1. Les politiques du logement à l’ère de l’après-COVID-19

Les évolutions récentes résultent en une intrication d’enjeux pour l’action publique qui, directement ou indirectement, ont des retombées sur le secteur du logement. La hausse des prix de l’énergie a rappelé l’urgence de décarboner le logement pour pouvoir atteindre les objectifs convenus en matière de changement climatique. Le resserrement des conditions monétaires visant à juguler l'inflation dans le sillage de la pandémie et du choc sur les prix de l’énergie a eu pour effet d'accroître les coûts de financement du logement. Les épisodes de confinement à répétition et l’extension des pratiques de télétravail ont sans doute modifié pour de bon les équilibres vie professionnelle-vie privée, alors que les efforts de protection de l’environnement rebattent les cartes sur les marchés du logement.

Le présent chapitre est consacré à la manière dont les politiques publiques peuvent permettre de répondre à ces enjeux. Il passe en revue les instruments que les responsables de l’action publique peuvent mobiliser pour arriver à fournir des logements abordables, assurer un fonctionnement efficace des marchés du logement et préserver l’environnement, aujourd'hui et à plus longue échéance, sachant que certaines options impliquent d'arbitrer entre ces différents objectifs. Ce chapitre s’inspire des analyses et recommandations formulées de manière plus détaillées dans le reste de l’ouvrage, notamment les instruments d'action publique destinés à décarboner le logement (chapitre 2), mobiliser les financements immobiliers pour non seulement rendre l’économie plus efficience et plus résiliente mais aussi financer la transition climatique (chapitre 3), et tirer parti de la nouvelle géographie du logement en train de se dessiner sous l’effet de la révolution numérique et de la demande d’aménités environnementales (chapitre 4).

Les ménages à faible revenu, qui étaient déjà nombreux à devoir supporter une charge de loyers et de crédits hypothécaires trop élevée avant la pandémie, risquent de voir augmenter leurs difficultés de logement. Avant les crises liées à la pandémie et au coût de la vie, dans les pays de l’OCDE, en moyenne, plus d’un tiers des locataires à faible revenu sur trois sur le segment privé du marché locatif consacraient plus de 40 % de leur revenu disponible au seul poste du loyer, ce qui signifie qu’ils étaient déjà considérés en situation de surcharge liée au coût du logement (Graphique 1.1, partie A). Parallèlement, les taux de surcharge chez les propriétaires à faible revenu ayant contracté un emprunt hypothécaire s’établissaient à 61 % au Costa Rica, 54 % en Nouvelle-Zélande et 49 % en Italie, avec des variations considérables entre les pays de l’OCDE (Graphique 1.1, partie A). La forte hausse des prix observée en 2022 dans les postes de dépenses liés au logement aggrave les tensions sur les budgets des ménages et va probablement intensifier encore les taux de surcharge financière (Graphique 1.1, partie B). Ces évolutions devraient être surveillées de près et évaluées au regard des récentes mesures (aides au revenu et subventions) prises par les pouvoirs publics dans les pays de l’OCDE1.

La montée des taux d’intérêt, la hausse des coûts de construction et de main-d’œuvre, les prix élevés des logements et la levée des mesures temporaires de soutien adoptées pendant la pandémie de COVID-19 ont des répercussions sur l’accessibilité financière à court et à moyen terme (Graphique 1.2). Il existe un risque d'augmentation des expulsions et du nombre de sans-abri (Encadré 1.1.), dans la mesure où les aides temporaires au logement (par exemple les interdictions d’expulsion ou la suspension des remboursements de prêts hypothécaires) mises en œuvre au début de la pandémie sont maintenant progressivement supprimées. Les données récentes disponibles pour certains pays indiquent une baisse ou une stabilisation du taux d’expulsions de locataires par rapport aux chiffres pré-pandémie. Par exemple, les avis d’expulsion exécutés en Italie sont passés de 32 546 en 2015 à 9 537 en 2021, tandis qu’au Royaume-Uni (Angleterre), ils sont passés de 41 453 à 9 471. De toute façon, il a toujours été entendu que les interdictions d’expulsion et les dispositifs de suspension des remboursements de prêts immobiliers n'étaient que des mesures temporaires face à des problèmes de nature plus structurelle, puisqu’elles ne permettent pas de s’attaquer aux causes profondes de la vulnérabilité au coût du logement.

Néanmoins, le contexte actuel rend plus difficile une réponse structurelle fondamentale qui permettrait de rendre le logement plus abordable, à savoir la construction de nouveaux logements sociaux et abordables, déjà insuffisante avant la pandémie. De fait, au cours des deux dernières décennies, l’investissement public dans la construction de logements a diminué en moyenne dans les pays de l’OCDE, notamment depuis le pic atteint en 2009 (Graphique 1.3). Le total de l’investissement public dans le logement et les équipements collectifs, vaste catégorie qui englobe à la fois les transferts de capitaux publics et l’investissement direct dans de nombreux domaines dont la construction de logements, l’aménagement local et l’approvisionnement en eau et l’éclairage public, a chuté de près de 30 % entre 2009 et 2020. Dans la seule construction de logements, l’investissement public total a été quasiment divisé par deux sur la même période.

Dans le contexte actuel, l’augmentation des coûts de la construction due au renchérissement des matières premières, des machines et de la main-d’œuvre, et l’émergence de normes d’efficacité énergétique plus exigeantes (voir le chapitre 2) ainsi que la hausse des taux d’intérêt (voir ci-après) poussent à la hausse le coût des logements (Graphique 1.4). En conséquence, de nombreux projet ont été suspendus, notamment dans le logement social et abordable, lorsque la capacité des promoteurs à augmenter les loyers pour répercuter la hausse des coûts sur les locataires était limitée. En Allemagne, les municipalités et les représentants du secteur du bâtiment prévoient que 70 % des projets dans le logement social et abordable pourraient être compromis. Au Royaume-Uni, certains projets de logements abordables risquent de ne pas voir le jour, ou bien seront inférieurs à ce qui est prévu dans le cadre du programme britannique Affordable Homes Programme4. Ce renchérissement des coûts alimente également les crispations sur un marché locatif déjà tendu, ce qui pourrait faire encore augmenter les loyers des locataires vulnérables. Ainsi, au Royaume-Uni, les loyers privés ont connu en novembre 2022 la plus forte hausse annuelle en pourcentage jamais enregistrée depuis le début des relevés en janvier 2016.

Adopter une approche systémique à long terme de l’investissement dans le logement abordable et social pourrait aider à mieux gérer certains de ces risques et placer le secteur sur une base plus stable. Plusieurs pays de l’OCDE ont mis en place des fonds autorenouvelables dans le but de créer un mécanisme durable et à long terme permettant d'orienter l’investissement vers le logement social et abordable.

Les dépenses d'énergie des ménages ont augmenté fortement en raison du choc sur les prix des combustibles fossiles provoqué par le déclenchement de la guerre en Ukraine (Graphique 1.5). Dans certains pays, la sécheresse a en outre accentué les tensions à la hausse sur les prix de l’électricité. Dans les pays de l’OCDE, le chauffage et l’eau chaude représentent en moyenne 75 % de la consommation d’énergie domestique (chapitre 2).

Le choc sur les prix de l’énergie pose des problèmes particulièrement aigus aux ménages à faible revenu et aux personnes vivant dans des logements mal isolés, sachant qu’en outre, ces difficultés ont tendance à se cumuler (Graphique 1.6). L’énergie domestique consommée par les ménages est destinée à satisfaire leurs besoins essentiels, si bien que face à de fortes hausses, il leur impossible de réagir en réduisant rapidement leur consommation. De ce fait, les familles à faible revenu en viennent à consacrer à l’énergie une proportion plus importante de leur revenu (Graphique 1.7), même si l'écart par rapport aux groupes à revenu élevé est relativement modeste dans plusieurs pays.

La forte hausse des prix des combustibles fossiles a mis en lumière la nécessité de décarboner le secteur du logement par une amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments et par des mesures favorisant la transition vers une utilisation accrue des combustibles verts pour la consommation directe ou indirecte d’énergie. Une meilleure isolation des logements et l’utilisation d'appareils économes en énergie permettent de réduire la consommation et d'atténuer l'impact des hausses des prix de l’énergie sur le budget des ménages. La consommation d’énergies plus vertes dans les bâtiments permet d'abaisser encore la dépendance du secteur aux combustibles fossiles. Augmenter l’efficacité énergétique des logements et recourir davantage à des sources d’énergie bas carbone permettrait aussi de rendre moins nécessaire l’adoption de mesures d’aide à court terme destinées à alléger la charge que les chocs sur les prix des combustibles fossiles fait peser sur les budgets des ménages (Tableau 1.2).

L'autre pilier de la décarbonation du logement, en plus d’une meilleure efficacité énergétique, réside dans l’abandon progressif de la consommation de combustibles fossiles par les ménages conjugué à la décarbonation de la production d'électricité. Les chaudières à gaz, à fioul et à charbon doivent céder progressivement la place à des appareils utilisant l'électricité et, dans une moindre mesure, la biomasse (comme le bois) et les énergies renouvelables (panneaux photovoltaïques installés sur les toits par exemple) (Graphique 1.8). L'électrification peut contribuer à la décarbonation du secteur du logement pour autant que la production d’électricité évolue vers des sources décarbonées : à cet égard, la réduction des émissions liées au logement dépend donc de la réussite des efforts de décarbonation de la production d’électricité.

Les efforts de décarbonation du logement auraient en outre pour avantage de réduire les vulnérabilités par rapport aux fluctuations des prix des combustibles fossiles. Cela étant, leur objectif premier demeure de contribuer à la neutralité des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050, conformément aux objectifs convenus en matière de changement climatique. Le logement est en effet un élément clé de la réussite des stratégies d’atténuation du changement climatique, car ce secteur est responsable de plus d’un quart du CO₂ émis en moyenne dans les pays de l’OCDE. Au cours des deux dernières décennies, les émissions liées au logement ont diminué de 17 % en moyenne dans les pays de l’OCDE, mais une réduction beaucoup plus rapide, allant bien au-delà de ce que les politiques actuellement annoncées devraient permettre d’atteindre, sera nécessaire pour parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Comme exposé dans le chapitre 2, pour être efficaces, les trains de mesures de décarbonation des bâtiments doivent comporter une tarification des émissions liées au logement et s'accompagner de mesures complémentaires destinées à tenir compte des spécificités du secteur qui rendent la tarification à elle seule insuffisante. La tarification constitue un outil puissant pour créer des incitations à éviter les émissions, dans le secteur du logement comme dans d'autres (D’Arcangelo et al., 2022[12]). Des taxes sur les combustibles fossiles utilisés dans les logements ou des mécanismes d’échange de droits d'émission constituent, s’ils sont correctement calibrés, un moyen efficace de tarifier les émissions résidentielles (Tableau 1.3). Dans les pays où la fiscalité indirecte est déjà élevée, cette tarification ne doit pas forcément prendre la forme de taxes supplémentaires, mais peut nécessiter de revoir les taux afin de mieux les ajuster en fonction des émissions de CO2 et d’autres polluants.

La tarification des émissions directes des logements doit aller de pair avec une tarification efficace des émissions issues de la production d’électricité. Cette combinaison est importante pour trois raisons : d'abord, elle crée des incitations à remplacer les combustibles fossiles par l’électricité dans les logements ; ensuite, elle vise à garantir que l'électricité domestique provient de sources à faible teneur en carbone ; et enfin, elle crée des incitations appropriées à économiser l’énergie et à investir dans la rénovation énergétique.

La tarification du carbone doit cependant être complétée par d'autres mesures. En effet, les incitations divergent selon les différents statuts d’occupation des logements. Il est important de signaler que les propriétaires seront peu incités à investir dans l’électrification et l’isolation si les économies réalisées sur les factures d'énergie bénéficient finalement aux locataires, et s’il ne leur est pas possible de répercuter sur les loyers les coûts de cette rénovation. Les locataires ne sont pas tellement incités à investir non plus, parce que les contrats de location sont souvent trop courts pour que l’abaissement des factures d'énergie futures puisse compenser des investissements initiaux souvent conséquents. De fait, la période nécessaire à la rentabilisation d'investissements dans la rénovation énergétique d'un logement est généralement longue, notamment pour les travaux d’isolation (chapitre 2). Dans les copropriétés, des problèmes de coordination épineux peuvent aussi se poser entre les propriétaires. Pour toutes ces raisons, le secteur du logement réagit plus faiblement à l’évolution de la tarification du carbone que d’autres secteurs comme les transports, l'industrie ou la production d’électricité.

Dans ce contexte, les pouvoirs publics peuvent, en complément de la tarification du carbone, prendre diverses mesures pouvant aller d’une réglementation environnementale à des subventions ou aides financières (Tableau 1.3). La réglementation est un instrument adapté lorsqu’il s'agit de supprimer progressivement les chaudières à combustibles fossiles, d'imposer des normes de neutralité carbone dans la construction des logements ou de mettre en place une certification de la performance énergétique des bâtiments. Il importe tout particulièrement d'imposer le certificat de performance énergétique à tous les bâtiments, non seulement aux nouveaux, car les nouvelles constructions représentent moins de 1.5 % du parc dans les pays de l’OCDE, ce qui rend nécessaire la rénovation énergétique des logements existants (Graphique 1.9). Le durcissement de la réglementation dans ce domaine suscite souvent des résistances, qu’il est possible de surmonter en assortissant les obligations d’aides financières sous la forme de subventions (chapitre 2). Le calendrier de mise en œuvre progressive des obligations de neutralité carbone doit tenir compte du rythme auquel le secteur de la rénovation peut se développer et en même temps acquérir les compétences nécessaires, ainsi que de la disponibilité des matières premières nécessaires. Un autre élément à prendre en compte dans la calendrier des obligations de rénovation énergétique consiste à éviter de provoquer une forte dépréciation de la valeur des actifs immobilier, qui pourrait faire peser des risques sur la stabilité financière.

Il est possible de faire davantage appel aux marchés financiers pour accélérer la décarbonation du logement. Les intermédiaires financiers peuvent jouer un rôle important en aidant à lisser le coût des investissements dans la rénovation énergétique des logements, qui ne deviennent souvent rentables qu’au bout d'une période très longue. Cependant, les financements de la rénovation énergétique sont insuffisants, surtout si on les compare aux prêts à la consommation ou aux prêts hypothécaires. Pourtant, des données empiriques montrent qu’investir dans l’amélioration de efficacité énergétique permet d'accroître la valeur des logements et de réduire les factures énergétiques futures des propriétaires, augmentant ainsi la capacité de remboursement des prêts par les emprunteurs, ce qui devrait se traduire par une baisse des coûts de l’emprunt.

Pour progresser dans ce domaine, il est indispensable d’améliorer la transparence et la comparabilité de l’étiquetage énergétique des produits financiers adossés à des actifs immobiliers (Tableau 1.3 et chapitre 3). La fragmentation et l’opacité de ce marché empêchent les prêteurs et les marchés sur lesquels ils se financent de refléter le risque plus faible associé aux prêts consentis pour la rénovation énergétique des logements. L’expansion du marché des produits de financement de logements écologiques nécessite une certification de la performance énergétique de tous les bâtiments (et pas seulement de ceux destinés à la vente ou à la location) qui soit à la fois fiable et internationalement comparable, avec une transparence suffisante des produits financiers, prêts et instruments de placement associés.

La situation sur le marché du logement a évolué. Pour les acquéreurs, après une période prolongée de faiblesse des taux d'intérêt, les taux nominaux ont augmenté dans les pays de l’OCDE (Graphique 1.10), dans un contexte où les autorités monétaires sont aux prises avec une inflation élevée. Même si le revenu des ménages s’ajuste en partie à l’inflation, la hausse des taux d’intérêt nominaux réduit leur capacité à assurer le service de leur dette hypothécaire pour un niveau de prix des logements donné. Du côté de l’offre, en plus du relèvement des taux, les fortes hausses des coûts des matières premières, des équipements et de la main-d'œuvre rendent les projets plus onéreux (Graphique 1.4).

Du fait de ces évolutions, les marchés du logement se trouvent en situation de retournement de la conjoncture dans de nombreux pays. Les prix réels des logements, aujourd'hui élevés après une longue période pendant laquelle ils ont connu de fortes hausses, ont commencé depuis peu à fléchir dans plusieurs pays de l’OCDE (Graphique 1.11). Un retournement du cycle du logement pourrait mettre à l’épreuve la stabilité financière en réduisant la capacité des ménages et des promoteurs à assurer le service de leur dette, entraînant une dégradation de la valeur et de la qualité de crédit des prêts et autres actifs financiers liés au logement. Dans de nombreux pays de l’OCDE, la dette hypothécaire se situe à des niveaux plus élevés qu'au début de la crise financière mondiale, même par rapport aux revenus (Graphique 1.13). Dans ce contexte, les autorités monétaires et prudentielles s’intéressent de plus près aux marchés du logement (Graphique 1.12).

Un resserrement des conditions monétaires se répercute plus rapidement sur les coûts des emprunts immobiliers lorsque les prêts sont assortis de taux d’intérêt variables. Dans plusieurs pays de l’OCDE, la majorité des prêts en cours ou nouveaux sont des prêts à taux variables (Graphique 1.14). Les tensions liées à la hausse des coûts d’emprunt sont particulièrement fortes sur les emprunteurs à faible revenu ayant contracté des prêts hypothécaires à taux variable. Dans des pays comme le Royaume-Uni et la Suède, la plupart des prêts hypothécaires en cours sont consentis à taux fixe pendant les cinq premières années, et les emprunteurs peuvent voir les taux augmenter au moment du renouvellement de leur prêt5.

Comme expliqué plus en détail dans le chapitre 3, les pays de l’OCDE ont déployé un large éventail de mesures macroprudentielles pour préserver la stabilité financière face aux tensions s’exerçant sur le marché du logement. En ce qui concerne les mesures axées sur les emprunteurs, les autorités ont été nombreuses à imposer des limites sur les montants qu’il est possible d’emprunter au regard de la valeur des biens (quotités de financement, plafonnement des quotités de financement), des ratios service de la dette/revenu (DSTI) et/ou ou des ratios dette/revenu (DTI). Du côté des prêteurs, les autorités ont, parmi d'autres mesures, commencé à exiger des banques qu’elles détiennent davantage de fonds propres en proportion de leurs concours hypothécaires, qu’elles constituent si besoin des volants de fonds propres contracycliques supplémentaires et qu’elles fassent mieux apparaître dans leurs bilans leurs engagements hypothécaires vis-à-vis d'autres acteurs du marché. Des mesures structurelles, par exemple des réformes de l’impôt sur le revenu des personnes physiques ayant pour effet de supprimer progressivement les allègements au titre des intérêts hypothécaires accordés aux propriétaires, contribuent également à rendre le financement du logement plus efficace et plus stable (Tableau 1.4).

L’expérience des pays de l’OCDE montre que ces mesures permettent efficacement d'améliorer la résilience financière et économique6. Bien que sensible, la hausse des prix réels des logements avant 2022 n'était pas aussi forte que celle observée avant la crise financière mondiale (Graphique 1.15). À l’échelle mondiale, les banques disposent de liquidités abondantes grâce auxquelles elles pourraient éventuellement faire face à des scénarios défavorables7. De nombreux pays ont imposé des volants de sécurité contracycliques (chapitre 3). De ce fait, on peut penser que les responsables de l’action publique disposent des outils nécessaires pour faire face aux risques susceptibles de se faire jour sur les marchés du logement et empêcher que la baisse des prix des logements n'ait plus généralement des effets de rétroaction négatifs sur les marchés financiers.

La révolution numérique a été l’un des principaux moteurs de l’expansion rapide des services de financement du logement, dont certains nécessitent une vigilance réglementaire particulière dans le contexte actuel. Les établissements de crédit hypothécaire et gestionnaires de prêts hypothécaires n’appartenant pas au secteur bancaire, dont le nombre s’est accru considérablement au cours de la dernière décennie (chapitre 3), doivent faire l’objet d'une surveillance pour s’assurer que leurs activités ne débouchent pas sur des niveaux de liquidités injustifiés et des transformation des échéances qui pourraient représenter des risques systémiques. Il existe également un risque de contagion si les fonds communs de placement immobilier (FCPI), qui font face à d’importantes sorties de fonds, réagissent en suspendant les remboursements. Pour atténuer ce risque, l’une des options les plus sûres serait de leur imposer des volants de fonds propres et de renforcer les exigences de liquidité.

Le numérique est en train de rebattre les cartes des choix de localisation des logements, en raison de l’essor du télétravail rendu possible par la généralisation de l’internet à haut débit et les progrès de la téléconférence (OCDE, 2021[13]). Cette tendance s’est accélérée pendant la pandémie (Graphique 1.16), et on voit se multiplier les signes que le télétravail partiel est en train de devenir la norme dans de nombreux secteurs. Les enquêtes et les offres d’emploi montrent en effet que le télétravail est appelé à rester beaucoup plus répandu qu’avant la pandémie de COVID-198.

En conséquence, la demande de logements est en pleine évolution, surtout dans les grandes régions métropolitaines (Graphique 1.17). Cela explique que les données empiriques laissent entrevoir un changement du « gradient des prix des logements », avec une baisse des prix qui devient moins marquée à mesure que l'on s’éloigne des centres urbains (Graphique 1.18). En d'autres termes, les différences de prix entre les centres-villes et les banlieues se réduisent dans un bon nombre de grandes zones métropolitaines depuis 2019, alors qu’elles se creusaient avant la pandémie (chapitre 4). Ce phénomène est d'autant plus fréquent que le recours au télétravail est répandu.

La nouvelle géographie de la demande de logements place les responsables publics devant de nouveaux défis (Tableau 1.5), à commencer par la nécessité de libérer l’offre dans les zones où la demande augmente rapidement, de manière à éviter des tensions sur les prix qui compromettraient encore plus l'accessibilité financière, mais sans entraîner d’étalement urbain ou exacerber des problèmes environnementaux9. Il s’agit notamment de reconsidérer régulièrement les limites urbaines, de corriger la fragmentation entre les différents niveaux d'administration dans la gouvernance des responsabilités d'aménagement du territoire, et de repenser les systèmes de transport urbain. Il est également impératif que les politiques du logement ne contiennent aucune mesure susceptible de décourager l’offre de logements neufs, comme une réglementation trop restrictive des loyers. Privilégier des impôts immobiliers périodiques plutôt que des prélèvement sur les transactions peut faciliter la mobilité résidentielle, idéalement avec une modulation des taux d'imposition permettant de taxer plus lourdement les terrains que le bâti de façon à favoriser un développement compact.

Pour profiter des avantages de la révolution du télétravail et éviter l'apparition de nouvelles inégalités, les pouvoirs publics doivent garantir un accès généralisé aux services numériques. Il faut pour commencer mettre en place une infrastructure numérique sûre et efficace couvrant aussi bien les zones reculées que les zones urbaines denses. La mise au point de solutions d'administration numérique peut rendre l’accès aux services publics plus inclusifs. Enfin, il est indispensable de combler le déficit de compétences numériques en proposant des solutions adaptées d’apprentissage et de formation tout au long de la vie aux enfants, aux étudiants et aux apprentis ainsi qu’aux parents et aux personnes âgées.

L’évolution de la demande de logements met également en lumière le rôle de l’accès à des espaces verts et à des aménités environnementales comme la propreté de l’air et de l’eau ou la baisse des niveaux sonores dans les zones urbaines, ainsi que les possibles conséquences des politiques environnementales urbaines en termes de redistribution. La perspective d’habiter un lieu situé dans un environnement de qualité rend certains emplacements plus attrayants pour les résidents, ce qui fait souvent monter les prix des logements et en compromet l’accessibilité financière pour les ménages à revenu faible ou intermédiaire. De ce fait, des politiques environnementales visant à améliorer les aménités urbaines et à réduire la pollution peuvent avoir des conséquences négatives en termes de distribution (chapitre 4). L'amélioration de l’offre d’aménités environnementales peut avoir un effet d'éviction par les prix des ménages à faible revenu, qui s’exerce de manière immédiate sur les locataires et acheteurs potentiels, tandis que les locataires à faible revenu déjà en place peuvent finir par devoir quitter les lieux si les loyers deviennent trop chers pour eux.

Des mesures complémentaires peuvent être prises pour atténuer ces effets secondaires négatifs de façon à garantir que les ménages à faible revenu pourront se permettre de vivre dans des zones recherchées présentant une haute qualité environnementale (Tableau 1.5). L’offre de logements sociaux abordables dans les zones les mieux pourvues en aménités de très bonne qualité est un instrument d'action important dont disposent les pouvoirs publics. Une telle offre peut être financée grâce à des mécanismes permettant de capter une part de la valeur générée par les améliorations environnementales, même s’il existe à ce jour peu d’exemples d'une telle utilisation (chapitre 4). La politique de l’environnement peut elle aussi avoir des conséquences sur le plan de la redistribution, comme le montre l’effet négatif, sur le prix des logements, du déploiement d'éoliennes (Graphique 1.19). Ces exemples montrent bien à quel point il est important de concilier les objectifs environnementaux et les objectifs sociaux, y compris par des mesures de redistribution, afin que les politiques de décarbonation soient mieux acceptées.

Bibliographie

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[9] OCDE (2023), Affordable Housing Review of Lithuania.

[23] OCDE (2023), Inflation (IPC), https://doi.org/10.1787/29ad7eaf-fr (consulté le 22 février 2023).

[8] OCDE (2023), Road Map for a Revolving Fund Scheme in Latvia.

[5] OCDE (2022), Base de données sur le logement abordable - OCDE, http://www.oecd.org/fr/social/base-de-donnees-logement-abordable.htm.

[13] OCDE (2021), « Le télétravail pendant la pandémie de COVID-19 : tendances et perspectives », Les réponses de l’OCDE face au coronavirus (COVID-19), Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/e76db9dd-fr.

[4] OCDE (2021), Pierre par pierre : Bâtir de meilleures politiques du logement, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/78520651-fr.

[3] OCDE (2020), Améliorer les données et les politiques pour lutter contre le sans-abrisme dans les pays de l’OCDE Synthèse sur le logement abordable, Éditions OCDE, Paris, https://read.oecd-ilibrary.org/view/?ref=1060_1060495-ubqngxpwn9&title=sans-abrisme-synthese-2020http://oe.cd/homelessness-2020 (consulté le 16 mars 2020).

[7] OCDE (2020), Policy Actions for Affordable Housing in Latvia, Éditions OCDE.

[2] OCDE (2015), Integrating Social Services for Vulnerable Groups - Bridging Sectors for Better Service Delivery., Éditions OCDE, https://doi.org/10.1787/9789264233775-en (consulté le 11 décembre 2017).

[24] OCDE (2022 ), Faire face à la crise du coût de la vie : aides au revenu des individus en âge de travailler et leur famille, http://Note de synthèse de l’OCDE - Faire face à la crise du coût de la vie : aides au revenu des individus en âge de travailler et leur famille.

[17] Office national de statistique du Royaume-Uni (2023), https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/housing/articles/howincreasesinhousingcostsimpacthouseholds/2023-01-09.

[21] Tagesschau (2022), Sozialer Wohnungsbau droht einzubrechen, https://www.tagesschau.de/wirtschaft/kommunen-sozialwohnungsbau-101.html (consulté le 6 December 2022).

[15] Ziemann, V. et al. (2023), Urban House Price Gradients in the Post-COVID-19 Era, OECD Publishing, p. No. 1756.

← 1. Voir « Coping with the cost of living crisis - Income support for working-age individuals and their families », (OCDE, 2022 [24]).

← 2. Pour plus d’information sur les difficultés méthodologiques et les données disponibles, voir (OCDE, 2020[3] ; OCDE, 2021[4] ; OCDE, 2022[5]).

← 3. Pour une présentation plus détaillée des options s’offrant aux pouvoirs publics, voir (OCDE, 2020[3] ; OCDE, 2015[2]).

← 4. Les données relatives aux exemples allemand et britannique sont tirées de (Tagesschau, 2022[21]) et (Ministère des communautés, du gouvernement local et du logement du Royaume-Uni, 2022[22]).

← 5. The UK Office for National Statistics (2023).

← 6. Voir OCDE (2021[4]), chapitre 3.

← 7. Cette évaluation est tirée du rapport du FMI (2022[25]).

← 8. Voir (Adrjan et al., 2021[14] ; Barrero, Bloom et Davis, 2021[18] ; Aksoy et al., 2022[19]).

← 9. Il s’agit de l’un des principaux thèmes traités dans l’édition originale du rapport Pierre par pierre : Bâtir de meilleures politiques du logement (OCDE, 2021[4])

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