Chapitre 1. Contexte, évaluation et recommandations au Maroc

Ce chapitre présente le cadre de l’OCDE en matière de gouvernement ouvert, de communication publique et d’écosystèmes médiatiques, et offre un aperçu de de la communication publique au Maroc ainsi que des changements juridiques et institutionnels récents ayant affecté l’écosystème médiatique marocain. Ce chapitre résume également les principales conclusions et recommandations du rapport concernant la communication publique, ainsi que le rôle des médias locaux, associatifs et en ligne, en faveur d’une plus grande participation des parties prenantes à la vie publique.

    

Le cadre de l’OCDE en matière de gouvernement ouvert, de communication publique et d’écosystèmes médiatiques

Alors que les citoyens appellent de plus en plus, partout dans le monde, à la transparence et à la redevabilité, que la confiance dans les gouvernements décline, et que de nouveaux défis et difficultés se présentent en ce qui concerne les interactions entre gouvernement et citoyens du fait des évolutions des technologies et des réseaux sociaux, la communication publique1 et les médias peuvent jouer un rôle clé dans le renforcement des initiatives du gouvernement ouvert. L’OCDE a pour cette raison considéré que la communication est un pilier du déploiement du gouvernement ouvert2, et l’a intégrée aux 10 dispositions de sa Recommandation du Conseil sur le Gouvernement ouvert (voir encadré 1.1). Dans sa disposition relative à l’État ouvert, la Recommandation reconnaît par ailleurs le rôle des acteurs non-gouvernementaux, dont les médias, dans l’appui aux principes du gouvernement ouvert. Selon le Rapport de l’OCDE -  Le Gouvernement ouvert : Contexte mondial et perspectives, ainsi que de nombreux Examens du Gouvernement ouvert et l’analyse des Plans d’Action Nationale de l’OGP, les efforts en vue d’une meilleure articulation de la communication publique et des écosystèmes médiatiques3 et des réformes du gouvernement ouvert en sont encore à leurs balbutiements, dans la région MENA comme dans les pays de l’OCDE.

Encadré 1.1. Principaux éléments de la Recommandation de Conseil de l’OCDE sur le Gouvernement ouvert
  1. 1. Élaborer et mettre en œuvre des stratégies et initiatives en matière de gouvernement ouvert, en collaboration avec les parties prenantes, pour inciter les responsables politiques, les parlementaires, les hauts fonctionnaires et les autres agents publics ;

  2. 2. Veiller à̀ l’existence et à la mise en œuvre du cadre juridique et règlementaire nécessaire au gouvernement ouvert, tout en mettant en place des dispositifs de contrôle adéquats pour assurer le respect des règles ;

  3. 3. Assurer la concrétisation et la mise en pratique des stratégies et initiatives en matière de gouvernement ouvert ;

  4. 4. Coordonner, au moyen des dispositifs institutionnels requis, les stratégies et initiatives en matière de gouvernement ouvert – horizontalement et verticalement – à tous les niveaux de gouvernement, afin d’assurer leur cohérence avec l’ensemble des objectifs socioéconomiques pertinents et afin de veiller à̀ ce qu’elles contribuent à̀ ces objectifs ;

  5. 5. Élaborer et mettre en œuvre des dispositifs de suivi, d’évaluation et d’apprentissage en rapport avec les stratégies et initiatives en matière de gouvernement ouvert ;

  6. 6. Communiquer activement sur les stratégies et initiatives en matière de gouvernement ouvert ainsi que sur les résultats, réalisations et impacts ;

  7. 7. S’employer activement à̀ mettre à̀ disposition une information et des données du secteur public claires, complètes, récentes, fiables et pertinentes, qui soient : gratuites, disponibles en format machine ouvert et non propriétaire, faciles à̀ trouver, à comprendre, à utiliser et à réutiliser, et diffusées sur des canaux multiples, selon un ordre de priorité́ déterminé en concertation avec les parties prenantes ;

  8. 8. Offrir à̀ toutes les parties prenantes des possibilités égales et réelles d’entre informées et consultées, et les associer activement à̀ toutes les phases du cycle des politiques publiques, ainsi qu’à la conception et à la prestation des services publics. Cela implique de leur laisser suffisamment de temps et de leur permettre de participer à̀ moindre coût tout en évitant les doublons, afin de limiter le risque de lassitude à l’égard des procédures de consultation. Il faudrait, de plus, consentir un effort particulier pour toucher les groupes sociaux les plus concernés, vulnérables, sous-représentés ou marginalisés, en évitant, en parallèle, toute influence indue et toute captation de l’action publique ;

  9. 9. Chercher des moyens novateurs d’associer effectivement les parties prenantes, afin de bénéficier de leurs idées et de co-créer des solutions, et tirer parti des possibilités offertes par les outils de l’administration numérique ;

  10. 10. Tout en reconnaissant les rôles, prérogatives et, plus généralement, l’indépendance de toutes les parties concernées, et dans le respect de leurs cadres juridiques et institutionnels existants, explorer la possibilité́ d’un passage du concept de gouvernement ouvert à̀ celui d’État ouvert.

Source : OCDE (2017) Recommandation du Conseil de l’OCDE sur le Gouvernement ouvert, www.oecd.org/gov/Recommendation-Gouvernement-Ouvert-Approuvée-141217.pdf.

Bien que l’enquête menée par l’OCDE en 2017 sur les Centres de Gouvernement (CG)4 mette en évidence le rôle important que les CG font jouer à la communication publique, elle indique aussi que ce rôle peut être mieux articulé aux principes du gouvernement ouvert, et notamment celui du renforcement de la participation citoyenne (voir Graphique 1.1).

Graphique 1.1. Principaux objectifs des stratégies de communication du Centre de Gouvernement
Graphique 1.1. Principaux objectifs des stratégies de communication du Centre de Gouvernement

Source : Enquête OCDE Centre de Gouvernement 2017.

L’OCDE appuie par conséquent les pays dans leurs efforts de renforcement de la communication publique et d’écosystèmes médiatiques qui changent au service des principes du gouvernement ouvert (voir Graphique 1.2). Elle analyse, d’une part, les manières d’évoluer, d’une approche de la communication publique classique à une approche plus stratégique, en appui d’une meilleure élaboration des politiques publiques ainsi que d’une conception et d’une prestation des services plus efficaces, et en faveur d’une transparence et d’une participation accrues. L’OCDE entend cerner, d’autre part, les opportunités et les problèmes que des écosystèmes médiatiques transformés posent à des pays qui entreprennent de promouvoir les pratiques du gouvernement ouvert. À cette fin, l’OCDE examine l’ensemble du cadre juridique et politique de l’accès à l’information (AI) et ses conséquences sur les journalistes et les citoyens, en même temps que le rôle rempli par les médias en ligne, locaux et associatifs, ainsi que les réseaux sociaux.

Graphique 1.2. Piliers du travail de l’OCDE sur la contribution de la communication et des médias au Gouvernement ouvert
Graphique 1.2. Piliers du travail de l’OCDE sur la contribution de la communication et des médias au Gouvernement ouvert

Source : Travail personnel des auteurs

Ainsi, et en réponse à la volonté du gouvernement marocain de consolider les principes du gouvernement ouvert, ce rapport analyse la contribution de la communication publique et de l’écosystème médiatique à la transparence, la participation et la redevabilité. Il se base sur une enquête facilitée par le MRAFP en 2017 auprès de 19 départements publics marocains5 membres du réseau des responsables de la communication publique. Ce réseau fut mis en place par le MRAFP avec le soutien de l’OCDE en 2017, et inclut des représentants des départements marocains œuvrant pour une communication publique et qui renforce les principes de la transparence et de la participation dans la vie publique. L’enquête couvre les thèmes suivants : les stratégies de communication publique des départements ministériels, la place de la structure de la communication au sein de celles-ci, les messages et supports de communication, et les relations avec les médias.

Cette publication se base également sur une recherche documentaire, et des entretiens menés avec les médias, la société civile, et les représentants de l’administration marocaine lors d’une mission de revue par les pairs organisée par l’OCDE en mars 2018. Ont participé à cette mission, en compagnie du Secrétariat de l’OCDE, des responsables publics qui ont agi en tant que pairs de l’Allemagne et du Royaume-Uni, ainsi que des experts en communication. Cet examen fait suite à une série de réunions avec le réseau des responsables de la communication publique au Maroc (le 14 juin 2017, le 4 octobre 2017 et le 22 mars 2018), ainsi qu’une formation à Caserte, en Italie le 12-13 décembre 2017 (encadré 1.2.).

Encadré 1.2. Méthodologie pour l’élaboration du Rapport

Ce Rapport se base sur :

  • une enquête facilitée par le MRAFP en 2017 auprès de 19 départements publics marocains membres du réseau des responsables de la communication publique. L’enquête couvre les thèmes suivants : les stratégies de communication des départements publics, la place de la structure de la communication au sein de celles-ci, les messages et supports de communication, et les relations avec les médias.

  • une recherche documentaire.

  • des entretiens menés avec des représentants des médias, de la société civile, et de l’administration marocaine lors d’une mission de revue par les pairs organisée par l’OCDE en mars 2018.

  • une série de réunions avec le réseau des responsables de la communication publique au Maroc (le 14 juin 2017, le 4 octobre 2017 et le 22 mars 2018), ainsi qu’une formation à Caserte, en Italie le 12-13 décembre 2017.

  • des bonnes pratiques des pays membres et partenaires de l’OCDE.

Source : Travail personnel des auteurs.

Avant de pouvoir analyser la contribution de de la communication publique et l’écosystème médiatique marocain aux principes du gouvernement ouvert, il est nécessaire de revenir brièvement sur l’évolution de ces derniers ainsi que sur les principaux changements juridiques et institutionnels les ayant affectés. Les sections ci-dessous offrent un aperçu de ce contexte, avant de synthétiser les principales conclusions et recommandations du rapport.

Évolution de la communication publique au Maroc et changements juridiques et institutionnels récents ayant affecté l’écosystème médiatique

Les années 1990 furent marquées par une communication axée sur les grands chantiers et projets nationaux de la part du gouvernement, avec un renforcement de la diffusion de contenus de type informatif en direction des différents supports (presse écrite et audiovisuelle notamment) à destination du citoyen. Les activités ministérielles rattachées aux grands chantiers, ainsi que les signatures de conventions bilatérales et multilatérales par les différents acteurs institutionnels, font l’objet d’une couverture médiatique exhaustive, comprenant des dossiers quotidiens sur des projets de développement économique et social du pays. Le début des années 2000 voit un renforcement de la diffusion des messages institutionnels sur les supports de presse écrite selon deux tendances. Les supports de presse écrite arabophone ou francophone commencent à consacrer plus d’espace aux données statistiques. Des dossiers dédiés au relais des données économiques, démographiques, ou sociales sont souvent repris de manière systématique par ces médias. La multiplication des revues hebdomadaires et mensuelles augmente également la visibilité des actions de l’administration, à travers des dossiers dédiés et des interviews des responsables de l’appareil exécutif.

Les années 2000 voient le renforcement de la mise en place de sites institutionnels pour les départements publics marocains, ce qui contribue à faciliter l’accès des citoyens aux communiqués de presse des institutions de l’appareil exécutif, de manière plus régulière et rapide. Cette tendance, qui s’accompagne d’un plus grand accès des citoyens marocains à Internet comparativement à la décennie précédente, contribue fortement à la disponibilité de l’information en temps réel. Par ailleurs, les années 2000 voient foisonner des campagnes de sensibilisation sur des thématiques liées à la santé, la sécurité routière ou la lutte contre la corruption. La communication publique prend ainsi une place de plus en plus importante pour l’action publique.

Le marché médiatique marocain a quant à lui connu une libéralisation marquée depuis 2002, avec l’adoption des Décrets n°1.02.212 du 31 août 2002 et n°2.02.663 du 10 septembre 2002. Ces textes ont créé la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA) et permis la création de stations de radio et de chaînes de télévision privées. Cette nouvelle réglementation a représenté un tournant pour le secteur des médias, puisqu’elle a permis l’expression de voix nouvelles dans le secteur.

La réforme constitutionnelle de 2011et le processus de régionalisation, qui ont répondu aux évènements de 2011, ont poussé plus loin la réforme du secteur médiatique. La Constitution a été une avancée décisive vers la reconnaissance des droits fondamentaux, et notamment la liberté de pensée, d’opinion et d’expression sous toutes leurs formes (article 25), le droit d’accès à l’information (article 27) et la liberté de la presse (article 28). Elle a aussi renforcé le rôle de la HACA et ainsi encouragé le pluralisme des médias.

Le processus de régionalisation a parallèlement fait apparaître une nouvelle architecture territoriale favorable à un développement régional intégré et durable. Ce processus a été couronné par l’adoption de trois lois organiques en 2015, à savoir la Loi n°111-14 de juillet 2015 sur les Régions, la Loi n°112-14 de juillet 2015 relative aux préfectures et provinces, et la Loi n°113-14 de juillet 2015 relative aux communes. Fait notable, le gouvernement du Maroc a reconnu le rôle des médias dans un tel processus, en particulier sur le plan de la consolidation de la démocratie et de la poursuite de la bonne gouvernance aux niveaux local et régional.

Le Maroc a par ailleurs franchi de nouvelles étapes dans la mise en œuvre des dispositions de la Constitution en matière de liberté de la presse et d’accès à l’information. Le Parlement a notamment adopté en 2016 un nouveau Code de la presse, avec la Loi n°88-13, en faveur de la liberté de la presse. Ce Code reconnaît officiellement les médias en ligne. En juillet 2016, le Parlement a en outre amendé la loi régissant la HACA, de manière à renforcer la capacité de l’Autorité de promouvoir un marché médiatique diversifié et ouvert. Le pays a aussi adopté une Loi n°31-13 de février 2018 sur le Droit à l’Information, couvrant les institutions, mécanismes, conditions, exemptions et outils œuvrant à la promotion de l’accès à l’information. Cette loi entrera en vigueur en mars 2019.

Différents acteurs régulent le cadre institutionnel de la politique du Maroc en matière de médias. Outre la HACA, qui organise le secteur audiovisuel, le Décret royal n°2.06.782 de mars 2008 confie le développement de ces derniers au ministère de la Culture et de la Communication. La Loi n°90-13 du 10 mars 2016 a par ailleurs créé le Conseil National de la Presse (CNP), en tant qu’autorité consultative et réglementaire du secteur des médias. Selon l’article 56 de cette Loi, le CNP est créé formellement un an après la publication au Bulletin officiel, même si cette entrée en vigueur tarde. Lorsqu’il sera en place, le CNP sera responsable de l’accréditation des journalistes et jouera par conséquent un rôle dans la régulation des organisations médiatiques. Il rédigera un code déontologique de la profession, délivrera les cartes de presse, proposera des services de médiation et d’arbitrage et lancera des études et des consultations. L’article 3 de la loi dispose par ailleurs que le CNP publiera un rapport annuel comportant des indicateurs en ce qui concerne la liberté de la presse et ses violations ainsi que la situation globale des médias et des journalistes au Maroc. L’article 4 de la Loi précise la composition du CNP, qui inclura sept journalistes, sept éditeurs de presse et sept représentants des autorités nationales. Les élections des membres du Conseil ont été organisées en juin 2018, en dépit de retards dans le lancement de ses activités.

Principales conclusions et recommandations

Les sections ci-dessous offrent un aperçu des principales conclusions du rapport relatives aux stratégies et pratiques de la communication publique au Maroc. Elles résument, en outre, l’analyse menée sur la contribution du nouveau cadre sur l’accès à l’information et des médias locaux, associatifs et en ligne pour un gouvernement plus ouvert au Maroc. Des recommandations émises sur chacun de ces sujets au gouvernement marocain sont également résumées dans les paragraphes qui suivent.

En ce qui concerne la communication publique

Jusqu’à récemment, la communication publique au Maroc a été caractérisée par des interactions largement unilatérales entre le gouvernement et les citoyens, son objectif étant d’informer ces derniers ainsi que les médias au sujet des grandes stratégies de développement national du gouvernement. L’usage croissant des réseaux sociaux et des technologies numériques par les citoyens et l’administration publique a bouleversé la donne. Signe d’une reconnaissance croissante de l’importance de la communication stratégique, toutes les institutions prises en compte par l’enquête de l’OCDE affirment disposer d’une structure dédiée à cela, et environ 90% d’entre elles ont adopté une stratégie en la matière (voir Graphique 1.3). L’administration marocaine a en outre renforcé sa présence en ligne, avec des pages sur les réseaux sociaux et des sites Internet dédiés.

Graphique 1.3. Votre ministère a-t-il une stratégie de communication ?
Graphique 1.3. Votre ministère a-t-il une stratégie de communication ?

Source: Enquête de l’OCDE sur la communication publique au Maroc, 2017.

De nombreuses opportunités peuvent être saisies pour évoluer vers un usage plus stratégique de la communication publique, en faveur d’une meilleure élaboration des politiques aussi bien que de la transparence et la participation. Ceci suppose toutefois que la communication fasse partie intégrante des différentes phases du processus d’élaboration des politiques publiques. Pour y parvenir, il est nécessaire de sensibiliser les communicateurs et les autres agents publics autour d’une utilisation instrumentale de la communication publique pour l'élaboration des politiques publiques, en même temps que renforcer leur capacité d’intégrer la communication à l’ensemble des phases de ce processus.

La formulation d’une stratégie de communication gouvernementale, qui vise à soutenir les principes du gouvernement ouvert, est dans ce cadre décisive. Il faut ensuite s’assurer que, une fois développées, les stratégies de communication publique au Maroc soient bien connues à l’intérieur et à l’extérieur des institutions concernées. Ces documents doivent être adossés à des plans d’action et régulièrement suivis et évalués, afin d’en mesurer l’impact et d’en tirer les leçons. Il s’agit là d’une mesure clé, qu’il est opportun d’encourager dans tout le gouvernement si l’on tient compte du fait que la moitié des départements interrogés ont indiqué qu’ils ne suivaient ni n’évaluaient leurs stratégies (Voir Graphique 1.4).  

Graphique 1.4. La stratégie est-elle suivie et évaluée ?
Graphique 1.4. La stratégie est-elle suivie et évaluée ?

Source : Enquête de l’OCDE sur la communication publique au Maroc, 2017.

Il est par ailleurs indispensable que les structures de communication au sein des départements publics marocains disposent de la légitimité et de l’appui de haut niveau nécessaires. Près de la moitié des personnes interrogées dans le cadre de l’enquête de l’OCDE ont indiqué que cette structure était, au sein de leur département, liée au Secrétariat Général, ce qui en théorie permet un tel appui. La majorité a par ailleurs précisé que l’entité en question est une unité ou un service et non une division ou une direction, ce qui permettrait, par exemple, de renforcer cette efficacité. En outre, bien définir les rôles et fonctions des communicateurs au sein du gouvernement a été relevé comme une nécessité lors des entretiens menés par l’OCDE. Cela permettrait de renforcer leur crédibilité et de mieux faire la distinction entre communication publique et politique.

Par ailleurs, une coordination étroite à l’intérieur même de chaque département public et entre les composantes du gouvernement est nécessaire, afin d’assurer une meilleure cohérence et une plus grande synergie des actions de communication. L’enquête de l’OCDE a révélé que plus de la moitié des départements publics ne centralisent pas leurs activités de communication au sein de l’unité dédiée. Résoudre les difficultés de coordination interne est pour cette raison décisif et permettrait de renforcer l’efficacité de la communication. L’administration marocaine pourrait par ailleurs, et comme c’est le cas de nombreux pays de l’OCDE, davantage utiliser les outils en ligne et l’Intranet pour favoriser la coordination des activités interministérielles, la définition d’éléments de langage commun du gouvernement, l’optimisation des calendriers et l’identification des synergies. Le gouvernement pourrait en outre mobiliser le réseau des responsables de la communication publique créé par le MRAFP pour ce faire, en l’amenant à identifier des opportunités de collaboration et diffuser des bonnes pratiques.

Après avoir analysé les stratégies et structures de la communication publique au Maroc, ce rapport examine les points d’entrées dont dispose le pays pour une communication au service d’une participation accrue de la population à l’élaboration des politiques publiques. En effet, près d’1/5ème des répondants à l’enquête de l’OCDE considèrent cet objectif comme une priorité de leurs stratégies (voir Graphique 1.5) et seulement un tiers organisent des consultations citoyennes dans le cadre de leurs activités par exemple. Les réseaux sociaux forment une opportunité clé dans ce cadre. Dans la mesure où 38% des Marocains possèdent un compte Facebook6, il sera crucial de renforcer la capacité des communicateurs de stimuler la participation au travers de ces plateformes. Il est d’ailleurs possible de transformer la manière dont les administrations communiquent en diversifiant le profil des responsables de la communication publique et en s’assurant qu’ils possèdent les compétences requises par les progrès technologiques, y compris l’utilisation des réseaux sociaux, l’analyse des données et les mécanismes d’engagement. L’Institut supérieur de l’information et de la communication (ISIC) pourrait jouer un rôle clé dans ce cadre.

Graphique 1.5. Quels sont les principaux objectifs de votre stratégie de communication ?
Graphique 1.5. Quels sont les principaux objectifs de votre stratégie de communication ?

Source : Enquête de l’OCDE sur la communication publique au Maroc, 2017.

La définition et la diffusion de directives et d’orientations permettant aux fonctionnaires d’utiliser les réseaux sociaux dans le cadre de leur travail sont des étapes décisives. Elles contribueraient par ailleurs à expliquer et donc affirmer plus nettement la distinction entre communications publique et politique. Avec plus de la moitié des répondants ayant indiqué disposer de règles sur la manière d’interagir avec les médias classiques (voir Graphique 1.6), l’administration pourrait s’inspirer de ces pratiques pour concevoir des normes d’utilisation propres aux réseaux sociaux.

Graphique 1.6. Existe-t-il des règles/un guide pour les agents publics sur la manière d’interagir avec les médias traditionnels (presse, audiovisuel, etc.) ?
Graphique 1.6. Existe-t-il des règles/un guide pour les agents publics sur la manière d’interagir avec les médias traditionnels (presse, audiovisuel, etc.) ?

Source : Enquête de l’OCDE sur la communication publique au Maroc, 2017.

En plus de la communication au niveau national, renforcer cette dernière à l’échelle locale contribue de manière décisive à la transparence et à la participation, a fortiori dans le cadre du processus de régionalisation en cours. Bien que la plupart des personnes interrogées aient affirmé diffuser et partager l’information au niveau local, des efforts supplémentaires pourraient être menés pour renforcer les campagnes et cibler les groupes sous-représentés et marginalisés, en particulier les jeunes et les femmes. Dans la continuité des conclusions de la Revue du Gouvernement numérique du Maroc élaborée par l’OCDE, l’intensification de l’usage des TIC et particulièrement des téléphones portables pourrait être décisive sur ce plan, en entreprenant parallèlement de surmonter les difficultés posées par l’analphabétisme. Afin d’assurer une communication stratégique au service d’une croissance plus inclusive au Maroc, il pourrait, enfin, être opportun de concevoir une stratégie de communication ciblant spécifiquement les jeunes, les femmes et d’autres catégories précises de la population.

En ce qui concerne l’accès des journalistes et des citoyens à l’information

La communication publique s’opère dans un contexte d’écosystèmes médiatiques changeants. L’AI forme une composante clé de ces derniers. Elle permet de renforcer la capacité des médias à mobiliser les citoyens et les aide à contrôler et à évaluer la qualité des services publics en facilitant leurs accès aux données détenues par le gouvernement (Banque mondiale, 2017). À travers l’AI, les journalistes peuvent par ailleurs inciter le gouvernement à davantage de transparence.

Au Maroc, l’adoption de la Constitution de 2011 et le vote de la Loi n°31.13 de 2018 sur l’AI, ainsi que la consécration de l’AI dans le Code de la presse de 2016, ont amené le Maroc à faire d’importants progrès vers le renforcement de la transparence. Le rapport considère que ces réformes sont pour le pays, des chances sans précédent de promouvoir une nouvelle approche de l’ouverture et de la transparence, mais aussi de permettre aux journalistes et aux citoyens de faire le meilleur usage possible du cadre juridique de l’AI.

Comme le prévoit l’article 12 de cette Loi, le recrutement dans toutes les institutions de responsables chargés de l’AI sera une étape décisive de sa mise en œuvre. Ces responsables devront mettre en place les mécanismes permettant de faire des requêtes et d’y répondre dans des délais convenables. La création de modules de sensibilisation et de renforcement des capacités destinés à ces agents et à d’autres agents publics concernés, aux niveaux national et local, les aidera à gérer et partager l’information avec efficacité. Il faudra par ailleurs assurer l’indépendance et le bon fonctionnement de la Commission du droit d’accès à l’information, en la dotant des ressources humaines et financières ainsi que des compétences nécessaires. Le gouvernement sera, à travers elle, mieux à même de mettre en œuvre et de promouvoir les principes de l’AI à tous les niveaux de l’État.

Afin de veiller à ce que les journalistes et l’ensemble de la population connaissent leurs droits et les procédures prévues par la législation d’AI, des plateformes de dialogue – qui rassemblent les institutions du gouvernement, les journalistes et les acteurs de la société civile – peuvent favoriser l’identification des priorités, l’évaluation de la mise en œuvre et la formulation d’orientations pour améliorer l’utilisation du cadre juridique. De tels efforts pourraient en outre favoriser la divulgation proactive des informations ainsi que la production de bases de données et formats de publication pertinents.

Par ailleurs, le Maroc pourrait envisager de multiplier et généraliser les occasions d’interaction et de coordination entre responsables de l’accès à l’information, chargés de communication, journalistes et autres représentants de la société civile, afin de faciliter une meilleure compréhension de la manière dont il est possible de mettre la publication de l’information au service des journalistes et des citoyens, en fournissant à ceux-ci les compétences utiles. Ces initiatives, adossées à la dynamique impulsée par la nouvelle législation sur l’AI, l’accès récent du pays à l’OGP, et les efforts menés pour une communication plus stratégique, amèneront conjointement l’ensemble du gouvernement à évoluer vers une plus grande culture d’ouverture et de transparence.

En ce qui concerne le rôle des médias locaux, associatifs et en ligne en faveur d’une plus grande participation des parties prenantes à la vie publique

De nombreux exemples des pays de l’OCDE soulignent la contribution des médias locaux, associatifs et en ligne aux principes du gouvernement ouvert. Ces médias sont en effet au cœur d’un écosystème médiatique diversifié capable de représenter différents groupes sociaux et de promouvoir les interactions entre ces derniers et l’État. Par ailleurs, ils peuvent agir en renforcement de l’impact d’une communication publique stratégique.

Au Maroc, les changements technologiques, la généralisation de l’Internet et plusieurs réformes législatives, ont contribué à la croissance des médias en ligne, associatifs et locaux, ainsi que du journalisme citoyen. Ce sont aujourd’hui la Loi n°77-03 sur la communication audiovisuelle et la Loi n°88-13 sur la presse et l’édition qui organisent ces secteurs. L’adoption du Code de la presse en 2016 a par ailleurs eu des conséquences importantes dans ce contexte, puisque la législation reconnaît aujourd’hui les médias électroniques et en ligne, et fixe des règles administratives en la matière, tout en clarifiant la procédure d’obtention d’une carte de presse et de financements publics.

Promouvoir un journalisme divers et de qualité suppose, comme cela se pratique couramment dans les pays de l’OCDE, d’aller plus loin, en réduisant les contraintes administratives (en simplifiant les formalités par exemple au travers de la numérisation des procédures et l’installation de guichets uniques) et en répondant aux difficultés de financement des médias. Les efforts doivent aussi favoriser la capacité institutionnelle et l’indépendance du CNP.

Le gouvernement peut également s’appuyer sur le processus actuel de régionalisation pour autonomiser les médias locaux et associatifs, et échanger davantage avec ces acteurs pour promouvoir une participation plus inclusive de la société. De ce point de vue, le gouvernement pourrait envisager de créer un cadre plus favorable aux projets de journalisme citoyen en ligne et d’octroyer une reconnaissance légale aux médias associatifs audiovisuels, en conformité avec plusieurs recommandations internationales et bonnes pratiques des pays de l’OCDE. Leur rôle clé dans le renforcement de la participation des citoyens et dans l’expression de tous les groupes sociaux serait ainsi mis en avant. Un tel cadre impliquerait un dialogue inclusif entre le gouvernement, la HACA et les représentants des médias associatifs.

Comme c’est le cas dans de nombreux pays de l’OCDE, les citoyens marocains se tournent de plus en plus vers les réseaux sociaux en tant que première source d’information et lieu d’expression de leurs opinions sur la vie publique. Des 38% des Marocains possédant un compte Facebook7, 34% sont des femmes, et 70% des jeunes entre 15 à 29 ans (Salem, 2017) (voir Graphique 1.7). Le rôle croissant des réseaux sociaux, tout particulièrement, rend possibles de nouvelles formes d’interaction entre gouvernement, médias et citoyens. Ces plateformes tiennent lieu, par ailleurs, d’outils de promotion d’une plus large diversité de voix. Compte tenu de l’importance de ces réseaux, et de leurs possibles répercussions positives, il est nécessaire de pallier la disparité d’accès des populations rurales et urbaines à l’Internet8, et de lutter contre l’analphabétisme plus répandu dans les premières. Bien que le gouvernement marocain ait obtenu des résultats sur ce terrain, les disparités entre zones urbaine et rurale restent fortes, ainsi que le relève la Revue OCDE du Gouvernement numérique du Maroc (2018).

Graphique 1.7. Ventilation par catégories d’âge des utilisateurs de Facebook en Maroc (2017)
Graphique 1.7. Ventilation par catégories d’âge des utilisateurs de Facebook en Maroc (2017)

Source: Salem (2017), The Arab Social Media Report 2017: Social Media and the Internet of Things: Towards Data-Driven Policymaking in the Arab World (Vol. 7), MBR School of Government.

Il est, enfin, très important de prendre en compte les défis que crée l’importance croissante des médias en ligne et de l’usage des réseaux sociaux. La prolifération de la désinformation et des discours de haine, alimentée surtout par les plateformes en ligne, appelle des réponses politiques très réfléchies. Le Maroc pourrait envisager de mettre en œuvre des approches qui garantissent la liberté d’expression et encouragent le rôle de ces réseaux pour un meilleur partage d’information et de diversification des opinions exprimées. Dans le sillage des bonnes pratiques des pays de l’OCDE, des exemples de telles approches comprennent un appui plus net aux campagnes d’éducation numérique et aux médias, ainsi que des efforts de communication publique qui atteignent les usagers des réseaux sociaux et alertent des dangers liés à la désinformation et aux discours de haine. Les bonnes pratiques des pays de l’OCDE insistent notamment sur la nécessité d’une approche stratégique et cordonnée entre gouvernement, médias et acteurs de la société civile pour la mise en œuvre des initiatives en la matière. Le gouvernement marocain pourrait, par exemple, inclure les différents ministères dans le développement d’activités d’éducation aux médias, et intégrer les dispositifs existants au système scolaire national. Ces initiatives seraient particulièrement pertinentes en ciblant les groupes sous-représentés et marginalisés de la population.

Les changements affectant l’écosystème médiatique au Maroc, ainsi que l’évolution de la communication publique au Maroc mettent en avant plusieurs opportunités dont pourrait bénéficier le pays pour consolider les principes du gouvernement ouvert. La communication publique est en capacité, si elle articule son fonctionnement autour de la contribution au renforcement du principe de transparence et de participation, à permettre l’apparition de nouvelles opportunités de dialogue et de mobilisation de l’ensemble des parties prenantes autour des politiques publiques et des projets qui les constituent. Au vu des défis récents engendrés par l’évolution des écosystèmes médiatiques, la mise en place d’un cadre favorisant la création de groupes de réflexion multipartites rassemblant à la fois des acteurs institutionnels, des acteurs économiques et des organisations de la société civile, sont toutes des pistes à explorer pour parvenir à générer l’émulation attendue.

Références

Banque mondiale (2017), World Development Report 2017: Governance and the law, Washington, DC: Banque mondiale, doi: 10.1596/978-1-4648-0950-7.

OCDE (2018), Revue du gouvernement numérique du Maroc. Jeter les bases de la transformation numérique du secteur public au Maroc, Revues OCDE du Gouvernement numérique, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264298729-en.

OCDE (2017), Recommandation du Conseil de l’OCDE sur le Gouvernement ouvert, https://legalinstruments.oecd.org/Instruments/ShowInstrumentView.aspx?InstrumentID=359&InstrumentPID=483&Lang=fr&Book=False.

Salem (2017), The Arab Social Media Report 2017: Social Media and the Internet of Things: Towards Data-Driven Policymaking in the Arab World (Vol. 7), MBR School of Government.

Notes

← 1. Dans le cadre de ce rapport, est considérée comme communication publique l’ensemble des actions et initiatives de communication dont la responsabilité incombe à des institutions publiques, visant l’intérêt général et le service public. Contrairement à la communication politique, qui elle est attachée au débat politique et aux élections, la communication publique est un pilier de la gouvernance publique, et contribue au bon fonctionnement du service public. La communication institutionnelle regroupe quant à elle les actions de communication visant à promouvoir l’image d’une institution, d’une entreprise ou d’une organisation.

← 2. L’OCDE définit le gouvernement ouvert comme étant « une culture de gouvernance qui promeut les principes de transparence, d’intégrité, de redevabilité et de participation des parties prenantes, au service de la démocratie et de la croissance inclusive ».

← 3. L’OCDE définit les écosystèmes médiatiques en référence aux structures de gouvernance des médias (c’est-à-dire les cadres institutionnels, légaux, politiques et réglementaires) et à leurs principaux acteurs (le gouvernement, les entreprises de médias classiques comme des réseaux sociaux aussi bien que les journalistes citoyens).

← 4. Le « Centre du Gouvernement » est l’entité qui fournit assistance et conseil au Chef du Gouvernement ou au Conseil des Ministres.

← 5. Ont participé à l’enquête les départements marocains suivants : la Délégation générale à l'Administration pénitentiaire et à la Réinsertion, le Département de la Pêche Maritime, le Haut-Commissariat au Plan, le Haut-Commissariat aux Eaux et Forêts et à la Lutte contre la désertification, le ministère de la Jeunesse et des Sports, le ministère de la Réforme de l’administration et de la Fonction publique, le ministère de la Santé, le ministère de l'Éducation nationale, de la Formation professionnelle, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, le ministère de l'Équipement, du Transport et de la Logistique, le ministère des Affaires générales et de la Gouvernance, le ministère des Habous et des Affaires islamiques, le ministère chargé des Marocains résidant à l'Étranger et des Affaires migratoires, le Ministère d'État chargé des Droits de l'Homme, le ministère du Tourisme, du Transport aérien, de l’Artisanat et de l’Économie sociale - secrétariat d’État chargé de l’Artisanat et de l’Économie sociale, le ministère du Travail et l’Insertion professionnelle, le secrétariat d'État à la Formation professionnelle, le secrétariat d'État chargé de l'Eau, le secrétariat d'État chargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, et le secrétariat d'État chargé du Développement durable.

← 6. Mohammed Bin Rashid, School of Government (2017), Social Media and the Internet of Things - Towards Data-Driven Policymaking in the Arab World: Potential, Limits and Concerns, www.mbrsg.ae/getattachment/1383b88a-6eb9-476a-bae4-61903688099b/Arab-Social-Media-Report-2017.

← 7. Mohammed Bin Rashid, School of Government (2017), Social Media and the Internet of Things - Towards Data-Driven Policymaking in the Arab World: Potential, Limits and Concerns, http://www.mbrsg.ae/getattachment/1383b88a-6eb9-476a-bae4-61903688099b/Arab-Social-Media-Report-2017.

← 8. Selon l'Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ANRT), 67% des citoyens qui vivent en zone urbaine ont accès à l’Internet, contre 43% de la population rurale (ANRT, 2017) ANRT (2017), « L’Internet mobile poursuit sa croissance ». Communiqué de presse officiel ici : https://www.anrt.ma/sites/default/files/rapportannuel/cp-tb_2017-t3-fr.pdf.

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