25. Suisse

Au cours des décennies passées, la Suisse a modérément réduit son soutien à l’agriculture, dont le niveau s’est stabilisé ces dix dernières années. Le soutien aux producteurs, exprimé en pourcentage des recettes agricoles brutes, s’est maintenu à un niveau élevé de 50 % en moyenne sur la période 2019-21, soit presque trois fois plus que la moyenne de l’OCDE. La structure de ce soutien a cependant beaucoup changé, les paiements directs ayant remplacé une part importante du soutien des prix du marché (SPM).

Le SPM reste néanmoins la principale composante du soutien, principalement sous la forme de contingents tarifaires assortis de droits de douane hors contingent élevés. Il représente aujourd'hui quelque 50 % du soutien total aux producteurs, contre 80 % il y a 30 ans. En 2019-21, les prix intérieurs moyens ont été supérieurs de 49 % à la moyenne des prix mondiaux. La volaille, les œufs, la viande de porc, le colza ainsi que la viande de bœuf et de veau sont les produits pour lesquels la distorsion de prix a été la plus importante (coefficient nominal de protection) et la part des transferts au titre d'un seul produit (TSP) la plus élevée dans les recettes agricoles brutes par produit.

La Suisse verse à ses agriculteurs d’importants paiements directs, presque tous soumis à des prestations écologiques requises. La part du soutien total aux producteurs a augmenté, passant d’environ 20 % dans les années 80 à presque 50 % ces dernières années. La plupart des aides concernent des paiements à la surface non liés à un produit particulier, des paiements pour le maintien de l’activité dans des conditions difficiles et des paiements accordés aux agriculteurs qui mettent en œuvre des pratiques agricoles plus rigoureuses en matière de protection de l’environnement et de bien-être animal.

Les dépenses consacrées aux services d’intérêt général (ESSG) sont élevées en Suisse. L’ESSG en pourcentage de la production agricole en valeur est passée de moins de 6 % en 2000-02 à plus de 8 % en 2019-21, et se classe parmi les plus élevées des pays étudiés dans le présent rapport. Près de la moitié de l’ESSG est consacrée au système de connaissances et d’innovation agricoles. Le soutien à l’agriculture en pourcentage du PIB a reculé, passant de 2 % en 2000-02 à 1 % en 2019-21.

En mars 2021, le Conseil national suisse a confirmé la suspension du processus législatif relatif à la réforme agricole (Politique agricole à partir de 2022 – PA22+), dont la mise en place était initialement prévue pour 2022. Cette réforme, dont l’objectif est d’accroître la valeur ajoutée et la productivité du secteur tout en renforçant la protection de l’environnement et des ressources naturelles, sera réexaminée une fois que le Conseil fédéral en aura évalué plus précisément les composantes et les résultats attendus. La PA22+ ne devrait pas entrer en vigueur avant 2025. Une enveloppe budgétaire de 14.02 milliards CHF (15.3 milliards USD), en hausse de 0.6 % par rapport à 2018-21, a été adoptée pour couvrir la période 2022-25.

En avril 2021, un grand plan de mesures relatif à la qualité de l’eau a été soumis à consultation séparément de la réforme agricole, dont il faisait initialement partie. Les nouvelles mesures adoptées en 2022 visent à faire baisser les risques associés à l’utilisation de produits phytosanitaires de 50 % d’ici à 2027 par rapport à la moyenne de 2012-15. Elles définissent également un objectif minimal de réduction des pertes d’azote et de phosphore de 20 % à l’horizon 2030, et mettent en place des surfaces de promotion de la biodiversité équivalant à 3.5 % de la surface agricole utile. L’entrée en vigueur de cette dernière mesure a été repoussée à 2024 en raison de la situation des marchés internationaux. Le train annuel d’ordonnances agricoles de novembre 2021 comporte également des prestations écologiques requises plus strictes liées à la gestion des engrais de ferme liquides.

En janvier 2021, la Suisse a présenté sa Stratégie climatique à long terme, qui table sur une réduction des émissions agricoles de gaz à effet de serre (GES) de 40 % par rapport à 1990 à l’horizon 2050, dans le cadre d’un objectif plus large de neutralité carbone pour le pays. Cette stratégie à long terme définit également pour l’agriculture suisse un objectif de production alimentaire, qui devra atteindre au moins 50 % de l’approvisionnement du pays à l’horizon 2050. Cependant, un texte législatif fondamental destiné à accompagner la transition (la révision de la loi sur le CO2) a été rejeté par référendum en juin 2021, ce qui prive le secteur agricole d’un objectif d’atténuation des émissions à moyen terme et d’instruments cohérents pour mettre en œuvre les engagements à long terme. Les mesures environnementales déjà adoptées peuvent contribuer à des efforts d'atténuation spécifiques, mais de nouvelles propositions sont attendues de la part du Conseil fédéral pour remédier à cette situation.

En juin 2021, le Conseil fédéral a adopté la Stratégie pour le développement durable 2030 ainsi que le plan d’action y afférent, qui comporte des objectifs liés au système alimentaire. Quatre objectifs ont été définis dans ce domaine : (1) réduire de 25 % l’empreinte GES des denrées alimentaires consommées à l’horizon 2030 par rapport à 2020 ; (2) faire en sorte qu’un tiers de la population ait accès à une nourriture saine, équilibrée et durable d’ici à 2030 ; (3) faire baisser de 50 % le gaspillage alimentaire par habitant en 2030 par rapport à 2017, et réduire considérablement les pertes alimentaires tout au long de la chaîne de valeur; (4) faire progresser d’un tiers d’ici à 2030, par rapport à 2020, la proportion d’exploitations agricoles qui produisent de manière particulièrement respectueuse de l’environnement et des animaux en recourant à des programmes spécifiques de développement durable, que ceux-ci soient privés ou de droit public. Des débats entre parties prenantes ont été organisés dans le contexte du Dialogue multipartite national sur les systèmes alimentaires afin d’établir une Feuille de route nationale en vue de la transformation des systèmes alimentaires, qui viendra appuyer cette Stratégie. Le plan d’action prévoit également d’actualiser avant fin 2022 la Stratégie Climat pour l‘agriculture de 2011.

  • L’adoption d’objectifs de réduction des émissions à moyen et long terme pour le système agroalimentaire représente une avancée positive en matière d’action climatique, mais le rejet de la révision de la loi sur le CO2 envoie un signal moins encourageant. Sur le plan législatif, un nouveau texte devra être proposé rapidement pour faire en sorte que les mesures nationales d’atténuation du changement climatique demeurent alignées sur les engagements pris en vertu de l’Accord de Paris, et que les mesures propres au secteur de l’agriculture soient en phase avec une stratégie intersectorielle plus large.

  • Plus généralement, les objectifs de la réforme PA22+ étaient conçus de manière à rendre le secteur agricole plus efficient, en améliorant les revenus agricoles et les avantages pour l’environnement tout en préservant la sécurité alimentaire. La suspension du processus législatif ne doit pas conduire à revoir les ambitions initiales à la baisse.

  • Quand bien même la Suisse a réduit la part des formes de soutien les plus susceptibles de créer des distorsions, les mesures à la frontière et les paiements fondés sur la production demeurent parmi les plus élevés de la zone OCDE. La poursuite des mesures prises pour découpler le soutien des revenus de la production agricole permettrait d’alléger les pressions exercées sur l’environnement et de renforcer la compétitivité et la résilience du secteur.

  • Des investissements dans des systèmes de production plus efficients favoriseraient par ailleurs la réalisation des objectifs environnementaux et climatiques. En dépit d'un soutien élevé aux systèmes de connaissances et d'innovation agricoles, la croissance de la productivité totale des facteurs de l’agriculture suisse a marqué le pas ces dix dernières années.

  • Les paiements conséquents dédiés à la protection de l’environnement se sont révélés efficaces dans de nombreux domaines, mais n’ont pas fait reculer les excédents d’azote – toujours deux fois supérieurs à la moyenne de l’OCDE – qui contribuent aux émissions de GES. Le nouveau Plan pour une eau propre devrait permettre de réduire les applications d’engrais, mais des changements structurels plus profonds devraient s’avérer nécessaires.

  • Les pouvoirs publics devraient également envisager sérieusement de prendre des mesures précoces ciblant le secteur de l’élevage, qui produit la majeure partie des émissions agricoles de la Suisse. Sans programme à moyen terme propre à ce secteur, le pays pourra difficilement s’aligner sur les objectifs climatiques fixés à l’horizon 2050 ainsi que sur les efforts mondiaux en vertu de l’Engagement mondial concernant le méthane.

  • La sécurité alimentaire est un élément clé de la politique agricole de la Suisse. Cette dernière met cependant l’accent sur les produits animaux, ce qui induit une dépendance à l’égard des importations de produits fourragers et aggrave les déséquilibres alimentaires observés dans le pays. Une production plus équilibrée permettrait d’atteindre plus facilement les objectifs d’ordre nutritionnel.

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