2. Évolutions récentes des politiques d’immigration

L’incidence de la pandémie du nouveau coronavirus (COVID-19) sur les mouvements transfrontaliers est indéniable. Outre la fermeture effective des voies de migration légales dans l’ensemble des pays de l’OCDE pendant la majeure partie de l’année 2020, peu de refontes d’envergure des politiques d’immigration ont été proposées. Les réformes ont été reportées à 2021, faute de réouverture des économies et services administratifs de nombreux pays. La reprise est toutefois en cours, d’autant que les pays doivent maintenant faire face aux conséquences de la pandémie. Par ailleurs, certains des changements liés à la COVID-19, notamment en ce qui concerne la protection des travailleurs temporaires, pourraient bien se pérenniser.

Si, dans l’ensemble de l’OCDE, la mise en place des mesures nécessaires à la lutte contre la COVID-19 a largement monopolisé l’action publique, interrompant d’autres réformes, d’autres actions d’importance, sans lien avec la pandémie, se sont poursuivies. Cette section passe brièvement en revue les changements les plus notables apportés aux programmes de protection internationale, de numérisation, de gestion des migrations professionnelles, et de régularisation.

Les États-Unis ont annoncé plusieurs réformes depuis le 20 janvier 2021. Ils ont rétabli le volet du programme destiné aux mineurs d’Amérique centrale qui vise à faciliter le regroupement familial des migrants en provenance du Salvador, du Guatemala et du Honduras. Les parents admissibles doivent séjourner régulièrement aux États-Unis au moment du dépôt de la demande. Le département de la Sécurité intérieure a suspendu les protocoles de protection des migrants (Migrant Protection Protocols, ou MPP) ou la politique « Restez au Mexique » applicables aux demandeurs d’asile.

Le Royaume-Uni a substantiellement remanié son droit d’asile (examiné plus loin), et d’autres pays ont infléchi leur politique dans ce domaine. Le 3 juin 2021, le Parlement danois a voté une loi autorisant le renvoi des demandeurs d’asile vers des pays tiers pendant le traitement de leur demande, dans l’optique de les dissuader de se rendre au Danemark. En 2019, le pays a modifié la loi relative au rapatriement de manière à autoriser le renvoi de réfugiés en Syrie et, en 2020, le Ministère de l’Immigration et de l’Intégration a établi l’Agence Danoise pour le retour, qui s’est vue confier la responsabilité des déboutés du droit d’asile. En mars 2020, la Norvège a mis en application un nouveau règlement concernant l’aide au retour volontaire et l’aide au retour forcé établissant les conditions pour bénéficier de cette assistance ainsi que ses modalités financières. L’aide est normalisée, mais le règlement autorise une certaine flexibilité en fonction des besoins. Les personnes qui retournent dans leur pays d’origine et qui ont des besoins médicaux spéciaux peuvent bénéficier d’une assistance en nature d’un montant maximum de 18 200 EUR.

Des dispositions importantes ont été prises en réponse à des enjeux géopolitiques. Le Royaume-Uni, par exemple, a annoncé des mesures pour faire face à l’évolution de la situation à Hong Kong, Chine (Encadré 2.1). Depuis septembre 2020, la Lituanie a assoupli les conditions d’obtention du visa national à entrées multiples de six mois pour les ressortissants biélorusses. Les parents de ces ressortissants, en possession d’un visa national ou d’un permis de séjour temporaire, peuvent également obtenir un visa national selon ces mêmes conditions.

Les restrictions concernant les visas et les voyages ont considérablement limité la capacité des pays à satisfaire leurs objectifs en matière d’immigration. Ils ont cependant suivi des approches différentes pour établir ceux de l’année suivante. L’Australie a maintenu en 2020-21 le plafond fixé pour 2019-20 (160 000 admissions). Le Canada a en revanche choisi de relever ses objectifs, qui passeront de 341 000 immigrés en 2020 à 401 000 en 2021.

L’Italie a modifié en 2020 le décret qui fixe les quotas d’immigration. Comme les années précédentes, le quota maximal est de 30 850 admissions, dont 18 000 pour les travailleurs saisonniers. Sur ces 18 000 admissions, 6 000 sont réservées aux travailleurs agricoles demandés par des organismes professionnels. Parmi les non-saisonniers, 6 000 places sont réservées aux travailleurs des secteurs du transport routier, de la construction et du tourisme en provenance de pays qui ont conclu des accords avec l’Italie. La Corée a maintenu son quota au même niveau, préférant intensifier le recours à la main d’œuvre existante plutôt qu’augmenter le nombre de travailleurs étrangers. Le nombre de places donnant accès à certaines professions (visas E-7, travailleurs non spécialisés qualifiés) a été relevé en 2021. En 2020, le nombre de personnes admises dans le cadre du quota annuel a baissé de plus de 30 000 par rapport à la cible initiale de 56 000 nouveaux travailleurs, dont l’arrivée a été reportée à 2021. Malgré l’annonce par le gouvernement d’une politique de réduction et d’élimination des quotas, ces derniers n’ont cessé d’augmenter en Israël depuis 2014. En 2020, de nouveaux quotas ont été annoncés pour le secteur infirmier et celui de la construction et, en 2021, un quota de 9 161 visas a été alloué aux employés d’établissements de soins privés. Les taux d’utilisation ont diminué au premier semestre de 2020, mais se sont redressés au troisième trimestre.

Lors de l’examen à mi-parcours conduit en avril 2021, le gouvernement finlandais a décidé de fixer, pour la toute première fois, des objectifs chiffrés en matière d’immigration à des fins d’études ou de travail. Le pays a pour ambition de tripler le nombre annuel de nouveaux étudiants internationaux de deuxième cycle universitaire de manière à le porter à 15 000 à l’horizon 2030, l’objectif étant de conserver 75 % de ces diplômés. S’agissant des migrations de travail, l’objectif est de doubler, au minimum, le nombre d’entrées d’ici à 2030, et d’augmenter par la suite leur nombre de 10 000 personnes au moins par an.

Les gouvernements de l’OCDE font de plus en plus appel à des plateformes numériques pour traiter les demandes de visas. Le Canada a mis en œuvre une technologie d’analyse pour traiter les demandes de visas de séjour temporaire en provenance d’Inde et de Chine, ce qui a dans certains cas accéléré les délais de traitement d’au moins 87 %. L’Australie, le Chili, la Colombie, la Corée, la Hongrie et la Lituanie ont tous mis en place des plateformes permettant de faire une demande de visa en ligne. En décembre 2020, l’Espagne a étendu le traitement numérique aux visas de travail. Le 16 mars 2021, la Suède a établi une procédure numérique à l’intention des migrants qui déposent une demande sur son territoire ou depuis l’ambassade suédoise à Bangkok. Depuis le 6 avril 2021, la France met en place un portail en ligne pour les demandes d’autorisation de travail, et évolue progressivement vers l’utilisation de documents numérisés pour les demandes de visas et de titres de séjour. Le Royaume-Uni publie à l’intention des employeurs des instructions leur expliquant comment vérifier en ligne le droit d’un migrant à travailler, moyennant un identifiant, et comment demander et contrôler des documents numériques.

La Commission européenne a par ailleurs annoncé préparer une nouvelle proposition sur la numérisation des procédures de demande de visa pour l’UE. La consultation publique à ce sujet s’est achevée le 3 juin 2021. Les procédures numériques devraient diminuer les coûts pour les demandeurs et faciliter la décision des pays, mais ces avantages doivent être soigneusement mis en balance avec la nécessité de protéger les données individuelles et de préserver la sécurité des systèmes. Ces problèmes expliquent sans doute la lenteur relative de la numérisation des services d’immigration, mais le processus devrait s’accélérer à mesure que les pays se dotent des outils adéquats.

Face au développement récent du télétravail, certains pays ont saisi l’occasion de se bâtir une réputation de centres d’innovation technique grâce à la mise en place de dispositifs de visas « nomades numériques ». L’Estonie a instauré un programme de cette nature en août 2020, autorisant un séjour d’une durée maximale d’un an. Les nomades numériques sont considérés comme des résidents fiscaux après un séjour de 183 jours dans le pays. La Grèce envisage de mettre en place un mécanisme similaire. Au Costa Rica, un projet de visa de courte durée pour les travailleurs à distance est en phase finale d’approbation. Aux termes de la proposition de loi, le ressortissant étranger doit disposer d’un revenu mensuel moyen stable de 3 000 USD au moins (4 000 USD s’il est accompagné de personnes à charge) et être couvert par une assurance maladie privée. Une autre loi récemment adoptée par le gouvernement costaricain assouplit les conditions de résidence temporaire des retraités et investisseurs étrangers.

En 2019, le Canada a créé plusieurs programmes pilotes pour aider les employeurs régionaux à satisfaire leurs besoins en main d’œuvre étrangère, notamment le Programme pilote d’immigration au Canada atlantique portant sur les travailleurs étrangers qualifiés et le Programme pilote d’immigration dans les communautés rurales et du Nord. Le Programme pilote sur l’agroalimentaire, entré en vigueur le 15 mai 2020, vise à remédier aux pénuries persistantes de main d’œuvre, notamment dans les secteurs de la transformation de la viande, de la production agricole, et de l’élevage. En avril 2021, le Canada a autorisé la création de nouvelles voies d’accès à la résidence permanente pour 90 000 travailleurs du secteur de la santé et diplômés internationaux, ainsi qu’à d’autres filières non assujetties à un plafond pour les candidats francophones ou bilingues.

En Allemagne, la loi sur l’immigration de personnes qualifiées est entrée en application en mars 2020. Elle vise à ouvrir le marché du travail à des travailleurs très qualifiés et à ceux qui ont une qualification professionnelle reconnue sans que ne s’applique l’opposabilité de la situation de l’emploi. Bien qu’une offre d’emploi soit indispensable, les personnes qualifiées peuvent entrer en Allemagne pour y chercher un travail pendant six mois, et sont autorisées à travailler jusqu’à dix heures par semaine ou à effectuer un stage auprès d’un employeur potentiel. La mise en application de la loi a été freinée par la COVID-19, mais les autorités ne prévoient pas d’évolution des besoins en travailleurs qualifiés. Entre le 1er mars 2020 et le 31 décembre 2020, 30 000 visas ont été délivrés, chiffre comparable au nombre total enregistré chaque année en 2017, 2018 et 2019.

La France a atténué les critères de traitement des autorisations de travail, donnant priorité à l’opposabilité de la situation de l’emploi, au respect par l’employeur de ses obligations légales, et à la vérification de la rémunération proposée. La liste des métiers en tension, comportant quelques spécificités régionales, a été actualisée en 2021, et les demandes sont désormais instruites par des plateformes interrégionales, et non plus par les autorités du travail.

La Pologne a procédé à des réformes visant à faciliter l’accès au marché du travail polonais à compter de 2019. Les candidats à 289 professions prioritaires peuvent demander des permis de séjour temporaires et de travail spéciaux sans être soumis à un test du marché du travail. La Pologne a également lancé le programme « Pologne, terre d’accueil des entreprises » pour soutenir les entrepreneurs biélorusses. Les titulaires d’un tel visa peuvent, à l’instar des détenteurs d’un visa humanitaire, travailler dans le pays sans avoir à demander un permis à cet effet. La Pologne a élargi l’éventail des conditions d’emploi minimales que les pays d’accueil doivent garantir aux travailleurs détachés ; celles-ci couvrent toutes les composantes de la rémunération prévues par le droit du travail. En raison de la COVID-19, tous les étrangers qui avaient accès au marché du travail polonais le 13 mars 2020 ont obtenu le droit d’exercer un emploi saisonnier sans avoir à demander de nouveau permis. Les employeurs ont été autorisés à modifier leurs conditions de travail (horaires ou rémunération compris) sans avoir à solliciter de nouvelles autorisations.

Ces dernières années, Israël a conclu avec plusieurs pays des accords bilatéraux de travail (ABT) relatifs aux travailleurs temporaires. En 2020, le pays a conclu des accords avec la Thaïlande (agriculture), l’Ukraine (construction) et avec la Géorgie et le Népal pour des travailleurs auxiliaires dans les maisons de retraite et les établissements médicalisés. En mai 2021, l’Espagne a signé un ABT avec le Honduras. L’accord établit la procédure de sélection des travailleurs dans le pays d’origine, régit leurs conditions de travail et leurs droits sociaux et prévoit l’obligation de réadmission. Il comporte des dispositions particulières pour les travailleurs saisonniers.

De manière générale, l’obtention du droit de séjour permanent a été facilitée dans les pays de l’OCDE au cours de la dernière décennie. Les délais et conditions (comme le degré de maîtrise de la langue du pays d’accueil) varient sensiblement, mais des mesures sont en place pour assurer son effectivité. Le Canada a récemment pris des dispositions pour élargir les voies d’accès à la résidence permanente. Le Programme pilote des gardiens ou gardiennes d’enfants en milieu familial et le Programme pilote des aides familiaux à domicile, entrés en vigueur en juin 2019, expérimentent une procédure en deux volets pour permettre aux travailleurs de ces secteurs possédant un niveau minimum d’études et de maîtrise de la langue d’obtenir un droit de séjour permanent. Le programme japonnais, établi en 2019 au profit de certains travailleurs qualifiés, autorise les stagiaires à prolonger de cinq ans leur séjour dans le pays pour y travailler. Ce programme étant renouvelable, il offre la possibilité à un plus grand nombre de migrants de devenir admissibles à la résidence permanente. Aux États-Unis, de nouvelles restrictions d’accès à ce droit sont intervenues ces cinq dernières années, mais elles tiennent davantage à la réduction du traitement des demandes qu’à un infléchissement politique notable. Suite à l’interdiction faite aux consulats en avril 2020 de délivrer des visas permanents aux immigrants, le nombre de nouveaux titulaires d’un permis de séjour permanent a encore diminué, mais cette disposition n’a pas vocation à perdurer.

La Colombie a mis en place des procédures de régularisation des migrants vénézuéliens. Le président colombien a signé le 1er mars 2021 un décret portant création d’un permis de protection temporaire valable dix ans pour les migrants vénézuéliens séjournant dans le pays au 31 janvier 2021. Les migrants arrivés après cette date peuvent en bénéficier s’ils entrent en Colombie par des voies légales au cours des deux années suivantes. La procédure consiste en une phase d’enregistrement en ligne, suivie de la délivrance d’un document de régularisation et d’identité. En avril 2021, le Chili a inauguré une procédure de régularisation des migrants entrés sur son territoire par les points de passage autorisés avant le 18 mars 2020. Ceux qui sont entrés irrégulièrement peuvent quitter le pays pour déposer une demande de visa consulaire sans encourir de sanctions pour entrée illégale.

Le gouvernement italien a régularisé certains travailleurs irréguliers présents sur le territoire avant le 8 mars 2020. Cette mesure visait à encourager les employeurs à déclarer leurs relations d’emploi ou à embaucher de nouveaux travailleurs dans les secteurs du travail domestique, des soins, de l’agriculture et de la pêche. La Grèce et le Portugal ont également autorisé la régularisation temporaire de ressortissants de pays tiers employés dans des secteurs stratégiques. Plusieurs pays, dont la Belgique, la Finlande, la Grèce et la Suède, ont adopté des mesures visant à faciliter l’accès au marché du travail d’étrangers entrés régulièrement dans le pays. Le Japon a encouragé les demandes ponctuelles de statut de résident au travers du service public de l’emploi, en particulier pour les étudiants et les stagiaires licenciés par leurs employeurs.

Sous l’effet des restrictions imposées aux voyages, les flux migratoires ont considérablement diminué en 2020. Néanmoins, comme les pays ont autorisé diverses exceptions à ces restrictions, ils ne se sont pas entièrement taris. Les pays de l’OCDE ont dans l’ensemble adopté des mesures relativement homogènes face à ces évolutions.

La suspension des migrations était une mesure logique pour mettre un terme à la propagation de la COVID-19. Les frontières ont été fermées à quasiment tous les voyageurs, la plupart des pays prévoyant des exceptions pour leurs propres ressortissants et les résidents permanents, ainsi que pour certains travailleurs essentiels, notamment dans le secteur de la santé. Même ceux-ci ont souvent été contraints de justifier leurs voyages, les possibilités de déplacement étant en outre limitées. Au début de 2020, la majorité des pays ont aussi temporairement restreint le dépôt de nouvelles demandes de visas dans les consulats à l’étranger. Si quasiment tous ont imposé des restrictions, certains ont été plus rigoureux que d’autres dans l’exécution des contrôles aux frontières.

L’Australie et la Nouvelle-Zélande ont imposé des restrictions sévères à l’entrée sur leur territoire. Seules les personnes ayant obtenu une exemption individuelle sont autorisées à se rendre en Australie. Les détenteurs de visas temporaires peuvent quitter le pays librement, mais ne peuvent généralement pas y retourner. L’Australie interdit à ses ressortissants et résidents permanents de se rendre à l’étranger depuis le 25 mars 2020, un petit nombre d’exemptions étant accordé, et impose aussi périodiquement la fermeture des frontières entre États. La Nouvelle-Zélande a établi une « bulle de voyage » sans quarantaine pour les personnes en provenance d’Australie, des Îles Cook et de Niue. Seuls les citoyens néo-zélandais et leurs proches parents étaient autorisés à revenir de pays à très haut risque. Aucune exemption n’était accordée, même pour des motifs humanitaires.

Les États-Unis et le Canada ont suspendu quasiment tous les déplacements non essentiels. Le Canada a fermé ses frontières à tous les pays, excepté les États-Unis (la frontière terrestre ayant toutefois été brièvement fermée). Les États-Unis ont, dans un premier temps, interdit l’entrée des personnes en provenance de Chine, mais ont ensuite étendu les restrictions à 33 pays, le dernier ajout (l’Inde) étant intervenu en mai 2021. Les deux pays ont aussi temporairement interrompu le traitement des demandes d’asile. Le Royaume-Uni a établi une liste de destinations vertes, orange et rouges, fondée sur la circulation du virus, régissant les autorisations éventuelles de déplacements non essentiels. La majorité des pays ont été inscrits sur la liste orange, qui impose une quarantaine. Le Chili a interdit l’entrée aux voyageurs en provenance de tous les pays où une transmission communautaire, telle que désignée par l’Organisation mondiale de la santé, est observée.

La plupart des pays européens de l’OCDE, mais pas tous, ont plutôt choisi d’adapter leurs mesures dans le souci de concilier l’évolution de la situation épidémiologique et le principe d’ouverture des frontières. Les mouvements internes dans l’Union européenne (UE) ont fluctué, les pays répondant à la nécessité périodique d’instaurer un confinement national. Dans un premier temps, en mars 2020, l’UE a fermé ses frontières extérieures pour une durée de 30 jours. Cette période a été prolongée jusqu’à la fin juin 2020, moment où elle a approuvé la levée des restrictions pour une liste de 14 pays (plus la Chine, sous réserve de réciprocité) jugés sûrs. La majorité des pays membres de l’UE et de l’espace Schengen ont adopté les recommandations de l’UE sur la réouverture des frontières. Les pays étaient toutefois libres de leur choix, et quelques divergences ont été observées. La Belgique, la France, la Hongrie et les Pays-Bas n’ont pas ouvert leurs frontières aux pays figurant sur la liste. L’Allemagne a autorisé les arrivées en provenance de cinq pays présentant de faibles risques. L’UE prévoit d’autoriser la reprise des déplacements internationaux pour les personnes vaccinées à l’été 2021. Quelques États membres, notamment l’Italie et la Grèce, ont rouvert leurs frontières plus tôt. Le 20 mai 2021, le Parlement et le Conseil européens sont parvenus à un accord provisoire sur le certificat Covid numérique UE afin de faciliter les déplacements à l’intérieur de l’Union.

Depuis avril 2020, le Japon alterne aussi les périodes de restriction et d’assouplissement à l’entrée des voyageurs en provenance de 159 pays en fonction de l’évolution de la pandémie. En octobre 2020, il a partiellement rouvert ses frontières aux voyageurs d’affaires internationaux et aux demandeurs de titre de séjour de longue durée. En décembre 2020, les craintes liées aux nouveaux variants ont amené les autorités à durcir les restrictions, seuls les ressortissants japonais et les résidents étant autorisés à entrer sur le territoire national. Depuis mai 2021, le retour des ressortissants étrangers, titulaires d’un permis de séjour permanent et qui se sont rendus dans un pays à risque élevé de variant Delta, est interdit.

La Bulgarie, la Corée, l’Irlande, le Portugal, la République slovaque et la Slovénie ont maintenu leurs frontières relativement ouvertes, autorisant l’entrée de ressortissants de pays tiers à condition qu’ils respectent les normes sanitaires et se soumettent à un dépistage. L’interdiction des voyages non essentiels initialement imposée par le Mexique ne s’appliquait qu’aux frontières terrestres.

Les pays qui ont autorisé les voyages ont pour la plupart imposé un test obligatoire (généralement un test d’amplification en chaîne par polymérase [PCR] négatif effectué 72 heures avant l’arrivée dans le pays). Les États-Unis ont exigé les tests PCR à partir de janvier 2021. D’autres pays ont requis également une quarantaine bien que, dans de nombreux cas, celle-ci ne soit pas obligatoire. La France a demandé aux voyageurs une déclaration sur l’honneur attestant leur engagement à s’isoler. L’Autriche a imposé une quarantaine de 10 jours, qu’un test négatif au cinquième jour permet d’écourter. À de rares exceptions près, une quarantaine de 14 jours en hôtel surveillé était obligatoire en Australie et en Nouvelle-Zélande, aux frais du voyageur.

Tout au long de l’année 2020, la majorité des pays de l’OCDE ont fait appel à des dispositions temporaires pour permettre aux migrants frappés par les restrictions concernant les voyages et les services de l’immigration de rester en situation régulière. Des mesures d’urgence, comme l’instauration de communications électroniques ou postales, ont aussi permis d’atténuer les retombées de la fermeture au public des services d’immigration sur cette population.

En Suède, ces services sont restés ouverts au public, quoique à horaires réduits, toute l’année. Comme la plupart des demandes de migration étaient déjà enregistrées en ligne, leur traitement s’est poursuivi normalement.

La plupart des autres pays européens de l’OCDE, dont l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, le Luxembourg, la Pologne, le Portugal et la République slovaque, ont fait appel à divers instruments : prorogation automatique des permis de séjour, séjours tolérés et suspension ou prolongement des délais de procédure. La majorité de ces mesures sont restées en vigueur tout au long de 2020, certaines ayant été maintenues en 2021 (en Hongrie, en Irlande et au Portugal, par exemple). La Corée a accordé plusieurs prorogations de trois mois aux étrangers dont les visas étaient arrivés à expiration. La Bulgarie a assuré des prorogations automatiques et pris des mesures de protection pour modérer l’incidence des absences du pays.

L’Autriche, l’Estonie, la Lituanie, les Pays-Bas, la République tchèque et la Slovénie n’ont pas automatiquement traité les renouvellements de permis, mais appliqué à titre temporaire une politique de clémence envers les ressortissants de pays tiers qui n’ont pu partir en raison de la pandémie et dont le visa a expiré. Les Pays-Bas ont également prolongé de 6 à 9 mois le délai de retrait d’un visa approuvé en cas de fermeture de l’ambassade. La Lettonie a examiné un à un les séjours tolérés, délivrant un visa de longue durée ou prolongeant un visa Schengen de type C pour des motifs humanitaires, le cas échéant. Les titulaires de titres de séjour dont le renouvellement ou l’enregistrement ont accusé des retards ont eu la possibilité de faire examiner leurs documents dans le cadre d’une procédure accélérée moyennant le versement d’un droit.

Aux États-Unis, depuis mars 2020, la plupart des non-immigrés peuvent atténuer l’incidence de la COVID-19 en complétant en temps voulu une demande de prolongation de séjour. La pandémie a par ailleurs été considérée comme une situation exceptionnelle excusant les demandes tardives de prolongation de séjour ou de changement de statut. S’agissant des demandes de preuves ou les avis d’appel datés du 1er mars 2020 au 30 septembre 2021, les délais de réponse et (ou) de dépôt ont été prorogés de 30 à 60 jours.

La Nouvelle-Zélande a mis en place un visa visiteur de courte durée « COVID-19 » renouvelable. L’Australie a également créé un visa d’activité temporaire pour les migrants travaillant dans des secteurs essentiels, permettant aux personnes qui ne peuvent quitter le pays d’y rester légalement pendant la pandémie.

Les migrants qui prévoyaient de voyager munis de visas de certaines catégories n’ont pas seulement subi des retards en raison de la COVID-19, mais se sont vus dans certains cas obligés de repenser leurs projets à long terme. L’expiration d’un visa ou l’impossibilité de retirer un visa approuvé peuvent créer de sérieuses difficultés pour le demandeur, le dépôt d’une nouvelle demande n’étant souvent pas possible.

Avant l’ajout des détenteurs d’un visa « diversity-lottery » (DV) aux « exceptions d’intérêt national » (National Interest Exception, à savoir les catégories autorisées à se rendre aux États-Unis), une action collective a été engagée aux États-Unis pour prévenir l’expiration des visas DV-2020 avant que leurs bénéficiaires ne puissent voyager. Dans une ordonnance d’urgence, un tribunal a établi que le gouvernement devait considérer tous les visas délivrés ou renouvelés comme ayant été délivrés à la date du jugement définitif à venir. Par ailleurs, 9 095 visas ont été réservés aux gagnants de la loterie DV-2020 pour le cas où ils obtiendraient gain de cause.

En Israël, les hôtels autorisés à embaucher des travailleurs étrangers se sont vus offrir le remboursement des frais administratifs engagés s’ils demandaient l’annulation des permis accordés à ceux qui n’ont pu entrer sur le territoire jusqu’au 21 mars 2021.

Les restrictions appliquées aux voyages ont particulièrement atteint les étudiants. La plupart des pays de l’OCDE ont traité les demandes de permis d’études lorsque les consulats ont rouvert, mais les programmes d’enseignement à distance ont créé des problèmes d’admissibilité. Aux États-Unis, les étudiants internationaux n’étaient pas autorisés à suivre un cursus complet en ligne. Les étudiants actifs inscrits à un programme intégralement dispensé en ligne devaient quitter le pays. Les détenteurs d’un visa F-1 ne pouvaient suivre qu’un cours en ligne par semestre. De nombreux pays ont mis en œuvre des mesures visant à pallier les retards, en reportant par exemple les dates limites d’inscription. D’autres, comme la République slovaque, ont autorisé les étudiants à reporter leurs études à l’année suivante. L’Australie a annoncé que les formations à distance satisferaient aux critères d’admissibilité pour les étudiants désireux d’entrer dans le pays ultérieurement, et a exempté ceux qui devaient déposer une nouvelle demande de visa des frais correspondants. Le Canada a autorisé les étudiants internationaux à commencer leurs études en ligne depuis l’étranger avant d’obtenir un permis d’études. Les études suivies jusqu’au 31 décembre 2021 entrent en ligne de compte pour l’obtention d’un futur permis de travail post-diplôme. D’autres pays, dont l’Estonie, la France, l’Irlande, le Luxembourg et le Portugal, ont refusé de procéder à des aménagements de cette nature. En avril 2021, le Département d’État des États-Unis a annoncé l’élargissement des exceptions d’intérêt national aux étudiants et universitaires du monde entier à compter du 1er août 2021. Même ainsi, les étudiants qui déposent une première demande de permis en 2021 risquent de juger les destinations internationales moins attrayantes, compte tenu de l’incertitude entourant des restrictions en constante évolution. Tout signe de recul des inscriptions donnera probablement lieu à des campagnes de recrutement énergiques compte tenu de l’importance des étudiants internationaux en tant que source de recettes pour les universités de certains pays de l’OCDE.

Les travailleurs temporaires, surtout ceux de secteurs frappés par les mesures de confinement, ont durement ressenti le choc de la pandémie de la COVID-19. La plupart des gouvernements ont pris des mesures visant à atténuer les pressions liées au virus, nombre d’entre eux étant conscients que ces travailleurs étaient plus susceptibles que d’autres de perdre leur emploi en 2020 compte tenu du recul notable des contrats de courte durée. Les baisses les plus prononcées de l’emploi immigré sont intervenues dans les pays qui n’ont pas établi de dispositifs de protection de l’emploi. Certains de ces dispositifs pourraient être maintenus après la crise, au profit des migrants qui se trouvent souvent dans des situations précaires. Dans certains cas, ces changements avaient été amorcés avant même la pandémie et n’ont pas été compromis par la COVID-19, signe d’une prise de conscience que les travailleurs temporaires sont essentiels à de nombreux systèmes d’immigration.

La plupart des pays de l’OCDE ont qualifié certains secteurs d’activité d’essentiels ou « clés », justifiant ainsi le maintien des admissions de travailleurs temporaires pendant la crise de la COVID-19. Ont été jugés prioritaires les secteurs de la santé (Encadré 2.2), de l’agriculture et des transports. Les États-Unis, le Canada et Israël ont précisément défini les catégories de travailleurs nécessaires au fonctionnement des infrastructures essentielles.

La France a conclu des accords avec l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, l’Italie et le Luxembourg afin d’autoriser à titre « exceptionnel » le télétravail des travailleurs transfrontaliers pendant la crise de la COVID-19. À des fins fiscales, ceux-ci ont pu bénéficier de dispositions spéciales concernant le seuil de jours travaillés en dehors du pays de travail habituel.

De nombreux pays ont facilité l’accès au marché du travail d’étrangers séjournant déjà sur leur territoire pour remédier aux pénuries de main d’œuvre. La Belgique, la Finlande, la Grèce et la Suède ont facilité l’entrée de travailleurs saisonniers. La Hongrie, la Pologne et la Slovénie ont instauré des règles spéciales en matière de quarantaine. L’Allemagne a mis en application une mesure temporaire qui autorise les demandeurs d’asile sans permis de travail à travailler dans les exploitations agricoles du 1er avril 2020 au 1er octobre 2020. La France et l’Espagne ont également assoupli les règles de travail pour les demandeurs d’asile. Les agriculteurs allemands ont été autorisés à organiser et à financer des vols charter pour faciliter la venue d’un maximum de 40 000 travailleurs immigrés, à condition de mettre en place des mesures d’hygiène. Cela étant, tous les pays n’ont pas signalé de pénuries de main d’œuvre. L’Autriche, la Bulgarie, la Hongrie, la Lettonie, la République slovaque et la Slovénie ont toutes déclaré être en mesure de satisfaire leurs besoins en main d’œuvre avec leur propre population.

Dans les pays qui ont complètement interdit les migrations, des tensions sont apparues sur le marché du travail s’agissant des travailleurs saisonniers. Plutôt que d’admettre l’entrée de nouveaux travailleurs étrangers sur son territoire, la Corée a instauré une politique d’intensification du recours à la main d’œuvre étrangère existante, et autorisé à cette fin des modifications et des prorogations du statut des travailleurs du secteur manufacturier et des saisonniers. Elle a en outre ramené à un mois le délai obligatoire de trois mois de retour dans le pays d’origine avant de pouvoir revenir travailler sur son territoire. L’Australie a fait appel à des visas d’activité temporaire pour aider les secteurs essentiels et lancé des programmes de vacanciers actifs pour remédier à la pénurie de main d’œuvre dans l’agriculture. La demande de visa peut couvrir les membres de la famille. La Nouvelle-Zélande a mis en place un visa de travail pour emplois saisonniers supplémentaires, le Supplementary Seasonal Employment Work, pour pallier le manque de main d’œuvre néo-zélandaise dans les secteurs horticole et viticole.

Les permis de travail sont souvent limités à un secteur ou à un employeur donné. Ne pas pouvoir changer d’employeur constitue une entrave majeure en période de tension économique. Compte tenu de la pandémie, quelques pays ont pris des mesures pour assouplir ces restrictions. Au Japon, la crainte que les travailleurs étrangers ne perdent leur emploi en raison de la pandémie a amené le gouvernement à les autoriser à changer d’employeur et à conserver leur statut. En République tchèque, les travailleurs migrants qui ont perdu leur emploi ont été autorisés à changer d’employeur et de secteur d’activité. Les travailleurs relevant du régime coréen de permis de travail (EPS) ont été autorisés à changer de statut pour devenir des travailleurs saisonniers. Si les États-Unis ont resserré les restrictions sur certaines catégories de visa de travail temporaires et permanents (pour les travailleurs très qualifiés en général), une règle temporaire a été adoptée le 18 décembre 2020 afin d’autoriser les travailleurs agricoles à changer d’employeur et à commencer à travailler avant que leur nouveau visa ne soit officiellement approuvé. Cette mesure devrait rester en vigueur jusqu’au 18 décembre 2023.

La pandémie de la COVID-19 a clairement démontré que les autorités nationales devaient réfléchir aux meilleurs moyens de codifier et appliquer les normes de travail relatives aux travailleurs immigrés. Les lois qui exigent le rapatriement rapide des travailleurs dont le permis a expiré ou a été annulé en raison d’une perte d’emploi risquent de porter atteinte à leur droit de réclamer une rémunération équitable ou de demander réparation pour violations salariales, ou d’obtenir des prestations auxquelles ils ont éventuellement droit. Ce besoin de protéger les travailleurs existait avant la crise, mais la pandémie en a souligné l’urgence. Bon nombre des mesures adoptées en 2020 étaient temporaires. La Finlande, par exemple, a autorisé les travailleurs étrangers titulaires d’un permis de séjour valide à changer d’employeur ou de secteur d’activité jusqu’à la fin octobre 2020. Quoi qu’il en soit, la vulnérabilité liée à l’impossibilité de changer d’employeur restera une source essentielle de préoccupation, et les pays doivent envisager des moyens d’intégrer la protection des travailleurs migrants à leur stratégie de migration de travail à long terme. Au Canada, par exemple, le Permis de travail ouvert pour les travailleurs vulnérables, introduit en juin 2019, autorise les travailleurs titulaires d’un permis lié à un employeur donné de quitter rapidement leur emploi s’ils sont victimes de violence, de chercher un nouvel emploi et de conserver l’autorisation de travailler dans le pays.

Après plusieurs années de négociations, l’Accord de retrait régissant les conditions de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne est entré en vigueur le 1er février 2020. Étant donné les difficultés liées à la mise en œuvre des nouveaux régimes d’immigration et à la négociation de certains chapitres, comme l’accord de libre-échange entre le Royaume-Uni et l’UE, l’Accord a prévu une période de transition. Dans l’intervalle, le Royaume-Uni est resté assujetti aux règles de l’UE, notamment en ce qui concerne la liberté de circulation. La liberté de circulation entre l’UE et le Royaume-Uni a pris fin en même temps que la période de transition, le 31 décembre 2020.

À la suite du Brexit, le Royaume-Uni et l’UE sont parvenus à un accord garantissant les droits des ressortissants de l’UE, de l’Espace économique européen (EEE) et de la Confédération suisse vivant au Royaume-Uni, et ceux des ressortissants britanniques vivant dans ces pays.

L’Accord de retrait protège les droits des ressortissants britanniques et de leurs parents proches vivant dans les pays de l’UE. Il couvre les Britanniques qui vivaient dans un pays de l’UE au 31 décembre 2020 et qui sont soit: 1) des salariés ou travailleurs indépendants dans ce pays ; 2) des étudiants ou des personnes autonomes en mesure de prouver qu’ils disposent de ressources suffisantes pour assurer leur subsistance et d’une assurance maladie complète. Les membres de la famille vivant avec une personne admissible dans un pays de l’UE au 31 décembre 2020 sont également couverts. Les personnes déjà détentrices d’un droit de séjour permanent conservent leur statut. L’Accord de retrait protège également les travailleurs frontaliers - les citoyens britanniques qui vivent au Royaume-Uni ou dans un pays de l’UE et travaillent dans un autre pays de l’UE.

Dans 13 pays de l’UE, les ressortissants britanniques doivent s’enregistrer ou demander le statut de résident permanent pour être autorisés à rester. Quatorze pays, dont l’Espagne, Chypre et la Grèce, ont opté pour un système déclaratoire en vertu duquel les ressortissants britanniques ont la possibilité d’obtenir un nouveau document spécifiant leurs droits au titre de l’accord de retrait. Ceux qui ont vécu moins de cinq ans dans un pays de l’UE peuvent y rester dès lors qu’ils satisfont à l’une des conditions de résidence. Le droit de résidence est subordonné à une présence physique de six mois par an dans le pays. Après un séjour ininterrompu de cinq ans dans un pays de l’UE, les ressortissants britanniques peuvent obtenir un droit de séjour permanent, après quoi ils ne peuvent le perdre que s’ils vivent en dehors du pays concerné plus de cinq années consécutives. Dans certains pays, la durée de validité du permis est de dix ans, renouvelable.

Les droits de séjour au titre de l’Accord de retrait confèrent le droit à l’égalité de traitement avec les citoyens du pays concerné, notamment les mêmes droits en matière de travail, d’étude et d’accès aux prestations et services qu’avant la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Les règles de coordination des systèmes de sécurité sociale en vigueur dans l’UE s’appliqueront également aux titulaires d’un droit de séjour, qui restent couverts par des accords réciproques. Les cotisations versées au régime de sécurité sociale dans différents pays de l’UE peuvent entrer en ligne de compte pour satisfaire aux conditions d’admissibilité à certaines prestations et pensions publiques.

Les citoyens britanniques arrivant dans un pays de l’UE après la période de transition du Brexit ne peuvent bénéficier des droits de résidence au titre de l’Accord de retrait, mais peuvent faire une demande de permis de séjour en tant que ressortissants de pays tiers.

Les ressortissants de l’UE, de l’EEE, de la Confédération suisse et les membres de leur famille qui souhaitent rester au Royaume-Uni à l’issue de la période de transition devaient avoir postulé au dispositif d’enregistrement des citoyens européens (EU Settlement Scheme, EUSS) avant le 31 juin 2021. Les citoyens irlandais en sont exemptés car le droit de vivre et travailler au Royaume-Uni dont ils bénéficient actuellement sera maintenu. Les citoyens qui jouissent d’un droit de résidence illimité (statut de résident permanent) n’ont pas besoin de s’enregistrer dans le cadre de ce dispositif.

L’EUSS permet aux ressortissants de l’UE, de l’EEE, de la Confédération suisse et aux membres de leur famille qui ont séjourné sans interruption au Royaume-Uni pendant cinq ans au 31 décembre 2020 de bénéficier du statut de résident permanent, qui leur confère un droit de séjour illimité. Ceux qui y sont arrivés avant cette date mais n’y ont pas séjourné de manière continue pendant cinq ans peuvent demander un « statut de résident » qui les autorise à y rester jusqu’à atteindre le seuil de cinq ans, après quoi ils pourront demander le statut de résident permanent. Les personnes disposant du statut de résident permanent ou de résident provisoire bénéficieront des mêmes prestations de santé, de retraite et autres qu’actuellement.

Les parents proches (à savoir conjoint, partenaire civil, partenaire durable, enfant ou petit-enfant à charge, et parent ou grand-parent à charge) vivant à l’étranger peuvent rejoindre le résident admissible au Royaume-Uni à l’issue de la période de mise en œuvre, dans le cas où le lien de parenté existait au 31 décembre 2020 et s’est maintenu jusqu’à la date de migration. La protection couvre également les enfants à venir. Les travailleurs transfrontaliers (qui viennent généralement de France ou de Belgique) ne sont pas admissibles au EUSS, mais le Royaume-Uni a instauré un permis de travail (Frontier Worker Permit Scheme) à l’intention des ressortissants de l’UE, de l’EEE et de la Confédération suisse qui travaillaient au Royaume-Uni le 31 décembre 2020 ou avant cette date et qui y poursuivront leur activité. Les personnes qui ont commencé à travailler au Royaume-Uni après le 1er janvier 2021 doivent obtenir un visa.

La frontière irlandaise est désormais la seule frontière terrestre entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Aux termes de l’accord du Vendredi saint de 1998, elle est également invisible, avec peu ou pas d’infrastructures matérielles ou postes de contrôle. Pour éviter la création d’une frontière dure en violation éventuelle du traité, des protocoles spécifiques ont été établis dans le cadre du Brexit pour gouverner la libre circulation entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande. La Zone commune de voyage (ZCV) entre les deux pays a été créée avant que l’Irlande et le Royaume-Uni ne deviennent membres de l’UE, et restera en vigueur. Les ressortissants de l’UE, de l’EEE et de la Confédération suisse disposant du statut de résident permanent peuvent circuler librement entre les deux pays pour y vivre, y travailler et y étudier. Comme auparavant, ils ont un accès réciproque aux services sociaux et de santé de l’autre pays. En revanche, depuis janvier 2021, les agents des services d’immigration britanniques sont tenus de vérifier que les ressortissants non irlandais de l’UE ne franchissent pas la frontière pour travailler.

Les membres de la famille ou personnes à charge de citoyens britanniques qui ne sont pas ressortissants de l’EEE mais qui vivaient en Irlande à la fin de la période de transition conservent le permis de séjour dont ils bénéficiaient auparavant, mais doivent obtenir une nouvelle carte de permis de séjour irlandais indiquant qu’ils sont couverts par l’Accord de retrait. Ils doivent en faire la demande avant le 31 décembre 2021. L’Irlande a également établi un nouveau dispositif de pré-autorisation destiné aux ressortissants britanniques entrés sur son territoire après le 31 décembre 2020 qui souhaitent parrainer des membres de leur famille ressortissants de pays non-membres de l’EEE satisfaisant aux conditions requises pour les rejoindre.

Les ressortissants de l’EEE qui vivent en Irlande et travaillent en Irlande du Nord doivent faire une demande de permis de travailleur frontalier pour continuer à y travailler après le 1er juillet 2021. Les travailleurs non ressortissants de l’EEE, dont beaucoup vivent en Irlande depuis de nombreuses années tout en faisant la navette avec le Royaume-Uni à des fins professionnelles, doivent demander un visa pour travailler en Irlande du Nord ou en Grande-Bretagne. Ces dispositions pourraient considérablement diminuer le grand nombre de travailleurs non qualifiés qui vont et viennent entre les deux pays depuis 2004.

En février 2020, le gouvernement britannique a publié une Déclaration d’orientation sur son système d’immigration à points (Points-Based Immigration System, PBS), qui instaure un système d’immigration général unique applicable aux travailleurs qualifiés, aux étudiants et à diverses professions spécialisées. Le dépôt en ligne des demandes de visa de travailleur qualifié a été ouvert le 1er décembre 2020, autorisant à travailler au Royaume-Uni à compter du 1er janvier 2021. Les demandeurs doivent prouver qu’ils détiennent une offre d’emploi d’un employeur agréé. Les points sont attribués selon plusieurs critères - offre d’emploi d’un niveau de qualification approprié, salaire minimum, niveau d’anglais du demandeur - les visas étant accordés à ceux qui obtiennent un nombre suffisant de points. Les demandeurs doivent normalement être autonomes financièrement et être rémunérés à hauteur de 25 600 GBP par an au moins (30 000 GBP auparavant), à moins que le taux du marché pour l’emploi concerné ne soit plus élevé. Ils peuvent toutefois échanger des points, par exemple ceux correspondant à leur offre d’emploi et à leurs qualifications spécifiques, contre un salaire inférieur au taux du marché. Le visa est valide cinq ans et peut être prorogé. Les modifications apportées en mars 2021 aux règles en matière d’immigration ont facilité l’entrée des travailleurs étrangers essentiels du secteur de la santé sur le territoire britannique. Ont été ajoutés à la liste des professions en pénurie les pharmaciens, les techniciens de laboratoire, les aides-soignants exerçant auprès de personnes âgées, les infirmiers auxiliaires, les gestionnaires en santé publique et de services de soins à domicile.

Il existe plusieurs autres filières en parallèle au visa de travailleur qualifié. Le visa Global Talent est destiné aux personnes qui peuvent démontrer des compétences ou qualités exceptionnelles dans les domaines de la science, de l’ingénierie, des sciences humaines, de la médecine, des technologies numériques, des arts et de la culture. Les personnes désireuses de créer une entreprise au Royaume-Uni peuvent obtenir un visa « Innovateur » ou « Start-up ». Les employeurs peuvent faire appel au visa « Transfert intra-entreprise » pour y muter des salariés. Les demandes de visas « étudiant » et « écolier » sont ouvertes depuis le 5 octobre 2020.

Il n’existe pas de filière pour les travailleurs peu qualifiés. En février 2020, le gouvernement a estimé à 170 000 le nombre de non-ressortissants de l’UE récemment arrivés dans les métiers peu qualifiés. Il suppose que cette main d’œuvre, qui comprend des personnes à charge de migrants qualifiés, demeurera disponible en vertu du dispositif d’enregistrement des citoyens européens, ce qui permettra aux employeurs de satisfaire les besoins du marché du travail. En réponse aux plaintes concernant les pénuries de main d’œuvre, le gouvernement/l’exécutif a quadruplé le nombre de travailleurs agricoles saisonniers autorisés dans le cadre d’un programme pilote, le portant à 1 000 postes. Un élargissement du programme intervenu en décembre 2020 a établi un quota de 30 000 postes. Par ailleurs, des accords sur la mobilité des jeunes conclus avec huit pays et territoires font venir chaque année 20 000 jeunes environ au Royaume-Uni, dont beaucoup dans des métiers peu qualifiés.

Le règlement de Dublin n’est plus applicable au Royaume-Uni, ce qui autorise des accords réciproques entre pays en ce qui concerne le renvoi des demandeurs d’asile. Le nouveau système repose sur la réadmission des demandeurs d’asile déboutés dans les pays d’où ils viennent, mais le Royaume-Uni n’a à ce jour conclu aucun accord de cette nature avec des pays de l’UE. Les tentatives de traversée(s) de la Manche demeurent un sujet de préoccupation majeur pour les autorités britanniques. En 2020, plus de 8 400 personnes sont arrivées au Royaume-Uni par bateau. Au 28 avril 2021, on recensait déjà plus de 1 850 traversées depuis le début de l’année. En mars 2021, le ministre britannique de l’Intérieur annonçait les réformes prévues au régime d’asile en vue de simplifier la procédure et de décourager le trafic illicite de migrants. Pour la première fois, la régularité de l’entrée des personnes au Royaume-Uni aura une incidence sur le traitement de leur demande d’asile et sur leur statut dans le pays si leur demande aboutit. Le projet prévoit que les personnes entrées illégalement sur le territoire, même si leur demande aboutit, disposeront de droits de regroupement familial limités et d’un accès restreint aux prestations. Les mineurs non accompagnés pourront uniquement rejoindre un parent, alors que dans le cadre du règlement de Dublin, ils pouvaient rejoindre des membres de la famille proche - frères ou sœurs adultes, oncles et tantes, et grands-parents. Les migrants qui entreront au Royaume-Uni par un canal d’immigration légal bénéficieront (pour leur part) du droit de résidence illimitée dès leur arrivée. Le projet prévoit des décisions de renvoi plus rapides des demandeurs déboutés et un durcissement des procédures de recours juridique.

Avant le Brexit, les étudiants de l’UE suivant des études au Royaume-Uni étaient assujettis aux mêmes règles et barèmes de frais d’inscription que les ressortissants nationaux. Ceux qui arrivent dans le pays à compter de janvier 2021 et dont les cours commencent après juillet 2021 doivent désormais être parrainés par un établissement d’enseignement agréé et s’acquitter de frais d’inscription internationaux, de frais de visa et d’une surtaxe pour soins de santé (à taux réduit). Les règles régissant le travail à l’issue des études sont assouplies pour tous les étudiants internationaux ; ils sont autorisés à rester dans le pays deux ans après l’obtention du diplôme, ou trois après celle d’un doctorat, période au cours de laquelle aucune restriction ne s’applique en matière de rémunération ou de profession. Le parrainage d’un employeur n’est pas exigé. En juillet 2021, une filière pour diplômés sera ouverte aux étudiants internationaux qui terminent un cursus éligible dans un établissement d’enseignement supérieur britannique et qui ont respecté les règles en matière d’immigration. Ces étudiants pourront travailler ou chercher du travail pendant les deux années suivant leurs études (trois pour les doctorants).

Suite au retrait du Royaume-Uni du programme Erasmus+, qui permet aux étudiants de suivre pendant quelques temps les cours d’universités situées dans d’autres pays de l’UE, le ministère britannique de l’Éducation a établi le programme Turing, qui accorde aux étudiants désireux d’étudier à l’étranger, y compris en dehors de l’UE, des bourses destinées à couvrir leurs frais de voyage et de subsistance. Les demandes doivent être déposées par les établissements d’enseignement. Les universités participantes sont censées dispenser les étudiants des frais d’inscription. Au 1er janvier 2021, les étudiants britanniques qui souhaitent suivre un cursus diplômant complet dans l’UE risquent d’être assujettis aux frais d’inscription applicables aux ressortissants de pays tiers.

Une enquête menée par le Migration Advisory Committee auprès des employeurs a constaté qu’en 2018-19, 21 % des employeurs avaient au moins un employé originaire de l’EEE, et un pourcentage équivalent employait au moins un migrant d’un pays tiers à l’EEE (Migration Advisory Committee, 2020[3]). Ces dernières années, les premiers ont plus fortement progressé, en proportion, que les seconds, signe d’une dépendance croissante à l’égard de l’EEE. Il est trop tôt pour savoir si le nouveau régime d’immigration influera sur cette évolution. Quoi qu’il en soit, le programme « Global Talent » du Royaume-Uni étant ouvert aux ressortissants de l’UE, de l’EEE et de la Confédération suisse, les candidats doivent désormais rivaliser avec les ressortissants de pays tiers. Il en va de même pour les ressortissants britanniques, qui relèvent maintenant du régime d’immigration applicable aux ressortissants de pays tiers pour vivre et travailler en Europe. Le Royaume-Uni est depuis de nombreuses années le premier pays de destination des émigrants irlandais - il en a accueilli 21 % en 2019. Une tendance à la baisse est cependant observable qui, quoique potentiellement liée à la reprise économique en Irlande, peut aussi être un signe avant-coureur de l’incidence du Brexit.

De surcroît, les modifications apportées au régime d’immigration auront des effets différenciés sur l’économie. Certains secteurs sont plus tributaires des travailleurs de l’EEE que des travailleurs de pays tiers, et risquent d’être confrontés à de plus gros problèmes de recrutement. C’est particulièrement le cas des secteurs du transport et de l’entreposage, de la construction et de l’agriculture. Le secteur de l’information et de la communication et celui de la santé humaine et de l’action sociale, en revanche, emploient davantage de migrants de pays tiers. L’instauration de seuils salariaux pour les migrants de l’EEE prévue par le futur régime devrait surtout toucher les petits employeurs qui, souvent, ne rémunèrent aucun de leurs employés de l’EEE à ce niveau. Les changements apportés au système de visa auront une incidence sur les gros employeurs, mais ceux-ci font relativement peu appel aux travailleurs de l’EEE. Globalement, ces modifications ont moins de conséquences sur les employeurs des secteurs où les salaires sont généralement plus élevés, comme ceux de l’information, des finances et de l’assurance. Dans celui des services d’hôtellerie et de restauration, une forte proportion des employés sont rémunérés en-deçà du seuil salarial. Dans ceux de la santé humaine et de l’action sociale, la plupart des employés, mais pas tous, l’atteignent. Par ailleurs, des règlements et programmes qui n’étaient pas nécessaires auparavant ont dû être établis indépendamment des éventuelles variations de la demande sous-jacente. C’est notamment le cas pour les travailleurs agricoles saisonniers, car la demande peut se maintenir même si les demandes de visas entraînent désormais un surcroît de frais et de démarches administratives.

Comme le Royaume-Uni n’était pas membre de la zone de libre circulation de Schengen, le Brexit a peu de retombées directes sur les migrants non européens. Il offre toutefois aux pays non européens un exemple de la façon dont une campagne d’information à grande échelle doit être conduite. Lorsqu’un changement de politique concerne de nombreux migrants, les autorités doivent communiquer à un large éventail de personnes, y compris des personnes vulnérables, des informations complexes concernant leurs droits et obligations afin de les empêcher de sombrer dans l’irrégularité.

D’autres pays ont récemment été confrontés à ce problème. Les États-Unis, par exemple, se sont interrogés sur la meilleure façon de répondre aux questions des migrants admissibles à l’heure où le pays reprend le traitement des demandes au titre du programme DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals), interrompu de septembre 2017 à décembre 2020.

Le 6 mars 2020, le ministère britannique des Affaires étrangères et du Commonwealth a annoncé la mise en place d’un fonds d’aide au ressortissants britanniques de 3 millions GBP destiné aux organismes qui fournissent une assistance pratique aux citoyens britanniques pour leurs demandes de séjour permanent. En juillet 2020, le Royaume-Uni a lancé dans 30 pays une campagne d’information adaptée afin d’informer ses ressortissants des changements intervenus après la période de transition et des démarches à effectuer pour obtenir des droits dans leur pays de résidence. Ceux-ci étaient encouragés à consulter le guide Living in sur le site internet Gov.uk, et à s’inscrire à des mises à jour par courriel. Les ambassades britanniques dans de nombreux pays de l’UE ont organisé des manifestations en coopération avec les représentants officiels des pays hôtes. Le site Gov.uk offre aussi aux ressortissants de l’UE disposant du statut de résident permanent ou provisoire (ou qui ont fait une demande de visa) un moyen de visualiser en ligne leur statut migratoire au Royaume-Uni et de le communiquer aux employeurs. Le site fournit également aux employeurs des directives sur la façon de procéder aux vérifications des droits de travail et des informations sur le nouveau système à points.

Références

[1] Home office (Royaume-Uni) (2020), Impact Assessment Hong Kong British National (Overseas) Visa, https://www.legislation.gov.uk/ukia/2020/70/pdfs/ukia_20200070_en.pdf.

[3] Migration Advisory Committee (2020), Annual Report, https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/944234/Annual_Report_2020_BB.pdf.

[2] OCDE (2020), Contribution des médecins et des infirmiers migrants à la lutte contre la crise du COVID-19 dans les pays de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/63ff0143-fr.

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