7. Conclusion : concevoir des initiatives d'éducation des contribuables

L'éducation des contribuables est un moyen d'édifier une culture fiscale, civique et citoyenne. Il ne s'agit pas seulement d’inciter les gens à payer leurs impôts, mais également d’expliquer ce qu’est l’impôt et la place qu’il occupe dans la société. Les citoyens, qu’ils soient ou non contribuables, ont tout intérêt à comprendre les conséquences du paiement ou du non-paiement de l’impôt sur leur vie quotidienne mais aussi sur leur pays dans son ensemble. Ils acquièrent aussi des connaissances concrètes ou bénéficient d’une assistance pratique, par exemple sur la façon de remplir leurs déclarations fiscales. En améliorant le niveau des connaissances fiscales et le civisme fiscal, l’éducation des contribuables contribue à faire en sorte que les contribuables soient plus enclins à aider leur administration fiscale à combattre la fraude fiscale.

L’éducation des contribuables est une stratégie de long terme dont le principal objectif est de bâtir une culture du civisme fiscal, un objectif qui ne peut pas être atteint à court terme. Si certains aspects de l'éducation des contribuables peuvent produire des résultats immédiats, l’objectif ultime est presque toujours d'agir sur les comportements à longue échéance. Aussi, les initiatives dans ce domaine ne doivent pas être appréhendées comme des mesures ponctuelles, mais doivent plutôt s’intégrer dans un effort continu des autorités publiques pour influer positivement sur les comportements des contribuables. Dans l’idéal, une stratégie globale d'éducation des contribuables devrait cibler à la fois les contribuables actuels – entreprises et individus, afin de combler les lacunes dans leurs connaissances et les informations dont ils disposent – et les contribuables futurs, afin de créer les conditions favorables en les aidant à comprendre que l’impôt est la base d’une société unie. En outre, les initiatives d'éducation des contribuables doivent, dans la mesure du possible, englober les trois éléments fondamentaux analysés dans cet ouvrage – enseignement, sensibilisation et assistance – pour faire en sorte que les contribuables soient éduqués, informés et respectueux des obligations fiscales.

Chaque pays a ses propres besoins et ses propres ressources, mais tous les pays peuvent tirer profit d’initiatives en faveur de l'éducation des contribuables. Quelles que soient les ressources dont les administrations fiscales disposent et leur expérience en matière d’éducation des contribuables, et indépendamment du niveau actuel de connaissances de ceux-ci, il est toujours possible d’élaborer et de déployer des initiatives adaptées à leurs besoins. Du fait de l’évolution constante de la population, de l'économie et du système fiscal, investir dans l’éducation des contribuables sera toujours profitable car elle offre une alternative à des moyens plus coercitifs d'accroître le civisme fiscal et procure d'autres avantages, tels qu’une amélioration de l’image de l'administration fiscale.

Les initiatives d'éducation des contribuables se présentent sous les formes les plus diverses. Comme l’enquête le montre, elles vont de l’enseignement de la fiscalité en milieu scolaire à des programmes télévisés, en passant par l’organisation de journées de l’impôt ou de webinaires, mais toutes, ainsi que l’explique le chapitre 1, poursuivent le même objectif : « transformer la relation entre contribuables, systèmes fiscaux et administrations fiscales dans l’intérêt de tous et de la société dans son ensemble ».

Les États réalisent différentes combinaisons d’initiatives pour créer leurs programmes d’éducation des contribuables. Certains adoptent plusieurs stratégies pour éduquer les contribuables, tandis que d'autres semblent privilégier des approches spécifiques. Là encore, la bonne approche sera celle qui correspond aux besoins du pays. Néanmoins, tous les États devraient se demander comment optimiser l’impact collectif de leurs initiatives, et mettre en place des structures permettant le partage de l’information et des idées entre ceux qui travaillent sur différentes initiatives. L’annexe A au présent ouvrage donne une vue d’ensemble des programmes d’éducation des contribuables, encore qu’il faille rappeler que les administrations fiscales interrogées dans le cadre de l’enquête devaient citer uniquement les trois initiatives les plus importantes, même si elles peuvent en déployer beaucoup plus, ce qui est souvent le cas.

Les administrations peuvent aussi jouer un rôle pour bâtir une culture fiscale dans un pays. Tel est en partie le but de cet ouvrage : décrire les approches possibles pour permettre aux décideurs d’enrichir la panoplie de mesures adoptées pour éduquer les contribuables. Associer plusieurs stratégies complémentaires – sans renoncer à l’approche spécifique au pays – est de fait la façon la plus efficace d'éduquer les contribuables et d'améliorer leurs compétences et leurs connaissances fiscales. De même, s’inspirer d’exemples d’initiatives comparables ne peut être que bénéfique. 

Cet ouvrage analyse les options retenues par certaines administrations fiscales pour améliorer le niveau de connaissance et de compréhension des questions fiscales des contribuables et pour les aider. L’étude n’est aucunement exhaustive, néanmoins, elle s'appuie sur des données provenant de 59 pays qui se situent à différents stades de développement (Graphique 2.2), qui possèdent des économies différentes et qui couvrent une zone géographique très étendue dans le monde.

Cet ouvrage intervient à un moment très particulier. Les questionnaires ont été envoyés et les réponses ont été reçues avant la pandémie de Covid-19 alors que l’ouvrage est publié pendant la pandémie. Cette pandémie a eu pour principale conséquence d'accélérer la dématérialisation des administrations fiscales. Ce n’est pas un phénomène nouveau, mais les restrictions imposées aux réunions en présentiel l’ont exacerbé (Encadré 7.1).

L'analyse de 140 initiatives déployées dans 59 pays a permis d’identifier un certain nombre d'aspects essentiels à prendre en compte pour aider les administrations à concevoir et à mettre en œuvre des initiatives d'éducation des contribuables, ou à améliorer celles existantes. Une fois que le type d’initiative a été sélectionné en suivant l’approche par étape proposée au chapitre 1 du présent ouvrage – définir un objectif clair, vérifier les ressources disponibles, et identifier les initiatives possibles – une grande attention doit être portée à sa conception. Ce processus peut impliquer de prendre contact avec les administrations fiscales qui mènent des initiatives similaires, de dialoguer au sein de l'administration fiscale, avec les parties prenantes concernées et les partenaires potentiels afin d'obtenir leur appui. À partir des informations communiquées dans cet ouvrage, plusieurs aspects communs à toutes les initiatives doivent être examinés ; en premier lieu, il est essentiel de s'assurer que l’initiative retenue est adaptée aux besoins et circonstances propres au pays, et en second lieu, d'élaborer soigneusement chaque volet de l’initiative.

Il n’existe pas d’initiative unique adaptée aux les besoins et aux circonstances de tous les pays, et les administrations fiscales doivent tenir compte du contexte spécifique à leur pays lors de la conception d’initiatives d’éducation des contribuables. Elles doivent analyser attentivement les caractéristiques de leur pays et des catégories de contribuables ciblés, le cas échéant. Ces caractéristiques peuvent inclure l’âge des membres de la catégorie visée, leur niveau d'éducation, leur accès aux ressources, leurs besoins, le cadre juridique en place, etc.

Les initiatives axées sur des groupes spécifiques de contribuables sont fréquentes. Leur efficacité peut s’en trouver renforcée, à condition d’être soigneusement conçues pour prendre en compte les caractéristiques de ces groupes. Même ainsi, certains individus peuvent être plus sensibles à certains types d’initiatives que d'autres : par exemple, des campagnes de sensibilisation suffiront pour certains, tandis que d'autres auront besoin d’un soutien plus poussé sous la forme d’une assistance ; certains auront très peu de connaissances fiscales, alors que d'autres maîtriseront très bien le sujet.

Cet ouvrage peut être un outil précieux pour les concepteurs d’initiatives d'éducation des contribuables en ce qu’il présente l’expérience en la matière de nombreux Pays. Néanmoins, lesdits concepteurs doivent se garder d’importer une initiative sans l'adapter aux réalités de leur propre pays. Cet aspect est essentiel car pour réussir, ces initiatives doivent être comprises et acceptées par ceux auxquels elles s'adressent.

Les informations recueillies par notre enquête révèlent que les initiatives d'éducation des contribuables sont rarement des projets isolés, mais s’articulent au contraire avec d'autres initiatives en cours. Aussi, les nouvelles initiatives s’inscriront dans un environnement où d'autres initiatives d'éducation des contribuables seront probablement déjà engagées par l’administration fiscale, mais pas uniquement.

Éviter les doublons est de la plus grande importance compte tenu des ressources limitées. Un objectif soigneusement défini peut être utile à cet égard, mais uniquement si les concepteurs passent en revue les initiatives existantes et se demandent si elles peuvent être étendues, ou enrichies de nouveaux aspects, ou si une nouvelle approche s’impose.

Trouver des synergies entre initiatives – en termes de contenu ou d’organisation – peut augmenter leur efficacité. Une seule initiative peut combiner des aspects relevant de différentes catégories afin d’offrir une expérience riche aux contribuables actuels et futurs. Par exemple, les centres d'assistance comptable et fiscale (NAF - voir Encadré 7.2) supposent la collaboration entre administrations fiscales et universités pour enseigner la fiscalité aux étudiants qui, à leur tour, aideront les contribuables à faible revenu.

Choisir les bons partenaires peut être déterminant pour la réussite d’une initiative. Il n’y a pas d’ensemble prédéfini de partenaires: tout dépend du type d’initiative, du public ciblé et des compétences et ressources nécessaires pour compléter celles dont dispose déjà l'administration fiscale. Les partenaires qui collaborent le plus fréquemment avec les administrations fiscales pour éduquer les contribuables sont les autres organismes publics, comme les ministères ou agences. Par exemple, les ministères de l’Éducation sont souvent des partenaires essentiels dans la mise en œuvre d’une initiative basée sur l’enseignement en milieu scolaire ou universitaire.

Les administrations publiques ne doivent pas circonscrire leur recherche de partenaires au secteur public, mais envisager aussi des acteurs non gouvernementaux. Les organisations de la société civile peuvent jouer un rôle utile pour atteindre des catégories spécifiques de contribuables et pour appuyer les efforts de communication et de visibilité. Les universitaires peuvent contribuer à concevoir, diriger et/ou évaluer l’initiative, comme le chapitre 4 l’explique. Le secteur privé est beaucoup plus rarement associé aux initiatives d'éducation des contribuables, mais sous réserve que les conflits d’intérêt puissent être évités, des partenariats avec le secteur privé peuvent être judicieux. Dans certains cas, des partenariats peuvent être noués avec des personnes telles que, des hauts responsables du pays, des ministres ou des célébrités, qui peuvent apporter leur soutien aux initiatives. 

La plupart des initiatives nécessitent une bonne coordination entre tous les acteurs impliqués (différents services de l'administration fiscale, partenaires, bailleurs de fonds, etc.) et une bonne gestion de ces acteurs. Définir l’initiative appropriée et bien la concevoir n’est qu’un début. La plupart des initiatives s’inscrivant sur une période de temps long, il est essentiel de bien les gérer dans la durée.

Aussi, il est important de mobiliser les ressources nécessaires pour gérer les initiatives sur le long terme. La plupart des initiatives devront évoluer au gré des retours d’information reçus, de la mise à jour de la législation fiscale ou des changements apportés aux programmes scolaires. La gestion des relations personnelles entre les différents acteurs qui prennent part à une initiative peut être tout aussi importante. Gérer une ou plusieurs initiatives exige d’en confier la responsabilité à une personne ou à un service. Les administrations fiscales étant structurées de manière différente, la meilleure approche consiste à s'adapter à l’organisation propre au pays. Plusieurs administrations ont indiqué dans leur réponse à l’enquête que toutes les initiatives d'éducation des contribuables sont gérées de manière centralisée par une équipe dédiée, une solution gage d’efficacité dans la gestion des ressources et qui facilite la coordination entre initiatives.

L’importance relative de nombreux aspects des initiatives d'éducation des contribuables peut varier en fonction de l’objectif fixé, des besoins et circonstances propres au pays et de la nature de l’initiative. À partir des enseignements tirés de tous les pays, cette section vise à aider les concepteurs à déterminer les aspects essentiels sur lesquels axer leurs efforts.

Lorsqu’on met en œuvre une initiative d'éducation des contribuables, le risque est de n’atteindre que certains segments de la population – généralement ceux qui s’intéressent déjà aux questions fiscales. C’est le cas pour de nombreuses initiatives qui misent sur une communication en ligne – informations sur des sites web et des réseaux sociaux, webinaires, etc. – mais aussi pour les séminaires et ateliers qui nécessitent une préinscription. Ces initiatives n'attirent guère les personnes qui jusqu'alors ne s’intéressaient pas aux sujets concernés ou avaient peu de connaissances dans ces domaines.

Or, de nombreux contribuables qui appartiennent aux catégories les plus vulnérables de la population ne cherchent pas spontanément à interagir avec l'administration fiscale, et n’ont pas toujours accès aux moyens de communication numériques. Même si le contenu de l’initiative d'éducation des contribuables est de la plus haute qualité, si elle n’atteint pas son public, son efficacité sera probablement très limitée.

Il est donc important que l'administration réfléchisse soigneusement à la façon d'atteindre le plus large public cible possible, en mettant surtout l'accent sur ceux avec qui elle a généralement le moins de contacts. Les partenariats peuvent s’avérer essentiels pour y parvenir. Si l’initiative est bien ciblée, ses destinataires pourront non seulement acquérir des connaissances sur les procédures fiscales et le dépôt des déclarations, mais également changer progressivement leur perception de l'administration fiscale, ce qui est particulièrement important s’ils nourrissaient de la crainte à son égard.

Certaines initiatives visent à produire des effets immédiats, tandis que d'autres s’inscrivent sur le long terme. Les campagnes d’information qui ont lieu au moment où les contribuables doivent déposer leur déclaration de revenus sont de courte durée tout comme leurs effets. Elles peuvent être reconduites chaque année, mais lorsqu’elles cessent, la plupart de leurs effets cessent aussi. L'arrêt et le redémarrage de ces initiatives n'auront que des effets à court terme. À l’inverse, l’enseignement de la fiscalité aux étudiants s'accompagne d’une période de mise en œuvre beaucoup plus longue, et doit se dérouler sur plusieurs années pour produire un effet ; mais cet effet devrait être plus durable, et se manifester de nombreuses années après que les étudiants ont quitté l’école ou l’université, dans l’idéal pendant toute leur vie.

Il est donc important de fixer des délais pertinents pour l’objectif de l’initiative, et de la concevoir en conséquence. Les délais auront une influence sur des aspects essentiels de l’initiative, y compris les ressources nécessaires, les processus de suivi et d'évaluation et la façon dont l’initiative doit être gérée. Il convient aussi de rechercher les complémentarités et/ou les interdépendances entre initiatives à court et à long terme, par exemple l’impact d’une approche incitative fondée sur l'économie comportementale peut s’estomper si elle est reproduite plusieurs fois, et elle devra donc être complétée par des actions favorisant un changement de comportement à plus long terme.

Il faut aussi réfléchir au calendrier de déploiement des activités. Très souvent, ce calendrier va de soi car il est lié aux délais de dépôt des déclarations. Néanmoins, d'autres aspects peuvent devoir être pris en compte s'agissant de l’enseignement de la fiscalité aux étudiants, surtout lorsque cette matière ne fait pas partie du programme d'études obligatoire. Certaines administrations soulignent l’importance d’éviter les périodes d’examen dans les écoles, durant lesquelles enseignants et étudiants ont moins de temps à consacrer à des sujets qui ne sont pas couverts par les examens.

La disponibilité de ressources, notamment s'agissant du financement à long terme, constitue un défi pour la plupart des initiatives d'éducation des contribuables. Lors de la conception de l’initiative, il est important de faire preuve de réalisme quant aux ressources disponibles. Si les ressources s'avèrent insuffisantes, il pourrait être nécessaire de réviser la portée et/ou l’ambition de l’initiative.

Certaines initiatives mobilisent davantage de ressources que d'autres. Les initiatives d'éducation des contribuables n’entraînent pas toutes les mêmes coûts (en termes de ressources financières, logistiques et humaines nécessaires). Aussi, la disponibilité des ressources peut conditionner la viabilité des initiatives ou déterminer leur mécanisme de déploiement. Par exemple, les communications en ligne sont probablement beaucoup moins onéreuses que l’organisation d’une journée de la fiscalité avec des activités réparties dans tout le pays.

Il convient d'anticiper l'évolution des besoins en ressources dans la durée. Certaines activités sont de court terme (campagnes spécifiques, par exemple) et peuvent s’accommoder de l’incertitude quant aux financements futurs, tandis que d'autres requièrent un engagement de longue durée (intégration de la fiscalité dans le programme d'études, par exemple) qui suppose donc une plus grande sécurité quant aux financements futurs. Le fait qu’une seule initiative décrite dans l’ouvrage de 2015 a pris fin laisse penser que même les initiatives assorties d’objectifs à court terme restent probablement pertinentes sur un horizon plus lointain, de sorte qu’il faut dès le départ rechercher un financement à plus long terme. Pour les initiatives ayant un potentiel de montée en puissance (les projets d’enseignement de la fiscalité dans les écoles par exemple, qui souvent commencent à petite échelle avant de croître), la prise en compte de l'évolution des besoins en ressources devrait si possible être intégrée dans la conception.

Les partenaires peuvent souvent procurer des ressources complémentaires. Trouver les bons partenaires peut contribuer à résoudre les problèmes de ressources. Par exemple, une émission télévisée régulière peut nécessiter des moyens financiers afin de rémunérer la chaîne pour le temps d'antenne, mais si cette chaîne est un partenaire, cela peut changer la donne. Toutefois, aucun partenaire ne pourra apporter les ressources dont l'administration fiscale doit obligatoirement disposer pour garantir la qualité et la cohérence du contenu technique (qualité des messages diffusés dans des émissions télévisées, par exemple). Aussi, il faut veiller à ce que l'administration dispose à tout le moins de ressources minimales.

Les donneurs devraient être associés plus étroitement aux initiatives d'éducation des contribuables, car ils représentent un facteur essentiel de renforcement des capacités de l’État dans de nombreux pays en développement, comme cet ouvrage le démontre clairement. Certains donneurs contribuent déjà, directement ou indirectement, à l'éducation des contribuables. Beaucoup d’entre eux sont des institutions, comme la Banque africaine de développement (BAD). D'autres sont des donneurs privés : par exemple l’OSIWA, qui a aidé l'administration fiscale de la Sierra Leone à financer des activités d’éducation à la fiscalité dans le pays ; ou la Fondation Bill et Melinda Gates, qui travaille en coopération avec l’ICTD pour tester et évaluer les initiatives novatrices en matière d'éducation fiscale - entre autres - en Afrique. 

L'absence d’évaluation d'impact rigoureuse et systématique des initiatives en faveur de l'éducation des contribuables est reconnue comme étant une lacune dans de nombreux pays (Mascagni et Santoro, 2018[2]). Notre étude a confirmé ce constat, en montrant que moins d’une initiative sur cinq fait l’objet d’un examen externe et que seulement une initiative sur deux est évaluée. Évaluer les initiatives est important non seulement pour mesurer leur efficacité, mais aussi pour comprendre leurs avantages et leurs lacunes, les améliorer et apprécier leurs contributions.

Certains exemples d'évaluation montrent qu’il est à la fois possible et judicieux pour une administration fiscale de s’engager dans une telle activité. Par exemple, l’administration fiscale italienne (Agenzia delle Entrate) a recours à l'analyse des médias sociaux pour mesurer le degré d’exposition, d’engagement, d'influence et de perception de ses campagnes en ligne consacrées aux déclarations préremplies sur Facebook, Twitter et YouTube. Pour ce faire, elle analyse le nombre d'abonnés, de retweets, de partages, de reposts et de vues d’une vidéo, ainsi que le nombre de « j’aime » et de commentaires positifs, neutres ou négatifs. Les enquêtes sont un autre moyen d'évaluer l’efficacité et le succès des initiatives en faveur de l'éducation des contribuables. Elles sont particulièrement révélatrices de la satisfaction du contribuable et peuvent servir à obtenir un retour d’expérience. En outre, certaines administrations fiscales utilisent des questionnaires pour mesurer les connaissances acquises par les contribuables ciblés après un séminaire ou une formation sur des questions fiscales. 

Les recherches sont utiles, non seulement a posteriori, mais aussi avant de déployer une initiative. Enquêter auprès des contribuables et recueillir des données sur l’état de leurs connaissances et compétences fiscales contribue à cerner les principaux domaines de risque et permet de concentrer les efforts sur ces domaines et de mieux comprendre les besoins des citoyens. L'approche LB&I aux États-Unis en fournit la démonstration (Encadré 7.3). 

Les recherches et évaluations d’impact sont généralement menées par une division dédiée de l'administration fiscale – comme dans le cas de la division de recherche et de segmentation de la SARS en Afrique du Sud ou la branche des statistiques et des recherches économiques de l'administration fiscale irlandaise – ou sont sous-traitées à des prestataires externes. Il peut s’agir d’organismes publics, tels que des départements du ministère des Finances ou du Bureau national de publicité en Israël, d’établissements d’enseignement supérieur comme l’ENSEA (École Nationale de Statistique et d’Économie Appliquées) en Côte d’Ivoire ou de consultants et de comptables externes, comme en Tanzanie, au Togo et en Suède. 

Les universitaires et les chercheurs peuvent être de précieux alliés à cet égard. Les méthodes statistiques et empiriques utilisées offrent aux administrations fiscales un appui pour atteindre leurs objectifs. Comme la section 6.3 le montre, elles se sont plus d’une fois avérées décisives. 

Les initiatives d'éducation des contribuables peuvent apporter une contribution essentielle à l'amélioration du civisme fiscal et du respect spontané des obligations fiscales, et cette contribution peut être optimisée moyennant une planification et une conception soignées. Les pays qui ont contribué à cet ouvrage reconnaissent de toute évidence la valeur des initiatives d’éducation des contribuables, et ont su tirer de leur expérience des enseignements précieux qui peuvent aider d'autres pays à concevoir et mettre en œuvre leurs propres initiatives. À partir de ces données, le tableau ci-dessous recense les principales questions qu’il faut se poser pour développer des initiatives d'éducation des contribuables de manière à cerner les principales difficultés dès le départ, et explique en quoi cet ouvrage peut éclairer et améliorer le processus de développement.

Cet ouvrage s'intéresse aux enjeux de la planification et de la conception d’initiatives en faveur de l'éducation des contribuables par les administrations fiscales, mais il est nécessaire d’engager une réflexion plus large et plus globale sur cette question. Les initiatives d'éducation des contribuables n’existent pas de façon isolée. Comme cet ouvrage l’a montré, elles s’insèrent dans un ensemble plus vaste d’initiatives au niveau mondial, axées sur le renforcement de la coopération régionale et de l'échange de connaissances et de bonnes pratiques. Elles s’inscrivent également dans le cadre national de politique fiscale, aux côtés d’autres efforts visant à améliorer la discipline fiscale. Par ailleurs, dans de nombreux pays en développement, d’importants projets de coopération pour le développement sont menés afin de soutenir la mobilisation des ressources intérieures. L'éducation des contribuables recèle un potentiel qui ne pourra être pleinement exploité qu’à condition de s’intégrer dans cet écosystème plus large.

L’OCDE s’emploiera à faciliter et à soutenir le partage des connaissances et des bonnes pratiques, et encouragera d'autres acteurs à faire de même. Dans le cadre de la diffusion de cet ouvrage, l’OCDE recherchera les occasions de réunir tous les acteurs impliqués dans l’élaboration et la mise en œuvre d’initiatives d'éducation des contribuables.

Les pays devront peut-être intensifier leurs efforts pour faciliter les interactions entre les initiatives d'éducation des contribuables et les mesures de politique et de discipline fiscales. Les initiatives d’éducation des contribuables ne peuvent pas réussir si les mesures de politique générale et/ou de discipline fiscale sont défaillantes. Lorsqu’il existe des mécanismes efficaces de retour d’information, à la fois au sein de l’initiative et avec les responsables publics concernés, les initiatives d'éducation des contribuables peuvent jouer un rôle précieux pour identifier les failles des mesures de politique générale et de discipline fiscale, surtout les difficultés pratiques de mise en œuvre imprévues. Plusieurs initiatives décrites dans cet ouvrage intègrent des boucles de rétroaction, mais ces pratiques pourraient être généralisées.

La coopération pour le développement peut apporter un appui supplémentaire à l'éducation des contribuables. Il est recommandé depuis longtemps que les programmes fiscaux financés par des dons comportent, dans la mesure du possible, des programmes d’information publique, de formation en fiscalité et un dialogue public-privé (OECD, 2013[2]). Pourtant, les progrès semblent maigres, en dehors des programmes NAF. Seulement trois initiatives déployées dans des pays en développement font référence au soutien de partenaires de développement (bilatéraux ou multilatéraux) ; quelques autres soulignent le rôle d’organisations fiscales régionales en qualité de partenaires régionaux de développement. Cela laisse penser que les partenaires de développement disposent d’une marge de manœuvre importante pour accroître le soutien qu’ils apportent aux programmes d'éducation des contribuables, à la fois en débloquant des moyens financiers supplémentaires et en partageant leur expertise. Ce soutien ne se limite pas aux administrations fiscales, car comme le chapitre 6 l’explique, les acteurs non gouvernementaux ont clairement un rôle à jouer, et n’exploitent pas encore tout leur potentiel.

Références

[1] OCDE/FIIAPP (2015), Édifier une culture fiscale, du civisme et de citoyenneté : Un document de référence global de l’éducation des contribuables, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264230163-fr.

[2] OECD (2013), Tax and Development : Aid Modalities for Strengthening Tax Systems, OECD Publishing, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264177581-en.

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