1. Mobilité stratégique dans la fonction publique

La mobilité du personnel est une composante essentielle de l’adaptabilité de la fonction publique - être en mesure d’affecter aux différents postes les personnes compétentes dotées des qualifications nécessaires afin de répondre aux demandes du moment et de mieux se préparer aux exigences à venir. La mobilité peut accroître la flexibilité de la fonction publique par différents biais. Fondamentalement, elle permet aux organismes publics de s’adapter à des priorités stratégiques changeantes, garantissant ainsi la capacité des administrations publiques à réagir aux nouveaux enjeux et à l’évolution des besoins des utilisateurs. La pandémie de COVID-19 a montré que la mobilité est indispensable dans les situations d’urgence pour permettre le transfert de compétences et d’aptitudes spécifiques là où elles sont le plus nécessaires. Elle a donné l’occasion de mettre à l’épreuve les régimes de mobilité de la fonction publique en temps de crise et vu de nombreux pays mettre au point de nouveaux outils et de nouvelles stratégies pour transférer rapidement les employés de leurs postes habituels à des structures de gestion de crise. Nombre d’organismes ont affecté les agents des services en contact direct avec la clientèle (dont beaucoup ont été fermés pendant la pandémie pour des raisons sanitaires) à des services numériques, qui étaient plus sûrs et dont la demande a par conséquent explosé. Cette forme de mobilité a permis aux services publics de s’adapter à une situation en évolution rapide au moment où ils étaient le plus sollicités.

La mobilité ne remplit pas seulement une fonction cruciale dans les situations d’urgence, mais aussi en tant que composante du cadre quotidien de la gestion des ressources humaines au sein des administrations publiques. Une plus grande mobilité peut par exemple favoriser les approches pluridisciplinaires pour aborder des questions complexes et permettre la mise en commun des ressources et des compétences limitées des différentes branches de l'administration. La mobilité professionnelle latérale offre ainsi la possibilité de dépasser les cloisonnements administratifs en assurant la circulation des effectifs, des compétences et des qualifications dans l’ensemble du secteur public. Elle autorise en outre le brassage des idées et des approches entre les organismes du secteur public et le transfert des bonnes pratiques. Elle peut également favoriser l’inclusion et la diversité de pensée au sein des organismes en encourageant l’échange de connaissances et de points de vue dans le cadre de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques.

La mobilité est particulièrement importante dans les administrations dont les agents sont généralement recrutés sur la base de contrats à long terme et à durée indéterminée et font l’essentiel de leur carrière dans la fonction publique. Dans ce contexte, la mobilité externe (entre la fonction publique et des entreprises privées par exemple) est généralement limitée, et la mobilité interne devient alors encore plus importante - un élément central d’un mode de gestion des compétences visant à optimiser l’utilisation des effectifs.

La mobilité peut contribuer à attirer et à retenir les agents publics. Pour nombre d’agents publics, en poste et futurs, le modèle traditionnel d’un parcours professionnel linéaire au sein d’un seul organisme, d’un seul domaine ou d’une seule profession n’est plus aussi répandu, ni désirable. Beaucoup de jeunes demandeurs d’emploi dotés de sérieuses compétences déclarent souhaiter une carrière variée, ce que la fonction publique pourrait être particulièrement bien placée pour leur offrir. En effet, aucun autre employeur ne peut offrir à la fois autant de perspectives intéressantes et la sécurité de l'emploi. Un régime de mobilité bien conçu peut ainsi contribuer à attirer et à fidéliser des employés très performants et à fort potentiel en leur proposant des défis professionnels stimulants au cours d’une carrière riche et diversifiée.

La mobilité peut aussi favoriser le perfectionnement du personnel et renforcer ses compétences et ses capacités. Elle permet aux administrations d’acquérir et de développer des compétences fondamentales en interne en ouvrant aux fonctionnaires des trajectoires professionnelles plus variées et plus souples. Elle est de ce fait un outil opérant de gestion des compétences, qui permet de former des collaborateurs compétents et efficaces en leur offrant des perspectives d’évolution professionnelle qui les exposent à différents aspects du fonctionnement de l’administration. Par exemple, pour qu’un employé évolue d’un poste de chargé de mission à celui de cadre, certaines fonctions publiques attendent de lui qu’il acquière une expérience au sein des services centraux afin de mieux comprendre le fonctionnement interne des systèmes gouvernementaux.

Sous toutes ces formes, la mobilité stimule la productivité en assurant la correspondance entre l’offre et la demande de compétences. Dans ce contexte, la mobilité interne devient un instrument essentiel pour que les administrations utilisent au mieux le vivier de personnel qualifié dont elles disposent et lui offre les possibilités d’acquérir de nouvelles compétences et de s’adapter aux évolutions mondiales. Le rapport Emploi et gestion publics 2021 consacré à l’avenir de la fonction publique évoquait la possibilité de travailler « pour tout le monde, de n’importe où et à n’importe quel moment » - un futur réservoir de ressources humaines auquel tous les organismes de la fonction publique pourraient faire appel, en fonction du projet en cours et des besoins du moment.

Pour exploiter ces divers avantages, la Recommandation du Conseil sur le leadership et les aptitudes de la fonction publique appelle les pays à « mettre en place les conditions nécessaires à la mobilité interne et externe des agents et à la capacité d’adaptation des effectifs, de façon à faire coïncider les compétences et la demande, en particulier par les moyens suivants » :

Ce chapitre examine comment les pays font appel à la mobilité pour améliorer la flexibilité de la fonction publique et comment ils abordent les points soulevés dans la Recommandation sur le leadership et les aptitudes de la fonction publique.

La mobilité n’est pas une fin en soi mais doit avoir pour objectif d’obtenir des résultats précis, qui doivent être rigoureusement gérés. Le transfert de personnel induit toujours des coûts à court terme car un employé quitte généralement un poste qu’il maîtrise pour de nouvelles fonctions qu’il doit assimiler. Lorsqu’elle n’est pas bien gérée et qu’elle est poussée à l’extrême, la mobilité se traduit par un taux de rotation excessif du personnel, ce qui peut avoir des conséquences négatives sur les individus et sur les organismes. Les mouvements d’effectifs trop fréquents peuvent ainsi fortement perturber la mise en œuvre de projets et entraîner la perte de connaissances et de savoir-faire institutionnels. Le remaniement trop rapide de la direction peut entraîner une réorientation stratégique de programmes ou de projets à mi-parcours et un manque d’appropriation et de redevabilité concernant les problèmes institutionnels, souvent considérés comme imputables au dernier titulaire du poste, et ne donne pas aux nouveaux responsables le temps de voir se concrétiser les changements mis en œuvre (le changement culturel est un processus de longue haleine). Parfois, la mobilité peut même ouvrir la voie à des conflits d’intérêts et à des abus d’influence sur les activités gouvernementales, notamment lorsque le taux de rotation entre secteurs public et privé et (ou) entre fonctions administratives et politiques est élevé.

Une mobilité stratégique et équilibrée suppose donc la mise en place de processus de surveillance et de gestion adéquats, qui l’encouragent et en atténuent les risques, comme l'illustre le Tableau ‎1.1. Cet objectif peut être atteint grâce aux mesures et outils suivants :

  • Conditions-cadres communes - des cadres de gestion des ressources humaines communs à tous les organismes de la fonction publique peuvent garantir la mobilité et permettre aux participants d’éviter les obstacles structurels lorsqu’ils y sont candidats. Il s’agira par exemple de classifications d’emploi et de grilles de rémunération communes offrant aux employés les incitations appropriées. Ils doivent également comporter des règles claires en matière de conflits d’intérêts et de contrôle afin de prévenir et d’atténuer les abus d’influence (« délai d’interdiction », identification des postes à risque, divulgation des actifs et passifs, etc.).

  • Objectifs et visées - la mobilité ne présente pas d’intérêt en soi mais offre un moyen de renforcer la souplesse organisationnelle et de développer les compétences. Des approches différentes de la mobilité peuvent avoir des objectifs distincts ; une approche stratégique doit clairement définir ceux que les organismes souhaitent atteindre par le recours à cette pratique. Il faudra éventuellement établir des calendriers et (ou) des objectifs précis en matière de mobilité du personnel.

  • Mécanismes de mobilité - la réalisation des objectifs stratégiques nécessite des mécanismes adaptés. La plupart des pays disposent de divers instruments et mesures susceptibles de favoriser différentes formes de mobilité professionnelle, mais tous se heurtent à des difficultés pour les exploiter pleinement.

  • Incitations et culture de la mobilité - le principal obstacle à la mobilité est souvent d’ordre culturel. Pour instaurer une approche stratégique à cet égard, il faut récompenser la mobilité des employés et de leurs responsables. Les cadres doivent être dotés des outils, des informations et des incitations nécessaires pour véritablement favoriser la mobilité de leurs collaborateurs. Les évaluations des résultats et les critères de promotion devraient par exemple la valoriser.

  • Mesures de soutien - par définition, la mobilité perturbe le système en place, mais il existe des instruments qui atténuent ses effets déstabilisateurs. On citera pour exemples la planification de la relève, qui permet aux responsables d’anticiper et de mieux se préparer à la transmission des informations et à la réorganisation du travail de manière à limiter les dysfonctionnements, ainsi que l’intégration, les stages d’information ou la formation.

  • Données destinées au suivi et à l’évaluation de la mobilité. Les organismes publics ne recueillent pas souvent de données relatives à la rotation et à la rétention du personnel, ce qui limite leur capacité à vérifier dans quelle mesure la stratégie de mobilité est appliquée. Certains pays mènent des enquêtes auprès des salariés pour évaluer leur perception des perspectives de mobilité et de l’intérêt qu’elles présentent pour leur évolution professionnelle et pour l’organisme, mais cette démarche est l’exception plutôt que la règle.

L’analyse qui suit examine chacun de ces points séparément, et présente de nouvelles données issues de l’enquête sur le leadership et les aptitudes de la fonction publique.

Dans tous les pays, la fonction publique est généralement l’un des plus gros employeurs ; les possibilités de tirer parti de la mobilité stratégique sont donc très nombreuses. Cependant, des obstacles structurels viennent parfois les entraver, par exemple lorsqu’il n’existe pas de cadres d’emploi communs aux différents organismes de l’administration/du secteur public. Dans la grande majorité des pays, les agents publics sont engagés sur une base contractuelle par leur ministère ou leur organisme. Ils travaillent pour l’ensemble de la fonction publique dans 20 % des pays de l’OCDE seulement, notamment le -Costa-Rica, Israël, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, la Suisse et la Slovénie. Dans certains pays, les deux systèmes coexistent, comme en Espagne, où les fonctionnaires d’un « corps général » sont employés au niveau central tandis que ceux qui composent les « corps spéciaux » remplissant une fonction spécifique (inspecteurs du travail ou des finances, ingénieurs de l’État, architectes, spécialistes de la circulation, diplomates, etc.) sont employés directement par un ministère ou un organisme. Au Canada, les fonctionnaires des principaux ministères et organismes relèvent d’un seul employeur ; ceux qui travaillent dans des organismes plus spécialisés sont employés directement par ces derniers. Dans ces deux pays, ils n’en demeurent pas moins des fonctionnaires.

En théorie, le fait d’avoir un seul employeur pourrait éliminer les obstacles administratifs à la mobilité puisque la mobilité interministérielle n’entraînerait pas de changement légal d'employeur. En Espagne, par exemple, le corps général et les corps spéciaux sont constitués de fonctionnaires de l’État, soumis au même régime de droits et de devoirs ; or, leur statut peut compromettre la mobilité interministérielle du fait que certains corps leur réservent parfois des postes dans les ministères correspondants. En Nouvelle-Zélande et en Corée, seuls les hauts fonctionnaires sont recrutés et employés au niveau central, en partie parce que ces pays attendent d’eux qu’ils soient plus mobiles et prêts à servir à tout moment là où l’on a besoin d'eux.

Une deuxième condition-cadre de la mobilité, sans doute plus importante, est l’existence de systèmes communs de classification des emplois qui permettent aux agents publics exerçant une fonction donnée de se faire une idée précise de ce que serait un emploi équivalent dans un autre ministère ou un autre organisme. La grande majorité des pays de l’OCDE disposent de tels systèmes. Le Portugal, par exemple, a récemment procédé à une réforme importante qui a regroupé des milliers de « carrières » distinctes, dont chacune était assortie de sa propre grille salariale et de sa propre classification des emplois et dont beaucoup étaient spécifiques à des organismes et ministères, en trois parcours professionnels transversaux. En Italie, les classifications sont normalisées par la loi et les conventions collectives. Neuf pays seulement ne disposent pas d’un système commun de classification des emplois.

S’agissant des conditions d’emploi (rémunération, durée du contrat, sécurité de l’emploi, droits et obligations), presque tous les pays de l’OCDE assurent un niveau de normalisation encore plus élevé. C’est là un élément important en ce qu’il garantit leur transférabilité et devrait réduire la concurrence interne pour la main-d’œuvre. Sur ce point, toutefois, en l’absence de classification normalisée des emplois, les salaires peuvent varier d'un ministère à l'autre.

Outre le cadre structurel de base visant à favoriser la mobilité (descriptions de poste et conditions d’emploi communes), la plupart des fonctions publiques des pays de l’OCDE ont mis en place une politique ou des lignes directrices à ce sujet - même si celles-ci revêtent souvent la forme d’un texte législatif d’habilitation et non d’une stratégie exhaustive définissant des buts et des objectifs précis. En fait, seule une minorité de pays de l’OCDE ont fait de la mobilité un objectif déclaré ou une priorité de la fonction publique et l’encouragent activement (11 pays encouragent la mobilité interne et 7 la mobilité externe). Ce constat permet de penser que les pays de l’OCDE ont tout intérêt à engager une réflexion sur les avantages de la mobilité et sur les moyens de les exploiter au mieux au sein de leur fonction publique.

L’Australie fait exception, sa fonction publique ayant établi un cadre de mobilité très détaillé qui comporte un ensemble d’objectifs clairement définis (faire face à une poussée soudaine de la demande, remédier à des problèmes complexes et améliorer les qualifications du personnel), assorti de programmes adaptés, d’orientations pour les employés, les responsables, les cadres de direction et les spécialistes des ressources humaines, d’un service de réaffectation rapide du personnel, et des cibles et indicateurs correspondants. Au Canada, diverses mesures relatives à la gestion des ressources humaines et à l’encadrement contiennent des dispositions qui favorisent la mobilité et visent des objectifs précis, par exemple en matière de renforcement de l’encadrement, d’interventions d’urgence, voire d’échanges de courte durée (détachement de salariés du secteur privé dans la fonction publique, etc.). L'Irlande a mis en place une politique de mobilité centralisée pour les catégories généralistes, depuis les échelons inférieurs jusqu’au niveau de l’encadrement, et une politique centralisée concernant les postes de secrétaire adjoint. Quand un poste de secrétaire adjoint se libère, priorité doit être donnée aux agents candidats à la mobilité pour le pourvoir. En Corée, plusieurs textes législatifs, dont la loi relative aux agents de l’État et le décret sur la désignation des agents de l’État, définissent les principes et les critères régissant la mobilité horizontale (mutation) et la mobilité verticale (promotion).

Les objectifs déclarés les plus courants des stratégies et politiques de mobilité en place dans les pays de l’OCDE ont trait au perfectionnement du personnel et à la répartition et l’utilisation plus efficaces de l’expertise et des compétences spécialisées qui font défaut dans la fonction publique, ce qui montre que l’approche de la mobilité adoptée par ces pays est axée à la fois sur le personnel et sur l'organisation. La formation d’effectifs plus réactifs et plus adaptables et le renforcement de la collaboration interministérielle et interadministrative sont aussi des objectifs importants des stratégies et politiques en la matière. Les objectifs les moins courants concernent l’efficacité et, étonnamment, l’intensification de l’innovation. Ce dernier point soulève la question de savoir si les politiques et stratégies de mobilité ne manquent pas une occasion d’exploiter cet outil dans le contexte de l’innovation dans le secteur public - par l’apport d’une plus grande diversité au processus de conception des politiques et des services publics et la mise en commun de compétences rares liées à l'innovation.

Une autre façon d’aborder la question des objectifs et des visées consiste à évaluer le degré de mobilité latérale interne (changement de poste au sein de la fonction publique, au même échelon hiérarchique) prévu pour différents postes. Dans la plupart des pays de l’OCDE, la mobilité est possible mais pas obligatoire, ni même recommandée pour la plupart des agents publics. Il en va différemment pour les hauts fonctionnaires, pour lesquels la mobilité est jugée plus importante, bien que seuls cinq pays de l’OCDE en fassent une obligation ou une attente à ce niveau : le Canada, le Costa-Rica, l’Espagne, le Japon et les Pays-Bas. La mobilité est recommandée dans 13 autres pays pour cette catégorie de personnel. Elle est obligatoire pour la plupart des agents publics dans trois pays de l’OCDE seulement (le Costa-Rica, le Japon et l’Autriche, qui font appel au système de rotation des postes pour intégrer les nouveaux fonctionnaires) et recommandée dans dix autres.

Un élément qui figure rarement dans le cadre d’action est le degré concret de mobilité souhaité. De nombreux pays ont pour objectif d’accroître ou de réduire la mobilité dans leur fonction publique, mais rares sont ceux qui se sont fixé des cibles précises ou ont évalué le degré de mobilité idéal. De fait, l’ancienneté moyenne dans l’emploi1 ne fait l’objet d’un suivi que dans 17 pays de l’OCDE et semble varier considérablement. En Allemagne, il apparaît que les agents changent de poste tous les deux à cinq ans. Au Canada, l’ancienneté moyenne dans l’emploi est de cinq ans environ. En Australie, elle est d’environ 13 ans, et de 11 ans en Israël. Elle est d’un peu plus de quatre ans en Corée, de 13.5 ans au Mexique. En Nouvelle-Zélande, plus de la moitié des agents publics occupent leur poste actuel depuis trois ans ou moins, et près de trois sur dix depuis moins d’un an. Trois sur dix environ occupent la même fonction depuis plus de cinq ans.

La mise en œuvre d’une approche stratégique de la mobilité suppose l’existence de divers mécanismes bien conçus et complémentaires destinés aux agents publics. L’étude en recense plusieurs catégories. La première comprend les mécanismes utilisés pour offrir au personnel des possibilités de mutation temporaire, depuis les micro-affectations, en vertu desquelles un agent travaille à temps partiel dans un autre service mais conserve son emploi principal le reste du temps, jusqu’aux détachements, échanges et programmes de rotation de plus longue durée. La deuxième réunit ceux qui assurent la mobilité des agents tout au long de leur carrière dans le cadre des processus de planification des carrières et de recrutement interne. Une autre catégorie concerne les mécanismes de mobilité utilisés pour faire face à des hausses soudaines de la demande, qu’elles soient prévues ou provoquées par des situations d’urgence.

La grande majorité des pays de l’OCDE font régulièrement appel à des micro-affectations (travailler pour une autre équipe ou un autre service à temps partiel), à des affectations de court terme (moins d’un an à temps plein) et à des détachements de plus longue durée. En revanche, ils ne sont qu’une minorité à pratiquer des programmes d'échange (13) ou de rotation (8). Les pays qui semblent disposer du plus large éventail de mécanismes de mobilité2 sont l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, la Corée, le Costa Rica, l’Islande, le Japon, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et la République de Türkiye.

Les différents mécanismes de mobilité sont généralement utilisés à des fins distinctes. Pour la mobilité intra-institutionnelle, par exemple, les micro-affectations sont l’outil le plus souvent utilisé, suivies des affectations de courte durée. Les programmes de rotation aussi sont généralement davantage utilisés au sein des organismes qu’entre eux. À l’inverse, la mobilité interinstitutionnelle fait habituellement appel à des dispositifs de plus longue durée, les pays étant beaucoup plus nombreux à recourir aux détachements à court et plus long terme qu’aux micro-affectations.

Les pays de l’OCDE sont moins nombreux à faire appel à des mécanismes pour favoriser la mobilité à l’extérieur de la fonction publique. Il est intéressant de constater que la mobilité, quand elle est utilisée en dehors de la fonction publique, est généralement axée sur l’international. 23 pays de l’OCDE ont recours à des détachements de longue durée pour muter des agents dans d’autres pays ou dans des organisations internationales, 16 proposent des affectations internationales de courte durée et six ont mis en place des programmes d’échange internationaux spéciaux. Ces chiffres sont supérieurs à ceux des pays qui utilisent des instruments analogues pour la mobilité infranationale (15 font appel à des détachements de longue durée, 10 à des affectations de courte durée et 5 à des programmes d’échange spéciaux). Les pays qui déclarent le plus large éventail de dispositifs de soutien à la mobilité internationale des agents publics sont l’Autriche, l’Espagne, la France, l’Islande, le Luxembourg et le Royaume-Uni.

Outre la mobilité temporaire, de nombreuses administrations encouragent les changements permanents de poste au fil d’une carrière. Cette forme de mobilité est sans doute plus importante pour concrétiser les avantages évoqués en introduction à ce chapitre - notamment en matière d’attraction et de rétention du personnel - lorsque les employés souhaitent une carrière diversifiée. Elle est également assez difficile à évaluer dans le cadre de cette étude. Un indicateur en est, lorsque c’est possible, l’ancienneté moyenne dans l’emploi mentionnée plus haut. L’enquête demandait également aux pays d’indiquer s’ils procédaient à des réaffectations périodiques et réfléchies dans le cadre de la planification des carrières et (ou) de la gestion des corps administratifs. Quatorze le font au sein d’un même organisme, mais sept seulement envisagent des transferts entre différents organismes de la fonction publique - l’Australie, la Corée, le Costa Rica, l’Espagne, le Japon, la Nouvelle-Zélande et les Pays-Bas.

Un autre moyen de favoriser cette forme de mobilité interne consiste à réserver le recrutement à certains postes aux candidats internes. Les systèmes d’emploi public sont habituellement classés en deux catégories : les systèmes de carrière et les systèmes de poste. Les premiers favorisent généralement le recrutement massif de fonctionnaires en début de carrière et font ensuite appel à la mobilité interne pour les affecter aux postes appropriés tout au long de leur évolution professionnelle. Le système de corps en vigueur en Espagne en offre un exemple particulier. Les candidats à un emploi dans la fonction publique ont deux étapes à franchir. Dans un premier temps, les citoyens peuvent participer à des convocations et examens publics pour accéder à un corps spécifique de l’administration publique. Une fois admis, ils peuvent prendre part aux processus de recrutement aux postes vacants ouverts au corps en question, qui sont publiés par les différents ministères. L’annonce décrit le profil des postes à pourvoir et les critères plus spécifiques auxquels les candidats doivent satisfaire (expérience dans un domaine concret, diplômes, langues, compétences numériques, ancienneté...).

Le système de poste, pour sa part, favorise le recrutement direct ouvert à une fonction précise. C’est dans les pays nordiques qu’on les trouve sous leur forme la plus pure. En effet, seuls six pays de l’OCDE ne réservent en aucun cas des postes aux candidats internes : le Danemark, l’Estonie, l’Islande, la Norvège, la Suède et la Suisse.

La plupart des pays de l’OCDE appliquent cependant un système hybride en vertu duquel quelques postes sont réservés aux candidats internes. Dans certains pays, ce système est la norme, à quelques exceptions près. En Italie, tous les concours publics sont précédés de concours intra- et (ou) interministériels. De même, aux Pays-Bas, les postes à pourvoir sont dans la plupart des cas initialement ouverts aux seules candidatures internes du service recruteur ; si aucune candidature n’est retenue, le responsable du recrutement détermine s’il y a lieu d’ouvrir le poste aux candidats d’autres services et aux candidatures externes. Dans d’autres pays, la norme consiste à organiser des concours généraux, quelques exceptions étant faites pour les candidats internes. En Australie, les organismes ont la possibilité de publier sur divers sites d’annonces et bulletins d’information des offres d’emploi temporaire réservées aux candidats internes. En Irlande, certains concours de promotion ne sont ouverts qu’aux candidatures internes. Un système de classification par grade définit comment chaque poste doit être pourvu (concours général, interministériel ou interne). En Nouvelle-Zélande, certains postes sont annoncés aux agents en interne et ne sont pas publiés sur le marché externe. Pour ce faire, les organismes publics peuvent utiliser le courrier électronique interne, une page intranet, une lettre d’information sur les affectations gérée au niveau central ou le Public Service Careers, un tableau d’annonce interne que seuls les fonctionnaires authentifiés peuvent consulter.

La demande peut fluctuer dans l’administration publique, parfois sous l’effet de variations saisonnières, de réorientation des priorités gouvernementales ou d’urgences soudaines. Dans certaines de ces situations, la plupart des fonctions publiques ont la possibilité d’imposer la mobilité à leur personnel. En cas d’urgences ou de chocs imprévus, 28 pays de l’OCDE peuvent imposer des réaffectations temporaires et 14 sont habilités à procéder à des mutations définitives. Dans le cas de priorités nouvelles ou évolutives, ils sont moins nombreux à pouvoir imposer des mutations (20), mais plus nombreux à pouvoir en proposer (25 pour les réaffectations temporaires, 23 pour les définitives). En cas de fluctuations prévues (saisonnières par exemple) de la demande, 18 pays peuvent imposer des réaffectations temporaires et 9 des mutations définitives, et 24 peuvent en proposer à titre temporaire. C’est seulement lorsque des postes sont supprimés du fait, par exemple, d’une restructuration de l’organisme ou de la numérisation, qu’une majorité (26) des pays de l’OCDE peuvent imposer des mutations définitives.

Les pays qui ont le plus de possibilités de procéder à des mutations de cette nature sont l’Australie, la Belgique, le Danemark, l’Estonie, la Pologne, le Royaume-Uni et la Suisse. Néanmoins, même dans ces pays, la mobilité est sans doute rarement imposée. En Australie, par exemple, les agents publics peuvent être appelés à remplir certaines fonctions dans diverses situations, à titre temporaire ou définitif, mais il existe des mécanismes qui leur permettent de faire appel de cette décision ; bien que le cadre législatif autorise les mutations sans consultation, dans la pratique, celles-ci n’interviennent en grande majorité qu’avec l’accord de l’employé, après consultation préalable. Le Luxembourg indique également que cette possibilité existe, mais qu’elle est rarement utilisée. Dans plusieurs autres pays, si la mobilité est imposée, elle s’accompagne généralement de restrictions - parfois géographiques (par exemple, au Portugal, les emplois doivent être proposés dans la même municipalité de résidence ou dans une municipalité adjacente), et souvent liées à l’échelon, au grade ou à la fonction de l’agent concerné. L’administration publique doit apporter des éléments solides démontrant que la réaffectation revêt une importance décisive.

S’agissant des fluctuations prévues et des hausses attendues de la demande de personnel, saisonnières par exemple, les pays de l’OCDE ont plusieurs instruments à leur disposition. Le plus courant est le recrutement temporaire, auquel 31 pays font appel. Vingt-six pays disposent également d’outils permettant d’affecter des fonctionnaires aux services concernés, mais 20 pays seulement ont recours à l'externalisation dans certaines situations.

L’expérience des pays dotés de capacités d’appoint apporte des enseignements intéressants, notamment la nécessité d’éviter le surmenage du personnel. Les administrations doivent éviter de mobiliser régulièrement les mêmes agents pour faire face aux fluctuations de la demande.

La crise du COVID est un exemple très récent et pertinent de la façon dont les pays de l'OCDE utilisent les mécanismes de mobilité en temps de crise. Elle aura dans de nombreux cas établi la marche à suivre pour les futures crises de même nature et mis en évidence diverses lacunes des dispositifs de mobilité des pays qui pourraient être corrigées en prévision de tels scénarios. La mise en place de groupes de travail temporaires chargés de coordonner les mesures d’urgence et la prestation de services entre les différentes administrations a été la méthode la plus couramment utilisée. Dix-neuf pays de l’OCDE en ont fait un usage intensif, et 11 autres y ont modérément fait appel pendant la pandémie de COVID-19. Des procédures simplifiées de recrutement de courte durée (souvent en ligne) ont également été instaurées dans la majorité de ces pays : elles ont été largement utilisées dans 15 d’entre eux, et modérément dans sept autres. Par ailleurs, 22 pays ont accéléré les procédures de recrutement, une démarche à laquelle onze d’entre eux ont amplement fait appel. À l’inverse, 11 pays seulement ont mobilisé des compétences et du personnel en puisant dans des viviers de talents ou des effectifs d’appoint pré-identifiés, dont six de manière intensive. Le rappel de fonctionnaires retraités a été modérément pratiqué dans dix pays.

Si ces mesures sont pour beaucoup fondées sur des cadres juridiques préexistants, bon nombre des pays ayant répondu à l’enquête ont dû en faire un usage novateur pour assurer le déploiement adéquat des compétences nécessaires au maintien de l'activité. En Nouvelle-Zélande, par exemple, une plateforme centralisée d’intermédiation pour la mobilité du personnel a été créée pour recenser, coordonner et satisfaire rapidement aux besoins en capacité d’appoint dans l'ensemble du système. Ce prototype, fondé sur un réseau de responsables d’organismes, a bien fonctionné. Il a renforcé la capacité à maintenir l’activité à l’avenir et sera sans doute réutilisé. Au Portugal, dès le début de la pandémie, un dispositif exceptionnel de ressources humaines a été mis en place dans le domaine de la santé, qui prévoyait notamment la simplification des procédures de recrutement, la mobilité du personnel et le recrutement de médecins retraités, sans limite d’âge. Le Portugal a par ailleurs mis sur pied un programme de mobilité transversale pour transférer des agents de l’administration centrale aux organismes de sécurité sociale afin de mettre en œuvre les mesures d’appui exceptionnelles requises dans ce domaine.

À terme, l’expérience de la crise du COVID va sans doute se traduire par un renforcement de la mobilité interne dans 16 pays, et de la mobilité externe dans 13 pays. Elle devrait réduire la mobilité interne dans deux pays seulement, et la mobilité externe dans un seul. Dans les deux cas, la majorité des pays ont estimé qu’elle n’aurait pas d’incidence notable ou n’ont pas souhaité faire de prévisions à ce sujet. Certains de ceux qui ont prévu un accroissement de la mobilité ont indiqué que compte tenu de l’usage productif de dispositifs de mobilité précédemment sous-utilisés, ceux-ci seront sans doute davantage utilisés à l’avenir. D’autres ont souligné que le développement du travail à distance, du télétravail et du travail hybride devrait également accroître la mobilité du fait que les salariés commencent à se sentir plus à l’aise dans des environnements de travail flexibles. D’autres encore ont indiqué que le besoin croissant de collaboration horizontale pendant et après la pandémie serait l’un des principaux moteurs de la mobilité à l’avenir.

Par ailleurs, la plupart des pays de l’OCDE estiment que bon nombre des procédures mises en place pendant la pandémie de COVID-19 seront maintenues et renforceront la gamme d’instruments disponible à l’avenir. 19 pays feraient à nouveau appel aux groupes de travail créés pendant la pandémie, et 15 réactiveraient les procédures accélérées de recrutement et les procédures simplifiées de recrutement de courte durée. Onze pays sont également d’avis que les viviers de compétences existants pourraient être préservés, voire enrichis.

Pour assurer une gestion efficace de la mobilité, il ne suffit pas de mettre en place les politiques et dispositifs idoines - la fonction publique doit également veiller à ce que l’environnement institutionnel soit propice à leur utilisation. Autrement dit, il convient de suivre les taux d’utilisation des mécanismes de mobilité, de vérifier que des incitations adéquates sont en place pour ceux qui veulent y faire appel et de recenser et supprimer les obstacles à leur emploi.

Les freins à l’utilisation des dispositifs de mobilité peuvent être culturels ou structurels. Les premiers résultent généralement du manque de cohérence des structures d’incitation. L’obstacle plus souvent cité par les pays de l’OCDE est l’absence de soutien de la part de l’encadrement. Cette situation tient généralement à ce que les cadres dirigeants sont les premières victimes de la mobilité puisqu’ils sont censés muter un collaborateur qui travaille probablement au sein de leur équipe depuis un certain temps et qui est au faîte de ses capacités et de sa productivité. De surcroît, ce sont souvent les employés les plus performants qui sont sélectionnés pour ces missions, notamment lorsque celles-ci sont liées à des projets prioritaires ou au renforcement de l’encadrement. De telles situations peuvent créer des incitations perverses qui amènent les responsables à ne pas mettre leurs meilleurs éléments en avant ou à s’opposer à leur mutation. Pour faire évoluer cette culture, des efforts soutenus et un système de mobilité structuré et prévisible s’imposent. Par exemple, si les dirigeants savent que la plupart des employés sont mutés à intervalles réguliers, ils sauront comment les gérer pendant qu’ils travaillent dans leur équipe et les aideront à se préparer à leurs prochaines fonctions. En contrepartie, il conviendrait aussi d’offrir à ces cadres l’équivalent de ce qu’ils perdent, autrement dit veiller à ce que l’employé muté soit remplacé par un autre de même calibre. Cette pratique devrait être centralisée de manière à ce que la responsabilité n’en incombe pas entièrement au cadre concerné. Plusieurs outils peuvent être utilisés pour limiter les inévitables perturbations (voir la section suivante).

Une autre barrière culturelle est le manque de reconnaissance ou de valorisation des connaissances acquises par un employé dans le cadre d’une mission. Dans certaines fonctions publiques, l’expérience accumulée dans d’autres organisations est considérée comme un atout utile, nécessaire à l’avancement professionnel. Dans d’autres, elle est moins valorisée que celle acquise en interne. Dans ce cas, les employés seront moins motivés à effectuer des missions car ils y verront un frein à leurs perspectives d’avancement. Comme pour tout changement culturel, il faut du temps et l’engagement de toute la chaîne hiérarchique pour vaincre des préjugés bien ancrés. Pour commencer, les dirigeants peuvent définir des critères de mobilité et en suivre ensuite l’application. Ils peuvent montrer l’exemple en effectuant eux-mêmes des missions, en évoquant ouvertement l’intérêt qu’elles ont présenté pour leur propre carrière et en recrutant des membres stratégiques de leur équipe de direction parmi un groupe plus diversifié que celui qui serait normalement considéré.

D’autres freins sont d’ordre structurel. Le deuxième, par ordre d’importance, est le manque de visibilité des postes en mobilité pour le personnel. Certains pays s’efforcent d’y remédier par la mise en place d’outils en ligne qui permettent de centraliser leur publication. La complexité administrative est une autre barrière structurelle souvent évoquée. Elle est parfois due à l’utilisation de systèmes et structures (courrier électronique, accès aux TI) différents dans l’organisme d’accueil, ou à des protocoles de sécurité. Ces problèmes sont généralement plus faciles à résoudre si/quand le pays choisit d’y remédier en faisant appel à la technologie et à des mécanismes pour réorganiser les systèmes dans l’optique de la mobilité.

Pour surmonter ces obstacles et d’autres barrières, certains pays de l’OCDE encouragent activement la mobilité et prennent des dispositions en vue de supprimer les blocages. Une première mesure pourrait consister à communiquer ouvertement sur l’importance de la mobilité dans l’administration et à la promouvoir en tant qu’objectif et priorité déclarés de la fonction publique. Cette démarche n’est suivie que par 11 pays de l’OCDE pour la mobilité interne et par sept pays pour la mobilité externe, ce qui semble indiquer que le développement de la mobilité n’est pas une priorité majeure à ce stade, malgré l’expérience récente du COVID et les multiples avantages que cette politique pourrait apporter.

Les programmes de formation individuels prévoyant des possibilités de mobilité sont l’un des outils les plus couramment utilisés pour favoriser la mobilité interne des effectifs. Ces programmes sont souvent établis dans le cadre du cycle annuel d’évaluation des performances. Ils permettent aux cadres et aux employés de convenir d’un ensemble d’objectifs de développement et des moyens de les réaliser. La prise en compte de la mobilité dans ce contexte pourrait favoriser l’instauration d’une culture de l’apprentissage qui intègre également la mobilité du point de vue du cadre et de l’employé. En Türkiye, par exemple, le bureau des ressources humaines de la présidence de la République turque a créé une plateforme d’apprentissage, la Distance Learning Gate, qui offre un contenu de formation gratuit et accessible aux agents de la fonction publique. Elle leur propose plus de 36 000 modules de formation dans un format d’auto-apprentissage. Ils peuvent ainsi organiser leurs programmes de formation indépendamment des stages organisés par leur institution et suivre des cours à tout moment.

L’autre outil le plus courant consiste à assurer la diffusion transparente des offres de mobilité, souvent publiées sur un tableau d’affichage interne ou un site intranet. Au Portugal, toutes les offres de l'administration publique centrale, locale et régionale doivent être publiées sur une page web centralisée. En Nouvelle-Zélande, un service centralisé d’intermédiation est désormais utilisé pour satisfaire aux besoins en capacité d’appoint et de développement (pour les cadres supérieurs, au travers de conseils d’orientation de carrière et d’un intermédiaire spécialisé dans le perfectionnement des cadres dirigeants) ; il existe également un bulletin d’information sur les services en tension qui facilite le redéploiement des effectifs. En Lituanie, la réforme générale de la fonction publique a notamment pour objectif d’encourager la mobilité du personnel. Au Luxembourg, toutes les annonces de postes en mobilité dans l’administration publique centrale sont publiées sur le site centralisé GovJobs. Au Canada, le portail « Emplois GC » offre aux candidats et aux cadres un accès unique à toutes les offres d'emploi de la fonction publique. Le gouvernement canadien a également mis en place un « Carrefour de carrière » qui permet aux employés de gérer leur carrière et le perfectionnement de leurs compétences dans le cadre de stages de formation, d’échange de poste, de micro-affectations et d’autres formes d’apprentissage pratique. L'Australie fait appel à des tableaux d’affichage en réseau et à des bulletins de mobilité pour informer le personnel intéressé des possibilités de mutation.

D’autres outils et méthodes de promotion de la mobilité sans doute sous-employés dans les pays de l’OCDE permettraient d’améliorer l’utilisation stratégique de la mobilité. On citera notamment l’intégration de la mobilité dans la planification réfléchie des carrières à long terme, sa prise en compte dans la gestion des résultats et (ou) les décisions de promotion, et des incitations aux dirigeants à encourager la mobilité et à recruter un pourcentage donné d’agents issus d’autres administrations et (ou) dans le cadre de programmes de mobilité. Seuls un très petit nombre de pays de l’OCDE applique sciemment ces méthodes. La Corée est celui qui fait le plus appel aux différents outils présentés à l’encadré ci-dessous ; elle offre un exemple utile de la manière dont ceux-ci peuvent être intégrés à un cadre complet de promotion de la mobilité dans l'ensemble de la fonction publique.

Des dispositifs de soutien peuvent favoriser la bonne exécution d’une politique ou stratégie de mobilité, l’objectif étant de limiter les inévitables perturbations que provoque la mutation d’un agent à un autre poste. À titre d’exemple, la plupart des pays de l’OCDE communiquent aux employés et aux cadres dirigeants (24 et 23 pays respectivement) des informations générales concernant les procédures et dispositifs de mobilité, et 23 proposent des stages périodiques d’intégration pour assurer aux nouveaux venus des conseils adaptés à leur nouvel environnement de travail. La plupart procèdent également à des évaluations des risques afin de recenser et d’atténuer ceux qui sont liés à la mobilité, comme les conflits d'intérêts ou les habilitations de sécurité. Un plus petit nombre fait appel à d’autres outils (listes de contrôle ou orientations pour la planification de la relève ou aide-mémoires pour les mutations par exemple) ou apportent des conseils spécifiques sur la façon de conduire les évaluations de résultats des agents en situation de mobilité (16 dans chaque cas).

Il convient également de noter que la plupart de ces outils sont décentralisés, mis au point et employés par les différents ministères et organismes et non par les services centraux des ressources humaines. Onze pays seulement donnent des orientations aux responsables au niveau central, et 10 le font pour l’ensemble des effectifs. De même, seuls sept pays de l’OCDE proposent des services d’intégration, des outils de planification de la relève et des aide-mémoires pour les mutations à l’échelon central. Six pays centralisent l’évaluation des risques, et huit font de même pour les orientations relatives à l’évaluation des résultats. Ce constat est quelque peu surprenant dans la mesure où le caractère interministériel de la mobilité laisserait supposer un rôle plus important des autorités centrales dans ces domaines. L'Australie, la Corée, la France et l’Italie semblent faire un usage centralisé de la plupart de ces outils. D’autres pays font appel à la plupart d’entre eux, mais de manière plus décentralisée : la Belgique, le Canada, le Costa Rica, l’Irlande, le Mexique, les Pays-Bas, la République slovaque, le Royaume-Uni et la Slovénie.

Il importe de procéder au suivi et à l’évaluation de la mobilité pour veiller à ce qu’elle soit gérée dans l’intérêt des organismes, de l’encadrement et du personnel. Les organismes publics doivent assurer ce suivi au moyen d’indicateurs clés, comme les taux de rotation ou de rétention du personnel, l’ancienneté ou la durée de service moyennes à un poste, la participation à des programmes de détachement et les promotions. En Türkiye, par exemple, le Bureau des ressources humaines de la présidence a mis au point un projet dénommé « Plan de carrière » pour suivre les mouvements de personnel entre le secteur public et le secteur privé par intitulé de poste, en observant les plafonnements et les interruptions de carrière. Néanmoins, dans la plupart des pays membres de l’OCDE, le large éventail de dispositifs de mobilité existant, conjugué aux difficultés liées à la collecte de ces données dans les différentes administrations, fait que les indicateurs quantitatifs précis de la mobilité sont relativement rares.

La majorité des pays de l’OCDE mesurent le pourcentage d’employés ayant changé de poste entre ministères (65 % des pays) et au sein d’un même ministère (59 %). Ils sont à peu près aussi nombreux à suivre aussi le nombre d’affectations et de détachements temporaires. La moitié environ observe également les entrées et sorties de la fonction publique dans son ensemble. Il convient de noter qu’un nombre plus restreint de pays centralisent ces données - 16 seulement suivent les mouvements interministériels au niveau central, 15 observent les entrées et sorties de la fonction publique, neuf mesurent le recours aux détachements temporaires à l’échelon central, et six seulement rassemblent les données relatives aux mouvements internes aux ministères et aux organismes. Seuls douze pays assurent le suivi d’indicateurs comme le taux d’utilisation de programmes de mobilité donnés, et 16 celui de l’ancienneté moyenne dans un poste.

Par ailleurs, plusieurs administrations publiques complètent les données administratives au moyen d’informations recueillies dans le cadre d’enquêtes auprès du personnel. Dix examinent par ce biais le vécu et les perceptions des employés concernant la mobilité, mais six seulement le font pour les cadres en particulier. Les enquêtes peuvent comporter des questions relatives à la mobilité, concernant par exemple l’intention de l’employé de quitter le poste qu’il occupe et ses perspectives d’avancement. Les questions peuvent également servir à évaluer l’ouverture du personnel et des cadres dirigeants à la mobilité, de manière à repérer des obstacles et (ou) des risques éventuellement négligés. Ces informations, conjuguées aux indicateurs issus des données administratives, peuvent donner une idée plus complète du degré de mobilité stratégique des effectifs.

Tout bien considéré, les pays ne font pas tous appel aux données et aux indicateurs relatifs à la mobilité dans la même mesure. Certains (14 pays de l’OCDE) recueillent la totalité, ou presque, de ces indicateurs, tandis que d’autres (une dizaine) n'en collectent aucun. Généralement, les pays qui centralisent la collecte de données sont aussi ceux qui en recueillent le plus grand nombre. Ceux qui semblent suivre le plus large éventail d’indicateurs au niveau central sont l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Canada, la Corée, l’Irlande, Israël et le Mexique. Ceux qui collectent la plupart de ces données, mais à un niveau plus décentralisé (les données étant rassemblées et conservées par différents ministères), sont l'Allemagne, l'Espagne, la France, la Grèce, le Royaume-Uni et la Türkiye.

Il ressort des informations présentées dans ce chapitre que la mobilité est un outil potentiellement sous-utilisé auquel les fonctions publiques peuvent faire appel pour renforcer la flexibilité. Cette démarche dépend néanmoins dans une large mesure du caractère coordonné et stratégique de la mobilité. Des mesures ponctuelles peuvent intéresser certains agents publics mais une approche plus structurée mettant l’accent sur l’évolution professionnelle et en rapport avec les programmes de formation permettrait de recenser les compétences les plus nécessaires et de veiller à ce qu’elles puissent être utilisées dans les domaines où elles sont le plus utiles. Les données présentées dans ce rapport permettent de dégager plusieurs messages clés.

Premièrement, les administrations publiques ont à leur disposition plusieurs mécanismes de mobilité - latéraux, verticaux, internes ou externes. La « mobilité » peut aussi bien consister en une mission d’une semaine dans un autre service de la fonction publique qu’en une affectation plus générale (et définitive) à un autre ministère, voire une autre région. Utilisés de manière stratégique, des dispositifs structurés de mobilité au sein de la fonction publique, permettant d’acquérir et d’appliquer de nouvelles qualifications, peuvent attirer les talents, surtout dans un contexte de concurrence pour les compétences les plus demandées.

Deuxièmement, au-delà des urgences de santé publique comme la pandémie, la capacité à repérer les compétences et à redéployer les effectifs qualifiés est un outil essentiel pour les administrations publiques. Cependant, pour exploiter au mieux la mobilité, les organismes du secteur public doivent être en mesure d’instaurer les conditions appropriées, définir clairement les objectifs, encourager la mobilité et en prévenir les effets négatifs comme la perte de connaissances institutionnelles, les perturbations ou les éventuels conflits d'intérêts.

Enfin, les pays ont besoin d’un plus grand nombre de données et d’observations pour mesurer les effets de la mobilité, recenser les bonnes pratiques et favoriser les formes de mobilité adaptées. Faute de mobilité, les administrations publiques risquent de perdre la souplesse nécessaire pour remédier à des problèmes complexes et pluridisciplinaires, encourager l’innovation et prendre des mesures efficaces en temps de crise.

Références

[1] OCDE (2019), Recommandation du Conseil sur le leadership et les aptitudes de la fonction publique, OCDE, Paris, https://www.oecd.org/fr/gov/emploi-public/recommendation-on-public-service-leadership-and-capability.htm.

Notes

← 1. Les comparaisons doivent être interprétées avec prudence car les auteurs ignorent quelles méthodes sont utilisées dans chaque pays.

← 2. Ces pays déclarent l’existence de ces mécanismes, mais l’étude n’est pas en mesure d’évaluer leur niveau d’utilisation et (ou) la qualité de leur conception.

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