11. Sanction

Des systèmes d’intégrité publique cohérents et complets comprennent des piliers non seulement pour définir, soutenir et contrôler l’intégrité, mais aussi pour appliquer les règles et les normes d’intégrité. Les mécanismes de répression sont les « dents » nécessaires au système d’intégrité publique de tout pays, et constituent le principal moyen par lequel les sociétés peuvent garantir la conformité et dissuader les comportements répréhensibles. S'ils sont mis en œuvre de manière équitable, coordonnée, transparente et en temps utile, les mécanismes de répression peuvent promouvoir la confiance dans le système d'intégrité publique du gouvernement, ce qui permet de renforcer sa légitimité au fil du temps et contribue à inculquer les valeurs d'intégrité aux personnes, aux organisations et à la société en tant que normes culturelles (OCDE, 2017[1]). L’application effective des lois et des règlements montre que le gouvernement s’engage à les respecter et que les agents publics ne peuvent agir en toute impunité. L’application des normes d’intégrité renforce également la confiance dans le fait qu’elles ne seront pas enfreintes par autrui. En ce sens, la répression comporte une fonction comportementale pertinente - le désir de récompenser l'engagement envers une norme (la réciprocité indirecte) va de pair avec le désir de sanctionner les violations commises par autrui (la réciprocité indirecte négative) (OCDE, 2018[2]).

La Recommandation de l’OCDE sur l’intégrité publique invite les adhérents à « s’assurer que les mécanismes de répression apportent des réponses appropriées pour tous les cas de violation présumée des normes d’intégrité publique impliquant des agents publics et toutes autres personnes, notamment :

  1. a. en faisant preuve d’équité, d’objectivité et d’opportunité dans l’application des normes d’intégrité publique (en particulier dans les procédures de détection, d’enquête, de sanction et d’appel) tout au long de la procédure disciplinaire, administrative, civile et/ou pénale ;

  2. b. en favorisant le développement de mécanismes de coopération et d’échange de renseignements entre les organes, unités et agents concernés (au niveau institutionnel, infranational ou national) pour éviter les chevauchements et les lacunes et renforcer le caractère opportun et proportionné des mécanismes de répression ;

  3. c. en encourageant la transparence au sein des entités du secteur public et auprès du public quant à l’efficacité des mécanismes de répression et à l’issue des affaires, notamment en élaborant des données statistiques utilisables sur ces affaires, tout en respectant les règles de confidentialité et autres dispositions juridiques applicables » (OCDE, 2017[3]).

Les agents publics sont généralement soumis à trois typologies principales de responsabilités juridiques et aux mécanismes de répression correspondants en matière de violations de l’intégrité - disciplinaire, pénale et civile :

  • Les motifs d’application de mesures disciplinaires sont fondés sur la relation de travail avec l’administration publique et les obligations et devoirs spécifiques qui lui sont dus. Le manquement à ces obligations et devoirs entraîne des sanctions de nature administrative, telles que des avertissements ou des réprimandes, des suspensions, des amendes ou des licenciements.

  • La répression pénale des comportements relatifs à l’intégrité publique désigne la détection, l’investigation et la sanction des comportements répréhensibles graves qui portent atteinte aux principes inscrits dans les textes constitutionnels, tels que le service de l’intérêt public ou l’impartialité de l’administration publique. Les infractions pénales donnent lieu à une condamnation, à d’autres sanctions affectant les libertés individuelles et à des sanctions administratives. Si certaines infractions, telles que l'abus de fonction, ne peuvent être commises que par des agents publics, d'autres pourraient entraîner des sanctions plus sévères du fait qu'elles ont été commises par un agent public (Cardona, 2003[4]).

  • Les mécanismes de droit civil offrent des voies de recours à ceux qui ont subi un préjudice à la suite d'actes de corruption, leur permettant ainsi de défendre leurs droits et leurs intérêts, y compris la possibilité d'obtenir une indemnisation pour les dommages subis (Conseil de l'Europe, 1999[5] ; Nations Unies, 2003[6]).

Le champ d’application aux manquements du principe de répression comprend les violations des principes d’intégrité et des devoirs des agents publics qui sont généralement - mais pas exclusivement - contenus dans les codes de conduite, ainsi que les comportements répréhensibles criminels tels que la corruption ou l’abus de fonction publique. Tout en offrant un aperçu de tous les systèmes de répression, ce principe met l’accent sur les systèmes disciplinaires, dont l’application joue un rôle essentiel au sein des systèmes d’intégrité publique : il informe plus directement le travail et les activités quotidiennes des agents publics, et garantit le respect et la conformité aux règles et valeurs d’intégrité publique telles que définies dans les codes de conduite et d’éthique. De plus, les systèmes disciplinaires peuvent permettre d’identifier les domaines présentant des risques d’intégrité, où des efforts de prévention et des mesures d’atténuation sont nécessaires.

Il existe plusieurs outils et mécanismes différents qui peuvent être utilisés par les gouvernements pour atteindre les objectifs fixés par le principe de sanction, mais indépendamment du contexte, les caractéristiques suivantes sont des éléments essentiels d’un système complet d’application effective de l’intégrité :

  • Les normes d’intégrité publique sont mises en œuvre par le biais de procédures disciplinaires, civiles et/ou pénales, conformément aux principes d’équité, d’objectivité et d’opportunité.

  • Des mécanismes de surveillance, de coordination, de coopération et d’échange d’informations entre les entités et institutions concernées sont en place, au sein de chaque régime d'application et entre ces derniers.

  • Les organes du secteur public sont transparents quant à l’efficacité des mécanismes de répression et aux résultats des dossiers, tout en respectant la vie privée et la confidentialité.

Le principe de sanction fait de l’équité, de l’objectivité et du traitement sans délais autant d'éléments essentiels de l’application effective des normes d’intégrité publique, et invite les pays à les appliquer dans tous les régimes d'application en vigueur. Le respect de l’équité, de l’objectivité et de l’opportunité des enquêtes, des procédures judiciaires et des décisions contribue à renforcer ou à restaurer la confiance du public dans les normes d’intégrité.

L’équité est essentielle pour préserver la confiance des citoyens dans les mécanismes de répression et dans la justice en général. Le respect des normes d’équité est particulièrement pertinent dans les cas de violation des principes d'intégrité et de corruption, qui peuvent avoir une importance et un impact politiques importants. Le concept d’équité est primordial et englobe un certain nombre de principes généraux du droit, tels que l’accès à la justice, l’égalité de traitement et l’indépendance du pouvoir judiciaire. Il recoupe également le droit civil, pénal et administratif. En tant que principe juridique, l’équité comporte des aspects de fond et de procédure. L’équité matérielle englobe l’ensemble des valeurs et des droits qui devraient être accordés au niveau des effets et se rapporte aux droits de l’homme et à l’égalité juridique. L'équité procédurale désigne les garanties juridiques prévues par le droit procédural visant à protéger ces valeurs et ces droits, telles que l'indépendance judiciaire, l'accès aux tribunaux et l’opportunité des décisions (Efrat et Newman, 2016[7]). L'équité matérielle et l'équité procédurale sont interdépendantes, car l'une ne peut exister sans l'autre (Cour européenne des droits de l’homme, 2016[8]).

Divers instruments juridiques internationaux1 considèrent l'équité comme un droit humain fondamental et énoncent les principes clés qui doivent guider les procédures judiciaires équitables. Les principes peuvent être regroupés en deux catégories, selon qu'ils s'appliquent tout au long des procédures d’exécution ou seulement à une phase spécifique (voir le tableau ‎11.1).

L’application de certains aspects de l’équité, tels que ceux considérés comme les « garanties fondamentales d’une procédure pénale régulière » (par exemple, la présomption d’innocence, le droit à la défense, l’accès à l’information), présente des nuances spécifiques aux procédures disciplinaires et civiles. Cependant, l'équité en matière de procédures civiles est explicitement mentionnée dans l'article 6(1) de la Convention européenne des droits de l'homme, et la Cour européenne des droits de l'homme a statué sur son applicabilité dans les procédures disciplinaires.2 En outre, certaines juridictions ont établi l’extension des garanties de procédure pénale aux procédures disciplinaires. En Grèce, par exemple, cela s’applique à la plupart des garanties de procédure pénale pour autant qu’elles ne s’opposent pas aux dispositions du code de la fonction publique et qu’elles soient alignées sur l’objectif de la procédure disciplinaire. Il s'agit notamment du droit de garder le silence, de la présomption d'innocence, du droit à la défense, du droit à l'information et du droit d'être entendu.3 De même, la loi allemande sur la discipline (Bundesdisziplinargesetz, BDG) établit l’application de plusieurs garanties de procédure pénale, telles que le droit de garder le silence, le droit à la défense, la présomption d’innocence, le principe in dubio pro reo et le principe de respect des délais.

Une autre dimension de l’équité est la redevabilité de tous ceux qui sont responsables d’une violation de l’intégrité. Dans les cas impliquant des entités privées, les personnes responsables des comportements répréhensibles peuvent se cacher derrière des modèles d'organisation hiérarchique et des processus décisionnels complexes (G20, 2017[14]). Un cadre de répression qui ne sanctionne que les personnes physiques peut donner au public une impression d’impunité. En effet, il pourrait être difficile d’attribuer la responsabilité à une personne spécifique lorsqu’une structure décisionnelle complexe et diffuse est en place. À cette fin, il est nécessaire d’établir des mécanismes de prévention des actes répréhensibles et des mesures d’application à l’encontre des personnes morales qui les commettent. Des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives pour les entités, combinées à des incitations appropriées pour se conformer au cadre réglementaire, peuvent aider les gouvernements à promouvoir la redevabilité dans le secteur privé et inciter les entités privées à respecter les normes d’intégrité en tant que responsabilité partagée au sein de la société (pour en savoir plus, voir le chapitre 5).

Un régime de sanctions complet et efficace pour les entités privées devrait être explicite, équitable et facilement applicable. Il devrait englober la responsabilité des entités privées dans le cadre du régime d’application civil, pénal ou administratif, avec des sanctions qui pourraient être de nature monétaire, telles que le remboursement ou la restitution et la confiscation de profits illicites. D’autres sanctions économiques et de réputation pourraient accroître l’effet dissuasif, comme l’exclusion des marchés publics ou la divulgation publique des efforts de mise en application. Les sanctions relatives à la réputation de l’entité privée, telles que la publication du contenu normatif de la décision, sont également considérées comme efficaces, car les parties prenantes sont plus réticentes à s’engager dans des transactions commerciales avec des entités impliquées dans des affaires de corruption.

L’application équitable d’un régime de sanctions - y compris pour les entités privées - dépend également de ressources d’enquête adéquates et d’un personnel qualifié. La formation et le renforcement du professionnalisme des agents chargés de l’application permettent de traiter les problèmes techniques, de garantir une approche cohérente et de réduire le taux d’annulation des sanctions en raison des erreurs de procédure et de la mauvaise qualité des dossiers juridiques. Les profils professionnels doivent refléter la mission et les tâches nécessaires pour mener à bien les enquêtes. Une formation spécialisée est donc indispensable pour les enquêteurs qui ne connaissent pas nécessairement les schémas organisationnels, les structures complexes ou les pratiques commerciales des entités juridiques (OCDE, 2016[15]). Cela peut être réalisé au moyen d'une orientation et d'une formation qui permettent de mieux connaître le fonctionnement des différents régimes et de les utiliser en parallèle, et qui augmentent la capacité à utiliser des techniques d’enquête spéciales pour les violations des principes d'intégrité. Les activités de renforcement des capacités peuvent également se concentrer sur le renforcement de l’expertise et des compétences techniques dans des domaines tels que le droit administratif, l’informatique, la comptabilité, l’économie et les finances - qui sont des domaines nécessaires - pour garantir l’efficacité des enquêtes. Dans la pratique, de nombreuses autorités de contrôle ont du mal à recruter le personnel adéquat et à attirer des experts spécialisés. Toutefois, les coûts de capacité doivent être mis en balance avec les coûts de non-conformité, tels que la diminution de la redevabilité et de la confiance ainsi que les pertes économiques directes (OCDE, 2018[16]).

Les mesures d’application ne devraient être prises que sur la base de la loi, et ceux qui appliquent la loi devraient donc faire preuve d'objectivité. L’objectivité doit être appliquée à toutes les phases de tous les régimes d'application. Dans les procédures disciplinaires, les décisions - au moins au niveau de la première instance - sont généralement prises par des organes administratifs, qui ne sont pas toujours de nature judiciaire. Étant donné que les membres de ces organes disciplinaires ne sont pas des juges, mais des agents publics, des garanties procédurales devraient être mises en place pour garantir que leurs actions soient exemptes d'influences internes ou externes, ainsi que de toute forme de conflit d'intérêts.4 Au minimum, ces garanties procédurales peuvent comprendre les éléments suivants :

  1. a. définir la mission et les responsabilités des institutions disciplinaires comme base claire de leur existence

  2. b. veiller à ce que le personnel chargé des procédures disciplinaires soit sélectionné sur la base de critères objectifs et fondés sur le mérite (notamment pour les postes de haut niveau)

  3. c. veiller à ce que le personnel chargé des procédures disciplinaires bénéficie d’un niveau de sécurité de l’emploi approprié et de salaires compétitifs par rapport aux exigences de son poste

  4. d. veiller à ce que le personnel chargé des procédures disciplinaires soit protégé contre les menaces et la contrainte afin de ne pas craindre de représailles

  5. e. veiller à ce que le personnel chargé des procédures disciplinaires dispose d’une autonomie dans le choix des affaires à traiter

  6. f. veiller à ce que le personnel chargé des procédures disciplinaires reçoive en temps utile une formation sur les situations de conflit d'intérêts et dispose de procédures claires pour les gérer (OCDE, 2016[17]).

L’objectivité est étroitement liée à l’indépendance, une caractéristique essentielle des systèmes judiciaires qui garantit à toute personne le droit de voir sa cause jugée dans le cadre d’un procès équitable, fondé sur des bases juridiques et des preuves, et dépourvu de toute influence indue. Elle comprend à la fois une indépendance externe par rapport aux autres pouvoirs de l'État et une indépendance interne au sein du pouvoir judiciaire (Conseil de l'Europe, 2010[18]). On fait communément la distinction entre la perception subjective de l’indépendance judiciaire par les différents secteurs de la société (indépendance perçue) et les garanties juridiques formelles qui peuvent rendre le pouvoir judiciaire objectivement indépendant (indépendance formelle). Si les garanties juridiques peuvent rendre le pouvoir judiciaire objectivement indépendant, on ne peut en aucun cas supposer que les pays qui adoptent les meilleures pratiques en matière de garanties formelles de l'indépendance judiciaire atteindront des niveaux élevés d'indépendance perçue (Van Dijk et Vos, 2018[19]). Les instruments juridiques internationaux font également la distinction entre l'indépendance organisationnelle du pouvoir judiciaire dans son ensemble et l'indépendance individuelle des juges.5 L’indépendance organisationnelle est garantie par sa consécration dans le cadre juridique, l’autonomie organisationnelle, un financement adéquat et l’auto-administration du système judiciaire. L’indépendance individuelle des juges est assurée par le biais de :

  1. a. des politiques de ressources humaines qui englobent des procédures claires pour la sélection, la nomination, la promotion et la révocation des juges

  2. b. des procédures disciplinaires et des responsabilités claires

  3. c. la non-transférabilité sans le consentement de la personne concernée

  4. d. l'indépendance interne, grâce à des mécanismes transparents d'attribution des affaires, ce qui garantit le traitement impartial et expert de chaque affaire (Van Dijk et Vos, 2018[19]).

Des retards excessifs dans l’application des procédures d’exécution peuvent saper l’État de droit et, en fin de compte, empêcher l’accès à la justice. L’équité et l’efficacité des mécanismes de répression dépendent donc également de l’ouverture et de la clôture des procédures dans un délai raisonnable. Cela s’applique aux enquêtes préalables au procès et aux procédures judiciaires, et s’applique également aux mécanismes de répression, qu’ils soient de nature pénale ou non pénale. Cependant, les instruments juridiques internationaux n’ont pas établi de délais spécifiques pour ce qui constitue un « délai raisonnable » d’exécution. Par conséquent, il n’existe pas de seuil prédéterminé établissant le délai d’application des normes d’intégrité. Le respect des délais doit être concilié à la complexité inhérente qui accompagne souvent les procédures d’exécution et qui dépend généralement des circonstances spécifiques à chaque dossier.

Chaque régime d’application est constitué de procédures impliquant plusieurs phases, acteurs et institutions, dont la surveillance et la coordination - en matière de détection, d’enquête et de gestion des dossiers - sont essentielles pour garantir la prise en compte des comportements répréhensibles présumés. Une mauvaise coordination, coopération, et un mauvais partage d’informations entre les bureaux et institutions chargés de l’exécution affaiblissent la capacité d'assurer le respect du système d’intégrité publique, ce qui a pour conséquence plus générale de rendre les mesures dissuasives inefficaces, entraînant l’impunité et la méfiance.

La surveillance et la coordination entre les entités d’enquête au sein de chaque régime contribuent à garantir l’application uniforme du système d’intégrité pour relever les défis communs et promouvoir l’échange des bonnes pratiques. En tenant dûment compte des différents rôles et fonctions impliqués dans l’application des mesures disciplinaires et pénales, il faut pour cela établir les conditions juridiques et opérationnelles nécessaires pour partager les informations pertinentes et assurer la coordination entre les entités participant à chaque régime d’application. Dans le cadre du régime pénal, les enquêtes et les poursuites sont généralement menées, dirigées et supervisées par les procureurs compétents, dont les actions sont coordonnées par le bureau du procureur correspondant ou un organe de coordination similaire. Pour les procédures disciplinaires, un organe qui supervise la mise en œuvre du système disciplinaire et coordonne les différents organes disciplinaires peut contribuer à la coordination (encadré ‎11.1).

Dans toute typologie des procédures d’exécution, la coopération, la coordination et le partage d’informations peuvent bénéficier d’outils (électroniques) de gestion des dossiers tels que des bases de données ou des registres. Par exemple, l'expérience montre que la mise en place d'un lien électronique entre le ministère public et les autorités policières, fiscales et boursières est un facteur d'accélération des procédures d'enquête sur la corruption et des renvois et facilite le suivi et l'extraction de statistiques (ONUDC, 2017[20]). Les outils électroniques de gestion des dossiers peuvent également fournir des informations pertinentes à des fins statistiques, de transparence et de prévention. Pour être efficaces, les données doivent être exactes et proportionnelles aux fins pour lesquelles elles sont recueillies. De plus, les données doivent être recueillies et traitées conformément aux réglementations relatives à la protection de la vie privée et des données. La gestion des procédures disciplinaires du CGU (encadré ‎11.1) et le système d'information des tribunaux en Estonie (encadré ‎11.2) fournissent des exemples d'outils électroniques de gestion des dossiers en matière d'application des règles disciplinaires et civiles, respectivement. Dans le domaine pénal, le Royaume-Uni a mis au point un outil similaire pour les affaires de corruption transnationale - le registre de la corruption transnationale - et la Slovénie a récemment créé une base de données similaire qui n'est accessible qu'aux autorités chargées des poursuites (OCDE, 2018[21]).

Les autorités relevant de l’un des régimes d’application peuvent avoir connaissance de faits ou d’informations concernant un autre régime, auquel cas elles doivent les notifier pour garantir l'identification des responsabilités potentielles. Les mécanismes de coordination sont donc essentiels pour garantir un échange rapide d’informations et des mécanismes de répression qui se renforcent mutuellement. Cela est reconnu par les instruments internationaux, qui exigent des États parties qu'ils prennent des mesures pour encourager la coopération avec et entre leurs autorités publiques et les forces de l’ordre, à la fois de manière proactive (chaque fois qu'une autorité découvre un éventuel délit de corruption) et à la demande des autorités chargées des enquêtes et des poursuites (Nations Unies, 2003[6]) (Conseil de l'Europe, 1999[22]). Les mécanismes de coordination entre les institutions concernées permettent également d’identifier les goulets d’étranglement communs, d’assurer un échange continu d’expériences et de discuter de moyens formels ou informels d’améliorer l’application de la législation dans son ensemble.

La création de groupes de travail - soit ad hoc, soit dans le cadre de mécanismes plus larges visant à assurer la coopération dans l’ensemble du système d’intégrité publique (pour en savoir plus, voir le chapitre 2) - crée les conditions nécessaires à des processus normalisés, à une communication opportune et continue, à un apprentissage mutuel, ainsi qu’à un dialogue et à des discussions permettant de traiter les problèmes et de proposer des améliorations opérationnelles ou juridiques. Les groupes de travail peuvent également promouvoir des protocoles ou des mémorandums d'accord bilatéral ou multilatéral afin de clarifier les responsabilités ou d'introduire des outils de coopération pratiques entre les agences concernées (encadré ‎11.3). Toutefois, compte tenu de la sensibilité potentielle des affaires de corruption et de la nécessité de garantir l’indépendance des activités de répression, tout mécanisme de coordination entre les enquêteurs criminels et les autres agences gouvernementales devrait tenir dûment compte du rôle et de la compétence constitutionnels de chaque institution concernée.

Pour établir une coopération entre les autorités étrangères, les pays doivent promouvoir le dialogue, la compréhension mutuelle et l’engagement. Cela est pertinent, par exemple, pour la répression des cas de corruption transnationale, lorsque les statistiques montrent que l'échange d'informations entre les autorités étrangères n'est pas une source commune de détection dans le pays de la demande (OCDE, 2018[23]). Pour améliorer la coopération entre les autorités étrangères, les pays doivent utiliser pleinement les options et les outils prévus par les instruments internationaux pertinents pour établir une coopération internationale en matière tant pénale qu’administrative.

Les institutions chargées de la coordination entre les organes d’enquête ou de la définition de la politique générale d’exécution établissent généralement des canaux de communication continue et des lieux de réunion régulières avec les entités, car elles sont souvent les mieux placées pour renforcer les capacités des agents de répression et les aider à préparer et à poursuivre les dossiers. En particulier, ces entités de coordination peuvent fournir des outils et des canaux pour guider et soutenir les organes d’enquête dans la préparation cohérente des dossiers. En ce qui concerne l’application des lois pénales, en tenant dûment compte des principes de la séparation des pouvoirs et de l’État de droit, les lois accessibles au public ainsi que les orientations ou directives générales du bureau du procureur général ou de l’organe compétent qui définit la politique en matière de poursuites peuvent être utiles pour aider les procureurs dans l’exercice de leurs pouvoirs autonomes et dans leurs actions. Ces orientations devraient éviter les clauses permettant une discrétion large ou sans réserve, comme celle de s'abstenir de poursuites si l'affaire n'est pas « dans l'intérêt public » (ONUDC, 2009[24]). En ce qui concerne les procédures disciplinaires, un soutien peut être fourni au moyen de guides, de manuels ou d'autres outils permettant d'établir un contact, tels que des lignes d'assistance téléphonique spécialisées ou des services d'assistance électronique destinés à répondre aux doutes ou aux interrogations en matière de questions et de procédures disciplinaires (encadré ‎11.4).

Les données relatives à la répression peuvent soutenir le système d’intégrité de nombreuses manières. Tout d’abord, les données statistiques sur l’application des normes d’intégrité donnent un aperçu des principaux domaines à risque, ce qui peut donc éclairer l’orientation de politiques spécifiques ainsi que les stratégies d’intégrité et de lutte contre la corruption. Deuxièmement, les données peuvent alimenter les indicateurs dans le cadre de l’activité de suivi et d’évaluation des politiques et stratégies d’intégrité (pour en savoir plus, voir le chapitre 3), et soutenir l’évaluation de la performance du système disciplinaire dans son ensemble. Troisièmement, les données peuvent alimenter les communications institutionnelles, en rendant compte des mesures d'exécution aux autres agents publics et au public (OCDE, 2018[16]). Enfin, des données statistiques consolidées, accessibles et analysées sur les pratiques de contrôle permettent d'évaluer l'efficacité des mesures existantes et de la coordination opérationnelle entre les institutions de lutte contre la corruption (ONUDC, 2017[20]).

L’activité de collecte de données sur la répression - qui est souvent rare et/ou fragmentée - devrait viser à fournir une compréhension claire de questions telles que le nombre d’enquêtes, les typologies d’infractions et de sanctions, la durée des procédures et les institutions intervenantes. Une activité avancée de collecte de données faciliterait son analyse ainsi que sa comparabilité dans le temps et entre les juridictions et les pays.

Bien que diverses autorités puissent être chargées de compiler les données et les statistiques pénales et disciplinaires, leur activité pourrait être coordonnée au niveau central. Cela pourrait faciliter l’élaboration de stratégies et de politiques opportunes et fondées sur les risques, mais aussi - lorsque la coordination est associée à des outils techniques et d’analyse des données appropriés - l’identification des zones à risque et des anomalies qui nécessiteraient des efforts de prévention ou des enquêtes supplémentaires. La coordination peut se faire, par exemple, au sein d’un même groupe de travail, soit ad hoc, soit dans le cadre de mécanismes de coordination plus larges du système d’intégrité publique, chargés d’améliorer les processus et le partage d’informations entre les entités chargées de la mise en application. Dans l’idéal, en tenant dûment compte des lois sur la protection de la vie privée et de la confidentialité des enquêtes, le mécanisme de coordination du système d’intégrité publique centraliserait les informations provenant des bases de données disciplinaires, pénales et autres (par exemple, les déclarations de patrimoine et d’impôts ou celles relatives aux marchés publics).

Les données et les statistiques relatives à la répression peuvent contribuer davantage à démontrer l’engagement en matière d’intégrité, à garantir la redevabilité et à promouvoir l’analyse des risques si elles sont transparentes et accessibles au public de manière interactive et engageante, mais également si elles sont mises à disposition sous des formes appropriées pour être réutilisées et élaborées. En ce qui concerne le système disciplinaire, des pays tels que la Colombie ont élaboré des indicateurs de sanctions liées à la corruption (Observatorio de Transparencia y Anticorrupción, s.d.[28]) tandis que d'autres, comme le Brésil, collectent et publient régulièrement des données sur les sanctions disciplinaires aux formats PDF et XLS (CGU, s.d.[29]).

Pour garantir la transparence concernant l’efficacité des mécanismes de répression, il faut également établir des relations saines entre les autorités de contrôle et les journalistes/médias, et faire preuve en permanence de transparence, de redevabilité et d’ouverture. Par exemple, les systèmes judiciaires des pays peuvent adopter une approche médiatique proactive et veiller à ce que le système judiciaire soit transparent pour le public et la société, par exemple en désignant des porte-parole judiciaires (encadré ‎11.5) ou des juges chargés des communications avec la presse, en rendant les jugements publics sur Internet gratuitement ou en développant une stratégie de médias sociaux (RECJ, 2012[30]). Cette coopération étroite avec les médias est particulièrement pertinente pour communiquer en situation de crise, par exemple, lors de la survenue d’un scandale de corruption.

Les données relatives à l’application sont également utilisées pour aider à identifier les problèmes et les domaines à améliorer dans le cadre du système d’intégrité et des mécanismes de répression eux-mêmes. Les données relatives à la répression peuvent faire partie d’un suivi et d’une évaluation plus larges du système d’intégrité. La Corée, par exemple, élabore pour examen deux indices relatifs aux cas de corruption disciplinaire et pénale dans le cadre de l’évaluation annuelle de l’intégrité des organisations publiques. Il s'agit de l'Indice disciplinaire des agents publics corrompus et de l'Indice des cas de corruption (Anti-Corruption and Civil Rights Commission, 2016[31]).

Les données relatives à la répression pourraient également aider à évaluer l’efficacité des mécanismes de répression, car elles permettent d'établir des indicateurs clés de performance (ICP) afin d'identifier les goulets d’étranglement et les domaines les plus difficiles tout au long des procédures. À cette fin, des indicateurs de performance sur l'efficacité, l'efficience, la qualité et l'équité des systèmes judiciaires élaborés par des organisations telles que le Conseil de l'Europe (par exemple, la part des infractions présumées signalées qui sont poursuivies et la durée moyenne des procédures) pourraient également être appliqués en ce qui concerne les procédures disciplinaires (Conseil de l'Europe, 2018[32]). Le fait de rendre publics les résultats de ces évaluations de performance témoigne d’une volonté d’améliorer les mécanismes de redevabilité et cultive la confiance dans le système d’application. De plus, l’analyse des évaluations - en étroite coopération avec toutes les institutions concernées - est essentielle pour traiter les problèmes et les lacunes non seulement du système d’application, mais aussi du système d’intégrité dans son ensemble.

La baisse des niveaux d'indépendance judiciaire perçue est préoccupante dans un certain nombre de pays de l'OCDE (Commission européenne, 2019[33]). En effet, les juges doivent être libres de toute influence et de toute connexion inappropriées, mais « ils doivent également apparaître à un observateur raisonnable comme étant libres de tout lien » (ONUDC, 2002[34]). La perception de l'indépendance du pouvoir judiciaire est également considérée comme un facteur de croissance dont l'absence peut dissuader les investissements (Commission européenne, 2019[33]). En outre, bien que l'indépendance judiciaire comporte plusieurs facettes, la perception de l'indépendance est considérée comme un indicateur de l'indépendance de fait, qui est considérée à son tour comme étant liée à des facteurs tels que la confiance du public dans le système judiciaire, le degré de démocratisation et de liberté de la presse, et des facteurs culturels (Van Dijk et Vos, 2018[19]).

En ce qui concerne l’indépendance officielle, des défis se posent dans le domaine pénal, comme la mise en place de services techniquement indépendants pour les procureurs. Dans certains cas, la prise de décision en matière de poursuites est trop étroitement liée ou dépendante de l’exécutif. Par exemple, dans certains pays, le chef des forces de l’ordre, comme le procureur général, peut être nommé par l'appareil politique et démis de ses fonctions sans motif. Cette situation crée des risques pour l’intégrité des organes du parquet, et les rend particulièrement vulnérables à une influence indue liée à des considérations politiques. Afin de garantir l'indépendance et de permettre une enquête, des poursuites, un traitement et une décision appropriés conformément à la loi, les juges et les procureurs pourraient être nommés par un organe composé principalement de membres de leur propre catégorie (par exemple, conseils de la magistrature pour les juges) (Conseil de l'Europe, 2010[18]). Plus généralement, des mesures et des mécanismes devraient être mis en place pour garantir l’indépendance judiciaire au niveau organisationnel (par l’inscription dans le cadre juridique, l’autonomie organisationnelle, le financement adéquat et l’auto-administration du système judiciaire) ainsi qu’au niveau des différents juges et procureurs (grâce à des ressources humaines et des procédures disciplinaires explicites, la non-transférabilité, l’objectivité et la transparence dans l’attribution des dossiers).

La durée des procédures administratives, civiles, pénales et disciplinaires présente une incidence sur l’imposition de sanctions en temps utile, notamment en ce qui concerne les délais de prescription. Les délais de prescription sont des règles qui déterminent le délai maximal durant lequel un recours administratif, civil, pénal ou disciplinaire peut être engagé contre l'auteur présumé d'une infraction, afin de protéger le droit à un procès dans un délai raisonnable (Conseil de l'Europe, 1950[11]). Bien que les délais de prescription soient conçus pour promouvoir la sécurité juridique, l’équité des procédures et l’efficacité, ils peuvent entraver l’application effective de la législation et mener à des situations d'impunité.

Dans les procédures disciplinaires, le respect des délais est souvent influencé par le fait que les violations des principes d’intégrité sont détectées à la suite d’autres procédures, telles que des audits internes ou externes. Dans l’intervalle, les délais de prescription peuvent avoir expiré ou, dans d’autres cas, le contrevenant peut avoir pris sa retraite de la fonction publique. Ce dernier cas est particulièrement pertinent en ce qui concerne les violations du code de conduite, qui sont difficiles à sanctionner lorsque les agents publics ont déjà quitté leurs fonctions (Cardona, 2003[4]). Dans ces cas, d'autres options peuvent être envisagées pour surmonter les difficultés résultant de longues enquêtes et procédures judiciaires, telles que l'interdiction pour les anciens responsables publics en infraction d'occuper une fonction publique pendant des périodes spécifiques, l'annulation ou le refus de contrats avec les employeurs du secteur privé d'anciens agents publics contrevenants, et une réduction des pensions de retraite des agents publics en question (OCDE, 2011[35]).

C'est également le cas du régime pénal, où les délais de prescription pour les infractions de corruption peuvent s’avérer inadéquats lorsque les transactions présumées de corruption sont découvertes bien après leur début ou lorsque l’application souffre d’autres faiblesses structurelles telles que le manque de capacité judiciaire ou administrative. Par conséquent, le délai de prescription peut expirer avant que la décision finale ne soit prise. Par exemple, l'expiration du délai de prescription est l'une des principales raisons pour ne pas poursuivre les agents publics dans les affaires de corruption transnationales dans les pays demandeurs (OCDE, 2018[23]).

La longueur des procédures constitue également une difficulté majeure pour les services de répression. Par exemple, en 2010, le nombre moyen de jours nécessaire pour que soit rendu un jugement de première instance dans la zone OCDE était d'environ 240 et la durée d'un litige civil passant par les trois instances était de 788 jours, alors que, dans certains autres pays, la conclusion de la procédure pouvait prendre jusqu'à 8 ans (Palumbo et al., 2013[36]).

Le respect des délais dépend de nombreux facteurs, certains liés au fonctionnement inhérent du système d’exécution, d’autres à la complexité et aux circonstances du dossier. Par conséquent, il n’est pas possible d’établir des délais spécifiques pour ce qui constitue un « délai raisonnable » pour tous les pays. Toutefois, des efforts peuvent être déployés pour remédier aux conditions à l’origine de la longueur des procédures d’exécution, par exemple en veillant à ce que le cadre juridique soit efficace et ne contienne pas de procédures redondantes, à ce que les autorités chargées de l’exécution aient la capacité adéquate pour traiter tous les dossiers et à ce que des mécanismes de coordination soient mis en place pour garantir le démarrage rapide des enquêtes.

La complexité de chaque procédure d’exécution et l’implication de plusieurs institutions créent des conditions d’application incohérente du cadre juridique, en particulier s’il n’y a pas de mécanismes formels pour partager les informations, si l’interprétation diffère entre les institutions, ou si les entités responsables ne reçoivent pas d’orientation cohérente et de lieux de dialogue et d’apprentissage mutuel.

Dans le cas de procédures disciplinaires, les bureaux chargés de la préparation des dossiers s’appuient fortement sur la collaboration proactive d’un large éventail d’acteurs à l’intérieur et à l’extérieur de l’entité, par exemple pour prendre connaissance des allégations de violations de l’intégrité (par exemple, les rapports d’audit, les déclarations de patrimoine, la gestion des ressources humaines, les rapports de dénonciation). En outre, certains pays ont mis en place des procédures spécifiques en fonction de la gravité de l’infraction présumée et deux instances sont généralement prévues pour faire appel d’une décision.

De même, une coopération et une coordination proactives et continues entre les organes impliqués dans les procédures pénales sont essentielles pour garantir le bon déroulement des enquêtes et des poursuites et pour éviter que les efforts de mise en application ne deviennent inefficaces en raison de l’inaction de l’un de ces organes. En effet, dans certains pays, le manque de coordination et d’échange d’informations compromet les enquêtes et crée le risque d’enquêtes parallèles, ce qui entraîne à son tour un gaspillage de ressources, la non-hiérarchisation des dossiers et la fragmentation des preuves et des informations. Les agents publics chargés de l’application du droit pénal, en particulier dans les pays où le ministère public est centralisé, ont tendance à s’appuyer sur le code de procédure pénale comme cadre suffisant pour coordonner les enquêtes et les poursuites des infractions pénales. Toutefois, l’expérience montre que ces règles générales ne suffisent pas à elles seules à garantir un niveau de coopération adéquat dans le traitement des affaires de corruption complexes qui nécessitent une analyse des tendances et des domaines à risque, des approches politiques coordonnées et des mesures de détection proactives. De plus, ces règles ne traitent pas de la coopération entre les forces de l’ordre et les institutions de prévention (OCDE, 2013[37]).

Pour traiter ces problèmes dans tout système d’application, des outils (électroniques) de gestion des dossiers tels que les bases de données ou les registres peuvent favoriser la coopération, la coordination et le partage d’informations entre les organes et autorités concernés. En ce qui concerne plus particulièrement le régime d’application disciplinaire, la présence d’un organe de surveillance qui contrôle la mise en œuvre du système et coordonne les différents organes disciplinaires peut garantir une application uniforme du cadre d’intégrité, permettre de traiter les problèmes communs et favoriser l’échange de bonnes pratiques. En tant que tel, l’organisme de surveillance contribue à garantir la redevabilité dans le secteur public et, en définitive, à accroître l’efficacité globale du système d’intégrité (pour en savoir plus, voir le chapitre 12).

La coordination entre les différents services répressifs est particulièrement importante pendant la phase d'enquête, où les informations pertinentes sont souvent détectées par des organes dont l'activité peut être source de responsabilité disciplinaire et pénale (Martini, 2014[38]). Dans ce contexte, les difficultés sont courantes dans de nombreux pays, où - par exemple - la coopération entre les autorités chargées des marchés publics, les services répressifs et les organes de lutte contre la corruption au cours des enquêtes s'est avérée purement formelle, ce qui a entraîné un faible nombre de signalements de soupçons de corruption ou de conflit d'intérêts soumis par les autorités chargées des marchés publics aux services répressifs ou aux organes chargés de l'intégrité (Commission européenne, 2014[39]).

Le traitement des infractions liées à l'intégrité dans le cadre des régimes pénal et disciplinaire en tenant dûment compte du principe ne bis in idem nécessite une coordination substantielle, alors que les procédures administratives sont généralement suspendues jusqu'à ce qu'un verdict soit rendu dans le cadre du régime pénal et qu'une décision administrative soit ensuite prise sur la base du verdict pénal (encadré ‎11.6). C'est pourquoi les procédures juridiques dans la majorité des pays membres de l'OCDE prévoient la notification immédiate d'une infraction pénale présumée aux services répressifs (OCDE, 2017[1]).

La nécessité d’assurer la coopération en matière d'activités de répression dépasse les autorités nationales et les frontières. Les récents scandales de corruption impliquant des responsables publics dans différents pays ont mis en évidence le manque de coopération, de coordination transfrontalière efficace et d’échange d’informations entre les juridictions concernées. Une étude régionale de l'OCDE sur l'Amérique latine a souligné que cela est dû en grande partie au manque de coopération internationale régulière et efficace (par exemple, la coordination d'enquêtes complexes en temps réel, l’échange cohérent de preuves et les canaux de communication réguliers) qui permettrait aux autorités de traiter des différences de fond et de procédure entre les systèmes juridiques (OCDE, 2018[16]). Des mécanismes efficaces permettant aux autorités de développer les ingrédients clés d’une coopération informelle et formelle efficace (par exemple, les compétences, les contacts professionnels et la confiance mutuelle) sont donc nécessaires.

La collecte de données sur la répression (par exemple, le nombre d’enquêtes, de poursuites et de sanctions) est généralement limitée et souvent effectuée selon une approche fragmentée sans stratégie claire. En outre, lorsque les données sont accessibles au public, elles peuvent être difficiles à trouver et à réutiliser par les parties prenantes (par exemple, la société civile, le monde universitaire) à d’autres fins. C’est ce qu’a observé l’OCDE au sujet des données de certains systèmes disciplinaires : elles ne sont recueillies qu’en partie et dans de grandes catégories, elles ne correspondent pas à d’autres ensembles de statistiques et elles ne sont ni publiées ni communiquées au public. Des conclusions similaires ressortent de l'analyse des politiques de transparence des agences d'éthique infranationales en matière d'application de la loi (Coalition for Integrity, 2019[40]).

De même, le manque de données statistiques ou de jurisprudence adéquates concernant les infractions de corruption a été identifié comme un problème transversal pour la mise en œuvre des dispositions de droit pénal de la CNUCC. En particulier, bien que certaines données pénales sur la corruption soient mises à disposition par différentes autorités ou pour des infractions distinctes, la méthodologie utilisée et les types de données recueillies ne sont pas homogènes d'une institution à l'autre ; les informations disponibles ne sont pas décomposées par type d'infraction ; et il n'existe pas de mécanismes centraux permettant d'accéder à ces données (ONUDC, 2017[20]).

Si la collecte de données et de statistiques pénales et disciplinaires relatives aux violations de l’intégrité relève souvent de la responsabilité d’institutions spécifiques, leur activité pourrait être coordonnée au niveau central, par exemple, dans le cadre du mécanisme général de coordination du système d’intégrité publique. Dans ce contexte, les données relatives à la répression peuvent également intégrer le suivi et l’évaluation plus larges du système d’intégrité. En ce qui concerne la transparence, les données et les statistiques relatives à la répression peuvent avoir le plus grand impact à des fins de redevabilité et d’analyse des risques lorsqu’elles sont accessibles au public de manière interactive et engageante, mais aussi lorsqu’elles sont mises à disposition sous des formes appropriées pour être réutilisées et élaborées.

Références

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[26] APSC (2015), « Handling misconduct: A human resource manager’s guide », http://www.apsc.gov.au/publications-and-media/current-publications/handling-misconduct-a-human-resource-managers-guide-2015 (consulté le 27 novembre 2019).

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[4] Cardona, F. (2003), « Liabilities and disciplines of civil servants », OECD, Paris, http://www.sigmaweb.org/publicationsdocuments/37890790.pdf (consulté le 7 septembre 2017).

[27] CGU (s.d.), Manuais e Capacitação, http://www.cgu.gov.br/assuntos/atividade-disciplinar/capacitacoes (consulté le 27 novembre 2017).

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[40] Coalition for Integrity (2019), « Enforcement of ethics rules by state ethics agencies: Unpacking the S.W.A.M.P. Index », http://unpacktheswamp.coalitionforintegrity.org/ (consulté le 17 février 2020).

[33] Commission européenne (2019), EU Justice Scoreboard 2019, https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/justice_scoreboard_2019_en.pdf.

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[18] Conseil de l’Europe (2010), Les juges : indépendance, efficacité et responsabilités, https://rm.coe.int/16807096c2 (consulté le 17 février 2020).

[5] Conseil de l’Europe (1999), Convention civile sur la corruption : Détails du traité n°174, https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/174 (consulté le 14 janvier 2019).

[22] Conseil de l’Europe (1999), Convention pénale sur la corruption : Détails du traité n°173, https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/173 (consulté le 17 février 2020).

[11] Conseil de l’Europe (1950), Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales : Détails du traité n°005, https://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/005 (consulté le 17 février 2020).

[8] Cour européenne des droits de l’homme (2016), Elements of substantive law oas obstacles to access to a court within the meaning of Article 6§1 of the Convention, https://www.echr.coe.int/Documents/Research_report_substantive_law_access_court_ENG.PDF.

[7] Efrat, A. et A. Newman (2016), « Deciding to Defer: The Importance of Fairness in Resolving Transnational Jurisdictional Conflicts », International Organization, vol. 70/2, pp. 409-449, https://doi.org/10.1017/S0020818316000023.

[14] G20 (2017), G20 High Level Principles on the Liability of Legal Persons for Corruption, http://www.g20.utoronto.ca/2017/2017-g20-acwg-liberty-legal-persons-en.pdf (consulté le 17 février 2020).

[9] HCDH (2003), « The right to a fair trial: From investigation to trial », Human Rights in the Administration of Justice : A Manual on Human Rights for Judges, Prosecutors and Lawyers, n° 6, https://www.ohchr.org/Documents/Publications/training9chapter6en.pdf.

[38] Martini, M. (2014), « Investigating corruption: Good Practices in Specialised Law Enforcement », Anti-corruption Helpdesk, Transparency International, https://knowledgehub.transparency.org/assets/uploads/helpdesk/Investigating_corruption_good_practice_in_specialised_law_enforcement_2014.pdf.

[13] Nations Unies (2012), Déclaration de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur l’état de droit aux niveaux national et international, https://undocs.org/pdf?symbol=fr/A/RES/67/1 (consulté le 17 février 2020).

[6] Nations Unies (2003), Convention des Nations Unies contre la corruption, https://www.unodc.org/res/ji/import/international_standards/united_nations_convention_against_corruption/uncac_french.pdf (consulté le 17 février 2020).

[42] Nations Unies (1985), Basic Principles on the Independence of the Judiciary, https://www.un.org/ruleoflaw/blog/document/basic-principles-on-the-independence-of-the-judiciary/ (consulté le 17 février 2020).

[28] Observatorio de Transparencia y Anticorrupción (s.d.), « Indicador de sanciones disciplinarias », http://www.anticorrupcion.gov.co/Paginas/indicador-sanciones-disciplinarias.aspx (consulté le 30 juillet 2019).

[2] OCDE (2018), Behavioural Insights for Public Integrity: Harnessing the Human Factor to Counter Corruption, OECD Public Governance Reviews, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264297067-en.

[23] OCDE (2018), Foreign Bribery Enforcement: What Happens to the Public Officials on the Receiving End?, OCDE, Paris, http://www.oecd.org/corruption/Foreign-Bribery-Enforcement-What-Happens-to-the-Public-Officials-on-the-Receiving-End.pdf.

[16] OCDE (2018), Integrity for Good Governance in Latin America and the Caribbean: From Commitments to Action, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264201866-en.

[21] OCDE (2018), « Proposals to streamline co-ordination when detecting, investigating and prosecuting bribery and corruption in Greece », OCDE, Paris, http://www.oecd.org/daf/anti-bribery/OECD-Greece-Anti-Corruption-Law-Enforcement-Coordination-ENG.pdf.

[1] OCDE (2017), OECD Integrity Review of Mexico: Taking a Stronger Stance Against Corruption, OECD Public Governance Reviews, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264273207-en.

[3] OCDE (2017), Recommandation du Conseil sur l’intégrité publique, OCDE, Paris, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0435 (consulté le 24 janvier 2020).

[17] OCDE (2016), OECD Integrity Review of Mexico: Enforcing Integrity:Mexico’s Administrative Disciplinary Regime for Federal Public Officials (non publié), OCDE, Paris.

[15] OCDE (2016), Public Consultation on Liability of Legal Persons: Compilation of Responses, OECD, Paris, https://www.oecd.org/daf/anti-bribery/Online-consultation-compilation-contributions.pdf.

[37] OCDE (2013), Specialised Anti-Corruption Institutions: Review of Models: Second Edition, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264187207-en.

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[20] ONUDC (2017), État de l’application de la Convention des Nations Unies contre la corruption, https://www.unodc.org/documents/corruption/Publications/2017/17-04680_F_ebook.pdf (consulté le 17 février 2020).

[24] ONUDC (2009), Guide technique de la Convention des Nations Unies contre la corruption, https://www.unodc.org/documents/treaties/UNCAC/Publications/TechnicalGuide/10-53540_Ebook_f.pdf (consulté le 6 juillet 2017).

[34] ONUDC (2002), Principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire, https://www.unodc.org/documents/ji/training/19-03890_F_ebook.pdf (consulté le 17 février 2020).

[36] Palumbo, G. et al. (2013), « Judicial Performance and its Determinants: A Cross-Country Perspective », OECD Economic Policy Papers, n° 5, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5k44x00md5g8-en.

[30] RECJ (2012), « Justice, society and the media », Réseau européen des Conseils de la Justice, https://www.encj.eu/images/stories/pdf/GA/Dublin/encj_report_justice_society_media_def.pdf (consulté le 17 février 2020).

[12] UE (2012), Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:12012P/TXT&from=FR (consulté le 24 janvier 2020).

[41] Union internationale des magistrats (1999), Statut Universel du Juge, https://www.unodc.org/res/ji/import/international_standards/the_universal_charter_of_the_judge/universal_charter_2017_french.pdf (consulté le 17 février 2020).

[19] Van Dijk, F. et G. Vos (2018), « A Method for Assessment of the Independence and Accountability of the Judiciary », International Journal for Court Administration, vol. 9/3, pp. 1-21, https://doi.org/10.18352/ijca.276.

Notes

← 1. Par exemple, la Convention des Nations Unies contre la corruption, la Déclaration de la réunion de haut niveau de l'Assemblée générale sur l'état de droit aux niveaux national et international (Nations Unies, 2012[13]), la Convention européenne des droits de l'homme (Conseil de l'Europe, 1950[11])et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (UE, 2012[12]).

← 2. Voir les arrêts de la Cour sur Vathakos c. Grèce 20235/11 (Jugement définitif au 28/09/2018), Vilho Eskelinen et autres c. Finlande 63235/00 (Jugement définitif au 19/04/2007), Kamenos c. Chypre 147/07 (Jugement définitif au 31/01/2018).

Note de la Turquie

Les informations contenues dans ce document et qui font référence à « Chypre » concernent la partie sud de l’île. Il n’existe pas d’autorité unique représentant à la fois les Chypriotes turcs et grecs sur l’île. La Turquie reconnaît la République turque de Chypre du Nord (RTCN). Jusqu’à ce qu’une solution durable et équitable soit trouvée dans le cadre des Nations Unies, la Turquie maintient sa position concernant la « question chypriote ».

Note de tous les États membres de l’OCDE et de l’Union européenne

La République de Chypre est reconnue par tous les membres des Nations Unies, à l’exception de la Turquie. Les informations contenues dans ce document concernent la zone sous le contrôle effectif du gouvernement de la République de Chypre.

← 3. Voir les articles 108, 132, 134-136 du code de la fonction publique grecque.

← 4. Voir les jugements pertinents de la CEDH sur Albert et Le Compte c. Belgique 7299/75, Gautrin et autres c. France 21257/93, 21258/93, 21259/93 et autres, Frankowicz c. Pologne 53025/99.

← 5. Voir, par exemple, les Principes fondamentaux de l'ONU relatifs à l'indépendance de la magistrature de 1985 (Nations Unies, 1985[42]), la Charte des juges en Europe (Association européenne des magistrats, 1997[43]), a Magna Carta des juges (Conseil consultatif des juges européens, 2010[44]), le Statut universel du juge (Union internationale des magistrats, 1999[41]) et les Principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire (ONUDC, 2002[34]).

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