Résumé

La transformation numérique, qui se poursuit à vive allure, offre une opportunité stratégique d’accélérer les progrès vers la réalisation des objectifs de développement. Entre 2019 et 2021, 800 millions de personnes ont pour la première fois accédé à l’internet – un bond historique dicté par la nécessité de travailler, d’apprendre ou de communiquer lors des confinements imposés par la pandémie de COVID-19. La couverture internet universelle est une cible à part entière des Objectifs de développement durable (ODD), mais le pouvoir de transformation des technologies numériques tient à ce qu’elles permettent d’accéder à des offres d’emploi ainsi qu’à des services publics améliorés, de faciliter un engagement citoyen, et d’élargir la participation à l’économie numérique mondiale.

Les pays en développement, cependant, restent sur le bord de la route. Sur les 2.9 milliards de personnes qui ne sont toujours pas connectées à l’internet, la plupart vivent dans des pays en développement. Ces populations soit n’ont pas de couverture internet, soit rencontrent des difficultés pour utiliser l’internet. En Afrique, quelque 30 % de la population rurale isolée risquent de ne jamais être couverts par les réseaux de fibre optique terrestres dans de bonnes conditions de rentabilité, et 19 % de la population d’Afrique subsaharienne n’ont toujours pas accès au haut débit mobile. Il est essentiel, mais pas suffisant, de remédier à cet écart de couverture : en effet, 43 % des personnes ayant accès au haut débit mobile ne l’utilisent pas. L’objectif maintenant est de résorber les écarts en termes d’utilisation.

Le défaut d’accès à des leviers essentiels figure au nombre des obstacles qui freinent l’utilisation. En Afrique subsaharienne, 600 millions de personnes ne disposent pas d’électricité pour faire fonctionner des appareils numériques. Du fait du coût élevé des données et des appareils numériques, les dix pays dans lesquels les prix pratiqués pour un gigaoctet de données sont le moins abordables sont tous des pays en développement. La raison la plus souvent invoquée dans les pays en développement pour expliquer la non-utilisation de l’internet est le défaut de maîtrise du numérique. Les femmes et les filles, en particulier, ont moins accès à la technologie et aux compétences numériques que les hommes et les garçons, et sont préoccupées par les questions de sécurité en ligne.

Outre les écarts en termes de couverture et d’utilisation, la gestion de la transformation numérique pose des défis inédits aux pouvoirs publics. La plupart des pays en développement n’offrent qu’une protection sociale limitée et ont des difficultés à faire passer une population active relevant largement du secteur informel vers les secteurs du numérique. Les politiques économiques ne parviennent pas à tirer parti des avantages du commerce électronique ni même à encourager l’utilisation des outils numériques comme la messagerie électronique ou les sites web dans l’ensemble de l’économie. Ne disposant que de ressources limitées, les pays en développement ont également du mal à répondre aux nouvelles demandes en matière de réglementation et à apporter des solutions à des problèmes techniques très spécialisés.

Les règles supranationales doivent respecter la souveraineté numérique – c’est-à-dire les prérogatives et la compétence des autorités nationales en vertu desquelles prendre des décisions discrétionnaires ayant une incidence sur les citoyens et les entreprises dans le domaine numérique. Toutefois, les risques inédits que font naître des thématiques de plus en plus complexes comme la fiscalité des grandes entreprises mondiales du numérique, la cybersécurité et l’interdépendance, le respect de la vie privée ou encore la protection des flux transfrontières de données exigent une harmonisation des cadres de gouvernance entre les pays. De plus, seule une harmonisation des efforts déployés à l’échelon national, régional et mondial peut contrer les risques d’une utilisation des outils numériques visant à perpétrer des atteintes aux droits humains, à organiser la fuite de données, à mener des cyberattaques ou encore à favoriser une désinformation se propageant à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières. L’aggravation des inégalités dans le monde physique, à laquelle il faut répondre par des approches centrées sur l’humain, est aussi un risque indirect auquel sont confrontés les pays.

Pour qu’elles aient des chances de succès, il est indispensable, lorsque sont définies des normes internationales, qu’elles prennent en compte les différents niveaux de maîtrise numérique et de capacité réglementaire des pays à revenu faible ou intermédiaire. Environ 70 % des pays ayant adopté des lois sur la protection des données depuis 2010 sont des pays à revenu faible ou intermédiaire, mais la mise en œuvre des textes s’avère difficile, faute de ressources. Or, la non-application des textes peut avoir pour effet d’accroître les obstacles aux échanges et de rendre les régimes commerciaux inadaptés à la situation. Les pays en développement doivent prendre part aux discussions relatives au commerce numérique et contribuer à façonner les règles qui sous-tendront une part grandissante de leur économie, mais on ne dénombre à l’heure actuelle que 6 pays africains sur les 75 qui participent aux négociations sur les règles mondiales relatives au commerce électronique au sein de l’Organisation mondiale du commerce.

Tout comme avec l’impératif de « penser vert », les choix qu’opèrent les pays aujourd’hui s’agissant de l’investissement, des infrastructures, de la réglementation, des politiques et des capacités dans le secteur numérique auront pour effet soit de perpétuer les fractures numériques dans les décennies à venir, soit de jeter les bases d’un avenir de prospérité et de bien-être partagés.

La transition numérique mondiale met les fournisseurs de coopération pour le développement au défi de s’adapter et de veiller à ce que leurs efforts contribuent à une transformation numérique qui soit inclusive, fasse progresser un développement durable et vert, et gère les risques comme les bénéfices associés aux technologies numériques. En tant qu’acteurs de ces choix, ils peuvent aussi soulever des questions relatives aux droits, au pouvoir, à l’appropriation, à la protection, à l’équité et à l’égalité, auxquelles il convient de trouver une réponse pour faire pencher la balance vers une transformation numérique juste.

En mettant à profit leurs ressources et leurs relations, les acteurs publics du développement peuvent nouer des partenariats de nature à maximiser les rendements des financements limités alloués aux investissements dans le numérique, et aider les pays à revenu faible et intermédiaire à donner corps aux normes mondiales qu’ils seront appelés à respecter. Les acteurs du développement doivent également être conscients que les interventions dans le secteur du numérique peuvent avoir des conséquences négatives, et veiller à déterminer si leurs décisions ou interventions correspondent à une utilisation optimale des outils numériques.

Globalement, les fournisseurs de coopération pour le développement peuvent faire pencher la balance vers une transformation numérique juste :

  • en faisant en sorte que les politiques mises en œuvre et les partenariats noués soient porteurs d’un avenir numérique inclusif

  • en se concentrant sur les éléments essentiels à la base d’écosystèmes numériques durables au plan national et régional

  • en veillant à ce que les financements dans le domaine du numérique soient adaptés aux objectifs poursuivis, gagnent en ampleur et en souplesse et soient ouverts à l’innovation.

Il ne reste que neuf ans pour regagner le terrain perdu du fait de la crise du COVID-19 et atteindre les ODD. Les acteurs du développement ont un rôle à jouer pour assurer que la transformation numérique serve ces objectifs.

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