence.

La région Proche-Orient et Afrique du Nord11 comprend tout un éventail de pays aux profils socioéconomiques et de revenus hétérogènes. Un grand nombre d’entre eux connaissent des difficultés similaires en ce qui concerne l’environnement de la production agricole et la fragilité du stock de ressources naturelles. Dans cette région, moins de 5 % de la superficie totale des terres est considérée comme arable et les ressources hydriques sont limitées, de sorte que la plupart des pays connaissent un manque d’eau. Dans plusieurs pays, la situation à cet égard est dramatique. En 2020, 19 États arabes sur 22 se trouvaient en dessous du seuil de rareté des ressources en eau renouvelables (fixé à 1 000 m3 par habitant et par an), et 13 en dessous du seuil de rareté absolue d’eau (fixé à 500 m3 par habitant et par an) (UN WWDR, 2022[7])La région est également l'une des plus vulnérables au changement climatique du fait de son climat aride et de ses ressources hydriques déjà limitées.

Parmi son éventail de pays moins avancés et d’économies à revenu élevé et intermédiaire, la région comprend un grand nombre de pays du Golfe exportateurs de pétrole dont l’économie est intrinsèquement liée aux marchés de l’énergie. Les revenus générés par le pétrole impliquent que cette ressource peut avoir un impact important sur l’évolution de la demande. À cet égard, l'instabilité qui a caractérisé le marché de l’énergie ces dernières années a eu d’énormes répercussions sur le niveau des revenus. La région a été l’une des plus touchées économiquement par la pandémie de la covid-19 et son revenu par habitant a diminué de plus de 7 % en 2020, avant de regagner modestement moins de 2 % en 2021. En 2022, le niveau élevé du cours du pétrole a donné une nouvelle impulsion, et la hausse s’est accélérée, pour atteindre 3.3 %. La sensibilité aux fluctuations du marché de l’énergie qui caractérise la région implique que cette dernière continuera sans doute d’être en proie à une grande instabilité sur le court terme – tant que la guerre en Ukraine se poursuivra –, mais les prix de l’énergie en 2032 devraient être inférieurs aux niveaux de 2022. Les perspectives à moyen terme seront également influencées par la complexité grandissante de l’environnement mondial, et la croissance des revenus par habitant devrait tourner autour de 1.7 % par an en moyenne au cours de la prochaine décennie. Il est donc peu probable qu’elle constitue un moteur important de la demande, ce qui est un aspect préoccupant dans une région où une alimentation saine est financièrement inaccessible pour plus de la moitié de la population (CESAO, FAO, IFAD, UNICEF, PMA et OMS, 2022[8])).

La croissance démographique, qui joue un rôle important dans l’évolution de la demande, ne devrait ralentir que modérément, de 22 % au cours de la précédente décennie à 20 % dans les dix ans à venir. Ce taux de croissance, le deuxième plus élevé derrière celui de l’Afrique subsaharienne, portera la population de la région à plus de 510 millions de personnes en 2032. Les deux tiers environ de cette population devraient vivre en milieu urbain, ce qui pourrait encourager la consommation de produits de plus grande valeur, y compris de viande et de produits laitiers, mais aussi de produits prêts à l’emploi contenant souvent de grandes quantités d’huile végétale et de sucre.

La région est l’une des plus grosses importatrices nettes de produits alimentaires au monde, en grande partie à cause de son environnement de production difficile, dû à ses ressources naturelles limitées. Son taux d’autosuffisance est faible pour la plupart des produits, mais particulièrement pour les céréales, les huiles végétales et le sucre (Graphique 2.15). Sa forte dépendance aux importations signifie en outre que les difficultés de ces trois dernières années dans le domaine des échanges ont eu un impact majeur sur la région. Les problèmes logistiques et la forte hausse des coûts de transport liés à la pandémie de la covid-19, ainsi que les fragilités des systèmes d'échanges mondiaux mis au jour à cette occasion, ont été encore aggravés par la guerre en cours dans la région de la mer Noire. La région est depuis longtemps très dépendante de la Russie et de l’Ukraine pour son approvisionnement en blé. Les perturbations initiales des échanges ont été quelque peu atténuées par l’accord sur les céréales qui a permis à l’Ukraine de reprendre ses exportations, mais les volumes sont beaucoup plus faibles qu’avant et la région a été contrainte d'importer de grandes quantités depuis d’autres pays. Le prix élevé des céréales importées – tiré encore vers le haut par la dépréciation des monnaies dans de nombreux pays de la région non exportateurs de pétrole –, combiné à la poussée inflationniste et à la crise du coût de la vie, ont nui à l’accessibilité financière des produits de base dans les pays à bas revenu et à la capacité à s’alimenter sainement dans l’ensemble de la région. Avec des dépenses alimentaires représentant en moyenne quelque 17 % du budget total des ménages – 33 % dans les pays les moins avancés –, les variations brutales des revenus et des prix peuvent avoir des répercussions importantes sur le bien-être12.

Afin de réduire la dépendance aux importations de céréales principales et, par conséquent, les vulnérabilités associées aux perturbations, les politiques publiques ont de tout temps cherché à stimuler la production. Visant à atténuer les risques, ces politiques ont cependant freiné la croissance, car la culture de ces céréales est en concurrence avec d’autres végétaux de plus grande valeur pour l’utilisation des ressources hydriques peu abondantes. Par voie de conséquence, les ressources exploitables de la région, déjà limitées, ont été utilisées au maximum et, avec la hausse de la production de céréales, la disponibilité de produits frais de plus grande valeur a diminué. Or, ces produits auraient pu permettre d’améliorer la diversité de l’alimentation et de fournir un revenu plus élevé pour la même quantité – restreinte – de ressources. Le changement climatique reste un défi majeur et les conflits géopolitiques dans la région ont réduit encore les investissements et déplacé les populations, empêchant de ce fait l’augmentation de la production.

La part du PIB résultant du secteur de l’agriculture, de la foresterie et de la pêche est aujourd’hui de 5 % seulement et devrait reculer à 4 % en 2032. L’Égypte assure 25 % de la valeur nette de la production agricole, halieutique et aquacole de la région, tandis que les autres pays d’Afrique du Nord en représentent 51 % (18 % pour les PMA et 33 % pour les autres). Ces pourcentages devraient s’accroître et l’Afrique du Nord représentera presque 80 % de la valeur nette de la production agricole en 2032.

Dans un contexte où les revenus augmentent peu et où plusieurs pays sont engagés dans un conflit géopolitique, l'un des plus gros défis auxquels est confrontée la région est l'accessibilité de produits alimentaires abordables pour une population de plus en plus nombreuse. Compte tenu de la faible capacité de production et des ressources naturelles restreintes, la dépendance aux importations est inévitable, notamment dans une région fortement impactée par le changement climatique, raison pour laquelle le taux d’autosuffisance pour la plupart des principaux produits devrait continuer à baisser. Les importations contribuent de manière importante à la diversité de l’alimentation et la facilitation efficace des échanges peut permettre de se rapprocher de l’objectif d'éradication de la famine, de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition à l’horizon 2030. Toutefois, dans un contexte de marché mondial de plus en plus instable et fragmenté ayant connu ces dernières années un nombre grandissant de graves perturbations, la mise en œuvre de politiques publiques et de pratiques d'achat adaptables et efficaces sera capitale pour assurer la sécurité alimentaire et améliorer la résilience. Soucieux d’atténuer leur vulnérabilité, de nombreux pays cherchent activement à diversifier leurs sources d'importation.

La dépendance de la région envers les marchés mondiaux devrait s’accroître au fil du temps (Graphique 2.14) du fait de l'augmentation estimée à 1.5 % par an de la production agricole, halieutique et aquacole, un pourcentage inférieur à celui de la précédente décennie ainsi qu’à la croissance démographique annuelle (1.6 %). Les cultures des produits couverts dans les Perspectives représentent 40% de la valeur totale de la production, mais leur croissance de seulement 1 % par an en moyenne indiquent que cette part pourrait tomber à 38 % d'ici 2032. La production animale connaît un taux de croissance supérieur – 2.1 % par an – et sa part dans la valeur totale nette passera à 42 % d'ici 2032.

La pêche et l’aquaculture contribuent pour une part importante (21 %) à la valeur totale de la production agricole, mais leur progression de seulement 0.9 % par an est nettement plus faible que durant la précédente décennie, d’où une légère baisse de leur part du total (à 20 %) en 2032. Presque 70 % de la production halieutique et aquacole proviennent de la pêche pratiquée dans les zones côtières, mais les stocks halieutiques se raréfient, d’où un net ralentissement de l’activité au cours de la période de projection. Le secteur de l’aquaculture acquiert de plus en plus d'importance et a connu un développement de plus de 5 % par an au cours de la précédente décennie, l’Égypte en tête. Sa croissance devrait se ralentir pendant la période de projection, mais avec une progression de 2.4 % par an, le secteur devrait peser pour 33 % de la production totale en 2032.

Peu de changements sont attendus au regard de l’utilisation totale des terres agricoles, avec une progression de seulement 0.5 % sur dix ans. L’expansion se concentre dans les régions les moins avancées (principalement le Soudan et la Mauritanie) et presque la moitié des terres supplémentaires seront affectées au pâturage. Dans la plupart des pays de la région, les conditions ne sont pas propices à une production végétale de grande ampleur, mais plus de la moitié de l’ensemble des terres cultivées devrait en 2032 être consacrée à la production de céréales, soit un léger recul (de 2 %) par rapport aux niveaux actuels. Les céréales secondaires et le blé constituent l’essentiel de la production totale de céréales et représenteront respectivement 63 % et 35 % du total des terres affectées aux céréales en 2032.

Dans une région connaissant de graves restrictions en matière de terres arables et de ressources hydriques disponibles, l’amélioration de la productivité est capitale pour stimuler la croissance. Entre 2010 et 2019, la productivité totale des facteurs s’est accrue de seulement 1.2 % par an, principalement du fait d'un apport accru de capital13. La valeur générée sur un hectare de terre utilisée pour la production végétale s’est accrue régulièrement (de 0.8 % par an) pendant les dix ans écoulés et devrait progresser encore plus vite au cours de la prochaine décennie (de 1.2 % par an). Cette tendance s’explique par plusieurs facteurs. Le premier est l’intensification : l’expansion de 1.5 Mha de la superficie totale récoltée est supérieure à celle de 1.2 Mha de la superficie cultivée. Le second est une amélioration considérable des rendements de la plupart des principales cultures. Ainsi, le rendement du blé devrait progresser de presque 1 % par an en moyenne pour atteindre 3 tonnes/hectare en 2032, soit presque 80 % de la moyenne mondiale. Celui des céréales secondaires devrait augmenter de 1.8 % par an, mais ne dépassera toutefois pas 44 % de la moyenne mondiale. L'augmentation annoncée des rendements sera due principalement aux progrès technologiques, l’utilisation d’engrais par hectare diminuant légèrement au cours de la période de projection.

La production de viande devrait s’accroître de presque 2.4 Mt d’ici 2032, principalement du fait de la volaille. La production de viande de volaille représente déjà 59 % du total, et son augmentation de 2.8 % par an portera sa part à 62 % en 2032. Selon les prévisions, celle de viande bovine et de viande ovine progressera plus lentement, respectivement de 1.9 % et 1.5 % par an. S'agissant de la viande ovine, cette hausse représente une accélération par rapport à la précédente décennie, et concernant la viande bovine, cela constitue un renversement de la tendance à la baisse observée jusqu’ici. La croissance des effectifs est plus lente que celle de la production – à la fois pour les bovins et les ovins –, ce qui coïncide avec les gains de productivité attendus.

Les émissions directes de GES liées au secteur de l’élevage progresseront dans la région de 6.8 % entre 2020-22 et 2032, ce qui contraste nettement avec les 28.0 % et 23.9 % d'augmentation prévus respectivement pour la production de viande et de produits laitiers. Ces écarts montrent clairement l’importance capitale des gains de productivité pour limiter les émissions. Les émissions imputables aux cultures devraient diminuer de 3.2 %, tandis que les émissions directes de l’agriculture augmenteront au total de 5.4 % d'ici 2032. La baisse historique des émissions de GES par rapport à la valeur unitaire de la production agricole devrait se poursuivre.

Afin de promouvoir la sécurité alimentaire, les politiques publiques de la région ont généralement visé à encourager la consommation d’aliments de base à coup de subventions. Ces dernières années, ces politiques se sont ouvertes à l’intégration des produits d'origine animale. Bien qu’elles aient réussi dans un premier temps à améliorer la sécurité alimentaire, elles ont aussi contribué à perpétuer dans la région les régimes composés majoritairement d'aliments de base. De plus, le constat de ces dernières années est une nouvelle augmentation à la fois de la prévalence de sous-alimentation et du nombre de personnes sous-alimentées. La pandémie de la covid-19 a accru ces tendances en 2020. Dans le contexte actuel de prix élevés, la région n’est pas parvenue à inverser ces tendances, et l’insécurité alimentaire s’est donc encore détériorée en 2021 malgré la hausse de la part des revenus consacrée à l’alimentation et la mise en place d'une série de mesures pour améliorer la sécurité alimentaire et accroître la résilience. En dépit de l’accélération de la hausse des revenus en 2022, la persistance de prix élevés dans l’alimentation et d’une inflation soutenue généralisée a eu pour effet de réduire encore l’accessibilité financière, et la quantité de calories disponibles a diminué.

D'ici 2032, la disponibilité totale en calories ne devrait progresser que légèrement – à 3 034 kcal/personne/jour – soit un peu moins que la moyenne mondiale. En tenant compte des estimations des déchets alimentaires des ménages, le nombre total de calories absorbées pourrait se situer aux alentours de 2 830 kcal/personne/jour. La faible progression enregistrée au cours de la période de projection est le résultat de plusieurs facteurs. Tout d’abord, la reprise économique tarde en longueur et les revenus ne dépasseront leur niveau d’avant la pandémie qu’en 2024. Ensuite, les prix élevés d’aujourd’hui entraînent une faible disponibilité en calories sur le court terme. Enfin, l’apport en calories reflète également une prise de conscience croissante sur la nécessité d’avoir une alimentation saine. Pour autant, il existe une grande hétérogénéité au sein de la région et l’influence relative de ces trois facteurs au regard du nombre de calories consommées sera variable selon les pays. Dans les PMA du Proche-Orient, la disponibilité en calories reste faible et devrait atteindre seulement 2 650 kcal/personne/jour, soit presque 15 % de moins que la moyenne mondiale (Graphique 2.19). Dans ces pays à plus faible revenu, la part des dépenses consacrées à l’alimentation est également plus élevée, ce qui signifie que la hausse récente des prix a un impact majeur sur la sécurité alimentaire.

Les projections pour le régime alimentaire moyen dans la région indiquent que 53 % des calories proviendront des céréales en 2032, soit nettement plus que la moyenne mondiale de 43 %. La situation est similaire en ce qui concerne la consommation de sucre : la part de la région dans l’apport calorique total lié au sucre sera de 9 %, alors que la moyenne mondiale est de 8 %. Le régime alimentaire type de la région, qui se compose majoritairement de féculents et de sucre, est riche en calories mais pauvre en nutriments, et il est souvent associé à une augmentation des cas de surpoids et d’obésité, ainsi que de diverses maladies chroniques comme le diabète. Parallèlement, la prévalence de la sous-alimentation, ainsi que du retard de croissance et du dépérissement chez les jeunes enfants, atteint un niveau élevé dans certains pays, en particulier ceux de revenu inférieur ou frappés par un conflit. Cela traduit une hétérogénéité entre les pays mais laisse aussi à penser que le « triple fardeau » de la malnutrition (dénutrition, surpoids et carence en micronutriments) représentera un défi majeur que les autorités publiques devront relever sur le moyen terme, avec pour solution essentielle la qualité nutritionnelle. Le problème est que l’accessibilité financière demeure un obstacle majeur à l’adoption d’une alimentation plus saine, de meilleure qualité.

Le niveau moyen de disponibilité en protéines dans la région devrait être de 84 g par jour en 2032, soit encore moins que pendant la période de référence. La baisse sera due en grande partie à la diminution de la consommation de protéines d'origine végétale, qui ne sera pas entièrement compensée par d'autres sources de protéines de meilleure qualité comme la viande et les produits halieutiques et aquacoles. La consommation par habitant de viande de volaille, de viande bovine et de la plupart des produits laitiers devrait s'accroître, mais généralement de moins de 1 % par an.

La croissance du secteur de l’élevage, en particulier celui de la volaille, entraînera une hausse de 15 % de l’utilisation des aliments pour animaux dans les dix ans à venir, mais les gains d’efficacité maintiendront le taux de croissance en deçà de celui de la production de viande. Des produits comme le maïs, l’orge et les tourteaux protéiques devraient représenter plus de 70 % du total de l’alimentation animale. La majorité des aliments pour animaux continueront d’être importés, et les importations de maïs passeront par exemple de 25 Mt pendant la période de référence à 30 Mt en 2032. Cette tendance est la conséquence de politiques publiques privilégiant les cultures vivrières plutôt que les cultures fourragères, dans un environnement où le potentiel de production est très limité.

La région devrait devenir, au cours de la prochaine décennie, de plus en plus dépendante aux importations de produits alimentaires du fait de la combinaison d’une forte croissance démographique et de graves insuffisances au regard de la capacité de production. En 2032, la région devrait se positionner au deuxième rang mondial derrière l’Asie développée et de l’Est pour ses importations nettes de produits alimentaires, mais au premier rang lorsque ces importations sont ramenées au nombre d’habitants. C’est en Arabie saoudite et dans les autres pays du Moyen-Orient (dont les États du Golfe) que les importations de produits alimentaires par habitant sont les plus élevées (Graphique 2.14).

Au plus fort des défis économiques et logistiques suscités par la pandémie, la facture totale des importations de la région a baissé, en termes réels, entre 2019 et 2020. Après une légère augmentation en 2021, les importations ont progressé de presque 5 % en 2022 malgré les problèmes avec les acheminements en provenance de la région de la mer Noire, ce qui témoigne de la vigueur de la reprise économique dans le contexte du niveau élevé des cours du pétrole. Les importations devraient continuer de s’accroître en 2023, quoique plus lentement, sous l’effet de la cherté persistante des produits alimentaires et de la faible hausse des revenus. D’ici 2032, le coût des importations de la région aura augmenté de 30 % par rapport à la période de référence.

Les importations augmenteront pour presque tous les produits, quoique généralement plus rapidement pour la viande et les produits laitiers que pour les produits d'origine végétale. En 2032, les importations de la région conserveront des niveaux élevés et généralement croissants sur les marchés mondiaux d'un grand nombre de produits, dont le blé (26 %), le sucre (23 %) et le maïs (15 %). La région représentera en outre une part élevée des échanges mondiaux de viande ovine (34 %), de fromage (21 %) et de volaille (18 %) d'ici 2032. La région est une grande importatrice à l’échelle mondiale, mais dans la mesure où ses importations entrent pour une part substantielle dans la consommation intérieure, tout événement majeur survenant sur les marchés mondiaux ou nationaux a de larges répercussions sur la sécurité alimentaire au Proche-Orient et en Afrique du Nord.

La région Europe et Asie centrale14 comprend des pays très hétérogènes situés sur deux continents et se trouvant à divers stades de développement. Ces pays présentent des différences notables sur le plan des ressources agricoles, de la démographie et des politiques publiques. La région est en outre confrontée à une multitude de risques, en raison notamment de la guerre de la Russie contre l'Ukraine, qui contribue également à la persistance d'une inflation alimentaire élevée, mais aussi des risques toujours présents associés aux fluctuations climatiques.

La région abrite 12 % de la population mondiale, mais cette proportion devrait diminuer d’ici à 2032 compte tenu d’une croissance démographique inférieure à 1 %. Les dynamiques démographiques varient de façon significative d’un pays à l’autre. En Europe de l’Ouest, où vivent 55 % des habitants de la région, elles resteront quasiment inchangées sur la période, tandis qu’elles devraient reculer de 0.7 % en Europe de l’Est. En Asie centrale, en revanche, la population devrait croître de 11 %, mais cela ne représentera encore que 11 % des habitants de la région en 2032. La région est très urbanisée, et 75 % de sa population devraient vivre en milieu urbain d’ici à 2032. En Asie centrale, cette proportion, plus faible qu’en Europe, devrait atteindre 51 % en 2032.

Le revenu moyen dans la région est supérieur à 26 000 USD par habitant et par an. Cette moyenne englobe des revenus pouvant atteindre près de 39 000 USD par habitant et par an dans les économies très développées d’Europe de l’Ouest, contre seulement 12 700 USD dans les pays de l’Est riches en ressources, et à peine 5 020 USD en Asie centrale. Si la région a relevé avec succès les défis économiques posés par la pandémie de la covid-19, avec un rebond de 5.7 % du PIB par habitant en 2021, la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine a déclenché une crise humanitaire en 2022. La prolongation du conflit pèse de plus en plus lourdement sur les économies européennes. La crise énergétique avait déjà entamé le pouvoir d’achat des ménages, et les mesures prises par les banques centrales pour maîtriser une inflation obstinément forte ont nettement durci les conditions financières. La croissance du PIB par habitant ne devrait pas dépasser 0.2 % en 2023, avant de remonter à 1.6 % à moyen terme. Les perspectives à moyen terme dépendront en grande partie de la durée de la guerre, mais le fait que le conflit traîne en longueur laisse entrevoir des risques importants pour la croissance associés à des risques persistants d’inflation.

Compte tenu des différents stades de développement des pays, la part des secteurs primaires de l’agriculture, de l’exploitation forestière et de la production halieutique et aquacole dans le PIB varie de 2 % dans l’Union européenne (UE) à 13 % en Asie centrale. De même, la part de l’alimentation dans le budget des ménages est estimée en moyenne à 11 % dans la région pour la période 2020-2022 (de quelque 6 % au Royaume-Uni à environ 12 % au Kazakhstan et 17 % en Türkiye et même plus dans quelques pays d’Asie centrale).15 Les conséquences du niveau actuellement élevé des prix des produits alimentaires dans un contexte général d’inflation galopante varieront donc selon les pays et seront globalement plus lourdes dans les régions qui consacrent une part plus importante du revenu total à l’alimentation. Cela apparaît clairement dans la montée en flèche de la prévalence de l’insécurité alimentaire (de modérée à forte) en Asie centrale, à cause de la pandémie en 2020 puis de nouveau en 2021, malgré le rétablissement des revenus. Ce phénomène pourrait s’intensifier en 2022 et 2023, en particulier en Europe de l’Est, en raison du conflit actuel.

Les principaux producteurs agricoles de la région sont l’Union européenne, le Royaume-Uni, la Russie, l’Ukraine, la Turquie et le Kazakhstan. La région est actuellement à l’origine de 12 % de la valeur de la production agricole, halieutique et aquacole mondiale, une part qui pourrait régresser à 11 % à l’horizon 2032, en grande partie sous l’effet de la stagnation en Europe de l’Ouest, alors que la production devrait croître de 1.2 % par an en Europe de l’Est et de 1.8 % par an en Asie centrale. Ces différences témoignent de disparités historiques en ce qui concerne la productivité totale des facteurs (PTF) de la région : de seulement 6 % en Europe de l’Ouest entre 2010 et 2019, la hausse de la PTF atteignait presque 50 % en Europe de l’Est grâce à la forte augmentation de la productivité de la main-d’œuvre, par rapport toutefois à un faible niveau de départ.

Le secteur agricole de la région a relevé une multitude de défis pendant la pandémie de la covid-19, notamment une évolution du volume et de la composition de la demande, des goulets d’étranglement logistiques et des pénuries de main-d’œuvre, résultat des problèmes de mobilité de main-d'œuvre. Au cours de l’année dernière, il a été confronté à de nouvelles difficultés en raison de la guerre en cours. Historiquement, la Russie était un important fournisseur d’intrants agricoles pour les autres pays d’Europe et l’Asie centrale, ainsi que pour de nombreux pays d’autres régions. Après leur envolée initiale, les prix des intrants ont commencé à baisser, et la configuration des échanges s’est modifiée. La Russie et l’Ukraine représentent par ailleurs une part importante des exportations agricoles. La prolongation du conflit limite la capacité de l’Ukraine à poursuivre ses activités agricoles, et la destruction des infrastructures a réduit sa capacité de production. En décembre 2022, après huit mois de combats, la (FAO, 2022[9]) a estimé que les dégâts infligés au secteur agricole, qu’ils émanent de la destruction des machines et de l’équipement, des installations de stockage, du bétail et des cultures pluriannuelles, ou du vol d’intrants et de récoltes, dépassaient déjà les 2.2 milliards USD. Compte tenu de la forte diminution des volumes exportés, malgré le rôle facilitateur de l’Initiative céréalière de la mer Noire, de nombreux pays ont dû trouver d’autres sources d’approvisionnement.

La région Europe et Asie centrale a connu par le passé une croissance des exportations étonnante. Ces dix dernières années, la région a représenté presque 13 % de la croissance totale de la valeur nette mondiale de la production agricole, halieutique et aquacole, mais 38 % de la croissance des exportations mondiales. Cela s’explique par une productivité accrue en matière de production animale et végétale, associée à une croissance démographique limitée et à une base de consommateurs relativement mature dans la région. Cette orientation croissante vers les exportations a été largement influencée par la part accrue de l’Europe de l’Est, avec une contribution majeure de la Russie et de l’Ukraine. Cette tendance devrait par conséquent s’atténuer, en particulier à court terme, en raison des effets de la guerre sur la production ukrainienne et donc sur la capacité du pays à exporter. De nombreuses incertitudes demeurent concernant une possible résolution de ce conflit ainsi que le temps nécessaire pour reconstruire les infrastructures endommagées et rétablir totalement la capacité de production du pays. Les échanges commerciaux seront également influencés par les sanctions imposées à la Russie. Même si celles-ci n’affectent pas directement les échanges de produits agricoles et alimentaires, elles peuvent engendrer des effets indirects liés aux difficultés logistiques et aux contraintes financières. Une part substantielle des échanges se concentre dans la région, ce qui signifie que l’évolution des accords commerciaux préférentiels (notamment les futurs arrangements commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Union européenne) jouera également un rôle.

L’Union européenne génère près de la moitié de la valeur de la production agricole, halieutique et aquacole de la région. Ses stratégies « De la ferme à la table » et en faveur de la biodiversité témoignent de la priorité accordée à la durabilité et au renforcement de la résilience. La stratégie « De la ferme à la table » partage la vision d’un système alimentaire équitable, sain, durable et respectueux de l’environnement. Elle pourrait exercer une influence sur l’évolution de la demande, les échanges, la compétitivité et la croissance de la production dans la région. D’autres objectifs énoncés dans les réformes de la politique agricole commune (PAC), tels que la réduction de la dépendance énergétique grâce à une augmentation de la production d’énergies renouvelables, le renforcement de la résilience du secteur et la modification des régimes alimentaires, interviendront également dans l’évolution de la situation.

De toutes les régions examinées dans les présentes Perspectives, c’est l’Europe et l’Asie centrale qui sont en proie à la plus grande incertitude du fait de la guerre actuelle de la Russie contre l’Ukraine. Après plus d’un an de conflit, même en envisageant une résolution, la destruction massive des infrastructures, les pertes humaines et le déplacement de la main-d’œuvre nécessiteront des investissements considérables pour rétablir la capacité de production de la chaîne agroalimentaire. Ces incertitudes liées aux perspectives de production en Europe de l’Est apparaissent alors que les politiques adoptées au sein de l’Union européenne mettent de plus en plus l’accent sur la durabilité, ce qui entraînera une augmentation des coûts nécessaires pour accroître la production, notamment du fait des conséquences du changement climatique. Dans un contexte d’efforts visant à réduire la dépendance énergétique et à renforcer la résilience du secteur agricole, il restera essentiel d’améliorer durablement la productivité.

Comparée à la période de référence 2020-22, la valeur nette de la production agricole, halieutique et aquacole ne devrait augmenter que de 7 % d’ici à 2032, soit moins de deux fois les taux de croissance observés par le passé. Elle devrait progresser de 22 % en Asie centrale, de 11 % en Europe de l’Est, et de moins de 2% en Europe de l’Ouest, d’ici à 2032. On suppose que l’Ukraine atteindra une capacité de production historique en 2032, mais le relèvement prendra du temps. La croissance de la production en Europe de l’Est devrait être dominée par la Türkiye (26 %) et la Russie (9 %). Le Kazakhstan représentera presque un tiers de la croissance enregistrée en Asie centrale. En Russie, la hausse reposera sur la production végétale, tandis qu’en Türkiye et au Kazakhstan, elle sera due à la fois aux productions végétales et animales.

La croissance tiendra essentiellement à une amélioration de la productivité, car la superficie exploitée devrait continuer à se réduire sur le long terme. La superficie affectée à la production végétale devrait diminuer de 128 kha, soit une fraction des terres utilisées pour le pacage, qui devraient perdre 1.2 Mha. Ces valeurs agrégées masquent des différences entre les régions. En Asie centrale, par exemple, la superficie agricole totale ne devrait progresser que très légèrement, mais de manière beaucoup plus prononcée pour les pâturages que pour les cultures. En Europe de l’Est, la superficie affectée à la production végétale pourrait augmenter faiblement, mais on s’attend à un recul notable des pâturages. En Europe de l’Ouest, la contraction devrait concerner à la fois les terres utilisées pour le pacage et la production végétale.

Dans l’ensemble de la région Europe et Asie centrale, 44 % de la valeur générée par la production agricole, halieutique et aquacole provient du secteur des cultures. Une hausse de 0.9 % par an suffira à faire augmenter légèrement cette proportion d’ici à 2032. Cette croissance s’explique à la fois par l’intensification prévue en Europe de l’Ouest et en Asie centrale et par l’amélioration des rendements permise par l’innovation technologique. Une hausse des rendements est attendue pour toutes les cultures principales, de 0.7 % par an pour les céréales à 0.9 % pour les légumineuses. Cette hausse sera en partie attribuable à une augmentation de 7 % de l’emploi d’engrais par hectare de terre cultivée du fait de la normalisation des prix de ces produits.

L’accroissement de la production végétale de la région sera majoritairement associé aux céréales et aux oléagineux, essentiellement en provenance d’Europe de l’Est. La Russie, en particulier, devrait conserver un niveau de croissance soutenu pour le maïs (24 %), le blé (14 %), le soja (32 %) et les autres graines oléagineuses (19 %) au cours des dix prochaines années. En 2032, le pays devrait assurer 44 % de la production de soja de la région, 28 % de celle d’autres oléagineux et 29 % de celle de blé. Cette progression sera due à la fois à une hausse des rendements et à une expansion des surfaces cultivées, avec 2.7 Mha supplémentaires consacrés à ces quatre cultures en 2032 par rapport à la période 2020-22. La hausse des rendements devrait par ailleurs dépasser 1 % par an pour le blé et le maïs et frôler les 1 % pour les oléagineux. En dehors de la Russie, une forte augmentation de la production de blé est également attendue en Türkiye et au Kazakhstan, qui devraient respectivement enregistrer une progression de 19 % et 29 % d’ici à 2032. Si l’Ukraine a largement contribué à l’augmentation de la production par le passé, le lent relèvement qui l’attend à l’issue du conflit actuel limitera ses perspectives de croissance.

La production animale représente 46% de la production agricole, halieutique et aquacole totale de la région. Elle devrait connaître une croissance moins rapide que la production végétale, à seulement 0.4 % par an. L’Europe de l’Ouest continue de représenter 63 % de l’activité d’élevage de la région, mais un léger recul sera observé au cours de la décennie à venir dans un contexte de transition en faveur de la durabilité écologique, et sa part diminuera pour passer à 59 % en 2032. Une croissance plus vigoureuse en Europe de l’Est et en Asie centrale permettra à ces régions d’accroître leur contribution, pour atteindre respectivement 39 % et 12 % de la production animale totale de la région. La viande de volaille représentera la majeure partie de la viande supplémentaire produite d’ici à 2032, et même si la croissance devrait être soutenue dans toute la région, le surcroît de production sera essentiellement enregistré en Europe de l’Est, avec près de 40% du surplus à mettre au compte de la Türkiye. La production de viande porcine devrait perdre du terrain, principalement en raison d’une baisse de la production en Europe de l’Ouest.

Près de la moitié des produits laitiers de la région sont produits en Europe de l’Ouest, mais cette proportion devrait passer à 44 % en 2032. Cette diminution s’explique par un recul de 5 % de la production anticipé en Europe de l’Ouest, associé à une croissance de 7 % en Europe de l’Est et de 35 % en Asie centrale, qui entraîneront une hausse nette de 5 % dans la région. Le cheptel de bovins devrait augmenter en Europe de l’Est et en Asie centrale, tandis qu’une diminution de 9 % est prévue en Europe de l’Ouest, essentiellement dans les systèmes intensifs. En effet, on s’attend à ce que la transition engagée par l’Union européenne en faveur de la priorisation du développement durable réduise sa part dans la production mondiale : celle-ci devrait passer à moins de 15 % en 2032, contre 17 % pendant la période de référence 2020-22.

La production halieutique et aquacole compte pour 10 % dans la production agricole totale, une croissance de 10.5 % d’ici à 2032 suffira à maintenir cette position. La part de l’aquaculture dans la production totale devrait atteindre 25 % en 2032, grâce à une croissance de 1.6 % par an, contre seulement 0.5 % par an pour la pêche.

Les émissions directes de GES liées à l’agriculture devraient rester presque inchangées au niveau régional, avec une hausse de 0.6 % d’ici à 2032. Elles devraient notamment baisser de 5 % en Europe de l’Ouest et de 4 % dans l’Union européenne, essentiellement grâce à des diminutions dans le secteur de l’élevage. Elles devraient en revanche augmenter en Europe de l’Est et en Asie centrale, où les cheptels continueront de s’agrandir. Compte tenu de la hausse actuelle de la productivité, le volume de ces émissions rapporté à la valeur de la production agricole devrait diminuer de 6 % par rapport à la période de référence 2020-22. C’est en Europe de l’Ouest que cette baisse des émissions par rapport à la production sera la plus forte, atteignant 7%.

Malgré la relative maturité de la base de consommateurs dans la majeure partie de la région, aucun secteur n’échappe aux conséquences des perturbations que constituent notamment la pandémie de la covid-19, la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine et les pressions inflationnistes croissantes, notamment pour la nourriture. Les questions d’accessibilité financière sont particulièrement sensibles dans les régions où les mesures d’aide au revenu sont insuffisantes et où l’alimentation représente une part plus large du budget des ménages. De plus, en Europe de l’Est, la poursuite de la guerre a engendré toute une série de nouveaux problèmes de sécurité alimentaire et de perturbation des chaînes d’approvisionnement, du fait des millions de personnes déplacées, des dégâts subis par les infrastructures et les chaînes de distribution ainsi que d’une importante volatilité des prix. En dehors de la zone directement touchée par le conflit, la plupart des perturbations liées à la pandémie se sont atténuées, mais bon nombre des tendances de consommation adoptées à cette occasion (modification des canaux d’approvisionnement, augmentation des achats locaux et intérêt accru pour une alimentation saine) devraient se poursuivre, influençant la demande.

La disponibilité moyenne en calories par habitant et par jour dans la région est bien supérieure à la moyenne mondiale et devrait s’accroître de seulement 2 % ou 54 kcal par jour, ce qui la portera à plus de 3 430 kcal par jour en 2032. Cette évolution ne sera toutefois pas homogène dans toute la région. En Europe de l’Ouest, et en particulier dans l’UE, la disponibilité totale en calories devrait diminuer en raison d’une sensibilisation accrue de la base de consommateurs bien établie aux questions de santé et de durabilité (notamment d'un point de vue environnemental), qui entraînera un recul de la consommation d’huiles végétales et de produits animaux. À l’inverse, la disponibilité en calories devrait augmenter de 163 kcal par jour en Europe de l’Est et de 222 kcal par jour en Asie centrale. Ces hausses concerneront la plupart des catégories de produits alimentaires, en particulier les céréales, les huiles végétales, la viande et les produits laitiers.

La disponibilité en protéines par habitant était supérieure de près de 23 % à la moyenne mondiale durant la période 2020-22. En 2032, elle ne devrait progresser que de 4 % pour atteindre 107 g par jour. Si cette hausse est attendue dans toute la région, elle sera moins importante en Europe de l’Ouest qu’ailleurs. Plus de la moitié des protéines supplémentaires consommées devraient être issues de produits végétaux, souvent considérés comme des alternatives saines aux produits animaux. La viande et les produits laitiers afficheront également une croissance notable de 0.2 % et 0.6 % par an respectivement, mais cette hausse concernera surtout l’Europe de l’Est et l’Asie centrale. La consommation de viande devrait avoisiner 50 kg par habitant en 2032, un chiffre supérieur de plus de 67 % à la moyenne mondiale.

Au sein de l’Union européenne, la consommation de protéines est déjà importante, et les consommateurs se montrent de plus en plus sensibles aux questions de santé et aux enjeux environnementaux. La consommation de produits laitiers devrait par conséquent diminuer de 5 %. Ce groupe de produits conserve toutefois une place importante et devrait représenter 13 % de l’apport total en calories et 21 % de l’apport total en protéines en 2032. La consommation de fromage restera plus de six fois plus élevée que la moyenne mondiale, et celle de beurre, deux fois plus élevée. De même, les produits carnés constitueront 24 % de la disponibilité totale en protéines en 2032, malgré un léger déclin de la consommation totale par habitant. Le faible recul de la consommation de viande porcine, bovine et ovine devrait être en partie contrebalancé par la hausse de la consommation de volaille, dont la part dans la consommation totale de viande augmentera pour atteindre près de 30 % en 2032.

De manière générale, la consommation de poisson devrait augmenter de 5 % dans la région, avec une croissance plus rapide attendue en Asie centrale et dans l’Union européenne. En Europe de l’Ouest, les niveaux de consommation, déjà élevés, devraient dépasser de presque 10 % (soit 2 kg par habitant) la moyenne mondiale en 2032. À l’inverse, l’Asie centrale, qui part d’un niveau faible, enregistrera une hausse à peine suffisante pour atteindre 22 % de la consommation mondiale moyenne en 2032.

Cette importance relative des produits animaux se retrouve également dans la production et la consommation d’aliments pour animaux, un secteur dans lequel la région représente près d’un quart de l’utilisation mondiale. Les perspectives de croissance sont similaires à celles de la production animale, avec un net déclin attendu dans les dix années à venir. L’utilisation totale de produits d’alimentation animale devrait augmenter de 2.6 % d’ici à 2032, avec une baisse de 4 % en Europe de l’Ouest, compensée par des hausses de 12 % en Europe de l’Est et de 25 % en Asie centrale. Près de la moitié de la hausse de consommation enregistrée en Europe de l’Est sera attribuable à la Türkiye. La concentration de la croissance en Europe de l’Est explique également pourquoi la consommation animale de maïs augmentera plus rapidement que celle de blé.

La volonté de l’Union européenne d’accroître sa production d’énergies renouvelables s’inscrit dans son nouvel objectif global consistant à porter à 32 % leur part dans la consommation énergétique d’ici à 2030. Malgré la diminution attendue de la consommation d’essence et de diesel, la consommation d’éthanol devrait augmenter de près de 8 % au cours des dix prochaines années, et celle de biodiesel devrait rester stable. Compte tenu des problèmes de durabilité liés à l’huile de palme, classée à haut risque par la directive sur les énergies renouvelables, l’utilisation de cette dernière pour la production de biodiesel devrait diminuer de près de 11 %.

Les échanges commerciaux en Europe et en Asie centrale sont parmi les plus dynamiques des régions examinées dans le présent chapitre. Alors que la région était par le passé l’une des plus grosses importatrices nettes, son déficit a été divisé par trois en l’espace de dix ans. Cette évolution a essentiellement été portée par l’Europe de l’Est, en particulier la Russie et l’Ukraine, où l’excédent exportable réalisé pour la période 2020-22 dépassait le déficit enregistré dix ans plus tôt. Étant donné le conflit actuel dans la région, cette tendance devrait également se modifier, au moins à court terme (Graphique 2.19). Ces dix dernières années, l’Ukraine était à l’origine de près de 40 % de l’augmentation des exportations nettes en provenance d’Europe de l’Est. Si l’accord sur les exportations de céréales signé mi-2022 sous le nom d’Initiative céréalière de la mer Noire (Black Sea Initiative) a joué un rôle essentiel dans la poursuite des exportations depuis l’Ukraine, les volumes ont nettement diminué et la production est anticipée à la baisse en raison de la guerre ; les exportations devraient donc continuer à reculer à court terme. La poursuite de l'extension de l'accord sur les céréales reste également incertaine. La résolution du conflit permettrait la reprise de la production et des exportations à moyen terme, mais le rétablissement des capacités productives et commerciales nécessitera vraisemblablement beaucoup de temps et des investissements considérables. D’après les hypothèses de base, il faudrait attendre 2031 pour que les exportations ukrainiennes retrouvent leur niveau de 2021. Par conséquent, même si l’on estime que les exportations nettes en provenance d’Europe de l’Est augmenteront d’un peu plus de 22 % par rapport à la période de référence 2020-22, la croissance absolue des exportations nettes n’atteindra même pas la moitié du niveau enregistré durant la dernière décennie. La croissance se concentrera vraisemblablement en Russie et en Türkiye, où les exportations devraient s’accroître de 1.9 % et 2.4 % par an respectivement. Ces hausses, associées à une croissance des exportations d’Europe de l’Ouest de l’ordre de 1.8 % par an, suffiront à générer un léger excédent commercial net pour la région Europe et Asie centrale d’ici à 2032.

Le volume total des exportations de la région pourrait augmenter de 19 % d’ici à 2032 grâce à la poussée de 23 % des exportations de produits végétaux, celles des produits d’origine animale affichant une hausse plus modérée (12 %). Les exportations de céréales devraient augmenter de 20 % (soit 32 Mt) d’ici à 2032, et plus de la moitié des volumes supplémentaires seront à mettre au compte de la Russie. En 2032, l’ensemble de la région représentera 36 % des exportations mondiales de céréales, majoritairement à destination du Proche-Orient et de l’Afrique subsaharienne. La croissance étant concentrée en Russie, le blé représentera plus de la moitié des exportations de céréales supplémentaires d’ici à 2032, ce qui augmentera sa part dans le volume total des exportations de céréales de la région. Les exportations de maïs sont également anticipées à la hausse, et la région devrait intervenir pour 22 % dans les échanges mondiaux de maïs en 2032.

L’Europe et l’Asie centrale sont à l’origine de plus de 40 % des exportations mondiales de produits animaux, et près de 90 % de ces volumes proviennent de l’Union européenne. Si la croissance des exportations de produits d’origine animale de l’UE devait ralentir drastiquement par rapport à la décennie précédente, la région continuerait d’assurer 46 % des échanges mondiaux de ces produits en 2032. Elle représentera une part importante à la fois dans les produits carnés et laitiers. Compte tenu de la baisse de la production, les exportations de viande de l’UE devraient diminuer de 16 %, mais ce recul concernera surtout le secteur porcin, tandis que les exportations de volaille et de viande bovine devraient rester relativement stables. Du fait de ce fléchissement, la région ne représentera plus que 31 % des échanges mondiaux de viande porcine.

L’Union européenne, actuellement à l’origine de 28 % des exportations mondiales de produits laitiers, conservera cette part de marché grâce à une croissance de 1.6 % par an. Sa contribution relative et ses perspectives de croissance varieront selon les produits. Une part croissante de sa production de lait (en perte de vitesse) sera transformée en fromage et beurre, ce qui entraînera un essor des exportations de fromage de près de 28 % au cours des dix prochaines années tandis que celles de beurre devraient augmenter de 17%. Ses exportations de produits laitiers, pour atteindre 43 % du marché mondial en 2032. L’UE devrait en revanche voir reculer sa part dans les échanges mondiaux de lait écrémé en poudre et de lait entier en poudre.

La région est également une grosse exportatrice de produits halieutiques et aquacoles, essentiellement grâce à la Russie et à la Norvège. Elle est à l’origine de 26 % des exportations mondiales de poisson, une part plus importante que celles de toutes les autres régions examinées dans le présent chapitre. La croissance de ces exportations devrait cependant redescendre à 0.3 % par an, ce qui permettra à la région Asie de l’Est et développée d’arriver en tête des parts de marché d’ici à 2032.

Bien que la région privilégie de plus en plus les exportations, elle reste une importatrice majeure pour de nombreux produits agricoles. Ses importations devraient augmenter de 13 % d’ici à 2032, avec une croissance bien plus rapide en Asie centrale (près de 39 %, mais par rapport à un niveau de référence plus faible). Du fait de cette orientation croissante vers les exportations en Europe, associée à une hausse des importations d’Asie centrale, une part substantielle des importations supplémentaires pourrait être enregistrée au sein de la région. Environ 15 % des importations supplémentaires en Asie centrale devraient concerner les produits d’origine animale, dont l’UE est l’un des principaux fournisseurs.

Outre les produits d’origine animale, la région importe des volumes importants de riz et d’huile végétale, mais également de maïs et de tourteaux protéiques destinés à l’alimentation animale. Concernant les tourteaux protéiques et, dans une moindre mesure, le blé, sa part dans les importations mondiales devrait diminuer d’ici à 2032, en raison du ralentissement prévu de sa production animale, et donc de sa consommation d’aliments pour animaux.

La région Amérique du Nord ne compte que deux pays, mais couvre une vaste superficie, alors que ses 375 millions d’habitants représentent à peine 5 % de la population mondiale. Cette proportion pourrait légèrement diminuer d’ici à 2032 en raison d’une croissance démographique qui ne devrait pas dépasser 5.8 % sur les dix ans à venir. Plus de 80 % de la population vit déjà en milieu urbain, et cette situation devrait peu évoluer d’ici à 2032. Les États-Unis et le Canada affichent tous deux un niveau de développement élevé grâce à leur économie diversifiée et parvenue à maturité. Cela explique pourquoi l’agriculture, l’exploitation forestière et la pêche représentent moins de 2 % du PIB total de la région, et pourquoi cette faible proportion devrait encore se réduire d’ici à 2032. Cela n’empêche pas la région de jouer un rôle dans l’agriculture mondiale en assurant 11 % de la production totale.

La contribution de l’Amérique du Nord à l’agriculture mondiale s’explique par son importante superficie. La région abrite 10 % des terres agricoles à l’échelle mondiale et présente la disponibilité en terres agricoles par habitant la plus importante de toutes les régions examinées dans les Perspectives. Elle enregistre le troisième plus gros excédent commercial agricole derrière l’Amérique latine et l’Asie du Sud et du Sud-Est, et réalise 12 % des exportations mondiales. Quoique positive, la croissance de la production agricole est parmi les moins vigoureuses de toutes les régions : au cours de la dernière décennie, elle n’a devancé que l’Asie développée et de l’Est ainsi que l’Europe et l’Asie centrale. Sa part dans la production et les exportations mondiales devrait diminuer d’ici à 2032, et son excédent commercial pourrait même être divisé par quatre par rapport à son niveau actuel.

La région est extrêmement productive, et son secteur agricole se caractérise par une intensité de capital importante et une prédominance des grandes exploitations agricoles à vocation commerciale, qui affichent des rendements impressionnants. Les systèmes de production sont très exigeants en intrants, et les taux d’épandage par hectare de terre cultivée sont élevés ; la flambée du coût des engrais a donc eu de lourdes conséquences sur les marges des producteurs. Elle a également entraîné une réduction des épandages par hectare en 2022, ainsi qu’un intérêt accru pour l’optimisation de l’efficacité. Les importations d’engrais aux États-Unis ont reculé de 22 % en 2022. S’il est prévu que les prix retrouvent un niveau normal au cours de la période de projection, les taux d’épandage par hectare ne devraient pas revenir à leur niveau d’avant 2022 en raison des investissements effectués pour améliorer l’efficacité, qui permettront également de réduire encore l’utilisation d’engrais par calorie produite. La superficie agricole s’est stabilisée au cours des dix dernières années, et reste à 37 % consacrée à la production végétale. L’augmentation de la production s’explique donc principalement par des gains de productivité. L’importance relative de l’élevage se traduit par une part de 42 % de la valeur totale de la production agricole, largement supérieure à la moyenne mondiale qui s’élève à 36 %. L’Amérique du Nord produit 13 % de la valeur mondiale de la production animale malgré une part proportionnellement plus faible de cheptels, et ce grâce à une productivité élevée.

L’Amérique du Nord dispose d’une base de consommateurs bien établie et à revenu élevé, et la consommation de nourriture y est plus importante que dans n’importe quelle autre région. Les quantités de calories et de protéines disponibles pour la consommation sont respectivement 30 % et 36 % plus élevées que la moyenne mondiale. L’évolution de la demande alimentaire est donc plus susceptible d’être influencée par les préférences des consommateurs que par une augmentation des revenus. La région consomme une proportion importante de produits d’origine animale, lesquels représentent près de 30 % de l’apport total en calories et 65 % de l’apport protéique total, contre des moyennes mondiales respectivement de 18 % et 40 %. Les régimes alimentaires sont également riches en huile végétale et en édulcorants, dont les parts dans l’apport de calories s’élèvent à près du double de la moyenne mondiale. La composition des régimes alimentaires et les modes de vie observés dans la région sont à l’origine d’une montée de l’obésité et des maladies chroniques d’origine alimentaire comme le diabète, même si la pandémie de la covid-19 a contribué à promouvoir des habitudes alimentaires plus saines. Cela pourrait avoir des répercussions durables sur les préférences des consommateurs, et l’apport total en calories devrait diminuer d’ici à 2032.

Même en pleine pandémie, la consommation totale de nourriture est restée forte, ce qui s’explique par la maturité de la base de consommateurs de la région, mais également par les mesures d’aide au revenu qui ont atténué les effets des contraintes économiques sur le pouvoir d’achat. Cet événement a néanmoins exercé une influence profonde sur la composition et la répartition des ventes de produits alimentaires. Les dépenses de restauration hors domicile ont chuté, tandis que les ventes au détail se sont accrues, entraînant des changements notables dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire afin de s’adapter à la demande ainsi qu’aux tailles d’emballage nécessaires. Selon Weersink et al. (2021[10]), s’il a fallu du temps pour s’adapter à ces évolutions, les ajustements opérés dans la chaîne d’approvisionnement ont amélioré sa résilience face aux chocs futurs.

Malgré des revenus et un apport alimentaire moyens élevés, la région n’échappe pas aux problèmes de sécurité alimentaire aux niveaux les plus bas de l’échelle des revenus. Même avant la pandémie, on estimait que 10 à 13 % de la population de la région était confrontée à l’insécurité alimentaire (Tarasuk et Mitchell, 2020[11]). Bien que les mesures d’aide au revenu aient atténué ce phénomène, la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée à forte a augmenté pour la première fois en 2020, et est restée importante en 2021 dans un contexte de hausse des prix alimentaires. L’environnement actuel, caractérisé par un resserrement des conditions financières, une forte inflation et le maintien des prix alimentaires à un niveau élevé, compromettra l’accessibilité financière et limitera vraisemblablement les améliorations notables en matière de sécurité alimentaire en 2022 et 2023.

La région a connu une reprise vigoureuse après la récession provoquée par la pandémie en 2020, et le rebond de 5.4 % enregistré pour le PIB par habitant en 2021 a fait remonter le revenu moyen par habitant à un niveau plus élevé qu’avant la pandémie. Cette dynamique n’a toutefois pas duré, et la guerre de la Russie contre l’Ukraine a donné un nouvel élan à la hausse de l’inflation et des prix de l’énergie, faisant redescendre la croissance du PIB par habitant à 1.6 % en 2022. Ce ralentissement devrait se poursuivre pour atteindre à peine 0.1 % en 2023. Les perspectives resteront influencées par le resserrement des conditions financières, du fait d’une politique monétaire visant à maîtriser l’inflation dans le contexte de la guerre en Ukraine. À moyen terme, la croissance du revenu par habitant devrait se rétablir à une moyenne de 1.1 % par an, pour dépasser les 62 100 USD par habitant en 2032.

L’utilisation industrielle de produits agricoles est importante en Amérique du Nord, et les États-Unis sont le premier producteur de biocarburant au monde, avec près de 38 % de la production mondiale. Il s’agit principalement d’éthanol produit à partir de maïs, mais également de biodiesel obtenu à partir d’huile de soja et d’huiles de cuisson usagées. La consommation de biocarburants aux États-Unis est favorisée par la norme sur les carburants renouvelables (en anglais, Renewable Fuel Standard). Le pays exporte également des quantités substantielles d’éthanol au Canada.

Le secteur de l’agriculture en Amérique du Nord est productif, résilient et parvenu à maturité. Il contribue de façon considérable à la production et aux exportations mondiales de plusieurs produits. Sa capacité à accroître sa production pourrait s’avérer essentielle pour normaliser des prix actuellement élevés en raison du conflit en cours dans la région de la mer Noire, en particulier si les conditions météorologiques sont favorables. Néanmoins, ce secteur rencontre également des difficultés, et les données probantes indiquent que sa productivité, historiquement impressionnante, a marqué le pas ces dix dernières années (Fuglie, 2015[12]) et que la montée irrésistible des coûts environnementaux risque de compromettre sa compétitivité à l’avenir.

L’augmentation de la production agricole, halieutique et aquacole en Amérique du Nord devrait se poursuivre, mais à un rythme nettement moins soutenu que par le passé. La force du dollar américain est un facteur contributif, combiné à l’attente que la plupart des prix se normaliseront à partir des niveaux élevés actuels et, à moyen terme, reviendront à une tendance à long terme de baisse en termes réels. La croissance de la production végétale devrait dépasser celle de l'élevage, inversant la tendance qui s'est dessinée au cours de la dernière décennie. Pour une augmentation de 12% de la production d’ici 2032, la part des cultures dans la valeur totale de la production devrait encore augmenter pour atteindre près de 55 %, 42 % seront attribués au bétail et seulement 4% au poisson.

Après un recul historique, la superficie des terres agricoles s’est stabilisée au cours de la dernière décennie. La superficie exploitée ne devrait guère évoluer d’ici à 2032, hormis peut-être la réaffectation de certaines parcelles de terres cultivées au pacage aux États-Unis. Malgré la diminution de 1.9 % des terres utilisées pour la production végétale que cela va engendrer d’ici à 2032, ce secteur devrait accroître sa production de 0.8 % par an en moyenne, grâce à l’effet combiné de l’intensification des cultures et de l’augmentation des rendements. Au total, la superficie récoltée devrait diminuer de 1.2 Mha, soit moins de la moitié de la réduction des surfaces exploitées. De même, on s’attend à une hausse de 14 % de la valeur totale de la production végétale par hectare de terre. Cette progression sera plus prononcée au Canada, où elle viendra inverser une tendance historique au déclin.

Les terres affectées à la culture de céréales et d’oléagineux devraient s’étendre de seulement 2.4 % d’ici à 2032, mais constitueront encore la majeure partie de la superficie récoltée totale, avec presque 60 % consacrés au maïs, au blé et au soja. Pour ce qui est des cultures plus modestes, les surfaces dédiées aux légumineuses et au coton pourraient s’agrandir respectivement de 28 % et 11 %. Malgré un essor plus rapide, les légumineuses ne représenteront encore que 4 % de la superficie agricole totale de la région, alors que leur part atteindra 14 % au Canada. La hausse des rendements devrait rester vigoureuse pour tous les produits, mais les taux de croissance seront variables. Le rendement moyen du maïs dépasse déjà les 10 tonnes par hectare pour la période de référence 2020-22, un chiffre supérieur de 80 % à la moyenne mondiale. D’ici à 2032, il ne devrait augmenter que de 5 %. Les rendements devraient également progresser de 7 % pour le soja, mais afficher une hausse plus importante pour le blé (13 %) et les autres céréales secondaires (16 %). Cette amélioration pallie dans une certaine mesure le fléchissement brutal enregistré pour les rendements de blé et d’orge en 2021 en raison des mauvaises conditions météorologiques, en particulier au Canada.

Les systèmes de production de viande en Amérique du Nord sont extrêmement intensifs, et leur rentabilité a été mise à rude épreuve ces dernières années, dans un premier temps à cause du faible niveau des prix durant le confinement lié à la pandémie en 2020, puis en raison de l’envolée durable des coûts de l’alimentation animale. À court terme, ces facteurs conjugués ont entraîné une diminution des volumes de production pour la viande porcine et bovine, ainsi qu’un ralentissement spectaculaire de la production de volaille. Si une reprise de la production est évidemment anticipée à moyen terme après le retour à la normale des prix des aliments pour animaux, les résultats nets de la production de viande afficheront une croissance nettement plus lente ; celle-ci ne devrait augmenter que de 5.4 % pour avoisiner 56 Mt en 2032. Les États-Unis devraient y contribuer à hauteur de 90 %. La production de volaille devrait augmenter plus rapidement que celle de tout autre type de viande, avec une hausse de 8.2 % sur dix ans, contre seulement 3.3 % pour le porc et 2.6 % pour la viande bovine, dont les cycles de production sont plus longs et sur lesquels les effets d’une meilleure rentabilité se font sentir plus tardivement. Alors que l’amélioration de la rentabilité à moyen terme pourrait entraîner une légère hausse de la production avicole et porcine, la croissance de la production bovine est exclusivement due aux gains de productivité et à l’augmentation des poids carcasse, les effectifs bovins ne devant pas retrouver leur niveau préalable à 2022 avant 2032.

La production laitière devrait augmenter davantage que la production de viande ; d’ici à 2032, elle pourrait croître de 14 % par rapport à la période de référence 2020-22. Ces gains sont essentiellement dus à l’augmentation des rendements laitiers, qui sont déjà les plus élevés toutes régions confondues. Les effectifs du cheptel bovin devraient augmenter de 2 % seulement, principalement aux États-Unis, le cheptel laitier du Canada demeurant en grande partie inchangé. D’ici à 2032, les rendements laitiers devraient augmenter de 10 % et 20 % respectivement aux États-Unis et au Canada. Compte tenu des préférences des consommateurs, une part croissante de la production totale de lait devrait être transformée en produits comme le fromage, le beurre et les poudres de lait, tandis qu’une moindre part sera consacrée au lait liquide.

La pêche représente toujours l’essentiel de la production halieutique et aquacole en Amérique du Nord. Malgré une relative stabilité attendue d’ici à 2032 dans le secteur de la pêche, 88 % de la production totale devrait encore provenir de la pêche proprement dite, la production aquacole devant augmenter de 4.3 % seulement. Cette tendance reflète également les lourdes répercussions que les réglementations environnementales entraîneront sur la production. Actuellement, 84 % de la production totale provient des États-Unis, mais l’essentiel de la croissance devrait venir du Canada.

L’Amérique du Nord est responsable de 7 % des émissions mondiales de GES directement liées à l’agriculture, soit un chiffre inférieur à sa part dans la production mondiale. Alors que les émissions totales du secteur de l’agriculture devraient augmenter de 1.5 % au cours des dix prochaines années, les émissions totales par unité de valeur de production devraient continuer à diminuer. Les autres émissions proviennent essentiellement de la production animale, avec des augmentations de 0.45 % par an, contre 0.12 % par an pour la production végétale.

Compte tenu du haut niveau de développement des économies américaine et canadienne, leurs consommateurs à haut revenu consacrent en moyenne 6 % de leur budget à l’alimentation. Cela signifie que le cycle actuel de hausse des prix alimentaires posera moins de difficultés financières que dans la plupart des autres régions, et que les projections relatives à la demande à moyen terme dépendront dans une large mesure des préférences de ces consommateurs, l’influence de leurs moyens économiques étant comparativement moindre. Un grand nombre des évolutions attendues concernant ces préférences sont liées à l’importance accrue accordée à une alimentation saine, qui a été amplifiée par la pandémie de la covid-19. Ce changement aurait une incidence sur la quantité absolue de calories consommées, ainsi que sur leur composition.

La quantité totale de calories disponibles pour la consommation humaine, qui inclut des volumes importants de déchets ménagers, est la plus élevée au monde. D’ici à 2032, elle devrait baisser de près de 80 kcal par personne et par jour, pour atteindre 3 750 kcal par personne par jour, soit un chiffre encore supérieur de 22 % à la moyenne mondiale. En tenant compte des estimations actuelles des volumes de déchets ménagers, l’apport calorique serait de 3 480 kcal par personne et par jour. L’essentiel de cette baisse provient des États-Unis, la diminution attendue au Canada étant nettement moindre. En ce qui concerne la composition, l’importance accrue accordée à la santé pourrait amener les consommateurs à se tourner vers les produits frais, la consommation de fruits par habitant devant augmenter de 14 %. On devrait également observer une réduction de la consommation de certains produits tels que les huiles végétales (- 8 %), les édulcorants (- 8.5 %) et les céréales (- 1.2 %). La consommation de viande devrait rester relativement stable, en hausse d’à peine 0.6 % sur dix ans, tandis que la consommation de produits laitiers (en extrait sec) pourrait augmenter de 3 %, et celle de légumineuses, souvent perçues comme des produits plus sains, de 24 %. Cette hausse part toutefois d’un niveau initialement bas et, en 2032, la consommation de légumineuses par habitant représentera encore moins de la moitié de la moyenne mondiale, tandis que la consommation de produits tels que les huiles végétales ou les édulcorants restera respectivement supérieure de 125 % et de 77 % à la moyenne mondiale.

En Amérique du Nord, l’apport protéique devrait croître de 1.8 g par personne et par jour d’ici à 2032, pour atteindre 116 g par personne par jour, soit un chiffre encore supérieur de 30 % à la moyenne mondiale. Cette hausse provient essentiellement de sources animales, lesquelles devraient augmenter de 2 % sur dix ans, contre à peine 0.4 % pour les sources végétales. Si la consommation de viande reste relativement stable, l’augmentation de la consommation de produits avicoles et porcins, combinée à la réduction de la consommation de viande bovine et ovine, permet encore une augmentation de 1.7 % de la disponibilité en protéines provenant de produits carnés. De même, l’augmentation de la consommation de produits laitiers reflète une hausse de près de 17 % de la consommation de fromage, contre une augmentation de 2.4 % de la consommation de beurre et une baisse de la consommation de lait en poudre et de produits laitiers frais. Globalement, cela se traduit par une augmentation de 1.9 % de la part des protéines provenant des produits laitiers d’ici à 2032. La consommation par habitant de produits à base de poisson devrait elle aussi augmenter pour atteindre 23 kg par habitant en 2032, soit une hausse de 2.5 % par rapport à la période 2020-22. Dans le cas des sources de protéines d’origine végétale, le gain protéique de 0.4 g par personne et par jour provenant des légumineuses est presque totalement annulé par la baisse de la consommation de céréales.

Compte tenu de l’intensité de la production animale dans la région, l’utilisation d’aliments pour animaux est déjà importante, les calories destinées à l’alimentation animale étant déjà supérieures à celles destinées à l’alimentation humaine au cours de la période de référence (Graphique 2.23). Parallèlement à l’augmentation de la production de porc et de volaille, l’utilisation d’aliments pour animaux devrait s’accroître de 13 % au cours de la prochaine décennie, le maïs et les tourteaux protéiques représentant presque 90 % de l’apport de nourriture supplémentaire. D’ici à 2032, la part du maïs dans l’utilisation totale des aliments pour animaux pourrait atteindre 55 %, tandis que la part des tourteaux protéiques restera relativement stable à 17 %.

Dans la région, la production de biocarburants constitue un débouché de taille pour les céréales fourragères, et représente plus de calories que l’alimentation humaine ou animale au cours de la période de référence (Graphique 2.23). L’augmentation de 15 % de la production de biocarburant anticipée en 2032 reflète l’importance accrue accordée à la durabilité. Près des deux tiers de cette croissance sont attribuables au biodiesel, soutenu par le relèvement des objectifs en matière de carburants renouvelables et par les crédits d’impôt pour le diesel à base de biomasse. Les huiles de cuisson usagées devraient être de plus en plus utilisées pour la production de biocarburants. La croissance de la production d’éthanol est plus lente, en partie du fait de la réduction de la consommation d’essence. La croissance positive de la production reflète le développement de quelques mélanges E15 supplémentaires, mais la majeure partie de l’essence sera toujours mélangée à 10 %, car les contraintes infrastructurelles et technologiques limitent l’adoption à plus grande échelle de mélanges à concentration moyenne ou forte.

Conformément à la tendance qui a prévalu au cours de la dernière décennie, la baisse de l’excédent des échanges de produits agroalimentaires de l’Amérique du Nord devrait se poursuivre, et pourrait être près de 75% inférieur aux niveaux actuels d’ici à 2032. Cette évolution fait suite à la croissance des importations nettes, qui devraient augmenter de 20 % sur dix ans, soit plus du double de la hausse attendue des exportations nettes, qui n’augmenteront que de 8.6 %. L’évolution des échanges aux États-Unis se distingue de celle du Canada, où l’excédent commercial devrait augmenter de 3 % par an, les États-Unis passant d’une situation excédentaire au cours de la période de référence 2020-22 à une situation déficitaire en 2032.

Parmi les facteurs qui ont contribué à la forte décélération de la croissance des exportations américaines figurent le ralentissement de la demande mondiale, ses relations commerciales avec la Chine, plus grand importateur de produits américains, et la concurrence croissante de l’Amérique latine. Après une période de turbulences, les relations commerciales entre les États-Unis et la Chine se sont améliorées, ce qui semble indiquer que le ralentissement prévu résulte surtout de la dynamique de la demande chinoise. La croissance historique des échanges a été principalement tirée par les produits destinés à l’alimentation animale, tels que le soja et le maïs, en raison du développement rapide des exploitations porcines et avicoles en Chine, notamment au cours de la période de reconstruction qui a suivi l’épidémie de peste porcine africaine. En conséquence, les importations de soja ont augmenté de près de 4 % par an au cours de la dernière décennie. Suivant l’évolution de la production de viande en Chine, ces importations devraient se maintenir, mais leur croissance se limitera à 0.7 % par an. Dans le cas du maïs, les importations de la Chine devraient diminuer. Dans un contexte de concurrence accrue de l’Amérique latine, la réduction des exportations américaines de soja et de maïs (8 % chacun) marque un revirement de taille, puisque ces deux produits représentaient à eux seuls 45 % de la croissance des exportations au cours de la dernière décennie. Sur fond de ralentissement de la demande chinoise, les perspectives de croissance des exportations pourraient venir de la région elle-même, grâce à l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (ACEUM) mis en place le 1er juillet 2020 pour remplacer l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Le Canada est le plus gros importateur des produits américains, et les échanges dans le cadre de l’accord connaissent déjà une nette augmentation depuis son entrée en vigueur.

Parallèlement à la baisse de son excédent commercial, l’Amérique du Nord devrait également occuper une place moins importante dans les échanges mondiaux de plusieurs produits. C’est notamment le cas du soja et du maïs, pour lesquels sa part dans les exportations mondiales pourrait tomber à respectivement 34 % et 29 % d’ici à 2032, en raison de la concurrence croissante de l’Amérique latine et des Caraïbes. En revanche, elle devrait gagner des parts sur le marché du blé, en partie du fait de la guerre qui se déroule actuellement dans la région de la mer Noire et qui limite la croissance des exportations notamment en provenance d’Ukraine. Par ailleurs, l’Amérique du Nord devrait accroître sa part dans les exportations mondiales d’éthanol, pour atteindre près de 58 % en 2032. De même, sa part dans les exportations mondiales de porc pourrait passer à 44 %, tandis que sa contribution aux exportations mondiales de produits laitiers pourrait atteindre 17 %, essentiellement sous l’effet de la hausse des exportations de lait écrémé en poudre.

Malgré son excédent commercial et son rôle de premier plan dans les exportations mondiales, l’Amérique du Nord est également un importateur majeur de plusieurs produits, dont le poisson, la viande bovine et la viande ovine. Si sa part dans les importations de viande bovine et ovine continue de baisser, à tel point que la région est devenue un exportateur net de produits bovins au cours de la dernière décennie, elle devrait encore représenter 14 % des importations mondiales en 2032. Dans le cas du poisson, ses importations continuent d’augmenter au rythme de 1.1 % par an, et elle comptera pour 16 % des importations mondiales de poisson d’ici à 2032. La région est également un importateur majeur de fruits et de légumes frais, dont les importations devraient continuer à augmenter pour représenter respectivement 18 % et 23 % des importations mondiales d’ici à 2032.

La région Amérique latine et Caraïbes16 s’étend sur quelque 2 milliards d’hectares et recèle d’abondantes ressources agricoles. Elle compte plus de 650 millions d’habitants, soit près de 8.5 % de la population mondiale. Bien que sa densité moyenne de population soit peu élevée, elle est la région en développement la plus urbanisée au monde. D’ici à 2032, sa population devrait dépasser les 700 millions d’habitants, dont 84 % pourraient résider en milieu urbain. Si la majorité des habitants pauvres de la région vivent dans les villes, le taux de pauvreté n’en reste pas moins élevé dans les campagnes, ce qui pose d’importantes difficultés.

Les perturbations des trois dernières années ont anéanti des années de progrès en matière de réduction de la pauvreté et de la faim dans la région. Au plus fort de la pandémie de la covid-19 en 2020, la combinaison de la récession économique, de la détérioration de la situation financière et des perturbations de la chaîne de valeur a entraîné une hausse considérable de la prévalence de la sous-alimentation et de l’insécurité alimentaire. Selon la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes, la pandémie a fait grimper le taux d’extrême pauvreté à 13,8 % en 2021 dans la région, d’où il découle que le nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté a atteint 86 millions. Pendant la période de hausse des prix alimentaires qui a suivi la pandémie, la prévalence de la sous-alimentation a encore augmenté et atteint en 2021 des niveaux observés en 2006. En 2022, la persistance des prix mondiaux élevés des denrées alimentaires, exacerbée par la guerre de la Russie contre l’Ukraine et combinée à une inflation générale élevée, n’a pas permis d’améliorer l’accessibilité financière des produits alimentaires et donc la sécurité alimentaire de cette région qui, par rapport aux autres régions couvertes dans ce chapitre a le coût pour une alimentation saine le plus élevé (FAO, IFAD, PAHO, PAM et UNICEF, 2023[13]).

Une bonne partie de la région pâtit de perspectives économiques incertaines depuis plusieurs années, et le revenu par habitant s’est contracté de 1.5 % par an en moyenne au cours de la décennie écoulée. Les problèmes structurels antérieurs ont accentué les effets de la pandémie de la covid-19 et, en 2020, le PIB par habitant a reculé de 7.1 %. Stimulé par le prix élevé des matières premières et le rôle essentiel joué par les échanges dans la région, le PIB a connu un rebond de 5.9 % en 2021 et 2.7 % en 2022, permettant au revenu par habitant de dépasser les niveaux enregistrés avant la pandémie. En 2023, ce rebond fait face à de nouveaux obstacles : l’inflation a atteint son niveau le plus élevé depuis 25 ans, entraînant une hausse des taux d’intérêt, et la conjoncture mondiale est moins favorable. Les prix des matières premières sont en baisse, et la demande mondiale s’affaiblit dans un contexte financier qui se durcit. En conséquence, la croissance du PIB par habitant devrait ralentir en Amérique latine et dans les Caraïbes, pour atteindre moins de 1 % en 2023. L’ampleur du rebond et du ralentissement qui s’ensuit varie d’un pays à l’autre, en fonction de la composition de l’activité économique et de l’importance des risques intérieurs qui amplifient les effets mondiaux.

D’après les prévisions, le PIB par habitant progressera à moyen terme au rythme de 1.6 % par an, pour avoisiner 10 500 USD par habitant en 2032, soit seulement 6% de plus qu’en 2014. Ce chiffre restera inférieur de 21 % à la moyenne mondiale qui est de 13 342 USD. Dans la région, on estime que les ménages consacrent en moyenne 16 % de leurs dépenses totales à l’alimentation. Cela donne à penser que le cycle actuel de hausse des prix alimentaires, combiné à une inflation élevée et à un ralentissement de la croissance des revenus à court terme, pourrait avoir de lourdes répercussions sur la sécurité alimentaire au cours de la prochaine décennie17. Dans les pays particulièrement touchés par l’instabilité macroéconomique, ces répercussions pourraient se faire sentir encore plus sévèrement.

L’agriculture de la région se caractérise par une grande diversité. De petites exploitations et des exploitations familiales, dont le nombre s’élève à 15 millions assurent une grande partie de la production alimentaire de la région (OCDE/FAO, 2019[14]). L’agriculture ainsi que la production halieutique et aquacole représentent près de 8 % du PIB total. Cette part a augmenté au plus fort de la pandémie, grâce à de solides rendements et à l’exemption des mesures de confinement pour le secteur agricole. Le maintien de prix alimentaires élevés a profité à la productivité agricole, permettant à ce secteur de conserver sa part dans le PIB total. Alors que la reprise se poursuit dans d’autres secteurs et que les prix des matières premières reviennent à la normale, la part de l’agriculture et de la production halieutique et aquacole dans l’activité économique totale devrait régresser à moins de 7 % en 2032. Des obstacles à court terme tels que la sécheresse au Brésil ou en Argentine pourraient accélérer ce recul.

La région contribue dans une large mesure à l’agriculture mondiale. Entre 2020 et 2022, elle représentait 14 % de la valeur nette de l’agriculture et de la production halieutique et aquacole à l’échelle mondiale, et 17 % des exportations totales. L’importance des exportations agricoles de la région se traduit également par sa part croissante dans la valeur totale de la production, qui s’élève à 45 %. La hausse historique des exportations bénéficie d’un regain de compétitivité : la productivité totale des facteurs a augmenté de 40 % entre 2000 et 201918. Malgré une diminution du facteur travail, la croissance de la production est soutenue par l’essor des intrants physiques, et plus particulièrement des engrais dont l’utilisation a été multipliée par deux entre 2000 et 2019. La pression croissante exercée sur les coûts ces deux dernières années, combinée à des contraintes de disponibilité liées à la guerre de la Russie contre l’Ukraine en 2022, a réduit les taux historiquement élevés d’application des engrais. La croissance attendue au cours des dix prochaines années étant principalement portée par les exportations, l’utilisation efficace des intrants et le succès de la stratégie d'atténuation et d'adaptation au changement climatique seront essentiels pour maintenir et accroître la compétitivité, tout comme le seront les approches mondiales en matière d’ouverture commerciale et le renforcement de l’attention accordée par certains grands importateurs à la durabilité environnementale. Si la région est en grande partie tournée vers l’exportation, ses échanges intérieurs sont faibles et certains des pays qui la constituent, comme le Panama, El Salvador et la plupart des Caraïbes, ont le statut d’importateur net.

En tant que plus grande importatrice nette des régions étudiées dans ces Perspectives, il est paradoxal de constater que certaines de ses principales difficultés concernent la sécurité alimentaire. Les obstacles rencontrés résultent davantage de contraintes liées à l’accessibilité financière que d’un manque de disponibilité alimentaire, et sont sous-tendus par des problèmes de répartition des revenus et par des prix actuellement élevés. L’augmentation de la pauvreté au cours de la dernière décennie, exacerbée par des perturbations telles que la pandémie et l’instabilité macroéconomique dans de nombreux pays, a largement contribué à ces difficultés. L’orientation marquée de la région vers les exportations a protégé la croissance du secteur contre les difficultés macroéconomiques, mais elle l’a également rendue vulnérable à une volatilité croissante, un contexte financier plus tendu et une demande d’importations en baisse à l’échelle mondiale sur le court terme. À la suite de la pandémie, l’importance accrue accordée au développement des chaînes d’approvisionnement nationales et la prise de conscience des enjeux de durabilité environnementale par certains importateurs pourraient influencer les politiques commerciales et les perspectives d’exportation ultérieures. La concentration croissante des exportations par pays de destination, qui expose la demande d’exportations à des risques de marché plus élevés, engendre d’autres problèmes d’ordre commercial. Outre les risques liés au commerce, les stratégies d'adaptation des secteurs et la résilience aux impacts du changement climatique seront essentielles pour une croissance soutenue.

D’après les prévisions, la production végétale, halieutique et aquacole de la région augmentera de 12 % d’ici à 2032, mais à un rythme nettement moins soutenu. Près de 70 % de cette croissance devrait provenir de la production végétale (+ 17 %), contre une progression plus modérée de 11 % pour le secteur de l’élevage, et un recul de 10 % en valeur de la production halieutique et aquacole. Par conséquent, la part des cultures dans la valeur totale de la production devrait encore augmenter de près de 60 % à l’horizon 2032, avec une hausse de 42 % pour l’élevage et de 9 % pour la production halieutique et aquacole.

La région étant riche en terres, l’expansion et l’intensification permettront d’accroître considérablement la production végétale. La superficie totale affectée à l’agriculture devrait augmenter de 6.3 Mha, inversant ainsi une tendance historique à la baisse. Les surfaces cultivées augmenteront de 7.1 Mha, et les surfaces de pâturage connaîtront une légère réduction. Avec la pratique croissante de la double culture, l’augmentation de la superficie récoltée totale, qui s’élève à 7 %, est beaucoup plus rapide que celle des terres cultivées. Sur les 13.9 Mha supplémentaires de surfaces récoltées en 2032, plus de la moitié seront consacrées au soja et au maïs, qui représenteront respectivement 29 % et 23 % de cette augmentation d’ici à 2032. La région produit déjà plus de la moitié du soja mondial, et sa part devrait passer à 54 % du total en 2032. Par conséquent, les fluctuations de l’approvisionnement dans la région, notamment au Brésil qui en est le principal producteur, peuvent entraîner une forte volatilité des cours mondiaux. C’est ce qu’a montré la forte augmentation des prix du soja dans un contexte de sécheresse en 2021 et, compte tenu du changement climatique en cours, de tels événements pourraient devenir plus fréquents. De nombreux pays de la région sont déjà confrontés à des conditions de sécheresse prolongées, qui influent sur le potentiel de production, ainsi qu’à une prévalence de catastrophes naturelles telles que les incendies de forêt. Dans des conditions météorologiques normales, la région est amplement en mesure de pallier les déficits d’approvisionnement dus au ralentissement de la production en Ukraine, mais l’incertitude croissante liée à la guerre qui se déroule actuellement dans la région de la mer Noire accentue la réactivité des prix face aux conditions climatiques dans la région Amérique latine et Caraïbes. Bien que sa contribution à la production mondiale de maïs soit inférieure à celle du soja, il suffit que la production augmente de 1.5 % par an pour porter la part de la région à 19 % dans la production totale de maïs d’ici à 2032, le Brésil y contribuant pour plus de moitié.

Outre l’extension des surfaces, la hausse des rendements a également joué un rôle déterminant dans la forte croissance de la production de la région. La région est une grosse consommatrice d’engrais, et les taux d’application par hectare ont augmenté plus rapidement que dans toute autre région ces dix dernières années. La hausse récente des prix a entraîné une prise de conscience concernant la nécessité d’utiliser plus efficacement les engrais au cours de la prochaine décennie, et les taux d’application par hectare devraient augmenter de 4 % seulement. Toutefois, la combinaison de l’innovation technologique et de pratiques visant à optimiser l’efficacité permettrait d’augmenter les rendements attendus de la plupart des cultures principales, notamment une hausse de 9 % pour les céréales et de 12 % pour les oléagineux d’ici à 2032. Cela permettrait également d’accroître de 12 % la valeur nette de la production par hectare de terre cultivée, et de réduire de 6 % la quantité d’engrais nécessaire par calorie produite.

La région fournit 16 % de la production animale mondiale et, bien que la hausse de 1 % par an soit moins rapide que dans le secteur des cultures, elle est suffisante pour maintenir sa contribution à la valeur mondiale. Les perspectives de croissance sont sensibles aux risques posés par les maladies animales. La volaille devrait connaître une croissance plus rapide que les autres viandes et représentera un peu plus de 60 % de la production supplémentaire de viande en 2032. Son court cycle de production permet d’améliorer rapidement la génétique et la conversion alimentaire, soutenant ainsi les perspectives de croissance, tandis que la baisse des prix de l’alimentation animale à moyen terme par rapport à la viande favorisera l’expansion. Si les productions bovine et porcine devraient progresser respectivement de 0.9 % et 1.2 %, le secteur bovin étant plus important, il représentera 22 % de la production supplémentaire de viande en 2032. Les gains de productivité seront essentiels à la croissance, car une augmentation de 3 % seulement du cheptel bovin se traduira par une hausse de 9 % de la production de viande bovine d’ici à 2032.

La production halieutique et aquacole ne représente que 11 % de la valeur totale de la région, et cette part devrait tomber à 9 % en 2032, en raison d’une contraction de 10 % de la production totale. La production provient encore majoritairement de la pêche, mais l’aquaculture se développe dans plusieurs pays et devrait représenter 30 % de la production halieutique et aquacole totale d’ici à 2032. Les chiffres de la pêche proprement dite devraient continuer à varier au cours de la période de projection sous l’influence du phénomène El Niño, dont les effets particulièrement sévères dans la région tendent à se répercuter sur les captures de poissons utilisés pour produire la farine et l’huile de poisson.

Les émissions de GES imputables à l’agriculture devraient augmenter de 3 % au cours des dix années à venir, et proviendront à la fois des produits animaux et végétaux. En 2032, la région devrait compter pour 18 % dans les émissions mondiales d’origine agricole, soit un chiffre supérieur à sa part dans la production totale. Néanmoins, rapporté à la valeur nette de la productivité agricole, le niveau des émissions par unité de valeur de production devrait fléchir régulièrement au cours de la prochaine décennie.

Après une décennie de croissance dans la région, la disponibilité totale en calories stagne depuis 2015. Cette tendance reflète l’évolution des niveaux de revenu par habitant, qui ont baissé en raison de l’instabilité macroéconomique. Plus récemment, la récession provoquée par la pandémie en 2020 et la hausse des prix alimentaires qui en a résulté ont encore réduit l’accessibilité financière des produits alimentaires nutritifs, ce qui s’est traduit par plusieurs années consécutives de baisse de la quantité de calories disponibles pour la consommation. D’ici à 2032, l’apport calorique moyen par habitant devrait atteindre 3 111 kcal par personne et par an, mais à un rythme lent, de 3 % sur dix ans. Cela représente une hausse de 89 kcal seulement par personne et par jour, grâce à une augmentation de la consommation de céréales, de viande, de produits laitiers et d’huiles végétales, et à la diminution de la consommation de sucre. Malgré une baisse de 2 kg par personne et par an en 2032, la consommation de sucre reste élevée dans la région, celle-ci étant supérieure de presque 65 % à la moyenne mondiale.

Dans une région en proie au double fardeau de l’insécurité alimentaire persistante et de la malnutrition sous toutes ses formes, et dans un contexte d’augmentation de la prévalence du surpoids et de l’obésité, la réduction de la consommation de sucre reflète une sensibilisation accrue aux questions de santé, qui bénéficie de la mise en place d’initiatives telles que la législation relative à l’étiquetage à l’avant des emballages et les taxes sur les boissons sucrées. Si les efforts destinés à encourager une alimentation saine commencent à porter leurs fruits, le cycle actuel de hausse des prix alimentaires continue de mettre en péril la sécurité alimentaire et la qualité nutritionnelle. La persistance des coûts élevés pour une alimentation saine et contraintes d’accessibilité qui pèsent sur les populations à faible revenu ont des conséquences à la fois sur la qualité et sur la quantité de l’apport alimentaire, malgré les effets positifs d’initiatives telles que les programmes d’alimentation scolaire, dont bénéficieraient 37 % des plus pauvres.

La consommation de protéines par habitant devrait atteindre 90 g par personne et par jour en 2032, soit une augmentation de 3.5 g par personne par rapport aux niveaux actuels. Cette hausse est principalement à mettre au compte des produits animaux, qui représentent les deux tiers de l’augmentation de l’apport protéique. La consommation de viande devrait augmenter de 2.9 kg par personne pour atteindre près de 53 kg par personne et par an à l’horizon 2032, soit près de 80 % de plus que la moyenne mondiale. Cette croissance provient de la volaille et du porc, dont la consommation devrait augmenter de 0.6 % par an, tandis que la consommation de viande bovine devrait enregistrer un léger recul en 2032. La consommation de poisson reste faible dans la région, environ la moitié de la moyenne mondiale, mais elle devrait croître de 0.3 % par an pour atteindre 11 kg par personne et par an d’ici à 2032.

La consommation d’aliments pour animaux devrait augmenter de 13 % sur les dix prochaines années, soit une hausse plus rapide que la production de viande et de produits laitiers. Cette hausse intervient malgré des améliorations génétiques attendues, lesquelles permettraient d’obtenir de meilleurs ratios de conversion alimentaire, et reflète l’intensification accrue des systèmes de production animale, essentielle à la croissance. Plus de 60% de la consommation supplémentaire d’aliments pour animaux proviendront du maïs et 24 % des tourteaux protéiques, ce qui reflète les proportions types des rations utilisées pour la volaille, entraînant une hausse de 15% de la consommation de l’alimentation animale en maïs et en tourteaux protéiques.

La région est également un acteur de poids sur le marché mondial de l’éthanol, et sa part dans la production mondiale devrait augmenter de 31 % d’ici à 2032. Près de 90 % de l’éthanol produit et consommé dans la région provient du Brésil. Portée par le programme RenovaBio, qui vise à réduire l’intensité des émissions au titre des engagements pris lors de la COP21, la consommation d’éthanol devrait progresser de 36 % au cours de la prochaine décennie. Sa production augmente à un rythme légèrement inférieur, 34 %, et la canne à sucre devrait rester la principale matière première utilisée pour sa fabrication. En conséquence, la part du Brésil dans les exportations mondiales d’éthanol pourrait tomber à 16 % en 2032.

Parmi toutes les régions étudiées dans ce chapitre, la région Amérique latine et Caraïbes est le premier exportateur net. Les exportations jouent un rôle essentiel dans sa croissance agricole, en réduisant son exposition à l’instabilité macroéconomique de la région et en améliorant sa résilience aux chocs exogènes. La part des exportations dans la production agricole totale a augmenté à un rythme régulier et devrait atteindre 50 % en 2032. Cette hausse fait suite à une augmentation attendue de 27 % de son excédent commercial agricole, qui devrait également faire monter sa part à près de 18 % dans les exportations mondiales d’ici à 2032. Le Brésil est le premier pays exportateur et le principal moteur de la croissance dans la région, mais sa croissance devrait ralentir à 1.8 % par an, bien loin des 6 % annuels enregistrés au cours de la dernière décennie. Le Mexique et l’Argentine contribuent aussi pour une large part à la croissance des exportations régionales, et les exportations de fruits frais du Pérou devraient également augmenter rapidement.

La région fait partie des plus gros exportateurs mondiaux de différents produits de base et devrait conserver une part de plus de 30 % dans les exportations mondiales de maïs, de soja, de sucre, de bœuf, de volaille et de farine de poisson d’ici à 2032. Dans le cas du maïs, du soja et du bœuf, la croissance attendue des exportations devrait suffire à porter sa part à 44 %, 64 % et 43 % respectivement sur le marché mondial. La part de la région dans les exportations mondiales de sucre et de volaille devrait augmenter légèrement aussi, à 53 % et 31 % respectivement, tandis que la réduction des volumes de production devrait faire baisser sa part dans les exportations mondiales de farine de poisson.

L’importance des exportations agricoles de la région se traduit également par sa position centrale dans les échanges mondiaux, ainsi que par le rôle essentiel des exportations pour stimuler la croissance de la production. La durabilité de la croissance dépendra du maintien de l’orientation vers l’ouverture aux échanges sur le marché mondial. Les perturbations de ces trois dernières années ont révélé les vulnérabilités du système commercial mondial, lesquelles ont entraîné des goulets d’étranglement logistiques et une augmentation des coûts. Face aux crises, de nombreux exportateurs ont adopté des politiques commerciales accordant la priorité à l’approvisionnement national, permettant ainsi à la région Amérique latine et Caraïbes, qui n’avait pas imposé de restrictions, de gagner des parts de marché. Parallèlement, de nombreuses régions du monde ont privilégié le développement des chaînes d’approvisionnement nationales afin de limiter les risques de perturbation. Au cours de la prochaine décennie, la région sera influencée par l’évolution des relations commerciales dans le monde, créant à la fois de nouvelles possibilités et de nouveaux risques. Si la croissance tirée par les exportations a bien servi la région par le passé, le marché mondial est de plus en plus volatil, le commerce international est plus fragile, et il existe des risques de fragmentation géopolitique. Le commerce infrarégional a tout à gagner de l’intégration des marchés intérieurs et de l’amélioration des conditions de fonctionnement des petites et moyennes entreprises, des coopératives et des exploitations familiales, qui permettraient de diversifier les débouchés commerciaux du secteur et de le rendre plus résilient.

References

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[11] Tarasuk, V. et A. Mitchell (2020), Household food insecurity in Canada, 2017-18, Toronto: Research to identify policy options to reduce food insecurity (PROOF), https://proof.utoronto.ca/wp-content/uploads/2020/03/Household-Food-Insecurity-in-Canada-2017-2018-Full-Reportpdf.pdf.

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[7] UN WWDR (2022), World Water Development Report 2022: Groundwater: Making the invisible visible, United Nations, New York, https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000380721.

[10] Weersink, A. et al. (2021), « COVID-19 and the agri-food system in the United States and Canada », Agricultural Systems, vol. 188, p. 103039, https://doi.org/10.1016/j.agsy.2020.103039.

Notes

← 1. Australie, Chine, Corée du Sud, Japon et Nouvelle-Zélande.

← 2. Source OCDE-FAO interpolée pour 2017-19 à partir de la base de données du Projet d’analyse des échanges mondiaux (GTAP) de 2011, avec les données relatives aux dépenses alimentaires et aux PIB exploitées dans les présentes Perspectives.

← 3. Dans cette analyse, l’UE27 est considérée comme une seule et même région.

← 4. Fuglie, Keith (2015). « Accounting for growth in global agriculture » Bio-based and Applied Economics 4 (3): 221-254 Les estimations sont établies à partir d'un ensemble de données sur la productivité de l’agriculture à l’échelle internationale compilées par le ministère de l’Agriculture des États-Unis. Voir https://www.ers.usda.gov/data-products/international-agricultural-productivity.

← 5. Le taux de dépendance des personnes âgées est le rapport entre la population âgée de 65 ans ou plus et celle âgée de 15 à 64 ans.

← 6. Source OCDE-FAO interpolée pour 2017-19 à partir de la base de données du Projet d’analyse des échanges mondiaux (GTAP) de 2011, avec les données relatives aux dépenses alimentaires et aux PIB exploitées dans les présentes Perspectives.

← 7. Fuglie, Keith (2015). « Accounting for growth in global agriculture », Bio-based and Applied Economics, 4 (3): 221-254. (mis à jour avec les données de 2019, USDA).

← 8. Voir le chapitre « Asie du Sud-Est : Perspectives et défis » dans les Perspectives agricoles de l'OCDE et de la FAO 2017-2026.

← 9. Source OCDE-FAO interpolée pour 2018-20 à partir de la base de données du Projet d’analyse des échanges mondiaux (GTAP) de 2011, en utilisant les données sur les dépenses alimentaires et les PIB de ces Perspectives.

← 10. Base de données CESAP-Banque mondiale sur les coûts du commerce, https://www.unescap.org/resources/escap-world-bank-trade-cost-database.

Voir la synthèse dans le rapport Tralac : https://www.tralac.org/resources/infographics/15537-intra-africa-non-tariff-trade-costs-for-the-period-2015-2019.html.

← 11. Moyen-Orient : Arabie saoudite et autres pays d'Asie occidentale. Les moins avancés : pays d’Afrique du Nord les moins avancés. Afrique du Nord : autres pays d'Afrique du Nord. Pour les régions mentionnées, voir le tableau récapitulatif du regroupement régional des pays.

← 12. Source OCDE-FAO interpolée pour 2018-20 à partir de la base de données du Projet d’analyse des échanges mondiaux (GTAP) de 2011, en utilisant les données sur les dépenses alimentaires et les PIB de ces Perspectives.

← 13. Fuglie, K. (2015). « Accounting for growth in global agriculture » Bio-based and Applied Economics, 4 (3): 221-254. (mis à jour avec les données de 2019, USDA, regroupement des pays par région).

← 14. Pour les régions mentionnées, voir le tableau récapitulatif des groupements de pays.

← 15. Source OCDE-FAO interpolée pour 2018-20 à partir de la base de données du Projet d’analyse des échanges mondiaux (GTAP) de 2011, avec les données relatives aux dépenses alimentaires et aux PIB exploitées dans les présentes Perspectives.

← 16. Chili, Colombie, Paraguay, Pérou, Amérique centrale et du Sud et Caraïbes. Pour les régions mentionnées, voir le tableau récapitulatif des groupements de pays.

← 17. Source OCDE-FAO interpolée pour 2018-20 à partir de la base de données du Projet d’analyse des échanges mondiaux (GTAP) de 2011, avec les données relatives aux dépenses alimentaires et aux PIB exploitées dans les présentes Perspectives.

← 18. Fuglie, K. (2015), « Accounting for growth in global agriculture », Bio-based and Applied Economics, 4 (3): 221-254. (mis à jour jusqu’en 2019, USDA).

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