1. Indicateurs de l’intégration des immigrés : panorama et enjeux

L’intégration des immigrés et de leurs enfants demeure au premier rang des préoccupations politiques des pays de l’UE et de l’OCDE. De nombreux pays ont actualisé et intensifié leurs programmes d’intégration ces dernières années, en réponse à l’afflux massif provoqué par les crises récentes de réfugiés en 2015/16 et en 2022. Dans le même temps, la généralisation récente des pénuries de main-d’œuvre ont donné lieu à des actions pour attirer un plus grand nombre de travailleurs étrangers, et ont contribué à stimuler la course mondiale aux talents. Si l’intégration des nouveaux arrivants fait l’objet d’une grande attention des pouvoirs publics, dans de nombreux pays, ils ne représentent qu’une petite partie de l’ensemble de la population née à l’étranger, qui est elle-même confrontée à de nombreuses difficultés d’intégration. En effet, plusieurs indicateurs d’intégration montrent que les immigrés résidant dans le pays depuis de nombreuses années, ainsi que leurs enfants, continuent d’accuser un retard par rapport aux personnes nées dans le pays et leurs enfants dans la plupart des pays de l’OCDE et de l’UE.

L’intégration des immigrés et de leurs enfants contribue à des sociétés plus inclusives et plus unies. Elle permet aux immigrés de prendre pleinement part à la société et contribue à faire accepter l’arrivée de nouvelles cohortes d’immigrés par les sociétés d’accueil. En effet, une intégration réussie est un processus à double sens, comme le souligne le Plan d’action de l’UE en faveur de l’intégration et de l’inclusion pour la période 2021-27. La présente publication définit l’intégration comme la capacité des immigrés à obtenir les mêmes résultats sociaux et économiques que les personnes nées dans le pays, compte tenu de leurs caractéristiques.

Il est crucial de communiquer des données fiables aux décideurs politiques et au public afin d’évaluer correctement les résultats sur le plan de l’intégration, d’éliminer les obstacles à une intégration réussie et de lutter contre la désinformation. Bien que les indicateurs de l’intégration dépendent fortement de la composition de la population immigrée et ne renseignent donc généralement pas efficacement sur l’effet des politiques d’intégration, ils permettent aux décideurs de cerner les enjeux, de fixer des objectifs clairs et d’évaluer les progrès accomplis. Ce chapitre évalue les avantages de la conception d’outils de suivi de l’intégration au niveau international. Il établit ensuite une classification des pays de l’OCDE et de l’UE en fonction de la taille et de la catégorie d’entrée de la population immigrée, ainsi que de l’expérience de ces pays en matière d’immigration. Enfin, il présente succinctement certains indicateurs clés ainsi que leur évolution au cours de la dernière décennie, au moyen d’un comparatif général. Les dernières données disponibles au moment de la rédaction du présent chapitre datant de 2021, l’impact des entrées d’ampleur sans précédent venant d’Ukraine n’est pas pris en compte dans les indicateurs de l’intégration figurant dans cette publication.

Le présent rapport définit les immigrés comme la population née à l’étranger (voir également l’Encadré 1.1 pour une définition des personnes nées dans l’UE). De fait, si la nationalité peut changer au cours de la vie, le lieu de naissance, lui, reste le même. En outre, les conditions d’acquisition de la nationalité sont très différentes d’un pays d’accueil à l’autre, ce qui complique les comparaisons internationales. Dans les pays plus libéraux à cet égard, comme les pays caractérisés par une migration d’installation, ainsi que le Japon, la Corée, le Mexique et la Türkiye, la plupart des ressortissants étrangers peuvent être naturalisés au bout de cinq années de résidence. Quelques pays européens, comme la Suède, appliquent aussi des critères relativement favorables à certaines catégories de personnes. En revanche, les enfants nés dans le pays de résidence de parents nés à l’étranger sont nombreux à ne pas détenir la nationalité de leur pays de naissance dans plusieurs pays d’Europe centrale et orientale et dans les pays germanophones.

Pour ce qui est de la définition des enfants d’immigrés, la plupart des pays les définissent comme des personnes nées dans le pays d’au moins un parent né à l’étranger, bien qu’il arrive que cette expression se réfère également aux personnes nées dans le pays et possédant une nationalité étrangère. La plupart des pays disposent de peu de données sur les personnes nées dans le pays de parents nés à l’étranger, parce qu’il est rare qu’ils recueillent des informations sur l’origine des parents. Le présent rapport évite l’emploi de l’expression très répandue d’immigrés « de la deuxième génération », qui laisse entendre que le statut d’immigré se transmet de génération en génération. Elle est en outre inappropriée, puisque dans les faits les personnes concernées ne sont pas immigrées mais nées dans le pays. De même, ce rapport n’emploie pas l’expression « personnes issues de l’immigration », qui est souvent utilisée pour englober à la fois les immigrés et leurs descendants nés dans le pays. En effet, les problématiques liées à l’intégration des personnes nées à l’étranger – en particulier celles qui ont émigré à l’âge adulte – et des enfants d’immigrés élevés et instruits dans le pays d’accueil sont très différentes.

Plusieurs raisons expliquent l’écart entre les résultats des immigrés – en particulier ceux arrivés à l’âge adulte – et ceux des personnes nées dans le pays. Les immigrés ont été élevés et instruits dans un environnement, et souvent une langue, qui peuvent être différents de ceux du pays d’accueil. Si certaines de ces problématiques risquent d’empêcher leur pleine intégration, elles constituent généralement de moins en moins une entrave à mesure que la durée de séjour dans le pays d’accueil s’allonge. La situation des individus nés à l’étranger, mais arrivés enfants dans les âges de scolarité obligatoire, est différente de celle des étrangers arrivés à l’âge adulte. En fait, pour ces derniers, certaines caractéristiques clés, comme le niveau d’études, ne sont guère influencées par les politiques d’intégration (puisqu’ils ont effectué leur scolarité à l’étranger) et ne devraient donc pas être considérées comme des indicateurs d’intégration. En revanche, le niveau d’études est un indicateur clé pour les individus qui sont arrivés enfants et pour ceux qui sont nés dans le pays de parents nés à l’étranger.

Enfin, la problématique est très différente s’agissant des personnes nées dans le pays de parents nés à l’étranger1. Dans la mesure où elles ont été élevées et instruites dans le pays d’accueil, elles ne devraient pas rencontrer les mêmes obstacles que leurs parents. À bien des égards, les résultats des enfants nés dans le pays de parents nés à l’étranger sont par conséquent un meilleur indicateur de l’intégration que les résultats des personnes nées à l’étranger.

Le Graphique 1.1 donne un aperçu de la population soit née à l’étranger, soit dont l’un des deux parents ou les deux sont nés à l’étranger. Les immigrés sont répartis en deux groupes, à savoir ceux arrivés à l’âge adulte et ceux arrivés enfants dans les âges de scolarité obligatoire (c’est-à-dire avant l’âge de 15 ans). D’après les données des enquêtes menées auprès des ménages, environ une personne sur sept vivant dans l’UE (voir Encadré 1.2) et une sur neuf vivant dans la zone OCDE sont nées à l’étranger, soit 54 millions et 142 millions de personnes, respectivement. Parmi elles, un quart sont arrivées dans la zone OCDE avant l’âge de 15 ans. Cette part est légèrement supérieure dans l’UE (29 %). Les personnes nées dans le pays d’au moins un parent né à l’étranger représentent environ 7 % de la population totale de l’UE et de la zone OCDE, soit respectivement environ 28 et 91 millions de personnes, respectivement. Si aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Israël, la majorité des personnes nées dans le pays de parents nés à l’étranger comptent deux parents immigrés, dans l’UE, la plupart sont d’ascendance mixte, c’est-à-dire nées d’un parent né dans le pays et d’un parent né à l’étranger. Globalement, environ une personne sur cinq dans l’UE est née à l’étranger ou compte au moins un parent né à l’étranger. Cette part est légèrement inférieure dans les pays de l’OCDE.

Les immigrés représentent environ la moitié de la population au Luxembourg, près des deux cinquièmes en Suisse et un tiers en Australie et en Nouvelle-Zélande. À l’autre extrémité du spectre, moins d’un dixième de la population est né à l’étranger dans la plupart des pays d’Europe centrale et orientale, les pays d’Asie et les pays d’Amérique latine membres de l’OCDE. Les immigrés sont plus nombreux que les personnes nées dans le pays d’au moins un parent né à l’étranger dans l’ensemble des pays, à l’exception de certains pays d’Europe centrale et orientale, ainsi que du Mexique, de la France et d’Israël. Globalement, la moitié de la population est née à l’étranger ou compte au moins un parent né à l’étranger en Australie, en Suisse et en Israël, une part qui dépasse 70 % au Luxembourg. Dans les autres pays européens accueillant des immigrés de longue date, cette part est comprise entre un et deux cinquièmes. En revanche, dans les pays d’Amérique latine (à l’exception du Costa Rica), les pays asiatiques ainsi que la plupart des pays d’Europe centrale et orientale, moins d’une personne sur dix fait partie de ce groupe.

Si de nombreuses enquêtes sur les ménages collectent des données sur les immigrés et leurs enfants, on en sait peu sur les petits-enfants d’immigrés2. Pour la toute première fois, un Eurobaromètre spécial 519, mis en place par la Commission européenne en 2021, permet d’estimer leur part parmi les citoyens de l’UE. En partant de l’hypothèse que l’ensemble des ressortissants de pays tiers comptent au moins un grand-parent né à l’étranger, et en additionnant cette part et celle des citoyens de l’UE ayant au moins un grand-parent né à l’étranger, on constate que dans l’UE, près d’un quart de la population âgée de 15 ans et plus compte au moins un grand-parent né à l’étranger (Graphique 1.2). Près de la moitié de ces personnes sont nées en dehors de l’UE. Au Luxembourg et en Lettonie, respectivement environ quatre cinquièmes et deux tiers de la population de cette tranche d’âge comptent au moins un grand-parent né à l’étranger. Cette part est également élevée dans les pays européens accueillant des immigrés de longue date (sauf aux Pays-Bas), où plus d’un tiers de cette population est concerné.

La présente publication suit les résultats en termes d’intégration et leur évolution dans le temps, en terme relatif. Elle compare les résultats des immigrés avec ceux des personnes nées dans le pays (chapitres 2 à 6), les résultats des enfants nés dans le pays de parents immigrés avec ceux de leurs homologues dont les parents sont nés dans le pays (chapitre 7), et les résultats des ressortissants de pays tiers avec ceux des ressortissants du pays de résidence en Europe (chapitre 8). Ces indicateurs sont faciles à comprendre et peuvent aider à mieux mettre en lumière les problèmes d’intégration. Toutefois, ils sont influencés par la composition de la population immigrée, ainsi que par un large éventail de conditions et d’actions et ne rendent pas nécessairement compte des succès ou des échecs de l’action publique. En effet, la politique d’intégration n’est qu’un facteur parmi d’autres et son poids varie selon le pays. Pour évaluer correctement les effets de la politique d’intégration, d’autres mesures sont nécessaires (voir Encadré 1.3).

Les deux méthodes les plus courantes pour évaluer les résultats d’un groupe cible par rapport à ceux d’un groupe de référence sont les suivantes : i) calculer les écarts entre les résultats (principalement exprimés en points de pourcentage, étant donné que la plupart des indicateurs sont des parts ou des taux) et ii) établir un ratio entre les deux résultats.

Le Graphique 1.3 compare la part des personnes peu instruites nées à l’étranger et celle des personnes nées dans le pays. Il montre dans quelle mesure le recours à différentes méthodes de calcul peut modifier le classement des pays. Dans cet exemple, le ratio entre la part d’immigrés peu instruits et la part de personnes peu instruites nées dans le pays est relativement élevé au Japon et en Grèce, les immigrés étant environ deux fois plus susceptibles d’être peu instruits que les personnes nées dans le pays. Si l’on s’intéresse à l’écart en points de pourcentage entre les deux groupes, la Grèce recule dans le classement, tandis que le Japon remonte vers le milieu de la distribution. Si ces deux mesures évaluent l’écart entre la part d’immigrés peu instruits et la part de personnes peu instruites nées dans le pays, les ratios ne rendent pas compte de l’ampleur de ces parts. De fait, si la part d’immigrés peu instruits relevée en Grèce est l’une des plus élevées de la zone OCDE, le Japon est l’un des pays où elle est la plus faible. Ce rapport présente donc les indicateurs en valeurs absolues tout en examinant également les écarts en points de pourcentage, mais a rarement recours aux ratios.

Les comparaisons internationales apportent une forte valeur ajoutée aux indicateurs au niveau national. Plus spécifiquement, elles :

  1. a) Offrent des points de référence pour l’évaluation des performances

Les comparaisons internationales permettent aux pays de comparer leurs résultats à ceux d’autres pays. Elles peuvent fournir des points de référence pour l’évaluation des performances nationales et aider à interpréter l’ampleur des écarts.

Par exemple, comme le montre le Graphique 1.4, un simple examen à l’échelon du Royaume-Uni ne permet pas de déterminer si l’écart observé entre le taux de surpeuplement des logements des immigrés et le taux de surpeuplement des logements (voir l’indicateur 4.5 pour une définition précise) des personnes nées dans le pays, à savoir 4 points de pourcentage, est important ou non. Toutefois, une comparaison à l’échelon international aide à mettre la situation en perspective. Il en ressort que l’écart observé au Royaume-Uni est plus faible que celui observé dans la quasi-totalité des autres pays d’immigration de longue date.

  1. b) Permettent de cerner les enjeux communs en matière d’intégration

Les comparaisons internationales mettent également en avant les difficultés que partagent les pays et qui sont liées à la nature même du processus migratoire, plutôt qu’au contexte particulier des pays d’accueil. Par exemple, par rapport aux personnes nées dans le pays, les immigrés sont davantage exposés à la pauvreté quasiment partout (Graphique 1.5). L’environnement socioéconomique des populations nées à l’étranger varie considérablement d’un pays à l’autre et ne peut expliquer que partiellement les écarts observés entre les deux groupes en termes de taux de pauvreté. Les obstacles spécifiques auxquels les immigrés sont confrontés sur le marché du travail, comme les barrières linguistiques et la dévalorisation des diplômes étrangers, ainsi que l’accès limité aux prestations sociales, voire la discrimination, peuvent également contribuer des taux de pauvreté des immigrés plus élevés.

  1. c) Mettent en évidence les difficultés qui restent invisibles à l’examen des seules données nationales

Les comparaisons internationales permettent également de mettre en évidence des difficultés invisibles à l’examen des seules données nationales, notamment quand il existe une forte corrélation entre la présence d’immigrés et d’autres facteurs d’inégalité. Par exemple, on prétend généralement, surtout en Europe, que la concentration de descendants directs d’immigrés dans les mêmes établissements scolaires risque de nuire à la performance éducative globale de ces établissements. Les résultats fondés sur les données du Programme international de l’OCDE pour le suivi des acquis des élèves (PISA) montrent qu’en Europe, où les parents immigrés sont largement surreprésentés au bas de l’échelle des qualifications, les résultats scolaires des élèves sont généralement inférieurs quand ils sont scolarisés dans des établissements accueillant des effectifs importants de descendants d’immigrés (Graphique 1.6) Toutefois, dans certains pays de l’OCDE, comme l’Australie, le Canada et Israël, où les immigrés sont surreprésentés parmi les diplômés du supérieur, les enfants obtiennent de meilleurs résultats quand ils sont scolarisés dans des établissements fréquentés par de nombreux descendants d’immigrés. Ce qui ressort de ces résultats, en revanche, c’est que, dans tous les pays, les résultats scolaires des enfants sont systématiquement inférieurs dans les établissements accueillant d’importants effectifs d’enfants dont la mère a un faible niveau d’études. À l’échelle de l’OCDE, ils accusent un retard de près de deux ans par rapport aux élèves scolarisés dans des établissements accueillant peu d’élèves de cette catégorie. Cela s’explique principalement par l’impact important du niveau d’études de la mère sur les résultats scolaires de son enfant. Dans ce cas, les comparaisons internationales permettent de cibler le véritable problème à traiter, à savoir non la forte concentration de descendants d’immigrés en tant que telle, mais la concentration d’enfants dont les mères ont un faible niveau d’études.

Les différences de composition de la population née à l’étranger doivent également être prises en compte dans le cadre de l’interprétation des résultats des immigrés sur le plan de l’intégration. En particulier, le motif de la migration a généralement une forte incidence sur ces résultats. Les immigrés admis pour raisons humanitaires, par exemple, se heurtent à des obstacles spécifiques au moment d’entrer sur le marché du travail. En raison du caractère forcé de leur migration, ils n’ont généralement pas eu le temps de préparer leur séjour, souffrent de détresse psychologique, et n’ont que peu d’attaches, voire aucune, avec le pays dans lequel ils arrivent. En revanche, les travailleurs immigrés ont souvent déjà fait l’objet d’une sélection en fonction de leurs compétences et/ou de leur emploi dans le pays d’accueil et s’en sortent beaucoup mieux sur le marché du travail, à leur arrivée notamment (voir Graphique 1.7 et également Graphique 1.11 ci-dessous).

Pourtant, jusqu’à récemment, les enquêtes auprès des ménages recueillaient rarement des informations sur les motifs de la migration. Depuis 2021, l’Enquête de l’Union européenne sur les forces de travail (EFT-UE) intègre tous les deux ans une question sur le motif de la migration, ce qui permet de présenter les résultats en termes d’intégration de différents groupes d’immigrés au sein de l’UE. À l’extérieur de l’UE, seuls quelques pays recueillent des données sur les motifs légaux de séjour des immigrés (par ex. la Corée) ou sont en mesure d’établir un lien entre les enquêtes auprès des ménages et leurs bases de données relatives aux permis de séjour (par ex. le Canada), qui peuvent présenter des différentes avec les motifs de migration déclarés par les immigrés.

Comme le montre le Graphique 1.7, la catégorie des travailleurs immigrés est celle qui enregistre les taux d’emploi les plus élevés dans la quasi-totalité des pays européens, tandis que les personnes admises pour raisons humanitaires sont les moins susceptibles d’occuper un emploi. Les migrants qui viennent rejoindre des membres de leur famille obtiennent généralement des résultats à peine meilleurs que ceux des personnes admises pour raisons humanitaires dans l’ensemble de l’UE, en dépit d’attaches a priori plus fortes avec le pays d’accueil.

Ces informations, ainsi que d’autres informations contextuelles, sont cruciales pour interpréter correctement les résultats des immigrés et les différences observées avec la population née dans le pays. La taille et la composition des populations immigrées varient considérablement d’un pays de l’OCDE à l’autre, en fonction notamment de facteurs géographiques, historiques, linguistiques et politiques. Par exemple, si les personnes admises pour raisons humanitaires et leurs familles représentent une part importante de la population immigrée en Suède, cette part est beaucoup plus faible dans des pays comme l’Australie, le Canada ou le Royaume-Uni.

Tout récemment, l’afflux sans précédent de réfugiés en provenance d’Ukraine a eu un effet significatif sur la composition de la population immigrée de plusieurs pays (voir Encadré 1.4). Les pays d’Europe centrale et orientale, qui accueillaient principalement des travailleurs immigrés par le passé, ont notamment enregistré une forte hausse du nombre de migrants admis pour raisons humanitaires. Les dernières données disponibles au moment de la rédaction du présent chapitre datant de 2021, l’impact de ces entrées n’est pas pris en compte dans les indicateurs de l’intégration figurant dans cette publication.

Les pays de destination membres de l’OCDE et de l’UE peuvent être répartis en 13 groupes, sur la base de la taille et de la catégorie d’entrée (travail, raisons familiales, humanitaires, libre circulation) de leur population immigrée, ainsi que de leur expérience en matière d’immigration – autant d’éléments qui ont une incidence sur les résultats sur le plan de l’intégration. Les populations nées à l’étranger présentent une composition structurelle identique au sein des pays d’un même groupe (Graphique 1.8). Ces groupes de pays font souvent face à des enjeux similaires en termes d’intégration, ce qui rend les comparaisons internationales particulièrement intéressantes. D’autres affichent des résultats assez variés, car certains facteurs non pris en compte lors de la constitution des groupes, comme la taille et la vigueur de l’économie, ont également une incidence sur l’intégration. Dans la mesure où toute classification appelle une certaine simplification, il est impossible de prendre en compte l’ensemble des déterminants des processus d’intégration, qui sont complexes. Le Graphique 1.9 présente les résultats de chaque groupe de pays au regard des différents indicateurs et leur évolution au fil du temps, sous forme synthétique.

Ces pays se caractérisent par une migration d’installation et l’immigration est considérée comme faisant partie du patrimoine national. En moyenne, les immigrés représentent environ un quart de la population, et les personnes ayant au moins un parent né à l’étranger en représentent un sixième. Dans ces pays, les politiques d’immigration visent principalement à attirer des travailleurs immigrés pour répondre aux besoins en main-d’œuvre qualifiée de leurs économies. Par conséquent, les travailleurs immigrés et leurs accompagnants représentent la majeure partie de la population née à l’étranger. En outre, en raison d’une immigration sélective de longue date, la part moyenne des immigrés diplômés de l’enseignement supérieur est supérieure à celle de leurs homologues nés dans le pays, mais aussi à celle de leurs homologues nés à l’étranger dans la quasi-totalité des autres pays. Cette part a considérablement augmenté en Australie et au Canada au cours de la dernière décennie, où elle s’élève respectivement à 60 % et 66 %.

Les immigrés obtiennent généralement de bons résultats dans les pays d’installation (voir Graphique 1.9). Comme il s’agit principalement de travailleurs immigrés très instruits accompagnés de membres de leur famille, ils bénéficient d’une bonne situation sur le marché du travail, sont en bonne santé, et sont moins susceptibles d’être touchés par la pauvreté ou de vivre dans des logements surpeuplés que les immigrés de la plupart des autres pays. Bien qu’ils ne rattrapent généralement pas complètement leurs homologues nés dans le pays (à quelques exceptions près), les écarts sont généralement plus faibles que ceux observés dans l’ensemble de la zone OCDE (voir Encadré 1.5). En outre, plus de quatre cinquièmes des immigrés résidant dans ces pays depuis au moins dix ans ont obtenu la nationalité du pays d’accueil, soit une part bien supérieure à celle observée dans la plupart des autres pays de l’OCDE, où l’acquisition de la nationalité est plus difficile. Le niveau d’études élevé des immigrés semble également avoir une incidence positive sur leurs enfants. Contrairement à ce que l’on observe dans la plupart des autres pays, les personnes nées dans le pays de parents nés à l’étranger obtiennent de meilleurs résultats à l’école et sur le marché du travail que les personnes dont les parents sont nés dans le pays.

Comme dans le groupe précédent, l’installation d’immigrés a largement contribué à l’édification de la nation. Ces derniers représentent un cinquième de la population israélienne et un septième de la population des États-Unis. L’immense majorité d’entre eux sont des immigrés installés résidant depuis au moins dix ans dans leur pays d’accueil (environ cinq sixièmes en Israël et trois quarts aux États-Unis). Israël encourage l’immigration de la diaspora juive, tandis que le regroupement familial est une composante importante de la politique d’immigration des États-Unis. Par conséquent, près de deux tiers des immigrés permanents aux États-Unis sont venus en premier lieu pour des raisons familiales.

Bien que la proportion de travailleurs immigrés soit plus faible que dans les pays du groupe 1.1, les immigrés (et leurs enfants) obtiennent des résultats favorables sur le marché du travail, et une part relativement importante d’entre eux est très instruite (43 % aux États-Unis et 56 % en Israël). Pourtant, ces immigrés éprouvent des difficultés à trouver un emploi correspondant à leurs qualifications. Environ un tiers des immigrés occupant un emploi sont déclassés. En Israël, les immigrés très instruits sont même près de deux fois plus susceptibles d’être déclassés que leurs homologues nés dans le pays. En outre, aux États-Unis, les immigrés accusent toujours un retard par rapport aux personnes nées dans le pays en termes de conditions de vie.

Ces pays attirent un grand nombre de travailleurs immigrés hautement qualifiés en provenance de l’UE/AELE. Si l’immigration est ancienne, l’afflux d’immigrés diplômés de l’enseignement supérieur a été particulièrement important au cours de la dernière décennie. Par conséquent, les immigrés résidant depuis moins de dix ans dans le pays d’accueil représentent au moins deux cinquièmes des populations immigrées dans ces pays.

En raison de la forte proportion de travailleurs immigrés et d’immigrés bénéficiant de libre circulation (77 % des flux permanents en Suisse, et 88 % au Luxembourg au cours des 15 dernières années), la situation des immigrés sur le marché du travail est généralement bonne. Plus de 72 % des personnes nées à l’étranger occupent un emploi, et les taux de déclassement comptent parmi les plus bas de l’OCDE. Toutefois, les conditions de vie des immigrés sont moins favorables. Ils se heurtent notamment à des difficultés disproportionnées pour trouver un logement adéquat, et affichent des taux de pauvreté relative plus élevés. Dans le même ordre d’idées, les résultats scolaires et la situation sur le marché du travail des personnes nées dans le pays de parents nés à l’étranger sont nettement moins bons que ceux de leurs homologues dont les parents sont nés dans le pays. En outre, malgré quelques améliorations au cours de la dernière décennie, les taux d’acquisition de la nationalité restent faibles parmi les immigrés résidant dans le pays depuis au moins dix ans.

Depuis les années 1950, les politiques actives de « travailleurs invités » mises en œuvre dans ces pays ont attiré principalement des immigrés peu instruits originaires de pays comme l’ex-Yougoslavie, la Türkiye et le Maroc, qui ont occupé des emplois non qualifiés pendant l’expansion économique de l’après-guerre. Au lieu de venir temporairement, comme prévu initialement, beaucoup de ces immigrés se sont finalement installés avec leur famille. Le Royaume-Uni fait exception au sein de ce groupe, car il a fait venir des travailleurs immigrés plus instruits en provenance de ses anciennes colonies sans recourir aux programmes de « travailleurs invités ». Depuis les années 1990, la plupart de ces pays ont également accueilli des flux importants de migrants pour raisons humanitaires, en particulier l’Allemagne et l’Autriche. Sous l’effet de la poussée des migrations humanitaires en 2015/2016 et de l’afflux continu de ressortissants de l’UE en mobilité au cours de la dernière décennie, la part des personnes nées à l’étranger dans la population totale a augmenté dans ces pays. En 2020, environ deux immigrés sur cinq résidaient dans leur pays d’accueil depuis moins de dix ans. Contrairement aux groupes précédents, la part des immigrés de niveau d’éducation élevé va de 26 à 34 % seulement, dans ces pays. Toutefois, plus de deux cinquièmes des personnes nées dans l’UE présentes dans ces pays ont suivi des études supérieures (à l’exception de l’Allemagne, où moins d’un tiers d’entre elles sont diplômées du supérieur). Au Royaume-Uni, l’ensemble des immigrés sont plus instruits, près de la moitié d’entre eux étant titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur.

Bien que ces pays comptent une part importante de travailleurs immigrés ou d’accompagnants (les personnes arrivées dans le cadre de la libre circulation étant incluses), le taux d’emploi des immigrés est bien inférieur à celui des personnes nées dans le pays. Les écarts, entièrement imputables aux immigrés de pays tiers, s’élèvent à au moins 6 points de pourcentage, sauf au Royaume-Uni, où l’on n’observe aucune différence. Les femmes non ressortissantes de l’UE sont confrontées à des difficultés bien plus nombreuses sur le marché du travail et ont une situation beaucoup moins enviable que les hommes non ressortissants de l’UE et les femmes nées dans le pays. Les désavantages liés au faible niveau d’études des parents immigrés sont souvent transmis à leurs enfants, dont les résultats scolaires et la situation sur le marché du travail restent bien inférieurs à ceux de leurs homologues dont les parents sont nés dans le pays (sauf au Royaume-Uni encore une fois). Dans ces pays, les immigrés sont également plus susceptibles d’être pauvres, de vivre dans un logement inadéquat ou de se déclarer en mauvaise santé que les personnes nées dans le pays, bien que les écarts soient beaucoup plus faibles en Allemagne et au Royaume-Uni. En Belgique, malgré la forte proportion de personnes nées dans l’UE, les résultats des immigrés et de leurs enfants sont plus proches de ceux du groupe 2.3 ci-dessous que de ceux de l’Autriche, de l’Allemagne et du Royaume-Uni.

À l’instar des pays du groupe 2.2, la France et les Pays-Bas ont mis en œuvre des programmes de travailleurs invités afin de pallier les pénuries de main-d’œuvre (non qualifiée) pendant l’essor économique de l’après-guerre. Ils ont accueilli par ailleurs un nombre important de travailleurs immigrés et d’immigrés pour raisons familiales originaires de leurs anciennes colonies. De ce fait, leur population immigrée est majoritairement extracommunautaire. De nombreux immigrés (près de 70 % en France et 78 % aux Pays-Bas) sont installés dans des zones urbaines, et leur part continue de croître. Contrairement à ce que l’on observe dans les pays du groupe 2.2, les nouveaux arrivants ne représentent qu’une petite part de la population immigrée. Ainsi, environ trois quarts des personnes nées à l’étranger résident dans leur pays d’accueil depuis au moins 10 ans, et la grande majorité d’entre elles (62 % en France et 75 % aux Pays-Bas) possèdent la nationalité de leur pays d’accueil.

Les problèmes d’intégration rappellent ceux du groupe 2.2, et sont en partie imputables au faible niveau d’études d’une part importante de la population née à l’étranger (plus d’un quart aux Pays-Bas et un tiers en France sont peu instruits). Plus précisément, les immigrés obtiennent de moins bons résultats sur le marché du travail que les personnes nées dans le pays. On observe des écarts importants entre les taux d’emploi de ces deux groupes (7 points de pourcentage en France et 16 aux Pays-Bas). De même, la pauvreté relative, les problèmes de logement et de santé sont beaucoup plus fréquents chez les immigrés que chez les personnes nées dans le pays, les disparités s’étant creusées au cours de la dernière décennie. De même, les résultats scolaires et la situation sur le marché du travail des jeunes nés dans le pays de parents nés à l’étranger sont généralement bien moins bons que ceux de leurs homologues dont les parents sont nés dans le pays.

Depuis les années 1990, la migration humanitaire a été un moteur important des migrations à destination de ces pays et a donné lieu à une diversification croissante des pays d’origine. Toutefois, les migrants de l’UE/AELE jouissant de la liberté de circulation et les travailleurs immigrés constituent toujours l’essentiel de la population immigrée (sauf en Suède). Ils représentent plus de trois cinquièmes des flux d’immigration permanente à destination du Danemark et de la Norvège enregistrés ces 15 dernières années. En raison de la hausse du nombre de travailleurs immigrés et d’immigrés admis au titre de la libre circulation, ainsi que de la poussée des migrations humanitaires faisant suite à la crise en Syrie de 2015/2016 (bien que dans une moindre mesure au Danemark), la part des personnes nées à l’étranger dans la population totale de ces pays a augmenté de plus d’un tiers au cours de la dernière décennie, pour s’établir à 16 % en moyenne en 2021. Par conséquent, près de la moitié des immigrés résident dans leur pays d’accueil depuis moins de dix ans, et un quart d’entre eux depuis moins de cinq ans. Au moins deux immigrés sur cinq sont titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur, une part qui a augmenté entre 2010 et 2020 et qui est désormais similaire à celle des personnes nées dans le pays.

Les immigrés admis pour raisons humanitaires et leurs familles, ainsi que les immigrés extracommunautaires récents, sont particulièrement vulnérables en termes d’intégration sur le marché du travail, et leurs résultats économiques sont généralement loin d’égaler ceux des personnes nées dans le pays. Comme partout ailleurs, la situation de ces groupes sur le marché du travail n’est pas favorable. Ils enregistrent des taux de pauvreté relative supérieurs à ceux des personnes nées dans le pays, et leurs conditions de logement sont moins enviables. Il en va de même pour les personnes nées dans le pays de parents nés à l’étranger, qui accusent un retard en termes de résultats scolaires et de situation sur le marché du travail par rapport à leurs homologues dont les parents sont nés dans le pays. Malgré ces difficultés, l’intégration sociale des immigrés et l’attitude des personnes nées dans le pays à leur égard sont plus favorables que dans la plupart des autres pays européens. Par exemple, les immigrés qui remplissent les conditions requises sont beaucoup plus susceptibles de voter aux élections nationales, font davantage confiance à la police et au système judiciaire, et sont plus enclins à faire du bénévolat que les autres immigrés. En outre, en Suède, six immigrés installés sur sept possèdent la nationalité suédoise, alors que le taux d’acquisition de la nationalité est beaucoup plus faible au Danemark et en Norvège.

Les travailleurs immigrés et les immigrés admis pour raisons familiales représentent la majeure partie de la population née à l’étranger dans ces pays. Dans les pays d’Europe du Sud, la croissance économique conjuguée à la baisse de la fécondité a entraîné des pénuries de main-d’œuvre dans les emplois peu qualifiés à partir du milieu des années 1980 et jusqu’à la crise financière mondiale. Des immigrés non européens et, plus tard, des immigrés en provenance d’Europe centrale et orientale ont contribué à pallier ces pénuries. Au cours de la même période, au Costa Rica, la stabilité politique et les conditions économiques favorables ont attiré un nombre croissant de travailleurs immigrés peu instruits, principalement en provenance du Nicaragua et d’autres pays voisins. En moyenne, les immigrés représentent environ 11 % de la population de ces pays. En Corée, où les travailleurs immigrés temporaires sont nombreux, cette part est beaucoup plus faible (environ 4 %).

Au Costa Rica, en Grèce et en Italie, les immigrés peu instruits sont majoritaires. Environ un immigré sur six seulement est titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur. En revanche, la part d’immigrés diplômés de l’enseignement supérieur, qui a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie, est beaucoup plus importante au Portugal, en Corée et en Espagne (environ un sur trois). Si le taux d’emploi des immigrés est globalement similaire ou supérieur à celui des personnes nées dans le pays (à l’exception de la Grèce et de l’Espagne), les immigrés titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur ont des difficultés à mettre totalement leurs compétences en pratique. Ils sont beaucoup moins susceptibles d’occuper un emploi que leurs homologues nés dans le pays, et ceux qui en ont un occupent majoritairement des postes inférieurs à leur niveau de qualification. Les immigrés sont également beaucoup plus susceptibles de travailler à temps partiel, d’être titulaires d’un contrat temporaire ou de faire des heures supplémentaires que les personnes nées dans le pays. De même, leurs conditions de vie sont moins favorables, ils enregistrent des taux de pauvreté environ deux fois supérieurs à ceux des personnes nées dans le pays et sont beaucoup plus susceptibles de vivre dans des logements surpeuplés. Ces difficultés sont transmises à leurs enfants, qui obtiennent des résultats médiocres sur le marché du travail, tant en termes absolus que par rapport à leurs homologues dont les parents sont nés dans le pays. Le Portugal fait exception à cet égard. Du fait de l’amélioration considérable des résultats en termes d’intégration au cours de la dernière décennie, l’écart entre les taux de surpeuplement des logements des immigrés et des personnes nées dans le pays s’est beaucoup réduit, et l’écart de pauvreté s’est même inversé (en faveur des immigrés). Les immigrés installés au Portugal sont également beaucoup plus susceptibles d’acquérir la nationalité, ce qui n’est pas le cas dans les autres pays du groupe.

Ces pays ont attiré un grand nombre de travailleurs immigrés en provenance de l’UE/AELE au cours de la dernière décennie. Environ un tiers des personnes nées à l’étranger en Islande et en Irlande résident dans leur pays d’accueil depuis moins de 10 ans. À Malte et à Chypre, cette part atteint même 50 à 60 %, respectivement. Contrairement au groupe précédent, deux immigrés sur cinq environ ont fait des études supérieures, cette proportion étant encore plus importante en Irlande (56 %).

Les écarts en termes de résultats sur le marché du travail et de conditions de vie sont généralement marginaux dans ces pays, voire inexistants, notamment en raison de la situation socioéconomique favorable des immigrés. Toutefois, ces résultats varient d’un pays à l’autre, et chaque pays rencontre des problèmes d’intégration qui lui sont propres dans certains domaines. Par exemple, les immigrés très instruits sont très souvent déclassés en Islande et à Malte, où ils sont respectivement environ quatre et trois fois plus susceptibles d’occuper un emploi inférieur à leur niveau de qualification que les personnes nées dans le pays. En outre, à Chypre, les immigrés souffrent autour de deux fois plus de la pauvreté relative que les personnes nées dans le pays. En Islande, les enfants d’immigrés nés dans le pays ont des difficultés à s’intégrer dans le système scolaire, la moitié d’entre eux présentant des lacunes en compréhension de l’écrit à l’âge de 15 ans.

Dans ces pays d’Europe centrale et orientale, la population née à l’étranger est façonnée par les minorités nationales originaires des pays voisins (c’est le cas en Hongrie par exemple) et par des modifications des frontières, principalement liées à l’édification de la nation à la fin du XXe siècle. Par conséquent, les taux d’acquisition de la nationalité du pays d’accueil parmi les immigrés installés comptent parmi les plus élevés de la zone OCDE. Ces dernières années, les pays de ce groupe ont également accueilli des flux importants de migrants, de travailleurs principalement, en provenance d’Europe centrale, orientale et du Sud-Est. En conséquence, les immigrés récents (c’est-à-dire dont la durée de résidence est inférieure à 10 ans) représentent environ un tiers de la population immigrée, et une part encore plus importante en Bulgarie (41 %). Malgré la hausse du nombre d’entrées, les immigrés représentent toujours une part relativement faible de la population totale (moins de 7 %), sauf en Slovénie, où une personne sur sept est née à l’étranger. La part des immigrés titulaires d’un diplôme universitaire a augmenté dans l’ensemble des quatre pays, s’échelonnant de 18 % en Slovénie à 52 % en Bulgarie.

De même, les résultats en matière d’intégration sont hétérogènes. En Hongrie, les immigrés (et leurs enfants nés dans le pays) obtiennent de bons résultats sur le marché du travail et bénéficient de conditions de vie globalement similaires à celles des personnes nées dans le pays. C’est également le cas en République slovaque, bien que dans une moindre mesure. En revanche, en Bulgarie, ils ont du mal à s’intégrer sur le marché du travail, et en Slovénie, ils sont touchés de manière disproportionnée par la pauvreté relative et les mauvaises conditions de logement.

Comme dans le groupe 4.1, une part importante des personnes nées à l’étranger sont comptabilisées comme telles dans ces pays en raison de modifications des frontières au début des années 1990, ou parce qu’elles font partie des minorités nationales originaires des pays voisins. Au moins quatre immigrés sur cinq (et même 96 % en Croatie) résident dans leur pays d’accueil depuis plus de dix ans. Ces pays, ainsi que la Pologne, sont ceux dont la population immigrée compte la part la plus importante de personnes âgées au sein de la zone OCDE. En Estonie et en Lettonie, plus de deux immigrés sur cinq sont âgés de 65 ans ou plus. Jusqu’aux récents afflux de réfugiés (voir Encadré 1.4), le nombre d’entrées était limité, ce qui ne permettait pas de compenser le vieillissement de la population née à l’étranger. Par conséquent, la population née à l’étranger a diminué dans ces pays au cours de la dernière décennie, ce qui contraste fortement avec la situation de tous les autres pays de l’OCDE, à l’exception d’Israël et de Chypre. En 2021, ces pays comptaient environ une personne sur sept née à l’étranger. Cette part était plus faible en Lituanie (6 %).

Dans les pays baltes, les résultats de l’intégration sont étroitement liés à la pyramide des âges de la population née à l’étranger. De nombreux immigrés d’âge actif étant proches de l’âge de la retraite, les taux d’activité et d’emploi sont plus faibles chez les personnes nées à l’étranger que chez les personnes nées dans le pays. En outre, les problèmes de santé des immigrés sont de plus en plus préoccupants. Un nombre disproportionné d’entre eux sont en surpoids, et ils sont moins susceptibles de se déclarer en bonne santé que les personnes nées dans le pays, même si l’on tient compte du fait qu’ils sont plus âgés. Le taux de pauvreté relative des immigrés est également supérieur à celui des personnes nées dans le pays (sauf en Lituanie) et la pauvreté des personnes âgées, en particulier, a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie, tant chez les immigrés que chez les personnes nées dans le pays. En revanche, dans la mesure où plus de quatre immigrés sur cinq sont propriétaires de leur logement, leurs résultats en termes d’intégration sont généralement plus favorables dans ce domaine. La Croatie se distingue des autres pays sur le plan de l’intégration, les écarts entre les immigrés et les personnes nées dans le pays en termes de situation sur le marché du travail et de conditions de vie étant généralement plus faibles, voire inexistants.

Ce groupe se compose d’un ensemble hétérogène de pays dont la population immigrée était peu importante jusqu’au début des années 2010, mais qui ont vu arriver un grand nombre de migrants pour raisons humanitaires au cours de la dernière décennie. Par conséquent, la population née à l’étranger a considérablement augmenté dans ces quatre pays, et plus particulièrement en Colombie. Alors que le Chili et la Colombie accueillent principalement des Vénézuéliens, qui partagent la même langue et ont un niveau d’études relativement élevé, pour raisons humanitaires, la Finlande et la Türkiye accueillent une part importante de réfugiés en provenance de pays asiatiques, comme la Syrie et l’Irak, où les niveaux d’études sont plus hétérogènes. Par conséquent, les résultats sur le plan de l’intégration varient considérablement d’un pays à l’autre dans ce groupe. Les immigrés sont plus susceptibles d’occuper un emploi que les personnes nées dans le pays au Chili et en Colombie, alors qu’on observe la situation inverse en Finlande et en Türkiye. En outre, en Colombie, deux tiers des immigrés vivent dans des logements surpeuplés, une proportion plus de deux fois supérieure à celle des personnes nées dans le pays. En revanche, au Chili et en Finlande, les conditions de logement des immigrés sont beaucoup plus proches de celles des personnes nées dans le pays.

Ces pays accueillent des flux croissants de travailleurs immigrés en provenance de pays géographiquement proches, le vieillissement démographique et les pénuries de main-d’œuvre entraînant un besoin accru de main-d’œuvre étrangère. Une partie de ces flux étant temporaires, la part de la population née à l’étranger reste relativement faible (2 % de la population totale en Pologne et au Japon, et 8 % en République tchèque, où une part importante de la population née à l’étranger a été façonnée par des modifications des frontières au début des années 1990). Le niveau d’études des immigrés est variable dans ces pays, la part des diplômés de l’enseignement supérieur étant très importante en Pologne et au Japon (60 et 47 %, respectivement) et beaucoup plus faible en République tchèque (environ un tiers). Étant donné que la plupart des immigrés sont venus travailler, leurs résultats sont généralement favorables sur le plan de l’intégration économique. Par exemple, le taux d’emploi des immigrés a considérablement augmenté au cours de la dernière décennie et est désormais supérieur à celui des personnes nées dans le pays, même si ce n’est que légèrement, au Japon. Les indicateurs relatifs aux conditions de vie sont disponibles uniquement pour la République tchèque et la Pologne. Dans ces pays, les écarts sont généralement moins importants que dans la plupart des autres pays de l’OCDE.

Ces pays se caractérisent par une importante diaspora, et les descendants nés à l’étranger de rapatriés nationaux représentent une part considérable de leur population née à l’étranger. Du fait de la hausse des flux migratoires de retour au cours des dernières années, les personnes nées à l’étranger sont beaucoup plus jeunes dans ces pays que dans les autres pays de l’OCDE. Plus d’un tiers d’entre elles ont moins de 15 ans, et une part importante n’a atteint l’âge actif que récemment. Comme les populations nées à l’étranger sont encore assez peu nombreuses, les données relatives à leurs résultats en termes d’intégration sont limitées. Les rares données disponibles montrent que, malgré un niveau d’études plus élevé, les personnes nées à l’étranger s’en sortent moins bien sur le marché du travail que les personnes nées dans le pays, ce qui pourrait s’expliquer en partie par leur plus grande jeunesse. Les écarts entre les taux d’emploi sont relativement importants et se sont creusés au cours de la dernière décennie.

Afin de permettre une vision à long terme sur les avancées potentielles sur le plan de l’intégration, il est essentiel de suivre les résultats de l’intégration au fil du temps. La présente publication a recours à plusieurs méthodes pour évaluer les progrès réalisés sur le plan de l’intégration. Pour la quasi-totalité des indicateurs, elle compare la situation de la population immigrée et de la population née dans le pays à celle qui prévalait dix ans auparavant3. Dans la mesure du possible, elle compare également les résultats d’immigrés ayant séjourné plus ou moins longtemps dans le pays d’accueil. Elle analyse en outre les progrès intergénérationnels sur le plan des résultats scolaires.

Le paysage migratoire de l’OCDE a considérablement évolué au cours de la dernière décennie. En raison du nombre croissant d’immigrés bénéficiant de la libre circulation et de l’afflux de personnes admises pour raisons humanitaires en Europe et en Amérique du Sud depuis 2015, la population née à l’étranger a augmenté quasiment partout. Dans l’ensemble, les résultats en termes d’intégration se sont globalement améliorés au sein de la zone OCDE au cours de la dernière décennie, malgré des variations significatives d’un pays et d’un indicateur à l’autre.

La situation des immigrés sur le marché du travail s’est considérablement améliorée dans les pays l’OCDE après la longue récession économique qui a débuté en 2007/2008. Entre 2011 et 2021, les taux d’emploi des immigrés ont augmenté presque partout, d’où une réduction des écarts observés avec les personnes nées dans le pays. Dans la plupart des pays, les écarts entre les immigrés et les personnes nées dans le pays se sont également resserrés en termes de taux de chômage (de longue durée), de travail à temps partiel subi, de contrats temporaires et de taux de déclassement. Ces évolutions positives ont été observées malgré les incidences extrêmement négatives de la pandémie de COVID-19 sur les travailleurs immigrés. Si la crise a temporairement mis un frein aux progrès accomplis au cours de la dernière décennie, les résultats des immigrés se sont redressés bien plus fortement. En 2021, ils avaient déjà retrouvé voire dépassé les niveaux observés avant la crise dans la plupart des pays.

Ces progrès sont non seulement imputables à de meilleures politiques de l’emploi et à des conditions économiques plus favorables, mais également à une évolution de la composition socioéconomique des populations immigrées. En 2020, près de la moitié des immigrés récents (résidant depuis moins de cinq ans) dans les pays de l’OCDE étaient titulaires d’un diplôme universitaire, contre moins d’un tiers dix ans auparavant. Comme un bon niveau d’éducation améliore l’accès au marché du travail, les immigrés récents sont plus susceptibles de travailler en 2021 que leurs homologues une décennie auparavant dans deux tiers des pays. L’augmentation du taux d’emploi des immigrés récents a été ainsi d’environ 4 points de pourcentage dans l’UE, voire bien plus au Canada et aux États-Unis.

De même, dans la plupart des pays, les enfants nés dans le pays de parents nés à l’étranger rattrapent lentement les enfants dont les parents sont nés dans le pays, tant en termes de réussite scolaire que de résultats sur le marché du travail. Deux tiers des pays ont fait état d’une amélioration des résultats des enfants d’immigrés en compréhension de l’écrit entre 2009 et 2018, alors que les résultats des enfants dont les parents sont nés dans le pays sont restés stables, autant dans l’UE que dans l’OCDE dans son ensemble. En outre, malgré la pandémie de COVID-19, tous les indicateurs clés du marché du travail (emploi, chômage et taux de déclassement) se sont améliorés entre 2012 et 2020 chez les jeunes adultes au sein de l’UE. Les progrès ont été plus marqués chez les jeunes nés dans le pays de parents nés à l’étranger que chez leurs homologues dont les parents sont nés dans le pays. Cela n’a en général pas été le cas à l’extérieur de l’UE.

Le tableau est plus nuancé en ce qui concerne les conditions de vie des immigrés. Dans environ la moitié des pays, les taux de pauvreté relative des immigrés ont davantage reculé que ceux des personnes nées dans le pays, tandis que dans l’autre moitié, la pauvreté relative a gagné davantage de terrain chez les personnes nées à l’étranger que chez les personnes nées dans le pays. On observe la même évolution en ce qui concerne les taux de surpeuplement des logements. Il n’y a guère qu’en matière de santé que la plupart des pays ont réalisé des progrès considérables dans les années 2010, tant du côté des personnes nées à l’étranger que des personnes nées dans le pays. Il semble que la pandémie de COVID-19 n’ait pas entravé ces progrès, bien que cette observation puisse également être due à des biais dans les données autodéclarées ou, dans certains pays, à des entretiens menés avant le début de la pandémie. L’amélioration des conditions de vie a également été inégale d’un pays à l’autre. Par exemple, dans l’UE, les taux de surpeuplement des logements ont augmenté chez les immigrés, alors qu’ils ont diminué chez les personnes nées dans le pays, ce qui n’a pas été le cas à l’extérieur de l’UE. Néanmoins, on observe également d’importantes disparités au sein de l’UE. Alors qu’au Portugal et en Finlande, par exemple, les conditions de vie des immigrés ont convergé vers celles des personnes nées dans le pays (à l’exception des conditions de logement en Finlande), elles s’en sont écartées aux Pays-Bas, en Suède et en France.

De même, l’évolution des indicateurs relatifs à l’intégration sociale et à l’engagement civique est moins nette. Les taux d’acquisition de la nationalité ont chuté au cours de la dernière décennie dans un peu moins des deux tiers des pays, en raison notamment d’un durcissement des exigences et de l’évolution de la composition de la population immigrée. En outre, la participation aux élections nationales des immigrés possédant la nationalité du pays d’accueil a reculé entre 2002-10 et 2012-20 au sein de l’UE, alors qu’on a observé l’inverse aux États-Unis. Pourtant, la confiance envers les institutions publiques, comme le Parlement, s’est renforcée chez les immigrés au sein de l’UE au cours de la dernière décennie, plus encore que chez les personnes nées dans le pays. Le tableau est tout aussi ambigu en ce qui concerne la cohésion sociale. Bien qu’au sein de l’UE, les personnes nées dans le pays soient plus nombreuses à avoir une opinion positive de l’immigration que dix ans auparavant, la discrimination perçue a augmenté.

L’amélioration du processus d’intégration peut également être mesurée en comparant les résultats d’immigrés ayant séjourné plus ou moins longtemps dans le pays d’accueil. En général, les résultats en termes d’intégration s’améliorent à mesure que la durée de séjour dans le pays d’accueil s’allonge. Toutefois, il existe des différences considérables d’une catégorie d’immigrés à l’autre.

Le Graphique 1.11 présente les taux d’emploi pour l’ensemble de l’UE selon la raison de la migration, la durée du séjour et le genre. Ces résultats doivent être interprétés avec prudence car les taux de non-réponse à la question sur la raison de la migration sont relativement élevés (plus de 40 %) en Autriche, en Estonie et au Danemark. Les progrès en matière d’intégration sur le marché du travail sont particulièrement visibles chez les migrants humanitaires et familiaux, qui n’ont en général que de faibles liens avec le marché du travail du pays d’accueil à leur arrivée. En 2021, seule la moitié environ des hommes immigrés récemment arrivés pour des raisons familiales ont un emploi. À l’échelle de l’UE, les taux d’emploi de ceux arrivés pour des raisons humanitaires sont similaires, bien que ce groupe ait tendance à obtenir de moins bons résultats dans la plupart des pays. Cela s’explique en grande partie par les résultats favorables sur le marché du travail des réfugiés vénézuéliens récemment arrivés en Espagne, dont la langue commune, les liens familiaux et les niveaux d’éducation élevés facilitent l’intégration. Après dix ans de séjour, les taux d’emploi atteignent le pic d’environ 70 % chez les migrants humanitaires et familiaux de sexe masculin, mais restent légèrement inférieures à ceux de leurs homologues nés dans le pays, qui s’élèvent à 74 %.

Les femmes qui migrent pour des raisons familiales et humanitaires ont encore plus de difficultés à entrer sur le marché du travail, moins d’un tiers et d’un quart d’entre elles étant en emploi, respectivement, au cours de leurs cinq premières années de séjour. Cependant, après dix ans de résidence, les taux d’emploi atteignent près de 60 % pour les deux groupes. En revanche, les migrants de travail de sexe masculin et féminin ont des taux d’emploi élevés dès l’arrivée, mais ces taux diminuent légèrement avec la durée de séjour.

Des mesures rétrospectives des résultats des parents sont disponibles pour certains indicateurs, ce qui permet de mesurer les progrès de l’intégration au fil des générations. Par exemple, les Statistiques 2019 de l’Union européenne sur le revenu et les conditions de vie (EU SILC) recueillent des données sur le niveau d’études le plus élevé des parents des répondants. Cela permet de comparer la mobilité intergénérationnelle en matière d’éducation des personnes nées dans le pays d’au moins un parent né à l’étranger avec celle de leurs homologues dont les parents sont nés dans le pays. Comme les jeunes dont les parents sont très instruits ne peuvent pas être plus instruits que ces derniers, ils ne sont pas pris en compte ici. Ces données montrent que les personnes nées dans le pays de parents étrangers, ou d’ascendance mixte, ont plus de chances de bénéficier d’une mobilité ascendante que leurs homologues dont les parents sont nés dans le pays. Dans l’ensemble de l’UE, 54 % du premier groupe ont réussi à dépasser le niveau d’études de leurs parents, contre seulement 47 % du second groupe (Graphique 1.12).

Il est également possible de retracer les progrès intergénérationnels d’un pays à l’autre en comparant les résultats des enfants d’immigrés nés dans le pays avec ceux des immigrés arrivés enfants appartenant à la même tranche d’âge. Cette approche rend compte des résultats des deux groupes à un moment précis et dans un même environnement. Toutefois, les conclusions relatives aux progrès effectués sur le plan de l’intégration intergénérationnelle sont susceptibles d’être faussées du fait que les parents des immigrés arrivés enfants et des enfants d’ascendance étrangère nés dans le pays ne sont pas arrivés au même moment. Si les nouveaux arrivants affichent dès le départ de meilleurs (ou de moins bons) résultats en matière d’intégration, une comparaison de leurs résultats avec ceux des enfants des cohortes précédentes sous-estimera (surestimera) les progrès réalisés sur le plan de l’intégration intergénérationnelle. Sur la base de cette méthode, les résultats du chapitre 7 donnent à penser que certains résultats sur le plan de l’intégration se sont améliorés au fil des générations. Dans la zone OCDE, les enfants nés dans le pays de parents nés à l’étranger obtiennent de meilleurs résultats scolaires que les enfants immigrés arrivés avant l’âge de 15 ans, et bénéficient de meilleures conditions de logement. À l’inverse, ils obtiennent des résultats similaires ou inférieurs en termes de résultats d’intégration sur le marché du travail (emploi, chômage, déclassement). Toutefois, ce résultat est partiellement imputable à un contexte socioéconomique plus favorable pour les cohortes d’immigrés, plus jeunes en moyenne.

Les pays de l’UE et de l’OCDE accueillent un nombre croissant d’immigrés accompagnés de leurs enfants, et leur intégration figure toujours au premier rang des préoccupations politiques de nombreux pays. Le suivi des résultats internationaux sur le plan de l’intégration peut apporter d’importants éclairages dans ce contexte. Il permet de définir des points de repère, de cerner les enjeux communs des différents pays en matière d’intégration, et de collecter des informations utiles qui ne peuvent être apportées en utilisant exclusivement des données nationales. Étant donné que les différences entre les pays en termes d’intégration dépendent également de la composition de leur population née à l’étranger, les comparaisons internationales entre des pays dont la population née à l’étranger présente des caractéristiques principales semblables sont particulièrement précieuses. Dans ce contexte, les pays de l’OCDE et de l’UE dans ce rapport ont été répartis en 13 groupes partageant des similitudes en termes de taille et de catégorie d’entrée de la population immigrée, ainsi que d’expérience en matière d’immigration. Si les résultats en termes d’intégration varient considérablement d’un pays à l’autre, chaque pays est confronté à des difficultés qui lui sont propres, et il n’existe pas de champion dans tous les domaines. En effet, dans la majorité des pays, les immigrés et leurs enfants obtiennent de moins bons résultats que les personnes nées dans le pays et leurs enfants dans la plupart des domaines. Toutefois, des progrès considérables ont été accomplis dans certains domaines au cours de la dernière décennie, notamment sur le plan de l’intégration des immigrés sur le marché du travail. Cette amélioration s’explique par le niveau d’études plus élevé des nouveaux arrivants, l’amélioration des politiques d’intégration et des conditions du marché du travail plus favorables qu’il y a dix ans. En outre, on observe généralement une amélioration des résultats en termes d’intégration à mesure que la durée de séjour s’allonge, et d’une génération à l’autre. Bien que ces résultats soient encourageants, il reste encore un long chemin à parcourir pour combler entièrement le fossé entre les immigrés (et leurs enfants) et les personnes nées dans le pays (et leurs enfants).

Le Tableau d’annexe 1.A.1 présente une vue d’ensemble des caractéristiques et des domaines d’intégration examinés dans cette publication, notamment une liste détaillée des indicateurs présentés pour chaque domaine.

Après trois premières éditions parues en 2012, 2015 et 2018, voici la quatrième édition de « Trouver ses marques ». Elle comporte un certain nombre de nouveautés par rapport aux éditions précédentes, afin de donner une vision globale de l’intégration, tout en restant simple d’utilisation.

Pour commencer, de nouveaux indicateurs ont été ajoutés à cette édition, dans l’objectif de répondre aux défis actuels en matière d’intégration. Par exemple, la pandémie de COVID-19 a montré que le mode de vie et l’accès aux soins ont une incidence sur les risques sanitaires. Les confinements nationaux instaurés pendant la pandémie ont également démontré l’importance de vivre dans des logements décents. Dans ce contexte, cette nouvelle édition de « Trouver ses marques » présente un ensemble plus complet d’indicateurs relatifs aux conditions de vie. Elle aborde de nouveaux aspects du logement et de la santé, comme le taux de surcharge des coûts du logement, les caractéristiques du quartier d’habitation, les facteurs de risque pour la santé et l’accès aux soins de santé. En outre, elle s’intéresse à la marginalisation en incluant un indicateur relatif à la pauvreté et aux risques d’exclusion sociale.

Par ailleurs, les pouvoirs publics accordent une importance croissante à la lutte contre l’exclusion sociale. Pour mieux appréhender cette réalité, cette édition présente plusieurs nouveaux indicateurs de l’intégration sociale, comme la participation à des œuvres de bienfaisance. Étant donné que la cohésion sociale, un facteur essentiel de l’intégration, dépend également de l’attitude de la société d’accueil, le chapitre intègre également plusieurs nouveaux indicateurs relatifs aux opinions des personnes nées dans le pays sur l’intégration. Il confronte par ailleurs les opinions relatives à l’évolution des résultats sur le plan de l’intégration à la réalité.

Ensuite, pour la première fois, cette édition comprend un chapitre spécialement consacré à l’intégration des immigrés âgés, c’est-à-dire nés à l’étranger et âgés de plus de 64 ans. Ce groupe croît rapidement dans de nombreux pays de l’OCDE et de l’UE, et souffre souvent de multiples vulnérabilités. Pourtant, à ce jour, on dispose de relativement peu d’informations sur son intégration. Les immigrés âgés n’ayant généralement plus aucun lien avec l’éducation et l’emploi, ce chapitre spécial met l’accent sur leurs conditions de vie.

Enfin, cette publication s’accompagne d’une page Web interactive détaillée. Grâce aux dernières avancées technologiques en matière de visualisation des données, l’outil Web sert d’explorateur convivial des indicateurs de cette édition. Il se décompose en cinq parties, dans la mesure du possible : i) une page de couverture comportant un lien vers la publication complète, ii) un comparatif général des résultats de l’intégration, iii) un navigateur permettant de rechercher les indicateurs par chapitre, iv) des métadonnées. La page du navigateur, une composante centrale de l’outil, permet d’explorer un ensemble complet d’indicateurs de l’intégration et d’établir une comparaison avec la situation relevée dix ans auparavant. En outre, les utilisateurs ne sont pas tenus de s’arrêter aux moyennes et peuvent ventiler la plupart des indicateurs selon plusieurs dimensions. Les graphiques et tableaux interactifs accompagnés de notes de lecture propres aux indicateurs devraient favoriser une meilleure compréhension et améliorer la visibilité des travaux relatifs aux indicateurs de l’intégration des immigrés. L’outil Web est accessible via une page Web dédiée (https://oe.cd/indicateurs-integration-immigres).

Les indicateurs présentés dans cette publication se fondent principalement sur des données provenant d’enquêtes auprès des ménages. Contrairement aux recensements, qui n’ont généralement lieu que tous les cinq ou dix ans et ne couvrent qu’un éventail limité de résultats sur le plan de l’intégration, ces enquêtes sont réalisées à intervalles fréquents (souvent annuellement) et offrent une source de résultats plus complète. En outre, alors que les données administratives ne sont disponibles que pour un petit nombre de pays et dépendent de règles et de définitions nationales (relatives à la comptabilisation de l’emploi par exemple), les enquêtes auprès des ménages ont généralement recours à des méthodes normalisées de collecte des informations. Toutefois, il convient de prendre en considération certaines limites.

Tout d’abord, étant donné que ces enquêtes ciblent généralement les personnes vivant dans des logements ordinaires, certains groupes d’immigrés, comme les sans-papiers ou les travailleurs temporaires, les étudiants en mobilité internationale vivant dans des résidences et les personnes admises pour raisons humanitaires dans des camps de réfugiés, risquent de passer au travers des mailles du filet. Dans certains pays, ces groupes représentent une part importante de la population née à l’étranger. En Türkiye, par exemple, l’Enquête de l’Union européenne sur les forces de travail (EFT-UE) de 2021 couvre moins d’1 million d’immigrés d’âge actif nés en Asie, alors que ce pays compte à lui seul 2.2 millions de réfugiés syriens d’âge actif.

Deuxièmement, pour couvrir les pays aussi largement que possible, cette publication associe des enquêtes provenant de différentes sources. Toutefois, il n’est pas toujours possible d’harmoniser les différentes sources de données du fait que les questions sont formulées différemment d’une enquête à l’autre, en particulier lorsqu’il s’agit des conditions sociales et de vie. Par exemple, les taux moyens de bénévolat sont mesurés différemment (adhésion ou participation au cours du dernier mois) dans les deux enquêtes transnationales utilisées dans cette publication. Par conséquent, les résultats des deux enquêtes ne sont pas entièrement comparables. Pourtant, ces deux enquêtes donnent des informations précieuses sur les écarts entre les immigrés et les personnes nées dans le pays, qui font l’objet de la présente publication.

Troisièmement, certains résultats sont plus faciles à mesurer que d’autres. De nombreux indicateurs relatifs à l’intégration sociale ou à l’état de santé reposent sur des mesures subjectives, comme les comportements, les sentiments et les perceptions. Ces dernières sont en général fortement influencées non seulement par les différents contextes nationaux dans lesquels les questions sont posées, mais aussi par la connaissance générale de la question, par les débats de société ou les incidents qui sont très médiatisés peu avant le jour de l’enquête. Par exemple, les écarts observés entre les pays en termes de discrimination autodéclarée ne sont pas seulement imputables au fait que la fréquence des actes de discrimination varie d’un pays à l’autre, mais dépendent également du degré de sensibilisation des immigrés à ce problème.

Quatrièmement, la pandémie de COVID-19 a mis un frein à de nombreuses collectes de données. La situation sanitaire a donné lieu à des pénuries de personnel et à des restrictions visant à freiner la propagation de la pandémie, ce qui a allongé les délais des enquêtes sur le terrain au sein de la zone OCDE. Par conséquent, de nombreuses enquêtes ont pris du retard, et les enquêtes nationales sur les forces de travail qui se sont poursuivies ont souvent mis en évidence un contexte fortement affecté par la crise. La situation a évolué en 2021, avec la mise à disposition progressive des données sur les forces de travail. Si la quasi-totalité des indicateurs relatifs à la main-d’œuvre prennent appui sur des données récentes, plusieurs autres indicateurs reposent sur des données recueillies avant le début de la pandémie de COVID-19.

Enfin, le fait que la plupart des enquêtes sur les ménages soient réalisées à intervalles réguliers permet de comparer la quasi-totalité des indicateurs dans le temps. Toutefois, outre l’évolution structurelle de la population immigrée au fil du temps, les changements de méthode peuvent également avoir une incidence sur la comparabilité dans le temps en raison de « ruptures dans les séries chronologiques statistiques ». Cela a par exemple été le cas de l’EFT-UE en 2021. Afin d’améliorer l’harmonisation, le nouveau règlement-cadre sur les statistiques sociales européennes intégrées (règlement IESS) a entraîné plusieurs modifications de la conception de l’enquête EFT-UE. Citons par exemple la limitation du recours aux entretiens assistés par un questionnaire papier, une harmonisation des définitions de la population cible (toutes les personnes membres de ménages ordinaires résidant dans un État membre pendant au moins six mois par an) et d’une séquence fixe de questions. Il existe désormais des règles claires concernant l’estimation de la situation sur le marché du travail des travailleurs familiaux, des personnes en congé parental ou des travailleurs saisonniers pendant la saison creuse. L’incidence de ces changements varie d’un pays à l’autre, en fonction des définitions en vigueur avant la mise en œuvre du règlement IESS. Cette publication remédie à la rupture de série en corrigeant les principaux résultats sur le marché du travail antérieurs à 2021 par l’application d’un facteur de correction propre au pays (fondé sur le ratio entre les valeurs corrigées et les valeurs non corrigées fournies par Eurostat). Faute de valeurs corrigées ventilées par lieu de naissance, les mêmes facteurs de correction ont été utilisés pour les résultats des personnes nées à l’étranger et ceux des personnes nées dans le pays. Cet exercice repose donc sur l’hypothèse que la rupture de série affecte de la même manière les personnes nées dans le pays et celles nées à l’étranger.

Notes

← 1. Par exemple, le Plan d’action de l’UE en faveur de l’intégration et de l’inclusion pour la période 2021-27 couvre à la fois les ressortissants de pays tiers et les citoyens de l’UE « issus de l’immigration », c’est-à-dire les citoyens qui avaient la nationalité d’un pays tiers et qui sont devenus citoyens de l’Union par naturalisation dans l’un des États membres de l’UE, ainsi que les citoyens de l’Union dont l’un des parents ou les deux sont nés dans un pays tiers.

← 2. L’enquête « Trajectoires et Origines 2 » (TeO2) (2019-20) menée en France fait figure d’exception, du fait qu’elle inclut une question sur le pays de naissance des quatre grands-parents des répondants.

← 3. L’horizon temporel de 10 ans a été choisi pour des raisons pratiques. Si certains indicateurs évoluent d’une année sur l’autre (par exemple les taux d’emploi), d’autres sont de nature structurelle et n’évoluent qu’au bout d’un certain temps (par exemple les résultats scolaires, les conditions de logement).

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