Résumé

La gouvernance démocratique a démontré qu’elle était le système institutionnel le mieux à même de protéger et de promouvoir les libertés et les droits individuels, tout en permettant des gains durables en bien-être à long terme.  Et pourtant, la faiblesse du taux de participation aux élections, la polarisation politique accrue et les groupes croissants de citoyens se détachant des processus démocratiques traditionnels sont des défis auxquels les responsables publics sont aujourd’hui confrontés dans de nombreux pays de l’OCDE. Même dans les démocraties les plus établies, ces tendances mettent à l’épreuve les institutions et entravent la capacité des pouvoirs publics à relever des défis sociaux et économiques impérieux. Dans le même temps, des perturbations mondiales majeures comme la pandémie de COVID-19, l’agression de la Russie contre l’Ukraine et le changement climatique soulignent l’importance de renforcer la gouvernance des démocraties – et partant la confiance que les citoyens leur portent.

Première du genre, l’Enquête de l’OCDE sur les déterminants de la confiance dans les institutions publiques des pays de l’Organisation a livré des informations sur la manière dont les citoyens perçoivent la qualité des institutions publiques dans les pays démocratiques dans lesquels les citoyens sont libres de déclarer de faibles niveaux de confiance, et comment ils s'y associent. Globalement, les institutions publiques démocratiques de nombreux pays de l’OCDE fonctionnent relativement bien sur plusieurs mesures de la confiance citoyenne comme la fiabilité de l’administration et la fourniture de services publics. Cependant, la confiance publique se partage à égalité entre les répondants qui déclarent avoir confiance dans leurs pouvoirs publics et ceux qui indiquent l’inverse. De nombreux citoyens jugent que les pouvoirs publics peinent à répondre à leurs besoins et qu’ils ne se montrent pas à la hauteur en matière de représentation et de participation. L’intégrité des responsables publics inspire, quant à elle, un scepticisme généralisé. La suspicion à l'égard des médias d'information porte à croire qu’une composante essentielle de la démocratie – à savoir l’accès à l’information – est aussi aujourd'hui un facteur de défiance.

Ces résultats donnent à penser que la réponse aux nouvelles attentes des citoyens passe par une amélioration de l’action des pouvoirs publics, à la fois en permettant à chacun de faire entendre sa voix et en y répondant. Ces derniers doivent aussi améliorer l’intégrité et lutter contre l’influence indue, et faire face aux défis à long terme tels que le changement climatique, évaluer et communiquer les effets des réformes sur les différents groupes socio-économiques, et développer de meilleurs modèles de gouvernance pour les écosystèmes de l'information.

Sur la base des résultats de l’enquête et d'un travail d'analyse approfondi, l’Initiative de l’OCDE en faveur du renforcement de la démocratie traite de trois défis de gouvernance couramment rencontrés dans les démocraties avancées et matures : i) la lutte contre la mésinformation et la désinformation, ii) l'amélioration de la représentation, de la participation et de l’ouverture dans la vie publique, et iii) donner les moyens aux pouvoirs publics d'assumer leurs responsabilités mondiales et renforcer la résilience face à l’influence étrangère. L’Initiative couvre aussi deux thèmes transversaux : « Gouverner vert », qui traduit la capacité à faire face à l’enjeu climatique et à relever les autres défis environnementaux ; et la transformation de la gouvernance publique à l’appui de la démocratie numérique.

La propagation rapide et massive d’informations fausses et trompeuses met gravement en péril le libre échange d’information fondé sur des faits qui sous-tend la démocratie et la confiance dans les institutions publiques. Ces informations polarisent le débat public, ébranlent la volonté des citoyens de s’engager dans la vie démocratique et gênent la formation d'un consensus social. Si l’existence d’informations fausses et trompeuses n'est pas un phénomène nouveau, la généralisation du numérique a, en particulier, fondamentalement changé la manière dont l’information est partagée et comprise. Les mécanismes existants de contrôle des décisions, qui contribuaient par le passé à limiter la propagation d’informations fausses et trompeuses, ont montré les limites de leur efficacité.

De nouveaux modèles de gouvernance mobilisant une approche à l’échelle de l’ensemble de la société s'imposent pour renforcer la résilience des démocraties face à la mésinformation et la désinformation. Les pouvoirs publics doivent œuvrer de concert avec les organisations traditionnelles, les réseaux sociaux, les universitaires et la société civile pour remodeler les écosystèmes de l’information, en veillant aussi bien à la liberté d’expression qu’à l’intégrité de l’information. Certains gouvernements se sont engagés dans cette voie, en soulignant l’ampleur de la menace et la nécessité d'adopter une approche coordonnée au niveau international impliquant l’ensemble de la société.

Un écosystème d'information résilient prévoit un rôle pour la société civile et les médias d'information traditionnels dans la modération préventive et la démystification des informations fausses et trompeuses, une fonction de communication publique plus efficace et mieux centrée sur le citoyen, et des efforts à long terme pour s’instruire davantage sur les médias et apprendre à mieux maîtriser l’information. Les pouvoirs publics peuvent encourager l'accès aux données et leur partage, et envisager des moyens – allant de la formulation d’orientations à l’instauration d'une réglementation – pour rendre les plateformes en ligne plus transparentes sur la modération des contenus, les paramètres des algorithmes et le parrainage. Enfin, l’intégrité de l’information impose d'aborder les facteurs économiques et structurels de la mésinformation et de la désinformation, par exemple la conduite anticoncurrentielle, et d’encourager la diversité, l’indépendance éditoriale et la fourniture d’informations de grande qualité dans les médias.

Dans de nombreux cas, renforcer la voix des citoyens est devenu une priorité. Pour promouvoir une participation citoyenne plus inclusive, de nombreux pays adoptent et institutionnalisent désormais de nouveaux processus délibératifs (loteries civiques, assemblées et jurys citoyens, par exemple) dans l’élaboration des politiques, ainsi que des mécanismes de participation inclusifs permettant d'améliorer la conception et la qualité des services.

La nécessité de renforcer la représentation démocratique des groupes historiquement sous-représentés dans les organes élus (comme les jeunes, les femmes et les minorités) et de veiller à la diversité, la représentativité et la réactivité des services publics fait aussi de moins en moins débat. Recueillir davantage de données ventilées et identifier les obstacles à l’inclusion peuvent contribuer à améliorer la représentation.

Dans le même temps, la capacité à prévenir l’influence indue et à lutter en faveur d’un plus haut degré d’intégrité dans la prise de décision publique doit être érigée en priorité. Cela requiert la mise en œuvre de normes de base sur l’intégrité, le conflit d'intérêt et le lobbying, et l'amélioration des cadres de sauvegarde de l’intérêt public dans le paysage de plus en plus complexe du lobbying et des acteurs et pratiques d'influence.

Enfin, s’ils veulent garantir des résultats démocratiquement stables, les processus électoraux doivent respecter le plus haut degré d'intégrité et de transparence, notamment dans le financement politique, et se montrer capables d'affronter les nouveaux défis soulevés par les technologies numériques et l’influence étrangère dans les élections.

Cela fait longtemps que les démocraties sont à l'avant-garde de la coopération internationale. Néanmoins, un nombre grandissant de défis à l'échelle internationale, comme ceux qui se rapportent au changement climatique et aux chaînes d'approvisionnement mondiales, ont mis en évidence la nécessité d’en faire davantage. L'implication des citoyens est cruciale et commence par l’exposé d’une vision stratégique à long terme assortie d’une feuille de route claire, devant être intégrées dans le cycle des politiques sur les questions mondiales. La capacité institutionnelle à faire face aux défis mondiaux et à exercer une influence internationale doit aussi être cultivée au-delà des ministères des Affaires étrangères, notamment en investissant dans les effectifs de la fonction publique. Les pays exploitent à la fois des instruments de gouvernance classiques, comme la budgétisation, les passations de marchés et la réglementation, et de nouveaux outils, comme l’innovation axée sur des missions, pour promouvoir des objectifs stratégiques à l’échelle mondiale.

L’un des défis les plus complexes d’aujourd'hui concerne la protection de sociétés ouvertes face à l’influence non-démocratique étrangère, qui recourt à la désinformation, au financement politique, aux réseaux sociaux, à divers intermédiaires et à des structures institutionnelles, universitaires ou d’ONG opaques. Les gouvernements devraient renforcer leurs institutions publiques contre ces influences en formant les fonctionnaires, en confiant la responsabilité d’identifier les interférences étrangères, de les contrer et de renforcer la résilience à leur égard, et en comblant les failles réglementaires sur le lobbying, l'influence indue, les bénéficiaires effectifs et le financement politique.

L'avenir de la gouvernance démocratique et celui des mesures liées à la lutte contre les dérèglements environnementaux sont intimement liés. On s’attend à ce que les gouvernements démocratiques montrent qu’ils sont les mieux placés pour régler des problèmes politiques complexes, interconnectés et à long terme, et pour procéder aux arbitrages délicats nécessaires dans l'intérêt de tous. Dans le même temps, la réussite des politiques en faveur du climat et de l’environnement dépendra de l’efficacité et de l’efficience de la gouvernance publique. Partout, les gouvernements sont confrontés à des tâches difficiles : fixer un cap général et définir des priorités à long terme, garantir la cohérence de ces décisions et la confiance à leur égard, et mettre au point des approches coordonnées dans tous les secteurs du pouvoir des administrations publiques.

La gouvernance doit faire l’objet d'une véritable transformation pour répondre avec succès à la pression environnementale, et en particulier à la menace que fait peser le climat sur notre existence même. Si la société dans son ensemble doit consentir des efforts pour relever les défis environnementaux, seuls les pouvoirs publics sont à même de réaliser ou de piloter certaines tâches cruciales. Parmi elles figurent la garantie de la participation des parties prenantes, le dialogue citoyen, et l'intégrité et la transparence permettant d'assurer la confiance et l’adhésion envers les politiques vertes. Les pouvoirs publics sont en train de faire monter en charge les instruments de gouvernance publique que sont la réglementation, les passations de marchés publics, la budgétisation, et la planification et les décisions relatives aux infrastructures pour concrétiser les objectifs en faveur de l’environnement. Certains pays adoptent des approches plus nouvelles comme la gouvernance préventive et les sciences comportementales pour concevoir, mettre en œuvre et promouvoir les politiques vertes. Des efforts plus importants s’imposent dans tous ces domaines, mais aussi pour donner l’exemple du « verdissement » du secteur public et rendre l'action gouvernementale comptable de ses résultats.

L’essor rapide du numérique dans les sociétés, les économies et les administrations met au défi les institutions démocratiques traditionnelles. Les innovations numériques ont élargi l'espace public, valorisé les droits des minorités et des groupes vulnérables et facilité la participation et le contrôle citoyens. Cependant, elles font aussi encourir des risques nouveaux aux droits de l’homme, aux libertés fondamentales, aux minorités et aux groupes vulnérables, elles ont accru les occasions d’exercer une influence indue (nationale ou étrangère) sur l’élaboration des politiques et déstabilisé les écosystèmes de l’information et l’intermédiation démocratique, ce qui a eu pour effet de polariser encore davantage les sociétés.

Élaborées pour un monde analogique, les institutions des pays de l’OCDE sont en train de s'ajuster et de s'adapter à l’ère numérique. Les pouvoirs publics prennent de plus en plus de mesures pour veiller à ce que les droits de l’homme et les principes démocratiques dont jouissent les citoyens lorsqu’ils sont « hors ligne » soient protégés « en ligne » par des réglementations, des déclarations, des chartes ou des normes internationales. Les outils numériques servent de plus en plus à accroître la participation dans la vie publique (par exemple, le vote électronique, les plateformes de consultation, les outils démocratiques numériques en source ouverte), mais aussi l’ouverture et la redevabilité des pouvoirs publics (données ouvertes, diffusion en direct des débats parlementaires, accessibilité des données en rapport avec la fiscalité, le budget, la passation des marchés et la justice, etc.). Ces dernières années, les organisations civiques et les organismes de contrôle ont fait équipe avec des start-ups de la civic tech et de la gov tech pour extraire d'innombrables quantités de données afin de repérer les tendances et tirer le signal d'alarme. On assiste aussi à l'émergence de nouvelles institutions publiques visant à remédier aux risques qui pèsent sur le secteur public et sur l'économie numérique au sens large, dont de nouveaux types d’organes réglementaires permettant de s'attaquer aux questions numériques de façon globale.

L’OCDE a élaboré des plans d'action dans trois de ces domaines pour aider ses Membres, mais aussi d’autres pays, à renforcer leurs systèmes de gouvernance, stimuler la confiance et assurer la résilience de leurs démocraties. D'autres plans d'action suivront.

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