4. Améliorer la qualité de l’eau

Les mesures d'amélioration de la qualité de l’eau ont pour but de protéger et restaurer les écosystèmes aquatiques de surface, souterrains et côtiers et de promouvoir leur utilisation durable, de faire cesser et inverser leur dégradation, et d’enrayer l’appauvrissement de la biodiversité. Elles visent à réduire, autant que nécessaire, la détérioration de toutes les eaux par des sources de pollution diffuses ou ponctuelles. La Recommandation préconise que les Adhérents « préviennent, réduisent et gèrent la pollution de toutes origines (sources diffuses et sources ponctuelles) des eaux superficielles et souterraines et des écosystèmes côtiers connexes, tout en prêtant attention aux nouveaux polluants préoccupants ».

La Recommandation invite les Adhérents à « allouer les ressources humaines, techniques, scientifiques et financières adéquates pour évaluer la quantité et la qualité de l’eau et des effluents. La surveillance de la qualité de l’eau doit être développée et ses résultats rendus publics ».

La directive-cadre sur l’eau de l’UE impose aux pays de surveiller dans chaque district hydrographique l’état des eaux de surface, des eaux souterraines et des zones protégées. L’article 8 exige expressément que des programmes de surveillance de l’état des eaux soient établis afin de contrôler l’état écologique et chimique des eaux de surface et l’état chimique des eaux souterraines. Ces dispositions permettent d’évaluer les conditions hydriques, par exemple en Lituanie, où l’état chimique et écologique d’une majorité des masses d’eau de surface est bon, l’état chimique et quantitatif de toutes les masses d’eau souterraine est bon, toutes les principales sources de pollution sont identifiées et leurs charges de pollution sont quantifiées (OCDE, 2017[1]).

Un ensemble de paramètres doivent être surveillés du fait de leur impact sur l’environnement et des risques pour la santé humaine. En Corée, le service intégré d’information sur les eaux souterraines aide à cartographier des données sur le niveau et la qualité des eaux souterraines sur l’ensemble du territoire national. Les pays surveillent également les invertébrés et les plantes aquatiques et les poissons. Par exemple, le programme national coréen de suivi de l’état écologique des écosystèmes aquatiques (NAEMP) compte 3 880 points de surveillance dans tout le pays, répartis dans les quatre principaux fleuves coréens, leurs affluents, petits cours d’eau, etc.

Certains Adhérents combinent différentes méthodes pour surveiller la qualité des différentes catégories d’eau à différentes échelles. En Irlande par exemple, des cartes et des outils de modélisation nationaux sont définis au niveau local pour satisfaire les obligations de surveillance du lessivage des éléments nutritifs au titre de la directive-cadre sur l’eau et du programme d’étude sur les captages agricoles (Agricultural Catchments Programme). Le Royaume-Uni applique des méthodes de surveillance chimique et écologique, des modèles de télédétection, des modèles de qualité de l’eau, des méthodes propres à certains captages, des méthodes de traçage (fingerprinting) des sédiments et même des initiatives de mobilisation citoyenne (WaterBlitz).1

Les nouveaux contaminants préoccupants sont considérés comme tels parce qu’ils sont apparus récemment dans l’eau, ou que leur concentration a atteint un niveau plus élevé que prévu, ou que les risques qu’ils posent à la santé humaine ou environnementale ne sont pas totalement compris.2 Même si les Adhérents avancent bien dans l’établissement de listes d’éléments à surveiller et de programmes de surveillance volontaire pour certains produits pharmaceutiques dans les eaux de surface, la majorité des principes actifs de ces produits, des métabolites et des produits de transformation ne font encore l’objet d’aucune surveillance. Les pays travaillent donc de plus en plus à identifier les nouveaux polluants préoccupants, c’est notamment le cas de la Suisse (Encadré 4.1).

Les technologies de télédétection et d'imagerie – les satellites et les drones, par exemple – occupent de plus en plus une place essentielle dans la gestion des ressources en eau au niveau d’une zone desservie, d’un bassin versant ou d’une région. Ces technologies fournissent des données utiles pour cartographier les ressources en eau, mesurer le niveau et la qualité de l’eau, et gérer les actifs des compagnies des eaux. Les données obtenues grâce à ces technologies peuvent permettre aux gestionnaires de ressources en eau et aux entreprises de distribution de mieux se préparer aux arrivées d’eau massives lors des fortes averses (par exemple en modifiant les modalités d’exploitation pour éviter le débordement des égouts), indiquer le moment approprié pour activer des pratiques de conservation pendant une période de sécheresse (par exemple en réduisant la consommation d’eau, en utilisant des puits d’urgence), garantir que tous les volumes d’eau traités soient distribués aux clients, et fournir des informations sur la qualité de l’eau (par exemple la turbidité, la prolifération d’algues) (OCDE, FAO, IIASA, 2020[3]).

La communication au public des résultats des activités de surveillance de la qualité de l’eau peut se faire par la publication de bilans (comme celui publié en Australie sur la Grande Barrière de corail) ou dans le cadre d’un processus plus vaste de présentation de rapports sur l’état de l’environnement (OCDE, 2019[4]). Un peu partout, des contenus numériques spécifiques ont été élaborés pour donner à un très large public accès à des données. En Corée par exemple, la municipalité de Séoul travaille sur la qualité de l’eau au moyen d’un dispositif de surveillance en ligne (OCDE, 2015[5]). L’Italie emploie un système d’information pour la protection de l’eau (SINTAI), une base de données open source disponible en ligne qui répertorie les émissions polluantes provenant de sources diffuses à l’échelon national, en utilisant des données de sources régionales (OCDE, 2013[6]).

La Recommandation sur l’eau préconise également d’allouer des ressources pour « identifier les sources de pollution (diffuses et ponctuelles) et, pour les polluants les plus importants, évaluer les concentrations, les quantités totales et le moment auquel interviennent les rejets ».

La pollution de sources ponctuelles est en grande partie contenue chez de nombreux Adhérents (OCDE, 2017[7]). En Australie par exemple, les principaux types de pollution ponctuelle, qui sont les rejets des stations d’épuration municipales et des installations industrielles, n’ont plus d’impact significatif sur l’environnement aquatique (OCDE, 2019[4]). En Corée, la lutte contre les pollutions ponctuelles s’est considérablement améliorée grâce au développement des services d’épuration des eaux usées, y compris du traitement tertiaire (OCDE, 2018[8]). La directive de l’UE relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, qui cible la pollution à la source, contribue à protéger l’environnement aquatique des effets négatifs des rejets d’eaux usées urbaines et de certains rejets industriels.

En revanche, des difficultés demeurent s’agissant de la pollution diffuse et de ses effets sur la santé humaine et environnementale, pour lesquels les données communiquées et la réglementation sont encore largement insuffisantes (OCDE, 2017[7]). Ce type de pollution est particulièrement présente dans le secteur agricole. Le Graphique 4.1 montre les principaux polluants issus de l’agriculture d’après les réponses fournies par les Adhérents dans le cadre de l’enquête 2019 de l’OCDE sur l'évolution de l'action publique dans les domaines de l’agriculture et de l’eau. 3 Presque tous ces Adhérents pointent les nitrates et le phosphore contenus dans les engrais minéraux ainsi que les effluents d’élevage comme étant la source la plus problématique de pollution de l’eau par les activités agricoles. Les pesticides utilisés dans l’agriculture restent aussi une source importante de pollution dans beaucoup de pays ayant répondu à l’enquête (Graphique 4.1). En vertu du Clean Water Act, chaque État des États-Unis est chargé de définir des charges quotidiennes maximales totales (CQMT), correspondant aux charges autorisées d’éléments nutritifs et de sédiments dans les masses d’eau dégradées. Les CQMT fixées pour l’agriculture sont des objectifs de charges, mais la pollution d’origine agricole n’est pas directement réglementée au niveau national, et par conséquent elles sont appliquées par des voies indirectes, par exemple des réglementations plus strictes des sources ponctuelles.

Les technologies de l’information et de la communication peuvent utilement éclairer les politiques et pratiques relatives à l’eau en permettant de recueillir une partie des données manquantes dans le domaine de l’eau. Les pays utilisent différents outils (capteurs de contrôle en temps réel, imagerie satellitaire et instruments de traitement de données et de modélisation) pour assurer la surveillance de la qualité de l’eau et lutter contre la pollution. La Nouvelle-Zélande a recours au modèle national d’estimation des bilans et des pertes d’éléments nutritifs au niveau des exploitations pour gérer ses sources de pollution diffuse (Encadré 4.2). Le Danemark utilise également des outils sophistiqués pour estimer les flux d'éléments nutritifs polluants et mettre en place des réglementations géographiquement différenciées (Gruère et Le Boëdec, 2019[10]).

La Recommandation préconise d’autre part d’allouer des ressources pour « fixer des objectifs politiques et opérationnels tels que les masses d’eau atteignent les standards de qualité définis et s’y maintiennent, afin de protéger les usages et les écosystèmes aquatiques, en tenant compte des critères de qualité que requiert chaque usage de l’eau ». Elle appelle aussi à « améliorer les procédures pour définir les objectifs de qualité de l’eau, en se fondant sur les connaissances scientifiques les plus récentes et sur les technologies les plus efficaces par rapport aux coûts ».

Des objectifs en matière d’eau sont définis pour protéger des usages et des écosystèmes aquatiques déterminés. La directive-cadre sur l’eau de l’UE définit cinq niveaux pour évaluer l’état écologique des masses d’eau de surface : « très bon », « bon », moyen », « médiocre » et « mauvais », en fonction d’une combinaison d’éléments de qualité biologiques (flore aquatique, invertébrés benthiques et poissons) et d’éléments de qualité physicochimiques (dont les conditions d’oxygénation, les nutriments, la salinité, ou encore certains polluants). D'autres paramètres, par exemple microbiologiques ou morphologiques, peuvent être pris en compte.

Il existe différents niveaux de qualité de l’eau souhaités pour des usages précis tels que la boisson, les loisirs, l’agriculture, la pisciculture, la propagation d’autres organismes aquatiques, et les processus agricoles et industriels. Ces usages peuvent nécessiter une qualité d’eau stable (fonctionnement des écosystèmes, par exemple), des normes définies de qualité de l’eau (eau potable, par exemple) ou peuvent ne pas nécessiter de normes de qualité de l’eau (extraction de minéraux, par exemple). Les directives de l’UE spécifient des normes de qualité pour les eaux de surface (par exemple la directive relative à la production d’eau alimentaire 75/440/CEE), tandis que d’autres, ayant pourtant pour objectif général l’amélioration des eaux superficielles et souterraines, ne contiennent pas de normes précises de qualité de l’eau (par exemple la directive relative aux eaux urbaines résiduaires 91/271/CEE ou la directive Nitrates 91/676/CEE).

Les méthodes employées pour définir les normes diffèrent selon les pays. En Nouvelle-Zélande, le modèle de gouvernance collaborative encourage la définition de limites relatives à la qualité de l’eau (Encadré 4.3). Le Chili a adopté des normes pour les rejets d’eaux usées, ainsi que des normes de qualité de l’eau pour la protection des écosystèmes de quatre bassins hydrographiques et de deux captages lacustres qui alimentent des grandes villes en eau. En Corée, le programme GCTP (gestion de la charge totale de pollution) engagé en 2004 a permis d’améliorer la politique de gestion de la qualité de l’eau et de réduire la pollution de sources ponctuelles. Les GCTP sont calculées au moyen d’outils scientifiques de modélisation de la qualité de l’eau au niveau des bassins versants, au niveau local et au niveau des propriétés individuelles. Le programme alloue les diminutions des charges de pollution nécessaires pour réduire les sources de pollution (OCDE, 2017[7]).

Enfin, la Recommandation invite les Adhérents à allouer des ressources pour « évaluer les investissements nécessaires pour atteindre le niveau de qualité de l’eau souhaité et pour protéger et restaurer les écosystèmes aquatiques, en tenant compte du rapport coût-efficacité des bénéfices pour la santé humaine et celle des écosystèmes ».

Investir dans les services d’alimentation en eau et d’assainissement génère habituellement différents bénéfices économiques, écologiques et sociaux. La plupart des Adhérents ont retiré d’importants gains de la fourniture de services d’eau et d’assainissement de base à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe siècle, et, aujourd’hui, les interventions dans le domaine de l’eau et de l’assainissement présentent un taux de rentabilité marginal, qui diminue à mesure qu’elles gagnent en sophistication. En revanche, les investissements relativement coûteux nécessaires dans le traitement des eaux usées génèrent des gains, associés à l’élimination de différentes substances polluantes (qui profite à l’alimentation en eau des villes autant qu’à la pêche), qui sont plus difficiles à évaluer monétairement parlant. Aux États-Unis, le Clean Water Act de 1972 a établi un fondement juridique important pour le développement des installations d’épuration des eaux usées. La directive de l’UE relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, adoptée en 1991, s’est attaquée au problème croissant du rejet des eaux usées non épurées dans l’environnement aquatique (OCDE, 2013[12]).

Selon une étude récente réalisée par l’OCDE en collaboration avec la Commission européenne, tous les États membres de l’UE auront besoin d’augmenter le niveau actuel d’investissements dans l’évacuation et le traitement des eaux usées de 20 % ou plus pour atteindre (ou maintenir) les valeurs prévues par la directive sur les eaux urbaines résiduaires. Certains pays devront multiplier par plus de deux leur niveau de dépenses actuel (OCDE, 2020).

L’une des raisons pour lesquelles les investissements dans la qualité de l’eau sont à la traîne chez la plupart des Adhérents est que l’on a souvent peu d’informations tangibles sur les bénéfices qu’ils procurent. Investir dans l’alimentation en eau et l’assainissement afin d’améliorer la qualité de l’eau peut être une source de gains variés pour l’économie. Par exemple, on a calculé le montant des bénéfices sanitaires associés à l’amélioration de la qualité des eaux de loisirs dans le sud-ouest de l’Écosse (Royaume-Uni) : il s’élève à 1.3 milliard GBP par an. Dans la plupart des pays, l’accès aux plages ou aux lacs peut être limité en cas de non-respect de certaines normes de qualité des eaux de baignade. En Normandie (France), la fermeture de 40 % des plages littorales entraînerait, selon les estimations, une chute brutale de 14 % du nombre total de visiteurs, soit un manque à gagner de 350 millions EUR par an et la perte potentielle de 2 000 emplois locaux. De même, il a été montré que les personnes habitant à proximité de plans d’eau voyaient la valeur de leur bien augmenter lorsque le traitement des eaux usées assurait une certaine qualité des plans d’eau (OCDE, 2013[12]) (OCDE, 2019[13]).

Certains pays ont évalué les bénéfices générés pour l’ensemble de l’économie grâce à l’amélioration de la qualité de l’eau. Aux États-Unis, l’Agence pour la protection de l’environnement estime à environ 11 milliards USD par an, soit environ 109 USD par habitant, les gains nets dus à la législation sur la pollution de l’eau au cours des 30 dernières années. Au Royaume-Uni, plusieurs études ayant estimé les coûts et avantages des mesures de mise en œuvre de la directive-cadre de l’UE sur l’eau ont montré un bénéfice net de 10 millions USD en Angleterre et au Pays-de-Galles. Aux Pays-Bas, des analyses coût-avantage du même type ont montré que les gains monétisés étaient très inférieurs aux coûts estimés, mais qu’un ensemble important de gains ne pouvaient pas être monétisés. Il serait extrêmement utile que les évaluations comptabilisent de manière plus approfondie et plus systématique les bénéfices directs et indirects du traitement des eaux usées (OCDE, 2013[12]).

La Suisse a été le premier pays à déployer une stratégie nationale en vue d’évaluer les investissements réduisant la quantité de résidus pharmaceutiques dans l’eau, essentiellement par le relèvement des niveaux de traitement dans les stations d’épuration des eaux usées. La Loi sur la protection des eaux a été révisée en 2014 et impose de moderniser une centaine d’usines de traitement des eaux usées afin d’éliminer certains résidus. Le coût d’investissement total de ces opérations de modernisation a été estimé autour de 1 milliard USD, auquel s'ajouteront 115 millions USD par an de charges d’exploitation et de maintenance. La majorité des coûts d’équipement (75 %) ont été couverts par le budget national. Le reliquat et les charges d’exploitation et de maintenance sont financés par les municipalités ainsi que par une nouvelle taxe fédérale sur les eaux usées de 9 EUR/habitant/an instaurée en 2016 (OCDE, 2019[2]). Les Pays-Bas ont adopté une méthode originale considérant l’ensemble du cycle de vie, qui associe des initiatives de différentes parties prenantes tout au long de la chaîne de valeur, depuis le développement des médicaments jusqu’à leur fabrication, leur utilisation, et la gestion des déchets (voir Encadré 4.5).

La Recommandation souligne la nécessité d’« identifier, évaluer et entreprendre de réduire les risques générés par les investissements qui portent atteinte à l’intégrité naturelle des cours d’eau, lacs, aquifères et zones humides, à leurs conditions hydromorphologiques, à la capacité des bassins à retenir l’eau de manière naturelle ou au fonctionnement des écosystèmes ».

Mieux évaluer la pollution de l’eau dans les études d’impact environnemental (EIE), obligatoires pour les projets de construction d’infrastructures dans la plupart des pays Adhérents, peut aider à identifier, apprécier et atténuer les éventuels risques associés à ces investissements et à mettre en évidence des inconvénients et des cobénéfices. Les EIE sont en général examinées par une commission chargée des affaires locales composée de responsables publics, d’experts et de représentants des résidents, comme en Corée. L’Union européenne a publié des directives décrivant les étapes pratiques à suivre dans une EIE (OCDE, 2018[8]).

La Recommandation encourage les Adhérents à « prendre les mesures pour réduire autant que nécessaire la pollution de toutes les eaux et en particulier la pollution des eaux de surface responsable de l’eutrophisation, en portant une attention particulière au problème posé par le transfert d’eaux chargées en éléments nutritifs au-delà des frontières ou vers la mer. Ces mesures doivent assurer la conformité avec les objectifs d’action et les objectifs de qualité de l’eau mentionnés plus haut ».

En Europe, la pollution par les éléments nutritifs responsable du phénomène d’eutrophisation est un problème répandu qui concerne quelque 30 % des masses d’eau dans 17 États membres. Le Danemark procède à des analyses du rapport coût-efficacité pour gérer le risque d’eutrophisation (OCDE, 2019[14]). Au Canada, des programmes fédéraux mis en œuvre dans les provinces, comme les plans agroenvironnementaux et les programmes d’intendance environnementale, ont pour but de réduire l’eutrophisation et la prolifération d’algues, par exemple en imposant des bandes tampons autour des masses d’eau superficielle et des sources d’eau souterraine (OCDE, 2017[7]).

Pour réglementer la qualité des eaux de surface dans les bassins transfrontaliers, il faut au minimum que les États riverains s’entendent sur des critères communs d’évaluation de la qualité de l’eau. Le fait d’utiliser les mêmes critères permet aux pays de réaliser des évaluations compatibles et de tirer des conclusions sur la qualité de l’eau. Sur la base de ces critères, les États-Unis et le Canada ont établi des objectifs communs de qualité de surface à atteindre des deux côtés de la frontière et ont coordonné leurs mesures de gestion de l'eau. Cela peut être un bon exemple pour les adhérents (Encadré 4.4).

La Recommandation encourage les Adhérents à « favoriser les moyens les plus efficaces et économes d’améliorer la qualité de l’eau, tout en préservant autant que possible la responsabilité des pollueurs et des utilisateurs, et en particulier :

  • Cibler les polluants qui revêtent une importance particulière à l’échelle appropriée (aire de captage, bassin ou aquifère), sur la base de caractéristiques telles que la toxicité, la persistance, la bio-accumulation et les risques pour la santé humaine et environnementale.

  • Appliquer des mesures de lutte contre la pollution aussi près que possible de la source de pollution, en envisageant d’autres solutions efficaces et économes en cas de coûts disproportionnés.

  • Adopter une approche intégrée de la lutte contre la pollution pour que les mesures prises ne conduisent pas à des transferts incontrôlés de pollution vers d’autres ressources en eau ou d’autres milieux (sol, air) ».

Appliquant les principes du pollueur-payeur et du bénéficiaire-payeur, les pays considèrent que les pollueurs doivent rendre des comptes pour la pollution de l’eau qu’ils génèrent. Les États utilisent des redevances de pollution, des taxes sur les intrants (engrais et pesticides, par exemple) et des redevances de traitement des eaux usées pour envoyer un signal approprié et générer des revenus afin de financer des mesures anti-pollution (voir les chapitres 7 et 8 pour plus d’informations sur l’état des lieux). L’application du principe du pollueur-payeur coûte moins cher et est plus fréquente pour lutter contre la pollution de sources ponctuelles que pour celle de sources diffuses (OCDE, 2017[15]). Elle peut intervenir à différentes étapes de la chaîne de pollution (Encadré 4.5).

L’Union européenne est l’une des rares entités à appliquer le principe du pollueur-payeur dans l’agriculture. La directive Nitrates de 1991 vise à protéger la qualité de l’eau en évitant que des nitrates d’origine agricole ne s’écoulent dans les eaux souterraines ou superficielles. Cette directive impose aux États membres d’identifier les « zones vulnérables aux nitrates » (ZVN)4 afin d’élaborer des codes de bonnes pratiques applicables à tous les agriculteurs et de mettre en œuvre des programmes d'action pour ces zones. Ces programmes prévoient notamment l’application obligatoire des codes et d’autres mesures destinées à limiter la quantité d’azote épandue avec les effluents d’élevage. Intégrée par la suite aux obligations instaurées par la directive-cadre sur l’eau, la directive Nitrates a mis longtemps à être appliquée par les États membres. Les résultats commencent à être visibles pour les eaux de surface, mais ils sont moins apparents pour les eaux souterraines. Certains États membres se sont révélés être en infraction avec les obligations de cette directive (Gruère, Ashley et Cadilhon, 2018[16]).

Certains outils et mécanismes aident les Adhérents à résoudre des problèmes d’identification et de ciblage des pollueurs. Par exemple, l’UE, les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande utilisent des logiciels de modélisation pour gérer la pollution dans les captages (Encadré 4.5) (OCDE, 2018[8]). La Corée a recours à la responsabilisation collective au niveau des captages : la charge de pollution totale est surveillée à cette échelle, et les agriculteurs opérant dans l’aire de captage sont collectivement responsables (OCDE, 2017[17]). Beaucoup d’Adhérents se servent d’indicateurs indirects comme les taxes sur les intrants (sur les engrais, les pesticides ou les produits nettoyants, par exemple) ou l’occupation des sols (surfaces urbaines revêtues, nombres de têtes de bétail, utilisation intensive des sols, par exemple) (chapitre 8). Cependant, ces taxes n’ont pas toujours beaucoup d’effet en raison de la baisse de prix qui les accompagnent, sauf lorsque le niveau des taxes est très élevé (Sud, 2020[18]). En Norvège, la taxe sur les pesticides, révisée en 1999 pour tenir davantage compte des risques pour l’environnement et la santé, a effectivement encouragé le recours à des pesticides moins toxiques. Si elle n’a entraîné qu’une faible diminution de la quantité totale de pesticides vendus, cette taxe s’est traduite par un transfert vers des pesticides présentant moins de risques pour l’environnement et la santé (Ibid.).

Même si les coûts de la pollution ne sont pas toujours faciles à estimer avec fiabilité, les Adhérents utilisent de nouvelles sources de données pour exercer leur surveillance et justifier leurs initiatives (voir Encadré 4.5 ci-dessus). Ils se servent également de mécanismes fondés sur le marché pour mettre ces coûts en évidence. On en a des exemples avec le système d’échange d’allocations de charges en éléments nutritifs mis en place pour réduire la pollution par des sources ponctuelles ou diffuses dans la baie de Chesapeake, aux États-Unis, et le marché de quotas d’émissions d’azote dans la région du lac Taupō, en Nouvelle-Zélande, visant à plafonner ces émissions, qui a constitué le premier marché mondial dans le domaine de la pollution diffuse (OCDE, 2017[7]).

La Recommandation invite également les Adhérents à « envisager les mesures les plus efficaces et moins coûteuses pour faire face aux problèmes de qualité de l’eau, en appliquant autant que possible le principe pollueur-payeur s’il figure dans le cadre juridique et réglementaire en vigueur, et en assurant la promotion de ce principe s’il en est absent ».

Suivant le principe du pollueur-payeur appliqué dans la directive-cadre de l’UE sur l’eau, l’association allemande des fournisseurs d’eau a présenté une proposition pour la mise en place d’un dispositif de responsabilité élargie des producteurs (REP) afin d’obliger certaines entreprises de production pharmaceutique à contribuer aux coûts de modernisation des installations de traitement des eaux usées. Malgré les difficultés pratiques qu'il pose (OCDE, 2020[19]), cet outil représente une évolution intéressante, allant dans le sens des exigences de la Recommandation.

La Recommandation encourage les Adhérents à « combiner des instruments réglementaires, volontaires et économiques de façon à fournir aux pollueurs une incitation continue à réduire et maîtriser la pollution des ressources en eau ».

La plupart des Adhérents disposent d’un arsenal d’instruments d’action pour promouvoir la qualité de l’eau et lutter contre la pollution. Ce chapitre recense les plus fréquents et fournit quelques illustrations de combinaisons possibles.

Les Adhérents utilisent des instruments réglementaires pour limiter les rejets de polluants dans les masses d’eau. Dans sa loi de 1991 sur la gestion des ressources (Resource Management Act), la Nouvelle-Zélande a instauré des autorisations de rejet qui ont permis de limiter la pollution de sources ponctuelles par les eaux usées industrielles et urbaines (OCDE, 2017[11]). Les autorités gouvernementales régionales sont également chargées de gérer les rejets ponctuels et diffus dans des limites écologiques définies, dont l’impact est déjà sensible sur certaines masses d’eau qui affichent d’importantes améliorations, comme les lacs de Rotorua. Au Japon, des réglementations plus sévères sur les eaux usées industrielles ont entraîné une diminution significative des quantités de métaux lourds (OCDE, 2017[7]). Lorsque les normes ne suffisent pas, ou à titre de précaution, certains pays peuvent interdire une activité ; cela a été le cas avec l’interdiction mondiale du DDT, ou, en Chine, l’interdiction de pêcher dans le bassin de la rivière des Perles qui est appliquée pendant deux mois chaque année afin de restaurer les populations de poisson et d'améliorer la qualité de l’eau (OCDE, 2012[20]). Enfin, dans sa loi de 2007 sur le rejet et la réutilisation des eaux usées, le Costa Rica a fixé des valeurs limites applicables aux effluents pour différents paramètres polluants comme la demande biochimique en oxygène (DBO), la demande chimique en oxygène (DCO), le phosphore, les nitrates, l'acidité (pH), les corps gras et les solides en suspension. Des limites supplémentaires sont définies pour un groupe de substances dangereuses (OCDE, 2012[21]).

Bon nombre de pays Adhérents utilisent des accords ou des engagements volontaires portant sur des mesures d'amélioration de l’environnement aquatique. Il s’agit d’engagements unilatéraux pris par des entreprises ou des villes. Des accords négociés existent également, comme au Royaume-Uni la Pesticides Voluntary Initiative qui encourage l’utilisation responsable des pesticides (OCDE, 2012[20]). En Nouvelle-Zélande, l'accord Sustainable Dairying: Water Accord offre un exemple de réussite en matière de gestion de la pollution aquatique liée à l’élevage laitier. Les Adhérents utilisent également les paiements au titre des services écosystémiques pour améliorer l’environnement aquatique, comme le fonds de conservation des forêts de Tasmanie en Australie, ou le dispositif mis en place pour l’eau de Vittel (Nestlé) en France (OCDE, 2012[20]).

Beaucoup d’Adhérents ont recours à des instruments économiques pour inciter à réduire la pollution et pour financer des interventions techniques permettant d’améliorer la qualité de l’eau. La plupart des Adhérents imposent des taxes sur les produits nocifs pour l’environnement, et appliquent des redevances de pollution sur les émissions. Par exemple, un certain nombre de pays utilisent des taxes sur les rejets d’effluents (Graphique 4.2) (voir le chapitre 8 pour plus de détails). Ils instaurent aussi des dispositifs d’incitation, notamment des subventions, pour moderniser les infrastructures. Par ailleurs, plusieurs Adhérents ont mis en place des permis échangeables destinés à réduire la pollution et les externalités négatives, comme aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande (OCDE, 2017[7]).La France prévoit des incitations financières (10 millions EUR) pour encourager le développement de nouveaux projets novateurs dans le domaine des nouveaux contaminants préoccupants et donner des moyens d'action aux parties prenantes locales. Les projets sélectionnés sont ciblés sur des sources de pollution diffuses et multiples, domestiques et industrielles, et portent sur l’amélioration des diagnostics, la réduction des contaminants par des moyens efficaces et économiques, et la modification des pratiques de différents types de parties prenantes (OCDE, 2019[2]).

Les mesures de promotion de la collecte et du traitement des eaux usées (domestiques et industrielles) associent habituellement réglementation (normes relatives aux niveaux de traitement exigés avant que des eaux usées puissent être relâchées dans l’environnement), information (sur la qualité de l’eau et les performances des compagnies de distribution et des services fournis), et mécanismes de marché (redevance sur la charge de pollution, qui augmente les coûts pour les pollueurs et peut générer des revenus à investir dans des mesures de réduction de la pollution). La directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, qui fait partie des acquis de la Commission européenne dans le secteur de l’eau, illustre bien cette multiplicité d’actions.

Dans le cas de l’agriculture, vingt-deux Adhérents utilisent une combinaison d’instruments réglementaires, économiques et informatifs. Les instruments réglementaires sont les plus courants, suivis des instruments économiques et informatifs. À titre d'exemple, le Canada a adopté une loi fédérale sur la qualité de l’eau, et les provinces appliquent leurs propres réglementations en la matière. Par le biais du Partenariat canadien pour l'agriculture, le gouvernement fédéral soutient des programmes cofinancés destinés à développer les bonnes pratiques de gestion des exploitations afin de réduire la pollution. Agriculture et Agroalimentaire Canada a aussi lancé une nouvelle initiative qui facilitera la communication et le transfert de connaissances entre chercheurs et producteurs sur les pratiques agricoles durables. Le Danemark manie à la fois la carotte et le bâton en appliquant une réglementation ciblée qui vise à réduire à la source la pollution par les éléments nutritifs, au-delà des obligations de la directive Nitrates, en versant des paiements dans le cadre du programme de développement rural pour inciter les producteurs à dépasser les minimums réglementaires, et en collaborant avec le syndicat agricole pour faciliter l’introduction de mesures collectives.5

Le Conseil recommande également de « mettre en place des mécanismes de contrôle de la conformité aux dispositions réglementaires et de mise en application de ces dispositions. La mise en application doit être ciblée, et faire appel à toutes les sources de données disponibles. Elle doit s’appuyer sur des règles, procédures, sanctions, incitations et outils clairs, transparents et proportionnés afin que les objectifs réglementaires puissent être atteints de manière efficace ».

Malgré les politiques et les objectifs mis en place par les pays adhérents en matière de qualité de l’eau, on constate des écarts par rapport aux dispositions prévues, dus à un niveau de conformité insuffisant. Les autorisations délivrées individuellement aux installations sont un moyen de traduire les politiques environnementales en conditions contrôlables. Au Royaume-Uni, le régime de permis ne couvre qu’environ 2 % des entreprises immatriculées, mais toutes les entreprises sont visées par des obligations légales générales, par exemple le « devoir de diligence » en matière de prévention de la pollution de l’eau (OCDE, 2009[22]). Les pays surveillent la conformité aux limites réglementaires fixées pour les effluents et imposent des amendes en cas d’infraction.

Pour promouvoir la conformité à la réglementation, il existe des outils d’assistance et d’information sur le comportement et les performances des entreprises en matière d’environnement. Ces outils sont également utilisés pour déclencher des réactions du marché et exercer une pression de la collectivité sur les contrevenants. Aux États-Unis par exemple, l’inventaire TRI (Toxics Release Inventory) fournit des informations au public sur les produits chimiques toxiques rejetés par les usines de transformation. Le registre européen des rejets et transferts de polluants (E-PRTR) est un outil de diffusion qui publie des données sur les quantités de polluants rejetées dans l’air, l’eau et le sol, ainsi que sur les déchets et polluants contenus dans les eaux usées et transférés hors site, pour plus de 30 000 installations industrielles. Des informations sur les rejets de sources diffuses sont également disponibles et seront progressivement enrichies (OCDE, 2009[22]) (site web de l’E-PRTR).

La conformité à la réglementation est contrôlée au moyen d’inspections, de divers outils de surveillance, et de processus d’autosurveillance. Dans les pays de l’UE possédant des régimes d’autorisation totalement intégrés, comme la France et la Finlande, toutes les inspections concernent plusieurs milieux (elles couvrent par exemple l’air, l’eau, les eaux usées, les déchets dangereux et solides). Au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, où les régimes de permis sont différenciés, on trouve à la fois des inspections intégrées et des inspections spécifiques à l’eau. La Finlande a de plus en plus recours à l’autosurveillance et à la communication de rapports sur les rejets d’eaux usées (OCDE, 2009[22]).

En cas de non-conformité à la réglementation sur la qualité de l’eau, les pays infligent souvent des amendes et renforcent les contrôles, d’après l’enquête de suivi 2019 de l’OCDE (Graphique 4.3). Face à la persistance des infractions à la réglementation sur la pollution par les éléments nutritifs, plusieurs Adhérents ont adopté des méthodes novatrices. Au Royaume-Uni, l’agence écossaise pour la protection de l’environnement a décidé de réorienter ses activités pour aider directement les agriculteurs à trouver des solutions au lieu de leur envoyer des notifications de non-conformité, et quelques progrès visibles ont été obtenus. En Irlande, les organismes de réglementation ont fait appel aux sciences comportementales pour améliorer leur communication auprès des agriculteurs, en utilisant des messages plus personnalisés et en dispensant des conseils sur les exploitations le cas échéant (Gruère et Le Boëdec, 2019[10]).

Enfin, une autorité compétente peut également obliger un contrevenant à effectuer le nettoyage nécessaire puis procéder à la récupération administrative des coûts encourus auprès de la partie responsable, comme aux États-Unis où seul un tribunal fédéral peut prendre cette décision. L’agence pour l’environnement de l’Angleterre et du Pays-de-Galles (Royaume-Uni) est habilitée à facturer directement au pollueur le nettoyage d’un rejet toxique dans l’eau. La responsabilité de faire appliquer les mesures correctives ou de les entreprendre et de recouvrer les coûts auprès de l’exploitant fait l’objet de la directive 2004 de l’UE sur la responsabilité environnementale (OCDE, 2009[22]).

Le Conseil encourage les Adhérents à « prendre des mesures pour préserver, rétablir et promouvoir une utilisation durable des écosystèmes aquatiques, faire cesser et inverser la dégradation, et enrayer la perte de biodiversité ».

Améliorer la qualité de l’eau est en effet important pour des fonctions écologiques comme la fourniture d’habitats pour les poissons et la santé des écosystèmes (OCDE, 2017[7]). De nombreux Adhérents se sont employés à développer des solutions fondées sur la nature pour améliorer les écosystèmes aquatiques (voir le chapitre 5 pour plus de détails).

Le Conseil encourage aussi les Adhérents à « prendre les mesures suivantes pour remédier à des problèmes sectoriels ».

Les Adhérents sont invités à « favoriser la cohérence entre les politiques de l’eau et les politiques sectorielles, concernant par exemple l’industrie, l’énergie, la nature, l’eau potable, la santé et l’agriculture. Dans ce dernier cas, identifier et réduire le plus possible les éventuelles incitations et pratiques qui ont des effets préjudiciables sur l’environnement ou sur l’eau (subventions concernant des engrais et des pesticides dommageables pour l’eau, par exemple) ».

Compte tenu des liens étroits qui existent entre les politiques de l’eau et les politiques menées dans d’autres domaines (comme l’agriculture, la foresterie, l’industrie, l’extraction, l’énergie, l’environnement, l’eau potable, les déchets solides, la santé, la pêche, l’urbanisme, l’aménagement du territoire et l’occupation des sols, le tourisme et les loisirs), il est indispensable que l’eau soit convenablement intégrée dans les politiques et les plans établis pour les secteurs ayant un impact sur la disponibilité et l’utilisation de l’eau. Des politiques cohérentes peuvent permettre de résoudre les tensions susceptibles d’apparaître entre les différents secteurs responsables des mesures à prendre et de leur financement.

Des modes d’action plus cohérents commencent lentement à prendre forme, notamment dans le secteur agricole. Progressivement, les pays de l’OCDE abandonnent les soutiens à la production et aux intrants et les aides agricoles les plus génératrices de distorsions, qui risquent d’encourager la consommation d’eau ou de favoriser la pollution par les éléments nutritifs (Gruère et Le Boëdec, 2019[10] ; DeBoe, 2020[23] ; Henderson et Lankoski, 2019[24]), pour privilégier les paiements découplés et dans une certaine mesure les paiements tenant compte des préoccupations environnementales et contribuant à réduire la pollution de l’eau d’origine agricole. Des efforts beaucoup plus soutenus sont toutefois nécessaires car 50 % des aides en place dans les pays de l’OCDE ont un impact potentiel sur l’environnement (OCDE, 2019[25]). Ces aides peuvent prendre la forme de subventions aux engrais azotés dans le but de stimuler la production agricole. L’azote, capable de passer d'un milieu à l’autre et de prendre de multiples formes, génère de nombreux risques pour l’environnement (par exemple pour la qualité de l’air, la qualité de l’eau par le biais de l’eutrophisation, et le changement climatique). Il est donc important de rechercher une cohérence entre la gestion de la pollution par l’azote et les autres politiques environnementales et sectorielles. Par exemple, en fonction des types d’engrais et de sols, les subventions aux engrais azotés peuvent accroître les émissions de gaz à effet de serre des cultures. La Chine a ainsi entrepris d’éliminer progressivement les subventions aux engrais (OCDE, 2019[14]).

Plus généralement, malgré des progrès observés depuis 2009, les politiques agricoles et les politiques de l’eau ne sont toujours pas suffisamment en phase (Graphique 4.4). Les résultats de l’enquête 2019 de l’OCDE sur l'évolution de l'action publique dans les domaines de l’agriculture et de l’eau ont été utilisés pour calculer des indices de concordance relative pour chaque pays et section de la Recommandation (Gruère, Shigemitsu et Crawford, 2020[9]).6 La note moyenne de concordance des politiques des Adhérents avec les recommandations de l’OCDE sur la qualité de l’eau est de 0.54, c’est-à-dire qu’elle est proche de la moitié de sa valeur maximale possible. La note maximale de concordance obtenue en 2019 est très inférieure à celle des autres recommandations, ce qui indique que tous les Adhérents doivent faire davantage d’efforts.

La Recommandation encourage les Adhérents à « adopter les mesures financières, techniques et de gestion appropriées pour assurer que les systèmes de traitement des eaux usées : sont construits et exploités de manière efficace et économe ; tiennent compte de la topographie et des évolutions démographiques à venir ; contribuent aux objectifs de qualité des eaux ; et permettent la valorisation des ressources, l’utilisation rationnelle de l’énergie et de l’eau et la réutilisation afin de préserver la ressource ».

D’importants investissements dans des installations de traitement des eaux usées et des progrès dans le contrôle des sources de pollution ponctuelles ont contribué à améliorer sensiblement la qualité de l’eau ces dernières décennies (OCDE, 2017[7]). Dans plus d'un tiers des pays de l’OCDE, plus de 80 % de la population est raccordée à une usine d’épuration des eaux assurant un traitement au moins secondaire (OCDE, 2020[26]).

Selon des travaux récents d’Eureau (l’union européenne des opérateurs privés de services d’eau), on sait très peu de choses sur l’état des équipements et sur le taux de renouvellement des infrastructures actuelles de collecte et de traitement des eaux usées (OCDE, 2020[19]). Les discussions en cours en Europe sur les avantages comparatifs et les limites des dispositifs d’assainissement individuels et autres systèmes appropriés témoignent des difficultés que pose la conception d’infrastructures adaptées aux situations locales (géographie et topographie, densité de l’habitat, sensibilité des environnements récepteurs, etc.) (OCDE, 2020[19]).

La Recommandation encourage les Adhérents à « veiller tout particulièrement à la gestion durable et à la conservation des ressources halieutiques et autres organismes aquatiques dans les masses d’eau douce et les zones littorales connexes aux niveaux local, national et international et assurer, dans la mesure du possible, la coordination de l’action de l’ensemble des autorités compétentes ».

Un certain nombre de pays côtiers font porter une bonne partie de leurs efforts sur la réduction de la pollution contribuant à l’eutrophisation des zones littorales. En Lituanie, le programme national pour l’eau 2017-2023 fixe comme objectif de réduire les quantités d’éléments nutritifs facteurs d’eutrophisation qui rentrent dans le lagon Curonien et la mer Baltique en diminuant les arrivées de composés azotés et phosphorés (avec des objectifs quantitatifs précis). Au Canada, le gouvernement fédéral s’est également engagé à investir 44.84 millions CAD sur cinq ans (2017-2022) dans l’Initiative nationale de protection des Grands Lacs, dont 26 millions sont alloués à la prévention des algues toxiques ou indésirables dans le lac Érié. Cette initiative prévoit notamment l’élaboration de plans de bassin pour identifier les zones prioritaires en matière de gestion du phosphore, et la mise en œuvre des mesures de réduction du phosphore exposées dans le Plan d'action Canada-Ontario pour le lac Érié lancé en 2018.7

En Norvège, des aides sont accordées pour accompagner les pratiques bénéfiques aux zones humides et aux écosystèmes dans les paysages agricoles, et pour créer des mares et des zones humides construites. Aux États-Unis, le programme en faveur des habitats naturels piloté par le ministère fédéral de l’Agriculture fournit une assistance financière et technique destinée à améliorer les habitats des poissons et de la vie sauvage. Par ailleurs, de récents projets de lois agricoles fédérales contiennent des dispositions « swampbuster », qui visent à décourager la conversion de zones humides ou de terres très sensibles à l’érosion en terres cultivées, en faisant perdre le bénéfice des aides fédérales.8

Références

[23] DeBoe, G. (2020), « Impacts of agricultural policies on productivity and sustainability performance in agriculture: A literature review », Documents de l’OCDE sur l’alimentation, l’agriculture et les pêcheries, n° 141, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/6bc916e7-en.

[16] Gruère, G., C. Ashley et J. Cadilhon (2018), « Reforming water policies in agriculture: Lessons from past reforms », Documents de l’OCDE sur l’alimentation, l’agriculture et les pêcheries, n° 113, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/1826beee-en.

[10] Gruère, G. et H. Le Boëdec (2019), « Navigating pathways to reform water policies in agriculture », Documents de l’OCDE sur l’alimentation, l’agriculture et les pêcheries, n° 128, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/906cea2b-en.

[9] Gruère, G., M. Shigemitsu et S. Crawford (2020), « Agriculture and water policy changes: Stocktaking and alignment with OECD and G20 recommendations », Documents de l’OCDE sur l’alimentation, l’agriculture et les pêcheries, n° 144, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/f35e64af-en.

[24] Henderson, B. et J. Lankoski (2019), Evaluating the environmental impacts of agriculture policies, Documents de l’OCDE sur l’alimentation, l’agriculture et les pêcheries, n°130, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/add0f27c-en.

[26] OCDE (2020), Environment at a Glance Indicators, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/ac4b8b89-en.

[19] OCDE (2020), Financing Water Supply, Sanitation and Flood Protection: Challenges in EU Member States and Policy Options, Études de l’OCDE sur l’eau, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/6893cdac-en.

[14] OCDE (2019), Accélération anthropique du cycle de l’azote : Gérer les risques et l’incertitude, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/cf7ae81b-fr.

[13] OCDE (2019), Analyse coûts-avantages et environnement : Avancées théoriques et utilisation par les pouvoirs publics, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264300453-fr.

[4] OCDE (2019), OECD Environmental Performance Reviews: Australia 2019, Examens environnementaux de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264310452-en.

[2] OCDE (2019), Pharmaceutical Residues in Freshwater: Hazards and Policy Responses, Études de l’OCDE sur l’eau, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/c936f42d-en.

[25] OCDE (2019), Politiques agricoles : suivi et évaluation 2019, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/f8360614-fr.

[8] OCDE (2018), Managing the Water-Energy-Land-Food Nexus in Korea: Policies and Governance Options, Études de l’OCDE sur l’eau, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264306523-en.

[1] OCDE (2017), Accession review of Lithuania in the field of environment, https://doi.org/ENV/EPOC/ACS(2017)1.

[7] OCDE (2017), Diffuse Pollution, Degraded Waters: Emerging Policy Solutions, Études de l’OCDE sur l’eau, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264269064-en.

[15] OCDE (2017), Diffuse Pollution, Degraded Waters: Emerging Policy Solutions, Études de l’OCDE sur l’eau, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264269064-en.

[17] OCDE (2017), Enhancing Water Use Efficiency in Korea: Policy Issues and Recommendations, Études de l’OCDE sur l’eau, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264281707-en.

[11] OCDE (2017), OECD Environmental Performance Reviews: New-Zealand 2017, Examens environnementaux de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264268203-en.

[5] OCDE (2015), Water and Cities: Ensuring Sustainable Futures, Études de l’OCDE sur l’eau, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264230149-en.

[12] OCDE (2013), Bénéfices liés aux investissements dans l’eau et l’assainissement : Perspectives de l’OCDE, Études de l’OCDE sur l’eau, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264101043-fr.

[6] OCDE (2013), Examens environnementaux de l’OCDE : Italie 2013, Examens environnementaux de l’OCDE, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264186279-fr.

[21] OCDE (2012), Perspectives de l’environnement de l’OCDE à l’horizon 2050 : Les conséquences de l’inaction, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/env_outlook-2012-fr.

[20] OCDE (2012), Perspectives de l’environnement de l’OCDE à l’horizon 2050 : Les conséquences de l’inaction, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/env_outlook-2012-fr.

[22] OCDE (2009), Faire respecter les normes environnementales : Tendances et bonnes pratiques, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264059887-fr.

[3] OCDE, FAO, IIASA (2020), Towards a G20 Action Plan on Water. Background note to the G20 Saudi Presidency.

[18] Sud, M. (2020), Managing the Biodiversity Impacts of Fertiliser and Pesticide Use: Overview and insights from trends and policies across selected OECD countries, n° 155, Éditions OCDE, Paris, http://www.oecd.org/officialdocuments/publicdisplaydocumentpdf/?cote=ENV/WKP(2020)2&docLanguage=En.

Notes

← 1. Enquête de 2019 de l’OCDE sur les réformes des politiques agricole et de l’eau.

← 2. Il s'agit par exemple de produits pharmaceutiques, de produits chimiques industriels et ménagers, de produits cosmétiques, de pesticides, de nanomatériaux de synthèse, et de leurs produits de transformation.

← 3. Enquête de 2019 de l’OCDE sur les réformes des politiques agricole et de l’eau.

← 4. Les ZVN sont définies comme étant les zones où la concentration en nitrates est supérieure à 50 mg/l ou bien qui sont en situation d’eutrophisation.

← 5. Enquête de 2019 de l’OCDE sur les réformes des politiques agricole et de l’eau.

← 6. Les méthodes employées et leurs limites sont examinées en détail in OCDE (2020[9]).

← 7. Enquête de 2019 de l’OCDE sur les réformes des politiques agricole et de l’eau.

← 8. Ibid.

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