Résumé

Ce rapport poursuit les travaux déjà entrepris par le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE) pour documenter la géographie des violences en Afrique du Nord et de l’Ouest. À l’aide d’un outil novateur, l’indicateur des dynamiques spatiales des conflits (Spatial Conflict Dynamics indicator [SCDi]), il examine les liens entre villes et violences, et cartographie les principaux foyers de conflit de la région. Dans un contexte marqué par une urbanisation rapide et des niveaux de violence sans précédent, les questions traitées dans ces travaux sont plus que d’actualité. Le rapport aborde la question controversée de la nature plutôt urbaine ou rurale des conflits et apportent de nouveaux éclairages aux décideurs. Comprendre les violences émergent, se propagent et prennent fin est en effet essentiel pour appréhender leurs causes profondes. Une analyse qualitative de dix villes et sous-régions complète les données quantitatives et permet de saisir la dimension locale des conflits.

Les villes ont de tout temps été le théâtre de guerres, d’insurrections et de violences. Ces dernières années, leur rôle crucial dans les conflits attire de plus en plus l’attention dans un contexte d’urbanisation rapide. L’Afrique connaît une croissance urbaine sans précédent, sous l’effet conjugué de taux de fécondité élevés, de l’émergence de nouvelles villes et des migrations. La population du continent devrait doubler à l’horizon 2050, les deux tiers de cette croissance relevant des villes. En Afrique du Nord, cela fait déjà 35 ans que les villes sont plus peuplées que les zones rurales, et en Afrique de l’Ouest, la population urbaine atteindra bientôt 50 %.

En dépit de ces tendances, ce rapport montre que les violences restent essentiellement rurales, en particulier en Afrique de l’Ouest. Plus de 40 % des événements violents et victimes recensés depuis 2000 s’observent dans des zones comptant moins de 300 habitants/km². Les violences dans les zones urbaines sont alors plus fréquentes dans les petites agglomérations de moins de 100 000 habitants que dans celles intermédiaires ou grandes. Les groupes armés prospèrent ainsi dans les zones rurales, surtout lorsqu’ils parviennent à en contrôler la population et en exploiter les ressources naturelles. Dans le Sahel central, les conflits sont plus susceptibles de se produire dans les zones rurales, qui constituent des lieux idéaux pour les belligérants cherchant à défier les forces de l’État. Les groupes djihadistes, en particulier, contribuent à la ruralisation des conflits dans le Sahel.

Les violences atteignent des niveaux sans précédent en Afrique de l’Ouest, mais ont considérablement diminué en Afrique du Nord depuis la fin de la deuxième guerre civile libyenne. Cinq pays concentrent 93 % des événements violents et 94 % des victimes recensés entre janvier 2021 et juin 2022 : le Nigéria, le Burkina Faso, le Mali, le Cameroun et le Niger, tous en Afrique de l’Ouest. En outre, plusieurs zones de violence ont fusionné au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Nigéria, pour désormais former de vastes foyers transcendant les frontières nationales. Il s’agit d’une situation unique: nulle part ailleurs une région multiétatique n’a été le théâtre d’autant de formes différentes de violences qui, malgré leurs racines locales propres, se rapprochent inexorablement.

Le Nigéria en est l’épicentre, totalisant 40 % des événements violents et plus de la moitié des victimes en Afrique du Nord et de l’Ouest sur la période 2021-22. Le Sahel central constitue le deuxième grand foyer de violence, et le Burkina Faso s’avère le deuxième pays le plus touché de la région après le Nigéria, les violences ayant gagné une grande partie de ses régions frontalières. Outre ces foyers, les conflits continuent de se propager à des territoires auparavant épargnés. Dans les années à venir, deux nouveaux noyaux pourraient ainsi se distinguer : le premier entre le Burkina Faso et ses voisins du sud ; et le second dans le nord-ouest du Nigéria.

Cette étude souligne l’évolution rapide des dynamiques de conflit à travers la région. Les violences ont diminué dans le Golfe de Guinée et en Afrique du Nord, mais se sont développées dans le Sahel central, encore largement rural, entraînant un déplacement global des conflits des zones urbaines vers celles rurales. Ces dynamiques dépendent en partie de la capacité des États à gérer leur souveraineté au sein de leurs frontières, mais aussi des actions des différents groupes violents cherchant à défier ou reconfigurer le pouvoir étatique. Étant donné l’importance des villes dans ce processus, les zones urbaines resteront un élément clé pour la conception de politiques territorialisées à même de s’attaquer aux causes profondes des violences politiques, aujourd’hui comme demain.

Avertissement

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Version révisée, novembre 2023

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