2. Responsabilités

Des responsabilités claires doivent être attribuées aux acteurs du système d’intégrité pour assurer la coopération, éviter les chevauchements et prévenir la fragmentation. Les responsabilités comprennent l’élaboration, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des normes et outils d’intégrité, et sont assumées par des acteurs issus de l’ensemble du gouvernement (législatif, exécutif et judiciaire) ainsi qu’à tous les niveaux de gouvernement (national et infranational). Des responsabilités relatives à l’intégrité publique sont également attribuées au sein de chaque organisation du secteur public. Tous les agents publics, à tous les niveaux de l’administration, sont tenus d’exercer leurs fonctions dans l’intérêt public.

Pour éviter la fragmentation et le chevauchement dans le système d’intégrité publique, la Recommandation de l’OCDE sur l’intégrité publique recommande aux adhérents d’« expliciter les responsabilités institutionnelles à l’échelle du secteur public pour renforcer l’efficacité du système d’intégrité publique, en particulier :

  1. a. en instaurant des responsabilités précisément définies aux niveaux concernés (niveau institutionnel, infranational ou national) pour ce qui est de concevoir, de piloter et de mettre en œuvre tous les éléments du système d’intégrité pour le secteur public ;

  2. b. en s’assurant que l’ensemble des agents, unités ou organes publics (y compris ceux qui sont autonomes et/ou indépendants) dotés d’une responsabilité centrale dans la conception, la mise en œuvre, l’application effective et/ou le suivi des éléments du système d’intégrité publique qui relèvent de leur compétence disposent des attributions et des moyens adéquats pour s’acquitter de leurs responsabilités ;

  3. c. en s’employant à promouvoir l’existence de mécanismes de coopération horizontale et verticale entre lesdits agents, unités ou organes, et dans la mesure du possible avec les administrations infranationales et entre ces dernières, grâce à des moyens formels et informels, pour favoriser la cohérence et éviter les chevauchements et les lacunes, et pour partager et mettre à profit les enseignements tirés des bonnes pratiques » (OCDE, 2017[1]).

L’adoption d’une approche systémique pour promouvoir l’intégrité et lutter contre la corruption exige l’identification du large éventail d’entités et d’acteurs qui, une fois associés, constituent un système d’intégrité. Il s’agit par ailleurs de comprendre leurs mandats et leurs capacités, ainsi que leurs fonctions dans le cadre du système global. Compte tenu du contexte politique et juridique dans lequel il s’inscrit, chaque gouvernement (national et infranational) et chaque organe public doit avoir des rôles et des responsabilités bien définis dans l’ensemble du système d’intégrité. Les éléments suivants sont essentiels pour pouvoir exercer ses responsabilités et coopérer de manière efficace :

  • Les responsabilités en matière de conception, de pilotage et de mise en œuvre du système d’intégrité à chaque niveau sont explicites.

  • Des attributions et des moyens adéquats sont en place pour assumer les responsabilités organisationnelles.

  • Des mécanismes de coopération horizontale et verticale sont établis et efficaces.

Un système d’intégrité, que ce soit au niveau du gouvernement (national et infranational) ou de l’organisation, comprend différents acteurs dont les responsabilités consistent à définir, soutenir, contrôler et faire respecter l’intégrité publique. Il s’agit des acteurs « essentiels », comme les institutions, les unités ou les personnes chargées de mettre en œuvre les politiques d’intégrité. Le système comprend également des acteurs « complémentaires », dont l'objectif premier n'est pas de soutenir directement le système d'intégrité, mais sans lesquels le système ne pourrait pas fonctionner (notamment, des fonctions comme les finances, la gestion des ressources humaines et les marchés publics) (OCDE, 2009[2]).

Pour les acteurs principaux et complémentaires, il existe un certain nombre de fonctions d'intégrité, comme indiqué dans le tableau ‎2.1. Les attributions spécifiques de responsabilité dépendent de la structure institutionnelle et juridictionnelle d’un pays. Par exemple, certains gouvernements confieront les responsabilités essentielles en matière d'intégrité à un organe du gouvernement central ou à un autre ministère clé quand d'autres les affecteront à un organe indépendant ou autonome (encadré ‎2.1). Des fonctions d’intégrité complémentaires seront attribuées aux institutions responsables de l’éducation, de l’industrie, de la société civile et de la gestion des ressources humaines, ainsi qu’aux institutions supérieures de contrôle, aux agences de régulation et aux organes électoraux. Quel que soit le lieu où les responsabilités sont attribuées, les gouvernements doivent s’assurer que les acteurs disposent du niveau d’autorité approprié pour exercer ces fonctions.

L’attribution des responsabilités en matière d’intégrité dépend également de la structure juridictionnelle du pays, en tenant compte du niveau de gouvernement compétent pour un domaine politique spécifique. Par exemple, dans certains pays fédéraux, l’éducation relève de la responsabilité des gouvernements infranationaux ; par conséquent, les responsabilités en matière d’élaboration et de mise en œuvre de programmes d’éducation civique pour l’intégrité publique relèvent du niveau infranational.

Lors de l’attribution des responsabilités en matière d’intégrité au niveau local, il faut tenir compte de plusieurs éléments. D’une part, les collectivités locales sont confrontées à des risques d’intégrité spécifiques : les situations de conflit d’intérêts, par exemple, sont plus probables compte tenu de la proximité de la communauté, les liens familiaux et de réseau étant une caractéristique typique de l’environnement opérationnel. D'autre part, les gouvernements locaux peuvent être confrontés à des limites de capacité en termes de ressources humaines, financières et techniques, ce qui rend difficile l'attribution de la responsabilité à une institution, une unité ou un individu pour toutes les fonctions du tableau ‎2.1. Une approche efficace exige donc que les gouvernements locaux évaluent leurs contraintes en matière de capacité par rapport aux risques liés à l'intégrité et attribuent les responsabilités en conséquence (encadré ‎2.2). Au minimum, des processus spécifiques de gestion des conflits d’intérêts et des fonctions de contrôle interne de base devraient être mis en place. Étant donné que des fonctions supplémentaires peuvent exiger des ressources considérables pour fonctionner dans chaque municipalité, il peut être judicieux d’attribuer certaines fonctions d’intégrité au niveau régional ou national. Par exemple, un mécanisme de lancement d’alerte déjà existant au niveau régional pourrait également couvrir les gouvernements locaux. Le recours à des réseaux formels et informels, tant au niveau horizontal que vertical, peut également aider à déterminer la répartition des responsabilités (voir section ‎2.2.3). La considération essentielle est de veiller à ce que, quel que soit le niveau de gouvernement, les responsabilités pour les fonctions d’intégrité soient explicitement attribuées. 

En ce qui concerne les organes du secteur public, toutes les fonctions décrites dans le tableau ‎2.1 ne relèveront pas de la compétence de l'organisme. Par exemple, seuls quelques organes auront pour mandat de garantir l’intégrité des élections et du financement des partis politiques, ou de mener des actions de sensibilisation à l’intégrité publique dans les écoles. Toutefois, un certain nombre de fonctions clés sont applicables à tous les organes du secteur public, quel que soit leur mandat ; elles sont identifiées dans le tableau ‎2.2, ainsi que le poste ou l'unité normalement responsable de leur mise en œuvre. Il convient de préciser quelle unité ou quel individu est responsable de quoi. Les ressources nécessaires devraient être affectées et les mécanismes de coopération appropriés devraient être mis en place (voir ci-dessous).

Pour remplir ses fonctions, chaque composante du système d’intégrité nécessite des ressources financières, techniques et humaines suffisantes et à la hauteur de son mandat, ainsi que les capacités appropriées pour assumer ses responsabilités.

Adopter une perspective systémique implique que la réduction des ressources d’une partie du système en dessous d’un niveau suffisant pour assurer l’efficacité des opérations non seulement entravera la capacité de cette fonction particulière à remplir son mandat, mais aura probablement des retombées sur l’ensemble du système, affectant la réalisation globale des objectifs escomptés. Une deuxième considération est la nécessité de veiller à ce que tous les acteurs disposent de ressources affectées à la coopération, notamment en s’associant avec d’autres, en assistant aux réunions des comités et en contribuant à des bases de données communes. Lorsque les ressources sont limitées, une tendance à les concentrer sur la réalisation d’une prestation opérationnelle verticale plutôt que sur un travail collaboratif horizontal émerge. Cela peut renforcer le cloisonnement et entraîner une fragmentation ou des lacunes dans le système d’intégrité.

Pour mettre en œuvre efficacement les politiques d’intégrité au niveau organisationnel, les organisations publiques doivent également veiller à ce que leur gestion des ressources humaines soit moderne et axée sur l’apport d’une expertise au plus près de leurs besoins. À mesure que les compétences liées à l’intégrité deviennent de plus en plus spécialisées, techniques et numériques (d’une formation juridique aux techniques d’enquête, en passant par l’informatique, la gestion publique, la comptabilité, les finances, les connaissances sectorielles, les fonctions de soutien, etc.), les règles encadrant l’emploi de la main d’œuvre doivent également évoluer. Étant donné la rareté d’un grand nombre des compétences requises au sein des organes publics de promotion de l’intégrité, plusieurs approches peuvent être utilisées pour en tirer le meilleur parti, notamment les suivantes :

  • Des viviers de talents peuvent être créés de manière centralisée et utilisés pour aider différentes organisations à accéder à des compétences dont elles ne pourraient peut-être pas disposer de manière permanente.

  • Des programmes de rotation peuvent être établis entre les différents acteurs du système, en échangeant systématiquement les employés pour des périodes spécifiques entre, par exemple, différents bureaux locaux chargés de l’intégrité publique. En même temps, un certain degré de stabilité et de sécurité de l’emploi est important pour développer les connaissances et l’expertise et réduire la courbe d’apprentissage en matière de coordination entre les organes.

  • La formation et le développement continus et tout au long de la vie peuvent être priorisés (pour en savoir plus, voir le chapitre 8).

  • Surveiller la qualité et la quantité des ressources humaines pour les systèmes d’intégrité à tous les niveaux de l’administration afin d’identifier les goulets d’étranglement et les possibilités d’amélioration.

En ce qui concerne la coopération entre les différents acteurs institutionnels quant aux responsabilités, le principal défi consiste à veiller à ce que chacun, quel que soit son niveau d’indépendance, œuvre pour la réalisation d’un objectif commun et partagé afin de garantir l’impact des politiques d’intégrité. En outre, la coopération entre les acteurs responsables de divers instruments et fonctions d'intégrité favorise l'identification de synergies et contribue donc à éviter les chevauchements ou les lacunes (OCDE, 2009[2]). L’accent est mis sur la nécessité de « maximiser les avantages politiques et opérationnels des multiples organes liés à l'intégrité, tout en évitant les pires risques liés à la prise de décisions ad hoc, les lacunes juridictionnelles, les déséquilibres entre les stratégies d'intégrité positives et coercitives, la concurrence potentiellement déloyale, les conflits négatifs et la confusion aux yeux des citoyens et des utilisateurs finaux » (Sampford, Smith et Brown, 2005[8]).

La coopération verticale entre les différents niveaux du gouvernement et la coopération horizontale entre les ministères exécutifs, les agences et les unités fonctionnelles sont essentielles pour intégrer les politiques d'intégrité (encadré ‎2.3). Ces mécanismes de coopération peuvent se développer de deux manières (bien qu’il puisse exister une zone grise dans laquelle un outil pourrait appartenir aux deux catégories) :

  • Officiellement, grâce à des structures et des procédures créées dans le but explicite d’assurer la coopération au sein d’un système d’intégrité. Cela peut être le cas lorsqu’une agence conjointe est créée ; lorsqu’une commission est créée pour réunir les différents acteurs du système ; ou lorsqu’un bureau d’intégrité est établi dans les ministères ou organes.

  • De manière informelle et volontaire, via des réseaux d’intégrité, des groupes de travail ad hoc ou d’autres initiatives ascendantes telles que des plateformes en ligne pour la gestion des connaissances.

La portée et l’approche de la coopération varieront en fonction du contexte spécifique de la manière dont les gouvernements gèrent l’intégrité publique et du système de gouvernance dans lequel l’intégrité est ancrée. Une première question à laquelle répondre peut être « La coopération, pour quoi faire ? », car différentes fonctions peuvent nécessiter des approches différentes. La seconde serait « La coopération entre qui ? » - en particulier lorsqu'on examine les fonctions essentielles par rapport aux fonctions complémentaires, qui peuvent également nécessiter des approches différentes (OCDE, 2009[2]). Par exemple, la coopération entre des fonctions essentielles peut nécessiter une approche plus lourde et plus formalisée, tandis que celle entre des fonctions complémentaires peut être moins régulière et donc nécessiter un recours à des mécanismes informels.

Les gouvernements peuvent utiliser divers mécanismes pour garantir la coopération :

  • des mécanismes formels pour assurer la cohérence des décisions et permettre le soutien, la communication et le partage d’informations ;

  • des mécanismes informels pour permettre un échange et un soutien horizontaux ;

  • des mécanismes adaptés aux niveaux national et infranational, conformément au cadre de gouvernance du pays.

La coopération au sein d’un système d’intégrité dépendra en partie des dispositions juridiques et de gouvernance mises en place pour le gérer. Une considération particulière est apportée à la centralisation de la fonction de coopération. Dans de nombreux pays, cette fonction occupe une position visible et centrale au sein du gouvernement pour signaler son importance, par exemple rattachée au bureau de la présidence ou au conseil des ministres. Dans d’autres pays, la fonction peut être assurée par un organe indépendant tel qu’un organe d’intégrité ou une institution supérieure de contrôle. Quel que soit le lieu, ce rôle requiert un certain degré d’influence et d’autorité ainsi que des relations hiérarchiques claires avec les autres organes individuels.

Un comité distinct peut également être créé, reposant sur des attributions et des moyens adéquats. Un comité peut comprendre des représentants issus des principaux organismes de lutte contre la corruption, des ministères clés, d’autres branches du gouvernement et de la société civile. Par exemple, la Corée dispose d’un organe de coordination de la politique de lutte contre la corruption composé de représentants de dix agences gouvernementales (ministères et organes de contrôle) afin d’assurer la communication entre leurs institutions. Un autre exemple se trouve au Mexique, où le système national de lutte contre la corruption principal fait intervenir un large éventail d'acteurs dans l'ensemble du gouvernement et comprend des outils de communication et des mécanismes de partage de l'information (voir Examen de l'OCDE du cadre d'intégrité dans le secteur public au Mexique (OCDE, 2017[9]) pour une présentation détaillée).

En outre, la coopération nécessite des outils de communication efficaces et le partage d’informations clés entre les organes. Les personnes chargées de la coopération peuvent mettre en œuvre des stratégies de communication pour s’assurer que tous les acteurs du système (y compris le secteur privé et la société civile) sont informés des politiques d’intégrité en place. Le recours régulier à une stratégie de communication peut également renforcer l’engagement de l’encadrement de l’administration et maintenir une coopération continue. De même, des portails et des bases de données administratives en ligne peuvent être utilisés pour partager des informations entre organes, ce qui renforce le potentiel de coopération efficace. Les bases de données administratives interopérables permettent aux organes publics d’échanger des informations actualisées, de renforcer les vérifications croisées et d’automatiser les alertes (telles que les conflits d’intérêts potentiels, les omissions dans les déclarations, les risques et la fraude). Par exemple, dans certains pays, des bases de données interopérables peuvent être utilisées pour recouper les données de l’administration fiscale avec les déclarations d’intérêts et de patrimoine, facilitant ainsi la détection d’éventuelles omissions dans les déclarations ou de conflits d’intérêts.

Entre ministères, que ce soit au niveau national ou infranational, les mécanismes de coopération informelle peuvent prendre la forme de réseaux d'intégrité dans lesquels des cadres ou des employés sont désignés comme participants (voir les exemples de la Suède et de l'Allemagne dans l’encadré ‎2.4). Ces réseaux disposent rarement de capacités décisionnelles, mais ils peuvent contribuer à renforcer l’efficacité des systèmes d’intégrité en partageant les bonnes pratiques, les informations et les enseignements tirés. En outre, ils peuvent veiller à ce que l’intégrité reste à l’ordre du jour des institutions du secteur public. Ces mécanismes informels peuvent toutefois nécessiter un certain degré de soutien formel pour garantir leur bon fonctionnement (voir l'exemple de l'Autriche dans l’encadré ‎2.4).

Le soutien formel à ces réseaux offre une visibilité, renforce la légitimité de la fonction de conseiller en éthique et soutient l’activité du réseau. Par exemple, le Département de la fonction publique polonaise préside et soutient l’activité d’un réseau de conseillers en éthique et en intégrité. Ce soutien a contribué à promouvoir et à faire connaître le rôle des conseillers en éthique (la nomination d’un conseiller en éthique n’est pas obligatoire dans la fonction publique polonaise), et a permis d’identifier le besoin de fournir des conseils éthiques et des mécanismes de consultation au sein des bureaux du secteur public. En conséquence, les nominations de conseillers en éthique au sein des administrations gouvernementales ont augmenté.

D’autres mécanismes tels que les ateliers, les forums et les stratégies de communication communes peuvent également soutenir la collaboration informelle entre les organisations :

  • Les ateliers peuvent développer des outils et des instruments pratiques. Lorsqu’un outil peut être appliqué au sein de plusieurs organisations, il est logique de partager ce développement afin de promouvoir l’efficacité et les points communs.

  • Les viviers permettent de mutualiser les compétences rares qui peuvent être partagées entre les organisations participantes. Par exemple, les enquêteurs, les formateurs ou les conseillers en matière d’intégrité peuvent être répartis entre plusieurs petites organisations qui n’ont pas la capacité d’employer elles-mêmes de tels experts.

  • Les forums sont des lieux où les agents responsables de l’intégrité de diverses organisations peuvent se réunir et partager leurs connaissances, leurs expériences et les leçons apprises. Ces réunions peuvent se tenir en personne ou dans un environnement virtuel.

  • Le « mégaphone » est utilisé lorsque des organisations s’associent pour communiquer avec le public et/ou au niveau politique afin d’influencer la conception de la politique d’intégrité. Ensemble, les organisations peuvent s'exprimer d'une voix plus forte et plus persuasive lorsque le moment vient d'influencer l'opinion (Hoekstra, 2015[7]).

Les régions et les municipalités sont souvent diverses, avec des cultures, des niveaux de développement socio-économique, des niveaux et des problèmes de corruption différents. Cette diversité peut se traduire par des politiques d’intégrité différentes au niveau national, ainsi que d’une région à l’autre. S’il n’est pas nécessaire de procéder à une harmonisation, il est néanmoins souhaitable d’éviter les lacunes et les incohérences. Pour surmonter les incohérences, les gouvernements peuvent attribuer des responsabilités claires en matière de politiques d’intégrité, et veiller à ce que des lignes de communication ouvertes et des mesures de coopération soient en place. Les mécanismes de mise en cohérence varieront en fonction des systèmes de gouvernance mis en place par le pays concerné.

Dans les États fédéraux, le gouvernement fédéral a rarement compétence en matière d’intégrité publique au sein des gouvernements infranationaux. Dans ce cas, l’évolution vers une harmonisation des normes peut reposer sur la coopération volontaire et le partage d’informations. Les pays fédéraux peuvent s'appuyer sur des réunions régulières d'un comité ou d'une commission d'intégrité, formelle ou informelle, pour promouvoir l'échange d'informations et soutenir la cohérence des normes d'intégrité (encadré ‎2.5). Ces mécanismes de coopération visent à garantir la cohérence des systèmes d’intégrité au niveau infranational avec le niveau national, tout en répondant aux spécificités du niveau infranational.

Certains gouvernements centraux élaborent des lignes directrices et des instruments (tels que des codes de conduite à l’échelle du gouvernement et des règlements sur les conflits d’intérêts) qui sont utilisés pour aider les autres niveaux de gouvernement à interpréter ces dispositions et à les mettre en œuvre. Le cadre juridique peut également être utilisé pour désigner explicitement des mécanismes de coopération afin de combler les lacunes qui pourraient apparaître. Dans ces cas, les gouvernements centraux peuvent être mandatés pour fournir des conseils sur la manière d'établir des commissions infranationales, des mesures de communication entre les niveaux national et infranational, et des outils pour soutenir la cohérence entre les stratégies d'intégrité infranationales (encadré ‎2.6). L’objectif de ces mesures n’est pas d’appliquer une approche « unique », mais plutôt de soutenir les niveaux de gouvernement infranationaux dans la mise en œuvre de politiques d’intégrité qui soient cohérentes et homogènes pour les individus, quelle que soit la région.

Le principal défi associé à l’attribution de responsabilités claires en matière d’intégrité consiste à favoriser la cohérence globale et la mise en œuvre du système d’intégrité. Renforcer la cohérence requiert de veiller à ce que les responsabilités ne se chevauchent pas, ne soient pas fragmentées et ne restent pas lettre morte. Pour relever ce défi, des mécanismes de coopération verticale et horizontale et l’attribution de moyens sont nécessaires, comme indiqué dans les sections ‎2.2.3 et ‎2.2.2, respectivement. Des mécanismes de supervision pour identifier les lacunes éventuelles doivent également être mis en place, ce qui est examiné plus en détail au chapitre 12. Si les mécanismes de coopération permettent de relever les défis liés aux responsabilités, ils présentent également des difficultés, dont les plus notables sont le cloisonnement et la concurrence entre les entités.

Le cloisonnement peut représenter un danger pour de nombreuses organisations publiques. Un certain nombre de facteurs peuvent contribuer à favoriser le cloisonnement, dont les structures hiérarchiques, l’accent mis sur les domaines politiques clés et le mode de mise en œuvre (par exemple, les penseurs, les planificateurs, les acteurs). Le cloisonnement n'est pas toujours problématique ; il peut favoriser l'efficacité et l'optimisation des processus et contribuer au développement de l'expertise de base (Riberio, Giacoman et Trantham, 2016[13]). Cependant, il devient problématique lorsqu’il empêche des unités ou des organes de collaborer entre plusieurs domaines fonctionnels pour traiter efficacement certains domaines de politiques publiques transversaux, tels que l’intégrité publique.

Pour relever les défis liés au cloisonnement, les gouvernements peuvent prendre un certain nombre de mesures. Une approche stratégique qui définit les objectifs d’intégrité publique de l’organisme ou du gouvernement, avec des résultats et des responsabilités attribuées, aide à identifier les cas de cloisonnement potentiel, tout en incitant les unités ou les organisations à coopérer dans le cadre de leurs activités et à formuler des objectifs communs. En outre, la création de réseaux de coopération formels et informels peut contribuer à renforcer la collaboration entre les différents organes et à accroître les possibilités de coopération. Des exemples de communautés formelles et informelles, de réseaux et de mécanismes de coopération sont examinés dans les encadrés 2.3, 2.4 et 2.5, respectivement. Cependant, les gouvernements peuvent également envisager d’utiliser des outils d’échange d’informations. Ceux-ci peuvent être formels ou informels, y compris des discussions et des échanges d’expériences informels, des protocoles d’accord et des bases de données interopérables qui permettent aux administrations de vérifier par recoupement les données disponibles dans le secteur public. Les avantages résultant des mécanismes de coopération comprennent l’augmentation de l’efficacité des procédures par la mise en commun des ressources et le partage des informations, ainsi que l’accroissement des échanges de connaissances.

La concurrence est un deuxième défi qui affaiblit la coopération. La concurrence peut être comprise comme une situation où les organes se font concurrence pour des ressources limitées, ou comme une situation basée sur la comparaison sociale – c'est-à-dire un besoin de surpasser ses pairs (Wang, Wang et Liu, 2018[14]). Une saine concurrence présente plusieurs avantages, notamment l’innovation et l’amélioration de l’efficacité. Toutefois, elle peut nuire aux résultats des politiques menées ainsi qu’à la coopération.

Il est donc essentiel de trouver un juste équilibre en matière de concurrence pour aider les organisations publiques à coopérer entre elles, tout en recherchant des innovations et des gains d’efficacité. Le maintien de la coopération exige un équilibre entre les coûts et les avantages, dans lequel la valeur retirée grâce à la coopération par les organes est supérieure aux coûts (Stewart, 2015[15]). Toutefois, une coopération efficace sur le long terme peut conduire à une complaisance qui l’affaiblit. S'il est impossible de garantir la coopération à long terme, le fait de trouver les bons avantages peut grandement la soutenir ; en revanche, si les incitations à coopérer sont trop nombreuses, la défection est encouragée (Stewart, 2015[15]). Pour certains pays, la réduction de la concurrence entre les entités repose sur le renforcement de la coordination administrative. En France, l’Agence française anticorruption contribue à la coordination administrative, à la centralisation et à la diffusion d’informations pour aider à prévenir et détecter les actes de corruption, le trafic d’influence, l’extorsion, la prise illégale d’intérêt, le détournement de fonds et le favoritisme. L’agence conclut des accords de coopération et des protocoles d’accord avec d’autres entités publiques impliquées dans la lutte contre la corruption, officialisant les relations de coopération entre les entités et clarifiant leurs champs d’action respectifs. Cela a contribué à faciliter et à favoriser l’échange d’informations et les synergies.

Références

[12] Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique (2019), Canadian Conflict of Interest Network, http://ciec-ccie.parl.gc.ca/EN/AboutUs/WhatWeDo/Pages/CCOIN.aspx (consulté le 18 septembre 2019).

[6] Gouvernement de France (2016), LOI n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires | Legifrance, https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032433852&categorieLien=id (consulté le 11 septembre 2019).

[7] Hoekstra, A. (2015), « Institutionalizing Integrity Management », dans Ethics in Public Policy and Management, Routledge, https://doi.org/10.4324/9781315856865-9.

[10] IBN (2020), Integritätsbeauftragten-Netzwerk, https://integritaet.info/ (consulté le 18 septembre 2019).

[4] Mairie de Paris (2018), La commission de déontologie des élu·e·s du Conseil - Ville de Paris, https://www.paris.fr/pages/la-commission-de-deontologie-des-elu-e-s-du-conseil-de-paris-3167/#autres-cas-de-saisine (consulté le 11 septembre 2019).

[9] OCDE (2017), OECD Integrity Review of Mexico: Taking a Stronger Stance Against Corruption, OECD Public Governance Reviews, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264273207-en.

[1] OCDE (2017), Recommandation du Conseil sur l’intégrité publique, OCDE, Paris, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0435 (consulté le 24 janvier 2020).

[2] OCDE (2009), Towards a Sound Integrity Framework: Instruments, Processes, Structures and Conditions for Implementation, Conference Paper, OECD Global Forum on Public Governance, https://www.researchgate.net/publication/281280788.

[13] Riberio, F., A. Giacoman et M. Trantham (2016), Dealing with market disruption & Seven strategies for breaking down silos, PwC, https://www.strategyand.pwc.com/gx/en/reports/dealing-with-market-disruption.pdf (consulté le 11 septembre 2019).

[8] Sampford, C., R. Smith et A. Brown (2005), « From Greek Temple to Bird’s Nest: Towards A Theory of Coherence and Mutual Accountability for National Integrity Systems », Australian Journal of Public Administration, vol. 64/2, pp. 96-108, https://doi.org/10.1111/j.1467-8500.2005.00445.x.

[11] SPF Chancellerie du Premier Ministre (2019), « Directorate-General for Secretariats and Coordination », https://chancellerie.belgium.be/en/organisation/directorate-general-secretariats-and-coordination (consulté le 18 septembre 2019).

[15] Stewart, A. (2015), Why do we cooperate?, World Economic Forum, https://www.weforum.org/agenda/2015/03/why-do-we-cooperate/ (consulté le 11 septembre 2019).

[3] Ville d’Amsterdam (2019), Bureau Integriteit - Gemeente Amsterdam, https://www.amsterdam.nl/bestuur-organisatie/organisatie/bestuur-organisatie/bureau-integriteit/ (consulté le 11 septembre 2019).

[5] Ville de Strasbourg (2019), Charte de déontologie | Strasbourg.eu, https://www.strasbourg.eu/charte-deontologie (consulté le 11 septembre 2019).

[14] Wang, H., L. Wang et C. Liu (2018), « Employee Competitive Attitude and Competitive Behavior Promote Job-Crafting and Performance: A Two-Component Dynamic Model. », Frontiers in psychology, vol. 9, p. 2223, https://doi.org/10.3389/fpsyg.2018.02223.

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