7. Élimination de la double imposition
556. Le Montant A viendra se superposer aux règles actuelles de répartition des bénéfices. Puisque les bénéfices d’un groupe d’EMN sont déjà répartis selon ces règles, un mécanisme pour réconcilier le nouveau droit d’imposition (calculé à l’échelon d’un groupe ou d’un segment) avec le système existant de répartition des bénéfices (calculés pour chaque entité) est nécessaire pour éviter une double imposition.
557. Telle est la finalité du mécanisme d’élimination des doubles impositions résultant du Montant A qui est décrit dans le présent chapitre. Pour réconcilier les deux systèmes de répartition des bénéfices, il identifie la ou les entités qui, dans un groupe d’EMN, sont redevables du Montant A, ce qui conditionne la désignation de la ou des juridictions qui doivent accorder un allégement pour éliminer la double imposition résultant du Montant A. Ce mécanisme a deux composantes : (i) l’identification de la ou des entités payeuses dans un groupe d’EMN (ou, le cas échéant, un segment) ; et (ii) les méthodes à employer pour éliminer la double imposition.1
7.1.1. Composante 1 : Identification des entités payeuses
558. Le Montant A sera calculé à l’échelon d’un groupe ou d’un segment au moyen d’une formule simple incorporant un seuil de rentabilité et un pourcentage de réattribution. C’est pourquoi on pourrait arguer qu’une approche similaire basée sur une formule devrait être adoptée pour identifier les entités redevables du Montant A (les entités payeuses2), lesquelles, par exemple, pourraient être les entités dont le ratio bénéfice avant impôt/chiffre d’affaires dépasse le seuil de rentabilité convenu. La procédure d’identification des entités payeuses inclura un critère de rentabilité. Cependant, deux raisons techniques empêchent d’appliquer le même critère de rentabilité à l’échelon d’une entité et à celui du groupe :
L’emploi de la même formule pour calculer le bénéfice résiduel au niveau d’un groupe ou de ses entités peut engendrer des distorsions : Le point de départ le plus logique pour ce critère de rentabilité consisterait à employer la même formule que celle utilisée pour calculer le Montant A à l’échelon d’un groupe ou d’un segment (ratio bénéfice avant impôt/chiffre d’affaires supérieur à x %). Cependant, deux considérations amènent les auteurs de ce rapport à considérer cette approche comme inappropriée. Premièrement, les états financiers d’une entité incluent les transactions intra-groupe qui sont éliminées lors de la consolidation. Par conséquent, le chiffre d’affaires consolidé d’un groupe sera inférieur (voire nettement inférieur) au chiffre d’affaires total (non consolidé) des entités composant ce groupe. Il s’ensuit que si un groupe réalise une marge bénéficiaire supérieure à x %, il est possible, au moins en théorie, qu’aucune entité de ce groupe n’affiche une marge bénéficiaire supérieure à x %. Deuxièmement, l’inclusion des transactions intra-groupe dans les états financiers d’une entité a pour conséquence que le chiffre d’affaires et donc la marge bénéficiaire peuvent être faussés ou manipulés aisément en fonction de la manière dont les transactions intra-groupe sont structurées.
Différences entre les principes comptables généralement reconnus en vigueur dans les juridictions où se situent les entités d’un groupe : À l’échelon d’un groupe ou d’un segment, l’emploi des comptes consolidés signifie que les informations financières nécessaires pour déterminer la base d’imposition et appliquer la formule de calcul du Montant A seront aisées à obtenir pour la plupart des groupes d’EMN et qu’elles auront été préparées selon des normes comptables comparables. En revanche, les informations financières sur les entités seront plus difficiles à obtenir ou auront pu être préparées selon les normes comptables locales de telle sorte que, même à l’intérieur d’un même groupe, la comparabilité des états financiers de ses diverses entités n’est pas assurée. Cela dit, comme on l’expliquera plus loin, ce problème pourrait être résolu en préparant les comptes consolidés d’un groupe à partir des états financiers établis au niveau de ses entités.
559. Plusieurs approches peuvent être envisagées sur le plan conceptuel : Par exemple, conformément à la méthode basée sur une formule de calcul du Montant A, une solution pourrait consister à identifier les entités payeuses à partir d’une approche quantitative similaire à celle utilisée pour calculer le Montant A. Cette approche aurait pour but prioritaire la simplicité parce qu’elle pourrait limiter la nécessité d’examiner dans le détail les faits et circonstances et de réaliser des analyses fonctionnelle et des transactions en recourant aux méthodes de détermination des prix de transfert pour identifier les entités qui doivent supporter la charge fiscale relative au Montant A. Cette solution s’accorderait bien avec la conception du Montant A, qui elle-même est indépendante de ces considérations. Une autre solution partirait du fait que, sous l’angle conceptuel, les diverses caractéristiques du Montant A donnent à penser que les entités payeuses doivent non seulement être rentables, mais également être celles qui, individuellement ou collectivement, apportent une contribution significative soutenue aux bénéfices résiduels d’un groupe d’EMN3,plutôt que celles qui n’exercent que des activités dégageant des bénéfices standard. On pourrait en outre arguer que, du point de vue conceptuel, une entité payeuse devrait exercer des activités liées aux activités exercées par un groupe d’EMN dans une juridiction de marché au titre desquelles elle supporte une charge fiscale au titre du Montant A, par opposition aux activités non marchandes ou concernant d’autres marchés. Ces deux solutions pourraient être combinées de diverses manières comme cela est exposé dans le processus en quatre étapes décrit ci-après.
560. Le processus d’identification des entités payeuses pourrait comporter jusqu’à quatre étapes.4 Ce sont les suivantes :
Étape 1 : Identifier les entités d’un groupe d’EMN qui exercent des activités contribuant de manière significative et soutenue à la capacité du groupe de générer des bénéfices résiduels.
Étape 2 : Appliquer un critère de rentabilité pour s’assurer que les entités identifiées sont capables de supporter la charge fiscale relative au Montant A.
Étape 3 : Attribuer par ordre de priorité la charge fiscale relative au Montant A aux entités ayant un lien avec le ou les marchés auxquels est attribué le Montant A.
Étape 4 : Effectuer une répartition proportionnelle dans le cas où aucun lien(s) suffisamment fort(s) ne peut être établi ou dans celui où les entités ayant un lien avec le marché ne dégagent pas des bénéfices suffisants.
Étape 1 : Critère des activités
561. La mise en place d’un critère fondé sur les activités imposerait aux contribuables de réaliser une évaluation qualitative pour identifier les entités d’un groupe d’EMN qui apportent une contribution significative soutenue aux bénéfices résiduels de ce groupe. Ce critère est motivé par le fait que, du point de vue conceptuel, ce sont ces entités qui, dans un groupe d’EMN, doivent dégager ensemble les bénéfices résiduels correspondant au bénéfice retenu pour le calcul du Montant A.
562. En pratique, le critère des activités inclurait un principe général décrivant le type d’activités qu’une entité payeuse serait censée exercer, complété par une liste d’indices servant à l’application de ce principe. Ces indices incluraient le profil des fonctions, actifs et risques d’une entité, la qualification de cette entité aux fins des prix de transfert et la méthode employée pour déterminer ces derniers ainsi que la rémunération de l’entité. Dans la mesure du possible, les documents que les contribuables sont actuellement tenus de recueillir et de transmettre et qui sont d’ores et déjà examinés par les administrations fiscales seront employés à cet effet5. Ces documents ainsi que tous documents supplémentaires éventuellement requis seront inclus dans la liasse unique et standardisée qui serait remise dans le cadre du processus de sécurité juridique au titre du Montant A. Cette exigence est de nature à limiter les éventuels frais de conformité supplémentaires et la charge administrative résultant de l’application de ce critère.
563. Dans le cadre du critère des activités, si un groupe d’EMN a calculé la base d’imposition du Montant A segment par segment il faudra identifier les entités payeuses susceptibles d’être liées à chacun de ces segments.
Étape 2 : Critère de rentabilité
564. Le critère de rentabilité permettrait de s’assurer que les éventuelles entités payeuses sont capables de supporter la charge fiscale relative au Montant A. Il garantirait qu’une entité réalisant des pertes ou des bénéfices standards ou minimes, voire des pertes, ne serait pas qualifiée d’entité payeuse, ce qui est conforme à la décision du Cadre inclusif de circonscrire l’application du Montant A aux groupes d’EMN couverts qui réalisent des bénéfices résiduels plutôt qu’à tous les groupes d’EMN couverts indépendamment de leur rentabilité. Par souci de simplicité, ce critère de rentabilité pourrait être couplé à l’exception fondée sur la substance en cours de définition dans le cadre du Pilier Deux, dans laquelle le critère de rentabilité reposera sur une approche combinant actifs corporels et masse salariale.
565. L’application conjointe des critères d’activités et de rentabilité a pour but d’identifier les entités dégageant des bénéfices résiduels à prendre en compte pour le Montant A (calculés à l’échelon d’un groupe ou d’un segment). Le critère des activités, en incorporant des concepts issus de la fixation des prix de transfert, permettra d’identifier les entités qui, dans un groupe, tirent des bénéfices résiduels de l’exercice d’activités non standards liées à la participation d’un groupe à l’économie d’une juridiction de marché. Le critère de rentabilité, de même que la formule du Montant A, s’appliquera aux états financiers plutôt qu’aux comptes fiscaux. Cela signifie que les entités identifiées au cours de ces deux étapes exerceront des activités non standards et déclareront des bénéfices résiduels dans leurs états financiers.
Étape 3 : Critère du lien avec le marché
566. L’application du critère des activités et du critère de rentabilité (ou, s’il est appliqué de manière autonome, celle du critère de rentabilité) aboutira à l’identification d’un ensemble d’entités qui, dans un groupe d’EMN ou un segment, sont susceptibles d’être des entités payeuses (en fonction des modalités selon lesquelles la base d’imposition du Montant A est calculée). Il arrivera cependant dans certains cas que des entités payeuses potentielles ne tirent leurs bénéfices que d’un nombre limité de juridictions de marché auxquelles sont attribués des droits d’imposition au titre du Montant A. En effet, une entité ne doit supporter que la charge fiscale relative au Montant A qui concerne la ou les juridictions de marché à l’économie desquelles elle participe. Un critère fondé sur le lien avec le marché pourrait être appliqué pour exiger que, dans le premier cas, le montant de l’impôt dû au titre du Montant A afférent à une juridiction de marché soit affecté à une entité payeuse ayant un lien avec cette juridiction de marché du fait de l’exercice d’activités identifiées en appliquant le critère des activités. Ce critère permettra d’établir un lien entre une juridiction de marché et une ou plusieurs entités payeuses.
Étape 4 : Répartition proportionnelle
567. Si la ou les entités identifiées au moyen du critère du lien avec le marché ne réalisent pas de bénéfices suffisants pour supporter la totalité de la charge du Montant A au titre d’une ou plusieurs juridictions de marché, d’autres entités payeuses faisant partie du groupe ou du secteur d’activité devront prendre à leur charge le solde de l’impôt dû au titre du Montant A. La répartition de ce solde serait effectuée proportionnellement entre ces entités au moyen d’une formule. Ce mécanisme serait un ultime recours dans le cas où il n’est pas possible d’établir un lien suffisamment fort entre une quelconque entité payeuse et une juridiction de marché à laquelle a été attribuée une partie du Montant A. Comme cela est expliqué ci-dessous, on pourrait aussi prendre en considération d’autres options de répartition.
568. Dans une approche en deux temps reposant principalement sur le critère de rentabilité, s’il s’avère que plusieurs entités satisfont à ce critère, le montant de l’impôt à payer au titre du Montant A serait réparti entre elles en fonction du montant des bénéfices réalisés par chacune de ces entités qui excède le niveau convenu pour le critère de rentabilité.
Composante 2 : Méthodes pour éliminer les doubles impositions
570. La deuxième composante du mécanisme d’élimination de la double imposition concerne les méthodes employées pour éliminer la double imposition. L’application de ces méthodes assurera qu’une entité payeuse n’est pas imposée deux fois sur les mêmes bénéfices dans des juridictions différentes, à savoir une fois selon les règles de l’impôt sur les sociétés en vigueur et une autre selon le nouveau dispositif du Montant A. Aujourd’hui, les juridictions recourent à deux méthodes principales pour éliminer la double imposition juridique internationale, à savoir les méthodes de l’exemption et de l’imputation. Dans la méthode de l’exemption, la juridiction d’une entité payeuse exonère tout simplement d’impôt la partie des bénéfices qui avait été attribuée aux juridictions de marché dans le cadre du Montant A. Dans la méthode de l’imputation, la juridiction de résidence de l’entité payeuse accorde à concurrence de l’impôt payé dans une autre juridiction un crédit à déduire des impôts qui sont dus à la juridiction de résidence.
571. Le Rapport sur le Blueprint envisage que l’impôt sur le Montant A puisse donner lieu pour les entités payeuses à un allégement soit à l’aide de la méthode d'exemption, soit à l’aide de la méthode d’imputation. Au vu des taux d’imposition actuellement en vigueur dans les juridictions de marché, les deux méthodes pourraient en fin de compte aboutir au même résultat.
572. Le Montant A sera calculé à l’échelon d’un groupe ou d’un segment au moyen d’une formule simple incorporant un seuil de rentabilité et un pourcentage de réattribution. Cette section explique comment ce calcul du bénéfice résiduel au niveau d’un groupe ou d’un segment (qui est attribué aux juridictions de marché en vertu du Montant A) est réparti entre ses entités. Cette tâche est indispensable parce que le mécanisme d’élimination de la double imposition résultant du Montant A s’applique à l’échelon des entités plutôt que du groupe ou du secteur dont elles font partie. Le Rapport sur le Blueprint applique une démarche combinant des concepts comptables et fiscaux ainsi que des conventions simplificatrices pour identifier les entités qui, dans un groupe d’EMN, réalisent le bénéfice résiduel au regard des règles fiscales existantes concernant le Montant A, de sorte qu’elles sont désignées comme entités payeuses aux fins du Montant A.
573. C’est pourquoi on pourrait arguer que la même approche ou une approche similaire basée sur une formule qui est employée pour déterminer le Montant A devrait être adoptée pour identifier les entités qui seront redevables du Montant A (les entités payeuses), lesquelles, par exemple, pourraient être les entités dont le ratio bénéfice avant impôt/chiffre d’affaires dépasse le seuil de rentabilité convenu.
574. Le point de départ le plus logique pour ce critère de rentabilité consisterait à employer la même formule pour calculer le Montant A à l’échelon d’un groupe ou d’un segment (ratio bénéfice avant impôt/chiffre d’affaires supérieur à x %). Cependant, deux considérations amènent les auteurs de ce rapport à considérer cette approche comme inappropriée. Premièrement, les états financiers d’une entité incluent les transactions intra-groupe qui sont éliminées lors de la consolidation. Par conséquent, le chiffre d’affaires consolidé d’un groupe sera inférieur (voire nettement inférieur) au chiffre d’affaires total (non consolidé) des entités composant ce groupe. Il s’ensuit que si un groupe réalise une marge bénéficiaire supérieure à x %, il est possible, au moins en théorie, qu’aucune entité de ce groupe n’affiche une marge bénéficiaire supérieure à x %. Deuxièmement, l’inclusion des transactions intra-groupe dans les états financiers d’une entité a pour conséquence que le chiffre d’affaires et donc la marge bénéficiaire peuvent être faussés ou manipulés aisément en fonction de la manière dont les transactions intra-groupe sont structurées.
575. À l’échelon d’un groupe ou d’un segment, l’emploi des comptes consolidés signifie que les informations financières nécessaires pour calculer la base d’imposition du Montant A et l’appliquer seront aisées à obtenir pour la plupart des groupes d’EMN et qu’elles auront été préparées selon des normes comptables comparables. En revanche, les informations financières sur les entités seront plus difficiles à obtenir ou auront été préparées selon les normes comptables locales de telle sorte que, même à l’intérieur d’un même groupe, la comparabilité des états financiers de ses diverses entités n’est pas assurée. Cela dit, comme on le verra plus loin, ce problème pourrait être résolu en préparant les comptes consolidés d’un groupe à partir des états financiers établis au niveau de ses entités. Ces facteurs signifient que le critère de rentabilité appliqué au niveau d’une entité pour désigner les entités payeuses doit être structuré d’une manière assez différente de celui qui est employé au niveau d’un groupe pour déterminer le Montant A.
576. Plusieurs approches peuvent être envisagées sur le plan conceptuel : Par exemple, conformément à la démarche basée sur une formule sous-tendant le Montant A, une solution pourrait consister à identifier les entités payeuses à partir d’une approche quantitative similaire à celle utilisée pour calculer le Montant A. Cette approche aurait pour but prioritaire la simplicité parce qu’elle pourrait limiter la nécessité d’examiner dans le détail les faits et circonstances et de réaliser des analyses fonctionnelle et des transactions en recourant aux méthodes de détermination des prix de transfert pour identifier les entités auxquelles qui doivent supporter la charge fiscale relative au Montant A. Cette solution s’accorderait bien avec la conception du Montant A, qui elle-même est indépendante de ces considérations. Une autre solution partirait du fait que, sous l’angle conceptuel, les diverses caractéristiques du Montant A donnent à penser que les entités payeuses doivent non seulement être rentables, mais également être celles qui, individuellement ou collectivement, apportent une contribution significative et soutenue aux bénéfices standard d’un groupe d’EMN, plutôt que celles qui n’exercent que des activités dégageant des bénéfices résiduels. On pourrait en outre arguer que, du point de vue conceptuel, une entité payeuse devrait exercer des activités liées aux activités exercées par un groupe d’EMN dans une juridiction de marché au titre desquelles elle supporte une charge fiscale au titre du Montant A par opposition aux activités non marchandes ou concernant d’autres marchés.
7.2.1. Processus d’identification des entités payeuses
577. Il est prévu de rédiger une procédure d’identification des entités payeuses qui pourrait comporter jusqu’à quatre étapes. La première étape sera un critère fondé sur les activités permettant d’identifier les entités qui, dans un groupe ou un segment, effectuent des activités apportant une contribution significative et soutenue à la capacité d’un groupe d’EMN de générer des bénéfices résiduels. Dans l’étape 2, un groupe d’EMN appliquera un critère de rentabilité pour s’assurer que les entités identifiées lors de l’étape 1 sont capables de supporter la charge fiscale relative au Montant A. L’étape 3 exigera que ces entités payeuses aient un lien avec les juridictions de marché auxquelles est attribué le Montant A et que, en vertu d’une règle de priorité, le montant dû à ces juridictions en vertu du Montant A soit imputé sur les bénéfices de ces entités. Enfin, si les entités liées à une juridiction de marché n’ont pas de bénéfices suffisants pour compenser la totalité de l’impôt dû au titre du Montant A, le solde sera réparti proportionnellement entre les autres entités payeuses du groupe ou du secteur d’activité qui n’ont pas de lien avec la juridiction de marché en question. Ce mécanisme revient en fait à une règle de renfort pour le cas où il ne serait pas possible d’établir un « lien suffisant » entre une juridiction de marché à laquelle est attribué le Montant A et une entité payeuse disposant de bénéfices suffisants pour supporter la charge fiscale du Montant A.
578. Une approche en deux temps pourrait aussi être envisagée dans laquelle un critère de rentabilité servirait à identifier les entités d’un groupe qui réalisent des bénéfices résiduels et, s’il s’avère que plusieurs entités satisfont à ce critère, le montant de l’impôt à payer au titre du Montant A serait réparti entre elles au prorata du montant des bénéfices réalisés par chacune de ces entités qui excède le niveau convenu pour le critère de rentabilité.
7.2.2. Étape 1 : Critère des activités
579. La mise en place d’un critère fondé sur les activités imposerait aux contribuables de réaliser une évaluation qualitative pour identifier les entités d’un groupe d’EMN qui apportent une contribution significative et soutenue à la capacité de ce groupe de réaliser des bénéfices résiduels. En effet, sur le plan conceptuel, ce sont ces entités qui devraient supporter la charge du Montant A. Il importe que le critère des activités soit conçu de telle sorte qu’il soit clair et simple à appliquer en pratique et qu’il s’appuie sur l’analyse des prix de transfert et les documents existants qui ont été préparés par les groupes d’EMN. Procéder ainsi limitera des coûts de conformité supplémentaires pour les groupes d’EMN. Cependant, les documents supplémentaires qui pourraient être nécessaires seraient inclus dans la documentation standard relative au Montant A qui est exigée dans le cadre de la procédure de sécurité juridique en matière fiscale. Il importe avant tout de rappeler que le Montant A ne s’appliquerait qu’aux grands groupes d’EMN qui atteignent ou dépassent un certain nombre de seuils et réalisent un chiffre d’affaires couvert. Cette section décrit les concepts sur lesquels pourrait être fondé le critère des activités et explique comment il pourrait être appliqué concrètement.
580. Le fichier principal sur les prix de transfert et les fichiers locaux concernés qui ont été préparés par les groupes d’EMN doivent être consultés en premier lieu pour appliquer le critère des activités en tenant compte du fait que cette documentation doit décrire une affectation des actifs et des risques conforme au principe de pleine concurrence sur la base de l’analyse fonctionnelle du groupe d’EMN en question. L’application de ce critère devrait être simple pour de nombreux groupes, en particulier ceux qui mettent en œuvre un modèle de fonctionnement centralisé dans lequel ils exercent des activités apportant une contribution significative et soutenue à leur capacité de réaliser des bénéfices résiduels dans un petit nombre de pays seulement. Le nombre d’entités à identifier pour ce critère pourrait être plus élevé dans le cas où le modèle de fonctionnement d’un groupe est relativement décentralisé. Cependant, si les activités apportant une contribution significative et soutenue à la capacité d’un groupe d’EMN de réaliser des bénéfices résiduels sont exercées dans des juridictions de marché, l’application du régime de protection pour les bénéfices issus d’activités de commercialisation et de distribution peut éviter à ces groupes d’avoir à appliquer le mécanisme d’élimination des doubles impositions ou leur permettre de ne le faire que pour un nombre limité de juridictions. Quoi qu’il en soit, l’application du critère des activités comme de toutes les autres composantes du mécanisme d’élimination des doubles impositions sera couverte par le régime de sécurité juridique prévu pour le Montant A. Dans le cadre dudit régime de sécurité juridique, les administrations fiscales pourraient réclamer des informations supplémentaires aux contribuables et contester la manière dont ils ont appliqué le critère des activités. Le régime de sécurité juridique prévu pour le Montant A jouera un rôle crucial pour faire en sorte que les litiges résultant de l’application de ce critère soient résolus en temps utile et n’aboutissent pas à des doubles impositions pour lesquelles aucun allégement n’est accordé.
Détermination des activités
581. L’élaboration conceptuelle du critère des activités suppose que soient identifiées les activités susceptibles d’apporter une contribution significative et soutenue à la capacité d’un groupe d’EMN de réaliser des bénéfices résiduels, et peut-être aussi d’identifier en particulier les activités liées à leur participation à l’économie des juridictions de marché. Les activités se rapportant à la participation d’un groupe d’EMN à l’économie d’une juridiction de marché s’étendraient au-delà de la propriété (ou du droit de percevoir des revenus tirés) des biens incorporels de commercialisation concernés et incluraient par exemple la propriété (ou les droits de percevoir des revenus provenant) des biens incorporels liés aux produits ou aux technologies qui concourent à soutenir les ventes ainsi que la supervision/le contrôle des risques économiques et décisions significatifs concernant l’activité. Comme cela est exposé de manière plus détaillée dans la section 7.2.4, les activités exercées par une entité peuvent être liées à sa participation à l’économie d’une juridiction de marché même s’il n’existe pas de lien direct sous forme de transactions entre une juridiction de marché et une entité.
582. Les Principes de l’OCDE en matière de prix de transfert (TPG) recensent toute une série de moyens par lesquels une entité peut avoir droit à tout ou partie des bénéfices résiduels réalisés par un groupe d’EMN au regard de la fixation des prix de transfert et qui devront aussi être pris en compte pour l’identification des entités payeuses. Ce sont les suivants 6 :
Premièrement, il faudrait que l’entité payeuse supervise une partie des activités stratégiques et opérationnelles rapportant des bénéfices résiduels à son groupe d’EMN, et en particulier qu’elle exerce un contrôle et dispose d’un pouvoir de décision sur les aspects essentiels de ces activités. Les activités identifiées devraient en outre être liées à la participation du groupe d’EMN à l’économie du marché.
Deuxièmement, il est probable que les activités de l’entité payeuse consistent en l’exécution de tout ou partie des fonctions importantes liées à la mise au point, à l’amélioration, à l’entretien, à la protection et à l’exploitation d’actifs incorporels du groupe d’EMN qui sont spécifiques à la participation de ce groupe à l’économie du marché. Ces actifs comprendraient les actifs incorporels liés à la technologie et qui facilitent la participation à l’économie du marché, notamment la technologie employée par les activités ADS pour recueillir des données et les contributions aux contenus.
Troisièmement, si une entité payeuse exerce ces activités, cela signifierait qu’elle devrait avoir droit à tout ou partie des bénéfices résiduels découlant d’actifs incorporels de valeur qui ont un lien avec la participation du groupe d’EMN à l’économie du marché où ils ont été acquis et qui non pas été développés en interne..7.
Quatrièmement, il faudrait que l’entité payeuse assume des risques économiques significatifs liés à la participation du groupe d’EMN à l’économie du marché et exerce un pouvoir de décision et de contrôle sur la prise en charge de ces risques économiques significatifs.8 Ces critères devraient inclure au minimum (i) la capacité de prendre la décision de saisir, d’éviter ou de refuser une opportunité porteuse de risque9 ainsi que l’exercice effectif de cette fonction de prise de décision et (ii) la capacité de prendre la décision de répondre aux risques associés à cette opportunité et l’exercice effectif de cette fonction de prise de décision. Ils peuvent aussi inclure (iii) la capacité d’atténuer les risques, c’est-à-dire de prendre des mesures qui influent sur ces risques ainsi que l’exercice effectif de cette fonction d’atténuation des risques.
583. On peut considérer que l’octroi de financements intra-groupe n’est pas une activité apportant une contribution significative et soutenue à la capacité d’une activité ADS ou CFB de générer des bénéfices résiduels, en particulier si elle concerne sa participation à l’économie d’une juridiction de marché. C’est pourquoi la mise à disposition de financements intra-groupe ne serait pas suffisante pour qu’une entité soit considérée comme une entité payeuse. Bien qu’il représente une activité qui aboutirait à la prise d’un risque économique significatif, l’octroi d’un prêt ou d’une garantie intersociétés est circonscrit à un risque économique et a pour conséquence la réalisation de bénéfices résiduels associés à des risques financiers. Le plus souvent, ce rendement est fixe et ne change pas après la conclusion du contrat de prêt/garantie. En outre, le rendement ne présente pas un lien suffisamment étroit avec l’exécution des fonctions et la matérialisation des risques afférents aux activités non standards sur le marché10. Cependant, on pourrait tout aussi bien arguer que l’octroi de financements intra-groupe devrait être suffisante à elle seule pour identifier une entité payeuse et que l’adoption d’une telle logique supposerait de devoir repenser la conception du critère des activités.
Application pratique du critère des activités
584. Le critère des activités est structuré comme suit afin de faciliter son application et réduire la complexité. Un principe général tiré des activités identifiées ci-dessus régira la détermination des entités payeuses et aidera à clarifier le profil des fonctions, actifs et risques prévu pour une entité payeuse. L’application de ce principe général, qui s’appuiera sur les mêmes concepts que les Principes en matière de prix de transfert, sera facilitée par une liste d’indices plus spécifiques qui permettront soit d’identifier les caractéristiques d’une entité payeuse au moyen de critères positifs, soit d’identifier les caractéristiques des entités qui ne sont pas des entités payeuses au moyen de critères négatifs. L’identification de ces entités proprement dite s’appuiera principalement sur le fichier principal et les fichiers locaux de la documentation sur les prix de transfert d’un groupe d’EMN couvert.
585. Le principe général proposé est d’identifier la ou les entités payeuses en tant que « membre ou membres d’un groupe d’EMN (ou d’un segment) qui exécutent des fonctions, utilisent ou possèdent des actifs et/ou assument des risques qui sont économiquement significatifs pour lesquelles ou lesquels des bénéfices résiduels relevant du Montant A leur sont attribués ». Ce principe vise à prendre en compte les types d’activités dont on considère qu’ils confèrent à une entité le droit d’avoir part au bénéfice résiduel d’un groupe. Comme on l’a vu plus haut, ce principe général s’appuie sur une série de concepts qui sont déjà intégrés dans les règles actuelles sur les prix de transfert.
586. Ce principe général s’appuierait sur une liste d’indices de nature à faciliter son application pratique de ce principe par les contribuables comme par les administrations fiscales. Pour limiter les coûts de conformité engendrés par l’application de ces indices, ces derniers reposeraient sur les informations que les contribuables sont d’ores et déjà tenus de recueillir et de transmettre et qui sont déjà contrôlées par les administrations fiscales. Le fichier principal d’un groupe d’EMN et son fichier local incluent déjà des informations sur les fonctions exercées, les actifs utilisés et les risques assumés par la plupart des entités d’un groupe d’EMN11. Ces documents décrivent généralement les activités principales d’une entité, ces informations étant également collectées pour les déclarations pays par pays. Enfin, la documentation sur les prix de transfert indique la ou les méthodes de détermination des prix de transfert qui sont employées pour apprécier si les bénéfices attribués à une entité l’ont été conformément au principe de pleine concurrence compte tenu de son profil des fonctions, actifs et risques. C’est pourquoi trois indices au moins pourraient être employés aisément pour le critère des activités. Ce sont les suivants :
les fonctions exercées, les actifs employés et les risques assumés par une entité ;
les caractéristiques d’une entité qui ressortent de la documentation existante sur les prix de transfert ; et
la méthode de fixation des prix de transfert qui a été employée pour déterminer les bénéfices d’une entité selon le principe de pleine concurrence.
587. Comment ces critères seraient-ils appliqués dans la pratique ? Une entité qui a droit au bénéfice entrepreneurial provenant de l’exploitation d’actifs incorporels clefs, de la prise en charge de risques économiques significatifs ; qui a les caractéristiques de l’entité principale d’une entreprise ; et qui, selon la méthode de détermination des prix de transfert, devrait recevoir le bénéfice résiduel (le plus souvent, mais non pas toujours, sous la forme d’une rémunération variable), à partir de la chaîne de valeur d’un groupe, serait identifiée comme une entité payeuse possible selon la liste des critères positifs. Dans ce contexte, la qualification d’une entité et la méthode de fixation des prix de transfert employée pour déterminer ses bénéfices selon le principe de pleine concurrence devront refléter et seront considérées comme des indicateurs de son profil des fonctions, actifs et risques.
588. Par exemple, une entité apportant une contribution précieuse et exceptionnelle à des activités rapportant des bénéfices résiduels à un groupe d’EMN et/ou pouvant prétendre en vertu du principe de pleine concurrence à exploiter des biens incorporels et à en tirer des bénéfices non standards et/ou assumant des risques économiques significatifs en tout ou partie serait appréhendée par le premier indicateur. Il est probable que dans la documentation sur les prix de transfert elle serait qualifiée d’entité principale de l’entreprise, si bien qu’elle ressortirait au deuxième indicateur. Le troisième indicateur peut montrer que la rémunération d’une telle entité est déterminée par la méthode transactionnelle de partage des bénéfices ou par les bénéfices résiduels après rémunération d’une entité à faibles risques assumant une fonction courante déterminée au moyen de la méthode transactionnelle de la marge nette .Une telle entité serait considérée comme une entité payeuse possible de telle sorte qu’en vertu de l’approche par la liste positive elle serait incluse dans le vivier des entités payeuses potentielles.
589. A contrario, une entité qui ne possède pas d’actifs incorporels essentiels ou ne gère pas de risques économiquement significatifs est considérée comme une entité à faibles risques ou un prestataire de services sous contrat (tel qu’un agent commercial) et elle perçoit une rémunération fixe en fonction d’indicateurs de référence qui est déterminée, par exemple, au moyen de la méthode transactionnelle de la marge nette ou de la méthode du coût majoré, de sorte qu’elle ne doit pas être considérée comme étant susceptible d’être une entité payeuse et, par conséquent, selon l’approche par la liste négative, elle serait exclue des entités payeuses potentielles.
590. Dans le cadre du critère des activités, si un groupe d’EMN a calculé la base d’imposition du Montant A branche d’activité par branche d’activité il faudra déterminer celles dont fait partie une société susceptible d’être une entité payeuse. Par exemple, si un groupe pharmaceutique applique le Montant A séparément pour ses secteurs pharmaceutique et des produits de santé, il devra identifier ses entités payeuses de la même manière.
591. Le Cadre inclusif entreprendra des travaux supplémentaires pour affiner le critère des activités et, plus précisément, le principe général et la liste des indices en fonction desquels il serait appliqué. Ces travaux porteront notamment sur la détermination des types d’activités qu’une entité doit exercer ou des biens incorporels qu’elle doit posséder pour être qualifiée d’entité payeuse. Certains sujets feront l’objet d’études plus approfondies, notamment :
les lignes directrices qui devraient accompagner la liste d’indices pour faciliter son utilisation par les contribuables, notamment les liens entre le principe général et les listes positive et négative ;
les types de documents qui pourraient servir à élaborer et, en fin de compte, à appliquer la liste d’indices, lesquels incluront l’identification de tous ajouts à ou améliorations de ces documents qui pourraient être demandés au titre de la documentation standard sur le Montant A dans le cadre du processus de sécurité juridique en matière fiscale et les modalités selon lesquelles cette documentation peut être partagée en vertu d’accords d’échange de renseignements appropriés ;
les indications supplémentaires qui seront requises pour faciliter si nécessaire la segmentation sur la base des états financiers établis au niveau des entités et la faisabilité de ces indications ;
les liens entre l’application du critère des activités et les règles actuelles de répartition des bénéfices fondées sur le principe de pleine concurrence ; par exemple, le fait que les contribuables seraient obligés d’adopter une position cohérente pour l’application du critère des activités et des règles de répartition des bénéfices fondées sur le principe de pleine concurrence et le fait de savoir si les administrations fiscales auraient ou non la possibilité d’adopter des positions divergentes.
7.2.3. Étape 2 : Critère de rentabilité
592. Le critère de rentabilité permettrait de s’assurer que les éventuelles entités payeuses sont capables de supporter la charge fiscale relative au Montant A. Le critère de rentabilité garantirait qu’une entité réalisant de faibles bénéfices (ou des pertes) ne serait pas qualifiée d’entité payeuse, ce qui est conforme à la décision du Cadre inclusif de limiter l’application du Montant A aux seuls groupes d’EMN couverts qui réalisent des bénéfices résiduels (au lieu de la totalité des groupes d’EMN couverts).
593. L’emploi conjoint du critère des activités et du critère de rentabilité a pour but d’identifier les entités dégageant des bénéfices résiduels pris en compte pour le Montant A (calculés au niveau d’un groupe ou d’un segment). Le critère des activités, en incorporant des concepts issus de la fixation des prix de transfert, permettra d’identifier les entités qui, dans un groupe, tirent des bénéfices résiduels de l’exercice d’activités non standards liées à la participation d’un groupe à l’économie d’une juridiction de marché. Le critère de rentabilité, de même que la formule du Montant A, s’appliquera aux états financiers plutôt qu’aux comptes fiscaux. Cela signifie que les entités identifiées au cours de ces deux étapes exerceront des activités non standards et déclareront des bénéfices résiduels dans leurs états financiers.
594. Le Cadre inclusif envisage un critère de rentabilité couplé à l’exception fondée sur la substance en cours de définition pour le Pilier Deux qui est basée sur la masse salariale et les actifs corporels (calculés par référence aux dotations aux amortissements relatives à certains actifs, y compris les terrains).12 Dans le cadre du Pilier Deux, l’objectif d’action publique qui sous-tend l’exception consiste à exclure un pourcentage fixe du revenu des activités substantielles exercées dans une juridiction. Il est justifié de retenir comme indicateurs la masse salariale et les actifs corporels parce qu’on peut généralement s’attendre à ce que ces facteurs soient moins mobiles que les autres et donc moins souvent source de distorsions fiscales. Sur le plan conceptuel, exclure un pourcentage fixe des revenus des activités substantielles a pour effet de centrer les règles du Pilier Deux sur les « bénéfices excédentaires » tels que les revenus des actifs incorporels, lesquels sont ceux qui présentent le plus de risques de BEPS. Cet objectif peut aussi être pertinent pour l’identification des entités susceptibles d’être qualifiées d’entités payeuses dans le cadre du Montant A puisque ce dernier a été conçu de manière à permettre aux juridictions de conserver un droit d’imposition exclusif sur les bénéfices standards (ou bénéfices autres que ceux relevant du Montant A) des entités résidant dans leur territoire.
595. Dans le contexte du Montant A, l’application d’un critère de rentabilité permettrait d’identifier les entités réalisant des bénéfices supérieurs au rendement fixe de la masse salariale et des actifs corporels. Un test combinant la masse salariale et les actifs corporels tiendrait compte des profils de substance variés des différents types d’entités, notamment celles qui exercent des activités à forte intensité de main-d’œuvre ou de capital. Il garantirait des règles de concurrence équitables en reconnaissant la contribution tant du personnel que des actifs corporels aux bénéfices standard d’une entité. Une telle logique est préférable à un critère de rentabilité ne prenant en considération qu’un seul facteur, à savoir la masse salariale ou les actifs corporels puisqu’un tel raisonnement ne retenant favoriserait les entités exerçant un type d’activité par rapport à celles qui en exercent un autre, encore que le Cadre inclusif ait l’intention de continuer à explorer d’autre pistes pour les critères de rentabilité.
596. Deux sources d’informations financières sont aisément disponibles et pourraient être employées pour appliquer le critère de rentabilité décrit ci-dessus, à savoir les comptes fiscaux et les états financiers. Il serait toutefois inapproprié d’employer les comptes fiscaux pour appliquer ce critère. En effet, le mode de calcul des bases d’imposition présente des disparités non négligeables d’une juridiction à l’autre, ce qui signifie que, par exemple, l’architecture des incitations fiscales à la R&D offertes par une juridiction affecterait la rentabilité ressortant des déclarations d’une entité. C’est pourquoi, par souci de cohérence avec le Pilier Deux, le critère de rentabilité s’appliquerait aux états financiers de l’entité qui sont utilisés par le groupe auquel elle appartient pour préparer ses comptes consolidés. Ces comptes seront préparés selon les normes IFRS ou un référentiel comptable comparable appliqué par le groupe en question pour préparer ses comptes consolidés. Cette approche serait plus cohérente que l’emploi d’états financiers préparés au niveau des entités selon les normes comptables locales (dès lors qu’il peut exister des disparités non négligeables d’une juridiction à l’autre).
597. Si les bénéfices d’une entité payeuse potentielle proviennent de plusieurs branches d’activité (définies dans le cadre des règles de segmentation du Montant A), il sera nécessaire de subdiviser les états financiers des entités entre ces branches d’activité pour appliquer le critère de rentabilité. Cette précaution est indispensable pour empêcher que les différentes branches d’activité ne soient regroupées, ce qui pourrait avoir pour conséquence qu’une entité soit identifiée à tort comme une entité payeuse ou, au contraire, ne le soit pas alors qu’elle devrait l’être. En outre, la définition du bénéfice avant impôt retenue pour calculer la base d’imposition du Montant A exclura les produits de dividendes et les plus- et moins-values de cession sur actions et pourrait aussi exclure d’autres types de revenus. Pour assurer la symétrie entre le calcul du Montant A et l’identification des entités payeuses, il faudra que le critère de rentabilité repose sur une définition homogène du bénéfice avant impôt.
598. Le Cadre inclusif examinera de manière plus approfondie la pertinence et l’application de l’exception fondée sur la substance dans le cadre du Pilier Un afin d’apprécier si ce critère doit être modifié. Il poursuivra aussi l’examen d’autres méthodes quantitatives susceptibles d’être employées conjointement avec le critère de rentabilité décrit ci-dessus ou en remplacement de celui-ci. L’une des solutions envisagées consisterait à définir les entités payeuses comme les entités réalisant des bénéfices supérieurs à un pourcentage convenu des bénéfices d’un groupe d’EMN soit au niveau des entités, soit globalement.
7.2.4. Étape 3 : Critère du lien avec le marché
599. L’application du critère des activités et du critère de rentabilité aboutira à l’identification d’un ensemble d’entités qui, dans un groupe d’EMN ou un segment, sont susceptibles d’être des entités payeuses (en fonction des modalités de calcul de la base d’imposition du Montant A). Il pourra arriver que ces entités payeuses potentielles réalisent leurs bénéfices dans un nombre limité de juridictions auxquelles sont attribués des droits d’imposition au titre du Montant A. Ce cas peut se présenter, par exemple, si un groupe a deux branches principales dans une région pouvant prétendre à l’ensemble des bénéfices provenant de cette région. Dans ce cas de figure, on pourrait arguer que chaque entité régionale principale ne doit être redevable du Montant A que vis-à-vis des juridictions de marché d’où proviennent ses bénéfices résiduels. C’est pourquoi on pourrait appliquer un critère du lien avec le marché en vertu duquel, dans le premier cas, le Montant A dû pour une juridiction de marché donnée ouvrirait droit à un allégement par imputation sur les bénéfices d’une entité payeuse qui exerce les activités identifiées sur un marché donné au moyen du critère des activités.
600. Comme le Montant A s’appliquera à l’échelon d’un groupe ou d’un segment sans tenir compte de la rentabilité des divers sous-secteurs ou régions, cette logique pourrait aboutir à des situations dans lesquelles il est impossible d’identifier une entité payeuse satisfaisant au critère de rentabilité. Si l’on revient à l’exemple ci-dessus, il pourrait arriver qu’une entité régionale principale ne réalise pas par elle-même un montant de bénéfices suffisant pour acquitter le Montant A. Dans ce cas, les autres entités payeuses d’un groupe ou d’un segment devront payer le reste de l’impôt dû au titre du Montant A (voir Étape 4 : Allocation proportionnelle infra).
601. Tout contribuable devra déterminer, pour chaque juridiction de marché à laquelle est attribué un Montant A, laquelle (si elle existe) des entités payeuses potentielles qui ont été identifiées présente un lien suffisant pour être qualifiée d’entité payeuse pour cette juridiction de marché. Il sera possible d’établir un lien direct ou indirect entre une juridiction de marché et diverses entités d’un groupe. Par exemple, une entité peut vendre des biens ou services à des parties liées ou indépendantes résidant sur ce marché ou concéder des licences sur des biens incorporels exploités par la suite dans cette juridiction. Pour ce test, on ne peut partir du principe que tout lien entre une entité payeuse et une juridiction sera suffisant pour établir un lien dans le cadre de l’Étape 3. Il faut que ce lien concerne les activités identifiées au moyen du critère des activités.
602. Il sera assez aisé pour de nombreux groupes d’identifier les entités payeuses liées aux différents marchés. Par exemple, si dans un groupe une seule entité dispose des droits mondiaux pour l’exploitation d’actifs incorporels et reçoit des bénéfices résiduels provenant de chaque juridiction de marché, elle présentera un lien suffisant avec chaque juridiction de marché. Inversement, si un groupe a adopté un modèle de fonctionnement centralisé au niveau régional dans lequel différentes entités du groupe ont le droit d’exploiter des biens incorporels et reçoivent des bénéfices résiduels des juridictions de marché situées dans leur région, chacune de ces entités présente un lien suffisant avec les juridictions de marché de sa région (mais son lien avec les juridictions de marché des autres régions n’est pas suffisant).
603. C’est pourquoi il devrait être relativement facile dans de nombreux cas d’établir un lien suffisant entre une entité payeuse et une juridiction de marché. En effet, la plupart des groupes d’EMN ont une structure et disposent d’accords juridiques indiquant clairement les entités qui ont les droits d’exploitation relatifs à des biens incorporels précis sur un marché donné et en tirent des bénéfices résiduels. Par exemple, un contrat donnant à une entité le droit d’exploiter un bien incorporel dans une région constituerait la preuve de l’existence d’un lien entre cette entité et les juridictions de marché de cette région. De même, la concession directe d’une licence sur un bien incorporel par une entité à une juridiction de marché serait aussi la preuve d’un lien entre une entité payeuse et un marché. Ces informations seront très souvent déjà à la disposition des administrations fiscales car elles figurent dans le fichier principal d’un groupe ou ses autres documents sur les prix de transfert.
604. Pour concevoir cette règle de priorité, il importe de rappeler quelques principes de conception qui devront être pris en compte pour définir ce qui constitue un « lien suffisant » :
les transactions qui créent le lien doivent être liées aux activités identifiées au moyen du critère des activités ; par exemple, si une entité dispense certains services courants de support en sus des activités non standards de telle sorte qu’elle est qualifiée d’entité payeuse, il n’existe pas de lien suffisant entre cette entité et une juridiction de marché dans laquelle elle n’a fourni que des services de soutien standards ; de même, l’octroi de financements intra-groupe à une entité résidant dans une juridiction de marché ne serait pas suffisante pour établir un lien puisque l’exécution d’activités de financement intra-groupe n’est pas suffisante pour qualifier une entité d’entité payeuse ;
toute entité payeuse doit réaliser des bénéfices qui en dernière analyse sont liés aux ventes à des tiers situés dans une juridiction de marché donnée. Par exemple, si une entité reçoit d’un fabricant ayant la qualité de partie liée une commission pour la fourniture de services d’appui à la fabrication, cela ne sera pas suffisant pour établir un lien entre l’entité qui reçoit la commission et la juridiction dans laquelle réside ce fabricant (et qui peut aussi être une juridiction de marché).
Il ne serait pas nécessaire qu’une entité payeuse ait un lien transactionnel direct avec une juridiction de marché. Par exemple, si un paiement de redevances est effectué à partir d’une juridiction de marché vers une entité relais (qui regroupe les paiements de redevances provenant de divers marchés et les reverse ensuite au bénéficiaire ultime), il pourrait exister un lien suffisant entre la juridiction de marché et ce bénéficiaire ultime. Il en irait de même dans le cas d’une chaîne d’entités relais.
605. Le Cadre inclusif consacrera des travaux supplémentaires à la conception de ce critère et analysera les types de dispositifs et de transactions qui pourraient servir à établir un lien suffisant entre une entité payeuse et une juridiction de marché, en ayant soin de rechercher les éléments matériels au moyen desquels ces dispositifs et transactions pourraient être identifiés. Il se penchera aussi sur le cas où une juridiction de marché présente des liens suffisants avec plusieurs entités payeuses et sur l’opportunité de règles de hiérarchisation de telle sorte que l’impôt dû au titre du Montant A soit attribué en premier lieu à l’entité payeuse ayant un lien direct avec cette juridiction de marché ou, faute d’un tel lien direct, à celle dont le lien avec ladite juridiction est le plus « solide ». Dans la mesure où cette entité payeuse ne réalise pas de bénéfices suffisants13 pour supporter la totalité de la charge fiscale du Montant A, cette charge serait affectée en second lieu à l’entité qui a un lien indirect ou, en l’absence d’un tel lien, qui a le deuxième lien le plus « solide » avec la juridiction en question et ainsi de suite jusqu’à ce que la totalité du montant de l’impôt à payer ait été affectée. Inversement, le Cadre inclusif examinera aussi si, dans ce cas de figure, la solution à la fois la plus juste et la plus simple ne consisterait pas à répartir proportionnellement la charge fiscale du Montant A en question entre les entités payeuses ayant un lien suffisant avec une juridiction de marché (comme cela est exposé de manière plus détaillée dans la section 7.2.5).
606. Ces deux approches ne donneraient pas les mêmes résultats. Supposons par exemple qu’un groupe d’EMN ait adopté un modèle opérationnel dans lequel une entité régionale principale se livrant au négoce dans le Pays A peut prétendre à la majorité des bénéfices résiduels issus d’une juridiction de marché et qu’il est établi qu’elle est l’entité ayant le lien le plus fort avec ce marché mais que l’entité mère ultime dans le Pays B (qui assure quelques fonctions DEMPE pour les biens incorporels appartenant à et exploités par l’entité régionale principale) peut encore prétendre à une petite partie des bénéfices résiduels provenant de la juridiction de marché en question. Dans une approche hiérarchique, la charge du Montant A serait attribuée en premier lieu à l’entité régionale principale et ensuite seulement à l’entité mère si cette entité régionale principale ne dispose pas de profits suffisants pour payer la totalité de l’impôt dû au titre du Montant A. En revanche, dans une approche proportionnelle, la charge du Montant A serait simplement répartie entre l’entité régionale principale et l’entité mère au moyen d’une formule dans l’hypothèse où toutes deux ont un lien suffisant avec la juridiction de marché concernée.
607. Certains membres du Cadre inclusif pensent que le calcul du Montant A à l’échelon mondial s’accorde mal avec le paiement de l’impôt sur les bénéfices attribués à une juridiction de marché par les entités ayant un lien avec le marché. Ces membres sont partisans de supprimer le critère du lien avec le marché et de répartir proportionnellement la charge du Montant A entre les entités identifiées lors des Étapes 1 et 2 selon les modalités décrites dans l’Étape 4. Ils trouvent que, dans la mesure où la possibilité que les bénéfices d’une entité régionale principale soient attribués à des marchés avec lesquels cette entité n’est pas liée par des transactions suscite des inquiétudes, cette préoccupation devrait être prise en considération dans les débats sur la segmentation régionale, ce qui revient à dire qu’il faut se demander si le Montant A devrait faire l’objet d’une segmentation régionale dans certains cas.
7.2.5. Étape 4 : Répartition proportionnelle
608. Puisque les entités payeuses seront uniquement celles qui dégageant une rentabilité supérieure à la rentabilité standard telle qu’elle est définie dans le critère de rentabilité de l’Étape 2, on peut soutenir que, une fois que le mécanisme d’élimination de la double imposition a été appliqué, une juridiction de résidence devrait conserver au minimum les droits d’imposition sur cette partie des bénéfices standards. Ce raisonnement est conforme à la logique de l’inclusion d’un seuil de rentabilité dans la formule du Montant A. C’est pourquoi une entité payeuse sera réputée ne pas avoir de bénéfices suffisants pour supporter une charge fiscale supplémentaire en vertu du Montant A une fois que les droits d’imposition de la juridiction de résidence ont été ramenés aux bénéfices standards tels qu’ils sont définis dans le critère de rentabilité.
609. Il existe un risque que dans certaines circonstances les entités payeuses présentant un lien suffisant avec une juridiction de marché (tel qu’il ressort du critère du lien avec le marché) ne disposent pas de bénéfices suffisants pour prendre à leur charge la totalité de l’impôt dû pour le Montant A. Cette possibilité ne préjuge pas non plus des cas (tels que ceux qui sont décrits dans l’exemple ci-dessus) où il peut être impossible d’identifier un lien entre une quelconque entité payeuse et une juridiction de marché. Pour s’assurer que le Montant A n’aboutisse pas à une double imposition, si les entités payeuses liées à un marché n’ont pas de bénéfices suffisants pour assumer l’intégralité de la charge fiscale correspondant au Montant A, il faut à tout le moins, à titre de sécurité, que tout montant d’impôt dû soit réparti entre toutes les autres entités payeuses potentielles d’un segment donnée.
610. Cette étape pourrait aussi être conçue de telle manière que la juridiction de résidence conserve des droits d’imposition sur une partie des bénéfices résiduels d’une entité résidente. Ce résultat pourrait être obtenu au moyen de cette étape, par exemple si l’on présume qu’une entité payeuse n’a pas de bénéfices suffisants pour s’acquitter de l’impôt dû au titre du Montant A une fois que x % de ses bénéfices résiduels (définis par l’application de l’Étape 2) ont été attribués aux juridictions de marché dans le cadre du Montant A.
611. Quelle que soit celle de ces deux approches qui est retenue, la répartition sera effectuée proportionnellement sur la base d’une formule. Cette formule reposera sur la partie du bénéfice avant impôt qui excède le bénéfice standard (tel qu’il est défini dans le critère de rentabilité) et/ou la rentabilité de l’entité (c’est-à-dire le ratio bénéfice avant impôt/chiffre d’affaires). Les deux approches seraient conçues de telle sorte que la répartition entre les entités payeuses de l’impôt dû au titre du Montant A garantisse au minimum que les juridictions de résidence concernées conservent leurs droits d’imposition sur les bénéfices réalisés par toute entité payeuse qui sont imputables à ses activités standards. Là encore, une entité payeuse sera réputée n’avoir pas de bénéfices suffisants pour supporter une charge fiscale supplémentaire en vertu du Montant A une fois que les droits d’imposition de la juridiction de résidence ont été ramenés aux bénéfices standards. Si le critère du lien avec le marché n’était pas adopté à cause des contradictions perçues avec le périmètre mondial du Montant A, cette répartition proportionnelle pourrait être la seule méthode de répartition d’une charge fiscale résultant du Montant A entre plusieurs entités payeuses.
612. On peut illustrer cette approche proportionnelle basée sur une formule (y compris l’application du critère du lien avec le marché) par deux exemples simples. Supposons tout d’abord que deux entités payeuses soient identifiées pour une juridiction de marché lors de l’Étape 3, qu’elles aient des liens aussi forts l’une que l’autre avec le marché en question et qu’après qu’un bénéfice standard (calculé selon le critère de rentabilité) a été attribué à chaque entité, ces entités dégagent des bénéfices résiduels respectifs de 60 et 40. La première entité paiera 60 % de l’impôt dû à la juridiction en question au titre du Montant A, et la seconde, les 40 % restants. Supposons ensuite qu’une seule entité payeuse soit identifiée lors de l’Étape 3 pour une juridiction de marché donnée mais que, après qu’un bénéfice standard (déterminé sur la base du critère de rentabilité de l’Étape 2) a été attribué à cette entité, les bénéfices de cette dernière sont insuffisants pour acquitter la totalité de l’impôt dû à la juridiction de marché en question au titre du Montant A. Dans ce scénario, l’entité payeuse identifiée à l’Étape 3 aurait à sa charge la partie de l’impôt dû au titre du Montant A qui réduirait les droits d’imposition de la juridiction dans laquelle elle réside de telle sorte qu’ils soient ramenés aux bénéfices standard imputables à cette entité. Le solde de l’impôt à payer pour le Montant A serait ensuite réparti proportionnellement entre les autres entités payeuses faisant partie du groupe ou du secteur concerné et pour lesquelles l’Étape 3 n’a pas mis en évidence de lien avec le marché.
613. D’autres règles alternatives ou supplémentaires peuvent être envisagées pour offrir un filet de sécurité, mais les avis des membres du Cadre inclusif à ce sujet divergent. Une approche veut que, dans le cas où il n’est pas possible d’identifier une entité payeuse liée à un marché et ayant des bénéfices suffisants pour payer la totalité de l’impôt dû pour le Montant A, le Montant A attribué à une juridiction de marché pourrait être réduit, voire supprimé purement et simplement. D’autres membres considèrent néanmoins que du point de vue conceptuel cette solution ne serait pas compatible avec les règles du Montant A sur le lien et l’répartition des bénéfices, lesquelles s’appliqueraient parallèlement aux règles existantes et sur un pied d’égalité avec celles-ci. Ces membres font en outre valoir que cette approche soumettrait l’Étape 3 à une pression sensiblement accrue et dont on peut prévoir qu’elle alimentera davantage la controverse sur l’application de cette étape. On pourrait aussi envisager, à titre d’alternative, que dans ce scénario l’impôt dû au titre du Montant A donne droit à un allégement par imputation sur les bénéfices standards qui habituellement restent imposables dans la juridiction de résidence, ou que cet impôt soit reporté en avant et ne soit exigible dans une juridiction de marché qu’au cours d’exercices ultérieurs une fois que l’entité payeuse liée à un marché réalise des bénéfices suffisants pour supporter la charge de cet impôt. Les auteurs sont néanmoins conscients que cette solution exacerberait les contradictions que certains membres perçoivent entre le critère du lien avec le marché et le calcul du Montant A au niveau mondial tel qu’il y est fait référence au paragraphe 607. Une autre possibilité consisterait à désigner une ou plusieurs entités d’un groupe comme entité(s) payeuse(s) en dernier ressort. Ce pourrait être par exemple l’entité mère ultime ou une entité dont on détermine en vertu de la Proposition globale de lutte contre l’érosion de la base d’imposition (GloBE) qu’elle est imposée à un taux inférieur au taux minimum convenu. Cette approche pourrait aussi servir à identifier une entité payeuse dans le cas peu probable où aucune entité payeuse potentielle n’a été identifiée après l’application des Étapes 1 et 2 (décrites plus haut). À défaut, on pourrait se pencher sur la conception des étapes précédant l’allocation proportionnelle qui garantissent que les entités identifiées disposent toujours de bénéfices suffisants pour acquitter l’impôt dû au titre du Montant A. Si l’on parvenait à définir une telle procédure, la nécessité de prévoir des règles offrant un filet de sécurité disparaîtrait.
7.2.6. Questions diverses
614. Des discussions sont en cours au sein du Cadre inclusif à propos de divers autres sujets, en particulier les ajustements de prix de transfert et les pertes au niveau des entités. Ces discussions sont le reflet de plusieurs difficultés soulevées par l’intégration du droit d’imposition créé en vertu du Montant A dans le système fiscal existant.
Ajustements des prix de transfert
615. Les administrations fiscales peuvent ajuster leurs prix de transfert de manière à accroître les bénéfices attribués à une entité pour qu’ils correspondent à ceux qu’elle aurait réalisés dans des conditions de pleine concurrence. Il faut le plus souvent trois à cinq ans aux administrations fiscales pour corriger des prix de transfert parce que cela exige des contrôles poussés. Quand une administration fiscale procède à un ajustement de prix de transfert, le contribuable peut demander dans le cadre d’une procédure amiable qu’un ajustement corrélatif soit effectué de manière à réduire les bénéfices imposables de l’entité qui est la contrepartie dans une autre juridiction. La procédure amiable aussi peut durer des années. Il peut donc arriver que les bénéfices d’une entité payeuse soient réduits suite à un ajustement corrélatif. Cette entité peut ainsi voir réduite sa capacité de supporter la charge de l’impôt afférent au Montant A (telle que déterminée dans les Étapes 3 ou 4) voire, dans certains cas extrêmes, ne plus remplir les conditions requises pour être considérée comme une entité payeuse 14. Les contrôles des prix de transfert peuvent aussi aboutir à une réévaluation du profil des fonctions, actifs et risques d’une entité, de sa qualification aux fins des prix de transfert et de la méthode de calcul des prix de transfert employée pour déterminer ses bénéfices selon le principe de pleine concurrence, ce qui peut amener à reconsidérer si une entité a été identifiée correctement (ou non) comme entité payeuse.
616. Il arrivera souvent que la diminution des bénéfices d’une entité résultant d’un ajustement corrélatif soit faible en termes relatifs, si bien qu’il ne sera pas nécessaire de tenir compte de ces ajustements pour le Montant A. En outre, dans le cadre du processus de sécurité juridique en matière fiscale relatif au Montant A, le Cadre inclusif réfléchit à la manière dont les procédures de conformité existantes pourraient être employées de sorte à réduire la probabilité d’ajustements de prix de transfert ayant une incidence notable sur l’identification de l’entité payeuse (voir le chapitre 9). Cependant, si ces ajustements sont significatifs, le mécanisme d’élimination de la double imposition prévu pour le Montant A en tiendra compte. Apporter des corrections a posteriori pour éliminer la double imposition résultant du Montant A serait extrêmement lourd parce que cela impliquerait de réenclencher le mécanisme de sécurité juridique précoce et de réévaluer l’application du Montant A. Il pourrait néanmoins être possible d’effectuer des ajustements prospectifs, par exemple en ajustant le montant de l’impôt futur dû par une entité payeuse au titre du Montant A en se fondant sur une correction des prix de transfert d’un exercice antérieur. À défaut, il pourrait être possible dans certains cas de s’interroger sur l’opportunité de prendre en compte la répartition de la charge fiscale du Montant A dans le cadre d’une procédure amiable dans le cas où, par exemple, un ajustement de prix de transfert aboutit à un transfert de bénéfices entre deux entités payeuses. Le Cadre inclusif lancera des travaux supplémentaires pour concevoir un tel mécanisme incluant la définition de ce qui constitue un ajustement « significatif » (laquelle peut prendre la forme d’un seuil d’importance relative ou d’un montant en valeur absolue – par exemple, un ajustement peut être « significatif » dès lors qu’il dépasse x % des bénéfices d’une entité ou X millions EUR. Ces travaux porteront aussi sur les modalités de prise en compte des ajustements de prix de transfert dans le cas où des modifications sont apportées aux comptes fiscaux d’une entité mais non à ses états financiers.
Régime de report en avant des pertes au niveau d’une entité
617. Les règles de calcul de la base d’imposition pour le Montant A incorporeront des règles sur le report en avant des pertes qui seront distinctes des régimes nationaux de report en avant des pertes actuellement en vigueur. Ce mécanisme de report en avant des pertes au niveau d’un groupe devrait faire en sorte que la plupart des contribuables continuent de bénéficier des régimes nationaux de report en avant des pertes au niveau des entités. Il peut néanmoins arriver qu’un groupe soit tenu d’attribuer des bénéfices à des juridictions de marché dans le cadre du Montant A alors même que certaines entités de ce groupe disposent de reports de pertes en avant en vertu des règles nationales. Ce cas peut se présenter si le régime national d’une juridiction sur les reports en avant de pertes autorise la passation en charges accélérée des dotations aux amortissements ou encore, tout simplement, si des entités principales faisant partie d’un groupe sont déficitaires alors qu’elles sont bénéficiaires au niveau consolidé.
618. Pour régler ce problème, on pourrait soutenir que les régimes nationaux de report en avant des pertes devraient être pris en considération lors de la détermination des entités payeuses pour le Montant A. Cela implique de modifier les Étapes 3 et 4 de telle sorte qu’une entité soit réputée avoir des bénéfices trop faibles pour payer des impôts au titre du Montant A si elle peut se prévaloir de reports de pertes en avant en vertu des règles nationales. Ce procédé couperait court au risque qu’une entité soit imposable au titre du Montant A alors même qu’elle ne paie pas d’impôt dans la juridiction où elle réside en raison de reports en avant de pertes dans cette juridiction. Un tel résultat pourrait paraître inéquitable parce qu’il reviendrait à donner aux juridictions de marché des droits d’imposition sur une entité qui sont prioritaires sur ceux des juridictions de résidence. Il entraînerait aussi une réduction de la valeur des reports de pertes en avant d’un groupe d’EMN, ce qui pourrait le dissuader d’investir.
619. Cependant, l’élaboration de règles portant spécifiquement sur les pertes au niveau d’une entité soulèverait aussi des problèmes d’équité si elle avait pour effet de faire supporter à une entité payeuse située dans une juridiction la totalité du Montant A dû par un groupe du simple fait qu’une entité payeuse située dans une autre juridiction a un gros stock de reports de perte en avant, en particulier si la différence est imputable aux différences entre les règles des deux juridictions concernées sur les reports en avant de pertes. En outre, de telles règles créeraient des risques de manipulation. Ces derniers sont dus au fait que dans bien des cas les groupes d’EMN peuvent faire apparaître artificiellement des pertes reportables en avant au niveau d’une entité. C’est pourquoi, si les pertes au niveau d’une entité devaient être prises en considération lors de l’identification de l’entité payeuse, il pourrait être nécessaire de concevoir des mécanismes de protection supplémentaires pour parer à ce risque de manipulation, ce qui serait une source de complexité supplémentaire tant pour les contribuables que pour les administrations fiscales. Le Cadre inclusif poursuit ses travaux sur cette question.
620. La deuxième composante du mécanisme d’élimination de la double imposition concerne les méthodes employées pour supprimer la double imposition. L’application de cette méthode (ou de ces méthodes) évitera qu’une entité payeuse soit imposée deux fois sur les mêmes bénéfices dans des juridictions différentes, à savoir une fois en vertu des règles d’répartition des bénéfices et une fois en vertu du Montant A. L’identification des entités payeuses au titre de la Composante 1 est conçue de telle sorte que les entités réalisant des bénéfices résiduels au regard des règles existantes soient désignées comme entités payeuses. Il s’ensuit que la double imposition qui en résultera est de nature juridique (deux juridictions imposent une même personne au titre du même revenu). Ces entités payeuses peuvent être imposées sur les bénéfices pris en compte dans le Montant A tant par leur juridiction de résidence dans le cadre des règles fiscales existantes que dans la juridiction de marché à laquelle un nouveau droit d’imposition est reconnu en vertu du Montant A. Il y a donc lieu de croire que l’emploi des méthodes de l’exemption ou de l’imputation serait approprié. Si la double imposition était de nature économique (c’est-à-dire que deux personnes seraient imposées sur un même revenu économique), la méthode de réattribution employée conformément aux règles sur les prix de transfert (qui se traduit par des ajustements en conséquence) conviendrait vraisemblablement mieux.
621. Aujourd’hui, les juridictions ont le choix entre deux grandes méthodes pour éliminer la double imposition juridique internationale : (i) la méthode de l’exemption (dont on trouve une version dans l’Article 23 A des Modèles de conventions fiscales de l’OCDE et des Nations Unies) : et (ii) la méthode de l’imputation (Article 23 B des Modèles de Conventions fiscales de l’OCDE et des Nations Unies).
622. Les méthodes de l’exemption et de l’imputation ne se résument pas à deux mécanismes différents pour parvenir au même résultat. Dans la méthode de l’imputation, la juridiction de résidence conserve des droits d’imposition secondaires sur les bénéfices d’une entité payeuse si ceux-ci sont imposés dans les juridictions de marché à un taux inférieur à celui qui est en vigueur dans le pays de résidence. Tandis que, dans la méthode de l’exemption, la juridiction de résidence ne conserve pas de droit d’imposition secondaire sur les bénéfices d’une entité payeuse puisque ces derniers sont soit exonérés, soit retranchés de la base d’imposition. Cependant, comme cela est indiqué plus loin, l’analyse économique initiale du Pilier Un estime le taux d’imposition moyen dans les juridictions de marché à 26 % (à cette réserve près que les taux peuvent changer avec le temps), si bien que seules les juridictions pratiquant des taux d’imposition assez élevés auraient des droits d’imposition secondaires significatifs. Le Rapport sur le Blueprint envisage qu’une juridiction ait le choix entre les méthodes de l’exemption et de l’imputation pour alléger la double imposition résultant du Montant A. Si les deux méthodes donnent le même résultat ou un résultat peu différent, les juridictions membres opteront vraisemblablement pour la plus simple.
623. Ce chapitre montre comment ces deux méthodes pourraient être utilisées pour éliminer la double imposition résultant du Montant A. À défaut, une « méthode de réattribution » pourrait être envisagée dans le cas où un groupe possède une filiale locale dans une juridiction de marché. Dans cette approche, on supposerait que le bénéfice attribué à une juridiction de marché dans le cadre du Montant A est né dans la filiale locale et une révision à la hausse de ses bénéfices serait effectuée pour la détermination de l’impôt, si bien que cette filiale locale serait redevable du Montant A. La double imposition serait éliminée en accordant une déduction ou en révisant à la baisse les bénéfices de l’entité ouvrant droit à l’allégement. Ce transfert présumé de bénéfices entre ces deux entités dans le cadre du Montant A serait similaire au mécanisme d’allégement de la double imposition économique prévu par l’Article 9(2). Il donnerait le même résultat que la méthode de l’exemption pour la juridiction accordant l’allégement. Cependant, il serait difficile de justifier que l’entité locale soit imposée sur des bénéfices relevant du Montant A si elle ne détient pas ces bénéfices. C’est pourquoi il est probable que, pour des raisons tant juridiques que comptables, l’EMN désirera procéder à un ajustement secondaire pour faire en sorte que les bénéfices ressortissant au Montant A soient réellement transférés à l’entité locale tant juridiquement que comptablement de manière à éviter une discordance avec les comptes fiscaux. Ce transfert comptable, qui pourrait prendre la forme d’un prêt ou d’un apport de fonds propres, et les transactions ultérieures ayant pour but de rapatrier les bénéfices concernés pourraient avoir des répercussions fiscales (par exemple sous la forme d’une retenue à la source) qui seraient considérées comme indésirables. Si le groupe d’EMN n’a pas de filiale locale dans la juridiction de marché, la juridiction accordant l’allégement n’en serait pas moins obligée d’accorder soit un crédit d’impôt, soit une exemption au titre de l’impôt afférent au Montant A dans cette juridiction. Au demeurant, il peut être délicat d’adapter une méthode de réattribution (sous peine de perdre une grande partie des avantages qui en résultent) au schéma d’administration centralisé et simplifié qui est décrit dans le Chapitre 9 . C’est pourquoi la méthode de réattribution ne semble pas appropriée pour éliminer la double imposition au vu de l’architecture actuelle du Montant A et de la Composante 1. Il se peut néanmoins qu’à mesure que les travaux avancent de nouvelles caractéristiques se fassent jour de telle sorte que l’emploi de cette méthode paraisse avantageux et il n’est donc pas exclu que celle-ci soit réexaminée lorsque la nécessité s’en ferait sentir.
7.3.1. Méthode de l’exemption
624. Dans la méthode de l’exemption, il suffit à une entité payeuse de ne pas soumettre à l’impôt la partie de ses bénéfices qui a été attribuée à des juridictions de marché en vertu du Montant A.
625. Il s’ensuit que la méthode de l’exemption serait un moyen efficace de supprimer la double imposition résultant du Montant A et qu’elle serait relativement simple à appliquer. En effet, une juridiction de résidence n’aurait pas à déterminer le taux auquel les bénéfices attribués au titre du Montant A ont été imposés et il lui suffirait d’identifier le pourcentage des bénéfices de l’entité payeuse concernée qui ont été réattribués dans le cadre du Montant A.
626. Si la méthode de l’exemption a le mérite de la simplicité dans certains cas, il convient de prendre en considération un ensemble de préoccupations plus vaste pour choisir la méthode à appliquer, en particulier l’absence de droits d’imposition secondaires15 et la possibilité que le montant total des impôts dû par un contribuable dans le cadre du Montant A soit plus faible si l’on opte pour la méthode de l’exemption(voir plus loin). Des recherches techniques supplémentaires seront réalisées pour dresser l’inventaire des avantages et des inconvénients de ces deux méthodes.
7.3.2. Méthode de l’imputation
627. Bien que la méthode de l’imputation soit plus complexe que celle de l’exemption, elle peut avoir la préférence de certaines juridictions pour alléger la double imposition résultant du Montant A.
628. Dans la méthode de l’imputation, l’impôt prélevé dans les juridictions de marché en vertu du Montant A donnerait droit à un crédit d’impôt à l’entité payeuse (ou aux entités payeuses). Ce crédit serait plafonné au niveau le plus faible entre l’impôt prélevé dans la juridiction de marché et l’impôt qui aurait été payé sur les bénéfices attribués à la juridiction accordant l’allégement dans le cadre du Montant A. Les motifs amenant une juridiction à opter pour la méthode de l’imputation sont décrits ci-dessous.
Approche par juridiction ou approche agrégée
629. Le Rapport sur le Blueprint envisage que la méthode de l’imputation puisse être appliquée soit juridiction par juridiction, soit dans le cadre d’une approche agrégée. Dans l’approche par juridiction, le plafond du crédit d’impôt est déterminé en comparant l’impôt qui aurait été payé dans la juridiction accordant l’allégement avec celui qui est appliqué au Montant A dans chaque juridiction de marché considérée séparément. Dans l’approche agrégée, le plafond du crédit d’impôt est déterminé en comparant l’impôt qui aurait été payé dans la juridiction accordant l’allégement avec celui qui est appliqué au total de l’impôt dû au titre du Montant A affecté à chaque entité payeuse. L’approche agrégée permettrait que l’impôt prélevé au titre du Montant A dans les marchés à faible imposition soit agrégé avec celui payé dans les marchés à forte imposition (cette approche pourrait être appelée « plafond agrégé »). Les juridictions appliquant un plafond agrégé accorderont généralement un allégement pour compenser la double imposition qui sera plus généreux que celles qui recourent à un plafond par juridiction. En fin de compte, l’effet d’un plafond agrégé pourrait ne pas être très différent de celui de la méthode de l’exemption si l’impôt qui aurait été payé dans la juridiction accordant l’allégement est inférieur au taux d’imposition moyen pondéré appliqué dans les juridictions de marché au titre du Montant A.
630. On pourrait soutenir que la manière dont fonctionne le plafond agrégé reflète mieux le caractère multilatéral du Montant A même s’il convient de remarquer que le critère du lien avec le marché devrait faciliter l’application d’un plafond par juridiction. Pour appliquer la méthode de l’imputation par juridiction, il sera indispensable d’identifier en premier lieu les juridictions de marché où une entité payeuse est imposable au titre du Montant A. Cette tâche pourra être accomplie si un lien est établi au moyen du critère du lien avec le marché entre une juridiction de marché donnée et une entité payeuse. Dans ce cas de figure, il serait possible d’appliquer le plafond pays par pays.
631. Si l’impôt dû dans une juridiction de marché en vertu du Montant A est simplement réparti proportionnellement entre les entités payeuses, le plafond par juridiction sera appliqué en se référant pour chaque pays au montant attribué à chaque entité payeuse.
Droit d’imposition secondaire
632. L’un des principaux avantages de la méthode de l’imputation pour les juridictions accordant un allégement est que l’État de résidence conserve un droit d’imposition secondaire. Cependant, comme on l’a vu plus haut, la valeur de ce droit devrait être assez limitée parce qu’on peut s’attendre à ce que le taux moyen appliqué au Montant A soit relativement élevé. Quelques études préliminaires ont été menées pour valider cette position en calculant le taux moyen de l’impôt sur les sociétés dans les juridictions de marché. Il ressort de ces études que le taux moyen de l’IS dans les juridictions de marché calculé sur la base des données disponibles serait actuellement de 26 % pour les activités ADS, et de 26.3 % pour les activités CFB. Dans un tel scénario et sachant que les taux d’imposition sont sujets à modifications, une juridiction dont l’IS est inférieur à 26 % ne collectera aucun impôt supplémentaire au titre de son droit d’imposition secondaire sur le Montant A si la méthode de l’imputation soumis à un plafond agrégé est employée.16 Si la méthode de l’imputation avec plafonnement par pays est employée, les juridictions accordant un allégement et dont les taux d’imposition sont bas pourront collecter un supplément d’impôts.
Résultat pour l’EMN
633. Un autre argument en faveur de la méthode de l’imputation plutôt que de celle de l’exemption est que cette dernière pourrait valoir à un contribuable de se retrouver dans une position plus favorable qu’auparavant si les bénéfices attribués à une juridiction de marché étaient imposés à un taux inférieur dans cette juridiction de marché. Dans la méthode de l’exemption, les droits d’imposition sur les bénéfices résiduels sont transférés des juridictions accordant des allégements aux juridictions de marché. Si les taux d’imposition dans les juridictions accordant des allégements sont plus élevés que dans les juridictions de marché, il pourra arriver que globalement un groupe d’EMN paie dans le cadre du Montant A moins d’impôt selon la méthode de l’exemption qu’il n’en paierait en application des règles existantes. Cependant, l’analyse économique initiale sur les taux d’imposition moyens à laquelle il est fait référence ci-dessus tendrait à prouver que ce risque ne devrait pas être significatif. Au demeurant, comme la finalité du Montant A est de transférer des droits d’imposition aux juridictions de marché et comme certaines juridictions ne considèrent pas que ce transfert est conditionné par le niveau d’imposition dans les juridictions de marché, le fait qu’il aboutisse à une réduction d’impôt dans certains cas n’est pas nécessairement une mauvaise chose.
Disparités entre les règles de source
634. Un autre aspect de la méthode de l’imputation à prendre en considération est que les régimes de crédit d’impôt étranger applicables dans les différents pays incluent généralement des règles de détermination de la source qui peuvent avoir pour effet qu’une partie du revenu qui a été imposé dans le pays de la source soit considérée comme un revenu de source locale dans le pays de résidence. Il peut en résulter une double imposition pour laquelle aucun allégement n’est accordé.
635. Le Montant A fera l’objet d’un accord multilatéral dans le cadre d’un système unique en même temps que la répartition du Montant A aux juridictions de marché et que le Montant A qui doit donner lieu à un allégement par chaque juridiction accordant un allégement. Comme le Montant A est multilatéral par nature, il ne devrait y avoir aucune place pour des disparités entre les législations et règles de source nationales qui puissent aboutir à une double imposition ne donnant pas lieu à un allégement au titre du Montant A.
Informations requises
636. Il ne faut pas non plus négliger le fait que, si l’on recourt à la méthode de l’imputation pour compenser la double imposition dans le cadre du Montant A, la juridiction accordant l’allégement de la double imposition relative au traitement fiscal du Montant A dans la juridiction de marché aura besoin de plus d’informations (par exemple le taux applicable dans la juridiction de marché) que dans la méthode de l’exemption.
7.3.3. Faciliter l’utilisation des deux méthodes
637. Permettre aux juridictions de choisir la méthode de leur choix pour alléger la double imposition créerait une source de complexité supplémentaire.
638. S’il est permis aux juridictions de choisir la méthode d’allégement, la méthode d’élimination de la double imposition adoptée par la juridiction dans laquelle réside une entité payeuse s’appliquera une fois que les entités payeuses d’un groupe d’EMN auront été identifiées (selon la procédure décrite dans la Composante 1). Par conséquent, si un groupe identifie deux entités payeuses – la première résidant dans une juridiction qui applique la méthode de l’exemption et la seconde dans une juridiction qui applique celle de l’imputation – dans la première juridiction, les bénéfices de l’entité payeuse seront exonérés d’impôt. Mais la seconde juridiction imposera ces bénéfices en accordant un crédit d’impôt à concurrence de l’impôt payé dans les juridictions de marché éligibles.
639. En général, comme les EMN appliquent un grand nombre de méthodes de crédit d’impôt et d’exemption dans leurs déclarations fiscales et quoique la possibilité existe qu’un groupe d’EMN ait à appliquer deux méthodes, avec à la clef une complexité supplémentaire, cette complexité serait très limitée. Aucune entité payeuse ne serait tenue d’appliquer plusieurs méthodes d’allégement au titre du Montant A puisque chaque juridiction serait obligée de choisir une seule méthode.
640. On notera que si une EMN considère qu’une méthode donne des résultats plus favorables, il peut exister un risque qu’elle tente de manipuler l’application de la Composante 1 de telle sorte que soient identifiées les entités payeuses situées dans des juridictions employant cette méthode. Il n’est cependant pas prévu que les règles décrites dans la Composante 1 se prêtent à des manipulations, d’autant qu’elles seront soumises au processus de certitude juridique en matière fiscale, ce qui devrait contribuer à dissiper cette crainte. Cette question fera néanmoins l’objet de recherches plus approfondies.
7.3.4. Conclusion sur le choix d’une méthode
641. Il se peut qu’en définitive les approches de l’exemption et de l’imputation donnent des résultats similaires. Plusieurs juridictions ont néanmoins une nette préférence pour une méthode plutôt que pour l’autre et l’on s’attend donc à ce que qu’elles aient la possibilité de choisir entre les méthodes de l’exemption et du crédit d’impôt pour éliminer la double imposition dans le cadre du Montant A.
7.3.5. Autres questions d’ordre technique
642. Plusieurs questions techniques nécessitent encore des recherches :
Lien entre le Pilier Deux et l’application de la méthode de l’exemption. Des études supplémentaires doivent être entreprises pour savoir quel pourrait être l’effet du Pilier Deux sur un groupe d’EMN dans le cas où la méthode de l’exemption est employée pour éliminer la double imposition sur le Montant A.
Lien entre les méthodes d’allégement et la législation nationale existante. Il convient aussi d’examiner les liens entre les méthodes d’allégement et les règles nationales qui régissent actuellement l’allégement de la double imposition.
Lien entre la méthode d’allégement, le système d’administration centralisé et simplifié et le processus de certitude juridique en matière fiscale prévu pour le Montant A. Des travaux supplémentaires seront consacrés à l’examen de l’application de chaque méthode d’allégement dans le contexte des autres flux de travail tels que le système d’administration centralisé et simplifié et le processus de certitude juridique en matière fiscale pour le Montant A qui sont abordés dans les Chapitres 9 et 10.
Lien entre le Montant A et certaines retenues à la source prélevées par les juridictions de marché. Comme on l’a vu dans le chapitre 6 (voir la section 6.4), des études supplémentaires porteront sur les liens entre le Montant A et son mécanisme d’allégement de la double imposition et les retenues à la source au moyen desquelles les juridictions de marché peuvent déjà imposer une partie des bénéfices résiduels ainsi que sur les moyens permettant de remédier à toute double comptabilisation.
643. Le régime de protection pour les bénéfices issus d’activités de commercialisation et de distribution ajusterait (et dans certains cas ramènerait à zéro) le calcul du Montant A attribué aux juridictions de marché dans le cas où un groupe d’EMN a une présence dans les activités de commercialisation et de distribution. On peut donc être amené à se demander si un groupe d’EMN pourrait choisir d’ajuster ses prix de transfert pour accéder au régime de protection et se servir de son système de fixation des prix de transfert comme d’un moyen détourné pour éliminer la double imposition.
644. Pour répondre à cette question, il importe d’insister sur le fait que le régime de protection pour les bénéfices issus d’activités de commercialisation et de distribution n’est pas un moyen alternatif d’attribuer le Montant A à une juridiction de marché, mais plutôt une méthode permettant d’apprécier si l’attribution du Montant A à une juridiction de marché risquerait d’entraîner une double comptabilisation. Par conséquent, si un groupe d’EMN attribue déjà les bénéfices couverts par le régime de protection à une juridiction de marché en vertu des règles de répartition des bénéfices existantes, il pourrait arriver qu’aucun Montant A ne soit attribué, et donc qu’il ne soit pas nécessaire d’appliquer le mécanisme d’élimination de la double imposition.
645. Comme la règle d’répartition des bénéfices selon le principe de pleine concurrence est fondée sur des principes, le régime de protection laisse une certaine latitude aux groupes d’EMN pour majorer les bénéfices qu’ils attribuent à une juridiction de marché et minorer corrélativement (voire éliminer purement et simplement) la charge fiscale correspondant au Montant A. Mais le régime de protection n’autorise pas un groupe à se servir des prix de transfert pour attribuer des bénéfices à un marché au-delà du montant correspondant aux conditions de pleine concurrence. Si le rendement du régime de protection n’est pas atteint dans une juridiction de marché, le contribuable sera obligé d’appliquer le mécanisme d’élimination de la double imposition du Montant A pour identifier les entités payeuses et alléger la double imposition. Par exemple, si un groupe d’EMN a adopté une structure de distribution faisant appel à des entités à faibles risques, il peut être impossible d’augmenter les bénéfices de ces entités de telle sorte que le Montant A soit réparti au moyen des mécanismes de fixation des prix de transfert parce que la qualification des entités et la méthode de détermination des prix de transfert ne permettraient pas d’attribuer les bénéfices non standard à une entité de distribution à faible risque.
646. On notera aussi que si un groupe d’EMN remplit les critères d’un régime de protection pour les bénéfices issus d’activités de commercialisation et de distribution dans une juridiction de marché donnée, cela ne devrait pas empêcher qu’une entité résidant dans cette juridiction soit considérée comme une entité payeuse vis-à-vis d’autres juridictions. Quoique, à première vue, l’impossibilité d’attribuer le Montant A dans ce cas de figure semble pénaliser une juridiction, ce n’est pas le cas en réalité.
647. Pour la Composante 1, à savoir la procédure de détermination des entités payeuses, le Cadre inclusif devra prendre une décision définitive sur l’architecture des critères décrits plus haut. Il faudra donc parvenir à un accord sur les éléments de ces critères et l’ordre de priorité et la conception de leurs diverses composantes. Des travaux supplémentaires porteront en outre sur des aspects spécifiques de la Composante 1 :
les activités incluses dans les listes positive et négative ;
les aspects pratiques de la mise en œuvre du critère du lien avec le marché ; et
la prise en compte des autres options de répartition pour le reliquat de toute charge fiscale résultant du Montant A qui n’a pas été attribué à l’issue du processus.
648. Pour la Composante 2, à savoir la méthode pour éliminer la double imposition résultant de l’application du Montant A, des recherches supplémentaires devront être entreprises pour rédiger à l’intention des juridictions des lignes directrices sur la sélection et l’application de chaque méthode, en particulier pour :
analyser le lien entre l’application des méthodes d’allégement de l’impôt dû au titre du Montant A et le Pilier Deux ;
prendre en considération le lien entre les méthodes d’allégement de la double imposition et les dispositions existantes en droit interne ;
rendre en considération les liens entre le Montant A et certaines retenues à la source prélevées par les juridictions de marché ; et
examiner l’application de chacune des méthodes avec d’autres flux de travail, notamment le système d’administration centralisé et simplifié et la procédure de certitude juridique en matière fiscale.
Notes
← 1. En vertu du régime de protection pour les bénéfices issus d’activités de commercialisation et de distribution, un groupe d’EMN ne serait pas tenu d’attribuer le Montant A aux juridictions de marché si cela a pour effet de reproduire les droits d’imposition existants d’une juridiction sur les bénéfices résiduels du groupe. Dans ce scénario, aucun Montant A ne serait attribué, de sorte que le mécanisme visant à éliminer la double imposition résultant du Montant A ne s’appliquerait pas. Au lieu de quoi un groupe d’EMN remplissant les conditions requises pour bénéficier du régime de protection vis-à-vis d’une juridiction de marché en particulier demeurerait soumis aux règles actuelles d’répartition des bénéfices et du lien.
← 2. Les « entités payeuses » sont les entités qui supporteront la charge fiscale relative au Montant A, si bien que les juridictions dans lesquelles elles résident devront accorder des allégements pour éliminer la double imposition résultant du Montant A. Ces entités ne seront pas nécessairement tenues de payer matériellement l’impôt dû au titre du Montant A dans chaque juridiction de marché, dans la mesure où le système d’administration simplifié peut autoriser une seule entité faisant partie d’un groupe à acquitter (en qualité d’agent) l’impôt dû au titre du Montant A dans chaque juridiction de marché (voir le chapitre 10).
← 3. Au niveau d’un groupe ou d’une branche d’activité, le terme « bénéfice résiduel » signifie aux fins du Montant A un bénéfice excédant un seuil de rentabilité prédéfini (voir plus haut le chapitre 6). X Cette conception du bénéfice résiduel n’est pas la même que celle retenue dans les règles de détermination des prix de transfert, pour lesquelles celui-ci désigne le bénéfice (ou la perte) qui subsiste après rémunération des activités qui peuvent être étalonnées de façon fiable au moyen de références comparables. En l’absence de mention expresse, le terme bénéfice résiduel qui est employé dans ce chapitre désigne la partie du bénéfice qui dépasse le seuil de rentabilité prévu par la formule du Montant A.
← 4. Par souci de commodité, le reste de Rapport sur le Blueprint fera référence à des entités payeuses (au pluriel) bien que dans certains cas il n’en existe qu’une seule pour un groupe ou une branche d’activité.
← 5. Ce dossier inclura le fichier principal du groupe, les fichiers locaux pertinents, les déclarations pays par pays et les autres documents sur les prix de transfert qui sont déjà préparés par un groupe. Les auteurs sont conscients qu’à l’heure actuelle ces documents ne sont pas disponibles dans toutes les juridictions qui seraient concernées par le Montant A, mais il est possible d’y remédier dans le cadre du processus de sécurité juridique en matière fiscale envisagé pour le Montant A (voir le chapitre 10.
← 6. Les paragraphes 1.60, 1.61, 6.51 et 6.56 des Principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, OCDE (2017), Éditions OCDE Paris sont, avec les exemples illustrant les concepts évoqués, la première source à laquelle se référer.
← 7. En ce sens, la propriété d’actifs et/ou la fourniture de financements ne sont pas suffisantes, mais le droit à des bénéfices résiduels provenant de l’exploitation d’actifs incorporels qui ont été acquis est un indice de l’exercice d’activités à valeur ajoutée, notamment les fonctions DEMPE.
← 8. Les risques ne sont pas considérés isolément, mais en fonction du fait qu’ils aient un lien direct avec le pouvoir de décision sur les activités du groupe qui sont susceptibles d’engendrer des bénéfices résiduels.
← 9. Y compris les capitaux mobilisés à cet effet.
← 10. Le rendement des activités financières est affecté par l’exécution des activités sur le marché si les performances de l’emprunteur sont telles qu’un défaut de paiement ou autre événement de crédit se produit ; cependant, l’activité de financement ne présente pas un lien suffisamment étroit avec les performances réelles de l’emprunteur sur le marché. Il convient de distinguer entre ce cas de figure et une configuration dans laquelle une entité assure la prise de décision et le contrôle des fonctions commerciales et opérationnelles et de la prise de risques ayant une influence notable sur les performances de l’entité présente sur le marché.
← 11. Les auteurs sont conscients que toutes les juridictions n’exigent pas des contribuables qu’ils transmettent spontanément ces informations aux administrations fiscales mais, dans la plupart des cas, on s’attendra néanmoins à ce qu’ils en détiennent déjà une grande partie en interne dans leurs fichiers.
← 12. [Référence croisée au chapitre 3 (section 3.7) des règles GloBE].
← 13. Il n’est pas prévu au titre du Montant A que les droits d’imposition sur la totalité des bénéfices d’une entité soient attribués à une juridiction de marché. Au lieu de quoi, comme cela est expliqué dans le paragraphe 608, une juridiction de résidence conserverait au minimum les droits d’imposition sur les bénéfices standard de l’entité tels qu’ils ressortent du critère de rentabilité.
← 14. Quoique le point de départ du critère de rentabilité soit des états financiers, les ajustements corrélatifs (ou fiscaux) seront généralement effectués dans les comptes fiscaux. Des travaux supplémentaires sont nécessaires pour régler cette question.
← 15. Par exemple, si le taux de l’impôt dans la juridiction accordant l’allégement est de 28 % alors qu’il est de 26 % dans les juridictions de marché, la valeur réelle de l’exemption d’impôt sera égale à 28 % des bénéfices exonérés alors qu’un crédit d’impôt étranger sera normalement plafonné à 26 %.
← 16. Les taux utilisés dans l’analyse sont les taux d’IS nominaux agrégeant les taux national et infranational en vigueur en 2019 et qui proviennent pour la plupart des Statistiques de l’impôt sur les sociétés de l’OCDE. La moyenne a été pondérée par l’estimation du montant moyen du chiffre d’affaires des EMN dans chaque juridiction de telle sorte que les grands marchés influencent la moyenne davantage que les petits. Comme cette moyenne est calculée pour toutes les EMN, il se peut qu’une EMN soit soumise à un taux moyen plus bas ou plus haut selon le lieu où sont réalisées ses ventes.