4. Gouvernance multi-niveaux en Haïti

Haïti est un pays hétérogène en matière de développement, que ce soit d’un point de vue économique, social ou territorial. Le pays se situe sur le tiers occidental de l’île d’Haïti, son territoire étant organisé en dix départements, 42 arrondissements, 146 communes1, 58 quartiers et 572 sections communales. L’administration décentralisée est déclinée en trois niveaux de collectivité territoriale définis par la Constitution de 1987 : les départements, les communes et les sections communales. L’administration territorialement déconcentrée se situe quant à elle à l’échelle du département et de l’arrondissement. Selon le cadre légal en vigueur, seul le gouvernement central et les municipalités sont dotés de ressources propres alimentées par les taxes et impôts.

À l’instar de la plupart des pays d’Amérique latine et des Caraïbes, il existe en Haïti de fortes disparités entre la capitale et le reste du pays. La zone métropolitaine de Port-au-Prince concentre 40% de la population, 70% des entreprises, 90% des institutions bancaires, 50% des hôpitaux et plus de 30% des écoles (Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, 2019[1]). Le département le moins peuplé (les Nippes) ne compte quant à lui que 342 000 habitants pour 1 267km2 (Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, 2019[1]).

L’urbanisation en Haïti est un phénomène relativement récent. Alors qu’en 1950, seuls 10% de la population vivaient dans des zones urbaines, le taux d’urbanisation a atteint 57% en 2015 (Banque mondiale, 2018[2]). Entre 1950 et 1980, le nombre de citadins a augmenté quatre fois plus vite que la population rurale (Banque mondiale, 2018[2]). Entre 2000 et 2015, la population urbaine d'Haïti a augmenté plus rapidement que la moyenne des pays des Caraïbes ; elle a doublé de taille (Banque mondiale, 2018[2]). Cette urbanisation effrénée a atténué les clivages traditionnels entre les villes et les zones rurales, avec pour résultat la marginalisation de certaines zones urbaines. En l’absence de ressources humaines et financières pour y faire face, l’exode rural massif de ces dernières décennies a généré une augmentation de la précarité et de l’indigence dans les quartiers les moins aisés des villes du pays (Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, 2019[1]).

Les inégalités de revenus se maintiennent, et restent les plus élevées de la région, bien que des améliorations aient été enregistrées dans les villes (Banque mondiale, 2018[2]). Le coefficient de Gini est resté constant, révélant une persistance des inégalités, à hauteur d’environ 0,6 entre 2001 et 2012 (Banque mondiale, 2018[2]). Entre 2002 et 2012, les inégalités ont diminué dans les zones urbaines (de 0,64 à 0,59), alors qu'elles ont augmenté dans les zones rurales (de 0,49 à 0,56) (Banque mondiale, 2018[2]). Une étude de la Banque interaméricaine de développement, utilisant l’imagerie satellite et les données du téléphone mobile, a révélé de fortes disparités régionales en termes de pauvreté (Banque interaméricaine de développement, 2020[3]). Les communes les plus performantes se situent majoritairement dans l’Ouest, où se trouve Port-au-Prince, alors que les communes du Nord-Ouest connaissent une situation de plus en plus critique depuis les cinq dernières années. L’étude révèle également une forte concentration de la pauvreté avec un Haïtien pauvre sur quatre vivant dans seulement dix communes.

La décentralisation est un élément clé de la réforme du secteur public qui a été déployée pour remédier à ce type d’inégalités, puisqu'elle consiste à transférer une série de pouvoirs, de responsabilités et de ressources du gouvernement central aux autorités locales élues (OCDE, 2019[4]). Le terme de décentralisation regroupe généralement trois aspects interconnectés que sont la décentralisation politique, administrative et fiscale. En pratique, les politiques de décentralisation sont souvent difficiles à catégoriser, car tous ces aspects (politiques, administratifs et fiscaux) sont généralement présents simultanément (OCDE, 2020[5]). Les réformes de décentralisation peuvent être motivées de diverses manières. Dans certains pays, la décentralisation peut être considérée comme une réaction à une forte centralisation antérieure, voire à l'autoritarisme, afin de promouvoir et préserver des acquis démocratiques (Hooghe et al., 2016[6]). Dans d'autres, elle vise à améliorer l'efficacité des services publics et à optimiser l’usage des ressources (OCDE, 2020[5]). La décentralisation est également censée promouvoir une gouvernance publique plus redevable, transparente, intègre et impliquant une participation accrue de la société civile. La déconcentration est une autre forme de gouvernance multi-niveaux et ne doit pas être confondue avec la décentralisation. La déconcentration consiste en une délégation de pouvoir à un niveau inférieur au sein de la même structure administrative. En ce sens, dans la plupart des pays, le gouvernement central créé des bureaux régionaux à des fins de planification, de contrôle et de coordination et pour l'octroi de permis et de licences (OCDE, 2020[5]). Les niveaux déconcentrés de l'administration centrale peuvent coexister avec des administrations régionales ou locales autonomes sur le plan fiscal.

La Constitution de mars 1987 consacre la République d’Haïti comme État unitaire décentralisé et définit des grands principes à partir desquels pourraient être formulées des politiques de décentralisation et de déconcentration2. Ce couple décentralisation/déconcentration est conçu comme le fondement du processus de gestion du nouvel État à la chute de la dictature. Sa concrétisation repose sur la création de nouvelles structures et institutions, notamment les trois niveaux de collectivités territoriales, structurant les nouveaux rapports administratifs, économiques, sociaux et politiques3. Plus de trente années après la promulgation de la Constitution, les politiques de décentralisation et de déconcentration esquissées et annoncées n’ont été que partiellement réalisées, minées par de faibles moyens matériels et un cadre légal confus. La décentralisation reste néanmoins une priorité stratégique avérée pour le gouvernement d’Haïti en tant qu’outil d’atténuation de la marginalisation et de démocratisation (Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, 2019[1]). Deux outils de planification stratégique nationale en Haïti ont une portée locale : le Plan stratégique de développement d’Haïti (PSDH) et le Programme de modernisation de l’État 2018-2023 (PME-2023). Deux des quatre chantiers du PSDH touchent particulièrement les collectivités territoriales et leur administration : le chantier de refondation territoriale et le chantier de refondation institutionnelle. Malgré la place importante dédiée aux collectivités dans les documents stratégiques de réforme de l’État, les actions peinent à se concrétiser. Ainsi, la gouvernance locale, la décentralisation et la déconcentration sont des domaines de gouvernance à compétences partagées. Il est donc nécessaire qu’un cadre institutionnel cohérent soit mis en place en considérant la nature transversale de la mission.

En dépit des opportunités réelles offertes par les réformes de gouvernance multi-niveaux, elles comportent également des difficultés. La situation difficile de l’État haïtien doit donc être prise en compte, les politiques de décentralisation comportant des risques particulièrement saillants pour les contextes fragilisés et polarisés (voir Tableau 4.1).

Pour comprendre la persistance de ces disparités territoriales et difficultés régionales en Haïti, il est important d'analyser le cadre institutionnel et les capacités actuelles de l'administration haïtienne au niveau local, sa dynamique ainsi que les relations politiques et administratives entre le gouvernement central et les autorités locales. À cet égard, la première partie de ce chapitre analyse la situation politique, administrative et financière actuelle des gouvernements locaux, dans le contexte du processus de décentralisation du pays. La deuxième partie se concentre sur les principaux mécanismes de gouvernance multi-niveaux, et le développement territorial. Tout au long de ce chapitre, la question de la gestion de l'eau sera utilisée comme exemple lorsque cela sera pertinent.

La décentralisation peut avoir des effets positifs sur les pays qui l’emploient, allant d’une allocation des ressources plus efficiente, à l'amélioration de la qualité et de l’efficacité des services publics. Des études empiriques récentes indiquent également que la décentralisation peut réduire les écarts entre les régions en créant des politiques de développement régional plus efficaces (OCDE, 2019[4]). Néanmoins, la décentralisation n'est pas une panacée. Le processus peut rencontrer des difficultés de mise en œuvre en raison de sa nature complexe et systémique. Ceci est mis en évidence dans les politiques de décentralisation de gestion de l’eau (Voir Encadré 4.1). En effet, ce mode d’organisation des relations entre niveaux de gouvernement offre des avantages, mais induit également des risques en termes d'efficience (politiques publiques et fourniture de services), de représentation (gouvernance politique) et d'unité nationale (OCDE, 2017[7]). Les réformes en matière de gouvernance multi-niveaux en Haïti reflètent cette ambivalence, oscillant entre une autonomie accrue des collectivités territoriales et un regain du contrôle du gouvernement central sur les instances locales de gouvernance. Certains bénéfices des politiques de décentralisation et de déconcentration sont néanmoins particulièrement souhaitables dans le contexte haïtien, lorsque celles-ci permettent de réduire les conflits en ouvrant de nouvelles voies de participation politique aux citoyens (USAID, 2009[8]), de lutter contre la pauvreté et les grandes disparités territoriales, et de réduire le budget central en décentralisant les dépenses dans un contexte de restrictions budgétaires strictes (OCDE, 2017[7]).

Il n’existe pas de consensus universel sur le niveau idéal de décentralisation ou sur la structure optimale de gouvernance multi-niveaux (OCDE, 2017[7]). La nature et la portée des approches de décentralisation et de déconcentration dépendent de relations complexes entre niveaux de gouvernement, qui sont elles-mêmes le produit de facteurs historiques, politiques et économiques. Tout au long de son histoire, Haïti a été caractérisée par une forte dynamique de centralisation, tant politique qu'administrative, qui s'est intensifiée sous la dictature duvaliériste (Dorner, 1998[10]). Toute analyse doit donc tenir compte du fait que le processus de décentralisation haïtien est relativement nouveau, puisqu'il n'a commencé qu'après la promulgation de la Constitution en 1987. La gouvernance multi-niveaux en Haïti s’inscrit ainsi dans un contexte historique marqué à la fois par l’autoritarisme et une forte centralisation des pouvoirs politiques, administratifs et financiers à Port-au-Prince, sa capitale (Fleur-Aime et Thomas, 2016[11])

L’État colonial français s’est développé à Saint-Domingue en se dotant d’une bureaucratie militaro-administrative conçue pour servir l’extraction et l’exploitation des ressources. Ce modèle centralisateur et autoritaire forma les bases du modèle mis en place par les élites politiques à l’indépendance d’Haïti en 1804, qui visait à conserver le contrôle du système d’extraction et de production des biens destinés à l’exportation (Sauveur, 2007[12]). Haïti a en effet adopté les formes d’organisation territoriale de l’État colonial français (départements, arrondissements, communes se substituant aux paroisses coloniales), dont les entités locales peinaient à émerger face à un pouvoir exécutif fort et centralisateur (Cadet, 2001[13]) Parallèlement à cette force centripète permanente au cours du XIXe siècle, les faiblesses de l’État ont limité sa capacité d’« occuper, organiser et contrôler l’espace territorial » (Dorner, 1998[10]) (Sauveur, 2007[12]). L’occupation américaine qui débuta en 1915 conforta cette dynamique de centralisation, compte tenu de la création d’une armée combinée à une restriction de l’autonomie des entités locales (Dorner, 1998[10]). De même, entre 1957 et 1986, le modèle de domination politique de la dictature duvaliériste dépendait d’une concentration toujours plus forte des systèmes de violence et de contrôle. Certaines initiatives de gouvernance locale telles que les conseils d’administration des sections rurales (CASER), furent prises, mais elles servaient principalement à renforcer la portée du pouvoir central au niveau local (Dorner, 1998[10]).

Le premier pas significatif vers la décentralisation politique est venu avec la chute de la dictature. La chute du régime duvaliériste en 1986 s’accompagna en effet d’exigences de profondes transformations de la part des citoyens, caractérisée comme une « demande de décentralisation » (Dorner, 1998[10]). Cette demande découle de la forte centralisation du pouvoir et de la concentration des services publics dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince, qui est le produit de deux déficiences administratives : la sous-administration du pays dans les zones rurales et provinciales, et la « mal-administration » au sein de l’appareil administratif4. La Constitution de mars 1987 se voulait une réponse à cette demande de « dé-marginalisation », en consacrant la République d’Haïti comme État unitaire décentralisé et en définissant de grands principes à partir desquels pourraient être formulées une politique de décentralisation et une politique de déconcentration. Les objectifs poursuivis en matière de gouvernance territoriale sont donc multiples : assurer une présence de l’État sur l’ensemble du territoire par une administration de service, promouvoir le développement tant au niveau local que national, et enfin rompre avec l’exclusion en préconisant la participation et la concertation.

La conception de la République d’Haïti comme État unitaire décentralisé constitue une innovation majeure de la Constitution de 1987 (Cadet, 2001[13]). Les principales composantes sont les suivantes :

  • La création du statut de collectivités territoriales (Const. art.61) ;

  • L’accompagnement de la décentralisation par la déconcentration des services publics avec délégation de pouvoir (Const. art. 87-4), et

  • L’élaboration des principes de participation et de concertation visant à rompre avec l’exclusion (Const. préambules 5-7 ; art. 81, 87-2, 87-3, 87-5, 217).

La Constitution en son article 61 reconnaît trois collectivités territoriales : le département, la commune, et la section communale (voir Tableau 4.2). Chaque collectivité décentralisée est dotée d’une structure de délibération (l’assemblée), et une structure d’exécution (le conseil). Les conseils sont chargés de diriger, gérer et administrer les collectivités, et les assemblées de délibérer et de contrôler leurs activités.

La Constitution établit l’existence de ces trois collectivités territoriales, mais ne définit pas la notion même de collectivité territoriale. Par exemple, elle attribue au département le statut de personne morale, et l’autonomie administrative et financière à la commune (Const. art. 66), mais la section communale n’est pas régie par un cadre juridique précis. De multiples lois et décrets ont tenté de corriger cette carence, notamment la loi du 4 avril 1996 sur l’organisation de la section communale, ainsi que les décrets de février 20066 (souvent appelés « la charte des collectivités territoriales ») (Voir Encadré 4.2 sur les responsabilités attribuées aux collectivités territoriales en matière de gestion de l’eau). Bien que comportant des innovations institutionnelles considérables, les décrets de 2006 n’ont pas été entérinés par le Parlement, et leur application n’est que partielle (Paul et Charleston, 2015[14]). Ce manque de clarté concernant le cadre juridique encadrant les collectivités est illustré par le fait que plusieurs projets de loi sur la décentralisation sont actuellement en circulation ; deux propositions de lois sont proposées, l’une par la Chambre des députés, l’autre par le Sénat, sans être votées ni validées, et deux commissions présidentielles sur la décentralisation ont été créées depuis 2009, dont les rapports sont restés sans suite7.

La construction juridique de la décentralisation est victime de forces centrifuges, qui entravent la mise en œuvre d’une politique de décentralisation efficace. En effet, la Constitution semble privilégier l’autonomie et la libre administration des collectivités territoriales, en attribuant à la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA) la responsabilité du contrôle administratif et financier de ces institutions. Les textes légaux qui ont suivi, visant à compléter le cadre constitutionnel, attribuent également l’autonomie administrative aux collectivités, mais tendent à placer ce pouvoir local sous le contrôle de l’État central (Cadet, 2001[17]) : d’une part, en attribuant au ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales « le contrôle de tutelle sur les collectivités territoriales » par le biais de la Direction des collectivités territoriales, et d’autre part, en attribuant aux délégations et vice-délégations un rôle de contrôle sur les communes (Cadet, 2001[17]). En particulier, la Constitution de 1987 avait réinstauré la délégation au niveau départemental, et créé une vice-délégation à l’échelle de l’arrondissement, avec des attributions se limitant à « la coordination et le contrôle des services publics » (Const. art. 86). Cependant, le décret du 17 mai 1990 attribua à ces structures déconcentrées un contrôle de tutelle sur les personnes et les actes des organes des collectivités. Il semble donc y avoir une certaine tension entre le cadre constitutionnel, prônant une politique de décentralisation ambitieuse caractérisée par une forte autonomie des collectivités, et les textes ultérieurs encadrant la décentralisation.

Une répartition claire des compétences du gouvernement central et des collectivités territoriales est essentielle pour que les gouvernements puissent s’acquitter de leurs engagements et être redevables envers leurs citoyens (OCDE, 2019[4]). Un consensus sur les responsabilités de chaque niveau de gouvernement est d’autant plus désirable qu’il s’agit de fonctions dont la responsabilité est partagée entre plusieurs niveaux de gouvernement, à l’instar de l’éducation, la santé ou la protection sociale. L’absence d’une répartition claire des compétences des collectivités territoriales contribue à l’inefficacité des gouvernements et perpétue les inégalités dans la prestation des services publics, ainsi que des difficultés à répondre aux besoins en infrastructures (OCDE, 2019[4]).

La gouvernance en Haïti est affaiblie par une dissonance entre la distribution des compétences aux niveaux légal et empirique. Ce contraste est apparent en matière de gestion de l’eau (voir Encadré 4.3). Plus de trois décennies après la promulgation de la Constitution de 1987 prescrivant un État décentralisé, les réformes institutionnelles et administratives n’ont été que partiellement réalisées. Le Programme de modernisation de l’État 2018-2023 (PME-2023) souligne un certain nombre d’éléments qui gênent l’articulation et la coordination de l’action publique : notamment la faiblesse du cadre légal régissant les collectivités locales et créant une certaine confusion, la difficulté d’application du cadre légal, le manque de cohérence dans le découpage des collectivités territoriales, l’insuffisante harmonisation des textes sur les compétences des entités locales, ainsi que des conflits de compétences dans certains domaines entre les différentes collectivités locales, d’une part, et le gouvernement central, d’autre part (Office de Management et des Ressources Humaines, 2018[18]). L’objectif du PME-2023 est de relever ces défis pour une efficacité et efficience améliorées des interventions publiques, tout en facilitant l’implication active de la société civile.

L’absence de loi-cadre fragilise la mise en œuvre d’une décentralisation effective en Haïti. Pour preuve, un grand nombre d’institutions territoriales prévues par la Constitution n’ont été que partiellement mises en place (Tableau 4.4). Au niveau départemental, ni le conseil ni l’assemblée ne sont fonctionnels, et le conseil interdépartemental n’existe toujours pas. Les assemblées municipales dont devraient dépendre ces structures n’existent pas davantage, les élections indirectes nécessaires à leurs créations n’ayant jamais eu lieu. Les conseils municipaux (aussi appelés conseils communaux) sont fonctionnels, mais l’absence d’élections entrave leur fonctionnement. En effet, en l’absence d’élections municipales en 2019, le Président Moïse a nommé par des arrêtés publiés le 3 juillet 2020, dans Le Moniteur spécial N°14, de nouvelles « commissions municipales » dans 141 communes du pays (Vixamar, 2021[19]). Ce mécanisme avait également été utilisé en 2013 faute d’élections, sous la dénomination d’« agents exécutifs intérimaires » (OFPRA, 2015[20]). Enfin, au niveau des sections communales, les conseils d’administration de la section communale et les assemblées de la section communale sont fonctionnels. L’interdépendance entre l’organisation d’élections complexes (directes, indirectes et à plusieurs niveaux) et la bonne mise en œuvre des dispositions constitutionnelles de décentralisation représente une difficulté ; l’organisation d’élections dans un contexte polarisé et post-conflit est en effet fréquemment source de violence (Brancati et Snyder, 2011[21]). L’Examen a pour ambition d’analyser la gouvernance multi-niveaux et la décentralisation de manière stratégique du point de vue du gouvernement national. Par conséquent, une évaluation technique des dispositions institutionnelles au sein des départements et des communes, et la présentation de réflexion sur le nombre de niveaux de gouvernement et sur les organes prévus à chaque niveau ne sont pas du ressort de cet Examen.

On constate des chevauchements et des dysfonctionnements dans l’exercice des responsabilités des collectivités territoriales. Les organes des départements n’étant pas fonctionnels, les compétences politiques et administratives qui leur sont assignées (notamment l’élaboration du plan de développement du département) ne sont pas assumées. Les communes, bien que fonctionnelles, possèdent un grand nombre de compétences politiques, administratives et opérationnelles qu’elles peinent à assumer en raison de contraintes en termes de ressources financières et humaines. Les compétences des sections communales quant à elles, demeurent floues, et sont principalement des responsabilités en termes d’appui (CNRA, 2002[22]). Par ailleurs, des chevauchements et des duplications sont constatés dans la définition des compétences entre sections communales et communes (CNRA, 2002[22]). Cette dynamique a également été confirmée par les parties prenantes lors des entretiens menés par l’OCDE, qui ont souligné un manque d’harmonisation des textes sur les compétences des entités locales (compétences partagées, actions complémentaires).

Les conflits de compétences entre collectivités sont amplifiés par les écueils du découpage territorial actuel. Les limites de toutes les divisions territoriales, bien que parfois connues sur le terrain, sont très mal définies d’un point de vue légal. Néanmoins, le Secrétariat Technique du Comité Interministériel de l’Aménagement du Territoire est actuellement en train d’effectuer une opération de bornage à travers le territoire afin de résoudre ces contradictions. Cette situation est la source de nombreux conflits entre responsables d’entités territoriales limitrophes, de problèmes fonciers, et de difficultés de gestion des questions territoriales au niveau central9. De plus, les divisions territoriales administratives ne reflètent pas systématiquement (ou fréquemment) de zones territoriales fonctionnelles10. On remarque par exemple des écarts importants en termes de population et de superficie des territoires, de sorte que des collectivités peuvent avoir une superficie et population plus importante que celles des territoires d’un niveau supérieur : une soixantaine de sections communales ont par exemple une superficie supérieure à 100 km2, alors qu’une quarantaine de communes ont une superficie inférieure. Au niveau départemental, les écarts sont également très importants, le plus petit département (les Nippes) faisant 1 267 km2 pour 342 000 habitants, et le plus grand (l’Ouest), 5 000 km2 pour 4 000 000 d’habitants11. Bien qu'il n'existe pas de taille standard pour les collectivités, l’OCDE suggère de faire correspondre les frontières administratives traditionnelles aux lieux où les gens vivent, travaillent et se rencontrent réellement (OCDE, 2017[7]). Un objectif cohérent peut être de définir des collectivités en fonction de zones fonctionnelles sociales et économiques.

L’exercice effectif de leurs responsabilités par les collectivités territoriales est difficilement envisageable sans une clarification de leurs attributions (voir Encadré 4.4) et un renforcement significatif de leurs capacités. La mise à disposition de modèles de structures administratives et d’outils de gestion adaptés aux besoins des collectivités, la formation des élus et du personnel, l’élaboration de procédures et le renforcement de la gestion financière sont donc essentiels à la bonne marche des institutions décentralisées.

Le mode de financement des services et des biens publics, et la répartition des financements entre niveaux de gouvernement sont des éléments clés d'une gouvernance multi-niveaux efficace. Cependant, les réformes fiscales sont difficiles à concevoir et à mettre en œuvre ; elles ont donc tendance à être le « maillon faible » des réformes de gouvernance multi-niveaux (OCDE, 2017[7]). Afin d’assumer leurs responsabilités, les collectivités territoriales nécessitent en Haïti des moyens financiers adaptés. En raison de faibles recettes locales, du cadre juridique définissant les collectivités et leurs fonctions, et d’un cadre de subventions et de transferts central inadéquat, les collectivités peinent à remplir le rôle prévu dans le cadre légal. Afin de corriger cet état de fait, trois approches sont envisageables : l’augmentation des recettes fiscales pour plus d’autonomie, des transferts conditionnels (earmarked en anglais)12, ou des transferts non-conditionnels (non-earmarked ou general en anglais)13. Trouver un juste équilibre entre ces trois mécanismes peut permettre aux autorités locales de remplir leurs mandats .

Les gouvernements locaux fonctionnent de manière plus optimale lorsque les résidents financent les services locaux auxquels ils ont accès, par le biais de taxes et de redevances locales (Blöchliger et Charbit, 2008[23]). La cohérence entre la mobilisation des revenus au niveau local et les dépenses favorise la redevabilité ainsi que la réactivité aux besoins locaux, en particulier lorsque les revenus sont en majorité des recettes fiscales propres ou concomitantes (OCDE, 2019[4]). L’Encadré 4.5 présente le cas de la Suède, où les collectivités bénéficient d’une autonomie financière très importante.

En Haïti, seules les communes disposent légalement d’une autonomie financière et perçoivent des ressources propres à partir de taxes et impôts. En accord avec le décret du 15 janvier 1988, la Direction générale des impôts (DGI) du ministère de l’Économie et des Finances collecte les impôts et taxes au nom de la commune, qui sont principalement les suivants :

  • La contribution foncière des propriétés bâties (datant de la loi du 5 avril 1979)

  • Patente commerciale et professionnelle (datant du décret du 28 septembre 1987)

  • Droits d’alignement de clôture

  • Taxe de numérotation des maisons

  • Taxe sur les jeux

  • Permis de construire

  • Droit d’inhumation aux cimetières

  • Taxe sur les matériaux et denrées sur la voie publique

Bien que la loi du 15 janvier 1988 fasse état d’une dizaine de taxes et impôts, la grande majorité des recettes communales provient de la contribution foncière des propriétés bâties (CFPB) et de la patente commerciale et professionnelle. En effet, selon un rapport de la Banque mondiale publié en 2018, les taxes foncières et les patentes représentaient 98,1% de la collecte totale (62,5% de taxe foncière et 35,6% de patente) en 2013 (Banque mondiale, 2018[2]). Il est également ressorti des entretiens menés avec les parties prenantes que ces recettes sont assez sûres et prévisibles, à l’inverse des ressources perçues par les subventions de l’État central et les partenaires techniques et financiers.

Les taxes et impôts collectés sont en grande partie insuffisants pour répondre aux besoins de la majorité des communes, et sont principalement concentrés dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. À l’exception de cette zone métropolitaine, les dotations de l’État (transferts intergouvernementaux) représentent entre 80 à 95% des revenus des communes (Banque mondiale, 2018[2]) Cette divergence entre la zone métropolitaine et le reste du pays s’explique en partie par le fait que la patente et la CFPB privilégient, par définition, les zones les plus urbanisées. Les communes ont également des difficultés réelles à mobiliser ces recettes, soit parce que le taux d’imposition est perçu trop élevé pour le citoyen par rapport à ses revenus, soit en raison des faibles prestations de services. Des campagnes de sensibilisation, ou des actions permettant de clarifier le lien entre ces taxes et l’amélioration des services perçus par la population seraient donc nécessaires. En effet, la mobilisation des ressources en Haïti s’inscrit dans un contexte historique précis, où l’État s’efforce de faciliter la transition d’un État perçu comme prédateur à un État prestataire de services. De plus, des initiatives comme le recensement des bâtis en vue d’obtenir une meilleure estimation de l’assiette fiscale, pourraient également permettre aux communes d’améliorer leurs capacités à recouvrer ces impôts. Une enquête sur les propriétés bâties réalisée par le ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales (MICT) en 2015 a identifié 20 communes qui ont le potentiel d’augmenter à court terme leurs recettes dérivant de la CFPB (Banque mondiale, 2018[2])14. L’Encadré 4.5 présente le cas de la décentralisation fiscale en Suède, où le taux d’autonomie fiscale des communes est parmi les plus élevés des pays membres de l’OCDE

Les lacunes de la coordination intergouvernementale affaiblissent également l’autonomie financière des communes. Les recettes locales recouvrées par la DGI sont dans un premier temps versées sur le compte du Trésor domicilié à la Banque centrale, qui est la Banque de la République d’Haïti (BRH), avant d’être transférées sur les comptes des communes avec l’aval de la Direction du trésor (Banque mondiale, 2018[2]). Ce système provoque parfois des retards importants dans les transferts, et créé en outre des difficultés pour obtenir une visibilité quant aux ressources disponibles. Afin de remédier à ce type de problèmes, le projet Lokal+ de USAID, dans les communes de Saint-Marc et de Carrefour, avait par exemple créé un système informatique lié à la DGI permettant une meilleure visibilité de leurs ressources pour ces communes disponibles. Une expansion de ce genre de programme serait bénéfique à l’ensemble des municipalités.

L’accroissement de l’autonomie des communes s’accompagne de deux risques principaux : les inégalités de la prestation de services, et un manque de redevabilité en l’absence d’un cadre de transparence. Afin de pallier au risque d’iniquité, des réglementations telles que des normes de services minimales peuvent être créées par le gouvernement central, tout en laissant aux collectivités le soin de la conception et de la mise en œuvre de leurs responsabilités en matière de service public (OCDE, 2019[4]). Un cadre robuste de transparence fiscale est également essentiel pour favoriser la redevabilité locale (OCDE, 2019[4]).

En termes d’actions réalisées pour améliorer l’autonomie financière des communes, le MICT et la Commission de réforme des finances publiques et de la gouvernance économique (CRPP-GE) ont signalé, entre autres 15 :

  • Le recrutement, la formation et le déploiement de contrôleurs financiers territoriaux (CFT) dans les arrondissements, pour l’accompagnement technique en matière de finances publiques et de comptabilité, et

  • L’accompagnement des communes en matière de bonne gouvernance financière (budget, compte administratif, outils d’exécution et de contrôle budgétaire).

L'alignement des responsabilités et des revenus est un sujet de préoccupation dans la plupart des pays de l’OCDE. En effet, dans la majorité des cas, les dépenses infranationales sont nettement supérieures aux recettes fiscales infranationales, ce qui indique un écart budgétaire qui est comblé par d'autres sources de recettes, tels que les transferts (OCDE, 2019[4]). Dans presque tous les pays de l'OCDE, les dépenses sont plus décentralisées que les recettes, ce qui s’explique en partie par la nécessité pour les gouvernements au niveau central d’avoir davantage de ressources que de dépenses directes pour garantir l'équité et un développement équilibré. Cette dynamique génère un écart fiscal vertical, auquel les États remédient par le biais de transferts conditionnels16 ou non-conditionnels17.

Face aux difficultés qu’ont la majorité des communes à produire les recettes locales suffisantes, les collectivités territoriales se voient obliger d’assurer leur fonctionnement par des subventions et de transferts (Banque mondiale, 2018[2]). Le cadre légal qui régit ces transferts inclut le décret-cadre de la décentralisation du 1er février 2006, la loi du 20 août 1996 sur la contribution au fonds de gestion et de développement des collectivités territoriales, et la loi du 28 mai 1996 sur les transferts fiscaux aux municipalités. Ainsi, malgré une autonomie financière au niveau légal, la majorité des communes dépendent de transferts provenant de l’État central, qui lui-même a des difficultés de budgétisation. Le Fonds de gestion et de développement des collectivités territoriales (FGDCT), établi en 1996, est la source principale d’accès des collectivités territoriales aux ressources financières nécessaires à leur développement. Ce fonds est alimenté par des allocations et dotations de l’administration centrale, des taxes sur le voyage aérien, les jeux de hasard, les appels téléphoniques, les cigarettes, etc. Bien que, la répartition de ces fonds doive selon la loi être assurée par le Conseil interdépartemental, le ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales assume à l’heure actuelle cette responsabilité. Les subventions de l’État provenant de ce fonds peuvent prendre deux formes (Cadet, 2001[13]).

  • Dotation budgétaire de fonctionnement, ou

  • Dotation budgétaire d’équipement et d’aménagement.

Ces transferts ne sont ni liés à une amélioration des performances dans un domaine de prestation de services, ni basés entièrement sur les besoins, mais basés principalement sur le statut des communes (Banque mondiale, 2018[2]). Cependant, les communes ayant la capacité de jouir effectivement du statut d’autonomie financière (communes autonomes de la zone métropolitaine Port-au-Prince, Carrefour, Pétion-Ville, Delmas) ne reçoivent pas de frais de fonctionnement de l’État central (CNRA, 2002[22]). Les dotations de fonctionnement sont ensuite échelonnées en fonction du statut des communes : chefs-lieux de département, chefs-lieux d’arrondissement, et les autres communes (CNRA, 2002[22]).

Ce système de transfert souffre d’un manque de transparence et de fiabilité. En effet, selon un rapport de la Banque mondiale, le suivi des transferts effectués vers les communes est très limité. Les transferts de fonds aux collectivités sont faits sur une base mensuelle, et couvrent principalement les coûts de fonctionnement des collectivités, une minorité des fonds étant destinés à des projets d’investissements (Banque mondiale, 2018[2]).

Les collectivités territoriales peuvent également obtenir des ressources de fonds communaux (aussi appelés fonds locaux de développement et d’aménagement du territoire) gérés par le MPCE, ainsi qu’au niveau des partenaires techniques et financiers et des ONG. En parallèle à ces mécanismes formalisés, les entretiens menés par l’OCDE dans le cadre de ce projet ont également fait ressortir que les ministères sectoriels financent régulièrement les collectivités territoriales sur des projets sectoriels. Comme en Haïti, afin de corriger les inégalités régionales et de permettre aux collectivités de remplir leurs mandats légaux, les pays membres de l’OCDE ont fréquemment recours à des transferts entre paliers de gouvernement. Ces transferts peuvent être de deux types : conditionnels (earmarked en anglais) ou non-conditionnels (non-earmarked ou general en anglais). Un transfert conditionnel est accordé à la condition de n’être utilisé que dans un but spécifique. Les transferts non-conditionnels peuvent être dépensés comme s'il s'agissait des propres recettes fiscales du gouvernement local bénéficiaire. Les gouvernements utilisent ces transferts afin d’atteindre trois objectifs principaux (Bergvall et al., 2006[25]) :

  • Financer les services au niveau local : permettre aux autorités locales de financer un ensemble de services de base ; fournir de (nouveaux) services imposés par le gouvernement central ou atteindre des normes imposées par le gouvernement central.

  • Subventionner les services qui ont des retombées sur d’autres juridictions : certains services publics ont des retombées (ou externalités) sur des territoires voisins, comme par exemple, la lutte contre la pollution (eau ou l'air), les autoroutes interrégionales, les services de premier secours (qui peuvent être utilisés par les régions voisines), etc. Les gouvernements locaux ont tendance à sous-investir dans ces services et projet d’infrastructures. Par conséquent, le gouvernement central doit fournir des incitations ou des ressources financières pour résoudre ces problèmes de sous-provisionnement.

  • La péréquation (ou égalisation), qui a pour but de permettre aux gouvernements locaux de fournir des services similaires pour un effort fiscal à peu près analogue, et ainsi de réduire les disparités entre régions.

En pratique, les transferts intergouvernementaux ont souvent plusieurs objectifs simultanés, ce qui peut facilement conduire à des lacunes en termes d’efficience ou d’efficacité (Bergvall et al., 2006[25]). Il est donc important d’identifier clairement les objectifs des transferts dès leur conception, afin de permettre un pilotage et un contrôle indépendants des caractéristiques du transfert qui contribuent à chacun de ces objectifs (voir Tableau 4.5).

La péréquation peut prendre la forme de transferts verticaux (du gouvernement central vers les administrations locales), ou horizontaux (des collectivités aisées vers les plus pauvres). Dans l'ensemble de l'OCDE, les transferts de péréquation représentent en moyenne environ 2,5% du produit intérieur brut (PIB) et, 5% des dépenses des administrations publiques et ont un fort impact redistributif (Blöchliger et Charbit, 2008[23]). L’Encadré 4.6 fournit quelques informations concernant l'expérience des pays de l'OCDE en matière d’élaboration par le gouvernement central de mécanismes de péréquation en vue de réduire les disparités régionales et d’encourager le développement local.

L'un des principaux défis de gouvernance multi-niveaux auxquels la République d’Haïti est confrontée, et qui a été pointé lors de plusieurs entretiens avec des représentants du gouvernement comme principal obstacle à une décentralisation efficace, est le manque de compétences et de capacité administrative au niveau infranational (voir chapitre 5). Le décret du 1er février 2006 portant sur la fonction publique territoriale vise à institutionnaliser cette dernière au même titre que la fonction publique centrale, notamment à travers une organisation permanente de l’emploi, la création d’un Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), de l’Institut national de l’administration territoriale (INAT), et de Centres de gestion régionaux de la fonction publique territoriale (CGR/FPT), n’a jamais été suivie d’effets. Le Programme de modernisation de l’État 2018-2023 (PME-2023) souligne notamment que l’absence d’une fonction publique territoriale est un handicap au bon fonctionnement des collectivités et à la pérennité de leurs actions (Office de Management et des Ressources Humaines, 2018[18]). Les employés des collectivités sont moins bien payés que leurs homologues du gouvernement central, qui eux-mêmes ont une rémunération très faible en comparaison avec leurs pairs dans les organisations internationales. Le PME-2023 a donc pour objectif prioritaire de « renforcer les capacités administratives, techniques et opérationnelles des collectivités territoriales aux fins d’amélioration de la gouvernance locale » (Office de Management et des Ressources Humaines, 2018[18]).

En Haïti, contrairement à d’autres pays impliqués dans une dynamique de décentralisation, les collectivités territoriales opérationnelles qui sont dotées d’un personnel, fonctionnent avec des ressources humaines qui ne relèvent pas d’une fonction publique. Ainsi, les employés des collectivités territoriales ne sont pas considérés comme des fonctionnaires. Cette situation d’insécurité de l’emploi dans un contexte de contraintes financières importantes peut être un facteur favorisant le patronage et le népotisme plutôt que le mérite et les compétences et renforçant les risques de détournements de fonds et de corruption. L’absence d’une fonction publique territoriale stable et pérenne suscite également des défis en terme d’une forte rotation des interlocuteurs pour les usagers, des pertes de compétences et une mémoire institutionnelle lacunaire faute d’un système d’informations au niveau local.

L’exercice effectif par les collectivités territoriales de leurs responsabilités est difficilement envisageable sans un renforcement significatif de leurs capacités. La mise à disposition de modèles de structures administratives et d’outils de gestion adaptés aux besoins des collectivités, la formation des élus et du personnel, l’élaboration de procédures et le renforcement de la gestion financière sont donc essentiels à la bonne marche des institutions décentralisées.

Pour une gouvernance multi-niveaux efficace, un réseau dense d’interactions politiques et technocratiques, à tous les niveaux de gouvernement, est nécessaire. Il faut pour cela développer des règles formelles, ainsi que des processus informels, verticaux et horizontaux, de consultation, de coordination, de coopération et de prise de décision conjointe (OCDE, 2019[4]). Les interactions au sein de ces forums peuvent être de type coopératif et consultatif, voire dans certains cas coercitif, selon les rapports de force entre les différents niveaux de gouvernement d'un pays (OCDE, 2019[4]). La gouvernance multi-niveaux implique la gestion de l’interdépendance entre les niveaux de gouvernement par des outils de gouvernance tels que les plateformes de dialogue, les partenariats/contrats entre les niveaux de gouvernement, le cofinancement, etc.

Un ensemble d’institutions étatiques au niveau central interviennent directement et indirectement dans la gestion des collectivités territoriales en Haïti. Le paysage institutionnel dans ce domaine est fragmenté, marqué par les forces centrifuges qui caractérisent le cadre juridique encadrant les collectivités (voir la section 2.1). Le renforcement de la coordination de l’action du gouvernement au niveau territorial est ainsi l’un des objectifs du pilier 2 axe 5 du PME-2023. Les acteurs clés au niveau central intervenant dans la gestion des collectivités territoriales sont les suivants :

  • Le décret du 17 mai 1990 attribue au Ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales (MICT) la tutelle des collectivités territoriales, sous le contrôle de sa Direction des collectivités territoriales (DCT). Au sein de l’administration centrale, le MICT pilote la politique de décentralisation, de déconcentration et de développement local.

    • La DCT est donc responsable du renforcement technique et administratif des collectivités, de la préparation des budgets au niveau local et de la fiscalité locale.

    • L’Unité de coordination des délégations et vice-délégations (UCDVD) assure le renforcement des délégations et vice-délégations, la coordination de leurs activités, la liaison avec l'Administration Centrale et facilite leur fonctionnement.

    • Le MICT a également sous son contrôle les deux organes déconcentrés de l’administration publique haïtienne : les délégués nommés dans chaque chef-lieu de département et les vice-délégués nommés dans chaque chef-lieu d’arrondissement (Const. Art 85). Cette structure de proximité représente le pouvoir exécutif au niveau local, veille à la Stabilité des institutions et exerce la tutelle de l'État sur Les collectivités territoriales (décret 17 mai 1990; art. 6)

  • Le Ministère de la Planification et de la Coopération externe (MPCE) est responsable des systèmes de planification du pays, de manière à optimiser les ressources et atteindre les objectifs de développement d’Haïti. Le décret du 2 février 2016 organisant le MPCE attribue aux ministères des responsabilités clés de coordination avec les gouvernements locaux :

    • Coordonner l’élaboration et la mise en œuvre du schéma national d’aménagement du territoire ;

    • Appuyer l’élaboration et la mise en œuvre de stratégies locales de développement et de schémas locaux de développement et d’aménagement du territoire, et

    • Appuyer les collectivités territoriales dans leurs activités de planification du développement et fournir un support technique à cet effet.

  • Le Ministère de l’Économie et des Finances (MEF) a comme mission de formuler et de mettre en œuvre la politique économique et financière de l’État. Au niveau local, le MEF est chargé d’« exercer le contrôle financier des collectivités territoriales ». Outre sa direction générale, le MEF possède un certain nombre de directions qui entretiennent des relations avec les collectivités :

    • La Direction du trésor ;

    • La Direction générale des impôts (DGI) ;

    • L’Administration générale des douanes (AGD) ;

    • L’Inspection générale des finances (IGF), et

    • Le Fonds d'assistance économique et sociale (FAES)

  • La Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA) est chargée de « vérifier les comptes des différents organismes publics constituant l’administration centrale et l’administration décentralisée d’État » (Décret 23 novembre 2005. art. 5) ; de « certifier les comptes généraux de la nation comprenant les comptes de l’administration centrale, ceux des collectivités territoriales » (Décret 23 novembre 2005, art. 5). En matière de contentieux administratif, la CSCCA arbitre les litiges opposant « l´État et les collectivités territoriales, l´administration et les fonctionnaires publics, les services publics et les administrés » (Const. art. 200-1).

Dans ce contexte de complexité et de pluralité institutionnelles, les attributions entre institutions centrales ne sont pas clairement délimitées, et les actions sont peu coordonnées, ce qui entraîne des conflits de compétences préjudiciables aux collectivités territoriales. Cette fragmentation est notamment visible dans le domaine de la gestion de l’eau (voir Encadré 4.7). On note en particulier :

  • Les attributions relatives au contrôle financier des collectivités territoriales mériteraient d’être clarifiées. En effet, la Constitution, ainsi que l’article 5 du décret du 23 novembre 2005 sur l’organisation et le fonctionnement de la CSCCA, lui confient la responsabilité d’« exercer le contrôle administratif et juridictionnel des ressources publiques », alors que le MEF est également chargé d’exercer le contrôle financier sur les collectivités territoriales. Au-delà du chevauchement de responsabilités, la CSCCA manque également de ressources humaines et financières pour la réalisation des audits annuels des communes, augmentant les lacunes sur le plan de la reddition des comptes (Banque mondiale, 2018[2]).

  • La fragmentation administrative du système de cadastre foncier est un obstacle à une meilleure planification urbaine. En effet, bien que le bureau de cadastre se situe au sein du ministère des Travaux publics, l’imagerie géo spatiale est installée au MPCE, et le registre des transactions foncières à la DGI du MEF (Banque mondiale, 2018[2]). En plus des conséquences sur l’aménagement du territoire, le système de cadastre foncier a également des répercussions sur les finances municipales et les capacités de gouvernance locale.

  • Le paysage institutionnel est également complexifié par des mécanismes de coordination qui finissent par se substituer aux ministères. Afin d’améliorer la coordination entre les institutions clés dans le domaine de l’aménagement du territoire, le Comité interministériel d’aménagement du territoire (CIAT) a été créé en 2009. Cependant, ce mécanisme incluant des ministres sous la présidence du Premier ministre, n’est pas véritablement fonctionnel. De plus le secrétariat technique du CIAT (ST-CIAT) a tendance à se substituer au CIAT, voire aux ministères dotés de compétences en matière d’aménagement du territoire. Cette dynamique est d’autant plus installée que le ST-CIAT bénéficie d’un personnel stable, et d’une capacité de mobiliser des expertises de haut niveau qui lui permettent d’accéder à des ressources importantes des bailleurs de fonds.

Les mécanismes de coordination verticale en Haïti sont majoritairement de nature consultative et ad hoc. Le cadre de la concertation territoriale se structure autour des collectivités territoriales avec l’appui des services techniquement et territorialement déconcentrés et des délégations et des vices-délégations. Il existe, en principe, un Conseil Technique Départemental, des tables de concertation départementales, des tables communales de concertation et des tables sectorielles et thématiques nationales :

  • Le Conseil Technique Départemental (CTD) (décret 17 mai 1990, art. 34) est composé du Délégué départemental qui préside le Conseil, des Vice-Délégués d'arrondissement, du Secrétaire Général de la Délégation et des Directeurs de tous les services ministériels déconcentrés. C'est là que se joue l'action territoriale de l'État, son opérationnalisation est donc primordiale.

  • Les tables communales de concertation incluent les agents des structures déconcentrées de l’État, les cadres de l’administration communale, les cadres des ONG et de la société civile organisée. Elles ne sont toutefois pas opérationnelles, et pourraient, si elles l’étaient contribuer à la construction de l’espace social communal. À ce titre,  le MPCE est en train de planifier une expérience pilote pour la mise en place de ces tables.

  • Les tables sectorielles départementales dans le cadre de la planification du développement et de l’animation territoriale (voir Tableau 4.6). Cette approche de la concertation a été généralisée depuis 2006. Cependant, l’instabilité politique, le clientélisme, l’absence de compétences de certains agents rendent difficile le bon fonctionnement des tables de concertation.

  • Les tables sectorielles et thématiques nationales constituent un cadre formel de concertation entre les entités étatiques, les ministères sectoriels concerné, le secteur privé, les organisations de la société civile et les partenaires techniques et financiers (Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, 2013[31]). Les tables sectorielles ont eu de grandes difficultés à se réunir au cours des trois dernières années, notamment en raison de l’insécurité accrue, qui a contraint certains partenaires techniques et financiers à fermer leurs agences, et de la pandémie du COVID-19 (Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, 2020[30]).

En plus de ces mécanismes, il existe également au sein de chaque ministère à vocation territoriale, une unité de coordination des directions départementales, assurant la liaison entre les services centraux du ministère et les directions départementales (Décret de 2005 portant organisation de l’administration centrale de l’État, art 66). En outre, l’Office de management et des ressources humaines (OMRH), organe de coordination stratégique placé auprès du Premier ministre, est chargé de piloter la réforme de l’État. Dans le cadre de la promotion de la déconcentration, en référence à l’arrêté portant son organisation et fonctionnement, l’OMRH est chargé de :

  • Identifier et élaborer les stratégies de mise en œuvre et les plans d’action visant la déconcentration administrative ;

  • Proposer et promouvoir la mise en œuvre de mesures administratives, réglementaires ou législatives concourant au renforcement de la déconcentration au niveau de tous les échelons administratifs territoriaux ;

  • Élaborer et proposer toutes mesures administratives, réglementaires ou législatives visant le renforcement des délégations et vice-délégations, et

  • Réaliser annuellement une évaluation du degré de déconcentration de l’administration centrale de l’État.

Les mécanismes de coordination verticale ne sont donc pas formalisés par les textes légaux et réglementaires, dans le cas des tables de concertation. Le rôle de celles-ci est défini au sens large, mais leur fonctionnement est déterminé au cas par cas en fonction de modalités et ressources fournies par chaque table (Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, 2013[31]). En particulier, la place de ces mécanismes dans le processus décisionnel n’est pas clair. Les modalités de fonctionnement n’étant pas définies, les tables de concertations ne sont pas tenues de se réunir à fréquence régulière, ou de diffuser le contenu de leurs discussions auprès du public. L’articulation entre les tables communales, départementales et nationales ne semblent pas non plus être formalisée. Le gouvernement pourrait donc explorer un certain nombre de pistes pour améliorer l’efficacité de ces mécanismes de concertation, afin de les ancrer de façon plus durable dans le processus décisionnel.

Outre les mécanismes de concertation déjà mis en place, d’autres dispositifs peuvent également être déployés pour renforcer la coordination entre les niveaux central et local. Les pays membres de l’OCDE utilisent également d’autres outils : les accords de partenariats, les contrats formels, les directives nationales et régionales, le suivi des prestations de services à l’aide d’indicateurs (OCDE, 2019[4]). Un aperçu de la manière dont ces mécanismes sont utilisés dans les pays membres de l’OCDE est donné dans l’Encadré 4.8.

La plupart des responsabilités étant partagées entre niveaux de gouvernement, il est crucial de mettre en place des mécanismes de gouvernance pour gérer ces responsabilités communes. Créer une culture de coopération et de communication régulière est essentiel pour une gouvernance multi-niveaux efficace et le succès des réformes sur le long terme. La mise en place, ou la réforme, de ces mécanismes comporte néanmoins certains risques :

  • la multiplication de mécanismes de coordination sans rôle clair dans le processus décisionnel (OCDE, 2019[4]) ;

  • La création de forums de concertation ou de coopération pouvant se substituer aux structures administratives formelles traditionnelles, et

  • dans un contexte politique extrêmement polarisé, un système ouvert et transparent de coordination intergouvernementale impliquant une large participation est susceptible de coûter cher, d’être chronophage et de déboucher sur des impasses (OCDE, 2019[4]).

La coordination horizontale au niveau local peut prendre diverses formes, en fonction des caractéristiques des collectivités, des objectifs politiques et des investissements visés. Ces mécanismes de coordination au niveau local peuvent aller d’une dynamique d'intégration, comme les fusions municipales ou régionales, à des dispositifs plus flexibles comme l’établissement d’autorités communes, l’intercommunalité, des stratégies d'investissement coordonnées, une coopération dans les zones urbaines, des partenariats entre zones rurales et urbaines, une coopération transfrontalière et des plateformes de dialogue et de coopération entre juridictions (OCDE, 2019[4]). Il est essentiel d'encourager la coordination horizontale infranationale pour fournir efficacement des services publics et des investissements, accroître l'efficacité et l’efficience grâce aux économies d'échelle, et renforcer les synergies entre les politiques de collectivités voisines (ou liées d'une autre manière).

Renforcer et accroître les dispositifs de coopération et de coordination au niveau local serait particulièrement bienvenu en Haïti. En effet, dans un contexte où le découpage territorial est contesté et mène à des conflits de compétences entre collectivités, des dispositifs de coopération pourraient permettre la fourniture d'infrastructures physiques dont les bénéfices dépassent souvent les limites des départements ou des communes individuelles, ainsi que des investissements dans les ressources humaines où les limites administratives et fonctionnelles peuvent ne pas coïncider. Par ailleurs, la coopération intercommunale pourrait permettre aux municipalités à faibles revenus de profiter d’économies d’échelle en termes d’équipements (par exemple, l'eau, les déchets, l'énergie), d’infrastructures de transport et de télécommunications. Les services peuvent également être partagés : les fonctions de support et administratives, les services environnementaux et l'entretien des parcs, les marchés publics conjoints, les services de première ligne notamment à la clientèle, etc. En ce sens, le Programme de modernisation de l’État 2018-2023 présente dans l’Axe 6 pilier 2 la promotion des pratiques d’intercommunalité comme un des objectifs prioritaires en matière de décentralisation (Office de Management et des Ressources Humaines, 2018[18]).

Les dispositifs de coordination entre collectivités territoriales les plus répandus en Haïti prennent la forme d’associations d’élus et de représentants locaux. Au cours des dernières décennies, les collectivités territoriales communales et les sections communales ont mis en place des associations comme la Fédération nationale des maires d’Haïti (FENAMH), la Fédération nationale des CASEC (FENACA), la Fédération nationale des ASEC (FENASEC) et la Fédération nationale des femmes maires d’Haïti (FENAFEMH). Il existe également une association réunissant des territoires spécifiques, l’Association nationale des maires frontaliers (ANMF). La FENAMH a pu s’imposer comme interlocutrice des collectivités territoriales auprès du gouvernement et est également reconnue comme l’interlocutrice privilégiée des partenaires techniques et financiers. La multiplication de ces associations rend difficile la coordination avec les acteurs élus et crée parfois de la confusion lorsqu’il faut choisir un interlocuteur. Ce risque pourrait être décuplé avec la mise en place de toutes les instances décentralisées, le Conseil interdépartemental notamment, qui pourraient empiéter sur les actions des fédérations ou les dupliquer. Le gouvernement pourrait néanmoins songer à formaliser les mécanismes existants. Au Canada, les conférences annuelles des Premiers ministres des provinces et territoires servaient ainsi initialement de lieu de concertation informel pour la coordination horizontale, avant d’être formalisées en 2003 (OCDE, 2019[4]).

Certaines expériences d’intercommunalité en Haïti ont été fructueuses, mais elles ont été rares et ont pâti de financements limités. L’expérience la plus aboutie a été le fruit d’un projet financé par la coopération canadienne : l’intercommunalité de l’axe des Palmes (voir Encadré 4.9). D’autres expériences de ce genre comme Camp-Perrin/Maniche ou Cône de la Presqu’Ile du Sud n’ont malheureusement pas duré faute de ressources financières et techniques en support.

Le cadre légal pour l’intercommunalité en Haïti reste à définir. La notion d’intercommunalité y est née de la recherche d’économies d’échelle dans la gestion des déchets, le décret du 3 mars 1981 précisant que la gestion des déchets des ménages pouvait être assurée par les communes ou les groupements constitués entre elles. L’intercommunalité est également prévue dans les décrets de 2006, mais ne dispose pas d’une règlementation spécifique. Malgré l’absence de cadre légale s plusieurs études ont déjà été réalisées par le gouvernement, ainsi que des ateliers pratiques au niveau local sur l’intercommunalité et l’inter-territorialité. Ces documents n’ont néanmoins pas été partagés avec l’OCDE.

Une coordination accrue au niveau local comporte néanmoins certains risques (OCDE, 2019[4]), en particulier dans le contexte haïtien. En effet, encourager l'intercommunalité, la coopération au niveau des collectivités ou les fusions municipales, avec des transferts de fonds ou d'autres incitations financières à la clé, peut être très onéreux pour l’État central, voire impossible. Cela peut conduire à la création de structures inefficaces en l’absence d’un soutien technique adéquat. Par ailleurs, la coopération au niveau des collectivités peut provoquer un déficit démocratique si les décisionnaires de ces instances sont nommés par les organisations membres au lieu d'être élus par les citoyens. En effet, la multiplication des structures peut générer une structure de gouvernance peu claire pour les citoyens, et des problèmes de redevabilité. Enfin, la complexification administrative de la gouvernance au niveau local peut conduire à des problèmes d’organisation et des silos administratifs difficiles à gérer, en particulier en l’absence d’une fonction publique territoriale.

Le niveau central du gouvernement a néanmoins un rôle clé à jouer pour promouvoir et pérenniser les dispositifs de coopération et coordination entre collectivités territoriales. En particulier, les institutions centrales peuvent veiller à ce que les services soient fournis à une échelle adéquate ou en traduisant les décisions stratégiques nationales en politiques concrètes et effectives au niveau territorial.

Les stratégies de développement local peuvent être un outil utile pour la coordination verticale et la gouvernance à plusieurs niveaux. À cet égard, l'un des principaux défis de la gouvernance multi-niveaux que le gouvernement d'Haïti a lui-même mis en évidence est sa relative incapacité à traduire les décisions stratégiques nationales en politiques concrètes à l’échelle territoriale. Deux outils de planification stratégique nationale ont une portée locale en Haïti : le Plan stratégique de développement d’Haïti (PSDH) et le Programme de modernisation de l’État 2018-2023, successeur des Programmes cadre de réforme de l’État (PCRE) I et II.

Deux des quatre chantiers du PSDH touchent particulièrement aux collectivités territoriales et à leur administration : le chantier de la refondation territoriale et celui de la refondation institutionnelle.

  • Le volet de la refondation territoriale vise à améliorer l’utilisation rationnelle des sols en zones rurales et urbaines, à mettre en place des infrastructures et des équipements indispensables au développement économique national, régional et local, tout en garantissant un développement durable. Deux des sept programmes qui constituent ce chantier ont bénéficié de décaissements au cours de l’exercice 2019-2020 : « l’aménagement et le développement des territoires » et « la mise en place du réseau de transport national ». Cependant, l’enveloppe budgétaire de ces deux programmes totalise plus de douze milliards de gourdes, démontrant le degré de volonté politique dans ces domaines (Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, 2020[30]). Le Schéma national d’aménagement du territoire (SNAT) est également en cours de finalisation suite à une série d’ateliers de concertation et de consultation réalisés à travers les dix départements géographiques du pays (Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, 2013[31]). Le SNAT a pour objectif de combler le retard du pays en matière de prise en compte effective de la décentralisation et des acteurs territoriaux, dans le processus d’aménagement du territoire et de développement.

  • Le volet de la refondation institutionnelle prévoit la révision du cadre légal, le renforcement des administrations du pouvoir législatif, du pouvoir judiciaire et des institutions indépendantes, la modernisation de l’administration publique, et notamment celle de l’administration de la justice et de la sécurité, l’augmentation du nombre d’effectifs déconcentrés de la fonction publique, le renforcement des collectivités territoriales et le renforcement de la société civile. La décentralisation n’a bénéficié que de 1% des décaissements dans ce chantier de 2017 à 2019, et 0% de 2019 à 2020 (Ministère de la Planification et de la Coopération Externe, 2013[31]).

Le Programme de modernisation de l’État 2018-2023 piloté par l’Office de management et des ressources humaines (OMRH) fait suite aux deux autres programmes de réforme de l’État élaborés par l’OMRH : le PCRE I (2007-2012) et le PCRE 2 (2012-2017). Ces trois stratégies comportent des axes ou des objectifs concernant la place et le rôle des collectivités territoriales dans l’État :

  • PCRE I (2007-2012) : l’institutionnalisation des collectivités territoriales et le renforcement de leurs capacités, en se focalisant notamment sur l’organisation administrative et le cadre de planification communale.

  • PCRE II (2012-2017) : réorganiser et restructurer les services déconcentrés de l’État en vue d’assurer une meilleure gestion de proximité et de fournir des services de qualité à la population ; répartir, par la décentralisation, les compétences et les responsabilités entre le centre et la périphérie.

  • Programme de modernisation de l’État 2018-2023 : pilier 2 sur le renforcement de la coordination de l’action gouvernementale et gouvernance territoriale ; pilier 3 axe 7 sur la mobilisation des ressources et gouvernance des finances locales.

Malgré la place importante dédiée aux collectivités dans les documents stratégiques de réforme de l’État, les actions peinent à se concrétiser, faute de volonté politique et de ressources financières et humaines engagées. Les objectifs des PCRE I et II en particulier apparaissent potentiellement trop ambitieux compte tenu des capacités institutionnelles du pays. Le PME-2023 est caractérisé par un processus de formulation mobilisant les parties prenantes et l’expertise nationale, laquelle dispose de plus d’outils pour mener à bien ces réformes, mais dont les actions ne sont pas liées au budget de façon formelle.

Afin de concrétiser les objectifs du gouvernement en matière de décentralisation et déconcentration, la mise en place d’un système de suivi des performances pour les politiques de décentralisation et de développement territorial pourrait être bénéfique (OCDE, 2019[4]). Ces systèmes doivent rester simples, avec un nombre raisonnable d'exigences ou d’indicateurs pour mesurer la performance de la décentralisation de manière efficace, afin d’offrir des résultats clairs aux citoyens en matière d’emplois, éducation, santé, compétitivité, etc. À l’heure actuelle, le rapport de suivi du PSDH produit par le MPCE ne fait que suivre les décaissements par programme pour la refondation territoriale, et recense les réalisations qui sont arrivées à terme ou sont en cours d’exécution. Le PME-2023 quant à lui inclut un cadre de suivi comprenant les résultats attendus, les actions à entreprendre et des indicateurs de rendement. Cependant, comme cela est mentionné dans le chapitre 2, les « résultats intermédiaires » ne sont pas associés à des indicateurs de résultat (outcome) (voir le chapitre 2 pour plus d’informations sur le suivi et l’évaluation du PME-2023).

Enfin, il existe en Haïti les plans communaux de développement (PCD) qui doivent en principe être en cohérence avec les autres documents stratégiques de planification nationale et sectorielle. Pour leur élaboration, le MPCE a préparé et diffusé un cadre méthodologique type du plan communal de développement (2012). La préparation des PCD n’est pas obligatoire et n’est pas une condition pour l’accès aux transferts du pouvoir central. Leur utilité dans l’articulation entre stratégies nationales et locales est limitée par deux aspects principaux. Tout d’abord, bien que le cadre méthodologique préparé par le MPCE souligne l’importance d’aligner le PCD sur les stratégies nationales, notamment le PSDH, il n’existe pas de mécanismes pour assurer la concordance, soit par des indicateurs, des domaines précis ou autre. Cependant toute stratégie doit obtenir l’aval du MPCE ce qui constitue une mesure de contrôle. Deuxièmement, le ministère de l’Économie et des Finances (MEF) n’est pas impliqué dans la préparation ou la validation des PCD ; ceux-ci ne sont donc pas liés à des considérations de budgétisation. Ce point est d’autant plus important que, comme il a été mentionné plus haut, la vaste majorité des municipalités ne sont pas autonomes financièrement et dépendent de transferts et subventions.

Par ailleurs, les interventions des Sénateurs et Députés membres du Parlement haïtien dans les programmes et projets en lieu et place des administrations communales mandatées à cet effet peuvent également faire obstacle à l’alignement des projets et plans communaux aux priorités nationales. Lors des entretiens menés dans le cadre de ce projet, certaines parties prenantes ont en effet souligné qu’il arrivait parfois qu’en cours d’exercice budgétaire, indépendamment des priorités arrêtées par le gouvernement et les communes, les députés et sénateurs proposent leurs propres projets, contrevenant les objectifs retenus et résultats escomptés au niveau de la programmation régulière pour le développement. En ce sens, procéder à une validation écrite de la programmation budgétaire des projets et programmes, préalablement, par les partis politiques les plus représentatifs avant leur présentation pour vote au Parlement pourrait remédier à cet écueil.

Ce chapitre passe en revue la situation politique, administrative et financière actuelle des gouvernements locaux haïtien et des principaux mécanismes de gouvernance multi-niveaux qui ont été créés jusqu’à ce jour en Haïti. En effet, pour pallier les fortes disparités socio-économiques, le gouvernement a promulgué dans sa Constitution de 1987 des principes de décentralisation, qui sont notamment basés sur trois niveaux distincts de collectivités territoriales (départements, communes et sections communales), ayant pour objectif de structurer des nouveaux rapports administratifs, économiques, sociaux et politiques. Néanmoins, la nature inadéquate du cadre législatif concernant les collectivités territoriales, les difficultés à le rendre opérationnel, l’absence de consensus et de définition claire de leurs rôles, ainsi que le manque de capacité des collectivités territoriales qui en découle empêchent la bonne mise en œuvre des objectifs de décentralisation et de déconcentration.

Pour promouvoir une décentralisation efficace et une déconcentration effective, intégrées à une bonne gouvernance publique, il est essentiel de créer un cadre stratégique robuste et opérationnel de gouvernance, qui s’appuie sur les instruments de planification, et soit basé sur des mécanismes de coordination verticale ainsi qu’un système efficace de suivi et d’évaluation des performances. À cet égard, l'un des principaux défis de la gouvernance multi-niveaux que le gouvernement d'Haïti a lui-même mis en évidence est sa relative incapacité à traduire les décisions stratégiques nationales en politiques concrètes à l’échelle territoriale. En effet, un ensemble d’institutions au niveau central interviennent directement et indirectement dans la gestion des collectivités territoriales en Haïti. Le paysage institutionnel dans ce domaine est fragmenté, marqué par les forces centrifuges qui caractérisent le cadre juridique encadrant les collectivités

Afin de rendre la déconcentration effective, il convient également de renforcer les structures de coordination territoriale et d’appliquer la politique nationale de déconcentration (PND). La PND ayant pour vocation d’infléchir progressivement les habitudes de travail centralisées, d’impliquer davantage les acteurs déconcentrés dans la prise de décision, de rapprocher l’administration des administrés, garantirait une meilleure distribution des services publics sur tout le territoire national et par là un développement équilibré du pays.

Ce chapitre s’est efforcé d’offrir des pistes de réflexion permettant d’expliquer les niveaux d'inégalités régionales élevés et persistants en Haïti, et d’identifier les limitations importantes de la capacité administrative et fiscale des collectivités territoriales d’assurer leurs missions. Les chevauchements et le manque d’opérationnalité du cadre légal, la faiblesse des moyens de coordination entre paliers de gouvernement, et la discordance entre les moyens des collectivités et leurs mandats légaux, sont autant de facteurs contribuant à cet état de fait.

Références

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Notes

← 1. Rapport de contexte interne de T. Cantave.

← 2. Rapport de contexte interne de T. Cantave.

← 3. Rapport de contexte interne de D. Alexandre.

← 4. Rapport de contexte interne de T. Cantave.

← 5. Rapport de contexte interne de T. Cantave.

← 6. Ces décrets adoptés le 1er février 2006 et publiés au Journal officiel le 14 juin 2006 portent sur : le cadre général de la décentralisation ; l’organisation et le fonctionnement des sections communales ; l’organisation et le fonctionnement des communes ; l’organisation et le fonctionnement des départements, et la fonction publique territoriale.

← 7. Rapport de contexte interne de D. Alexandre.

← 8. Rapport de contexte interne de T. Cantave.

← 9. Rapport de contexte interne de T. Cantave.

← 10. Une région fonctionnelle est une unité économique autonome selon des critères spécifiques (modes de déplacement, service des eaux, utilisation du sol, développement économique, districts scolaires, zones urbaines et rurales, etc.).

← 11. Rapport de contexte interne de T. Cantave.

← 12. Une subvention qui est accordée à la condition de n’être utilisée que dans un but spécifique.

← 13. Transferts pouvant être dépensés comme s'il s'agissait des recettes fiscales propres (non affectées) de l'administration infranationale bénéficiaire.

← 14. Les redevances communales qui peuvent être prises par arrêtées communales peuvent constituer une source importante de recettes pour certaines communes, cependant l’OCDE n’a pas reçu d’informations suffisamment détaillées sur ce cadre. Ainsi, cet Examen n’aborde pas ce sujet au-delà de la reconnaissance de l'existence de ce pouvoir dans la loi. Par ailleurs, les questions de gestion des finances publiques, y compris de manière locale, ont fait l'objet de nombreux travaux financés par les bailleurs de fonds tels que les banques régionales de développement et la Banque mondiale. C’est pourquoi cet Examen a délibérément exclu ces questions de son champ de recherche

← 15. Rapport de contexte interne de D. Alexandre.

← 16. Une subvention qui est accordée à la condition de n’être utilisée que dans un but spécifique.

← 17. Transferts pouvant être dépensés comme s'il s'agissait des recettes fiscales propres (non affectées) de l'administration locale bénéficiaire.

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