6. Leadership
Ce chapitre fournit un commentaire sur le principe du leadership figurant dans la recommandation du Conseil de l’OCDE sur l’intégrité publique. Il décrit comment l’investissement dans une autorité morale intègre peut démontrer l’engagement d’un organe du secteur public envers l’intégrité publique, et présente le principe du leadership intègre comme une caractéristique et un style qui peuvent être cultivés en amont par les futurs responsables. Il détaille également les mécanismes qui permettent d’attirer et de sélectionner des autorités morales intègres. Le chapitre aborde en outre les cadres d’incitation et de redevabilité sur lesquels s’appuyer pour récompenser le leadership intègre. Le chapitre traite également le défi auquel sont confrontées les structures bureaucratiques pour soutenir l’autorité morale intègre, en se concentrant sur la souplesse nécessaire pour récompenser et sanctionner le leadership éthique et pour garantir que les structures de gestion des ressources humaines soient établies de manière à assurer le recrutement et la promotion de responsables éthiques.
On attend des responsables qu’ils soient des responsables publics efficaces, capables de diriger leurs équipes, d’inspirer leur personnel et de mettre en place une culture organisationnelle qui favorise l’innovation tout en renforçant les valeurs du secteur public, notamment des normes élevées en matière d’intégrité et d’éthique. Compte tenu de ces responsabilités, on ne saurait trop souligner l’importance du rôle des responsables dans la promotion et la gestion active de l’intégrité au sein de leurs organisations. Les responsables affectent des ressources aux systèmes d’intégrité, les désignent comme priorités organisationnelles, supervisent leur coordination et les intègrent au cœur de leur gestion organisationnelle. Sans une autorité morale engagée, les systèmes d’intégrité ne peuvent produire l’effet escompté. En outre, en montrant l’exemple, les responsables jouent un rôle essentiel dans l’établissement et le renforcement d’une culture de l’intégrité dans les organes du secteur public.
La Recommandation de l’OCDE sur l’intégrité publique invite les adhérents à « investir dans l’autorité morale en matière d’intégrité pour démontrer l’attachement d’une entité du secteur public à l’intégrité, notamment :
a. en inscrivant le sens de l’intégrité dans le profil des responsables à tous les niveaux de l’entité, et en faisant figurer cette qualité comme condition à remplir pour être sélectionné dans le cadre de l’attribution d’un poste de responsabilité, ou bien nommé ou promu à un tel poste, ainsi qu’en évaluant la performance des responsables au regard du système d’intégrité publique à tous les niveaux de l’entité ;
b. en aidant les responsables à montrer la voie à suivre dans le domaine de l’éthique, conformément à leur rôle, grâce à la définition de mandats explicites, à l’apport d’un soutien institutionnel (sous la forme d’un contrôle interne, de la mise à disposition d’instruments de gestion des ressources humaines et de la formulation d’avis juridiques, par exemple), et à la fourniture périodique d’une formation et de conseils en vue de renforcer les connaissances et développer les compétences à avoir pour faire preuve du discernement adéquat dans les cas où des problèmes d’intégrité publique peuvent être soulevés ;
c. en élaborant des cadres de gestion propices à l’exercice de leurs fonctions par les responsables dans une optique de repérage et d’atténuation des risques en matière d’intégrité publique » (OCDE, 2017[1]).
Le principe du leadership de la recommandation se concentre sur la gestion administrative au sein du secteur public. Les responsables publics élus, les ministres et leurs cabinets directs ne sont pas concernés par ce chapitre (pour en savoir plus, voir le chapitre 1), mais ils ajoutent un élément important de contexte, car leur propre gestion contraint souvent les responsables administratifs à mener des activités spécifiques, comme définir une orientation politique stratégique, allouer des budgets et des ressources, ou s’engager directement auprès des citoyens sur diverses questions politiquement sensibles. La frontière entre le politique et l’administratif est en constante évolution et diffère d’un système national à l’autre.
La promotion d’une autorité morale intègre inclut deux grands objectifs : premièrement, veiller à ce que les personnes nommées à des postes de responsabilité possèdent un profil intègre – des personnes morales dotées des compétences nécessaires pour être des responsables intègres ; et deuxièmement, soutenir ces responsables dans l’exercice de leurs fonctions de responsables intègres. Bien que les gouvernements puissent utiliser un certain nombre d’outils et de mécanismes pour atteindre ces objectifs, les caractéristiques suivantes sont essentielles pour rendre une autorité morale intègre opérationnelle :
Une autorité morale intègre est reconnue comme une caractéristique et un style, qui sont cultivés en amont chez les futurs responsables.
Des mécanismes sont établis pour attirer et sélectionner les responsables intègres.
Des mesures d’incitation et de redevabilité favorisent et récompensent l’autorité morale intègre.
6.2.1. Une autorité morale intègre est une caractéristique et un style cultivés en amont chez les futurs responsables
Pour comprendre comment développer des responsables intègres, il faut d’abord expliquer ce que signifie le leadership ou l’autorité morale intègre. Au sein des hiérarchies complexes, on entend généralement par autorité morale les responsables occupant les postes les plus élevés. La plupart des gouvernements des pays de l’OCDE l’institutionnalisent sous la forme d’une haute fonction publique (HFP) spécifique et distincte, selon des modalités différentes. Les responsables occupant des postes au sein de la HFP sont généralement soumis à un ensemble commun de compétences de gestion (voir le graphique 6.1) qui précisent la manière dont ils sont censés atteindre les résultats décrits dans leurs accords de performance.
Le principe du leadership n’est toutefois pas uniquement envisagé en termes de position hiérarchique, mais plutôt en termes de caractère et de style. Le leadership comme trait de caractère s’entend comme quelque chose dont une personne fait preuve (par exemple, « elle a fait preuve d’un grand leadership sur ce sujet »), ou comme un ensemble de compétences liées à la capacité de convaincre, de motiver et de guider un groupe vers un résultat souhaité. Cet ensemble de compétences comprend des compétences techniques, conceptuelles, interpersonnelles et une intelligence émotionnelle et sociale. Ce sont des compétences dont chaque membre d’une équipe de travail peut faire preuve, et elles s’inscrivent souvent dans des cadres de compétences qui mettent en valeur certaines composantes du leadership et s’appliquent à tous les fonctionnaires (encadré 6.1).
Le gouvernement des Pays-Bas demande à ses responsables d’être des conseillers politiques avisés, des partenaires sociaux connectés et des gestionnaires organisationnels efficaces.
Cette vision souligne les qualités dont tout responsable public devrait faire preuve :
L’intégrité – Travailler avec sincérité et conscience dans l’intérêt public, traiter les questions sociales et en offrir la preuve dans ses actions quotidiennes.
La coopération – Mettre en pratique une direction partagée, en se concentrant sur le contexte élargi et pas seulement sur son domaine d’action immédiat, en recherchant activement la collaboration et la cocréation et en intégrant différentes perspectives.
La réflexion – Le responsable public nourrit une approche critique de son propre comportement et organise une réflexion sur le terrain basée sur les connaissances et la pratique, pose les bonnes questions et détermine en conséquence le cap et la posture à adopter.
Source : Service néerlandais de la haute fonction publique, ministère de l’Intérieur et des Relations au sein du Royaume.
Le leadership en termes de style (par exemple « comment une personne dirige ») est un autre élément essentiel. Sur la base d’une analyse des comportements associés aux responsables qui sont perçus comme étant éthiques par leurs employés, une autorité morale en matière d’éthique peut s’entendre comme « la démonstration d’un comportement normativement approprié par des actions personnelles et des relations interpersonnelles, et la promotion de ce comportement auprès de son personnel à travers une communication à double sens, le renforcement et la prise de décisions » (Brown, Treviño et Harrison, 2005[3]). Deux aspects interdépendants sont indispensables pour être un « responsable éthique » : le responsable doit être perçu comme une personne morale ; et il doit également être un gestionnaire moral (Treviño, Hartman et Brown, 2000[4]).
En ce qui concerne l’aspect de la personne morale, on attend des responsables éthiques qu’ils se conforment à des normes éthiques élevées, qui guident leur propre prise de décisions de manière explicite et démontrable. Les responsables éthiques sont perçus comme ayant des traits de caractère (intégrité, honnêteté et fiabilité) et un comportement (faire ce qui est juste, se soucier des gens, être ouvert, avoir une moralité personnelle) spécifiques (Treviño, Hartman et Brown, 2000[4]). Cela se manifeste dans leur prise de décisions. Les responsables éthiques sont perçus comme ayant un niveau élevé de conscience de leurs propres positions morales et la capacité à se laisser guider par leurs valeurs personnelles lorsqu’ils sont confrontés à des dilemmes éthiques. En d’autres termes, leur comportement correspond à leur discours. De plus, les responsables éthiques font preuve d’un niveau élevé d’équité, de loyauté et de confiance envers ceux qu’ils dirigent. Cela engendre une relation réciproque entre les membres de leur personnel qui cherchent à imiter le comportement éthique de leur hiérarchie.
L’autre aspect de la gestion morale concerne la responsabilité d’un dirigeant dans la promotion de la prise de décisions éthiques auprès de ceux qu’il dirige. Le tableau 6.1 met en évidence les quatre aspects d’un responsable moral (voir également le chapitre 9).
Lorsque l’autorité morale intègre est considérée comme un trait de caractère et un style, il devient évident qu’elle exige de l’anticipation. Les gouvernements peuvent recourir à plusieurs méthodes pour développer en amont les compétences des futurs responsables en matière d’intégrité afin de constituer un réservoir de talents. La théorie de l’apprentissage social suggère que les individus apprennent des comportements en imitant des modèles crédibles et attrayants (Bandura, 1986[6]). La plupart des responsables éthiques peuvent citer un modèle qui les a marqués au début de leur carrière, et la plupart sont des personnes avec lesquelles ils ont travaillé en étroite collaboration – un superviseur ou un responsable direct plutôt qu’un cadre éloigné. « Le fait de disposer d’un modèle proche et éthiquement positif au cours de sa carrière augmente les chances qu’une personne devienne un responsable éthique » (Brown et Treviño, 2006[7]).
Cela suggère que l’autorité morale intègre est un processus qui commence tôt et est de nature diffuse – qu’un « comportement exemplaire au niveau supérieur » est essentiel, mais qu’il est vital de le renforcer à tous les niveaux de direction d’une organisation. En outre, ces observations montrent que le principal moyen de développer un leadership intègre réside dans l’environnement de travail quotidien et les interactions quotidiennes entre le responsable et son équipe. Pour être un responsable moral efficace, il faut comprendre que l’évolution des employés représente un aspect essentiel de leur rôle et prendre le temps d’avoir des discussions à ce sujet avec eux. Dans le cas inverse, les exigences d’un environnement de travail à cadence rapide tendent à écarter les possibilités d’interaction en matière d’évolution du personnel. Pour former des responsables moraux efficaces dès le début du processus, les entités publiques devraient donc exiger que la « capacité à faire évoluer le personnel » soit une compétence de base en matière d’encadrement, au même titre que la production de résultats. En outre, les entités publiques devraient veiller à ce que les responsables soient formés sur la manière de soutenir leurs employés en matière de développement professionnel et de tenir des discussions éthiques avec eux.
Des modèles peuvent également être identifiés à travers des programmes formels de mentorat et d’encadrement, dans le cadre desquels les employés sont jumelés avec un cadre supérieur (et non leur supérieur immédiat) ou un expert en gestion, et sont encouragés à soulever des questions en matière de gestion éthique sur lesquels ils souhaiteraient être guidés (l’encadré 6.2 donne un aperçu de certains programmes de mentorat, bien que non spécifiques à l’intégrité). En outre, le mentorat et l’encadrement pourraient être intégrés aux programmes de gestion des talents, en assurant une rotation des futurs responsables à des rôles spécifiques davantage exposés aux questions d’éthique et en veillant à ce qu'ils travaillent avec un encadrant éthique. Dans ces deux cas, les questions d’intégrité doivent être prises en compte lors de l’évaluation des mentors, formateurs ou gestionnaires potentiels pour les programmes de rotation des talents.
La fonction publique flamande a mis en place un programme de formation conjointe avec le service de la fonction publique néerlandaise, dans le cadre duquel les cadres supérieurs sont formés à l’encadrement des collègues. Cela permet un encadrement transfrontalier par les pairs qui présente un certain nombre d’avantages, comme celui de permettre aux pairs de tirer parti de la richesse de l’expérience des cadres supérieurs des organisations publiques. Parfois, un point de vue extérieur est nécessaire pour remettre en question les perceptions et garantir un meilleur sens du partage, confidentiel et honnête ; l’encadrement transfrontalier peut répondre à ces deux attentes. Grâce à la formation conjointe, les pairs se familiarisent également avec les coutumes et les styles de gouvernance de l’autre pays.
En Allemagne, l’Académie fédérale de l’administration publique a créé un centre d’encadrement qui gère un ensemble de formateurs externes composé d’universitaires et de formateurs privés, et met en relation les responsables publics avec des formateurs appropriés en fonction de leurs besoins spécifiques. En 2018, le centre a facilité environ 380 sessions d’encadrement (individuel et d’équipe). Certains ministères (par exemple, les affaires étrangères) gèrent leur propre pool de formateurs, et il en existe également beaucoup au niveau infranational et municipal.
En Belgique, l’IFA (Institut de formation de l’administration fédérale) propose aux cadres un programme sur la méthode de gestion « allégée », qui combine trois modes d’apprentissage importants : en ligne, en face à face et un encadrement plus intensif pour des projets spécifiques.
Source : (OCDE, 2017[8]).
Mettre l’accent sur l’apprentissage par l’expérience ne signifie pas que l’autorité morale intègre doive être ignorée dans les autres modalités de développement du leadership. Les modules d’apprentissage en classe ou en ligne peuvent couvrir différents aspects des normes et du système d’intégrité du gouvernement afin de garantir une compréhension commune des obligations des responsables en matière d’intégrité et des mécanismes et outils disponibles pour les aider à les respecter (pour en savoir plus, voir le chapitre 8). Cette approche fondée sur les connaissances peut être complétée par des études de cas de vrais responsables confrontés à des dilemmes éthiques réels dans leur contexte, afin d’enseigner et de pratiquer le raisonnement moral. Ces études de cas devraient être utilisées non seulement pour préparer les futurs responsables et dirigeants aux rôles qu’ils assumeront en matière d’intégrité, mais aussi les nouveaux cadres et dirigeants qui pourraient avoir récemment intégré l’organisation et avoir une connaissance moindre des types de dilemmes éthiques courants dans leur domaine de travail spécifique.
La formation à l’autorité morale peut également comprendre des modules sur la façon d’être un responsable moral. Comme évoqué plus haut, les responsables moraux sont des modèles qui discutent ouvertement de l’éthique, qui récompensent les comportements éthiques et qui habilitent leurs employés à prendre des décisions éthiques. Pour y parvenir, ces responsables peuvent s’entraîner à discuter de la prise de décisions morales avec leurs collègues et apprendre différentes techniques de communication pour promouvoir leurs efforts et se comporter en modèles visibles.
6.2.2. Des mécanismes sont établis pour attirer et sélectionner les responsables intègres
On attend des cadres qu’ils démontrent leur intégrité par leur comportement, ce qui devient un critère pour l’embauche, la promotion et l’évaluation des performances. Toutefois, pour que ce cadre de compétences s’applique, les gouvernements doivent mener une réflexion approfondie afin de traduire ce concept en un comportement démontrable et mesurable. Par exemple, le cadre de compétences du gouvernement de la Nouvelle-Galles-du-Sud en Australie identifie cinq niveaux d’intégrité, chacun associé à des comportements (tableau 6.2).
L’intégrité peut également être intégrée dans tous les aspects de la sélection des responsables, à commencer par la description du poste et l’offre d’emploi. Les candidats recherchent des organisations qui correspondent à leurs propres valeurs. Par conséquent, les organisations qui recrutent et qui promeuvent en amont l’intégrité en tant que valeur organisationnelle sont davantage susceptibles d’attirer les personnes adéquates au poste. Au Chili, l’intégrité est une valeur fondamentale du système de recrutement des responsables publics. Pour renforcer cette valeur, les candidats sélectionnés sont tenus de suivre une formation sur l’intégrité.
Dans certains pays de l’OCDE, la vérification des antécédents et le contrôle préalable de l’intégrité sont deux des premières activités utilisées pour éliminer les personnes qui présentent un risque élevé (encadré 6.3). Cela peut se faire avant même de juger de leurs aptitudes et de leurs compétences. L’identification d’outils de présélection efficaces peut toutefois constituer un défi, car il n’existe quasiment pas de consensus sur la précision ou la fiabilité des outils de présélection en matière d’intégrité (U4 Anti-Corruption Resource Centre, 2012[9]). C’est pourquoi l’intégrité devrait être testée à plusieurs stades du processus de sélection.
Le cadre de référence des compétences des cadres supérieurs de la Commission européenne contient une « compétence de gestion du personnel » spécifique qui appelle à « inspirer les autres à long terme en se basant sur la vision ; diffuser et faire rayonner la vision et les valeurs de l’organisation, agir comme modèle pour les autres en montrant l’exemple au sein de l’organisation ». La compétence « d’inspiration » est testée dans le cadre du processus de sélection des cadres supérieurs lors d’une session d’une journée organisée par un consultant externe en ressources humaines. L’intégrité est également évaluée comme un aspect essentiel de la conduite dans le cadre des exercices d’évaluation annuelle de tous les agents publics, qui portent sur « la compétence, le rendement et la conduite en matière de service » (article 43 du statut du personnel).
En 2002, la Commission a lancé un programme régulier de retours d’information à 360 degrés et de développement sur mesure pour le perfectionnement de l’encadrement supérieur. Ce retour d’information permet aux cadres supérieurs de comprendre comment ils sont perçus par leurs supérieurs, leurs pairs et leurs subordonnés. Le questionnaire porte sur les compétences et les traits de caractère en matière d’autorité morale, tels que le fait de servir l’intérêt public, d’incarner les valeurs de l’organisation et de montrer l’exemple.
Source : Informations fournies par la Direction générale des ressources humaines et de la sécurité de la Commission européenne.
Tous les postes de gestion ne seront pas soumis au même niveau de prise de décision éthique et n’exigeront donc pas le même degré de présélection. Pour les postes d’une certaine intensité éthique, les candidats pourraient être testés dans des exercices reflétant le type de situations éthiques auxquelles ils sont susceptibles d’être confrontés, afin qu’ils puissent démontrer leurs valeurs personnelles et leurs capacités de raisonnement moral. Les postes de moindre intensité éthique pourraient être considérés comme des tremplins où les futurs responsables peuvent démontrer leurs capacités de leadership en matière d’intégrité. De cette façon, les responsables pourraient commencer à développer un bilan d’intégrité qui sera évalué et utilisé lors des futures décisions de recrutement. Les exigences proportionnées pour des fonctions spécifiques occupées dans les plus hauts échelons politiques et administratifs sont examinées plus en détail au chapitre 1.
Le contrôle de l’intégrité, du raisonnement moral ou d’autres valeurs est une pratique utilisée dans certains pays, soit dans l’ensemble de la fonction publique, soit au sein d’organisations spécifiques (comme c’est le cas en Australie, pour les agences de renseignement et de sécurité nationale). Cette discipline complexe nécessite le soutien d’experts qualifiés en psychologie. Les cadres hiérarchiques et/ou les spécialistes RH ne sont pas susceptibles d’être dotés des compétences adéquates, en particulier pour les postes fortement exposés aux risques éthiques. Les outils suivants ont été utilisés par des organisations publiques, et fournissent des exemples de mise en œuvre:
l’utilisation de formats uniformes pour les CV, ce qui permet d’appliquer des filtres d’intégrité pour faciliter l’identification des candidats appropriés
un test préalable portant sur l’intégrité (par exemple en ligne), des tests de personnalité ou des examens similaires, à titre de première étape pour être considéré pour le poste, et/ou comme élément de la prise de décision finale
des questions à poser lors de l’entrevue afin de faire réfléchir les candidats aux modèles en matière d’éthique dont ils ont déjà bénéficié sur le lieu de travail, et/ou parler des dilemmes éthiques auxquels ils ont été confrontés et de la manière dont ils y ont réagi
des tests de jugement situationnel et des questions qui présentent aux candidats une situation moralement ambiguë et leur font expliquer leur raisonnement moral
des simulations sous forme de jeux de rôle et de jeux qui seront réalisées dans un centre d’évaluation
la vérification des références, qui comprend des questions liées à la prise de décisions éthiques et le fait de demander à des collègues qui ont travaillé avec le candidat à des postes antérieurs d’évaluer son comportement en matière d’éthique et sa capacité à gérer d’autres personnes de manière éthique
des questions qui permettent de démontrer la conscience qu’a un candidat de la nécessité d’un comportement moral en matière de gestion et à montrer l’exemple (en reconnaissant qu’être un responsable intègre ne consiste pas seulement à être une personne morale solide, mais aussi à modeler activement la prise de décisions éthiques, à communiquer sur l’éthique avec ses employés, à utiliser des récompenses et des sanctions pour promouvoir l’éthique et à offrir aux employés un niveau approprié de discrétion et de conseils pour prendre leurs propres décisions éthiques).
6.2.3. Des mesures d’incitation et de redevabilité favorisent et récompensent l’autorité morale intègre
Une fois que les responsables sont formés et nommés, ils ont besoin de soutien et de renforcement pour être des responsables intègres. La prise de décisions éthiques étant fortement influencée par le contexte situationnel et social spécifique, il incombe aux hauts fonctionnaires, praticiens de l’intégrité, responsables RH et tous les gestionnaires publics la responsabilité d’assurer les bonnes conditions pour que les individus moraux deviennent des responsables intègres.
Les accords et les évaluations de performance constituent l’un des outils que les entités publiques peuvent utiliser. Pour que les systèmes de performance puissent promouvoir et récompenser le leadership intègre, ils doivent équilibrer une évaluation de ce que les responsables réalisent et, également, de comment ils le font :
Du côté du « quoi », on pourrait attendre des responsables qu’ils atteignent des résultats et des objectifs spécifiques liés à l’intégrité. Il pourrait s’agir d’objectifs visant à apporter des réformes ou des améliorations spécifiques aux systèmes d’intégrité, à mettre en œuvre de nouvelles normes ou à engager les partenaires dans de nouvelles voies qui favorisent la transparence et l’intégrité. Ces objectifs pourraient être formulés sous forme d’objectifs spécifiques dans un accord relatif aux performances.
En ce qui concerne le « comment », l’intégrité (ou un concept connexe) est une compétence souvent évaluée chez les responsables. Les cadres doivent être invités à présenter des exemples de la manière dont ils ont fait preuve d’un leadership intègre au cours du cycle de performance précédent, tant en ce qui concerne les décisions éthiques qu’ils ont prises que la gestion morale dont ils ont fait preuve. L’évaluation de cette composante pourrait également inclure des contributions provenant d’examens à 360 degrés et d’enquêtes auprès du personnel afin d’informer les responsables sur la manière dont ils sont perçus, s’ils sont considérés comme un modèle d’éthique par les autres et si les employés sous la direction de ce responsable se sentent à l’aise pour faire part de leurs préoccupations en matière d’intégrité.
La composante « intégrité » des évaluations des performances doit être renforcée par des récompenses et des sanctions. Les responsables particulièrement solides en matière d’intégrité pourraient être identifiés pour des opportunités d’évolution de carrière, notamment à des postes exposés à un risque éthique plus fort. Les personnes dont l’évaluation est moins bonne devraient se voir offrir des possibilités de formation et, si nécessaire, être démises de leurs fonctions en cas d’identification de risques importants.
La nature de la fonction publique pose plusieurs défis au leadership en matière d’intégrité, notamment la nécessité de diriger face à de profonds dilemmes éthiques et dans des structures de gestion de ressources humaines bien définies.
Par exemple, la mission, le rôle et le contexte des organes du secteur public peuvent souvent entraîner de profonds dilemmes éthiques. La capacité de réglementer, d’appliquer un pouvoir coercitif et de contrôler les systèmes et processus qui ont un large impact sur la société (par exemple, la défense, la santé, le bien-être social) suggère l’ampleur de l’impact de la prise de décision éthique. Les frontières de plus en plus floues entre les organes du secteur public et leurs partenariats complexes avec d’autres secteurs peuvent poser d’autres dilemmes éthiques. Cela suggère que les cadres du secteur public doivent être impliqués et sensibilisés sur le plan éthique, et qu’ils jouent un rôle plus important en tant que responsables moraux.
De plus, les systèmes d’emploi publics ont tendance à être bien définis, ce qui peut rendre difficile, pour les responsables qui souhaitent protéger un secteur public professionnel fondé sur le mérite, la constitution de leurs propres équipes et la définition de leurs propres critères d’embauche et de performance. Il pourrait en résulter une diminution des marges de manœuvre en termes de récompense et de sanction des comportements éthiques, et il pourrait être nécessaire de mettre davantage l’accent sur la communication et l’exemplarité. Les responsables du secteur public ont également tendance à diriger des organisations de très grande envergure et très dispersées qui peuvent avoir des bureaux situés dans tout le pays, une situation qui accroît les risques en matière d’intégrité et rend la communication et le contrôle plus difficiles. Il y a donc un réel besoin de veiller à ce que les subordonnés soient bien informés sur le cadre éthique et soutenus dans la prise de bonnes décisions éthiques.
Références
[6] Bandura, A. (1986), Social Foundations of Thought and Action: A cognitive Theory, Prentice-Hall, Inc.
[7] Brown, M. et L. Treviño (2006), « Ethical leadership: A review and future directions », The Leadership Quaterly, vol. 17/6, pp. 595-616, https://doi.org/10.1016/j.leaqua.2006.10.004.
[3] Brown, M., L. Treviño et D. Harrison (2005), « Ethical leadership: A social learning perspective for construct development and testing », Organizational Behavior and Human Decision Processes, vol. 97/2, pp. 117-134, https://doi.org/10.1016/j.obhdp.2005.03.002.
[5] Heres, L. et K. Lasthuizen (2012), « What’s the difference? Ethical leadership in public, hybrid and private sector organizations », Journal of Change Management, vol. 12/4, pp. 441-466, https://doi.org/10.1080/14697017.2012.728768.
[1] OCDE (2017), Recommandation du Conseil sur l’intégrité publique, OCDE, Paris, https://legalinstruments.oecd.org/fr/instruments/OECD-LEGAL-0435 (consulté le 24 janvier 2020).
[8] OCDE (2017), Skills for a High Performing Civil Service, OECD Public Governance Reviews, Éditions OCDE, Paris, https://dx.doi.org/10.1787/9789264280724-en.
[2] OCDE (2016), Survey on Strategic Human Resources Management in Central / Federal Governments of OECD Countries, OCDE, Paris, https://qdd.oecd.org/subject.aspx?Subject=GOV_SHRM (consulté le 24 janvier 2020).
[4] Treviño, L., L. Hartman et M. Brown (2000), « Moral person and moral manager: How executives develop a reputation for ehical leadership », California Management Review, vol. 42/4, pp. 128-142, https://doi.org/10.2307/41166057.
[9] U4 Anti-Corruption Resource Centre (2012), Overview of integrity assessment tools, https://www.u4.no/publications/overview-of-integrity-assessment-tools.pdf.