1. Introduction

Le rapport porte sur les comptes courants personnels et professionnels, les prêts bancaires en faveur des très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) et les services de paiement mobile.

  • Les comptes courants servent à conserver de l’argent accessible rapidement, à effectuer et recevoir des paiements et à emprunter de l’argent à court terme au moyen d'une autorisation de découvert. Ils sont proposés par les banques et par La Poste, l’opérateur postal tunisien. Les entreprises voient souvent les comptes courants comme un moyen d'établir une relation bancaire avec le prestataire.

  • Les TPME ont accès à un large éventail d'instruments de financement par l’emprunt ou en fonds propres. Les premiers englobent les prêts bancaires, le crédit-bail, l'affacturage et la microfinance, et les seconds le marché boursier et le capital-risque. Le rapport se concentre sur les prêts bancaires mais fournit au besoin des informations sur le crédit-bail et l’affacturage. En Tunisie, les prêts bancaires aux TPME englobent l'autorisation de découvert, les prêts à court terme (d’une durée inférieure à un an), à moyen terme (d’une durée comprise entre un et sept ans) et à long terme (d’une durée supérieure à sept ans). Les produits de la microfinance n’entrent pas dans le champ de l’examen.

  • Les services de paiement mobile englobent toutes les opérations effectuées avec un téléphone mobile – ouverture d’un compte de paiement, paiement en espèces et retrait d’espèces, opérations de transfert d’argent, paiement électronique et carte électronique prépayée, entre autres. En Tunisie, ces services sont encore en cours de développement, et les parties prenantes rencontrées ont fait part de leurs préoccupations concernant d’éventuelles barrières à l’entrée. C’est pourquoi le chapitre 6 s'appuie sur le Manuel pour l'évaluation de l'impact sur la concurrence de l’OCDE pour repérer la législation pertinente et mettre en évidence les obstacles à la concurrence.

Le projet prend la forme d’une étude de marché couplée avec une évaluation de la concurrence. L'étude de marché a été réalisée selon la méthode décrite dans le Guide sur les études de marché à l'intention des autorités de la concurrence publié par l’OCDE (OCDE, 2018[1]). Pour étudier un marché, il est nécessaire d'évaluer le fonctionnement global de la concurrence afin de bien cerner l’impact des forces et des structures du marché. Cette évaluation approfondie repose sur des données empiriques et tient compte du comportement des consommateurs et des entreprises (qu’elles soient déjà sur le marché ou envisagent d’y entrer) et de la réglementation. Les études de marché peuvent être utilisées à diverses fins. Elles peuvent par exemple être employées dans un but de promotion de la concurrence, afin de repérer les aspects négatifs pour les consommateurs et de définir les réformes nécessaires pour que le fonctionnement des marchés leur soit plus favorable. Elles peuvent aussi être un moyen de mieux connaître un secteur particulier, ce qui peut par la suite être utile aux décideurs, ou aider les autorités de la concurrence à faire respecter le droit de la concurrence parce qu’elles facilitent la découverte de preuves sur le comportement des entreprises.

L'évaluation de la concurrence a quant à elle été réalisée comme indiqué dans le Manuel pour l'évaluation de la concurrence mis au point par le Groupe de travail no 2 du Comité de la concurrence de l’OCDE (OCDE, 2019[2]). Le Manuel décrit la méthode à suivre pour repérer les dispositions législatives et réglementaires susceptibles de faire obstacle à la concurrence. Le projet adopte une approche associant étude de marché et évaluation de la concurrence.

Le secteur des services financiers est très réglementé en raison de son importance pour l’économie dans son ensemble. Les consommateurs comptent sur les banques pour recevoir et effectuer des paiements, conserver leur épargne et obtenir des prêts. De leur côté, les entreprises doivent pouvoir accéder à des financements pour mener et développer leur activité. L’une des principales finalités de la réglementation financière est d’atténuer les risques que les établissements financiers sont susceptibles de faire peser sur la stabilité financière, par exemple en prenant des risques excessifs sans tenir compte des conséquences de leur comportement sur le reste de l’économie.

Pour autant, les restrictions imposées à ces établissements doivent rester proportionnées par rapport aux avantages attendus. À défaut, une réglementation trop stricte peut avoir une incidence négative sur la concurrence parce qu’elle fait obstacle à l’entrée ou à l’expansion. Pour repérer les faiblesses des marchés financiers, il faut impérativement en comprendre le fonctionnement, les problèmes provenant souvent de l’interaction entre les pratiques du marché, le comportement du consommateur et la réglementation qui détermine la situation du marché.

La relation entre la concurrence dans le secteur bancaire et la stabilité financière est complexe. D'après Vives (2016[3]), la concurrence peut mettre en péril la stabilité financière aussi bien à travers le passif qu’à travers l'actif du bilan des intermédiaires financiers. Premièrement, elle peut accentuer le problème de coordination des déposants et des investisseurs et augmenter ainsi le risque de ruée bancaire. Deuxièmement, elle est susceptible d’accroître la tentation de prendre des risques et le risque de faillite bancaire.

Toutefois, toujours d'après Vives (2016[3]), il est possible de limiter cette corrélation négative entre concurrence et stabilité financière en introduisant une réglementation qui internalise les externalités et des normes de fonds propres, et en coordonnant politique de la concurrence et politique prudentielle. Ainsi, il peut être envisagé d'assortir une politique de la concurrence qui facilite l’entrée sur le marché et renforce la contestabilité du marché – en abaissant le coût du changement de fournisseur ou en augmentant les informations à la disposition des consommateurs, par exemple – d’un durcissement des exigences prudentielles. Il arrive aussi que la réglementation prudentielle constitue un obstacle à l’entrée, notamment pour les petites entreprises, en particulier lorsque les coûts supportés pour respecter la réglementation augmentent en raison de nouvelles règles.

Il existe en outre des domaines dans lesquels la politique de la concurrence va dans le même sens que la politique prudentielle et joue un rôle complémentaire. À titre d’exemple, la concurrence atténue le risque lié aux banques d'importance systémique et les distorsions provoquées par les avantages dont jouissent les grandes banques en matière de financement. Par ailleurs, la création d’une infrastructure de marché, par exemple d’un bureau d'information sur le crédit, est de nature à atténuer le risque de crédit grâce à une réduction des asymétries d’information et à limiter l’avantage concurrentiel dont bénéficient les grandes banques disposant d’une grosse clientèle.

L’OCDE adopte une approche globale et fait appel à la fois au Manuel pour l'évaluation de l’impact sur la concurrence et aux outils d’étude de marché afin de cerner la dynamique du marché et de formuler des recommandations tenant compte à la fois des pratiques du marché et du cadre réglementaire.

L’analyse présentée dans ce rapport repose sur des informations provenant de sources très diverses, notamment d’entretiens avec plusieurs parties prenantes, d’un examen de la législation relative au secteur bancaire, de deux enquêtes auprès des consommateurs et de TPME, de données accessibles au public diffusées par des organisations tunisiennes et internationales. À cela s'ajoutent des données de Refinitiv, un fournisseur de données, et des données qualitatives et quantitatives communiquées par la BCT. Cette section décrit brièvement chacune de ces sources.

L’équipe de projet a organisé 52 rencontres avec les différentes parties prenantes, y compris 33 en présentiel et 19 par vidéoconférence. L’équipe a rencontré des représentants de l'administration tunisienne, des hauts cadres des banques de la place, des acteurs du secteur privé et des représentants de partenaires internationaux.

La recherche des dispositions législatives et réglementaires à retenir s’est faite au moyen de la base de données juridique en ligne Qanouni et de la liste des textes applicables (telle qu’elle se présentait en janvier 2022) publiée sur le site Internet de la BCT. Des éléments fournis par la BCT sont venus compléter les résultats de cette recherche. Après affinement, 68 textes législatifs et réglementaires applicables au secteur bancaire ont été analysés dans le cadre du projet.

L’OCDE a chargé Emrhod Consulting, une société d’étude de marché ayant des bureaux à Tunis et à Alger, d'administrer deux enquêtes, l’une auprès des consommateurs (nommée « l’enquête auprès des consommateurs » dans la suite du document) et l’autre auprès des TPME (« l’enquête auprès des TPME »).

Les questions posées dans la première enquête devaient principalement permettre de savoir :

  • si les personnes interrogées disposent d’un compte courant personnel ou d'un compte de dépôt ou d'aucun de ces deux types de comptes ;

  • à quel prestataire de compte courant elles font appel ;

  • quels critères entrent en ligne de compte dans le choix d’un prestataire ;

  • quel type d’interactions les personnes entretiennent avec le marché des comptes courants personnels – propension à comparer différents prestataires avant d’en choisir un, changement de prestataire et raisons ayant motivé leur choix, par exemple.

Les questions posées dans l’enquête auprès des TPME devaient principalement permettre de savoir :

  • si la TPME est titulaire d'un compte professionnel ;

  • à quel prestataire de compte courant elle fait appel ;

  • quels critères entrent en ligne de compte dans le choix d’un prestataire ;

  • quel type d’interactions les TPME entretiennent avec le marché des comptes courants professionnels ;

  • quelle perception les TPME ont des services permettant de réaliser des opérations internationales ;

  • quelles démarches les TPME doivent accomplir pour obtenir un financement et quels obstacles les empêchent d'accéder à un financement.

L’Annex C fournit des précisions sur la méthode employée et contient le questionnaire qui a servi de base à chaque enquête.

L'analyse fait appel à diverses données accessibles au public.

  • Enquêtes sur les entreprises conduites par la Banque mondiale. Administrées auprès d’un échantillon représentatif d’entreprises privées, les Enquêtes sur les entreprises de la Banque mondiale servent à recueillir des données sur les caractéristiques et les performances des entreprises et sur de multiples sujets, dont l’accès au financement. Elles sont administrées alternativement en Europe et en Asie centrale, dans la région MENA, en Asie du Sud, en Asie de l’Est et dans le Pacifique, et dans la région Amérique latine et Caraïbes (Banque mondiale, 2022[4]).

  • Base de données Global Findex de la Banque mondiale. La base de données Global Findex 2021 contient près de 300 indicateurs, se rapportant à 160 pays, sur la possession d'un compte, les paiements, l'épargne, le crédit et la résilience financière. Les données peuvent en outre être ventilées selon sexe, le niveau de revenu, la participation au marché du travail, l’âge et le milieu de vie (urbain ou rural) (Banque mondiale, 2021[5]).

  • Base de données mondiale sur le développement financier. Cette base de données contient 108 indicateurs financiers renseignant sur la profondeur, l'accessibilité, l'efficacité et la stabilité des systèmes financiers de 214 économies (Banque mondiale, 2022[6]).

  • Bases de données des perspectives de l’économie mondiale du Fonds monétaire international (FMI). Ces bases de données contiennent des informations sur les comptes nationaux, la politique monétaire, les échanges commerciaux, les finances publiques et la balance des paiements (Fonds monétaire international, 2023[7]).

  • World Federation of Exchange (WFE). Les bases de données de la World Federation of Exchange (WFE) contiennent des informations sur les marchés nationaux des actions et des obligations d’entreprise (The World Federation of Exchanges, 2022[8]).

  • Données publiées sur le site Internet de la BCT. Le site Internet de la BCT et les rapports qu’elle publie fournissent de nombreuses informations sur le secteur bancaire tunisien.

  • Données publiées sur le site Internet de la Bourse des valeurs mobilières de Tunis (BVMT). Le site Internet de la BVMT fournit des informations sur les principaux actionnaires (détenant plus de 5 % du capital) des entreprises cotées et sur la composition du conseil d'administration de ces entreprises (Bourse des Valuers Mobiliéres de Tunis, 2023[9]).

  • Données du site Internet de l’Institut national de la statistique (INS). Le site Internet de l’INS publie des informations sur le nombre d’entreprises en Tunisie, ventilées en fonction de diverses caractéristiques – implantation géographique, effectif, activité économique par exemple.

  • Données issues des rapports annuels des banques tunisiennes.

Lorsque cela était pertinent et possible, les données sur le secteur tunisien de la banque de détail ont été comparées avec des données se rapportant à un ensemble d'autres pays comparables, ce qui a permis de savoir si la situation est différente de ce qu’elle pourrait être dans un environnement plus concurrentiel. Même s'il n’existe pas de base de comparaison parfaite parce que les services financiers peuvent différer d’un pays à l'autre et que la concurrence ne fonctionne pas toujours parfaitement dans les pays comparables, les données relatives à la Tunisie ont été confrontées aux données disponibles se rapportant à d'autres pays de la région MENA, de même qu’aux pays de l’UE et de l’OCDE. D’une part, les pays géographiquement proches peuvent avoir en commun avec la Tunisie des caractéristiques culturelles, économiques et réglementaires, ce qui en fait des points de repère intéressants. D'autre part, on retrouve parfois dans ces pays certains des facteurs susceptibles d’expliquer la situation du marché observée en Tunisie. C’est pourquoi, lorsque les données disponibles le permettent, ce rapport présente des comparaisons avec des pays de la région MENA, de l’UE et de l’OCDE.

Enfin, les pays inclus dans la région MENA variant d’une source à l'autre, une note précise quels pays sont pris en compte pour chacune des comparaisons.

Le rapport utilise des données de Refinitiv, un fournisseur de données sur les marchés financiers et d’infrastructures financières. La base de données contient notamment des informations générales sur le bilan, le compte de résultat et l'actionnariat des banques.

À la suite des premières discussions avec les parties prenantes, l’OCDE a préparé des questionnaires qualitatifs et quantitatifs pour obtenir diverses informations de la part d'acteurs publics et privés.

La BCT a communiqué des informations qualitatives sur le plafond appliqué au taux d'intérêt sur les prêts, sur les registres publics contenant des informations sur les crédits et sur les objectifs visés par les pouvoirs publics à travers certaines dispositions législatives. Elle a également fourni des données agrégées anonymisées sur : i) le taux d'intérêt moyen appliqué par les banques sur divers types de prêts et son évolution dans le temps, ii) le portefeuille de prêts des plus grandes banques, iii) le volume de comptes courants et les recettes autres que les intérêts liées à ces comptes courants, iv) la liste des frais bancaires liés aux comptes courants v) le réseau d'agences des banques et vi) le taux d’intérêt moyen appliqué par les banques sur divers types de prêts et son évolution dans le temps.

Toutefois, bon nombre des informations qualitatives et quantitatives demandées n’étaient pas disponibles ou n’ont pas été communiquées. Plus précisément, l’OCDE n'a pas obtenu i) d’informations qualitatives précises sur la stratégie et les pratiques des banques, ii) de données sur le volume des prêts consentis à des emprunteurs liés à la banque, iii) de données granulaires sur les prêts – notamment le coût, le montant et les caractéristiques des emprunteurs (par exemple des informations sur la taille des emprunteurs, permettant de faire la différence entre très petites, petites et moyennes entreprises) –, qui auraient permis d'évaluer l’impact du plafond appliqué aux taux d'intérêt sur les prêts, et iv) de données complètes sur la structure de l'actionnariat et sur la composition des conseils d'administration des banques, en particulier des banques non cotées.

Du fait de ce manque d'informations, il est difficile d'apprécier le fonctionnement de la concurrence dans les secteurs étudiés, et, dans certains cas, impossible d'évaluer l’incidence de certaines caractéristiques du marché sur la performance du marché.

Ce document est structuré de la façon suivante.

  • Le chapitre 2 présente un panorama du secteur tunisien de la banque de détail, des principaux acteurs du marché et du cadre institutionnel et réglementaire.

  • Le chapitre 3 décrit plusieurs aspects de ce secteur qui ont une incidence sur le fonctionnement de la concurrence, à savoir la présence de l’État, l'influence exercée sur les banques par de grands groupes industriels, le rôle de l’association bancaire, l'inefficacité des mécanismes de médiation à la disposition des consommateurs tunisiens et le manque de coopération entre la BCT et le Conseil de la concurrence.

  • Le chapitre 4 présente l’évaluation de la concurrence sur le marché des comptes courants personnels et professionnels.

  • Le chapitre 5 présente l’évaluation de la concurrence sur le marché des prêts bancaires aux TPME.

  • Le chapitre 6 évalue la législation relative aux paiements mobiles au moyen du Manuel pour l'évaluation de la concurrence de l’OCDE.

  • Le chapitre 7 présente l'évaluation des barrières à l’entrée et à l’expansion présentes dans le secteur de la banque de détail.

  • Le chapitre 8 est consacré à la synthèse des résultats.

  • Le chapitre 9 présente les recommandations.

Pour conclure, le chapitre 10 quantifie les avantages que le consommateur retirerait de la mise en œuvre des recommandations.

Références

[4] Banque mondiale (2022), Enterprise Surveys Indicators Data, https://www.enterprisesurveys.org/en/enterprisesurveys (accessed on 22 May 2023).

[6] Banque mondiale (2022), Global Financial Development Database, https://www.worldbank.org/en/publication/gfdr/data/global-financial-development-database (accessed on 22 May 2023).

[5] Banque mondiale (2021), The Global Findex Database 2021, https://www.worldbank.org/en/publication/globalfindex (accessed on 22 May  2023).

[9] Bourse des Valuers Mobiliéres de Tunis (2023), Listed companies, https://www.bvmt.com.tn/fr/entreprises/list (accessed on 25 May 2023).

[7] Fonds monétaire international (2023), World Economic Outlook Database, https://www.imf.org/en/Publications/WEO/weo-database/2023/April (accessed on 22 May 2023).

[2] OCDE (2019), OECD Competition Assessment Toolkit, https://www.oecd.org/competition/assessment-toolkit.htm (accessed on 22 May 2023).

[1] OCDE (2018), Market Studies Guide for Competition Authorities, https://www.oecd.org/competition/market-studies-guide-for-competition-authorities.htm (accessed on 1 August 2022).

[8] The World Federation of Exchanges (2022), Welcome to the future of markets, https://www.world-exchanges.org/ (accessed on 22 May 2023).

[3] Vives, X. (2016), Competition and stability in banking : the role of regulation and competition policy, Princeton University Press.

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