Introduction

La révolution du 14 janvier 2011 a débuté dans les régions les plus défavorisées de la Tunisie. Elle a mis au premier plan les difficultés que les Tunisiens rencontrent selon leur zone d’origine et leur frustration relative au manque d’opportunités et de développement économique dans les régions intérieures (Comité des régions de l’Union européenne 2014). Sept ans plus tard, le développement des zones intérieures reste au cœur des revendications populaires et la mise en œuvre de la décentralisation prévue par la Constitution de 2014 est très attendue (OCDE, 2017a). Depuis 2011, les communes, des administrations traditionnellement proches des citoyens, se trouvent confrontées à des exigences et demandes croissantes de la population pour un meilleur développement socio-économique et pour l’instauration de la démocratie locale.

La Constitution de 2014 consacre les principes d’un régime républicain démocratique et participatif et confirme le renforcement des collectivités locales qui seront gérées selon le principe de la libre administration. Elle prescrit également que les collectivités locales sont tenues de fonctionner selon les principes de la gouvernance ouverte (Article 139) et devront alors mettre en place de manière systématique des politiques du gouvernement ouvert. Par conséquent, elle offre aux communes, d’une part, les conditions nécessaires à un rôle plus important dans le développement local et aux citoyens, d’autre part, un rôle accru dans ce même développement. Depuis 2011, les communes ont essayé de répondre à ces attentes en instaurant de nouvelles pratiques d’interaction avec la population. Les citoyens et la société civile organisée ont, quant à eux, revendiqué leur nouvelle liberté civique et politique en demandant davantage de transparence et de participation, tout en proposant aux communes des pratiques de gouvernement ouvert. Cet engagement des communes et de leurs populations a conduit à l’émergence, toutefois sporadique, de pratiques et d’initiatives de gouvernement ouvert au niveau local.

La Tunisie connaît actuellement une transition et une évolution de son système politique : le pays est en voie de passer d’un régime, caractérisé par un État unitaire où l’État central gardait le pouvoir sur les collectivités locales et où ces dernières n’avaient presque aucune compétence, à une plus grande autonomie des communes, à la promotion de la démocratie locale et à un rapprochement des citoyens, de l’administration et de ses services publics. Ce rapport s’inscrit dans le cadre de cette évolution et vise à dresser un état de lieux du gouvernement ouvert au niveau local en Tunisie. L’équipe chargée du gouvernement ouvert tunisien, en collaboration avec le ministère des Affaires locales et de l’Environnement, ont choisi pour une étude pilote les communes – La Marsa, Sayada et Sfax – parce qu’elles ont adopté des mécanismes de transparence et de participation citoyenne. L’étude a pour but de diffuser les bonnes pratiques et d’établir des recommandations qui permettront de mettre en œuvre les provisions constitutionnelles et de créer des conditions pour un développement social et économique inclusif et durable des communes. Le rapport a été rédigé pendant un moment de transition1 et évalue par voie de conséquence une situation exceptionnelle qui devrait changer suite à l’adoption du code des collectivités locales et à l’issue des premières élections locales du 6 mai 2018. Les expériences de ces sept dernières années en matière de gouvernement ouvert en Tunisie constituent cependant la base du rapport et les leçons tirées de ces expériences pourront inspirer la voie à suivre pour des communes plus transparentes, inclusives et ouvertes.

Une occasion d’instaurer le gouvernement ouvert au niveau local

Le contexte actuel offre l’opportunité de favoriser une nouvelle culture de la gouvernance ouverte au niveau local, fondée sur la proximité et le dialogue permanent un meilleur développement local conçu et construit au plus près des populations (OCDE, 2017a). La décentralisation en cours est considérée comme allant de pair avec une gouvernance plus ouverte, plus participative et plus responsable, car elle met l’accent sur la démocratie locale et le développement de politiques publiques plus proches des citoyens.

Plusieurs textes juridiques présentant des éléments propices au gouvernement ouvert ont été adoptés. De fait, le cadre légal oblige les communes à adopter les principes et mécanismes du gouvernement ouvert. L’article 139 de la Constitution stipule ainsi que « les collectivités locales adoptent les mécanismes de la démocratie participative et les principes de la gouvernance ouverte afin de garantir la plus large participation des citoyens et de la société civile à la préparation de projets de développement et d’aménagement du territoire et le suivi de leur exécution, conformément à la loi. » Le code des collectivités locales reprend ce choix en consacrant tout un chapitre (Chapitre 5) à la démocratie participative et à la gouvernance ouverte et en créant de nouvelles commissions au sein du conseil municipal sur la démocratie participative et la gouvernance ouverte d’une part et sur les médias, la communication et l’évaluation d’autre part (Article 210). Par ailleurs, plusieurs réformes du cadre juridique et politique national instaurent des obligations et mécanismes de gouvernement ouvert. Parmi ces réformes, on peut citer la loi organique n° 2016-22 du 24 mars 2016 relative au droit d’accès à l’information qui s’applique également aux collectivités locales (Art. 2), le Programme de développement urbain et de la gouvernance locale (PDUGL) dont l’objectif est de mettre en œuvre les dispositions constitutionnelles liées à la décentralisation, l’adoption des mécanismes de la démocratie participative et le principe de libre administration des communes (présenté de manière détaillée ci-dessous) et l’engagement numéro 4 sur la transparence et le gouvernement ouvert au niveau local du deuxième Plan d’action national de la Tunisie pour le partenariat pour un gouvernement ouvert.

Les communes dont les compétences seront renforcées par la réforme en cours et dont la légitimité est accrue depuis les élections du mai 2018 devraient représenter un moteur dans le développement local. Elles sont appelées à concevoir et à mettre en œuvre des mécanismes de démocratie participative et de gouvernance ouverte qui permettront de mieux répondre à ces exigences.

Références

OECD (2017a), Un meilleur contrôle pour une meilleure gouvernance locale en Tunisie : Le contrôle des finances publiques au niveau local, Examens de l'OCDE sur la gouvernance publique, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264265967-fr.

Note

← 1. Les entretiens avec les trois municipalités se sont tenus en février et mars 2017 et l’élaboration du rapport se base sur la collecte de données allant jusqu’à mai 2018

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