Chapitre 4. Utilisation des compétences dans le cadre professionnel et la vie quotidienne

Note concernant les données d’Israël

Les données statistiques concernant Israël sont fournies par et sous la responsabilité des autorités israéliennes compétentes. L’utilisation de ces données par l’OCDE est sans préjudice du statut des hauteurs du Golan, de Jérusalem-Est et des colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie aux termes du droit international.

L’Évaluation des compétences des adultes (PIAAC) a le mérite non seulement d’évaluer les compétences en littératie, en numératie et en résolution de problèmes dans des environnements à forte composante technologique, mais aussi de recueillir des informations sur la fréquence à laquelle les adultes utilisent ces compétences– par exemple, la fréquence à laquelle ils lisent différents types de textes, font des calculs ou résolvent des problèmes – à la fois dans le cadre professionnel et dans la vie quotidienne. Les informations sur ces activités sont recueillies pour diverses raisons. La première raison réside dans le fait qu’à l’âge adulte, la lecture et l’utilisation des mathématiques constituent une dimension importante de la définition des constructs PIAAC de littératie et de numératie (voir les définitions au chapitre 2). Quant à la deuxième raison, elle tient au fait que les activités visées sont à considérer comme un moyen qui permet aux individus de développer et entretenir leurs compétences pendant leur vie professionnelle. Enfin, la troisième raison réside dans le fait que la productivité et le salaire des individus sont déterminés à la fois par leurs compétences et par l’intensité avec laquelle ils les utilisent.

Ce chapitre porte en particulier sur les compétences en numératie et compare leur utilisation dans le cadre professionnel et dans la vie quotidienne. Il commence par estimer l’indice d’utilisation de la numératie, sur la base des travaux de Jonas (2018[1]). Cet indice, dérivé du modèle de la théorie de réponse à l’item (Item Response Theory, IRT), correspond à la fréquence à laquelle les individus se livrent à huit activités de numératie différentes dans le cadre professionnel et dans la vie quotidienne. Il permet de mieux tenir compte de la variation de la complexité des activités de numératie ainsi que du fait qu’un petit nombre d’individus avertis se livrent souvent à des activités compliquées, mais qu’un grand nombre d’individus moins chevronnés s’y livrent rarement.

Les données sur d’autres activités propres au cadre professionnel permettent de déterminer l’ampleur des activités de résolution de problèmes et des interactions sociales des travailleurs, et la façon dont les employeurs organisent et gèrent le travail. Ces données servent également à évaluer le risque d’automatisation des fonctions des travailleurs dans les pays qui ont participé à la troisième vague, une analyse qui vient compléter celle faite à ce sujet par l’OCDE dans les pays et économies qui ont participé aux deux premières vagues.

Les principaux résultats examinés dans ce chapitre sont résumés ci-dessous.

  • Le niveau de compétence en numératie est en corrélation positive, mais faible, avec l’utilisation de la numératie à l’échelle nationale dans les pays à revenu élevé ; en d’autres termes, des scores moyens plus élevés en numératie tendent à aller de pair avec un indice moyen plus élevé d’utilisation de la numératie. La corrélation est plus intense si l’analyse porte aussi sur l’Équateur, le Mexique et le Pérou.

  • Dans le classement établi en fonction de l’utilisation de la numératie, les pays au bas du classement dans la vie quotidienne (l’Italie, le Kazakhstan, le Pérou et la Turquie) le sont aussi dans le cadre professionnel, tandis que les pays en tête du classement dans la vie quotidienne (les États-Unis, la Finlande, la Nouvelle-Zélande et la République tchèque) le sont aussi dans le cadre professionnel. Ce constat donne à penser que l’utilisation des compétences dans la vie quotidienne et le cadre professionnel sont fortement, mais pas parfaitement corrélées à l’échelle nationale.

  • Pour faciliter l’interprétation de l’indice d’utilisation de la numératie, les individus sont répartis entre trois catégories : les utilisateurs intensifs, modérés et occasionnels. La Finlande se distingue par le pourcentage le moins élevé d’utilisateurs occasionnels de la numératie à la fois dans la vie quotidienne (13 %) et dans le cadre professionnel (23 %) et est suivie de près par la Nouvelle-Zélande (21 % dans la vie quotidienne et 27 % dans le cadre professionnel) et les États-Unis (25 % et 33 %). À l’autre extrême, le pourcentage d’utilisateurs occasionnels est le plus élevé au Kazakhstan (70 % dans la vie quotidienne et 59 % dans le cadre professionnel) et en Turquie (66 % et 57 %).

  • L’Équateur, le Kazakhstan, le Mexique et le Pérou se situent aussi dans la partie inférieure du classement de l’utilisation de la numératie, comme le Chili. En Hongrie par contre, l’intensité de l’utilisation de la numératie est inférieure à la moyenne de l’OCDE dans le cadre professionnel, mais y est supérieure dans la vie quotidienne. Le pourcentage d’utilisateurs intensifs et modérés de la numératie dans le cadre professionnel et la vie quotidienne est inférieur à la moyenne de l’OCDE dans tous les pays de la troisième vague, sauf aux États-Unis, tandis que celui d’utilisateurs occasionnels y est supérieur, sauf en Hongrie (dans le cadre professionnel).

  • Dans la quasi-totalité des pays et économies participants, les hommes utilisent la numératie plus souvent que les femmes, à la fois dans le cadre professionnel et dans la vie quotidienne. La différence entre les sexes diminue après contrôle d’autres caractéristiques personnelles et professionnelles, en particulier concernant l’intensité de l’utilisation de la numératie dans la vie quotidienne.

  • L’utilisation de la numératie dans le cadre professionnel est d’une intensité moindre chez les 55-65 ans que chez les 25-54 ans dans tous les pays et économies participant au PIAAC, sauf aux États-Unis, en Grèce et en Italie. Elle est de moindre intensité également chez les 16-24 ans que chez les 25-54 ans, sauf en Fédération de Russie, au Kazakhstan, au Mexique et au Pérou. La différence est dans l’ensemble plus marquée entre les 25-54 ans et leurs cadets qu’entre les 25-54 ans et leurs aînés dans les pays et économies de l’OCDE, mais elle varie nettement selon les pays. Il en va de même pour l’intensité de l’utilisation des compétences dans la vie quotidienne après contrôle d’autres caractéristiques personnelles et professionnelles.

  • Comme dans les vagues précédentes du PIAAC, l’utilisation de la numératie, tant dans le cadre professionnel que dans la vie quotidienne, est en corrélation positive avec le niveau de formation : le degré d’utilisation de l’effectif diplômé du deuxième cycle de l’enseignement secondaire est, en moyenne, supérieur à celui de l’effectif non diplômé de ce niveau d’enseignement, mais inférieur à celui de l’effectif diplômé de l’enseignement tertiaire.

  • L’intensité de l’utilisation de la numératie varie plus fortement entre les niveaux de formation dans tous les pays qui ont participé à la troisième vague de l’Évaluation, en particulier en Équateur, au Mexique et au Pérou (mais ce n’est pas le cas aux États-Unis). Dans ces trois pays, les écarts qui s’observent après contrôle dans l’utilisation de la numératie entre l’effectif diplômé du deuxième cycle de l’enseignement secondaire et l’effectif non diplômé de ce niveau d’enseignement sont deux à trois fois plus importants qu’ils ne le sont en moyenne dans les pays de l’OCDE. Au Kazakhstan, en revanche, l’utilisation de la numératie n’est pas moins intense dans l’effectif non diplômé du deuxième cycle de l’enseignement secondaire que dans l’effectif diplômé de ce niveau d’enseignement, tant dans le cadre professionnel que dans la vie quotidienne.

  • La différence (positive) entre les diplômés de l’enseignement tertiaire et les diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire est également supérieure à la moyenne de l’OCDE dans les pays de la troisième vague (sauf aux États-Unis), en particulier en Équateur, au Kazakhstan et au Pérou.

  • L’utilisation de la numératie est plus fréquente chez les actifs occupés, les chômeurs et les inactifs s’ils sont jeunes, de sexe masculin, diplômés de l’enseignement tertiaire et plus compétents en numératie lorsque d’autres variables de l’utilisation de la numératie sont constantes. Le fait d’être plus âgé et de ne pas être diplômé du deuxième cycle de l’enseignement secondaire a l’effet inverse. C’est dans l’ensemble ce qui s’observe concernant l’utilisation de la numératie tant dans le cadre professionnel que dans la vie quotidienne, même si l’analyse porte sur deux échantillons différents. Les individus scolarisés utilisent nettement plus la numératie s’ils ne sont pas diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire que s’ils le sont.

  • Une grande partie de la variation de l’indice d’utilisation de la numératie s’explique par la profession des travailleurs ainsi que par le mode de gestion des ressources humaines dans leur organisation. Les pratiques de gestion « à haut rendement » (le travail en équipe, le mentorat, la rotation des postes, etc.) expliquent entre 15 % et 24 % de la variation de l’utilisation des compétences entre les adultes.

  • La résolution de problèmes et les interactions sociales dans le cadre professionnel sont inférieures à la moyenne de l’OCDE dans tous les pays de la troisième vague, sauf aux États-Unis qui caracolent en tête du classement sur les interactions sociales et en occupent la toute première place en résolution de problèmes. Ces constats peuvent entre autres s’expliquer par la popularité relative des pratiques de gestion décentralisée dans les pays ainsi que par des différences de production et de tissu industriel entre eux.

  • Les données recueillies par le PIAAC au sujet des fonctions des travailleurs permettent d’estimer le risque d’automatisation de ces fonctions. Selon Nedelkoska et Quintini (2018[2]), la fréquence à laquelle les travailleurs résolvent des problèmes complexes, conseillent des personnes, leurs donnent des cours ou les influencent est en corrélation négative avec la probabilité d’automatisation de leurs fonctions. Le risque d’automatisation des fonctions a été estimé dans les pays de la troisième vague sur la base de la méthode proposée par ces auteurs et est publié pour la première fois. Le pourcentage de travailleurs dont la probabilité d’automatisation des fonctions est forte ou très forte est supérieur à la moyenne de l’OCDE dans les pays et économies de la troisième vague (sauf aux États-Unis) : il atteint 61 % au Mexique et 68 % au Pérou. Toutefois, de nombreux facteurs, dont le cadre institutionnel et la dynamique de l’évolution des prix, peuvent influer sur la diffusion et l’adoption des technologies d’automatisation et, donc, sur la mesure dans laquelle des fonctions qu’il est possible d’automatiser seront effectivement automatisées.

L’Évaluation des compétences des adultes (PIAAC) recueille des informations sur la fréquence à laquelle des adultes effectuent certaines tâches dans le cadre professionnel et dans la vie quotidienne. Ces informations permettent d’évaluer l’utilisation des compétences en traitement de l’information, à savoir en littératie, en numératie, en technologies de l’information et de la communication (TIC) et en résolution de problèmes.

Les répondants sont interrogés sur la fréquence à laquelle ils se livrent à des activités faisant intervenir des compétences en traitement de l’information. Les innombrables données qui découlent de leurs réponses peuvent être combinées pour constituer des indices, dont chacun porte sur plusieurs questions PIAAC. Il y a cinq indicateurs potentiels au sujet de l’utilisation des compétences en lecture et en expression écrite, en numératie, en TIC et en résolution de problèmes dans le cadre professionnel et cinq autres au sujet de leur utilisation dans la vie quotidienne. Les indicateurs présentés dans les rapports de l’OCDE (2013[3]; 2016[4]) sont des moyennes pondérées des réponses aux différentes questions (ou items), alors que ceux présentés dans ce chapitre se basent sur la théorie de la réponse à l’item. Cette méthode d’estimation tient mieux compte des différents degrés de rareté et de difficulté technique des items qui portent sur des compétences similaires. L’encadré 4.1 fournit de plus amples informations sur la méthodologie et sur les items relatifs à chaque indicateur.

Dans ce chapitre, l’indice d’utilisation de la numératie résume les données relatives à six activités impliquant des calculs et l’utilisation de formules mathématiques (l’utilisation d’une calculatrice, le calcul de prix, de coûts ou de budgets, etc.), ainsi qu’à deux autres activités habituellement classées dans celles de littératie, à ceci près qu’elles requièrent l’interprétation d’informations mathématiques (la lecture de factures, de relevés bancaires ou d’états financiers ainsi que la lecture de graphiques, de cartes ou de schémas).

Le tableau 4.1 résume les données sur les activités de numératie auxquelles les adultes se livrent dans le cadre professionnel et dans la vie quotidienne. Il indique le pourcentage d’adultes qui ne se livrent jamais à ces activités et le score moyen de chacune des activités (plus leur score est élevé, plus leur fréquence est élevée).

Sans surprise, l’utilisation de mathématiques avancées est la moins fréquente des activités de numératie à l’étude ; viennent ensuite la construction de diagrammes et de tableaux, et l’utilisation de formules et d’équations simples. Ce sont aussi les activités auxquelles le plus grand nombre de répondants disent ne jamais se livrer, même si l’écart entre les deux premières et la dernière est très important. À l’autre extrême du spectre de fréquence, le calcul de prix, de coûts et de budgets est courant tant dans la vie professionnelle que dans la vie quotidienne. Les tendances sont toutefois différentes concernant les autres activités dans le cadre professionnel et la vie quotidienne. En moyenne, tous répondants confondus, la lecture d’états financiers est très courante dans la vie quotidienne, plus fréquente que la plupart des autres activités, mais l’est autant que les autres dans le cadre professionnel.

Le graphique 4.1 indique l’intensité moyenne de l’utilisation de la numératie dans la vie quotidienne ainsi que le pourcentage de répondants qui ont répondu « jamais » aux huit items de l’indice dans les pays et économies. Le graphique 4.2 en fait de même, mais dans le cadre professionnel, et concerne donc uniquement les actifs occupés. Il ressort de l’analyse de l’utilisation de la numératie que la moyenne de l’OCDE est similaire dans le cadre professionnel et la vie quotidienne, mais que les moyennes nationales varient davantage dans la vie quotidienne (où elles sont comprises entre 0.3 et 0.7) que dans le cadre professionnel (où elles sont comprises entre 0.4 et 0.6). Il faut toutefois garder présent à l’esprit le fait que dans ces comparaisons, la population cible diffère : les activités de numératie concernent tous les individus dans la vie quotidienne, mais uniquement les actifs occupés dans le cadre professionnel.

Dans le classement établi en fonction de l’utilisation des compétences, les pays au bas du classement dans la vie quotidienne (l’Italie, le Kazakhstan, le Pérou et la Turquie) le sont aussi dans le cadre professionnel ; de même, les pays en tête du classement dans la vie quotidienne (les États-Unis, la Finlande, la Nouvelle-Zélande et la République tchèque) le sont aussi dans le cadre professionnel. Ce constat donne à penser que l’utilisation des compétences dans la vie quotidienne et le cadre professionnel sont fortement, mais pas parfaitement corrélées à l’échelle nationale. L’Équateur, le Kazakhstan, le Mexique et le Pérou se situent dans la partie inférieure du classement de l’utilisation de la numératie dans les deux sphères, comme le Chili. En Hongrie par contre, l’intensité de l’utilisation de la numératie est inférieure à la moyenne de l’OCDE dans le cadre professionnel, mais y est supérieure dans la vie quotidienne.

Certains des pays et économies où l’indice est similaire se distinguent par un pourcentage nettement différent de répondants sans la moindre des activités de numératie citées. L’indice est par exemple de l’ordre de 0.52 en République slovaque et à Singapour, mais 3 % des Slovaques ne déclarent aucune des activités à l’étude, contre 6 % des Singapouriens. Ce constat montre bien que les moyennes nationales peuvent occulter une forte variation de l’utilisation des compétences entre des sous-groupes de la population. En moyenne, le pourcentage de répondants sans la moindre activité de numératie est moins élevé dans la vie quotidienne (4 %) que dans le cadre professionnel (15 %) dans les pays de l’OCDE.

Les graphiques 4.3 et 4.4 montrent la relation moyenne entre le score en numératie et l’utilisation de la numératie dans chaque pays et économie1. La corrélation est positive et statistiquement significative à un niveau de confiance de 1 % si tous les pays et économies de l’échantillon sont inclus dans l’analyse, mais elle perd de son intensité si les pays d’Amérique latine en sont exclus2. Elle est plus positive dans le cadre professionnel que dans la vie quotidienne. La propension des individus à faire des mathématiques peut être moins élevée s’ils sont peu compétents dans cette matière, mais plus élevée s’ils sont très compétents. Dans le même temps, l’utilisation fréquente des mathématiques peut accroître le niveau de compétence en numératie ou limiter son érosion.

Toutefois, la relation entre le niveau de compétence et le degré d’utilisation est moins positive et n’est plus statistiquement significative qu’à un niveau de 10 % si l’analyse porte uniquement sur les pays à revenu élevé (selon l’Atlas de la Banque mondiale), abstraction faite donc de l’Équateur, de la Fédération de Russie, du Kazakhstan, du Mexique, du Pérou et de la Turquie. Dans l’ensemble, l’utilisation de la numératie semble moins étroitement liée au niveau de compétence dans les pays à revenu élevé que dans ceux à revenu intermédiaire.

La part relativement peu élevée de la variation du niveau de compétence en numératie qui peut s’expliquer par les activités en la matière (voir la valeur du coefficient R² dans les graphiques 4.3 et 4.4) donne à penser que d’autres facteurs influent sur le niveau de compétence et, donc, sur sa relation avec le degré d’utilisation. La pyramide des âges pourrait être l’un de ces facteurs : si la corrélation entre le niveau de compétence et le degré d’utilisation est de moindre intensité chez les plus âgés que chez leurs cadets, elle devrait être de moindre intensité aussi dans les pays et économies où la population est plus âgée.

Le pourcentage d’actifs occupés très performants en numératie (situés au niveau 4 ou 5 de l’échelle de compétence) qui utilisent peu la numératie dans le cadre professionnel pourrait être un autre de ces facteurs. Selon une analyse non publiée, ce pourcentage s’établit à 1.8 % en moyenne dans les pays de l’OCDE participant à l’Évaluation des compétences des adultes, mais atteint jusqu’à 3.9 % en Flandre (Belgique). Par contraste, il est le moins élevé dans les pays d’Amérique latine de la troisième vague, qui se situent juste sous le Chili (0.3 %).

Pour faciliter l’interprétation de l’indice d’utilisation de la numératie, les individus sont répartis dans les graphiques 4.5 et 4.6 entre les trois catégories décrites dans l’encadré 4.1 : les utilisateurs intensifs, modérés et occasionnels. La Finlande se distingue par le pourcentage le moins élevé d’utilisateurs occasionnels à la fois dans la vie quotidienne (13 %) et dans le cadre professionnel (23 %) et est suivie de près par la Nouvelle-Zélande (21 % dans la vie quotidienne et 27 % dans le cadre professionnel) et les États-Unis (25 % et 33 %). À l’autre extrême, ce pourcentage est le plus élevé au Kazakhstan (70 % dans la vie quotidienne et 59 % dans le cadre professionnel) et en Turquie (66 % et 57 %).

Ces mêmes pays se retrouvent en tête et au bas du classement si l’analyse porte sur l’indice d’utilisation de la numératie (voir les graphiques 4.1 et 4.2). Toutefois, répartir les répondants en fonction de l’intensité de leurs activités améliore l’intérêt de l’indicateur, qui explique alors dans quelle mesure les pourcentages différents d’utilisateurs intensifs et d’utilisateurs occasionnels affectent l’indice. Dans l’ensemble, un pourcentage élevé d’utilisateurs occasionnels va de pair avec un pourcentage peu élevé d’utilisateurs intensifs, mais certains pays échappent à ce constat. En fait, des pays où l’indice d’utilisation est similaire dans la vie quotidienne, le Canada et la Suède par exemple, se différencient par un pourcentage différent d’utilisateurs intensifs (33 % au Canada, contre 28 % en Suède) ou d’utilisateurs occasionnels (27 %, contre 24 %).

Comme le montrent les graphiques 4.1 et 4.2, l’utilisation moyenne des compétences ne varie guère entre la vie quotidienne et le cadre professionnel dans les pays et économies de l’OCDE. Toutefois, elle varie davantage entre les deux sphères dans certains pays et économies. Selon l’analyse de la numératie dans le cadre professionnel, le pourcentage d’utilisateurs intensifs et modérés est inférieur à la moyenne de l’OCDE, tandis que celui d’utilisateurs occasionnels y est supérieur dans tous les pays de la troisième vague, sauf aux États-Unis. Il en va de même pour l’utilisation de la numératie dans la vie quotidienne, sauf en Hongrie où le pourcentage d’utilisateurs intensifs (27 %) est supérieur à la moyenne de l’OCDE (25 %) et où le pourcentage d’utilisateurs occasionnels (33 %) est inférieur à la moyenne (39 %).

L’utilisation de la numératie est liée à un certain nombre d’autres facteurs relatifs à la fois aux caractéristiques personnelles et professionnelles des individus. Cette section analyse ces relations.

Le rapport de l’OCDE (2016[4]) a montré que la fréquence de l’utilisation de la numératie variait sensiblement entre les hommes et les femmes dans le cadre professionnel. Les indicateurs présentés ici confirment que les hommes utilisent plus la numératie que les femmes (voir le graphique 4.7, avant ajustement). L’utilisation de la numératie varie entre les hommes et les femmes dans les deux sphères à l’étude, mais davantage dans le cadre professionnel. La Corée, la Fédération de Russie, le Kazakhstan et la Lituanie font figure d’exception : les femmes utilisent davantage la numératie dans la vie quotidienne que les hommes3.

Cette différence entre les sexes pourrait s’expliquer par des différences dans les caractéristiques personnelles et professionnelles des hommes et des femmes. Si le travail à temps plein est plus susceptible que le travail à temps partiel d’être associé à une utilisation plus fréquente de la numératie par exemple, il est logique que les femmes – qui travaillent plus souvent à temps partiel – aient dans l’ensemble moins d’activités de numératie. C’est la raison pour laquelle dans le graphique 4.7 sur la variation de l’utilisation de la numératie entre les hommes et les femmes, les différences sont également estimées après ajustement du score en numératie, du groupe d’âge et du niveau de formation. Elles sont aussi estimées après ajustement de la situation au regard de l’emploi – concernant l’utilisation de la numératie dans la vie quotidienne –, et du temps de travail, du type de contrat de travail et de la profession (selon les catégories à un chiffre de la Classification internationale type des professions [CITP] de 2008) – concernant son utilisation dans le cadre professionnel4, 5.

Les différences entre les sexes ne varient toutefois guère avant et après ajustement de ces variables. Lorsque l’ajustement de ces variables entraîne une variation des activités de numératie, il augmente dans l’ensemble l’avantage des hommes dans le cadre professionnel (les différences sont alors positives et statistiquement significatives à un niveau de confiance de 5 % en Équateur, en Hongrie, en Pologne, en République slovaque et en Slovénie) et, parfois, l’avantage des femmes dans la vie quotidienne (au Chili).

La différence moyenne de l’utilisation de la numératie entre les hommes et les femmes est plus marquée après ajustement, comme avant ajustement, dans le cadre professionnel que dans la vie quotidienne. Cela peut s’expliquer par des facteurs non ajustés, le choix de professions associées à une utilisation différente de la numératie ou les pratiques discriminatoires des employeurs. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, l’ajustement des variables ne modifie guère l’ampleur de la différence d’utilisation de la numératie entre les hommes et les femmes dans le cadre professionnel, mais réduit l’écart de 30 % environ dans la vie quotidienne, ce qui donne à penser qu’une grande part de la différence s’explique par les variables ajustées.

Dans l’ensemble, la moyenne de l’OCDE occulte des différences dans l’effet de l’ajustement, tant dans le cadre professionnel que dans la vie quotidienne, ce qui peut être lié à des différences dans les interactions complexes entre les variables ajustées. Après ajustement, la différence d’utilisation de la numératie dans le cadre professionnel diminue, mais reste la plus élevée de tous les pays et économies participants au Danemark, en Flandre (Belgique), en Norvège, aux Pays-Bas et en Suède. La différence d’utilisation de la numératie entre les hommes et les femmes est marquée aussi en Corée et au Japon, mais uniquement dans le cadre professionnel. Après ajustement, la différence d’utilisation de la numératie dans le cadre professionnel est ténue dans tous les pays de la troisième vague, sauf aux États-Unis, où elle est proche de la moyenne de l’OCDE. Les différences d’utilisation de la numératie dans la vie quotidienne sont nettement moindres – et ne s’écartent pas de zéro dans une mesure statistiquement significative à un niveau de confiance de 5 % –, sauf au Kazakhstan et au Pérou.

Dans tous les pays et économies à l’étude, l’utilisation de la numératie dans le cadre professionnel est d’une intensité moindre chez les 55-65 ans que chez les 25-54 ans, même si les différences ne s’écartent pas de zéro dans une mesure statistiquement significative aux États-Unis, en Grèce et en Italie (voir le graphique 4.8). Elle est de moindre intensité également chez les plus jeunes (les 16-24 ans) que chez les 25-54 ans, sauf en Fédération de Russie, au Kazakhstan, au Mexique et au Pérou. La différence est plus marquée entre les 25-54 ans et leurs cadets qu’entre les 25-54 ans et leurs aînés en moyenne dans les pays et économies de l’OCDE, mais elle varie nettement selon les pays. Avant ajustement, les différences sont systématiquement plus marquées entre les groupes d’âge qu’entre les sexes.

Ces différences plus et moins marquées entre les groupes d’âge s’expliquent vraisemblablement par le fait que les compétences sont les plus utilisées entre l’âge de 25 et de 54 ans. L’utilisation moindre de la numératie l’âge venant peut s’expliquer par l’érosion du niveau de compétence, à son sommet au début de la trentaine, comme l’explique Paccagnella (2016[7]) par exemple. Elle peut aussi s’expliquer par l’élévation moyenne du niveau de formation de la population au fil du temps, comme en Équateur et au Pérou, sachant que les effets de l’âge et des cohortes ne peuvent être isolés dans des données provenant d’une enquête transversale telle que l’Évaluation des compétences des adultes. Toutefois, les destinées professionnelles peuvent également intervenir. Les travailleurs sont plus susceptibles d’exercer des fonctions impliquant une grande utilisation de la numératie entre l’âge de 25 et de 54 ans, des fonctions subalternes avant l’âge de 25 ans et des fonctions d’encadrement après l’âge de 54 ans.

La moyenne de l’OCDE varie moins entre les groupes d’âge après ajustement des caractéristiques personnelles et professionnelles, mais l’utilisation professionnelle de la numératie reste plus intensive chez les 25-54 ans que chez leurs cadets et leurs aînés. Les différences des 25-54 ans sont plus marquées avec leurs aînés qu’avec leurs cadets, au point même de s’inverser avec ces derniers dans certains pays. Ce constat s’explique par le fait que l’utilisation de la numératie peut être moins intensive l’âge aidant une fois que d’autres facteurs déterminants sont ajustés.

Quant à l’utilisation de la numératie dans la vie quotidienne, les 25-54 ans l’emportent aussi sur leurs aînés. Par contre, les plus jeunes utilisent plus la numératie dans la vie quotidienne que les 25-54 ans. Le contrôle de certaines variables de l’utilisation de la numératie, dont la situation des répondants au regard de l’emploi, réduit sans toutefois supprimer l’avantage des plus jeunes dans la vie quotidienne dans la plupart des pays et économies. Cet avantage qui s’observe en Équateur et au Pérou est comparable à celui enregistré au Danemark et aux Pays-Bas et représente le triple environ de la moyenne de l’OCDE. Il n’y a qu’au Japon que l’écart, après ajustement, des 25-54 ans avec leurs cadets est moins important qu’avec les 55-64 ans.

Ces résultats s’expliquent en grande partie par le fait que l’utilisation de la numératie au quotidien est évaluée aussi compte tenu des jeunes qui, pour la plupart, ne sont pas encore entrés dans la vie active et sont toujours scolarisés, de sorte que leur utilisation plus intensive de la numératie pourrait s’expliquer par leurs études. Jonas (2018[1]) a d’ailleurs constaté que le pourcentage d’utilisateurs intensifs de la numératie au quotidien passait presque du simple au double entre les 26-55 ans et les 16-25 ans et du simple au triple entre les utilisateurs plus âgés et les jeunes de 16-25 ans.

Dans l’ensemble, l’ajustement réduit nettement plus l’ampleur des écarts entre les groupes d’âge qu’entre les sexes. Les différences entre hommes et femmes restent élevées après ajustement, entre 70 % et 100 % de celles avant ajustement, mais celles entre groupes d’âges diminuent nettement, moins toutefois par rapport aux 55-64 ans qu’aux 16-24 ans, et ne représentent qu’entre 14 % et 44 % des différences avant ajustement.

Le graphique 4.9 analyse les différences d’utilisation de la numératie dans l’effectif diplômé du deuxième cycle de l’enseignement secondaire par rapport, d’une part, à l’effectif non diplômé de ce niveau d’enseignement et, d’autre part, à l’effectif diplômé de l’enseignement tertiaire.

Les résultats sont comparables à ceux publiés dans le rapport de l’OCDE (2016[4]). Dans tous les pays et économies à l’étude, l’utilisation de la numératie dans l’effectif diplômé du deuxième cycle de l’enseignement secondaire est plus intensive que dans l’effectif non diplômé de ce niveau d’enseignement, mais moins intensive que dans l’effectif diplômé de l’enseignement tertiaire. Ces tendances relatives à l’utilisation de la numératie valent à la fois dans le cadre professionnel et dans la vie quotidienne.

Les différences moyennes de l’OCDE avant ajustement sont marquées : entre 18 % et 22 % de différence d’intensité dans la vie quotidienne et entre 25 % et 26 % de différence dans le cadre professionnel ; les différences moyennes entre les niveaux de formation sont donc plus importantes encore qu’entre les groupes d’âges. Toutefois, ces différences sont nettement moindres après ajustement d’autres variables de l’utilisation de la numératie : les différences d’utilisation de la numératie au quotidien ne représentent en moyenne plus que 6 % entre l’effectif diplômé du deuxième cycle de l’enseignement secondaire et l’effectif non diplômé de ce niveau d’enseignement, et 15 % entre l’effectif diplômé de l’enseignement tertiaire et l’effectif diplômé du deuxième cycle de l’enseignement secondaire dans les pays et économies de l’OCDE. Quant aux différences d’utilisation de la numératie dans le cadre professionnel, elles sont plus ténues, mais restent élevées, de l’ordre de 8 % à 9 % par rapport aux actifs occupés diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire.

Après ajustement, la différence d’utilisation de la numératie dans la vie quotidienne entre l’effectif diplômé du deuxième cycle de l’enseignement secondaire et l’effectif non diplômé de ce niveau d’enseignement représente le triple de la moyenne de l’OCDE en Équateur, au Mexique et au Pérou. La différence d’utilisation de la numératie dans le cadre professionnel en représente le double aussi après contrôle au Mexique et au Pérou. Au Kazakhstan en revanche, l’utilisation de la numératie n’est pas moins intense chez les adultes qui ne sont pas diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire que chez ceux qui sont diplômés de ce niveau d’enseignement, tant dans le cadre professionnel que dans la vie quotidienne.

Dans l’ensemble, la différence d’utilisation de la numératie entre l’effectif diplômé de l’enseignement tertiaire et l’effectif au plus diplômé du deuxième cycle de l’enseignement secondaire est positive dans les pays et économies participants de l’OCDE. Elle est nettement supérieure à la moyenne dans les pays de la troisième vague (sauf aux États-Unis), en particulier en Équateur, au Kazakhstan et au Pérou, où elle est comprise entre 21 % et 33 % dans le cadre professionnel et dans la vie quotidienne. Toutes les différences à l’étude sont proches de la moyenne de l’OCDE, mais légèrement supérieures, en Hongrie.

L’utilisation des compétences est affectée par un grand nombre de phénomènes, mais les individus plus instruits sont censés avoir plus de compétences et les utiliser davantage. Il apparaît toutefois qu’après contrôle d’autres facteurs déterminants, les différences d’utilisation de la numératie sont moindres entre les niveaux de formation, même si elles restent marquées. Ce constat invite à réfléchir à la façon dont l’utilisation des compétences pourrait être encouragée chez les individus moins instruits pour que la combinaison entre une formation plus courte et une utilisation de la numératie inférieure à leur niveau de compétence ne constitue plus un cercle vicieux qui érode leurs aptitudes au fil du temps.

Le graphique 4.8 ci-dessus montre la nette différence d’utilisation de la numératie dans la vie quotidienne entre les 16-24 ans et les 25-54 ans, qui peut s’expliquer par le fait que les premiers sont nombreux à être encore scolarisés. D’autres tendances se dégagent de la comparaison des facteurs déterminants de l’utilisation de la numératie au quotidien entre les actifs occupés, les sans-emploi et les individus scolarisés. Le graphique 4.10 estime la relation entre l’intensité de l’utilisation de la numératie et une série de facteurs susceptibles d’intervenir dans ces trois groupes de répondants. Les associations varient et sont d’une ampleur telle qu’elles sont difficiles à comparer en un coup d’œil (car elles sont dérivées d’échantillons différents), mais elles suivent la même tendance dans les trois groupes, sauf dans l’effectif non diplômé du deuxième cycle de l’enseignement secondaire.

L’augmentation du niveau de compétence en numératie d’un écart-type fait gagner aux trois groupes à l’étude 8 centiles environ dans la répartition de l’indice (voir le graphique 4.10, Partie A)6. Par contre, il n’existe guère de lien entre l’intensité de l’utilisation de la numératie et le niveau de compétence en littératie. Cette différence marquée donne à penser que l’utilisation intensive de la numératie ne dépend pas d’un score élevé en lecture et en expression écrite après contrôle du score en numératie.

L’utilisation de la numératie est plus fréquente chez les actifs occupés, les chômeurs et les inactifs s’ils sont jeunes, de sexe masculin, diplômés de l’enseignement tertiaire et plus compétents en numératie lorsque d’autres variables de l’utilisation de la numératie sont constantes. Le fait d’être plus âgé et de ne pas être diplômé du deuxième cycle de l’enseignement secondaire a l’effet inverse. C’est dans l’ensemble ce qui s’observe concernant l’utilisation de la numératie tant dans le cadre professionnel que dans la vie quotidienne, même si l’analyse porte sur deux échantillons différents7. L’utilisation de la numératie est nettement plus intense chez les individus scolarisés qui ne sont pas diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire que chez ceux qu’ils le sont et l’est même plus que chez ceux qui sont diplômés de l’enseignement tertiaire.

L’analyse des facteurs influant sur l’utilisation de la numératie présentée dans les graphiques 4.7 à 4.10 accorde une large place au niveau de formation, au sexe et à l’âge, des variables connues pour leur égale importance dans l’utilisation de la numératie dans le cadre professionnel et la vie quotidienne. Cela n’exclut naturellement pas la possibilité que d’autres caractéristiques, à la fois liées à la personnalité et à la vie professionnelle des individus, influent sur l’intensité de l’utilisation de la numératie. Parmi ces caractéristiques, citons les préférences personnelles qui portent à utiliser la numératie dans la vie quotidienne ou à exercer des fonctions qui impliquent un recours plus ou moins fréquent à la numératie. L’Évaluation des compétences des adultes ne recueille pas d’informations sur ces préférences personnelles, mais le type de contrat de travail et le secteur d’activité des entreprises, leur taille et leur organisation interne du travail sont également susceptibles d’influer sur l’utilisation de la numératie, en particulier dans le cadre professionnel (OCDE, 2016[4]).

L’adoption de pratiques de gestion dites « à haut rendement » peut en particulier intensifier l’utilisation des compétences et la productivité. Ces orientations de la gestion des ressources humaines concernent des aspects relatifs à l’organisation du travail – le travail en équipe, l’autonomie, la hiérarchisation des tâches, le mentorat, la rotation des postes et les nouveaux apprentissages – et se combinent aux orientations managériales – la participation des travailleurs, le caractère incitatif de la politique salariale, les pratiques en matière de formation et la souplesse des horaires de travail (Bloom et Van Reenen, 2010[8]). Il est possible d’appréhender ces orientations, du moins en partie, grâce aux informations recueillies par l’Évaluation des compétences des adultes. Les travailleurs sont en effet interrogés sur la mesure dans laquelle ils collaborent avec leurs collègues, suivent des formations, sont libres de choisir l’ordre de leurs tâches, leur façon de travailler et leur rythme de travail, et disposent d’une certaine souplesse pour organiser leur emploi du temps et leurs activités. Ils indiquent aussi s’ils perçoivent des primes.

La taille de l’organisation où ils travaillent est un autre facteur qui détermine la façon dont ils utilisent leurs compétences. Ceux qui travaillent dans de grandes organisations sont plus susceptibles d’être plus instruits et d’utiliser des technologies plus sophistiquées, d’où une probabilité plus élevée d’activités de numératie.

Le graphique 4.11 indique, dans les pays de l’OCDE à l’étude, la part de la variation de l’utilisation des compétences dans le cadre professionnel qui est imputable à différents facteurs, dont le niveau de compétence des travailleurs, les caractéristiques de leurs fonctions et de leur employeur et des pratiques de gestion des ressources humaines. Les composantes observables reprises dans le modèle expliquent entre 29.0 % et 53.0 % de la variation de l’utilisation des compétences, dont une part comprise entre 1 % et 3.8 % est imputable à des caractéristiques propres aux pays.

L’essentiel de la variation résiduelle est imputable aux pratiques de gestion à haut rendement (entre 15.0 % et 24.0 %, selon les compétences à l’étude) et à la profession des travailleurs (entre 4.5 % et 24.6 %). Par contraste, le score en littératie, en numératie et en résolution de problèmes explique une part minime de la variation de l’utilisation des compétences ; cette part est toutefois légèrement plus élevée en informatique (4.2 %) et en numératie (5.6 %) que dans les autres domaines.

La forte corrélation entre les pratiques de gestion des ressources humaines et l’utilisation des compétences dans le cadre professionnel renvoie aux constats faits dans le rapport de l’OCDE (2016[9]) et dans de nombreuses études : les pratiques participatives – grâce auxquelles les travailleurs sont plus libres de déterminer comment et à quel rythme travailler – encouragent l’utilisation des compétences dans le cadre professionnel. Verser des primes aux travailleurs, leur faire suivre des formations et assouplir leur temps de travail sont autant de pratiques qui encouragent également une plus grande utilisation des compétences.

Ensemble, ces constats confirment que le score n’est pas à lui seul un bon indicateur de l’utilisation des compétences dans le cadre professionnel. Inversement, des caractéristiques spécifiques aux fonctions, par exemple la profession et les pratiques managériales, expliquent une part importante de la variation des compétences dans les domaines à l’étude.

Les travailleurs ont d’autres activités qui n’ont jusqu’ici pas été prises en compte dans les indices d’utilisation des compétences. L’indice d’utilisation des compétences dans le cadre professionnel peut par exemple être calculé en résolution de problèmes comme dans le graphique 4.11. Dans l’Évaluation des compétences des adultes, les répondants indiquent à quelle fréquence ils sont amenés à résoudre des problèmes simples et complexes dans le cadre professionnel. L’indice présenté dans le graphique 4.12 est la moyenne des fréquences déclarées par item, allant de 0 (« jamais ») à 4 (« tous les jours »). La plupart des travailleurs sont souvent amenés à résoudre des problèmes simples, mais nettement plus rarement des problèmes complexes, qui sont en fait le lot quotidien de quelques individus très compétents. Comme en numératie, la moyenne des fréquences déclarées aux deux items confond en partie la fréquence et la complexité des problèmes.

Le graphique 4.12 montre qu’en moyenne, les travailleurs résolvent plus fréquemment des problèmes aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande et en Australie que partout ailleurs, mais que la variation entre les pays et économies est relativement faible. À l’autre extrême, la fréquence moyenne de la résolution de problèmes dans le cadre professionnel est la moins élevée en Équateur, au Mexique, au Pérou et en Turquie. La fréquence moyenne de la résolution de problèmes est plus élevée en Hongrie et au Kazakhstan qu’en Équateur, au Mexique et au Pérou, mais elle est inférieure à la moyenne de l’OCDE dans tous les pays de la troisième vague sauf aux États-Unis.

La fréquence à laquelle les travailleurs conseillent des personnes, s’emploient à les persuader ou les forment est également révélatrice de l’intensité des interactions sociales dans le cadre professionnel. L’indice des interactions sociales dans le cadre professionnel est à peu de choses près calculé comme l’indice d’utilisation de la numératie (voir l’encadré 4.1), en appliquant aux items concernés la théorie de réponse à l’item. Il est dérivé de la fréquence à laquelle les travailleurs entrent en interaction les uns avec les autres (par exemple, pour échanger des informations en rapport avec le travail, coopérer avec des collègues, etc.) et de la fréquence à laquelle leurs fonctions exigent d’eux qu’ils entrent en interaction avec autrui (donner cours, faire des présentations, prodiguer des conseils, persuader autrui, ou vendre des produits ou services).

Selon le graphique 4.13, c’est en Nouvelle-Zélande, puis en Australie ; en Finlande et aux États-Unis que la fréquence des interactions sociales est la plus élevée dans le cadre professionnel. À l’autre extrême, les interactions sociales sont les moins fréquentes au Kazakhstan, en Lituanie, au Pérou et en République slovaque. Tous les pays de la troisième vague, sauf les États-Unis, se situent dans le bas du classement, ce qui suggère que les interactions sociales sont peu fréquentes dans le cadre professionnel.

Le pourcentage d’adultes ne déclarant aucune des interactions sociales citées n’est pas parfaitement aligné sur l’indice, mais ce pourcentage tend à être inférieur dans les pays où l’indice est le plus élevé et à être supérieur dans ceux où l’indice est le moins élevé. Le pourcentage d’adultes sans la moindre interaction sociale est supérieur à la moyenne de l’OCDE dans tous les pays de la troisième vague, sauf aux États-Unis et en Hongrie, et est particulièrement élevé en Équateur, Espagne, au Mexique et en Turquie.

Ces différences qui s’observent entre les pays et économies dans les indices d’interactions sociales et de résolution de problèmes dans le cadre professionnel peuvent s’expliquer par la variation des pratiques de gestion décentralisée, qui amènent les travailleurs à négocier, à conseiller, à donner des cours, etc. plus souvent. Elles pourraient s’expliquer aussi par la nature de la production et par le tissu industriel des pays, dont les spécificités impliquent une variation de l’intensité des interactions sociales, par exemple sur des lignes de production dans l’industrie manufacturière.

C’est la raison pour laquelle les deux graphiques suivants (les graphiques 4.14 et 4.15) indiquent la part de la variance des indices de résolution de problèmes et d’interactions sociales qui est imputable à la profession et au secteur d’activité des travailleurs. Ensemble, la profession et le secteur d’activité des travailleurs expliquent en moyenne entre 7 % et 16 % de la variance de l’indice de résolution de problèmes et entre 13 et 34 % de celle de l’indice d’interactions sociales dans les pays et économies.

La profession des travailleurs explique une plus grande part de la variance : 8 % environ de la variance de l’indice de résolution de problèmes et 15 % de la variance de l’indice d’interactions sociales, en moyenne dans tous les pays de l’OCDE. Par contraste, le secteur d’activité explique une part de la variance égale à 1 % dans l’indice de résolution de problèmes et à 2 % dans l’indice d’interactions sociales. La part de la variance imputable à l’effet conjugué de la profession et du secteur d’activité est toutefois moins élevée dans l’indice de résolution de problèmes en Équateur, au Kazakhstan, au Mexique et au Pérou que dans la plupart des autres pays participants. Ce constat donne à penser que d’autres facteurs que la structure de la production expliquent la variation de la fréquence de la résolution de problèmes dans le cadre professionnel dans ces pays.

Dans ces pays, la profession explique une part de la variance totale de l’indice de résolution de problèmes qui est moins élevée que dans la quasi-totalité des autres pays, tandis que le secteur d’activité en explique une part plus élevée que la moyenne dans l’indice d’interactions sociales. Les parts sont similaires en Espagne, en Fédération de Russie, en Finlande et en Italie.

La profession et le secteur d’activité expliquent une grande part de la variation des indices de résolution de problèmes et d’interactions sociales, mais cette part varie fortement selon la profession et le secteur. Même si la profession et le secteur d’activité sont définis stricto sensu, la fréquence des interactions sociales varie entre les travailleurs concernés. Les fonctions où les interactions sociales sont fréquentes sont aussi moins susceptibles d’être automatisées dans la mesure où en l’état, le développement technologique permet surtout l’automatisation des activités routinières et codifiées.

Nedelkoska et Quintini (2018[2]) ont utilisé cette variation pour estimer le risque d’automatisation des fonctions des travailleurs sur la base des données de l’Évaluation des compétences des adultes. Le risque d’automatisation des fonctions dépend directement de la nature des activités des travailleurs. Selon Nedelkoska et Quintini (2018[2]), la fréquence à laquelle les travailleurs résolvent des problèmes complexes, conseillent des personnes, leurs donnent des cours ou les influencent est en corrélation négative avec la probabilité d’automatisation de leurs fonctions. Toujours selon ces auteurs, de nombreuses professions dans les pays de l’OCDE se caractérisent par un niveau élevé et croissant d’interactions sociales, de résolution de problèmes, de créativité et de bienveillance envers autrui.

Le graphique 4.16 indique le pourcentage de travailleurs dont la probabilité d’automatisation des fonctions est forte (comprise entre 50 % et 70 %) ou très forte (supérieure à 70 %) selon les estimations du risque d’automatisation de Nedelkoska et de Quintini (2018[2]). En moyenne, la probabilité d’automatisation est forte dans 30.2 % des postes et très forte dans 16.6 % des postes dans les pays et économies de l’OCDE participants.

Les moyennes globales occultent toutefois des différences marquées : c’est en République slovaque que le pourcentage de fonctions dont la probabilité d’automatisation est le plus élevé (33.6 %) et en Norvège qu’il est le moins élevé (5.7 %). Dans l’ensemble, le pourcentage de postes dont l’automatisation est probable est moins élevé aux Pays-Bas et dans des pays anglo-saxons et nordiques ainsi qu’en Allemagne, au Chili et au Japon que dans des pays d’Europe de l’Est et du Sud. Le pourcentage de travailleurs dont la probabilité d’automatisation des fonctions est forte ou très forte est supérieur à la moyenne de l’OCDE dans les pays de la troisième vague (sauf aux États-Unis) : il atteint 60.8 % au Mexique et 67.6 % au Pérou, où il est plus élevé que dans tout autre pays ou économie participant.

La prudence est toutefois de rigueur lors de l’interprétation de ces chiffres. La probabilité d’automatisation est dérivée de l’étude des fonctions susceptibles d’être automatisées et non de l’évaluation de la diffusion des technologies d’automatisation dans les pays et économies. De plus, d’autres mécanismes économiques, le prix des facteurs de production par exemple, et le cadre institutionnel peuvent influer sur l’intensité et le rythme de l’adoption de certaines technologies par les employeurs. Tous ces aspects peuvent protéger les travailleurs du risque d’automatisation, même dans les professions et les secteurs qui se prêtent à une grande automatisation.

Les pays au bas du classement de l’utilisation des compétences dans la vie quotidienne (l’Italie, le Kazakhstan, le Pérou et la Turquie) le sont aussi dans celui relatif au cadre professionnel, tandis que l’inverse s’observe dans les pays en tête du classement (les États-Unis, la Finlande, la Nouvelle-Zélande et la République tchèque). Les résultats sont similaires si les individus sont répartis en trois groupes en fonction de l’intensité de l’utilisation de la numératie : les mêmes pays se situent en tête et au bas des classements. Le pourcentage d’utilisateurs intensifs et modérés de la numératie dans le cadre professionnel et la vie quotidienne est inférieur à la moyenne de l’OCDE dans tous les pays de la troisième vague, sauf aux États-Unis, tandis que celui d’utilisateurs occasionnels y est supérieur, sauf aux États-Unis et en Hongrie (dans le cadre professionnel).

Selon le nouvel indice d’interactions sociales, la fréquence des interactions sociales dans le cadre professionnel est nettement inférieure à la moyenne de l’OCDE dans tous les pays de la troisième vague, sauf aux États-Unis, et est inférieure à celle de la plupart des autres pays et économies participants. Il en va de même pour la résolution de problèmes dans le cadre professionnel. Cet état de fait se reflète aussi dans le pourcentage élevé de fonctions dont la probabilité d’automatisation est forte ou très forte (supérieur à 60 % au Mexique et au Pérou) qui se distinguent généralement par des interactions sociales moindres.

Le niveau de compétence en numératie et l’intensité de l’utilisation de la numératie sont en corrélation positive, mais faible, à l’échelle nationale. Un niveau peu élevé de compétence en mathématiques peut faire obstacle à une utilisation intensive de la numératie, mais une plus grande utilisation de la numératie peut freiner l’érosion du niveau de compétence en numératie. La corrélation perd toutefois de son intensité si les pays de la troisième vague sont exclus de l’analyse. De plus, le niveau de compétence explique seulement 5 % à 6 % environ de la variation de l’utilisation de la numératie dans le cadre professionnel dans tous les pays et économies participants, un pourcentage nettement moins élevé que dans d’autres compétences en traitement de l’information.

Si toutes les autres variables de l’utilisation de la numératie sont constantes, l’individu moyen utilise plus la numératie, qu’il soit scolarisé, actif occupé, chômeur ou inactif, s’il est diplômé de l’enseignement tertiaire plutôt que du deuxième cycle de l’enseignement secondaire. C’est l’inverse qui s’observe si cet individu moyen est plus âgé, chômeur ou inactif et qu’il n’est pas diplômé du deuxième cycle de l’enseignement secondaire. Ces associations valent pour les individus scolarisés aussi, sauf s’ils ne sont pas (encore) diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire, car leur utilisation de la numératie est plus intense que celle des diplômés du deuxième cycle de l’enseignement secondaire, toutes choses étant égales par ailleurs.

Une grande partie de la variation de l’indice des activités de numératie s’explique par les fonctions des travailleurs ainsi que par le mode de gestion des ressources humaines dans leur organisation. Les pratiques de gestion et d’organisation du travail « à haut rendement » expliquent entre 15 % et 24 % de la variation de l’utilisation des compétences chez les adultes, ce qui en fait le facteur le plus déterminant de tous ceux à l’étude. Ce constat cadre bien avec les initiatives prises par les pays pour promouvoir une meilleure utilisation des compétences par l’innovation (grâce à la formation, par exemple) dans le monde du travail, dont les pratiques à haut rendement sont des catalyseurs.

Références

[8] Bloom, N. et J. Van Reenen (2010), « Why do management practices differ across firms and countries? », Journal of Economic Perspectives, Vol. 24/1, pp. 203-224, https://doi.org/10.1257/jep.24.1.203.

[6] Braun, H. et M. von Davier (2017), « The use of test scores from large-scale assessment surveys: psychometric and statistical considerations », Large-scale Assessments in Education, Vol. 5/1, p. 17, https://doi.org/10.1186/s40536-017-0050-x.

[1] Jonas, N. (2018), « Les pratiques et les compétences des adultes en numératie », Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, n°177, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/3545c222-fr.

[2] Nedelkoska, L. et G. Quintini (2018), « Automation, skills use and training », Documents de travail de l’OCDE sur les affaires sociales, l’emploi et les migrations, n°202, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/2e2f4eea-en.

[5] OCDE (2019), Technical Report of the Survey of Adult Skills, Third Edition, http://www.oecd.org/skills/piaac/publications/PIAAC_Technical_Report_2019.pdf.

[9] OCDE (2016), Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2016, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/empl_outlook-2016-fr (consulté le 17 mai 2019).

[4] OCDE (2016), L’importance des compétences : Nouveaux résultats de l’Évaluation des compétences des adultes, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264259492-fr.

[3] OCDE (2013), Perspectives de l’OCDE sur les compétences 2013 : Premiers résultats de l’Évaluation des compétences des adultes, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264204096-fr.

[7] Paccagnella, M. (2016), « Age, ageing and skills: Results from the Survey of Adult Skills », Documents de travail de l’OCDE sur l’éducation, n°132, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/5jm0q1n38lvc-en.

Notes

← 1. Le graphique 4.3 est le graphique 2.3 publié dans Jonas (2018[1]), à ceci près que les pays de la troisième vague du PIAAC y figurent. La valeur moyenne de l’indice d’intensité est légèrement différente de celle publiée dans Jonas (2018[1]), car l’IRT exploite les données de l’échantillon global pour situer les individus et les pays dans le classement.

← 2. La corrélation entre le score et l’utilisation des compétences est positive et très marquée à l’échelle des travailleurs, que les pays d’Amérique latine soient ou non exclus. Le coefficient est similaire aussi, entre 0.2 et 0.3 selon la spécification.

← 3. D’autres écarts négatifs ne sont pas statistiquement significatifs (voir le tableau A4.4).

← 4. Le niveau élevé d’agrégation des professions peut influer sur les coefficients si l’utilisation des compétences varie fortement entre les professions de la même catégorie à un chiffre.

← 5. Le modèle empirique proposé ici comporte peu de variables concernant l’utilisation de la numératie. Il pourrait être étendu à d’autres variables, par exemple à des caractéristiques de l’employeur (la taille de l’organisation et le secteur d’activité) ou des travailleurs (leur expérience ou leur milieu familial).

← 6. Contrairement aux autres covariables du modèle, le niveau de compétence est une variable continue et non une variable catégorielle. La normalisation préalable permet d’interpréter les coefficients sous la forme de l’écart-type du niveau de compétence.

← 7. Être jeune au lieu d’avoir entre 25 et 54 ans se reflète différemment dans l’utilisation de la numératie dans le cadre professionnel et dans la vie quotidienne. Ces différences sont visibles dans le graphique 4.8.

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