2. Évolutions récentes des politiques migratoires

Deux ans après la pandémie de COVID-19, combler les pénuries de main-d’œuvre et de compétences est devenu une priorité des programmes d’action nationaux en matière d’immigration dans une majorité de pays de l’OCDE. Ces pénuries s’expliquent en partie par les effets à court terme de la diminution de la mobilité internationale pendant la pandémie ainsi que par le retard généralisé et persistant dans le traitement des demandes. Le nombre croissant d’emplois non pourvus est également en cause. En arrière-plan, les transformations démographiques à long terme orientent également les décisions prises en matière d’immigration de travail. De nombreux changements d’orientation survenus en 2022-23 ont donc cherché à renforcer et à élargir les voies d’accès existantes à l’immigration de travail ainsi qu’à élaborer de nouvelles procédures et voies d’admission favorables aux travailleurs étrangers dans des emplois et des secteurs spécifiques.

La période 2022-23 a également été marquée par une pression migratoire accrue dans de grands pays d’origine et de transit, sous l’effet de la levée des restrictions de déplacement imposées lors de la pandémie, de multiples situations de réfugiés qui se prolongent et de la montée de conflits géopolitiques. Ceci a entraîné des déplacements de populations d’une ampleur record dans le monde, ainsi qu’une forte augmentation des arrivées irrégulières et des demandes d’asile dans de nombreux pays de l’OCDE. Dans ce contexte, on observe dans la zone OCDE quelques tendances nouvelles, en partie contradictoires, en matière d’offre de protection internationale et humanitaire. Ainsi, certains pays ont durci leurs politiques d’asile, abaissé les quotas de réinstallation et imposé des conditions d’admission plus strictes aux demandeurs d’asile. Mais dans d’autres pays, les mesures prises par les pouvoirs publics se sont diversifiées et proposent un nombre croissant de programmes instaurés pour compléter ou remplacer les mécanismes de protection internationale traditionnels.

Plusieurs pays de l’OCDE ont annoncé avoir procédé au cours de l’année écoulée à de profondes modifications ou à une réforme de leur cadre d’action en matière migratoire. Certains sont allés jusqu’à annoncer un « changement de paradigme » (Allemagne, Finlande et Suède), mais l’objectif de ces réformes et l’effet recherché sur le solde migratoire sont variables. Si de nombreux pays cherchent à attirer des immigrés pour remédier à leurs pénuries de main-d’œuvre et de compétences, plusieurs autres se sont engagés à réduire leur niveau d’immigration global.

Suite aux élections qui se sont déroulées en Suède et en Finlande, ces pays s’orientent vers un durcissement de leur politique migratoire. Le nouveau gouvernement suédois, qui a pris ses fonctions en octobre 2022, a annoncé une série de changements dans le but de réduire le solde migratoire. Les réformes proposées comprennent une législation plus contraignante en matière d’asile ainsi que des conditions plus strictes pour l’immigration des travailleurs peu qualifiés – notamment un seuil de salaire plus élevé – et pour le regroupement familial. Le nouveau gouvernement de coalition en Finlande, dans le sillage des élections d’avril 2023, a annoncé son intention de réduire les quotas de réfugiés et les flux d’entrée au titre du regroupement familial, d’augmenter le niveau de qualifications requis pour l’immigration de travail et d’imposer des critères plus stricts en matière de maîtrise de la langue et de durée de résidence aux étrangers qui souhaitent obtenir la nationalité. Le système d’immigration post-Brexit au Royaume-Uni a cherché à instaurer plus de sélection, en particulier en limitant l’immigration des travailleurs peu qualifiés, et à réduire les franchissements irréguliers de la frontière. Face aux chiffres records de l’immigration en 2022, dus en partie à l’augmentation rapide du nombre de personnes à charge des étudiants internationaux (+750 % entre 2019 et 2023), le gouvernement a annoncé en mai 2023 des restrictions concernant le droit au regroupement familial des bénéficiaires de visas étudiants. Seuls les étudiants internationaux inscrits à des programmes de recherche de troisième cycle pourront faire venir des membres de leur famille.

En revanche, d’autres pays cherchent à faciliter l’immigration légale, notamment pour répondre aux pénuries de main-d’œuvre, par exemple en adoptant des conditions d’admission plus flexibles, en augmentant les quotas et en simplifiant les procédures et les mécanismes d’immigration. L’Espagne a réformé sa loi générale sur l’immigration pour alléger les procédures dans le but de répondre aux pénuries durables de main-d’œuvre et d’attirer des travailleurs immigrés en situation régulière vers les emplois en tension. La réforme simplifie et élargit l’accès aux permis de travail et harmonise les procédures d’immigration pour différentes catégories de personnes, notamment les étudiants et les travailleurs saisonniers. Le gouvernement allemand a adopté le projet de réforme de sa loi pour l’immigration des travailleurs qualifiés en mars 2023. La réforme, qui a été approuvée par le parlement en juillet 2023, permet d’élargir les critères d’admissibilité à la carte bleue européenne (par ex. en abaissant les exigences légales de salaire), assouplit plusieurs des conditions relatives à l’immigration des travailleurs qualifiés et facilite l’immigration temporaire de travailleurs peu qualifiés. L’introduction d’un nouveau visa à points pour recherche d’emploi est également prévue. Le gouvernement australien procède actuellement à l’examen de son système migratoire et a constaté qu’il était important de rééquilibrer les programmes d’immigration temporaires et permanents pour attirer et retenir des talents du monde entier. Ainsi, le gouvernement a annoncé souhaiter créer à l’avenir davantage de voies d’accès à la résidence permanente pour les travailleurs immigrés qualifiés. D’autres changements d’orientation comprennent les réformes liées aux pénuries de main-d’œuvre et la simplification des transferts au sein des entreprises.

À l’échelle de l’UE, les États membres se sont accordés sur des parties importantes du nouveau Pacte sur la migration et l’asile, longuement négocié. Un point important des négociations portait sur la façon de répartir plus équitablement les demandeurs d’asile entre les pays membres. Les modalités et le lieu de traitement d’une demande d’asile sont actuellement définis dans le règlement de Dublin, mais certains pays ont assumé une charge plus lourde et les demandeurs d’asile ne sont pas tous traités de la même façon à travers l’UE. Le point central des négociations portait sur la nécessité de trouver un équilibre entre responsabilité et solidarité. En juin 2023, le Conseil européen est parvenu à un accord sur deux textes législatifs majeurs de la proposition qui concernent la répartition des demandes d’asile entre les États membres. Deux autres composantes principales du pacte sont la simplification des procédures de demandes d’asile et de celles relatives aux migrations de travail.

La collaboration en matière de gestion migratoire s’élargit également sur le continent américain, notamment avec l’adoption de la Déclaration de Los Angeles sur la migration et la protection en juin 2022, signée par 21 pays. Cette déclaration non contraignante a pour objectif de s’attaquer aux causes profondes des migrations, d’élargir les voies légales, de lutter contre la traite des êtres humains et d’autres activités dangereuses, et de créer un système d’alerte précoce pour les crises de grande ampleur. Depuis son adoption, les gouvernements de la région ont lancé des initiatives importantes, notamment des programmes élargis de réinstallation des réfugiés, des programmes pour le regroupement familial et la mobilité professionnelle, et la création d’autres voies légales et sûres d’accès à la protection et à l’immigration aux États-Unis et dans d’autres pays. En parallèle, plusieurs accords bilatéraux en matière de gestion des flux migratoires ont également été conclus. En particulier, les États-Unis ont signé deux accords bilatéraux sur les migrations avec le Costa Rica et le Panama, et cinq accords de mobilité ont été conclus dans différentes régions du continent américain.

De nouvelles obligations relatives aux voyages en Europe entreront en vigueur en 2023 dans le cadre du Système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS). ETIAS est un système électronique d’autorisation de voyage qui oblige les ressortissants de plus de 60 pays exemptés de visa à demander une autorisation de voyage pour pouvoir entrer dans l’espace Schengen. L’autorisation ne s’applique pas aux pays de l’UE qui n’appartiennent pas à l’espace Schengen. Le système devrait être pleinement opérationnel en 2024. De même, le Royaume-Uni met en œuvre une autorisation électronique de voyage (ETA) destinée aux personnes qui se rendent sur son territoire sans visa. L’ETA est une autorisation électronique liée au passeport qui est requise pour plusieurs motifs de visite, comme le tourisme, les visites à un membre de sa famille ou à un ami, les affaires, les études et les voyages de transit par le Royaume-Uni sans passer par le contrôle aux frontières. Les demandes peuvent être formulées via l’application ETA du Royaume-Uni ou en ligne, et la décision est généralement donnée en l’espace de trois jours ouvrés. L’ETA est valable pour une durée maximale de deux ans et peut être utilisée pour plusieurs séjours. Les personnes qui entrent au Royaume-Uni munies d’un ETA continueront d’être soumises aux mêmes restrictions que celles appliquées à tous les visiteurs, conformément aux règles d’immigration du Royaume-Uni. Le dispositif entrera d’abord en vigueur à la fin de 2023 et au début de 2024 pour les ressortissants de certains pays (Qatar, Bahreïn, Jordanie, Koweït, Oman, Arabie saoudite et Émirats arabes unis), pour être ensuite appliqué à toutes les autres nationalités, à l’exception des ressortissants irlandais, au cours de l’année 2024.

Alors que l’année 2022 a été marquée par un affaiblissement de la conjoncture économique en raison des prix élevés de l’énergie et de l’alimentation et de turbulences sur les marchés financiers, l’économie mondiale a montré des signes de lente reprise et d’amélioration des perspectives de croissance au premier trimestre 2023. Malgré des situations économiques fragiles, les marchés du travail de la zone OCDE sont restés forts, affichant des taux d’emploi records et une baisse constante des taux de chômage. De nombreux pays de l’OCDE peinent à combler les emplois vacants compte tenu des pénuries de main-d’œuvre et de compétences. Pour de nombreux pays, il est donc devenu prioritaire d’attirer depuis l’étranger des travailleurs moyennement et hautement qualifiés pour soutenir la reprise économique et remédier à la pénurie de main-d’œuvre. Cette volonté se traduit par une hausse des niveaux d’immigration de main-d’œuvre visés par les pays, des mesures plus sélectives en matière de compétences, et des efforts consentis pour simplifier les procédures d’immigration de façon plus générale.

Plusieurs pays de l’OCDE ont augmenté leurs quotas nationaux ou le nombre visé de travailleurs immigrés afin de lutter contre les pénuries de main-d’œuvre et de compétences et de soutenir la reprise économique au lendemain de la pandémie de COVID-19. Par exemple, l’Australie et le Canada ont annoncé une hausse de leur objectif d’immigration dans leur dernier plan migratoire. Le Canada souhaite augmenter progressivement l’immigration au cours des trois prochaines années. Le Plan d’immigration 2023-25 annonce cibler un nombre d’admissions de 465 000 résidents permanents en 2023, 485 000 en 2024, et 500 000 en 2025. La cible de 2023 est plus élevée de 4 % que celle du Plan d’immigration de 2022-24. L’Italie et la Norvège ont revu leurs quotas à la hausse par rapport à 2022 pour les travailleurs ressortissants de pays tiers. L’Italie a également adopté une nouvelle loi pour fixer les quotas futurs tous les trois ans et non chaque année et faire passer de 2 à 3 ans la durée de validité des titres de séjour accordés pour motif familial, au titre d’un contrat de travail indéterminé et du statut de travailleur indépendant. En juillet 2023, l’Italie a annoncé des quotas largement plus élevés pour 2023-25, de près de 150 000 entrées par an, ainsi que 40 000 entrées saisonnières supplémentaires ouvertes aux travailleurs étrangers qui auraient été exclus des quotas de 2022. L’Autriche a mis en place des mesures pour faciliter l’immigration de travail et a, entre autres, augmenté ses quotas pour les travailleurs saisonniers de près de 15 % (passant de 5 035 en 2022 à 6 568 en 2023). La Finlande – avant le changement de gouvernement – a adapté sa législation en matière d’immigration pour stimuler l’immigration annuelle pour raisons professionnelles et faire en sorte qu’elle réponde aux besoins de main-d’œuvre qualifiée, et a mis en place une procédure accélérée pour les spécialistes en élargissant le visa D de longue durée aux étudiants, aux chercheurs et aux salariés ayant un employeur certifié, ainsi que pour les membres de leur famille. Aux États-Unis, le programme H-2B qui permet aux employeurs d’embaucher des travailleurs immigrés à des postes temporaires et saisonniers, a atteint des niveaux records en 2022 lorsque le gouvernement a augmenté l’allocation pour l’exercice budgétaire de 2022-23, enregistrant 64 716 visas supplémentaires pour les entreprises qui subiraient un préjudice irréparable si elles ne trouvaient pas les travailleurs nécessaires.

De nouvelles catégories de visas ont également été créées pour attirer les travailleurs. En juillet 2022, le gouvernement australien a mis en place un régime de visa permettant de passer de la résidence temporaire à la résidence permanente (Temporary Residence Transition, TRT) dans le cadre du dispositif de parrainage par l’employeur. Il s’adresse aux détenteurs d’un visa pour pénurie temporaire de compétences (Temporary Skill Shortage, TSS) qui sont parrainés par leur employeur. De plus, l’admissibilité au visa de catégorie TRT a été assouplie et la durée d’emploi obligatoire auprès de l’employeur parrain est passée de trois à deux ans, ce qui permet aux employeurs de combler les pénuries de main-d’œuvre qualifiée en élargissant l’accès à la résidence permanente moyennant le parrainage par un employeur pour un plus grand éventail d’emplois.

La République slovaque et la Slovénie ont adopté de nouvelles lois qui simplifient les procédures d’immigration des travailleurs. La Slovénie a modifié la loi sur l’emploi des étrangers en mars 2023 afin de remédier aux pénuries de main-d’œuvre en accélérant le recrutement des travailleurs immigrés depuis l’étranger ou par le biais de changements de statut tout en garantissant des conditions de travail adaptées et une rémunération juste. Les changements d’employeur ou d’emploi seront désormais possibles sans autre procédure administrative que l’accord du service public de l’emploi, pendant la durée de validité du permis unique. Les règles simplifiées ne s’appliquent pas aux travailleurs étrangers du secteur public. De plus, l’accès des demandeurs d’asile au marché du travail sera possible pendant trois mois une fois la demande enregistrée, au lieu de neuf auparavant. En République slovaque, une nouvelle loi, adoptée en janvier 2023, élargit les catégories de travailleurs dispensés d’un examen de l’impact sur le marché du travail et permet aux ressortissants des pays hors UE titulaires d’un permis unique de garder leur emploi dans l’attente de leur demande de renouvellement.

D’autres mesures permettant aux immigrés de combler les pénuries de main-d’œuvre comprennent la simplification des procédures de régularisation des travailleurs sans-papiers. Le gouvernement français a présenté une nouvelle loi sur l’immigration qui simplifie la procédure de régularisation des travailleurs sans-papiers déjà présents dans le pays et employés dans les secteurs sujets aux pénuries de main-d’œuvre, tout en accélérant également les expulsions. Dans le cadre d’une réforme importante de son système d’immigration, l’Espagne met actuellement en place un programme de régularisation pour permettre aux individus qui vivent en Espagne depuis au moins deux ans de régulariser leur situation, afin qu’ils occupent des postes vacants, sous réserve de suivre une formation. Les conditions d’admission et le champ d’application géographique du statut de travailleur indépendant ont également été assouplis.

En plus de la profonde révision de son système d’immigration de travail mentionnée plus haut, l’Allemagne a mis en application une nouvelle loi en janvier 2023 qui permet aux immigrés bénéficiant d’un statut de « résidence tolérée »1 de longue durée d’obtenir un titre de séjour temporaire de 18 mois, sous certaines conditions, par exemple avoir vécu dans le pays pendant les cinq années précédentes. Pendant cette période, si leur situation évolue et qu’ils remplissent les conditions légales nécessaires, ils peuvent prétendre à un titre de séjour de plus longue durée.

Contrairement aux mesures décrites ci-dessus, certaines modifications entraînent une multiplication des obstacles à l’immigration, et en particulier pour les immigrés peu qualifiés. Si la Suède a annoncé la mise en œuvre de mesures en faveur de l’immigration des travailleurs qualifiés grâce à un nouveau modèle plus efficace de traitement des demandes de permis de travail et à la création d’unités internationales de recrutement, le gouvernement cherche également à réduire l’immigration peu qualifiée en augmentant le salaire minimum requis. À compter du mois d’octobre 2023, le seuil minimum de salaire requis sera doublé, passant de 13 000 SEK à 26 560 SEK, ce qui correspond à 80 % du salaire médian. L’Australie a également annoncé une hausse du salaire minimum requis. À compter de juillet 2023, l’Australie a augmenté le seuil de revenu pour les immigrés temporaires qualifiés (Temporary Skilled Migration Income Threshold, TSMIT), celui-ci passant de 53 900 AUD à 70 000 AUD. Le TSMIT n’avait pas changé depuis 2013 et le nouveau seuil de revenu correspond à ce qu’il aurait dû être s’il avait été indexé sur l’inflation et les hausses de salaire au cours de la dernière décennie. Près de 21 000 travailleurs actuellement titulaires d’un visa de travail temporaire accordé dans le cadre d’une pénurie de travailleurs qualifiés sont actuellement rémunérés moins de 70 000 AUD.

L’évolution technologique rapide, la spécialisation croissante du capital humain et la transformation numérique des économies de l’OCDE ont entraîné un besoin accru de concevoir des politiques permettant d’attirer des immigrés dotés de compétences spécifiques afin de favoriser la croissance et l’innovation dans des secteurs clés. L’approche généralement choisie consiste à concevoir des politiques du travail qui favorisent certaines caractéristiques, telles que les salaires élevés, les qualifications de haut niveau, ou des secteurs et des emplois spécifiques.

L’Australie a lancé une campagne de recrutement international qui cible les travailleurs qualifiés étrangers dans des secteurs et des professions clés et a donné la priorité au traitement des demandes de visa des demandeurs qualifiés dans le domaine de la santé et de l’enseignement. L’Autriche a élargi sa liste des métiers en tension, passée de 66 professions en 2022, à 100 en 2023. En Belgique, la Flandre a ajouté quatre professions à sa liste de métiers en pénurie de main-d’œuvre alors que la liste de la Wallonie est passée de 42 métiers en tension à 75 en octobre 2022. La Suisse a assoupli ses règles pour les immigrés hautement qualifiés, notamment en dispensant les travailleurs immigrés de l’examen du marché du travail dans les secteurs qui peinent à recruter des employés qualifiés.

Les visas dédiés à certaines catégories d’immigrés dotés des compétences ou des acquis recherchés, comme les visas accordés aux créateurs d’entreprise ou aux talents, ont également progressé dans la zone OCDE au cours de la dernière décennie mais ont connu différentes évolutions en 2022-23. Le Canada a lancé une stratégie en faveur des talents technologiques pour renforcer sa position dans le domaine du recrutement et de l’attraction de talents technologiques mondiaux. L’approche s’articule autour de quatre grands piliers. Il s’agit notamment de créer un nouveau volet d’innovation au titre du Programme de mobilité internationale pour attirer des personnes de talent ; d’apporter des améliorations aux programmes existants pour les travailleurs dans les professions technologiques hautement qualifiées, notamment la Stratégie en matière de compétences mondiales et le Programme de visa pour démarrage d’entreprise ; et de promouvoir le Canada en tant que destination pour les nomades numériques. L’Espagne a créé un visa d’un an pour les nomades numériques, renouvelable jusqu’à cinq ans, et a également allongé de deux à trois ans la validité initiale maximale de son titre de séjour pour création d’entreprise, et assoupli les conditions d’admissibilité en élargissant la définition de « professionnels hautement qualifiés » et « d’entrepreneuriat ». Le Japon a amélioré les règles s’appliquant aux nomades numériques. Le projet de l’Italie de créer un visa d’un an pour les nomades numériques au second semestre de 2022 a toutefois été interrompu. D’un autre côté, le Royaume-Uni a décidé d’abandonner progressivement son visa pour la création d’entreprise, et l’Australie réduit le nombre de visas émis au titre de son « Global Talent Visa » – qui inclut la création d’entreprise – de 15 000 en 2019 à 5 000 en 2023.

Pour intensifier leurs efforts de recrutement actif de travailleurs immigrés, plusieurs pays de l’OCDE continuent de signer des accords bilatéraux et de développer des partenariats avec certains pays d’origine pour ce qui concerne les migrations et la mobilité. Le Portugal, l’Allemagne et l’Autriche ont récemment conclu de tels accords avec l’Inde. C’est la première fois que l’Allemagne signe un tel accord bilatéral et celui-ci devrait servir de modèle pour d’éventuels accords similaires à venir avec d’autres pays. Précédemment, l’Inde avait également conclu des accords bilatéraux pour les migrations et la mobilité avec la Finlande, la France et le Royaume-Uni. Le Portugal a également signé un accord bilatéral pour que les travailleurs marocains puissent rester et travailler sur son territoire. L’Espagne a signé un accord de migrations circulaires avec le Guatemala afin d’attirer des travailleurs agricoles saisonniers et a lancé une nouvelle édition de son programme bilatéral élargi signé avec des pays d’origine2 dans le but de recruter plus de 16 000 travailleurs saisonniers venus du Maroc à destination du secteur agricole espagnol. L’Espagne a également admis, à titre expérimental, des travailleurs du Honduras, de l’Équateur et du Sénégal.

D’autres mesures pour attirer les talents étrangers comprennent les accords de l’Allemagne avec la Jordanie et le Brésil pour recruter dans les métiers des soins à la personne et l’élargissement d’un accord déjà en vigueur avec le Mexique pour inclure l’hôtellerie et la restauration. Les travailleurs recrutés au titre de ces accords peuvent entamer une procédure de reconnaissance de leurs qualifications dès lors qu’ils occupent un emploi en Allemagne.

L’Australie étend son programme de mobilité de la main-d’œuvre australienne du Pacifique (Pacific Australia Labour Mobility, PALM) en regroupant deux dispositifs dans un seul programme harmonisé, avec pour objectif d’accroître le nombre de travailleurs relevant du programme PALM jusqu’à atteindre près de 350 000 bénéficiaires en juin 2023. Le programme PALM permet également aux travailleurs de faire venir les membres de leur famille proche, lesquels sont autorisés à séjourner, travailler et étudier en Australie.

À l’échelon de l’UE, les Partenariats destinés à attirer des talents, lancés dans le cadre du nouveau Pacte sur la migration et l’asile, ont pour objectif de remédier aux pénuries de compétences dans l’UE, de renforcer les partenariats mutuellement profitables avec des pays tiers en matière d’immigration, et de lutter contre les entrées illégales. Les partenariats destinés à attirer les talents seront accessibles à tous les niveaux de compétences, pour tous types de mobilité (temporaire, de longue durée ou circulaire), et dans tous les secteurs d’activité. Dans une première phase, l’UE prévoit de conclure des accords avec l’Égypte, le Maroc et la Tunisie.

Les problèmes d’adéquation constituent un obstacle au recrutement international, ce qui peut être causé par un manque d’informations et des retards de traitement des demandes. Afin de réduire ces problèmes, certains pays de l’OCDE accordent des visas spécifiques à la recherche d’emploi, qui permettent aux employeurs de rencontrer des candidats potentiels avant de prendre une décision et qui accélèrent et simplifient le processus d’embauche une fois la décision prise. Toutefois, seul un nombre limité de pays de l’OCDE délivrent actuellement ce type de visa (Encadré 2.1). L’Allemagne est sur le point de s’ajouter à la liste.

L’Australie prévoit d’améliorer l’accès au titre de séjour permanent pour les travailleurs immigrés qualifiés afin d’attirer davantage de travailleurs étrangers hautement qualifiés et de limiter les migrations temporaires de travail. Suite à un examen complet du système migratoire australien, le gouvernement a annoncé qu’il prévoyait de réformer et d’étendre le régime de visa permettant de passer de la résidence temporaire à la résidence permanente dans le cadre du dispositif de parrainage par l’employeur (Employee Nomination Scheme, ENS), avant la fin de 2023. Tous les détenteurs d’un visa pour pénurie temporaire de compétences (TSS) pourront demander à bénéficier d’un visa de transition. Les ressortissants étrangers parrainés par un employeur et titulaires d’un visa en cours de validité pourront prétendre au régime de visa transitoire du dispositif ENS après deux ans d’emploi au lieu de trois, et la limite dans le temps pour déposer sur le territoire des demandes de visa TSS sera également supprimée. L’Australie introduira également un nouveau visa d’embauche permanente (PEV) pour encourager l’immigration permanente dans le Pacifique, avec une limite annuelle et une attribution par un système de loterie.

Les étudiants internationaux constituent un vivier important de main-d’œuvre dans l’immédiat et pour l’avenir. L’Espagne a amélioré les conditions requises pour que les étudiants puissent travailler pendant leurs études et pour qu’ils restent et travaillent après l’obtention de leur diplôme pour encourager l’emploi et le travail indépendant des diplômés internationaux des universités espagnoles. Ces changements permettent aux étudiants étrangers de travailler 30 heures par semaine, contre 20 précédemment, d’acquérir une plus grande expérience professionnelle sur le marché du travail espagnol pendant leurs études, et de passer plus facilement d’un permis étudiant à un permis de travail après l’obtention de leur diplôme, y compris pour devenir travailleur indépendant. L’Australie a étendu l’autorisation de travail après études pour les étudiants internationaux diplômés d’un établissement australien de l’enseignement supérieur dans des secteurs ciblés (santé, enseignement, ingénierie et agriculture). La Corée a lancé un programme pour accélérer l’accès à la résidence permanente et la naturalisation d’individus talentueux dans le domaine scientifique et technologique afin de retenir les meilleurs étudiants internationaux et d’encourager leur intégration.

Le nombre de déplacements forcés dans le monde a atteint un nouveau record en 2022. Une grande partie de l’augmentation enregistrée l’année passée est due à la guerre en Ukraine, mais les guerres et les conflits dans d’autres parties du globe, notamment en Afghanistan, en Syrie, au Myanmar et au Soudan, expliquent également le nombre sans précédent de personnes déplacées. En 2022, outre l’entrée de ressortissants ukrainiens, l’UE a également enregistré une augmentation massive des demandes d’asile émanant de ressortissants d’autres nationalités. Sur le continent américain, un nombre croissant de migrants de la région et d’ailleurs ont tenté de traverser la frontière mexicaine en direction des États-Unis.

Plusieurs pays de l’OCDE ont durci leur système d’asile par le biais de réformes et de changements d’orientation. Deux autres tendances en matière de protection internationale se sont dégagées ces dernières années. La première correspond au recours accru à un statut de protection temporaire plutôt que permanent pour les individus qui ont besoin d’être protégés. Outre l’activation de la directive européenne sur la protection temporaire pour les ressortissants ukrainiens, des approches similaires sont de plus en plus souvent appliquées à d’autres nationalités et dans des situations de déplacement prolongé. La deuxième tendance est celle de la diversification des réponses humanitaires apportées, avec la mise en place d’un éventail élargi de voies d’accès instaurées pour répondre aux besoins en matière de protection internationale. Les pays cherchent de plus en plus des approches complémentaires, comme les programmes de parrainage privé et les voies d’accès par la migration de travail, parallèlement aux cadres nationaux en matière d’asile et de réinstallation.

Plusieurs pays de l’OCDE ont durci leurs politiques d’asile au cours de l’année passée. En novembre 2022, le Costa Rica a signé deux décrets fixant des conditions plus strictes pour les demandes d’asile afin de soulager la pression sur un système d’asile qui souffre de retards importants. Les nouvelles conditions restreignent la capacité des demandeurs d’asile à obtenir un permis de travail en attendant qu’il soit statué sur leur demande, réduisent le temps octroyé entre l’entrée sur le territoire et le dépôt de la demande à un mois, et exigent un motif légitime. La Suède a également affermi sa législation en matière d’asile, supprimant progressivement les titres de séjour permanents au profit de restrictions temporaires. Le gouvernement suédois prévoit également de limiter la possibilité de se voir attribuer un titre de séjour pour motifs humanitaires.

Quelques pays adoptent également des mesures qui empêchent les personnes entrées sur le territoire par des voies illégales de déposer une demande d’asile. Aux États-Unis, les restrictions aux frontières fixées par l’ordonnance de santé publique connue sous le nom de « Titre 42 », introduite sous l’administration Trump et qui autorisait l’expulsion des demandeurs d’asile pour éviter la transmission transfrontalière du COVID-19, ont été levées en mai 2023. L’administration Biden a ordonné le retour à la procédure prévue par le Titre 8, selon laquelle les individus qui traversent illégalement la frontière ne peuvent demander l’asile, sauf exception justifiée, et seront expulsés et interdits d’entrée pendant une période d’au moins cinq ans. En 2022, le Royaume-Uni a annoncé son intention d’envoyer au Rwanda les demandeurs d’asile en situation irrégulière, et le Danemark a signé une déclaration avec le Rwanda pour mettre en place un dispositif permettant le transfert des demandeurs d’asile du Danemark vers le Rwanda.

Enfin, les interventions des pouvoirs publics face aux déplacements forcés qui sont directement et indirectement causés par le changement climatique suscitent un intérêt croissant chez les décideurs et la communauté internationale depuis quelques années. Peu de pays de l’OCDE ont adopté des mesures qui apportent explicitement une réponse aux déplacements forcés liés au climat. La Colombie fait exception. En avril 2023, le Congrès colombien a commencé à examiner un projet de loi pour reconnaître le déplacement induit par le changement climatique, le premier de cet ordre en Amérique latine. Avec l’adoption d’une définition générale des populations déplacées en raison du climat, il cherche à leur donner la priorité au logement, aux services de santé et d’éducation et à instaurer un registre national des personnes déplacées en raison du climat. Le projet de loi a reçu un avis favorable lors du premier des quatre débats nécessaires à son adoption.

La plupart des réfugiés et des populations déplacées de force sont accueillis dans des pays et régions voisins. De nombreux pays de l’OCDE reçoivent actuellement des réfugiés par le biais de programmes de réinstallation, ce qui permet de soulager la pression des pays de premier asile.

Les États-Unis accueillent depuis toujours plus de réfugiés chaque année que tous les autres pays. Ces dernières années, les réinstallations ont diminué, à la fois en termes d’objectifs que de chiffres réels, en raison de la pandémie de COVID-19 et des mesures plus strictes prises par l’administration Trump, avec notamment un record historiquement bas de 15 000 personnes réinstallées au cours de l’exercice budgétaire 2021. L’administration Biden a annoncé une hausse considérable du total des réinstallations pour les exercices budgétaires américains 2022 et 2023, pour atteindre 125 000, soit le quota le plus élevé depuis plusieurs dizaines d’années.

Certains pays européens de l’OCDE, comme la Finlande, l’Irlande, les Pays-Bas et la Suède, disposent de programmes de réinstallation qui remontent à plusieurs décennies. D’autres pays n’ont commencé que récemment à accueillir des réfugiés en vue de leur réinstallation, généralement en 2015 ou peu après, lorsque le programme européen de réinstallation a été lancé (REM, 2023[2]). Plusieurs pays européens de l’OCDE ont revu à la baisse leur quota de réinstallations au cours de la période 2022-23, notamment l’Allemagne, la Belgique et la Suède. La Finlande est l’un des rares pays à avoir augmenté ce quota entre 2021 et 2022, mais le nouveau gouvernement arrivé au pouvoir en juin 2023 a annoncé une future réduction des quotas de réinstallation des réfugiés.

À l’échelle de l’UE, la Commission européenne a proposé un règlement établissant un cadre de l’Union pour la réinstallation en 2016, afin d’instaurer une politique européenne plus pérenne et prévisible en matière de réinstallation, en complément des programmes nationaux en la matière. Le Conseil et le Parlement européen sont parvenus à un accord final sur le règlement en décembre 2022, lequel doit encore être adopté officiellement.

Outre les programmes de réinstallation de réfugiés, certains pays de l’OCDE proposent également en complément des programmes d’admission pour raisons humanitaires aux personnes déplacées qui ne remplissent pas les critères pour prétendre à une réinstallation. Ces programmes ont été par exemple instaurés pour l’évacuation des ressortissants afghans après la chute de leur gouvernement en 2021.

La réponse à la crise des réfugiés ukrainiens laisse entrevoir une nouvelle tendance, à savoir l’octroi d’une protection humanitaire temporaire. Des exemples récents le montrent, comme lors du déplacement massif des Ukrainiens mais aussi des ressortissants afghans, vénézuéliens et syriens. Les dispositifs de protection temporaire présentent l’avantage d’être flexibles et d’offrir rapidement une protection en situation de crise, comme lors des exodes massifs. En revanche, ces mesures temporaires sont parfois assorties de droits limités et sont souvent conçues pour rester temporaires puisqu’elles ne permettent pas d’accéder à un titre de séjour permanent ou d’une plus longue durée. Les bénéficiaires se retrouvent dans une situation incertaine et parfois vulnérable.

En Europe, l’activation de la Directive européenne relative à la protection temporaire a été prolongée afin que les Ukrainiens puissent en bénéficier jusqu’en mars 2024. La Finlande et la Pologne ont depuis peu commencé à donner aux Ukrainiens bénéficiant du statut de protection temporaire la possibilité de demander un permis de travail, pour leur octroyer une meilleure stabilité en matière d’emploi et d’autres droits. Toutefois, dans ces deux pays, ils sont peu à en avoir fait la demande.

D’autres pays de l’OCDE proposent également des dispositifs de protection temporaire similaires à celui de l’Europe. Les États-Unis offrent un droit de séjour temporaire pour raisons humanitaires dans le cadre du programme Uniting for Ukraine (U4U). Ce droit de séjour ne donne pas accès à un titre de séjour permanent. Le Canada offre deux années de protection temporaire aux Ukrainiens dans le cadre de l’Autorisation de voyage d’urgence Canada-Ukraine pour les Ukrainiens outre-Atlantique (AVUCU). La limite pour faire la demande de l’AVUCU a été repoussée à mi-juillet 2023, et les Ukrainiens déjà au Canada et titulaires d’un visa au titre de l’AVUCU ont jusqu’à la fin du mois de mars 2024 pour demander une prolongation de leur statut temporaire au Canada ou signaler un changement.

Les États-Unis ont élargi le droit de séjour pour motifs humanitaires aux ressortissants afghans évacués de Kaboul depuis 2021. Un dispositif pour un renouvellement de deux ans de ce droit de séjour temporaire accordé aux ressortissants afghans a été annoncé en juin 2023 et permet à ces personnes de continuer à séjourner et travailler aux États-Unis. Cependant, le Congrès américain a jusqu’à présent refusé d’adopter l’Afghan Adjustment Act qui offrirait un accès au séjour permanent. De même, de nouveaux programmes d’accès au statut de protection temporaire ont également été mis en place pour un maximum de 30 000 ressortissants de Cuba, d’Haïti, du Nicaragua et du Venezuela, afin de répondre aux besoins urgents de protection et de soulager la pression exercée à la frontière sud du pays.

Des visas et permis de séjour temporaires sont également accordés aux demandeurs d’asile et aux personnes déplacées qui résident déjà dans le pays de destination. Le statut de protection temporaire des États-Unis (TPS) donne aux immigrés, qui ne peuvent pas vivre en sécurité dans leur pays d’origine, le droit de séjourner et de travailler temporairement aux États-Unis. Au cours de 2022-23, ce statut a été accordé ou étendu aux ressortissants des pays suivants: Soudan du Sud, Ukraine, Soudan, Afghanistan, Cameroun, Syrie, Venezuela, Myanmar, Éthiopie, Haïti, Yémen, Somalie, El Salvador, Honduras, Népal et Nicaragua. Le Costa Rica a créé une voie d’accès temporaire spéciale permettant aux demandeurs d’asile de Cuba, du Nicaragua et du Venezuela de travailler. Les demandeurs d’asile de ces pays dont la demande est en cours d’examen ou rejetée peuvent désormais déposer une demande de permis de travail ou de résidence temporaire de deux ans à condition qu’ils renoncent à leur demande d’asile et de statut de réfugié.

En Amérique, les Vénézuéliens ont obtenu une protection temporaire dans plusieurs pays du continent, souvent sans possibilité d’obtenir un permis de séjour permanent ou de longue durée. Le statut de protection temporaire reste le dispositif principal de protection et de régularisation pour les ressortissants du Venezuela en Colombie et constitue un précédent historique dans la région. Il permet de rester légalement dans le pays pendant une première période de dix ans, avec la possibilité de déposer une demande de visa permanent au terme des dix ans. Toutefois, les ressortissants du Venezuela ont de plus en plus de mal à obtenir ce statut et se heurtent à des obstacles pour accéder à l’enseignement, aux soins de santé ou à d’autres services. Afin d’y remédier, en janvier 2023, les autorités migratoires ont créé un nouveau document/certificat temporaire d’identification pour les demandeurs du statut de protection temporaire afin de leur permettre d’accéder plus facilement aux services publics et d’entrer et sortir temporairement du pays. En 2022 et 2023, la Colombie a également adopté des mesures permettant d’étendre la protection aux ressortissants en situation irrégulière.

L’augmentation des déplacements dans le monde a conduit à l’élargissement et au développement d’approches innovantes pour améliorer l’accès à la protection. Des voies d’accès complémentaires offrent d’autres possibilités de réinstallation aux réfugiés et d’autres moyens d’accéder à l’asile en proposant des voies d’admission légales et sûres aux réfugiés qui séjournent en dehors de leur pays d’origine et tentent leur chance dans un pays tiers (OCDE/HCR, 2023[3]). Promouvoir des voies complémentaires pour permettre aux réfugiés de se rendre en sécurité dans un pays tiers est un objectif majeur du Pacte mondial sur les réfugiés. Il peut s’agir de voies d’admission pour étudier ou travailler, du regroupement familial ou de programmes humanitaires et de parrainage. Ces dernières années, des efforts ont été consentis pour lever les obstacles qui empêchent les réfugiés de retrouver leur famille, de se déplacer pour travailler ou étudier, ou d’être parrainés pour s’installer dans un nouveau pays.

Le regroupement familial continue d’être la voie d’accès complémentaire la plus importante (OCDE/HCR, 2023[3]). Les orientations récentes vers la mise en place de dispositifs de protection plus temporaires peuvent avoir pour effet de limiter les possibilités de regroupement familial puisque cette voie d’accès n’y est souvent pas prévue. Une évolution récente en matière de politique migratoire va toutefois dans le sens d’une levée des restrictions au regroupement familial. En janvier 2023, l’Australie a mis fin à une loi qui interdisait aux réfugiés arrivés par bateau de bénéficier du regroupement familial. Toutefois, la décision ne s’applique pas aux réfugiés qui bénéficient d’un statut de protection temporaire. En août 2022, les Pays-Bas ont suspendu le regroupement familial pour les réfugiés afin d’alléger la pression sur le système d’asile et de remédier à la surpopulation des centres de demandeurs d’asile et à la pénurie de logements. En février 2023, la plus haute cour administrative du pays a jugé que la restriction du droit au regroupement familial des personnes ayant le statut de demandeur d’asile était illégale et la mesure a été retirée.

Les programmes de parrainage font référence aux initiatives menées par des individus ou des organisations qui prennent la responsabilité d’apporter un soutien financier et social à une personne ou une famille réinstallée pour une durée prédéterminée. Les programmes de parrainage peuvent faire partie du système national de réinstallation global pour renforcer et élargir la capacité à proposer une réinstallation.

Les États-Unis ont récemment mis en œuvre plusieurs programmes de parrainage, comme le « Sponsor Circle Program » pour les Afghans, un programme de parrainage local destiné à aider les Afghans vulnérables à se réinstaller, et le programme d’admission temporaire fondé sur le parrainage, « Uniting for Ukraine », qui permet sous condition aux citoyens ukrainiens et aux membres de leur famille proche de se réinstaller temporairement aux États-Unis pendant une période de deux ans, avec le soutien d’un parrain. Le programme de parrainage le plus récent, « Welcome Corps », lancé début 2023, s’appuie sur les leçons tirées des précédents programmes nationaux de parrainage. La première année du programme se déroulera en deux étapes. La première consistera à mettre en contact les parrains et les réfugiés dont le dossier a déjà reçu un avis favorable pour la réinstallation dans le cadre du programme américain d’admission des réfugiés (USRAP), tandis que la deuxième étape permettra aux parrains privés de recenser les réfugiés à adresser à l’USRAP en vue d’une réinstallation et d’un soutien. L’objectif visé la première année est de 10 000 personnes parrainant 5 000 réfugiés. Le Canada, dont le programme de parrainage privé déjà ancien a servi de modèle à ceux des autres pays, a annoncé une augmentation du nombre de réfugiés parrainés par titulaire d’un accord de parrainage, qui passera à 13 500 en 2023.

Plusieurs pays de l’UE ont introduit des programmes et des dispositifs de parrainage ces dernières années. Les dispositifs en Belgique et en Espagne sont encore en phase de test alors que ceux de l’Allemagne et de l’Irlande sont allés au-delà et sont désormais des programmes de parrainage bien établis. Les dispositifs de parrainage à l’échelon local ne sont généralement pas considérés comme une voie d’admission distincte mais font partie des programmes nationaux de réinstallation ou d’admission pour raisons humanitaires et viennent compléter les programmes nationaux. Les bénéficiaires sont généralement sélectionnés parmi l’ensemble des réfugiés qui participent à des programmes de réinstallation retenus par le HCR. L’étendue des programmes en nombre de personnes admises reste encore très limitée. À ce jour, la France est le pays européen à avoir admis le plus grand nombre de personnes au total, avec 531 accords conclus entre 2017 et 2021 ciblant les réfugiés syriens et iraqiens présents au Liban (REM, 2023[2]).

Les voies d’accès pour les travailleurs qualifiés sont généralement peu accessibles aux réfugiés et aux personnes déplacées, alors même qu’ils sont nombreux à avoir des compétences très recherchées dans les pays de destination éventuels. Compte tenu des pénuries de compétences dans la zone OCDE, plusieurs pays ont commencé à envisager la possibilité de proposer des voies d’accès légales aux personnes qualifiées ayant besoin d’une protection internationale. Plusieurs de ces programmes ont été lancés par l’organisation « Talent Beyond Boundaries », dont la mission est d’ouvrir l’accès à l’immigration qualifiée aux réfugiés et aux personnes déplacées (Encadré 2.2).

Dans les pays européens de l’OCDE, « Displaced Talent for Europe » (DT4E) offre une voie légale d’accès à l’immigration de travail aux personnes déplacées en Jordanie et au Liban en les mettant en relation avec des employeurs en Belgique, en Irlande, au Portugal et au Royaume-Uni. Ce programme présente la particularité de répondre aux besoins de l’employeur et de s’appliquer à tous les secteurs en tension. En février 2023, le conseil des infirmières et des sages-femmes (Nursing and Midwife Council) du Royaume-Uni a annoncé une nouvelle mesure de soutien aux personnes déplacées de force qui souhaitent s’inscrire en tant que professionnels de santé, en faisant preuve de flexibilité quant aux documents requis pour établir le dossier.

Le Canada a annoncé un nouveau financement de 6.2 millions CAD afin d’élargir le Projet pilote sur la voie d’accès à la mobilité économique (PVAME), un dispositif complémentaire pour les réfugiés qualifiés à l’étranger. Le Canada ambitionne d’accueillir 2 000 réfugiés qualifiés ces prochaines années par ce biais. En mars 2023, une voie d’admission supplémentaire a été lancée dans le cadre du PVAME pour assouplir les conditions d’accès en permettant à d’autres personnes déplacées nécessitant une protection de présenter une demande. Le projet pilote australien « Skilled Refugee Labour Agreement », lancé en 2021, constitue un projet de voie d’accès complémentaire à la mobilité professionnelle pendant deux ans pour les réfugiés et les personnes déplacées. Les conditions d’admission au programme sont plus souples en ce qui concerne l’évaluation des compétences, la maîtrise de l’anglais, l’âge et la présentation de documents de voyage, afin de permettre aux réfugiés qualifiés d’accéder à des voies d’immigration qualifiée nécessitant le parrainage d’un employeur, dont les critères ne pourraient autrement être satisfaits par les réfugiés compte tenu de leur statut.

Références

[1] OCDE (2023), Job Search Visas in OECD Countries: A new mechanism for improving labour migration matching?, Note interne pour le Groupe de travail sur les migrations.

[3] OCDE/HCR (2023), Safe Pathways for Refugees III: OECD-UNHCR study on pathways used by refugees, Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, https://globalcompactrefugees.org/media/safe-pathways-refugees-iii.

[4] OIM (2022), L’OIM et Talent Beyond Boundaries s’associent pour renforcer les voies de mobilité de main-d’œuvre pour les réfugiés et autres populations déplacées, Organisation internationale pour les migrations, https://www.iom.int/fr/news/loim-et-talent-beyond-boundaries-sassocient-pour-renforcer-les-voies-de-mobilite-de-main-doeuvre-pour-les-refugies-et-autres-populations-deplacees.

[2] REM (2023), « Resettlement, Humanitarian Admission and Sponsorship Schemes », Euorpean Migration Network Inform, https://home-affairs.ec.europa.eu/news/emn-inform-provides-overview-resettlement-humanitarian-admission-and-sponsorship-schemes-2023-06-15_en.

[5] Talent Beyond Boundaries (2023), Talent Beyond Boundaries, https://www.talentbeyondboundaries.org/.

Notes

← 1. Le statut de « résidence tolérée (Duldung) est un titre de séjour temporaire accordé dans le cas où l’expulsion est impossible pour des raisons humanitaires ou techniques.

← 2. Gestion collective de l’embauche dans les pays d’origine (Gestión colectiva de contrataciones en origen, GECCO).

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