Résumé

À l’heure où les crises se superposent les unes aux autres et où les budgets d’aide connaissent des tensions sans précédent, les acteurs du développement sont tous appelés à adapter leurs politiques, leurs stratégies et leurs partenariats dans un esprit de solidarité mondiale et de partage de la charge. Il ressort du rapport Coopération pour le développement 2023 : Quel système d’aide pour demain ? que les débats se cristallisent autour de la nécessité de procéder à une refonte en profondeur du système de développement international – les mandats et les motivations des acteurs traditionnels et émergents, ainsi que leurs capacités et la cohérence entre eux – et alimentent de nouvelles discussions qu’il convient de mener urgemment autour de la question de l’accroissement et de l’optimisation de l’aide publique au développement (APD) en vue d’atteindre les objectifs.

Faisant fond sur diverses contributions de toutes les régions, ce rapport dresse un état des lieux des opportunités et des défis auxquels est confronté le système d’aide et propose des suggestions d’action concrètes pour que la coopération pour le développement conserve sa pertinence et son impact malgré des défis de taille. Les thématiques, idées et propositions sont rassemblées dans la synthèse, qui propose les pistes suivantes :

1. honorer les engagements déjà pris et enclencher la réalisation de progrès tangibles

2. soutenir une transformation pilotée au niveau local dans les pays partenaires

3. moderniser les modalités d’action et les pratiques de gestion financière afin de faire coïncider stratégies, budgets et mise en œuvre

4. rééquilibrer les relations de pouvoir et trouver un terrain d’entente sur lequel bâtir des partenariats.

L’économie politique de l’aide se transforme. Les crises prolongées ont aggravé l’instabilité, la faim, l’extrême pauvreté et la fragilité partout dans le monde. Les évolutions géopolitiques soulèvent de nouvelles difficultés pour la coopération pour le développement. D’un côté, une pression pèse sur la communauté du développement pour qu’elle mette à profit l’influence unique, les relations et les apports financiers qui sont à sa disposition pour œuvrer à la concrétisation des objectifs de sécurité ou créer de nouvelles relations commerciales. De l’autre, les appels se multiplient pour que la coopération pour le développement satisfasse les besoins immédiats des plus vulnérables tout en s’attaquant aux défis complexes d’aujourd’hui, tels que le changement climatique, la préparation aux pandémies ou l’atténuation.

Les périodes de défis s’accompagnent aussi d’une chance à saisir pour opérer un changement. Ces dernières années, les mouvements antiracistes, les appels à remettre en cause les héritages coloniaux et une incitation renouvelée au développement piloté à l’échelon local ont déclenché des réflexions sur la manière dont le système d’aide est structuré et fonctionne. Plusieurs pays ont procédé à des études sur le racisme dans le secteur, établissant dans certains cas des liens directs avec les structures de pouvoir et le paternalisme, qui sont des héritages du colonialisme, et prenant des mesures pour rétablir l’équilibre. Les mécanismes par lesquels les relations de financement peuvent perpétuer la dépendance vis-à-vis de l’aide sont également reconnus, et l’accent est de plus en plus mis sur le soutien aux biens publics mondiaux et régionaux comme une modalité alternative permettant de renforcer la résilience.

La faiblesse de l’architecture financière internationale, qu’ont mis en lumière des crises successives, a conduit à l’émergence de plusieurs idées pour la réformer – à l’instar de l’Initiative de Bridgetown ou des appels lancés aux institutions multilatérales pour qu’elles acceptent un niveau de risque plus élevé et qu’elles améliorent leur capacité à favoriser la solidarité, en particulier à travers la réaffectation de droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international. Les organisations humanitaires, elles aussi, s’efforcent de combler le fossé entre les besoins grandissants et les niveaux de financement existants en adoptant des stratégies de financement innovantes. L’augmentation du nombre de politiques étrangères féministes adoptées par les pays de l’OCDE et autres constitue un signe supplémentaire de changement positif.

Dans ce contexte de crise et de réflexion, les apporteurs de coopération pour le développement peuvent poursuivre deux orientations stratégiques : honorer les engagements pris par le passé et répondre aux nouveaux appels au changement. Au fil du temps, la communauté de l’aide a pris des engagements et est convenue de bonnes pratiques qui, si elles sont effectivement mises en œuvre, pourraient maximiser l’APD dans la situation présente où les budgets sont serrés. Il sera particulièrement important, par exemple, d’honorer les engagements financiers, compte tenu des pressions pour que soient financées les dépenses relatives aux biens publics mondiaux et pour être à même de faire face à de nouvelles crises. Concrétiser la promesse de maximiser l’impact collectif de l’APD dispensée par les membres du Comité d’aide au développement permettrait de réduire les coûts de transaction pour les pays partenaires, d’augmenter les économies d’échelle, de mieux focaliser les budgets d’APD sur la satisfaction des besoins et de contribuer à équilibrer interventions humanitaires et impact à long terme sur le développement. Remédier à la fragmentation et à la multiplication des projets de faible valeur et au recul du soutien aux systèmes nationaux contribuerait à simplifier la coopération pour le développement et à améliorer la coordination.

Comme le montrent les contributions externes à ce rapport, les appels au changement n’ont rien de rhétorique. Des propositions d’action sont suggérées. Afin de concrétiser leurs engagements vis-à-vis du développement piloté au niveau local, tous les acteurs intervenant dans le système de l’aide, individuellement ou collectivement, doivent agir simultanément sur plusieurs fronts. Cultiver de nouvelles capacités institutionnelles pour rééquilibrer la dynamique des pouvoirs. Créer une base de données factuelles plus solide sur les réalisations. Allouer des portions plus importantes des financements aux organisations locales. Accorder de la valeur à la contribution apportée par les chercheurs locaux et forger des partenariats plus solides avec les entités basées dans le Sud. Adapter l’apport de fonds de sorte qu’il corresponde aux cadres de financement définis par les pays en développement et leurs instances représentantes. Et laisser la société civile influer sur la définition des priorités et la prise de décision. Il est crucial de tirer des enseignements de ce qui fonctionne et de reconnaître les échecs et les limites, surtout dans les contextes les plus fragiles, si l’on veut éviter de répéter les erreurs. Faute d’agir sérieusement à partir de telles propositions spécifiques et directes, on saperait la pertinence pour l’avenir et l’on manquerait une occasion cruciale de relever le niveau d’exigence pour la coopération pour le développement.

Des crises récentes et des changements plus généraux ont transformé les priorités des pays en développement. En Afrique, par exemple, l’accent est désormais placé sur la transformation de la production comme source de croissance et de résilience. Face à la hausse soudaine de la pauvreté, les acteurs se sont remobilisés autour de la lutte contre ses causes profondes. Pour les leaders dans les pays en développement, le manque de progrès dans la création d’emplois et la redevabilité publique sont les principaux domaines dans lesquels un soutien extérieur apporterait une valeur ajoutée substantielle. Certaines priorités sont communes à tous les pays en développement, quand d’autres dépendent fortement du contexte. Les fournisseurs de coopération pour le développement sont donc confrontés à la tâche ardue consistant à s’aligner sur les priorités locales et à compléter les efforts de réforme locaux tout en déterminant dans quels secteurs ils ont un avantage comparatif plus ou moins grand et en respectant le droit des pays en développement à s’appuyer sur de multiples partenaires.

À cette équation complexe vient s’ajouter le fait que : 1) les priorités locales changent et font, elles-mêmes, l’objet de débats entre les parties prenantes locales, ce qui peut rendre délicat le respect du principe de l’efficacité du développement qu’est l’alignement ; et 2) l’appropriation par les pays est compliquée par la multiplicité d’objectifs mondiaux ou d’intérêts et de besoins des apporteurs d’aide eux-mêmes, ainsi que par la diversité des trajectoires de développement que les pays sont susceptibles de suivre. Des plans nationaux de développement peuvent contribuer à expliciter les priorités nationales et, malgré leur complexité et leur vulnérabilité à la captation par des intérêts variés, à renforcer la coopération pour le développement en encourageant l’adoption d’approches adaptées au contexte. Point important, certains plans nationaux de développement soulignent également les causes mondiales des difficultés nationales en matière de développement. À ce titre, ils sont utilisés comme des mécanismes pour inscrire dans le contexte local des programmes d’action mondiaux tels que les Objectifs de développement durable. Les fournisseurs de coopération pour le développement peuvent soutenir cet alignement grandissant entre objectifs mondiaux et objectifs locaux en mettant davantage l’accent sur la cohérence des politiques au service du développement. Les organes et cadres régionaux peuvent également constituer des espaces de coordination, de coopération et de cocréation entre pays.

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