4. Évolution de la géographie des conflits en Afrique du Nord et de l’Ouest

Les violences se sont intensifiées dès le début des années 2010 en Afrique du Nord et de l’Ouest, à la suite du Printemps arabe et de l’éclatement d’une série de rébellions et d’insurrections djihadistes dans le Sahara-Sahel. Près des trois quarts (74 %) des événements violents recensés depuis 1997 se sont produits entre 2011 et 2021, dont 37 % sur la période 2019-21. Ces dernières années, les deux « rives » du Sahara connaissent des dynamiques distinctes (Graphique 4.1 et Graphique 4.2). En Afrique de l’Ouest, les principaux foyers de violence apparus il y a plus de dix ans se diffusent, tandis que les troubles civils dans le sillage du Printemps arabe en Algérie et en Tunisie et les violences liées aux guerres civiles en Libye diminuent depuis la signature d’un accord de cessez-le-feu en 2020 et la formation d’un gouvernement d’union nationale en 2021. Alors que le nombre d’événements violents et de victimes est historiquement bas en Afrique du Nord, il n’a jamais été aussi élevé en Afrique de l’Ouest. Plus de 42 000 événements violents et 168 000 victimes sont recensés en Afrique de l’Ouest depuis 1997, contre 12 400 et 37 000, respectivement, en Afrique du Nord. Toutes les formes de violence augmentent au sud du Sahara, où le nombre d’incidents impliquant des civils dépasse depuis 2018 celui des combats. Cette dynamique contraste avec celle observée en Afrique du Nord, où les combats et les attaques à distance restent la principale forme de violence jusqu’au début des années 2020.

Ces différences de dynamiques s’expliquent par le type de guerre mené par les belligérants de chaque région. En Afrique du Nord, les vagues de violence observées depuis la fin de la guerre civile en Algérie en 2002 sont principalement liées aux guerres civiles libyennes (2011, 2014-20), dans lesquelles plusieurs forces armées et leurs milices alliées se sont affrontées pour le contrôle de l’État libyen. Durant ces conflits, les violences évoluent au gré des accords et désaccords entre factions politiques sur la répartition des ressources. En Afrique de l’Ouest, la plupart des événements violents résultent de l’opposition entre les gouvernements centraux et une multitude d’acteurs non étatiques, comme les groupes rebelles, les extrémistes religieux, les milices ethniques et communautaires et les groupes d’autodéfense, dont les idéologies, les motivations et les capacités militaires varient. L’une des conséquences de l’asymétrie de ces violences est la mort de nombreux civils : près de 55 000 victimes civiles sont recensées en Afrique de l’Ouest depuis le début de l’insurrection de Boko Haram en 2009. La fragmentation du paysage sécuritaire et la faiblesse militaire des forces gouvernementales comme des acteurs non étatiques rendent difficile la résolution de ces conflits de longue durée. Rares sont ainsi les cessez-le-feu et les accords politiques suivis d’une paix durable et de la démobilisation des belligérants.

La répartition spatiale des violences est très inégale en Afrique du Nord et de l’Ouest, reflet de dynamiques distinctes issues d’une mosaïque de rébellions, d’insurrections djihadistes, de coups d’État, de mouvements de protestation et d’interventions militaires. Comme l’indique le Tableau 4.1, 93 % des événements violents et 94 % des victimes recensés par ACLED de janvier 2021 à juin 2022 concernent cinq pays situés au sud du Sahara : le Nigéria, le Burkina Faso, le Mali, le Cameroun et le Niger. Les 14 pays les moins touchés ne représentent que 4 % des incidents violents et 1 % des victimes recensés au cours de l’année et demie écoulée.

Cette concentration croissante des violences dans quelques États peut sembler paradoxale dans une région où les conflits se propagent géographiquement d’un pays à l’autre. Cependant, si la diffusion transnationale des conflits reste l’une des caractéristiques essentielles des conflits de la région, l’hyper-concentration de la violence s’explique principalement par la situation au Nigéria. Ce pays est de loin le principal épicentre des violences depuis plus de 30 ans (OCDE/CSAO, 2020[2]). Totalisant 40 % des événements violents et plus de la moitié (51 %) des victimes recensés en Afrique du Nord et de l’Ouest sur la période 2021-22, il est en proie à un faisceau de conflits, dont l’insurrection djihadiste menée par Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest (Islamic State in West Africa Province [ISWAP]) dans la région du lac Tchad, les violences perpétrées dans le delta du fleuve Niger par des groupes armés contre le gouvernement fédéral et les compagnies pétrolières internationales, ainsi que les violences communautaires dans la Middle Belt.

L’État de Borno est la zone la plus touchée du Nigéria, totalisant 26 % des victimes recensées dans le pays de janvier 2021 à juin 2022. Ce bilan n’est guère surprenant compte tenu du fait que Boko Haram et l’ISWAP sont les organisations extrémistes les plus meurtrières du continent. Les violences communautaires, le vol de bétail et les enlèvements sont également de plus en plus fréquents dans le nord-ouest du pays (Carte 4.1). Souvent qualifiées de « banditisme » par le gouvernement nigérian et les médias, ces formes de violence sont moins politiques que les attaques menées par Boko Haram et l’ISWAP dans le nord-est du pays, mais n’en demeurent pas moins extrêmement meurtrières pour les populations civiles. Sur la période 2021-22, près de 4 500 personnes sont tuées dans les États de Kaduna, Zamfara et Katsina (Carte 4.3), dont 2 153 civils, soit 37 % du total national. Élément encore plus préoccupant, le foyer de violence observé dans le nord-ouest du Nigéria est désormais relié spatialement à la Middle Belt, où les violences communautaires entre éleveurs et agriculteurs sont courantes depuis plusieurs décennies. Dans cette zone caractérisée par la diversité de ses groupes ethniques minoritaires, les États de Plateau, Niger et Benue comptent parmi les plus touchés depuis 2020.

Le deuxième grand foyer de violence est le Sahel central, théâtre de la rébellion touareg, de coups d’État au Mali et au Burkina Faso, ainsi que de conflits communautaires au Burkina Faso et au Niger, exacerbés par les actions des groupes extrémistes islamistes. L’expansion de l’insurrection malienne vers le sud explique que le Burkina Faso soit désormais le deuxième pays le plus touché d’Afrique du Nord et de l’Ouest après le Nigéria, avec plus de 2 200 incidents et 4 500 victimes recensés de janvier 2021 à juin 2022. Les violences gagnent une grande partie des zones frontalières du pays (Tableau 4.2). La moitié des victimes au Burkina Faso se trouvent dans la région du Sahel voisine du Niger et du Mali, 16 % dans celle de l’Est longeant le Niger et la réserve tri-nationale du parc national du W, et 12 % dans celle du Centre-Nord (Carte 4.2). Ouagadougou, la capitale, reste en revanche jusqu’à présent épargnée par les événements violents, malgré sa relative proximité géographique avec certaines des zones les plus touchées du pays. Seuls 100 km séparent en effet la capitale burkinabè de Kaya, dans le nord-est, où des milliers de déplacés internes sont réfugiés.

Le nombre total de victimes recensées sur la période 2021-22 est similaire au Burkina Faso (4 575) et au Mali (4 569), avec environ 35 % d’événements violents de plus au Burkina Faso. (Tableau 4.1). Ce constat semble indiquer que les capacités militaires des insurgés burkinabè restent sous-développées par rapport au Mali et que l’insurrection burkinabè n’a pas encore atteint son ampleur maximale. Au Mali, le nombre d’événements violents (1 649) et de victimes (4 569) recensés augmente depuis 2020-21. Mopti reste de loin la région la plus violente du pays s’agissant du nombre de victimes, suivie de Gao, Ménaka et Ségou, tandis que le nord du pays n’est plus un épicentre majeur de conflits. La capitale, Bamako, est restée largement épargnée par les violences (Tableau 4.3). À la mi-2022, elle apparaît toutefois plus menacée par les djihadistes. Sur fond de multiplication des attaques dans le sud du Mali, l’assaut mené par le Jama‘at Nusrat al-Islam wa-l-Muslimin (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, [JNIM]) le 22 juillet contre la principale base militaire du pays, dans la ville de Kati, à 18 km au nord-ouest de Bamako, renforce les inquiétudes sur la vulnérabilité de la capitale. Peu après cette attaque, le JNIM menace de mener d’autres opérations contre Bamako (Diallo, 2022[3]). Bien que la chute de la capitale semble à court terme peu probable, l’intensification et la pérennisation des menaces contre la ville pourraient fragiliser son statut d’enclave.

Au Cameroun, l’intensité des violences connaît un léger fléchissement par rapport au début des années 2020, en raison des déplacements de l’insurrection de Boko Haram autour du lac Tchad plutôt que d’un recul du conflit entre le gouvernement et les communautés anglophones dans la partie occidentale du pays. Au Niger, les violences sont dans l’ensemble restées constantes, l’essentiel des incidents (45 %) et des victimes (63 %) se concentrant dans la région de Tillabéri, dans le sud-ouest, à la frontière du Burkina Faso et du Mali. La région de Diffa, où sévissent Boko Haram et l’ISWAP, est le deuxième épicentre de conflits du pays, totalisant 32 % des événements violents et 19 % des victimes (Carte 4.3). Niamey, capitale du Niger, reste largement épargnée par les violences politiques. Au Tchad, les principales sources d’instabilité politique demeurent la région du Lac, près de N’Djamena, et le massif du Tibesti, à l’extrême nord du pays, où des affrontements entre mineurs ont fait plus de 300 victimes.

Tous ces pays ont connu plus de violences que ne le laisserait escompter leur poids démographique, comme l’indique un ratio événements violents et/ou victimes par habitant supérieur à 1 (Tableau 4.1). Le Nigéria, par exemple, totalise à lui seul 51 % des victimes de violences politiques, alors qu’il ne représente que 38 % de la population de la zone d’étude, soit un ratio de 1.3, attestant de la brutalité des nombreux conflits infranationaux et transnationaux qui déchirent le pays le plus peuplé d’Afrique. Sur la base de cet indicateur, les pays les plus touchés sont le Mali et le Burkina Faso, dont le ratio proche de 4 indique que l’insurrection affecte actuellement la plupart de leurs régions administratives. La Libye est le pays le plus touché d’Afrique du Nord, avec 171 événements violents et 185 victimes, soit une fraction seulement de la violence observée pendant les première et deuxième guerres civiles libyennes.

Développé pour suivre les dynamiques de violence en Afrique du Nord et de l’Ouest depuis la fin des années 1990, le SCDi permet de suivre l’évolution rapide de la géographie des conflits armés (Walther et al., 2021[5]). Il mesure à la fois l’intensité et la concentration de la violence dans chacune des 6 540 « cellules » de 50 x 50 km d’un quadrillage spatial s’étendant de Dakar à N’Djamena et de Lagos à Alger (Chapitre 3). L’intensité des conflits correspond au nombre d’événements violents par cellule, tandis que leur concentration s’obtient en comparant la distance moyenne entre les événements violents d’une cellule avec la distance moyenne qui les séparerait si leur répartition spatiale était aléatoire. Les cellules peuvent se caractériser par une intensité de conflit forte ou faible, et une répartition spatiale des événements violents concentrée ou dispersée.

Depuis 2019, les conflits se sont intensifiés de manière générale en Afrique du Nord et de l’Ouest. Le SCDi souligne une augmentation du nombre de cellules de forte intensité dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest. Ce constat est manifeste dans le Sahel central, où de nombreux territoires qui connaissaient auparavant des violences de faible intensité sont désormais le théâtre de conflits de forte intensité, comme dans le delta intérieur du Niger au Mali, dans le nord du Burkina Faso et dans la région de Tillabéri, dans l’ouest du Niger (Carte 4.4). L’indicateur confirme également le fusionnement de foyers de violence de forte intensité auparavant isolés, tendance inquiétante déjà soulignée dans de précédentes analyses (OCDE/CSAO, 2021[6]). Le Nigéria en est un bon exemple avec une vaste zone d’instabilité qui relie le Delta, la Middle Belt et le nord-ouest du pays. Sur la période 2021-22, 60 % du territoire nigérian (295 cellules sur 494) est touché par une forme ou une autre de violence. L’extension du conflit malien au Burkina Faso et à l’ouest du Niger entraîne également le fusionnement de plusieurs insurrections, y formant de vastes zones ininterrompues de conflit. Ce faisceau de violence s’est aussi propagé vers le sud, gagnant le nord du Bénin, du Togo, du Ghana et de la Côte d’Ivoire.

Dans la plupart des zones (ou cellules) de conflit, la répartition spatiale des événements violents est concentrée. Ceux-ci se produisent dans quelques endroits localisés (Carte 4.5), par exemple autour d’une ville ou le long d’un axe de circulation majeur. Les violences sont notamment concentrées au centre du Mali et dans les périphéries burkinabè du Sahel central, dans le nord-ouest du Nigéria et autour du lac Tchad, alors qu’elles ont presque disparu en Afrique du Nord. Même si au sud du Sahara les violences restent majoritairement concentrées, la proportion de zones à forte concentration de conflits diminue depuis 2011, où elle avait atteint un pic de 95 % (Graphique 4.3). Au premier semestre 2022, 83 % des cellules se caractérisent par une concentration des violences. L’observation d’événements violents dispersés à proximité immédiate de régions à forte concentration et intensité de conflits indique une expansion géographique des conflits.

Grâce à sa combinaison de mesures d’intensité et de concentration, le SCDi établit une typologie des conflits permettant de cartographier et de comprendre l’évolution des dynamiques de violence au sein d’une cellule, d’un pays, ou encore d’une région. Quatre types de conflits se distinguent, selon que les violences s’intensifient localement, s’accélèrent, sont en transition ou s’enlisent.

  • Les zones où les violences sont à la fois concentrées et de forte intensité (type 1) sont les plus préoccupantes. Cette configuration est susceptible de faire le plus grand nombre de victimes, notamment civiles. Il s’agit d’une grande partie du centre du Mali et des frontières burkinabè dans le Sahel central, de la région du lac Tchad et d’une part importante du territoire nigérian (Carte 4.6 et Carte 4.7). Le Burkina Faso est entouré d’une zone continue de violences concentrées et de forte intensité s’étendant de la zone frontalière de Bwaku au nord du Togo à la province du Houet au nord de Bobo-Dioulasso, sur plus de 1 500 km. Depuis 2020, les violences concentrées et de forte intensité reculent dans la région de Ménaka, dans l’est du Mali, et ont disparu en Libye (Carte 4.8 et Carte 4.9). Elles ont augmenté dans le sud et le nord-ouest du Nigéria, et sont restées relativement stables le long de la frontière entre le Nigéria et le Cameroun. Un nouveau foyer isolé de violence est apparu en 2021 entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire.

  • Les zones où les violences sont dispersées et de forte intensité (type 2) se situent en général à la périphérie des principaux foyers de conflit. Les violences y sont le plus susceptibles de s’accélérer et doivent donc faire l’objet d’une surveillance accrue. En 2021, ce type de violences s’observe dans la région de Tillabéri à l’ouest du Niger, le long des frontières ouest et sud du Burkina Faso, autour du delta du Niger au Nigéria, et à l’ouest de Kano au Nord-Nigéria. Avec ses nombreux parcs et ses faibles densités de population, la zone frontalière entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire présente des conditions favorables à la prolifération de ce type de violences (Carte 4.8).

  • Les zones où les violences sont concentrées et de faible intensité (type 3) sont en transition : les conflits peuvent s’y intensifier ou disparaître. Les épisodes de violence y sont de courte durée, comme dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest qui ne sont pas actuellement le théâtre d’une guerre civile ou d’une insurrection, ou en marge de foyers de violence plus importants comme au Mali et au Nigéria (Carte 4.9).

  • Les zones où les violences sont à la fois dispersées et de faible intensité (type 4) se situent généralement loin des principaux foyers de conflit, comme dans le nord du Bénin ou en périphérie du Liptako Gourma au Niger.

Le SCDi confirme la forte progression de tous les types de conflits en Afrique du Nord et de l’Ouest ces dix dernières années (Graphique 4.4). En 2021, 9 % de la région a connu une forme ou une autre de violence (597 cellules sur 6 540), proportion considérable alors que les zones de conflit ne représentaient que 1 % de la région lorsque l’insurrection de Boko Haram a éclaté en 2009 (80 cellules) et 3 % au début de la guerre civile malienne, en 2012 (167 cellules). Cette forte augmentation illustre la dégradation de la situation sécuritaire depuis la fin des années 2000. Les conflits concentrés et de forte intensité (type 1) sont le type de violence le plus représenté (60 %), et celui qui a connu l’augmentation la plus spectaculaire. Moins de 50 cellules de ce type sont recensées jusqu’en 2010, contre plus de 355 en 2021. Couvrant 5 % du territoire nord- et ouest-africain, ces cellules représentent 60 % des zones de conflit en 2021, contre 54 % en 2020. Les zones aux violences dispersées et de forte intensité sont relativement peu nombreuses en 2021 (type 2, 27 cellules), mais en augmentation rapide depuis le milieu des années 2010, où elles étaient quasi inexistantes. Les zones aux violences concentrées et de faible intensité (type 3, 156 cellules) ont triplé depuis 2011 (57 cellules). Enfin, celles aux conflits dispersés et de faible intensité (type 4) ont suivi une évolution similaire : presque absentes d’Afrique du Nord et de l’Ouest avant 2010, elles représentent en 2021 près de 10 % des zones de conflit (59 cellules) (Graphique 4.5).

L’analyse combinée de l’intensité et de la concentration des conflits souligne l’existence de dynamiques concomitantes d’intensification et de diffusion des violences, qui se traduisent par la formation de vastes foyers de violence en Afrique de l’Ouest et dans le Sahel, notamment. Ce fusionnement spatial de différents conflits est unique en son genre. Nulle part ailleurs dans le monde une région n’est en effet touchée par autant de formes différentes de violence qui, malgré leurs racines locales propres, convergent inexorablement. La situation la plus comparable à cet égard serait peut-être celle de la diffusion des violences en Afrique centrale et australe pendant les guerres du Congo des années 1990 et 2000. La nature des violences meurtrissant actuellement le Sahel est toutefois fondamentalement différente, et ce pour deux raisons principales.

La première raison tient au fait que la violence en Afrique de l’Ouest ne s’enracine pas dans des dynamiques d’alliances et de rivalités entre États de la région. Elle est au contraire principalement le fait d’acteurs violents non étatiques localisés, à la différence des guerres du Congo, qui résultaient en grande partie de l’implication de gouvernements de la région poursuivant leurs propres intérêts au-delà de leurs frontières et formant pour ce faire des alliances avec des acteurs non étatiques locaux. Les acteurs des conflits ouest-africains ont des motivations et des objectifs très divers, et leurs alliances ou rivalités connaissent de fréquentes fluctuations (OCDE/CSAO, 2021[6]). Cette spécificité fait de chaque foyer de conflit un enchevêtrement complexe de dynamiques résistant aux efforts de résolution, qu’ils soient initiés de l’intérieur ou de l’extérieur de la région (OCDE/CSAO, 2020[2]).

La deuxième raison réside dans la montée en puissance d’organisations extrémistes violentes transfrontalières exploitant les tensions locales à leur profit tout en utilisant les zones frontalières comme bases et zones de recrutement (OCDE/CSAO, 2022[7]). Plutôt que de prendre le contrôle d’un État ou de faire avancer leur cause en faisant pression sur les élites nationales, ces groupes djihadistes aspirent souvent à transformer la carte politique de la région. Traversant régulièrement les frontières et opérant simultanément dans plusieurs États, ils sont indifférents aux normes territoriales conventionnelles. Les efforts visant à contrecarrer de tels groupes au sein d’un État sont déjoués par leur grande mobilité, qui leur permet de se retirer dans un État voisin et de réapparaître dès que les conditions sont plus favorables. Dans ce contexte, la violence peut continuer à se propager, formant de grands foyers transfrontaliers d’insécurité. Toute solution politique se doit donc d’être résolument régionale, et non centrée sur un seul État.

Références

[1] ACLED (2022), Armed Conflict Location & Event Data Project (base de données), https://acleddata.com.

[8] Chivvis, C. (2015), The French War on Al Qa’ida in Africa, Cambridge University Press, Cambridge.

[3] Diallo, F. (2022), « Mali: le GSIM annonce des ‘opérations’ contre Bamako », Jeune Afrique, 28 juillet, https://www.jeuneafrique.com.

[4] Lebovich, A. (2016), « The hotel attacks and militant realignment in the Sahara-Sahel region », Combating Terrorism Center Sentinel, West Point, New York, pp. 22-28.

[7] OCDE/CSAO (2022), Frontières et conflits en Afrique du Nord et de l’Ouest, Cahiers de l’Afrique de l’Ouest, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/325c4747-fr.

[6] OCDE/CSAO (2021), Réseaux de conflit en Afrique du Nord et de l’Ouest, Cahiers de l’Afrique de l’Ouest, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/80c03df7-fr.

[2] OCDE/CSAO (2020), Géographie des conflits en Afrique du Nord et de l’Ouest, Cahiers de l’Afrique de l’Ouest, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/4b0abf5e-fr.

[10] ONU (2021), World Population Prospects 2019, Organisation des Nations Unies, Département des affaires économiques et sociales, Division de la population, New York.

[9] Sangaré, B. et S. Cold-Ravnkilde (2020), « Internally displaced people in Mali’s capital city », Danish Institute for International Studies Policy Brief, 8 décembre.

[5] Walther, O. et al. (2021), « Introducing the Spatial Conflict Dynamics indicator of political violence », Terrorism and Political Violence, https://doi.org/10.1080/09546553.2021.1957846.

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