Chapitre 2. Préparer les entreprises touristiques au monde numérique

L’évolution et l’application des technologies numériques modifient profondément notre façon de vivre, de travailler, de voyager et de faire des affaires et entraînent ainsi une transformation et une réorganisation du secteur du tourisme. La portée et l’adoption des technologies numériques varient suivant les pays, les secteurs, les entreprises et les lieux. Les opportunités et les obstacles qui en résultent créent des conditions de concurrence inéquitables, qui sont exacerbées par un décalage croissant entre les entreprises touristiques axées sur la technologie et connectées à l’échelle mondiale, et les petites et micro-entreprises traditionnelles souvent caractérisées par des pratiques commerciales de faible technologie. Jusqu’à présent, l’attention a essentiellement porté sur le marketing numérique et le commerce électronique, considérés comme des moyens d’atteindre de nouveaux marchés, d’échanger avec les clients et de développer une stratégie de marque. Toutefois, même si elles permettent d’accéder aux marchés et de les comprendre, d’accroître la connectivité et de faciliter les transactions financières, ces technologies sont moins efficaces lorsqu’il s’agit de renforcer la productivité ou l’innovation sur des marchés mondiaux de plus en plus concurrentiels.

Les technologies d’amélioration de la productivité (comme l’informatique en nuage, l’analytique des données ou les logiciels de gestion des recettes) sont généralement peu utilisées dans le tourisme, alors que les technologies innovantes (réalité augmentée, géomarquage, par exemple) permettent de générer, de personnaliser et de livrer, avec une originalité croissante, de nouveaux produits, services et prestations touristiques (OCDE, 2018c). La transformation numérique conduit donc le tourisme sur des sentiers nouveaux et souvent imprévisibles. Les technologies numériques ont des répercussions non négligeables sur les entreprises touristiques de toutes tailles, sur la structure et le fonctionnement des chaînes de valeur touristiques et sur le secteur dans son ensemble. Faciliter et permettre le passage du tourisme au numérique constitue donc un enjeu fondamental de l’action publique.

La révolution numérique offre aux PME du secteur du tourisme des possibilités inédites d’accéder à de nouveaux marchés, de développer de nouveaux produits et services, d’adopter de nouveaux modèles et processus économiques, d’améliorer leur position dans les chaînes de valeur touristiques mondiales et de s’intégrer dans des écosystèmes numériques. Elle est porteuse d’avantages potentiels considérables pour les PME – elle peut les aider à gagner en efficience, à libérer du temps et des ressources pour se concentrer sur des tâches stratégiques, et à être mieux à même de développer de nouveaux modèles économiques, de prendre pied sur de nouveaux marchés ou d’internationaliser leurs activités. Toutefois, les PME opèrent leur transition numérique avec retard (OCDE, 2019d) et nombre de petites entreprises touristiques traditionnelles peinent à appréhender ces opportunités et à en recueillir les fruits.

Les PME qui n’investissent pas dans leur passage au numérique n’ont aucune chance de survivre à l’avenir, et encore moins de prospérer. Les destinations, les entreprises et le secteur du tourisme au sens large devront adhérer pleinement à ces nouvelles technologies pour rester compétitifs, et pour tirer avantage du potentiel d’innovation, de productivité et de création de valeur. Les responsables de l’action publique ont un rôle important à jouer pour aider les entreprises du secteur de toutes tailles, y compris les plus traditionnelles et les plus petites, à être actrices de la révolution numérique, et à prospérer face au changement de paradigme suscité par ces technologies.

Le présent chapitre analyse comment le développement du numérique transforme les modèles et les processus économiques du tourisme, ainsi que l’intégration des PME touristiques dans les chaînes de valeur mondiales et les écosystèmes économiques numériques. Cette analyse s’articule autour de trois grands thèmes essentiels : comment la montée en puissance du numérique remodèle l’environnement dans lequel les entreprises du secteur du tourisme exercent leurs activités ; les modèles économiques émergents ; et les approches de l’action publique destinées à soutenir le passage des PME touristiques au numérique. Elle est éclairée par les réponses à une enquête menée auprès des membres et des pays partenaires de l’OCDE, ainsi que par les travaux plus généraux entrepris par l’OCDE sur le cadre d’action intégré du projet Vers le numérique, qui met en relief divers aspects de leur action sur lesquels les pouvoirs publics devraient concentrer leurs efforts pour faciliter la mise en place des conditions requises pour accélérer la généralisation du numérique (Encadré 2.1).

Le développement du numérique se définit comme le processus par lequel la technologie et la gestion axée sur les données transforment nos systèmes socio-économiques et nos vies. La course à l’adoption des technologies numériques trouve son origine dans la convergence de technologies avancées et dans la connectivité socio-économique croissante à l’œuvre du fait de la mondialisation. La révolution numérique a la capacité de stimuler l’innovation, de générer des gains d’efficience économique et environnementale et d’accroître la productivité, y compris dans le secteur extrêmement mondialisé qu’est le tourisme (OCDE, 2017a). Des travaux de recherche menés en Australie montrent ainsi que le recours aux outils numériques permet aux petites entreprises en général (définies comme celles qui emploient de 0 à 19 personnes) d’économiser 10 heures de travail par semaine et d’augmenter leur chiffre d’affaires de 27 % (ANZ, 2018). La capacité des entreprises touristiques de toutes tailles de faire évoluer leurs modèles économiques, d’utiliser les technologies numériques pour participer efficacement aux écosystèmes de valeur mondiaux et d’adopter de nouvelles méthodes de travail axées sur les données sera déterminante pour la productivité et le bien-être socio-économique de demain (Andrews, Nicoletti et Timiliotis, 2018) (Encadré 2.2).

La montée en puissance du numérique tire parti des technologies et des données numériques pour transformer les modèles économiques et les pratiques, ainsi que les écosystèmes de valeur. Ainsi, l’économie du partage a évolué ces dix dernières années sous l’effet des nouvelles technologies de plateforme et de l’innovation dans les modèles économiques, pour créer de la valeur à partir d’actifs cachés ou inutilisés. La valeur du secteur du covoiturage en 2019 a été estimée à 61 milliards USD, et celle du partage de logements devrait atteindre 40 milliards USD en 2022. Selon les estimations de PwC, la valeur de l’économie du partage s’élèvera à 335 milliards USD en 2025. Toutefois, la transformation numérique n’est pas homogène et les données sur l’adoption de différentes technologies et sur les obstacles et opportunités existant dans divers secteurs, pays et entreprises sont fragmentaires (PwC, 2016).

Des travaux de recherche entrepris récemment par la Commission européenne font ressortir de profondes différences au regard de l’adoption des technologies numériques par le secteur du tourisme en Europe. Les pays nordiques, par exemple, affichent un taux d’utilisation supérieur à celui des pays d’Europe orientale et méridionale. Ces travaux montrent également que les PME touristiques sont à la traîne par rapport aux grands groupes. Si les composantes de base du marketing et du commerce électronique ont été largement adoptées, les technologies avancées comme l’analytique des données, l’informatique en nuage et le géomarquage ne sont que peu utilisées (Dredge et al., 2018). Les consommateurs recourant de plus en plus aux technologies numériques pour rechercher, planifier et réserver leurs voyages, les entreprises du tourisme se doivent de plus en plus d’intégrer ces technologies et de tirer parti de leurs capacités avancées.

Bien que l’adoption des technologies numériques par les PME touristiques soit hétérogène, la transformation numérique a et va continuer d’avoir de profondes répercussions sur le tourisme. L’économie numérique transforme le processus de communication avec les touristes ainsi que la commercialisation des services touristiques, et ouvre la voie à des prestations de service et à des améliorations de l’offre nouvelles et extrêmement créatives. Il en résulte une évolution de l’organisation du travail et des prestations de service, et diverses possibilités de tirer parti des avancées numériques pour effectuer des transactions, obtenir et traiter informations et données concernant l’offre et la demande touristiques, et améliorer et relier les opérations le long des chaînes de valeur et des écosystèmes touristiques.

Le Forum économique mondial (WEF, 2017) a estimé qu’en dix ans, soit de 2016 à 2025, le passage au numérique allait créer jusqu’à 305 milliards USD de valeur supplémentaire pour le seul secteur du tourisme grâce à une augmentation de la rentabilité, et qu’environ 100 milliards USD de valeur générés dans ce secteur seraient transférés des acteurs traditionnels vers de nouveaux concurrents numériques dotés de modèles économiques innovants et de capacités de création de valeur. La transformation numérique devrait aussi ménager des avantages à hauteur de 700 milliards USD pour les clients et la société en général, à travers une empreinte écologique réduite, une sûreté et une sécurité accrues, ainsi qu’une baisse des coûts et des gains de temps pour les consommateurs.

Du côté de la demande, cette évolution découlera en partie des habitudes de consommation de la génération Y (née entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990) et de la génération Z (née entre la fin des années 1990 et le début des années 2010), qui, aux côtés des autres générations montantes, constitueront l’essentiel des touristes nationaux et internationaux en 2040 (OCDE, 2018a). Les générations Z et Y sont des enfants du numérique et parce qu’ils ont grandi en ayant un accès rapide et direct à l’information grâce aux technologies numériques, leurs attentes vis-à-vis de la technologie et l’utilisation qu’ils en font continueront d’influer sur les prestations de services touristiques. Plusieurs tendances se dessinent, et notamment un recours accru aux sources en ligne et aux plateformes mobiles pour trouver des informations au stade de la planification (sites web, médias sociaux, par exemple), associé à une moindre utilisation des sources traditionnelles (offices du tourisme, brochures, concierges des hôtels, notamment) ; une propension à rester en ligne/connecté à destination pour faire des recherches et explorer les lieux, partager des expériences et obtenir des informations en temps réel ; et une tendance à privilégier les méthodes de paiement proposées par le commerce en ligne par rapport aux espèces. De plus, les générations Y et Z sont plus enclines à partager qu’à posséder, par comparaison avec les générations précédentes, et de ce fait, elles sont davantage impliquées dans l’économie du partage (logement, covoiturage, échange de devises et production participative).

Si bon nombre des défis et opportunités qui se présentent aux PME touristiques sont similaires à ceux qui existent pour les PME en général, le tourisme se trouve dans une situation particulière pour plusieurs raisons. Ainsi, le secteur du tourisme est extrêmement fragmenté et hétérogène et couvre un large éventail d’industries dont un grand nombre affichent une structure duale caractérisée par un groupe très restreint de grandes entreprises, associé à un groupe important de PME/micro-entreprises. Il s’agit en outre d’un secteur « à forte intensité d’information », ce qui signifie que de nombreux services touristiques sont prêts à passer au numérique. Il importe tout particulièrement d’appréhender l’adoption du numérique par les PME touristiques, car quelque 85 % des entreprises qui jouent un rôle essentiel dans les prestations de services touristiques dans les pays de l’OCDE sont des PME (hébergement et services de restauration, agences de voyage, voyagistes, par exemple) contre les deux tiers environ pour l’économie en général. Même si elles représentent la majorité des entreprises du secteur du tourisme, les PME et les micro-entreprises ont davantage de difficultés à procéder à une intégration verticale que les grandes entreprises (comme les chaînes d’hôtel dans le sous-secteur de l’hébergement) et à atteindre les clients potentiels.

Le secteur du tourisme se distingue également par le fait que ses entreprises exercent leurs activités sur un marché mondial tout en proposant leurs services à l’échelle locale, dans le cadre d’une offre de destinations unique. La distribution géographique des entreprises est uniquement limitée par l’attrait et l’accessibilité des destinations. Les entreprises numériques comme les agents de voyage en ligne et les plateformes de logement ont transformé le tourisme en connectant les produits et les services touristiques aux clients partout dans le monde en temps réel, et en augmentant sensiblement la visibilité des PME touristiques sur le marché. En conséquence, nombre de ces PME sont, en partie du moins, tributaires d’intermédiaires plus importants, tout en étant contraintes par les exigences croissantes des consommateurs en termes de qualité et d’efficience (le meilleur service possible au plus bas prix possible, par exemple).

Comme c’est le cas pour de nombreux secteurs, les entreprises axées sur l’art de vivre et les micro-entreprises du secteur du tourisme ont la réputation d’être focalisées sur leur survie et d’avoir une aversion face au risque, avec une appétence limitée pour l’innovation. Néanmoins, la technologie imprègne la plupart des aspects de la vie des entreprises touristiques modernes. Les progrès technologiques transforment progressivement les chaînes de valeur touristiques et la position des PME le long de ces chaînes, rendant possible une évolution des modèles économiques et offrant aux PME de nouvelles possibilités de collaborer et de créer des réseaux avec des partenaires potentiels (pour présenter, par exemple, une offre touristique intégrée et fluide). Les chaînes de valeur touristiques sont devenues des écosystèmes de valeur mondiaux, car les consommateurs peuvent désormais avoir directement accès aux entreprises qui proposent le bien, le service ou la prestation finale (encadré 2.1). Grâce aux données déduites numériquement, les produits et les services touristiques évoluent vers une hyper-personnalisation et une adaptation extrême aux besoins du client (Skift et Adobe, 2018 ; Visa, 2017).

L’automatisation et la robotique constituent une tendance fondamentale dans le secteur du tourisme, où des applications sont conçues pour des entreprises physiques ou en ligne. Ainsi, de nombreuses tâches jadis réalisées par des êtres humains sont désormais exécutées par des robots ou des systèmes automatisés comme des agents conversationnels. Ces derniers sont aujourd’hui largement utilisés dans le secteur et sont conçus pour aider les utilisateurs à trouver et à réserver des visites, des transports et des hébergements en posant un certain nombre de questions. Les robots utilisés par certains hôtels pour gérer la réception, voire servir des repas et des boissons en constituent des exemples plus perfectionnés. Si les robots ont progressé dans leur capacité d’offrir des produits et des services, le secteur, les pouvoirs publics et les consommateurs ne savent pas vraiment comment les intégrer dans l’économie (Ivanov et Webster, 2019).

La mise au point et l’adoption des nouvelles technologies devraient se poursuivre au même rythme, en raison du caractère cumulatif et du développement exponentiel du progrès technologique, de la convergence des technologies sous de nouvelles formes, de la réduction spectaculaire des coûts, de l’émergence de nouveaux modèles économiques numériques et de la baisse des coûts d’entrée (CNUCED, 2018). Des travaux précédemment menés par l’OCDE sur la façon dont les technologies structurantes façonnent l’avenir du tourisme ont fait ressortir la nécessité de mieux comprendre les défis et les opportunités nés de ces avancées technologiques afin d’éclairer l’élaboration de politiques appropriées (OCDE, 2018a ; OCDE, 2019a).

La transition vers l’économie numérique ouvre des perspectives aux entreprises touristiques de toutes tailles, comme l’accès à de nouveaux marchés et la possibilité de proposer de nouveaux services touristiques aux consommateurs dans le monde entier ou encore d’améliorer la compétitivité, les performances et la productivité. Elle permet aux PME en particulier de mieux connaître le marché, d’atteindre une certaine échelle avec des ressources limitées et d’accéder aux marchés et aux réseaux de connaissances mondiaux pour un coût relativement bas (OCDE, 2017b).

Toutefois, le passage des PME au numérique a été identifié comme un défi particulier au regard de la productivité dans les micro-entreprises et les petites entreprises dont les ressources sont souvent modestes (Commission européenne, 2017 ; OCDE, 2019a). Les données de l’OCDE montrent que si les décalages observés dans l’adoption des technologies numériques par les grandes et les petites entreprises se sont réduits dans la plupart des pays en termes de connectivité simple et de présence sur le web, ils demeurent plus importants pour les technologies plus avancées.

Pour tenter de gommer cet écart, la Commission européenne a mis en place le Réseau du tourisme numérique (Digital Tourism Network), un forum informel et flexible conçu pour réunir autour de la table des parties prenantes des secteurs public et privé afin d’examiner les défis et les opportunités communs associés à la transformation numérique du tourisme dans l’UE et d’échanger de bonnes pratiques pour stimuler la capacité d’innovation des entrepreneurs du secteur, notamment les PME. Avec l’aide de ce Réseau, la Commission européenne a mené auprès des parties prenantes une consultation ciblée sur le tourisme et la révolution numérique en 2016. Un rapport de 2018 contenant des conclusions énonce des recommandations pour améliorer le passage du tourisme au numérique dans l’UE. Pour donner suite à ces travaux, le Réseau du tourisme numérique s’intéresse principalement aux questions du développement du numérique dans le tourisme à un niveau supérieur dans l’UE, à travers des débats et des événements destinés aux parties prenantes.

Pour tirer parti de la révolution numérique, les entreprises devront à la fois investir dans les infrastructures numériques, et développer les compétences de leur capital humain ainsi que l’innovation dans les modèles et les processus économiques (OCDE, 2019d). Ces investissements seront déterminants pour ouvrir les possibilités offertes par la transition numérique aux PME touristiques. Il leur faudra investir dans les compétences et les ressources techniques nécessaires pour faciliter l’adoption et l’utilisation effective des nouvelles technologies, mais aussi dans le changement organisationnel, l’innovation de processus et de nouveaux modèles économiques, également qualifiés d’« actifs intellectuels » (OCDE, 2018c). Dans certains pays, toutefois (comme le Danemark), on a constaté un écart croissant entre l’investissement des entreprises touristiques dans les technologies numériques et celui réalisé par d’autres secteurs.

Si l’ampleur et les répercussions de la transformation numérique dans le tourisme sont difficiles à évaluer en l’absence de données complètes, les éléments disponibles donnent à penser que l’adoption des technologies numériques dans ce secteur n’a pas été homogène, et les pouvoirs publics peuvent encore prendre de nombreuses mesures pour soutenir la transition numérique. Les données et les conclusions provenant d’autres secteurs font aussi apparaître des gains potentiels pour le tourisme : la gestion axée sur les données améliore la prise de décision et augmente la productivité ; la technologie, et en particulier l’interopérabilité des systèmes, peuvent entraîner une forte réduction des coûts ; et l’automatisation accroît l’efficience des processus de vente (OCDE, 2017a ; Brynjolfsson et al., 2011).

L’action publique influera sensiblement sur le rythme de la transformation et sur la possibilité de voir augmenter les avantages sociaux, économiques et environnementaux potentiels (WEF, 2019). Faciliter l’adoption des nouvelles technologies dans les PME touristiques, donner à ces dernières les moyens de suivre l’évolution des exigences des consommateurs et soutenir la dématérialisation des circuits de commercialisation ainsi que des modèles et des processus économiques dans ces entreprises constituent des priorités de taille pour le secteur.

Pourtant, les barrières à l’entrée et les coûts marginaux de la participation à l’économie numérique étant peu élevés, les PME touristiques ont la possibilité de prendre part à l’innovation au niveau de l’écosystème et d’en tirer avantage (Commission européenne, 2017 ; OCDE, 2017a). Les pouvoirs publics ont un rôle important à jouer en créant les conditions de la transformation numérique des PME touristiques et en aidant ces entreprises à adopter des modèles économiques tirant parti du numérique et à s’y adapter, et à s’intégrer dans des écosystèmes de valeur numériques. La compréhension de ces facteurs et de ces tendances, ainsi que des difficultés en découlant pour les PME touristiques en particulier offre un cadre de référence pour élaborer des politiques adéquates et efficaces. L’une des grandes difficultés, pour les responsables de l’action publique, consiste à libérer ces opportunités tout en faisant en sorte que personne ne soit laissé pour compte.

Les avancées technologiques ont de profondes répercussions sur le secteur du tourisme. Ces innovations vont des technologies de gestion des entreprises (technologies mobiles/informatique en nuage, automatisation et robotique avancée, chaînes de blocs, analytique des données, par exemple) aux technologies qui débouchent sur des produits, des services et des prestations touristiques innovants (comme la réalité virtuelle/augmentée ou l’Internet des objets), en passant par celles qui permettent de bénéficier d’une aide, de comprendre et de communiquer avec les marchés (analytique des données, informatique en nuage et intelligence artificielle) (OCDE, 2017c) (Encadré 2.3).

En raison de la forte intensité d’information des services touristiques, de l’étendue des informations disponibles sur Internet et de la facilité des réservations, le tourisme obtient de meilleurs résultats que les autres secteurs d’après la part des entreprises réalisant des ventes en ligne dans les 28 pays de l’OCDE pour lesquels des données sont disponibles, à l’exception du Canada, de la Finlande et du Royaume-Uni (Graphique 2.1). Les données de l’OCDE (2019f) montrent qu’en moyenne, 77 % des entreprises proposant des services d’hébergement ou de restauration et de boissons dans les pays de l’OCDE possèdent un site web ou une page d’accueil et que 70 % d’entre elles utilisent les médias sociaux. Le secteur du tourisme s’est lancé dans le commerce électronique, car les plateformes et les systèmes de paiement en ligne ont changé les habitudes d’achat de produits du secteur des voyages.

Il ressort d’un rapport sur le commerce électronique dans l’UE que plus de 70 % des internautes ont effectué au moins un achat de bien ou de service en ligne au cours des 12 mois précédents pour un usage privé. Parmi eux, plus de la moitié (54 %) ont acheté un voyage ou un hébergement de vacances, cette catégorie étant uniquement distancée par les vêtements et les articles de sport, lesquels ont été achetés par les deux tiers environ (65 %) de ces internautes. Les acheteurs en ligne appartenant à la tranche d’âge des 25-54 ans sont ceux qui étaient le plus susceptibles d’acheter des voyages et des vacances (57 %).

Les conclusions du rapport ont aussi montré que la proportion d’acheteurs en ligne variait considérablement dans l’UE, allant de 29 % en Roumanie à 91 % au Royaume-Uni (Eurostat, 2020).

Si la transformation numérique touche progressivement tous les secteurs de l’économie, la vitesse et l’ampleur du phénomène varient. De récents travaux de l’OCDE (Calvino et al., 2018) évaluent l’intensité numérique des secteurs en analysant les composantes technologiques du développement numérique (investissements TIC matériels et immatériels, achats de biens TIC intermédiaires et de services TIC, achats de robots), le capital humain requis pour incorporer la technologie dans la production (intensité en spécialistes des TIC) et les répercussions de la technologie numérique sur les relations des entreprises avec le marché (ventes en ligne). Dans la taxonomie des secteurs par intensité numérique (Tableau 2.1), les prestations de services d’hébergement et de restauration obtiennent une appréciation faible, tandis que les activités artistiques, de spectacle et récréatives sont d’une densité moyenne-élevée en fonction de sept indicateurs différents (OCDE, 2019c).

Ces résultats montrent que les entreprises touristiques possèdent un vaste potentiel inexploité en termes d’adoption et d’application des solutions numériques, même si elles peuvent bénéficier des investissements TIC dans d’autres secteurs grâce à l’externalisation de certaines activités (vente et publicité en ligne, par exemple).

Certaines des entreprises numériques les plus innovantes et créant le plus de valeur sont présentes dans le secteur du tourisme, même si la plupart d’entre elles se sont considérées comme des jeunes pousses à forte intensité technologique, et non comme des entreprises touristiques (Airbnb, Uber, Booking.com, HomeAway etc.). Ces géants du numérique sont axés sur la technologie, ont les moyens de se développer à l’international et peuvent attirer le capital-risque, et diffèrent donc sensiblement des PME touristiques traditionnelles en termes de trajectoire de croissance. Ils exercent leurs activités aux côtés d’une longue liste d’entreprises touristiques existantes confrontées à des difficultés complexes sur la voie du passage au numérique (OCDE, 2019 ; PATA, 2018), ce qui conduit à une innovation à deux vitesses et à l’apparition d’avantages compétitifs. Ainsi, les plateformes de partage de logements peuvent utiliser des technologies pour changer d’échelle de manière efficiente au coût marginal et acquérir un avantage sur le marché afin de devenir rapidement des acteurs majeurs du secteur de l’hébergement.

Libérer le potentiel des technologies et de la révolution numériques implique donc d’adopter une approche nuancée adaptée aux difficultés uniques rencontrées dans différents pans du secteur du tourisme, et dans différents types d’entreprises touristiques. Les mesures à prendre pour remédier aux difficultés auxquelles doivent faire face ces entreprises pour passer au numérique peuvent varier fortement en fonction des éléments suivants :

  • type, taille et caractéristiques de l’entreprise concernée et du sous-secteur dont elle fait partie (transport, hébergement, services aux particuliers, par exemple) (Calvino et al., 2018 ; OCDE, 2019) ;

  • accès aux technologies, à l’information, à des experts, à des conseils, à un accompagnement et à d’autres ressources et aides (Commission européenne, 2017) ;

  • capacités de gestion et d’élaboration de stratégies, qui déterminent l’aptitude des propriétaires des entreprises à détecter les opportunités, à percevoir les risques et à être prêts à saisir ces opportunités (Rachinger et al., 2018) ;

  • localisation de l’entreprise, contexte socio-économique et accès aux technologies numériques et disponibilité de ces technologies (Dredge et al., 2018).

Les contributions des pays à l’enquête entreprise à l’appui de ce chapitre font apparaître les difficultés liées au passage des PME touristiques au numérique. Ces difficultés, ainsi que les initiatives correspondantes prises par les pouvoirs publics sont regroupées en cinq catégories étroitement liées ; les résultats de l’étude sont présentés succinctement dans le Tableau 2.2 :

  • Adoption des technologies : Les obstacles à l’adoption tournent autour de l’accès aux infrastructures numériques, comme l’Internet à haut débit et les réseaux Wi-Fi, qui sont nécessaires pour accéder à des technologies plus avancées comme l’informatique en nuage ou l’analytique des données. La vitesse de connexion Internet influe sur les services de réservation, la commercialisation et les autres activités des entreprises. L’Autriche, le Chili, l’Espagne, la France, la Grèce et la Suède, parmi d’autres pays, notent que les PME et les micro-entreprises affichent généralement un taux d’adoption plus bas, ce qui pèse sur leur visibilité et leur réputation. La production in situ d’une offre touristique peut nécessiter un réseau mobile à haut débit. Les promenades innovantes, par exemple, peuvent avoir besoin d’un accès Wi-Fi aux services d’informatique en nuage, au géomarquage et à la réalité augmentée pour donner corps à des expériences et à des simulations historiques comme elles qui sont organisées par l'initiative Heritage in Motion. Les autorités locales proposent de plus en plus un accès Wi-Fi dans les espaces publics pour favoriser le déroulement d’expériences touristiques fluides, comme on le voit en Corée (Encadré 2.5).

  • Accès aux ressources : Un déficit d’accès aux financements, à l’information, aux réseaux du savoir ou aux compétences ou un manque de temps peuvent constituer des obstacles à la transformation numérique (OCDE, 2019d). Les PME touristiques peuvent ne pas disposer de réserves suffisantes, avoir des difficultés à remplir les conditions nécessaires à l’obtention de prêts ou de crédits traditionnels ou juger l’investissement trop risqué. Cela limite la disposition des PME à investir dans les technologies numériques lorsqu’elles sont préoccupées par leur retour sur investissement. Pour surmonter ces obstacles, des programmes comme le Digital Development Loan écossais ou l’Agenda Digital espagnol proposent des aides financières pour encourager l’investissement. Les déficits de compétences et d’accès à la formation initiale et continue et aux aides aux entreprises posent également problème, alors qu’un manque de temps, de sensibilisation et de connaissances au sein des PME peuvent contribuer à un faible niveau de participation à de telles initiatives. Pour y remédier, la Norvège, par exemple, propose aux professionnels du tourisme une séance de formation d’une journée, pour améliorer leurs compétences numériques aux niveaux débutant et expert (Compétence numérique 2.0). Ce format resserré permet d’encourager l’amélioration des compétences tout en tenant compte du peu de temps et de ressources dont disposent les PME du secteur.

  • Échange d’informations, formation et recherche : Du fait de l’existence de circuits d’information, de communication, de réservation et d’enregistrement directs, certains types d’emplois au guichet sont désormais moins nécessaires et les relations d’emploi traditionnelles sont remplacées par des contrats de travail indépendant plus précaires dans le transport et l’hébergement, par exemple. Il en découle aussi une demande de compétences différentes et de nouveaux types d’emplois.

    Selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT, 2019a), les profils les plus recherchés par les entreprises dans le secteur du tourisme au cours des cinq prochaines années devraient être les suivants : numérique/informatique, service au client, analytique des données, opérationnel, commercial, leadership/management et administration/finance. Pourtant, les entreprises touristiques pourraient ne pas avoir la capacité, en termes de ressources financières ou de management, de faire appel à des experts des technologies ou d’investir dans la formation de leur personnel. Elles pourraient alors recourir à des services de conseil qui peuvent s’avérer coûteux, et les établissements d’enseignement supérieurs ad hoc sont rarement incités à se lancer dans des projets de renforcement des capacités concrets de faible envergure. Le gouvernement autrichien a comblé cette lacune en créant le programme Research Expertise for the Economy en coopération avec l’Agence autrichienne de promotion de la recherche (FFG) afin de soutenir la dématérialisation de l’économie, et notamment des entreprises touristiques.

  • Innovation des entreprises : Les modèles économiques, les pratiques, la culture et les stratégies ont tous une influence sur l’ouverture des PME touristiques à la transformation numérique et sur leur volonté de la mettre en œuvre. Grâce aux nouvelles technologies, le coût traditionnel de l’activité commerciale a fortement baissé, ce qui a permis à certaines entreprises de se développer à un rythme sans précédent (OMT, 2019b). De nombreuses entreprises axées sur l’art de vivre et micro-entreprises du secteur se focalisent sur leur survie et se caractérisent par une aversion pour le risque et une appétence limitée pour l’innovation, tandis que les grands groupes ont la capacité, financière notamment, de réaliser des investissements conséquents.

    De plus, les différences dans la nature fondamentale de certains sous-secteurs du tourisme, comme l’hébergement, le transport ou les secteurs de la revente, influent fortement sur leur capacité et leur vitesse d’adaptation à l’écosystème numérique.

Ces tendances ont contribué à l’apparition d’un écart de productivité entre les PME touristiques traditionnelles et leurs homologues converties au numérique. Les incubateurs, les accélérateurs et les laboratoires qui encouragent les partenariats entre les sociétés de haute technologie et les entreprises touristiques peuvent rendre ces dernières plus ouvertes à l’innovation et aux échanges de connaissances. Néanmoins, ces structures de soutien se focalisent souvent sur les aspects technologiques des jeunes pousses, comme l’innovation dans les modèles économiques ou la capacité d’attirer des investissements en capital-risque, et ne s’attellent pas aux difficultés que rencontrent les entreprises touristiques existantes pour passer au numérique.

Si ces structures ont lancé des entreprises à forte valeur ajoutée dans les secteurs du covoiturage et du partage de logements, les PME existantes dans l’hébergement, par exemple, peuvent éprouver des difficultés à s’approprier de la valeur dans le cadre de ce type de programmes. Les objectifs de ces incubateurs, laboratoires et accélérateurs devraient être définis avec soin pour correspondre aux besoins sur le terrain.

  • Perception des risques et des avantages : Un manque de ressources, des avantages incertains et la peur de l’inconnu ont été largement désignés, dans les réponses apportées à l’enquête, comme des obstacles à l’adoption, par les entreprises touristiques, de technologies numériques avancées, coûteuses ou innovantes, tels les services d’informatique en nuage.

    L’évolution des obligations de confidentialité concernant la protection des données dans le monde peut rendre plus complexes la collecte, l’analytique et le stockage des données, tandis que les décideurs privés doivent arbitrer entre des priorités contradictoires, à savoir investir dans la technologie ou financer leurs charges d’exploitation. Les entreprises axées sur les données peuvent néanmoins prendre de meilleures décisions (Brynjolfsson et al., 2011).

Lorsqu’on évalue les répercussions des nouvelles technologies dans le secteur du tourisme, il importe de faire la distinction entre les entreprises qui sont imprégnées de la culture du numérique et les entreprises traditionnelles, car l’hétérogénéité de l’adoption des outils numériques tient en grande partie à la question de savoir qui participe et comment. Le Tableau 2.3 présente une synthèse des différences existant entre ces modèles économiques.

Les entreprises numériques du secteur du tourisme ont tendance à être jeunes et mondiales en termes d’utilisateurs et de livraison des produits. Bien souvent, elles n’existaient pas avant l’ère du numérique. Ces entreprises sont axées sur le client et créent souvent de la valeur pour deux groupes de consommateurs au moins (elles sont donc multi-faces).

Elles ont tendance à bouleverser les modèles économiques traditionnels et à associer différentes technologies (plateforme numérique, marketing social, analytique des données, automatisation et gestion de la relation client, par exemple) pour accroître les gains d’efficience, étendre leurs circuits de distribution aux marchés mondiaux, et réaliser des économies d’échelle (WEF, 2019). Elles ont aussi la capacité de changer rapidement d’échelle, d’accéder à de nouveaux marchés et de créer des produits complexes ; elles possèdent peu d’actifs physiques, mais les données et le talent représentent des actifs importants, et différents types de valeurs intangibles comme la loyauté et la confiance sont coproduits avec les utilisateurs (Gal et Witheridge, 2019 ; WEF, 2017).

Parmi les exemples les plus connus d’entreprises imprégnées de la culture du numérique citons les méta-moteurs (comme Skyscanner, Kayak ou Trivago), les agences de voyage en ligne (Expedia ou Opodo, par exemple) et les plateformes de réservation qui regroupent et organisent des produits et services de tiers (Booking.com, Priceline ou Agoda), ainsi que les plateformes collaboratives comme BlaBlaCar, HomeAway, Airbnb ou Lyft. Les petites entreprises touristiques élaborent aussi des modèles économiques essentiellement numériques (Encadré 2.4).

Grâce à leur capacité de changer d’échelle rapidement, à l’absence d’infrastructures physiques leur appartenant (lits ou voitures, par exemple) et à leurs activités mondiales, de nombreuses entreprises imprégnées de la culture du numérique et axées sur les technologies ont pu tirer parti des failles existant en termes de planification, de sécurité, de droit du travail ou de réglementation. Les pouvoirs publics se sont efforcés de remédier aux incohérences existant dans l’application de la législation et de la réglementation, qui conduisent à une situation où les entreprises imprégnées de la culture du numérique jouissent souvent d’un avantage compétitif par rapport aux entreprises touristiques traditionnelles.

Les entreprises touristiques traditionnelles, en revanche, existaient généralement avant l’ère du numérique et possèdent des infrastructures physiques (comme des établissements hôteliers), sont axées sur le produit et ont tendance à recourir à des modèles de production traditionnels (communication personnelle sur papier et inventaire), de sorte qu’il leur est difficile de changer d’échelle (McKinsey, 2014). Elles ont aussi tendance à exercer leurs activités dans des chaînes de valeur plus restreinte, plus définies. Elles entretiennent souvent des relations plus étroites avec leurs clients et sont en mesure de fournir des services personnalisés grâce à des échanges répétés.

Le bouleversement engendré par les nouvelles plateformes numériques a aiguillonné la transformation de nombreux sous-secteurs du tourisme, et conduit à la mise en place de modèles économiques hybrides. Les entreprises touristiques traditionnelles ont éloigné de la rue vitrines et services en face à face et se sont constitué une présence en ligne pour desservir des marchés élargis. Les agences de voyage, les voyagistes, les organismes de gestion des destinations et autres entreprises touristiques traditionnelles optent souvent pour un modèle dual, en gérant leur propre page Internet et leur marketing sur les médias sociaux, tout en proposant leurs produits et services sur des plateformes mondiales. Ce modèle hybride peut conduire à des activités plus complexes et plus coûteuses que de nombreuses PME auraient du mal à financer (par exemple des coûts post-innovation comme la gestion de serveurs) et qui doivent être mises en balance avec l’élargissement des marchés et la capacité d’accéder à des données et à des chaînes de valeur mondiales (OCDE, 2018c).

Les approches de l’action publique visant à soutenir le passage du tourisme au numérique devraient tenir compte des différents défis et problèmes auxquels sont confrontées les entreprises historiques traditionnelles du secteur et celles qui sont imprégnées de la culture du numérique, ainsi que des modèles économiques hybrides. Diverses initiatives ont été prises par les pouvoirs publics pour partager des connaissances et développer des écosystèmes touristiques durables, comme Lightning Lab Tourism, en Nouvelle-Zélande, un accélérateur d’entreprise sur trois mois dont l’objectif principal est de mettre en place un écosystème d’innovation durable pour l’avenir du tourisme en Nouvelle-Zélande. Ce programme réunit des entreprises en phase de démarrage et des équipes projets de l’industrie du tourisme, afin de surmonter les difficultés de productivité, culturelles, environnementales et sociales du secteur, et contribuer à mettre à bas le cloisonnement existant entre les entreprises numériques et les PME touristiques, facilitant ainsi les processus de transformation numérique.

Pour libérer le potentiel de l’économique numérique, il est important de comprendre comment la valeur est co-créée et partagée par de multiples parties prenantes qui collaborent. Les plateformes des médias sociaux, par exemple, et notamment les applications de partage de photos et de suivi d’itinéraires, permettent aux voyageurs de partager des photos géomarquées avec leurs amis et leurs abonnés. Elles créent aussi de la valeur ajoutée pour les PME à une destination donnée, qui peuvent utiliser ces photos de qualité à peu de frais pour commercialiser leurs produits et services. Pour les pouvoirs publics, la difficulté consiste à faire en sorte que les PME fassent partie de ces nouveaux écosystèmes de valeur, et que la valeur générée par ces nouvelles entreprises numériques puisse être développée, captée et partagée par tous ceux qui y contribuent. Si des biens collectifs locaux comme des parcs, des jardins et des rues publiques apportent de la valeur, par exemple, une partie de la valeur captée devrait servir à les gérer et à les rénover.

La montée en puissance du numérique transforme les pratiques traditionnelles des entreprises, et cette transformation se produit sur plusieurs fronts, comme l’engagement du client, la commercialisation, la gestion de l’entreprise, les plans de développement, la mise au point des produits et les prestations de service (Tableau 2.4). Les répercussions de cette transformation sur les PME touristiques sont importantes car la dématérialisation transfère la production de l’offre touristique de chaînes de valeur linéaires vers des écosystèmes de valeur (Kelly, 2015 ; WEF, 2019). S’il est possible de retirer certains avantages de l’élargissement des marchés et des gains de productivité découlant de la création de valeur ajoutée, comme la possibilité de sensibiliser davantage les visiteurs grâce à un surcroît d’informations, la complexité du marché réduit le contrôle qu’exercent les offices de tourisme sur l’organisation et la présentation de la destination.

Les initiatives de renforcement des capacités, comme l’accompagnement d’entreprises, l’expérimentation à travers des laboratoires vivants, les ateliers ou les cours en ligne, offrent des occasions de tester ces nouveaux modes de création et de captation de valeur. De telles initiatives encouragent les PME à réévaluer leurs modèles économiques et à apporter des changements fondamentaux à leur stratégie et à leurs pratiques. Israël a mis en place un programme d’accélérateurs pour le tourisme, afin de favoriser les créations d’entreprises et le développement des entreprises touristiques existantes, ainsi que l’adaptation des produits et services touristiques aux marchés internationaux. Les autorités locales peuvent aussi participer à ces accélérateurs, pour trouver des solutions aux difficultés qui se font jour.

À mesure que la dématérialisation évolue, les technologies émergentes sont associées selon des modes novateurs pour pousser la transformation numérique dans des directions nouvelles et souvent imprévisibles (OCDE, 2018c). Dans le tourisme, cette convergence se produit dans deux domaines clés : l’association de technologies numériques, et l’intégration de ces technologies dans le monde physique (technologies portables, réalité augmentée, reconnaissance d’image, etc.). Il y a convergence numérique lorsque plusieurs technologies numériques s’unissent pour fonctionner de manière synchronisée, ou en cas de partage de données ou d’informations ou d’émergence d’innovations rendant possibles des interactions fluides tout au long du parcours des voyageurs. Une fois leur moyen de transport réservé, par exemple, ces derniers peuvent se voir adresser, en fonction de leurs comportements antérieurs, des suggestions automatisées concernant les transferts, l’hébergement et les activités proposées à destination. Moyennant quelques clics, ils peuvent ainsi réserver une voiture ou une table dans un restaurant, finaliser leur enregistrement à l’hôtel ou acheter des billets. L’automatisation, l’intelligence artificielle et l’analytique des données massives facilitent l’interopérabilité des systèmes de réservation, mais des partenariats préexistants peuvent aussi faire en sorte que les choix des consommateurs se portent systématiquement sur des partenaires privilégiés et exclure les PME proposant d’autres produits et services. L’analytique des données et les algorithmes peuvent favoriser certains fournisseurs, en personnalisant et en groupant des produits, et susciter l’engagement du client avant, pendant et après le voyage. La difficulté, pour les PME, est de comprendre, de se lancer et d’élaborer des stratégies pour pouvoir affirmer leur présence au sein de ces réseaux numériques, car les clients peuvent choisir la facilité offerte par une suggestion au lieu de faire leurs propres recherches. La collecte et l’analytique dynamiques des données permettent de mieux connaître les consommateurs, facilitent la personnalisation et accroissent la satisfaction des visiteurs (WEF, 2017).

Dans le tourisme, la convergence numérique/physique trouve sa concrétisation dans la réalité augmentée, les technologies portables et l’Internet des objets, afin de générer de nouveaux produits, services et prestations hybrides. À titre d’exemple, citons les vélos, les scooters et les voitures électriques, auxquels il est possible d’accéder partout, à tout moment, grâce à une application mobile, ce qui limite la nécessité d’une présence et d’un personnel au guichet, lequel pourrait être remplacé par des structures de support et de maintenance techniques. Le développement du tourisme intelligent, à l’échelle des villes, des régions ou d’un pays, est possible.

L’objectif du tourisme intelligent est de développer des infrastructures et des capacités d’information et de communication pour faciliter l’innovation, améliorer l’expérience vécue, et gérer et administrer le secteur du tourisme de manière concertée avec une efficacité accrue (Gretzel et al., 2015). Les technologies facilitant la convergence ont été identifiées comme la principale source de création de valeur, d’innovation et de productivité pour l’avenir du tourisme (APEC, 2019). Conscients du pouvoir économique et social des technologies intelligentes en termes de transformation, des pays comme la Corée, la Croatie, l’Espagne ou le Portugal ont introduit des programmes pour soutenir le développement de destinations touristiques intelligentes (Encadré 2.5).

On trouve un exemple de tourisme intelligent en action à destination dans l’initiative touristique viticole intelligente lancée par des producteurs de vin dans la Vallée de Napa, aux États-Unis, qui utilise le Wi-Fi, l’Internet des objets et les logiciels de géolocalisation pour cibler les touristes proches d’une destination, et les inviter à vivre une expérience viticole pendant leur séjour. Faciliter de telles visites aux entreprises viticoles et autres attractions touristiques en offrant un accès Internet et des répertoires numériques géomarqués (comme TouristWise) dans les régions prisées par les touristes et le long des itinéraires en vogue parmi eux ne gagnera en importance qu’à mesure que les destinations chercheront à proposer un parcours fluide et à améliorer l’expérience vécue par les voyageurs sur un marché de plus en plus concurrentiel.

Lorsque les technologies numériques sont utilisées dans le cadre de modèles économiques innovants, la dynamique de la concurrence, de l’innovation et de l’investissement peut changer radicalement (OCDE, 2016 ; Rachinger et al., 2018). La convergence des technologies numériques crée un système d’innovation dynamique, comme le montre le Tableau 2.2.

Nouveaux modèles économiques, appareils numériques, contenu généré par de multiples utilisateurs, données massives et commerce numérique sont autant de facteurs qui œuvrent en faveur de la création et du partage de valeur, du développement et de l’accès à des marchés mondiaux et de la création de parcours et d’expériences touristiques fluides. Voilà dix ans, par exemple, les plateformes de partage de logements ont émergé sous forme de modèle économique innovant. Cela étant, le fait que des utilisateurs multiples aient bénéficié, grâce aux technologies structurantes, d’une accessibilité accrue à des appareils multiples et la co-création d’une valeur diversifiée par ces utilisateurs ont eu des effets déstabilisants et innovants sur de nombreuses destinations, au cours de cette période. L’exemple de l’Islande, de 2008 à 2019, montre le rôle qu’ont joué les plateformes de partage de logements dans la croissance du tourisme en comblant un vide en cas d’absence d’infrastructures hôtelières.

Dans leur quête du tourisme intelligent, les gouvernements sont confrontés à une double difficulté : mobiliser la queue longue des PME du secteur du tourisme peu dématérialisées pour stimuler l’adoption des technologies numériques et leur intégration dans des écosystèmes économiques numériques ; et soutenir les entreprises numériques innovantes qui dynamisent les écosystèmes économiques. Les initiatives des pouvoirs publics peuvent cibler la création d’environnements favorables aux technologies et à l’innovation d’entreprise et encourager la participation à grande échelle à la co-création de valeur. Au Royaume-Uni, par exemple, un itinéraire touristique, Explorer’s Road, a été créé au nord de Londres pour faire participer les PME locales et augmenter leur visibilité et leur capacité numérique le long du parcours (Encadré 2.6).

Le développement du numérique a entraîné une augmentation du nombre de parties prenantes et des divers types de valeur pouvant être co-créés dans le tourisme au sein de réseaux mondiaux numériques.

L’ampleur et la fluidité de ces écosystèmes économiques peuvent, par exemple, contribuer à l’innovation de produits et de services, à l’accroissement des gains d’efficience et à l’amélioration de l’accès aux marchés. Il importe de prendre des mesures en faveur du développement de l’innovation dans les modèles économiques, ainsi que de dispositifs réglementaires favorables aux nouveaux modèles et structures économiques.

Les modèles économiques ont toujours largement contribué à la croissance, à l’innovation et à l’acquisition d’avantages concurrentiels. À ce jour, la transformation numérique observée dans le secteur du tourisme est principalement due à l’apparition de modèles économiques nouveaux et innovants recourant à l’analytique des données (comme les enfants du numérique qui transforment des données en intelligence), ou à l’adaptation et à l’évolution des modèles économiques et chaînes de valeur existants.

L’adoption des technologies numériques au niveau opérationnel, ainsi que de stratégies d’entreprise numériques a été inégale, et l’écart se creuse entre les entreprises numériques innovantes et les PME touristiques traditionnelles peu dématérialisées (WEF, 2017). Les grandes entreprises bénéficient de la normalisation et d’économies d’échelle lorsqu’elles adoptent des technologies numériques et d’un accès plus aisé aux financements et aux ressources nécessaires pour investir dans le développement numérique. Elles jouissent ainsi d’un avantage au regard de l’adoption de ces technologies. Les PME du secteur du tourisme sont souvent, en grande majorité, des micro-entrepreneurs et des petites entreprises, qui disposent généralement d’un accès limité aux compétences et aux connaissances, aux financements, aux infrastructures et aux aides en faveur des entreprises (Commission européenne, 2017 ; OCDE, 2017b).

Les travaux de recherche sur les écosystèmes économiques montrent que les entreprises s’efforcent de passer au numérique suivant deux axes : i) en apprenant à mieux connaître leurs clients et leur marché avec une efficacité accrue ; et ii) en utilisant la technologie pour se montrer plus efficaces dans l’écosystème numérique ou le long des chaînes de valeur. Quatre archétypes du modèle économique tirant parti du numérique ont été mis en évidence (Graphique 2.3) :

  • Les entreprises verticalement intégrées – Ces entreprises sont « détentrices » des relations avec les clients, qu’elles connaissent bien. Elles collectent et analyse les données au sein du circuit de distribution, proposent des produits multiples et possèdent une chaîne de valeur fortement intégrée. Citons, à titre d’exemple, Disney ou les compagnies de croisières mondiales.

  • Les écosystèmes multi-faces – Ces plateformes de marque axées sur le client collectent et partagent des données pour améliorer l’expérience vécue. Elles proposent des produits de tiers prêts à l’emploi. C’est le cas de Booking, de Priceline, d’Uber ou d’Airbnb.

  • Les producteurs / fournisseurs modulaires – Ces entreprises vendent par l’intermédiaire d’autres entreprises ou plateformes, ont des contacts directs limités avec les consommateurs et sont souvent des producteurs à bas coûts. Elles peuvent avoir une bonne connaissance de leurs clients, mais recourir à d’autres entreprises pour établir des contacts avec eux et s’informer sur les grandes tendances en matière de consommation. Citons ainsi Airbnb Handsfree, les principaux services de conciergerie et les loueurs de matériel.

  • Les revendeurs – Ils proposent des produits et des services prêts à l’emploi, s’adaptent à des écosystèmes différents et innovent sans cesse en termes de produits et de services. Les achats groupés modulaires comme la location de voitures ou les hébergements proposés à l’issue d’un achat réalisé sur le site d’une compagnie aérienne en sont de parfaits exemples.

Les travaux de recherche sur l’innovation dans les modèles économiques numériques sont parvenus à diverses conclusions communes, susceptibles d’aider les PME du secteur du tourisme à envisager ce processus d’innovation de manière concrète :

  • Connaître le marché – Il apparaît que les entreprises axées sur le client, qui placent celui-ci (et non le processus de production) au centre de leur activité, obtiennent de meilleurs résultats. Les travaux de recherche montrent aussi que les entreprises qui tirent plus de 50 % de leurs revenus d’écosystèmes numériques comprennent mieux leurs clients, et affichent un chiffre d’affaires et des marges bénéficiaires supérieurs (Weill et Woerner, 2015).

  • S’adresser à des utilisateurs multiples – Les entreprises multi-faces offrent de la valeur ajoutée à deux groupes d’utilisateurs au moins et obtiennent manifestement de meilleurs résultats que celles qui reposent sur une relation producteur/consommateur binaire. Ces modèles économiques intègrent différents mécanismes de création de valeur, de nature financière ou non (évaluations, réputation et notes) et résistent mieux à la transition et au bouleversement numériques (Skog et al., 2018). Selon les données disponibles, ces plateformes représentaient quelque 7 % du marché mondial de l’hébergement en 2018, le taux de croissance annuel prévu entre 2013 et 2025 étant six fois plus rapide que celui des prestataires d’hébergement traditionnels (Banque mondiale, 2018).

  • Favoriser les économies d’échelle par la demande – Les écosystèmes économiques déterminés par la demande ont tendance à obtenir de meilleurs résultats que les modèles axés sur le produit qui caractérisent les entreprises traditionnelles. Dans les modèles déterminés par la demande, les utilisateurs créent différents types de valeur pour d’autres utilisateurs grâce à des mécanismes divers (partage de biens, accès à des services inutilisés, notes inspirant confiance, etc.). Au lieu de générer des produits puis d’essayer de les vendre comme le ferait une entreprise industrielle, les entreprises numériques transfèrent la production vers l’extérieur (en l’externalisant auprès du propriétaire de l’appartement qui souhaite partager son logement). Les réseaux numériques permettent de développer la production en dehors de l’entreprise, en délaissant l’intégration verticale traditionnelle au profit du rapprochement de la demande et du produit.

Soutenir l’innovation est une préoccupation essentielle pour tous les gouvernements, et les initiatives des pouvoirs publics destinées à doper l’innovation en général sont largement répandues. Dans le tourisme, il est difficile de définir les systèmes de production, et donc d’introduire des mesures ciblées. Les producteurs et les consommateurs sont dispersés à l’échelle mondiale et on enregistre un nombre croissant d’intermédiaires en ligne ; de plus, la production des produits et services touristiques peut être relativement complexe. Il existe également de nombreux sous-secteurs, caractérisés par des difficultés et des opportunités diverses au regard du développement numérique.

Bien souvent, les initiatives des pouvoirs publics destinées à favoriser l’innovation de manière plus générale ne sont pas suffisamment ciblées pour cadrer avec les obstacles, les opportunités et les caractéristiques opérationnelles propres aux PME du tourisme (Tableau 2.2). Ainsi, les initiatives comme les incubateurs et les accélérateurs sont souvent centrées sur les technologies et pas nécessairement focalisées sur le tourisme. Elles risquent de déstabiliser les marchés du tourisme et les modèles économiques traditionnels, mais sans contribuer à la satisfaction des objectifs plus généraux de développement du secteur, comme l’amélioration de l’offre touristique, de la viabilité des destinations et du bien-être des communautés. Airbnb, par exemple, qui se considérait dans un premier temps comme un marché en ligne, a reconnu plus récemment jouer un rôle plus étendu dans l’offre touristique (Airbnb Trips).

Cela porte à croire qu’il est possible de mettre en place des incubateurs, des accélérateurs et d’autres aides publiques pour développer des modèles économiques et des écosystèmes de valeur touristiques satisfaisant aux objectifs centrés sur les technologies tout en bénéficiant aux PME touristiques, aux destinations et au secteur. Les entreprises mondiales comme Amadeus ont conçu des programmes afin d’aider les PME à passer au numérique (comme Amadeus for Startups) et les grandes entreprises de voyages peuvent offrir des opportunités en matière de partenariat, d’accompagnement et d’investissement, les universités pouvant elles aussi œuvrer en faveur de ces initiatives. Ainsi, TourismX a été lancé au Danemark en 2018, pour renforcer l’innovation dans les entreprises touristiques danoises. Ce projet établit un lien entre les idées de développement de l’activité touristique et les tout derniers travaux de recherche et connaissances afin de mettre au point de nouveaux produits et services innovants au sein de l’industrie du tourisme. Il est mis en œuvre dans le cadre d’un partenariat entre organisations de développement du tourisme et universités nationales.

Un grand nombre des pays répondant à l’enquête, dont la Grèce, l’Autriche, Israël, l’Islande, l’Espagne, le Danemark et la France, ont mis en place des pôles d’attractions, des incubateurs et des accélérateurs ciblant leurs aides sur les besoins des entreprises du tourisme en matière de transformation numérique. France Tourisme Lab est un réseau national d’incubateurs et d’accélérateurs thématiques spécialisés dans le tourisme, dont l’objectif est de stimuler l’innovation, de promouvoir de nouvelles idées et d’augmenter la visibilité des entreprises innovantes dans le secteur. Ce laboratoire satisfait aux besoins spécifiques des jeunes pousses du tourisme, et favorise le développement de l’offre touristique à destination : tourisme urbain, slow tourisme, tourisme connecté, mobilité touristique. En 2018, la Commission européenne a soutenu le premier réseau européen d’incubateurs dans le tourisme. Le réseau des Accélérateurs créatifs pour le tourisme durable (Creative Accelerators for Sustainable Tourism, CAST) est destiné à aider les jeunes pousses et les PME durables du secteur à se développer et à changer d’échelle. Ses activités consistent notamment à contribuer à l’élaboration de nouveaux produits, services et modèles économiques, à faciliter l’accès aux financements et à de nouveaux marchés, tout en développant de nouvelles compétences et une certaine résilience. Le consortium CAST réunit des partenaires dans 8 pays : l’Irlande, Chypre, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, la Belgique, l’Allemagne et le Danemark (www.castnetwork.eu).

Ces initiatives s’attachent en grande partie à soutenir les nouvelles jeunes pousses numériques et à développer l’écosystème numérique touristique en général, mais dans certains cas, elles encouragent aussi l’entreprenariat numérique parmi les entreprises existant dans le secteur. En Islande, par exemple, l’initiative Iceland Tourism Cluster et l’Innovation Center Iceland se sont associés pour créer un incubateur pour les chefs d’entreprise établis, Ratsjáin, qui s’emploie essentiellement à renforcer les capacités numériques des dirigeants d’entreprise et l’utilisation de l’analytique des données pour la prise de décision stratégique. L’Icelandic Tourist Board a aussi entrepris de créer un laboratoire d’essais, Sandkassinn, afin de rapprocher entreprises touristiques et entreprises de haute technologie et de réduire ainsi les obstacles entre ces deux types d’acteurs.

Dans certains cas, ces incubateurs et accélérateurs s’inscrivent dans des efforts plus vastes à l’appui de la transformation numérique du secteur. Au Portugal, par exemple, Tourismo 4.0 vise à mettre en place un écosystème numérique pour soutenir les jeunes pousses, promouvoir l’entreprenariat et stimuler l’innovation dans le tourisme. Turismo de Portugal procure des aides financières, des formations et des conseils aux PME touristiques et s’est associé à un réseau d’incubateurs et d’accélérateurs pour favoriser le développement de nouveaux modèles économiques dans le tourisme.

Des inquiétudes se font jour dans le secteur, car les aides actuellement accordées aux PME s’adressent souvent, pour l’essentiel, aux prestataires de services technologiques. Certains types d’entreprises, comme les petits hôtels, les agences de voyage ou les prestataires d’activités, peuvent peiner à remplir les conditions requises pour participer à ces laboratoires, ces mesures de soutien étant rarement destinées à aider les PME existantes à modifier leurs modèles économiques pour participer à l’écosystème numérique. Par définition, toutefois, les entreprises existantes devront aussi entreprendre une transformation numérique et pour ce faire, elles devront bénéficier d’un soutien pour disposer de la possibilité et des outils nécessaires pour réaliser leur potentiel numérique.

La rapidité de la transformation numérique a créé des difficultés pour les responsables politiques. L’environnement et les processus de l’action publique existants ont peiné à suivre le rythme soutenu du changement et de la restructuration des modèles et des écosystèmes économiques, du travail et de l’investissement mondial. Les mesures et la réglementation en vigueur ont aussi, dans certaines occasions, fait obstacle à des solutions innovantes et empêché des entreprises traditionnelles de s’adapter, tandis que les plateformes numériques mondiales se soustrayaient à la réglementation locale conçue pour l’ère pré-numérique. Cela s’est traduit par des conditions de concurrence inégales, et par l’application inéquitable des mesures et de la réglementation existantes aux entreprises attachées à un lieu donné.

L’OMT (2019b) a analysé les difficultés et la complexité inhérentes à l’application des règles et de la réglementation actuelles dans une étude concernant les nouveaux modèles économiques du secteur de l’hébergement. Cette étude a montré que cette mise en œuvre est souvent entravée par un manque de capacités, de répartition claire des responsabilités et de coopération entre les différentes entités responsables. Certains gouvernements, comme ceux de l’Australie, de l’Autriche et de la Suisse, ont ouvert des enquêtes à ce sujet et se sont employés à élaborer des solutions plus flexibles, plus souples et modulables. Ainsi, l’Australie a étudié les mesures prises par les pouvoirs publics pour faire face au bouleversement numérique, et elle est parvenu à la conclusion que les pouvoirs publics devaient faire en sorte que des opportunités numériques puissent être créées et saisies sans favoriser de technologies particulières ; les gouvernements devraient analyser leurs dispositifs institutionnels et réglementaires afin de s’assurer que les nouvelles technologies peuvent rivaliser entre elles pour conquérir des parts de marché. Les normes devraient faciliter l’interopérabilité, et les investissements dans les infrastructures peuvent aider à la diffusion des technologies (Gouvernment australien, 2016).

Par leur taille et leur capacité de générer des revenus, les entreprises de haute technologie du secteur du tourisme comme Booking Holdings, AirBnB et Expedia sont en mesure de mettre au point de nouvelles technologies et d’améliorer leur offre de services aux voyageurs, et le caractère fortement concurrentiel du secteur favorisera l’évolution en cours. Faciliter l’accès à des solutions technologiques et numériques à bas coûts pour favoriser leur adoption contribuerait à la mise en place de conditions de concurrence équitables et à l’exercice d’une concurrence non déloyale, ce qui est fondamental pour les PME et essentiel pour le développement de l’écosystème numérique.

L’exposition à la concurrence internationale a été reconnue comme un facteur important en termes de compétitivité, en permettant aux régions et aux pays de tirer parti de la mondialisation (OCDE, 2013). Dans de nombreux secteurs, les avantages découlant de la mondialisation sont dus à des différences de coût des facteurs (le travail, essentiellement) ou de disponibilité de ressources spécifiques, ce qui conduit à la délocalisation des activités. Dans le tourisme, de nombreuses activités de la chaîne de valeur ont un ancrage local.

La difficulté, pour les autorités, tient à la nécessité d’adopter une double approche : faire face aux difficultés et aux opportunités inhérentes au contexte de l’action publique existant ; et prendre de nouvelles mesures de nature à renforcer l’innovation numérique, l’adoption des technologies et l’intégration des entreprises touristiques dans les chaînes de valeur et les écosystèmes touristiques. Les autorités devront peut-être étudier les répercussions des mesures en place et s’employer à atténuer les obstacles pouvant empêcher la transformation numérique des PME du tourisme, et notamment les problèmes macro-économiques, les questions liées à la protection des consommateurs et au respect de la vie privée, ainsi qu’à la concurrence et à la réglementation, ou encore à l’information et à l’éducation ou à la fiscalité.

Dans le secteur du tourisme, les plateformes numériques ont suscité un vif intérêt en raison de l’innovation inhérente à leurs modèles économiques. Le commerce en ligne a bouleversé les pratiques de vente aux consommateurs du fait de sa forte influence sur les décisions d’achat des clients et parce qu’il incite les magasins « en dur » traditionnels à remodeler leurs modèles économiques (OCDE, 2019). Ces modèles économiques se caractérisent fréquemment par une forte productivité due aux innovations dans la façon dont ils communiquent avec des groupes de clients multiples, co-créent du contenu, collectent et utilisent les données pour développer leurs marchés et en conquérir d’autres, accèdent aux ressources sous-utilisées et partagent la valeur ajoutée entre des utilisateurs ou des clients multiples (Autio, 2017). Si ces plateformes représentent la frontière de l’innovation des entreprises touristiques numériques, les PME traditionnelles du secteur doivent se faire une place dans ces écosystèmes, adapter et faire évoluer leurs modèles économiques en conséquence ou se frayer leur propre chemin jusqu’à la frontière. Les aides publiques accordées aux PME pour créer des modèles économiques innovants doivent tenir compte des difficultés complexes auxquelles sont confrontées les PME, à savoir :

Constituer un capital humain et des capacités numériques implique d’attirer des talents, de développer une expertise, de mettre en œuvre de nouvelles technologies, et de comprendre et de tirer parti des opportunités offertes par la convergence des technologies, ainsi que par les technologies et les objets. Cela peut aussi consister à acquérir des capacités dans le commerce en ligne, les médias sociaux et l’analytique des données, ainsi que dans des technologies plus avancées. Pour ce faire, les entreprises peuvent aussi dresser un état des lieux des capacités numériques de la main-d’œuvre actuelle et s’ouvrir à une adaptation des pratiques professionnelles. Dans d’autres cas, cela passe par une évaluation des infrastructures locales, afin de déterminer s’il est possible d’accroître les capacités numériques, comme l’accès à l’Internet à haut débit. Ainsi, au Canada, le Fonds pour la large bande universelle soutient les projets de haut débit dans le pays. Mettre l’Internet à haut débit à la disposition de tous les Canadiens permettra aux collectivités rurales et éloignées d’élargir leur rayon d’action et éventuellement de trouver de nouvelles entreprises touristiques.

Au Chili, l’un des enjeux consiste à encourager les entreprises du secteur du tourisme à adapter leurs modèles économiques à l’économie touristique numérique ; on a en effet constaté, dernièrement, que 70 % des PME touristiques déclaraient ne pas avoir besoin des technologies numériques. En réponse, le Chili a mis en place tout un train de mesures pour sensibiliser aux avantages de la numérisation, et aider les entreprises touristiques à adopter et à utiliser les nouvelles technologies. L’initiative Numérise ta PME, par exemple, encourage les PME du secteur à adopter les technologies numériques et à se former à de nombreux aspects du marketing et de la gestion numériques. Elle est complétée par une application touristique destinée aux consommateurs, par le programme Tourisme Connecté axé sur la numérisation du produit dans l’ensemble du pays, et par l’initiative plus vase Transformer le tourisme, qui s’emploient, ensemble, à créer un environnement favorable à la transformation numérique des entreprises touristiques.

Développer les compétences de la main-d’œuvre et assurer sa formation revêt aussi une importance déterminante pour utiliser efficacement et adopter, in fine, de nouveaux modèles économiques tirant parti du numérique. À cet égard, le ministère du Tourisme de la Grèce a adapté en conséquence l’enseignement du tourisme dispensé par ses établissements. Dans les établissements secondaires spécialisés dans l’enseignement du tourisme et les instituts de formation professionnelle, les cursus comprennent des cours consacrés aux TIC en général et aux systèmes utilisés par les hôtels et les unités d’hébergement pour la gestion des données, les réservations, l’organisation et la gestion des services de restauration. À partir de 2019, les instituts de formation professionnelle prévoiront une spécialisation en « gestion et économie touristique », qui formera les élèves à l’utilisation de toutes les applications numériques essentielles sur le marché du voyage.

Le développement des écosystèmes économiques touristiques passe par l’adoption d’une approche stratégique afin de mettre en place des réseaux et des relations permettant de gérer produits, services et relations avec la clientèle durant l’intégralité du parcours du client, et notamment la recherche, la réservation, la préparation, le voyage, l’arrivée, la destination une fois sur place, et les relations postérieures au voyage. Les approches traditionnelles du métier axées sur le produit et la rentabilité ont cédé le pas à des modèles numériques axés sur l’utilisateur qui génèrent et apportent une valeur partagée. Ce phénomène implique une création et un partage de valeur entre des consommateurs, des communautés, des résidents, des hôtes, des entreprises et des pouvoirs publics qui travaillent tous main dans la main.

L’enjeu que constitue le développement de ces écosystèmes varie d’un sous-secteur à l’autre et dépend de la localisation des entreprises et de leur accès à la technologie. Les conditions d’exercice de l’action publique qui permettent une participation accrue de ces entreprises aux écosystèmes de valeur touristiques peuvent avoir des répercussions importantes et des effets induits sur la communauté au sens large et faciliter la transition touristique vers des économies diverses, inclusives et vertes.

En Finlande, une Feuille de route pour la numérisation du tourisme finlandais vise à mettre en place un écosystème touristique numérique national, à favoriser la croissance durable du secteur et à faire de la Finlande une destination pionnière et intelligente assurant un parcours fluide aux voyageurs. Cette Feuille de route numérique s’appuie sur quatre piliers pour accélérer le passage du tourisme finlandais au numérique : une collaboration et une gestion fondées sur les données, l’utilisation de l’économie des plateformes et le développement de la distribution multi-canal en ligne, la promotion de la responsabilité par des moyens numériques et un changement d’échelle à partir de pilotes numériques régionaux plus restreints pour aboutir à une gestion du tourisme au niveau national. En Afrique du Sud, le gouvernement a joué un rôle de premier plan dans la mise en place d’un partenariat public-privé afin d’accélérer le développement de l’écosystème de valeur touristique numérique et de promouvoir le partage des données ouvertes (Encadré 2.7).

Développer le sens des affaires dans l’économie numérique devrait faire partie intégrante de la stratégie d’entreprise des PME touristiques. Il existe un lien avéré entre les capacités de conduite des affaires et l’aptitude d’une entreprise à attirer les investisseurs (Andrews, Nicoletti et Timiliotis, 2018). Cela donne à penser que les PME du secteur du tourisme qui reçoivent des aides pour peaufiner leurs stratégies d’entreprise et en créer de nouvelles peuvent être mieux placées pour lever des capitaux. Les approches scientifiques, traditionnelles, de la gestion, qui considèrent que la planification stratégique est distincte de la conduite des activités de l’entreprise, sont de plus en plus obsolètes. Les entreprises touristiques doivent développer leur sens des affaires et de nouveaux modes de travail souples, et opter pour une gestion dynamique pour pouvoir être compétitives dans le système touristique mondial. Les autorités peuvent les aider à travers des programmes d’accompagnement et d’innovation en stratégie d’entreprise.

La Nouvelle Zélande vient de mettre la dernière main à une initiative pilote dans le secteur du tourisme, destinée à promouvoir les partenariats sectoriels afin d’informer les petites entreprises touristiques sur les opportunités offertes par les technologies numériques et de les encourager à en faire un meilleur usage pour améliorer la productivité dans le secteur. Cette initiative vise à forger une « mentalité numérique » et à inciter l’ensemble des entreprises touristiques à s’engager sur la voie du numérique. Une panoplie d’outils sectorielle a été conçue pour appuyer la tenue d’ateliers numériques réunissant des chefs d’entreprise dans le secteur du tourisme et développer un réseau d’intermédiaires de confiance possédant une expertise dans le tourisme et le numérique. Cette panoplie est une ressource partagée, qui est mise à la disposition des petites entreprises souhaitant adopter des outils numériques et commencer à instaurer des réseaux professionnels. L’un des principaux enseignements de cette l’initiative tient à l’importance des intermédiaires de confiance dans l’accompagnement des entreprises vers l’acquisition d’une mentalité numérique tout au long de leur vie. Cette conclusion est étayée par des travaux de recherche concernant les PME en général, qui confirment que les intermédiaires des communautés jouent un rôle central dans l’adoption des applications d’agrégation électronique essentielles fournies par les prestataires de services (Lockett et Brown, 2006).

L’approche de l’aide aux PME peut prendre la forme d’un « entrepreneur en chef du tourisme » prenant fait et cause pour la transformation numérique. Parmi ces entrepreneurs, ceux qui sont des intermédiaires de confiance dans le secteur et qui ont adopté avec succès des outils numériques, font preuve de crédibilité et possèdent des connaissances, et sont en mesure de renforcer l’efficacité de l’action publique. Pour être porteuses d’avantages à long terme, ces initiatives doivent s’inscrire dans un cadre plus large d’innovation pour l’économie numérique qui encourage la disparition des frontières entre les technologies, le tourisme et d’autres secteurs (Lockett et Brown, 2006). Cette approche a été appliquée avec succès pour faciliter l’adoption des technologies numériques de façon plus large, au niveau d’un État australien. Dans le Queensland, le Bureau de l’entrepreneur en chef est chargé de soutenir le développement de l’écosystème des jeunes pousses de l’État en travaillant avec des incubateurs, des accélérateurs et des espaces de bureaux partagés ; de créer des liens avec les zones régionales et éloignées pour encourager et stimuler l’entreprenariat dans tout l’État ; de mettre en valeur le talent des jeunes pousses et des entrepreneurs de l’État ; de stimuler et d’attirer les investisseurs et le capital-risque ; et de mettre en relation les entrepreneurs, les jeunes pousses et les petites entreprises à l’échelle locale avec les opportunités, les personnes, les lieux et les espaces appropriés pour les aider à se développer, à changer d’échelle et à créer des emplois.

Adopter des technologies avancées comme les méta-moteurs, les médias sociaux, le commerce électronique, les technologies en nuage, et la collecte, le partage et l’analyse de données revêt une importance croissante pour acquérir et conserver un avantage concurrentiel. Les PME peuvent manquer de ressources, d’expertise et de compétences, et elles doivent donc réfléchir, lors de l’élaboration de leur stratégie d’entreprise, aux moyens leur permettant d’y remédier. Les pouvoirs publics peuvent les y aider via des mécanismes de financement coopératif, des programmes de recrutement des talents et l’apport d’une expertise à travers des accélérateurs et des incubateurs.

En Autriche, la numérisation est une partie essentielle du nouveau Plan T – Masterplan für Tourismus (Encadré 3.6). Dans le cadre de ce Plan, une nouvelle plateforme d’innovation centrale a été créée pour stimuler le développement des applications et des processus technologiques pour les entreprises du tourisme, ainsi que pour les régions. La plateforme Next Level Tourism Austria fera demain office de laboratoire pour encourager la convergence numérique et numérique/physique. Elle servira d’interface entre les entreprises touristiques traditionnelles et le secteur des technologies, et elle favorisera le développement de nouveaux processus et applications technologiques pour les entreprises du tourisme, ainsi que pour les régions.

La convergence des nouvelles technologies a des répercussions non seulement sur les entreprises touristiques, mais aussi sur les destinations. En Suisse, une analyse approfondie des implications de la dématérialisation pour les destinations touristiques a mis en évidence les effets produits sur la commercialisation des destinations, notamment. Le projet Innotour Tourist Office 3.0, laboratoire destiné à soutenir le secteur en réunissant les offices de tourisme et à faire le lien avec les prestataires de services externes à l’ère numérique, s’intéresse aussi à ce sujet. Il doit aussi permettre d’échanger des expériences, être une source d’autonomie pour stimuler l’innovation et favoriser la gestion des connaissances professionnelles.

À Malte, le ministère du Tourisme et l’Autorité malte du tourisme ont introduit une plateforme touristique numérique utilisant l’intelligence artificielle pour mieux cibler l’activité commerciale et améliorer la planification stratégique en associant caractéristiques psychologiques et données démographiques, afin de renforcer la personnalisation. Cette plateforme sera renforcée par l’apprentissage automatique au fil de sa maturation. Ces évolutions devraient générer des avantages positifs pour les entreprises, et notamment créer davantage de valeur ajoutée, renforcer l’activité commerciale et réduire les coûts grâce à l’analytique prédictive.

En Belgique, la Région wallonne s’est attachée à accroître l’offre touristique par l’intermédiaire d’animateurs numériques. Cinq animateurs numériques, couvrant chacun une partie du territoire wallon, sont chargés d’inciter les prestataires touristiques (offices du tourisme, prestataires d’hébergement, attractions touristiques) à passer au numérique et de les aider à développer de nouveaux modes de promotion et de nouveaux produits de qualité (et personnalisés) en fonction du territoire (tout en augmentant leur chiffre d’affaires), conformément aux stratégies numériques de la Wallonie. L’objectif est de coordonner l’administration et la mutualisation des informations touristiques entre les opérateurs. Il s’agit de fédérer les prestataires du tourisme pour donner naissance à la Wallonie numérique de demain.

En Slovénie, un ensemble complet d’incitations à la transformation numérique des entreprises est disponible, notamment dans le secteur touristique. Des incitations financières sont proposées par le ministère du Développement économique et des Technologies pour soutenir la mise en place de plateformes d’innovation numériques, d’aides au commerce électronique pour les entreprises prenant pied sur de nouveaux marchés et d’aides publiques pour la transformation numérique des entreprises. Des bons numériques d’une valeur maximale de 10 000 EUR constituent pour les PME un outil pratique pour renforcer leurs compétences numériques, élaborer une stratégie d’entreprise numérique, aller vers le marketing numérique et améliorer la cybersécurité. Des aides à l’investissement sont aussi disponibles.

Les données ont des conséquences importantes pour les PME touristiques, quant à la façon dont elles se font connaître, commercialisent leurs produits et services, dialoguent avec les clients et facilitent les achats via des appareils et des plateformes multiples. Selon certains travaux de recherche, 11 % seulement des petites entreprises procèdent à une analyse des données massives, contre 33 % pour les grandes entreprises et, de même, en moyenne, 56 % des grandes entreprises ont acheté des services d’informatique en nuage, contre 27 % pour les petites (OCDE, 2019b). Les questions du respect de la vie privée et de la protection des données peuvent aussi se poser avec la collecte et l’utilisation des données par les entreprises elles-mêmes, y compris en relation avec le Règlement général sur la protection des données (RGPD) en Europe.

Les données constituent une ressource clé dans l’économie numérique, et la capacité des entreprises touristiques d’utiliser les données pour éclairer la planification stratégique, les opérations et les prestations de service gagne en importance. Les données sont particulièrement utiles aux entreprises (hébergement) pour améliorer les pratiques de gestion des recettes et recourir à la tarification dynamique, courante dans les entreprises plus importantes. Les entreprises touristiques de plus petite taille peuvent avoir du mal à accéder à ces données, car les plateformes numériques plus imposantes peuvent faire office de gardiennes des importants volumes de données collectées sur des entreprises données, leurs clients et les transactions réalisées sur le marché. Cette question figure parmi les priorités de nombreux pays, dont certains réfléchissent aux moyens de recueillir et de partager des données ouvertement avec les parties prenantes du tourisme :

  • en Croatie, le système eVisitor sert de plateforme centrale pour la gestion des données sur le tourisme (Encadré 1.15) ;

  • au Portugal, un nouvel outil de veille économique, TravelBI, est une plateforme de données destinée au secteur du tourisme, qui rassemble des données traditionnelles, de nouvelles sources de données, des services de données géographiques ou ouvertes, ainsi que des outils d’analytique des données pour transformer les données dans un format facilement assimilable par les entreprises touristiques ;

  • au Danemark, l’initiative TourismTech Datalake vise à soutenir le développement de nouveaux modèles économique touristiques en collectant des données et en les mettant à la disposition des parties prenantes du secteur du tourisme. Cette initiative est dans sa phase initiale, mais de nouveaux projets pilotes ont été proposés pour tester l’analytique des données avec diverses solutions IdO ;

  • en Pologne, Open Data Plus doit permettre d’accroître la quantité et d’améliorer la qualité des données ouvertes, et de populariser leur utilisation. La mise en œuvre du projet dans le secteur du tourisme consistera notamment à adapter les registres à la législation en vigueur et à modifier les registres centraux en ligne, accessibles au public, des hôtels et hébergements, des guides de montagne et des organisateurs de formations à l’intention de ces derniers.

Une approche additionnelle a consisté à faciliter la prise de décision en développant des plateformes de diagnostic. Certains pays ont mis en place des plateformes dotées d’outils de diagnostic, afin d’aider les PME touristiques traditionnelles à déterminer si et comment elles pouvaient intégrer des outils numériques, comme l’initiative Fit 4 Digital au Luxembourg, le projet Destinations intelligentes en Espagne ou France NUMérique (Encadré 2.8).

Ainsi, le Modèle de référence Destinations intelligentes, en Espagne, a été conçu pour que les destinations et les entreprises touristiques puissent faire face avec succès aux transformations et aux difficultés découlant du nouvel environnement économique, social et technologique dans le monde. Par conséquent, il propose une procédure facultative de diagnostic et de planification complets fondée sur une méthodologie complexe couvrant un ensemble de 400 critères et 24 champs d’évaluation, lesquels s’articulent autour de quatre axes fondamentaux : l’innovation, la technologie, la durabilité et l’accessibilité.

De plus, on observe une transformation de la façon dont les consommateurs effectuent des recherches ou des réservations, voyagent ou s’impliquent une fois arrivés à destination (WEF, 2017 ; García Sánchez, 2019), et les autorités prennent des mesures pour utiliser des données nouvellement disponibles pour préserver la qualité de l’offre touristique et « vendre » leur pays comme une destination prisée des voyageurs. Les recherches effectuées par les consommateurs révèlent une tendance à une hyper-personnalisation et à une conception sur mesure des produits et services de voyage (Skift et Adobe, 2018 ; Visa, 2017). L’analytique des données, les assistants personnels et les agents conversationnels peuvent suggérer des produits en temps réel, orienter les clients numériques vers des fournisseurs privilégiés, et rappeler aux consommateurs leurs recherches et leurs paniers d’achats non validés.

VisitEngland, par exemple, a lancé Digital Marketing Toolkit, une panoplie d’outils de marketing numérique pour aider les entreprises touristiques à mieux comprendre cette notion et promouvoir davantage leur entreprise. VisitEngland gère également la plateforme Tourism Experience Great Britain (TXGB), guichet unique permettant aux fournisseurs du secteur du tourisme de gérer en direct les disponibilités, les prix et les réservations pour de multiples distributeurs grâce à un système de réservation en ligne, et de prendre contact avec de nouveaux clients. Ces initiatives seront complétées par la nouvelle plateforme Tourism Data Hub, conçue pour transformer la façon dont le secteur analyse et utilise les données, en procurant aux entreprises touristiques un accès aux données afin de mieux connaître leurs marchés et de concevoir des produits sur mesure en conséquence (Box 1.18).

Les pouvoirs publics ont un rôle important à jouer pour créer les conditions-cadres nécessaires à la transformation numérique des modèles économiques touristiques et de l’écosystème touristique en général. Des approches intégrées et cohérentes de l’action publique s’imposent pour tirer parti des opportunités offertes par le développement numérique tout en remédiant aux difficultés correspondantes et en minimisant les conséquences négatives pouvant en découler. Les travaux sur la politique à mener peuvent aussi se concentrer sur un certain nombre d’entreprises touristiques (entreprises imprégnées de la culture du numérique, PME touristiques et hybrides peu dématérialisées, par exemple).

Les approches bien conçues comprennent des initiatives à court et à long terme de nature à stimuler la mise en place de conditions favorisant l’adoption des technologies numériques ; elles incitent les entreprises à participer en réduisant les obstacles et en renforçant les opportunités de montée en puissance du numérique, et encouragent l’adoption de nouveaux modes de travail, de nouvelles approches en matière de gestion et de nouvelles cultures numériques. Les efforts déployés peuvent s’articuler le long des trajectoires suivantes :

  • Se faire le champion de la transformation numérique du tourisme. La complexité du contexte de l’action publique, associée aux caractéristiques particulières des PME touristiques, peuvent avoir des conséquences défavorables sur l’adoption des technologies numériques, la perception du risque et la confiance. Les pouvoirs publics peuvent jouer un rôle de premier plan dans l’établissement des conditions-cadres requises pour soutenir les modèles économiques, les chaînes de valeur et les écosystèmes touristiques qui tirent parti du numérique. Les autorités peuvent prendre différentes mesures, et notamment :

    • favoriser l’innovation et le développement des capacités directs grâce à des incubateurs et accélérateurs spécialisés dans les technologies du voyage, à des possibilités d’accompagnement ainsi qu’à d’autres initiatives non technologiques (comme les réseaux touristiques) pour encourager l’adoption des technologies numériques, catalyser les écosystèmes économiques touristiques et promouvoir l’acquisition d’une mentalité numérique ;

    1. créer un environnement favorable en modernisant les cadres réglementaires afin de promouvoir une concurrence équitable et encourager l’innovation ;

      • faciliter les nominations stratégiques de leaders, comme les « entrepreneurs en chef du tourisme », spécifiquement chargés de faire évoluer les écosystèmes économiques touristiques et disparaître les frontières entre le tourisme, les technologies et d’autres secteurs. Ces intermédiaires de confiance devraient exercer un leadership fort et élaborer des stratégies.

  • Encourager l’adoption de nouvelles technologies numériques et l’investissement dans ces technologies par les entreprises du tourisme. Un contexte propice et favorable à la transformation numérique des entreprises touristiques et cherchant à renforcer la productivité et l’innovation pourrait être mis en place grâce aux mesures suivantes :

      • améliorer l’accès aux ressources humaines, aux compétences et aux informations pour mieux sensibiliser aux opportunités et aux avantages découlant des technologies numériques, faciliter leur adoption et renforcer l’aptitude à participer à des écosystèmes numériques nouveaux ou émergents ;

      • réunir des éléments probants sur les aspects et conséquences clés du développement du numérique pour les entreprises touristiques. Les approches ciblées et nuancées en matière de réglementation, de financement, d’investissement et d’incitations devraient reposer sur une meilleure compréhension des besoins différents des entreprises imprégnées de la culture du numérique et des entreprises touristiques traditionnelles où l’adoption des technologies numériques est limitée ;

      • favoriser l’accessibilité, notamment financière, des technologies, des outils et des solutions numériques pour les PME touristiques, et en particulier l’investissement initial et les frais courants.

  • Encourager l’innovation en matière de modèles et d’écosystèmes économiques grâce à la convergence, à l’interopérabilité et à l’adoption de l’analytique des données et d’autres technologies structurantes. Les modèles économiques innovants constituent un levier pour optimiser les avantages de la transformation numérique. Des mesures de nature à favoriser la création de modèles économiques et de pratiques de gestion innovants et à transformer les pratiques professionnelles traditionnelles viendront compléter d’autres initiatives des pouvoirs publics. Le déclenchement de la catalyse du tourisme numérique doit avoir pour ambition principale d’encourager la convergence numérique/physique et de servir les objectifs du tourisme intelligent. Les actions spécifiques suivantes pourraient notamment être menées :

    • favoriser un accès accru à l’Internet à haut débit et à d’autres infrastructures numériques pour les entreprises touristiques et les voyageurs dans les villes, les régions et les zones rurales, afin de favoriser la production et le déroulement d’expériences touristiques fluides et de faciliter la gestion du tourisme, ainsi que le partage et l’analytique des données ;

    1. encourager les partenariats public-privé et les collaborations entre les PME traditionnelles et les entreprises imprégnées de la culture du numérique et les établissements de formation pour renforcer le partage et la diffusion des connaissances et l’innovation en la matière ;

      • réunir des acteurs des secteurs des technologies, du tourisme ou autres possédant une expertise variée et complémentaire, afin de créer un environnement économique numérique dynamique propice au développement des jeunes pousses comme des entreprises touristiques existantes.

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