2. Les cultures de l’apprentissage dans la fonction publique

Aujourd’hui, la fonction publique moderne doit faire face à des problèmes complexes et émergents, à des crises qui semblent n’en plus finir et à un environnement mondial axé sur les nouvelles technologies. Au fur et à mesure que la situation évolue, l’apprentissage devient essentiel pour la flexibilité dans la fonction publique car l’apprentissage lui-même est au cœur de l’innovation, de l’adaptation et de la résilience des effectifs. Le rôle d’un fonctionnaire a considérablement évolué, exigeant de nouvelles aptitudes et compétences qui nécessitent de mettre en place un apprentissage tout au long de la vie et un renforcement des capacités tout au long de la carrière. L’apprentissage est ainsi devenu une « partie du travail » dans la fonction publique. Les administrations efficaces, tournées vers l’avenir et prêtes à affronter les crises peuvent compter sur des fonctionnaires dotés de vastes compétences et ont la capacité de former en permanence leur personnel pour satisfaire aux besoins de la gouvernance moderne. Ces administrations ont naturellement mis en place de solides cultures propices à l’apprentissage, où l’apprentissage n’est pas seulement une attente, mais aussi un élément naturel et habituel de l’expérience et du modèle organisationnel.

Si la culture de l’apprentissage encourage et facilite l’apprentissage, elle crée également un environnement dans lequel il est perçu positivement par les employés, les cadres dirigeants et l’administration en général. Avec l’instauration d’une culture de l’apprentissage, la formation continue, qui était alors perçue comme contraignante, facultative ou peu stimulante, est associée à la croissance et à l’avancement de carrière, et devient à la fois indispensable et attendue ; dans l’idéal, elle est également la bienvenue.

La formation, qui était uniquement dispensée de manière formelle et au moyen de cours traditionnels à des moments précis (souvent seulement en début de carrière) est désormais intégrée dans les méthodes de travail quotidiennes, avec une multitude de possibilités de formation. Une culture de l’apprentissage fait peser la responsabilité de l’apprentissage et du perfectionnement non seulement sur les employés, mais aussi sur les cadres dirigeants, les équipes, les systèmes et les structures, ainsi que sur le lieu de travail dans son ensemble. Elle contribue à favoriser un environnement dans lequel les employés maintiennent et actualisent leurs compétences et en acquièrent continuellement de nouvelles, ce qui se traduit par une base de compétences plus large et plus diversifiée, laquelle peut contribuer à une plus grande résilience et flexibilité des effectifs.

Pour pouvoir mettre en place des systèmes et des stratégies d’apprentissage, et ancrer des cultures de l’apprentissage dans les organisations, il faut acquérir une compréhension approfondie de la manière dont les adultes apprennent sur – et pour – leur lieu de travail et leur identité professionnelle. L’incidence réelle de l’apprentissage sur le lieu de travail dépend pour beaucoup de la mesure dans laquelle les organisations reconnaissent les efforts déployés par les employés pour apprendre et de leurs compétences individuelles (Desjardins, 2017[1]). Les adultes décident en connaissance de cause de s’engager formellement ou non dans une démarche d’apprentissage, de même qu’ils décident des modalités de cet apprentissage et du moment auquel ils souhaitent le commencer (Kantar Public and Learning and Work Institute, 2018[2]). Ils « ne sont pas très enclins à apprendre des choses dont ils ne perçoivent pas l’intérêt eu égard à leur propre situation personnelle » (Illeris, 2003[3]).

Au-delà des cadres formels, l’apprentissage se présente sous de nombreuses formes qui peuvent viser des résultats et des objectifs différents, et avoir une utilité variable selon les différents types d’apprenants. Il peut être entrepris activement et délibérément, au moyen de cours formels par exemple. Il peut également se dérouler de manière plus collaborative, notamment sous la forme d’ateliers ou de discussions plutôt que de classes, ou de manière plus informelle, notamment par le biais de l’apprentissage par la pratique ou de l’observation des autres (OCDE, 2021[4]). Une approche unique, applicable à toutes les personnes et à toutes les situations, est rarement la meilleure solution ; s’il peut se révéler plus compliqué de déterminer ce qu’est la meilleure solution, il n’en demeure pas moins que c’est celle qui aura le plus d’incidence sur les résultats.

Le leadership joue un rôle important dans la création de cultures de l’apprentissage. Les administrations ayant déclaré que leurs hauts responsables accordent une réelle importance à l’apprentissage et au perfectionnement des employés et qu’ils en font une priorité, obtiennent également des notes nettement plus élevées sur de nombreux autres aspects de la culture de l’apprentissage, comme le fait que les responsables soutiennent le perfectionnement de leur équipe et la mesure dans laquelle les employés participent et s’engagent dans des activités d’apprentissage (Elizabeth Crowley et Laura Overton, 2021[5]).

Le supérieur hiérarchique direct d’un agent public peut enseigner beaucoup de choses sans s’en rendre compte, simplement en faisant son travail et en communiquant avec son équipe. Cet apprentissage peut être renforcé par un retour d’informations, une réflexion ou un accompagnement. Par ailleurs, les dirigeants qui affichent eux-mêmes un comportement d’apprentissage et qui valorisent l’apprentissage au sein d’une administration sont plus susceptibles de créer des administrations dotées de solides cultures de l’apprentissage (Elizabeth Crowley et Laura Overton, 2021[5]). La théorie de l’apprentissage social, lorsqu’elle est appliquée au lieu de travail, véhicule l’idée que l’observation, le façonnage et l’imitation des comportements, des attitudes et des réactions émotionnelles des autres – en particulier de ceux qui sont les plus proches de nous ou qui occupent des postes de leadership – sont les principaux moteurs de l’apprentissage des humains (Bandura, 1977[6]).

Le plus souvent, nous apprenons sans nous en rendre compte, ou à tout le moins sans le vouloir. Si certaines compétences et connaissances très tangibles peuvent être acquises, si tel est le souhait des apprenants, par des moyens traditionnels – cours magistraux, études et acquisition d’informations – d’autres pans entiers de l’apprentissage se font par des moyens beaucoup moins faciles à identifier : par l’expérience, l’observation des autres, les interactions, les expériences, etc. L’apprentissage sur le lieu de travail est « un objet complexe, qui existe à différents états » (Fenwick, 2010[7]), et se manifeste de différentes manières selon chaque individu ; il n’existe pas qu’une seule façon – ni une seule bonne façon – d’apprendre sur le lieu de travail.

Les systèmes d’apprentissage et de perfectionnement organisationnels les plus efficaces intègrent et encouragent de nombreux types d’apprentissage. L’apprentissage se trouve au croisement de l’individu (et de ses propres capacités) et de son environnement – l’administration, l’équipe ou la société. La conception et la mise en œuvre des systèmes et d’une aide à l’apprentissage sont aussi importantes que le contenu afin de déterminer si les employés acquièrent de nouvelles connaissances, les retiennent et les utilisent ensuite dans des situations concrètes (OCDE, 2005[8]).

C’est pour cette raison que l’apprentissage sur le lieu de travail est étroitement lié aux structures organisationnelles et à la politique de planification des effectifs, surtout dans les domaines des structures incitatives et de conception des tâches quotidiennes. Étant donné que l’apprentissage se fait naturellement, bien que souvent de manière involontaire, les organisations peuvent reconnaître ce phénomène et en exploiter le potentiel, en créant des situations dans lesquelles l’apprentissage naturel peut se produire délibérément, tout en étant reconnu et récompensé. Il peut être utilisé dans le cadre d’un système de développement global sur un lieu de travail, notamment par le biais de retours d’information, d’une réflexion structurée et d’une conception de l’équipe bien pensée.

Une fonction publique qui accorde une plus grande importance aux compétences, aux comportements et aux aptitudes socio-émotionnelles aura tendance à être mieux équipée pour faire face aux problèmes et aux crises modernes qui nécessitent résilience et ingéniosité de la part des agents de la fonction publique. Le besoin accru non seulement d’aptitudes techniques, mais aussi de compétences cognitives de haut niveau et de compétences d’interaction sociale entraîne de nouveaux besoins en matière d’apprentissage et de formation. Ces compétences contribuent à l’efficacité du leadership, à la gestion des crises et du changement, à l’innovation et bien plus encore.

Il est urgent et pertinent de mettre en place et de maintenir un personnel de la fonction publique doté des compétences et des aptitudes nécessaires pour être prêts à affronter l’avenir dans un monde moderne de problèmes complexes, et cela nécessite de mettre en place des systèmes d’apprentissage et de perfectionnement stratégiques et prioritaires au sein des administrations. Ces systèmes de formation qui visent à améliorer les compétences et les aptitudes des employés sont complexes et nécessitent des ressources suffisantes ainsi qu’une planification stratégique étayée par des données probantes. Les cadres de compétences, la planification des effectifs et une vision des effectifs comme un ensemble de capacités plutôt que de rôles (permettant ainsi une plus grande flexibilité et résilience pour s’adapter à l’évolution de la situation et des priorités) peuvent nous aider à déterminer quelles sont les compétences dont nous avons le plus besoin. Ils peuvent à leur tour éclairer la prise de décisions relatives à la formation et à l’apprentissage.

Pour concevoir et mettre en œuvre des systèmes efficaces au sein des administrations, il faut comprendre non seulement quelles sont les compétences requises mais aussi comment les inculquer et comment obtenir la participation des apprenants cibles. Il s’agit d’un sujet très souvent discuté mais rarement étudié, bien que les recherches montrent que l’apprentissage et le perfectionnement sur le lieu de travail ont un effet direct sur les performances et les objectifs stratégiques de l’organisation (Kroll et Moynihan, 2015[10]). Ce chapitre fournit des données sur le sujet que les décideurs des administrations centrales des pays membres de l’OCDE n’auraient pas pu se procurer autrement.

Les sections suivantes de ce chapitre portent sur la manière dont les systèmes d’apprentissage et de perfectionnement sont conçus et mis en œuvre au sein des administrations publiques des pays de l’OCDE. Elles mettent particulièrement l’accent sur les cultures de l’apprentissage, à savoir les attitudes et les actions organisationnelles globales et systémiques qui s’articulent autour de la formation continue et créent de l’espace pour celle-ci. Les cultures de l’apprentissage comportent plusieurs éléments – par exemple le leadership, les incitations, l’étendue des possibilités et une stratégie reposant sur des données probantes – qui sont associés pour créer ce qui serait autrement une notion moins tangible. Un grand nombre de ces éléments sont présentés ci-dessous, sur la base des données d’une enquête de l’OCDE réalisée par le groupe de travail sur l’emploi et la gestion publics, dont les travaux sont guidés par la Recommandation du Conseil de l’OCDE sur le leadership et les aptitudes de la fonction publique (OCDE, 2019[11]). Le huitième principe de la recommandation, exposé dans le Graphique ‎2.1 ci-dessous, souligne l’influence des cultures de l’apprentissage sur le développement des aptitudes et des compétences dans le contexte de la fonction publique.

Cette section commence par passer en revue la structure des systèmes d’apprentissage, ainsi que les personnes auxquelles incombe la responsabilité de l’apprentissage et du perfectionnement au sein des équipes et des administrations centrales. Elle examine ensuite les différentes manières d’inciter les employés à s’engager dans une démarche d’apprentissage ainsi que les éléments des offres de perfectionnement stratégique et de qualité, puis présente des informations sur les besoins individuels des employés en matière d’apprentissage et de perfectionnement.

La manière dont les administrations centrales mettent en œuvre et coordonnent la formation entre les ministères et les organismes contribue à la culture globale de l’apprentissage. Les stratégies et les outils d’apprentissage organisationnel peuvent être organisés au niveau central, répartis dans les différents ministères, laissés à l’appréciation des cadres dirigeants, externalisés, ou bien d’autres options peuvent être envisagées ou combinées. Les pays de l’OCDE dotés de stratégies d’apprentissage et de perfectionnement les organisent et les mettent en œuvre de différentes manières. Le Graphique ‎2.2 ci-dessous montre que seulement 5 % des pays ayant répondu à l’enquête déclarent qu’aucune stratégie d’apprentissage et de perfectionnement n’a été mise en place au sein de leur administration, tandis que 68 % affirment qu’une stratégie a été mise en place au niveau central et 65 % que la plupart des ministères et des organismes disposent de leur propre stratégie.

L’adoption de plans au niveau ministériel s’explique parfois par un modèle de gouvernement plus décentralisé, comme en Norvège, où chaque administration est libre de travailler à la réalisation des plans convenus au niveau national selon des modalités qui lui convient, notamment en accédant à des programmes de formation mis en œuvre par l’intermédiaire de l’Agence norvégienne de gestion publique et financière. Dans le Graphique ‎2.3, on peut voir que la moitié environ des pays sont dotés d’une école nationale de l’administration ou d’un établissement similaire au niveau central, ou d’un organisme central qui propose des offres de formation et de perfectionnement, tandis que dans près de 80 % des cas, les ministères et les organismes dispensent ou organisent leur propre formation.

Il est possible d’indiquer plusieurs réponses, étant donné que dans de nombreux cas les stratégies d’apprentissage des pays sont constituées de plusieurs systèmes combinés. À titre d’exemple, en Espagne, l’Institut national de l’administration publique organise des formations pour l’ensemble des fonctionnaires, et les différents ministères gèrent également leurs propres programmes de formation spécialisée en fonction des compétences requises dans chaque domaine. Le Royaume-Uni a quant à lui lancé un programme de formation proposé sur le campus de la fonction publique (Government Campus) ; cette stratégie mise en place à l’échelle de l’administration vise à regrouper toutes les offres de formation en un seul endroit et à les rendre accessibles à tous. Il tire également parti de la formation ministérielle spécialisée en la rendant largement disponible plutôt qu’en la centralisant, et en renonçant à l’expertise qui sous-tend sa création et sa mise en œuvre (pour en savoir plus sur cette initiative au Royaume-Uni, voir l’étude de cas supplémentaire dans le présent rapport).

De nombreuses stratégies peuvent se révéler efficaces, mais la planification, l’organisation et la coordination jouent un rôle essentiel dans l’efficacité et l’adéquation des systèmes. De nombreux pays qui obtiennent de bons résultats en matière d’apprentissage et de perfectionnement des effectifs sont dotés de systèmes bien pensés et universels qui couvrent l’ensemble des agents administratifs, favorisent la communication et les bonnes pratiques entre les services et les ministères, et offrent à l’ensemble du personnel les mêmes possibilités de croissance et de perfectionnement (bien qu’adaptées aux besoins des personnes et à leurs fonctions). Les réseaux, les groupes de travail et les communautés de pratique au sein des administrations et des services peuvent contribuer à la culture globale, et les modes de pensée et méthodes de travail peuvent s’étendre au-delà des frontières des services. Le fait de proposer les mêmes possibilités d’apprentissage et des récompenses à l’échelle de l’administration permet également d’éviter la formation de groupes d’employés talentueux et motivés dans certains domaines de l’administration uniquement. L’instauration d’une culture de l’apprentissage à l’échelle de l’administration permet également de soutenir les initiatives qui contribuent au renforcement des compétences, à la résilience et à la flexibilité des effectifs, par exemple en offrant des possibilités de mobilité entre les différents services et les différentes fonctions.

Des systèmes efficaces nécessitent de mettre en place une stratégie et une planification financières. Dans le cadre notamment de la transition vers les technologies d’apprentissage numérique et les plateformes d’apprentissage en ligne, les administrations doivent réaliser des investissements tangibles dans le développement de l’apprentissage si elles veulent réussir. Il est donc important d’allouer le budget nécessaire et de pouvoir mesurer et suivre les résultats de ces dépenses.

Les cadres dirigeants ont un rôle essentiel à jouer dans la mise en place et le maintien d’une culture de l’apprentissage. Le sentiment que le perfectionnement des employés fait « partie du travail » des cadres contribue à une culture de l’apprentissage de manière cyclique et est renforcé par celle-ci. Des comportements et des compétences spécifiques peuvent être recherchés et développés chez les responsables pour définir et favoriser la compréhension de leur rôle en tant que facilitateurs de l’apprentissage et leur efficacité dans cette tâche. Cet aspect du rôle d’un responsable du secteur public est peut-être un changement par rapport aux systèmes traditionnels ; on est passé du responsable le plus intelligent et le mieux informé au responsable qui soutient et encourage l’excellence, l’autonomie et le perfectionnement de ses employés. Cela laisse entendre que les responsables directs ne sont plus seulement des « patrons » qui se concentrent sur l’organisation et la répartition du travail, mais deviennent des « coachs » qui travaillent avec leurs employés pour développer leurs aptitudes et leurs compétences. Les cadres dirigeants jouent également un rôle extrêmement important dans la formation et la progression de leurs employés, du simple fait de leur proximité ; les employés acquièrent un grand nombre de compétences et d’habitudes professionnelles en observant leurs supérieurs hiérarchiques et en travaillant à leurs côtés – ce qui fait de chaque responsable un mentor pour son équipe, qu’il en soit conscient ou non.

Dans les pays de l’OCDE, le perfectionnement des employés et des équipes est en train d’émerger comme une mission définie et attendue des cadres dirigeants. Le Graphique ‎2.4 ci-dessous montre comment le perfectionnement est encouragé ou renforcé. Près de deux tiers des pays de l’OCDE déclarent proposer aux cadres dirigeants de se former volontairement sur la manière de faire progresser leurs employés, et d’inclure le perfectionnement des employés dans les cadres de compétences des cadres, et près de la moitié attendent des cadres dirigeants qu’ils élaborent des plans d’apprentissage en collaboration avec leurs employés. Toutefois, d’autres mesures ont obtenu des résultats nettement moins bons. Très peu de pays tiennent compte de la capacité d’un cadre dirigeant à faire progresser ses employés, et de la mesure dans laquelle il y parvient, dans les décisions de promotion, tiennent les cadres pour responsables de la participation des employés à la formation, ou utilisent des indicateurs pour mesurer ou suivre les résultats en matière de perfectionnement des employés.

Les pays envisagent de différentes manières la responsabilité du perfectionnement des employés qui incombe aux cadres dirigeants. Au Royaume-Uni, le cadre de compétences des cadres comprend « le perfectionnement des autres », tandis qu’au Portugal, le profil d’un cadre mentionne le développement des ressources humaines, et certains cadres sont évalués par rapport à ce critère dans les évaluations des performances. En Espagne, les responsables doivent compléter des questionnaires annuels décrivant les besoins en formation de leur personnel ou de leurs services ; en France, ils sont tenus de s’entretenir avec les employés sur la formation et le perfectionnement professionnels dans le cadre des évaluations professionnelles annuelles. Les responsables et les hauts responsables contribuent énormément à la culture globale d’une organisation ; ils doivent apprendre à créer de l’espace pour que les employés puissent essayer de nouvelles choses et s’engager dans une démarche de perfectionnement.

L’amélioration et les progrès continus dans la fonction publique moderne reposent sur l’apprentissage mais aussi sur la liberté d’innover, d’expérimenter et d’essayer de nouvelles choses et le soutien pour y parvenir. Les responsables qui incarnent un comportement d’apprentissage et appliquent des pratiques innovantes peuvent aussi les « insuffler » à leurs équipes ; ils peuvent également encourager et récompenser ce comportement lorsqu’il est affiché. L’expérimentation, surtout dans le cadre de l’élaboration de politiques innovantes, peut contribuer de manière substantielle à l’apprentissage individuel et à l’échelle de l’administration (Dutz et al., 2014[12]) et constitue un indicateur clé d’une culture saine de l’apprentissage. L’innovation et l’expérimentation sont des composantes essentielles du progrès, de la résolution des problèmes et d’une fonction publique tournée vers l’avenir. Pour pouvoir créer une culture organisationnelle de l’apprentissage et du perfectionnement et favoriser l’acquisition d’une réflexion et de compétences innovantes et expérimentales, les employés doivent se sentir autorisés et encouragés à essayer de nouvelles choses et à prendre des risques, et ce malgré le potentiel d’échec associé.

C’est en faisant des expériences que l’on apprend : à vrai dire, c’est là tout l’intérêt de l’expérience. Les expériences améliorent notre compréhension car nous essayons de nouvelles choses, et, dans ce contexte, il est rare qu’elles « échouent » ; même si les choses ne « marchent » pas, l’apprentissage a bien eu lieu. Les cadres dirigeants peuvent encourager ce type d’apprentissage en supprimant clairement les attentes de « réussite » et les risques « d’échec ». Souvent, les structures traditionnelles qui existent au sein des administrations ne sont pas favorables à l’innovation et à l’expérimentation. Une tendance à maintenir le statu quo ou à suivre une direction peut souvent être observée au sein des administrations, en particulier dans celles qui sont dotées de structures managériales descendantes ou d’une réglementation abondante qui dicte la manière de travailler. En outre, la peur de l’échec (ou des évaluations négatives des performances qui en découlent) occulte certaines des meilleures possibilités d’apprentissage. Trouver des moyens de contourner ce problème est un défi majeur qu’il faut relever pour mettre en place des cultures de l’apprentissage dans la fonction publique.

La collecte de données et d’éléments probants est essentielle à toute stratégie ou tout plan éclairé, et les systèmes d’apprentissage et de perfectionnement ne font pas exception à la règle. La collecte et l’analyse de données permettent aux administrations de mieux comprendre si les systèmes d’apprentissage fonctionnent ; s’ils parviennent à atteindre les bonnes personnes, s’ils dispensent les bons enseignements et s’ils prônent la culture qu’ils espèrent mettre en place. Tous les pays de l’OCDE ne collectent pas forcément des données sur les systèmes d’apprentissage et, lorsqu’une telle collecte existe, les types de données recueillies ne sont pas toujours les mêmes.

Environ 90 % des pays suivent, d’une manière ou d’une autre, soit au niveau central soit au niveau des ministères, la mise en place d’une formation, la satisfaction des employés, l’achèvement d’une formation et le temps passé à se former, ainsi que le retour d’informations sur les formateurs. En Australie, au Canada, en Corée et au Royaume-Uni, de nombreux types de données sont collectés au niveau central, par l’intermédiaire des écoles ou des centres de formation nationaux, et au niveau des ministères ou des organismes publics, dans une certaine mesure.

Toutefois, les pays qui suivent les résultats découlant des systèmes de formation, ou la manière dont les nouvelles compétences sont utilisées sur le lieu de travail sont moins nombreux. L’Australie recueille également des informations sur l’efficacité de l’apprentissage, en menant des enquêtes d’opinion auprès du personnel. La Corée nourrit des objectifs ambitieux en matière de collecte de données, en raison de l’importance accordée aux systèmes d’apprentissage en ligne avancés, lesquels, par extension, peuvent collecter tout un ensemble de données utiles.

De nombreuses administrations commencent à collecter davantage de données par le biais des systèmes d’apprentissage en ligne, à mesure qu’elles intègrent ces systèmes dans des parties substantielles des stratégies globales d’apprentissage. À titre d’exemple, l’Irlande dispose d’une plateforme appelée OneLearning (voir Encadré ‎2.2), qui permet à l’administration centrale de recueillir certaines informations sur son utilisation, et l’école nationale du Canada ainsi que la plupart des ministères recueillent et agrègent des données relatives à la formation en ligne.

Notamment, la collecte de données sur les aspects des programmes d’apprentissage relatifs à l’inclusion et à la diversité affiche des pourcentages relativement bas. Il était demandé aux pays si la participation des différents groupes (genre, handicap, âge et milieu socioéconomique) faisait l’objet d’un suivi. La majorité des pays ayant répondu à l’enquête ne suivent pas ces informations. On peut donc se demander si tous les employés sont concernés par des initiatives de formation et s’ils se voient offrir des possibilités de progresser et de se perfectionner. L’absence de données ne signifie pas en soi qu’il y a un problème, mais sans données il est impossible de savoir avec certitude ce qu’il en est. Le fait d'atteindre l’ensemble des employés et de leur donner les conditions pour apprendre, se développer et atteindre leur potentiel peut être un facteur important dans la création d'une main-d'œuvre largement qualifiée.

Les employés ont besoin de raisons – d’incitations – pour apprendre. Pour pouvoir engager une démarche d’apprentissage, les employés doivent percevoir l’apprentissage comme quelque chose d’utile et d’intentionnel. La manière dont une organisation et sa direction considèrent et encouragent l’apprentissage, ainsi que la culture qui entoure les attentes en matière d’apprentissage, revêtent une grande importance. L’incidence réelle de l’apprentissage sur – et pour – le lieu de travail dépend pour beaucoup de la mesure dans laquelle les organisations reconnaissent les efforts déployés par les employés pour apprendre et de leurs compétences individuelles (Ioannidou et Desjardins, 2020[13]). Les adultes décident de s’engager formellement ou non dans une démarche d’apprentissage, et décident également des modalités de cet apprentissage et du moment auquel ils souhaitent le commencer, lorsque les avantages perçus l’emportent sur les inconvénients. Pour cette raison, les directives d’apprentissage imposées par la hiérarchie ne donnent généralement pas les résultats souhaités, s’il n’existe pas une sorte d’incitation ou de justification dans l’esprit de l’apprenant.

Les incitations pour les apprenants ne doivent pas toujours être financières ; en réalité, plutôt que de le percevoir comme une tâche supplémentaire, associer l’apprentissage à des éléments tels que l’évaluation des performances, l’avancement de carrière et les cycles de retour d’informations peut s’avérer plus efficace et contribuer davantage à une culture globale de l’apprentissage. En outre, le fait d’accroître la visibilité globale de ces récompenses, justifications ou incitations pour acquérir de nouvelles connaissances peut être un levier important pour motiver les adultes à apprendre. Le fait d’associer l’apprentissage à des incitations telles que l’évaluation des performances est également un moyen efficace de mettre en évidence l’importance de l’apprentissage et de contribuer à créer une culture plus large de l’apprentissage. L’utilisation de cadres de compétences, et leur intégration dans les processus de ressources humaines et de développement, peuvent constituer une stratégie très efficace pour définir et encourager les objectifs de développement.

Bien souvent, les gouvernements ont du mal à encourager de manière significative le développement lorsqu’il n’est pas associé à ces processus – les évaluations de performances ou les décisions de promotion par exemple – et il n’est pas non plus intégré dans les retours d’information ni identifié comme un élément important par les cadres dirigeants. Pour y remédier, des systèmes d’incitations entièrement repensés se profilent dans de nombreux pays de l’OCDE, comme l’illustre le Graphique ‎2.6 ci-dessous. Environ 75 % des pays ayant répondu à l’enquête affirment tenir compte des efforts d’apprentissage et de perfectionnement dans les évaluations des performances, et 50 % élaborent des plans d’apprentissage individualisés pour les employés. La prise en considération de l’apprentissage et du perfectionnement dans les décisions de promotion est une incitation émergente, 39 % des pays ayant adopté cette stratégie, bien qu’il faille veiller à s’assurer de la pertinence de l’apprentissage et à ce qu’il ne soit pas réalisé uniquement pour « cocher la case » requise pour la promotion. Il est rare que les répondants à l’enquête mentionnent des incitations financières.

Les compétences qui existent mais qui ne sont pas utilisées nuisent à la motivation pour l’apprentissage. Une fois les nouvelles compétences acquises, les lacunes et les retards dans leur utilisation peuvent entraver les cultures de l’apprentissage, la productivité et la satisfaction des employés. Les employés des pays de l’OCDE déclarent que leurs compétences existantes sont souvent sous-utilisées, et que l’inadéquation des compétences – lorsque les employés sont à la fois sous-qualifiés et sur-qualifiés – est fréquente (OCDE/OIT, 2017[14]). Si les compétences ne sont pas utilisées ou récompensées de manière significative, il est peu probable que les employés soient disposés à les acquérir.

L’apprentissage en soi a de nombreux effets positifs sur le plan individuel ou personnel. Il contribue au bonheur des adultes, accroît la satisfaction au travail et le bien-être général. L’apprentissage au travail est associé une rotation moins importante des effectifs et à des niveaux plus élevés de pensée innovante et d’acceptation générale de l’innovation. De plus en plus d’études indiquent que les employés sont plus enclins à rester dans des organisations qui investissent dans la formation continue, mais les nouvelles compétences doivent être acquises et utilisées.

L’apprentissage continu et habituel, et l’apprentissage à l’aide des nouvelles technologies, réduisent les obstacles à la transformation numérique sur le lieu de travail. La mise en place d’une culture de l’apprentissage peut réduire la réticence à développer de nouveaux modes de pensée et à utiliser les nouvelles technologies. Les employés qui ont l’habitude d’apprendre s’adaptent plus facilement à de nouveaux logiciels et plateformes, et sont assurés qu’ils seront en mesure d’acquérir les nouvelles compétences requises et que leur lieu de travail contribuera à les leur enseigner. Il est donc logique que l’exploitation des nouvelles technologies numériques dans le cadre de l’apprentissage présente un double avantage. Elles peuvent aider les employés à acquérir de nouvelles compétences numériques mais elles peuvent également offrir des avantages non négligeables en proposant une formation rapide et interactive que les employés peuvent suivre de manière flexible. Les technologies d’apprentissage numérique permettent aussi souvent de mesurer et de suivre plus efficacement la participation aux systèmes d’apprentissage ainsi que les résultats de ces derniers.

L’apprentissage en ligne peut également présenter certains aspects négatifs qu’il convient de prendre en considération lors de la conception des systèmes généraux d’apprentissage. La transformation numérique et la multiplication des formes et des possibilités d’apprentissage numérique réduisent dans de nombreux cas les possibilités d’apprentissage plus passif et informel qui a souvent lieu dans le cadre des échanges en personne (pour en savoir plus sur l’apprentissage informel, voir la section suivante), tout en offrant de nombreuses possibilités d’apprentissage plus formel, plus actif et plus intentionnel. Selon de récents travaux de l’OCDE, l’apprentissage informel a chuté de 25 % lors de la crise du COVID-19 en raison de la limitation des interactions sociales (OCDE, 2021[4]).

Malgré cela, l’utilisation des technologies numériques dans les systèmes d’apprentissage – par le biais de l’enseignement à distance, de l’IA et des « robots sociaux », et des approches sur mesure – offre un énorme potentiel pour aider à atteindre les objectifs comme le renforcement de la culture de l’apprentissage et de la volonté d’apprendre, le suivi et l’évaluation de l’efficacité de la formation et la mise à disposition de nouvelles connaissances à un plus grand nombre de personnes mal desservies (OCDE, 2022[15]). La libération et l’exploitation du potentiel des possibilités d’apprentissage numérique et en ligne est une tâche essentielle pour les stratégies d’apprentissage et de perfectionnement de la fonction publique, et permet également de s’assurer que l’utilisation des technologies numériques présente un avantage net. En outre, elles peuvent également avoir un impact positif sur l’environnement : la Türkiye, par exemple, a calculé que l’utilisation de sa plateforme d’apprentissage en ligne réduit les déplacements et les émissions de dioxyde de carbone qui y sont associées.

L’apprentissage en ligne est aujourd’hui répandu, bien qu’il puisse encore se développer. Après l’adoption du télétravail du fait de la pandémie de COVID-19, presque tous les pays de l’OCDE proposent aujourd’hui une formation en ligne ou une forme d’apprentissage en ligne autodirigé, souvent par le biais de leur propre portail ou plateforme. En réalité, trois des cinq premières réponses ont une composante numérique ou en ligne. Toutefois, beaucoup moins d’administrations doivent encore intégrer d’autres technologies numériques de niveau supérieur – comme les applications, l’apprentissage par le jeu et l’IA – dans leurs systèmes d’apprentissage. Le Graphique ‎2.7 ci-dessous illustre la nette baisse des types d’apprentissage numérique proposés. Seulement 13 % des pays ayant répondu à l’enquête intègrent l’IA dans leurs outils d’apprentissage, tandis que 40 % environ utilisent des applications mobiles ou l’apprentissage par le jeu.

La Corée, par exemple, intègre un grand nombre de ces technologies dans une plateforme d’apprentissage en ligne ambitieuse (pour des informations plus détaillées, voir l’étude de cas sur les systèmes coréens d’apprentissage en ligne, dans cette publication). La Finlande fournit un autre exemple. Sa plateforme d’apprentissage numérique, appelée eOppiva, propose non seulement des modules de formation mais aussi du contenu innovant comme du contenu de microformation, des blogs et des podcasts – tous disponibles sur une application mobile. Notamment, plusieurs pays indiquent avoir l’intention d’utiliser prochainement ces technologies numériques plus avancées (au cours des deux prochaines années).

Les systèmes d’apprentissage et de perfectionnement sont essentiels pour recenser et combler les déficits de compétences. Les administrations s’efforcent de concevoir leurs offres de formation de manière à cibler les compétences prioritaires et nécessaires en interne. Le Graphique ‎2.8 et le Graphique ‎2.9 illustrent les thèmes que les pays considèrent comme les plus grandes priorités pour l’apprentissage et le perfectionnement, tant pour les salariés non-cadres que pour les hauts responsables.

Dans les deux groupes, les compétences numériques sortent du lot, 86 % des pays les classant parmi les cinq premières pour les non-cadres (première position) et 51 % pour les hauts responsables (deuxième position). Probablement sans surprise, le leadership arrive en tête des priorités des hauts responsables avec 89 % des pays, tandis que la gestion du changement, l’innovation et l’éthique ou l’intégrité obtiennent environ 40 % chacun. L’éthique et l’intégrité figurent également en bonne place parmi les priorités des non-cadres, avec 57 %, et le travail d’équipe vient compléter le trio de tête avec 49 %. Les données font ressortir un nombre insuffisant de possibilités d’apprentissage et de perfectionnement pour créer une réserve de futurs dirigeants ; concernant les employés non-cadres, seulement 3 % des pays ont classé le leadership parmi les cinq compétences prioritaires.

La manière dont ces domaines sont déterminés et classés par ordre de priorité peut dépendre de la stratégie de chaque pays et administration, comme le montre le Graphique ‎2.10. Plusieurs pays (42 %) s’efforcent de se tenir informés des bonnes pratiques mondiales, tandis que les évaluations formelles (58 %), la planification des effectifs (58 %), et le retour d’informations des supérieurs hiérarchiques (81 %) sont des stratégies couramment utilisées pour recenser les besoins. La connaissance des compétences nécessaires pour la transformation numérique est également une raison invoquée par 67 % des pays. Ces données permettent également de mieux comprendre les stratégies visant à créer une réserve de futurs dirigeants, seulement 33 % des pays déclarant qu’il s’agit d’une priorité. De même, alors que la création de cadres de compétences est une tendance émergente dans la fonction publique, seulement 14 % des pays ayant répondu à l’enquête déclarent utiliser de tels cadres pour déterminer les priorités en matière d’apprentissage et de perfectionnement.

L’Australie procède à une planification stratégique des effectifs qui tient compte de l’ensemble de l’administration centrale et vise à recenser les besoins en compétences à court et à long terme. Les données de l’enquête sont collectées à partir de diverses sources – y compris les retours d’information des employés, le leadership et les différents ministères et organismes – et servent de base à une évaluation globale des risques ainsi qu’à un cadre identifiant les domaines dans lesquels il existe des déficits de compétences. Les domaines de compétences qui présentent le plus de risques et les lacunes les plus importantes sont examinés en priorité pour faire l’objet d’actions d’apprentissage et de perfectionnement. La Grèce élabore actuellement des réformes qui visent à recenser les déficits de compétences à l’aide de différentes sources d’information, y compris le retour d’informations des cadres dirigeants, les résultats de la gestion des performances, et la planification des effectifs à l’aide de l’IA. En Israël, les besoins en matière de perfectionnement sont liés au modèle de compétences des agents publics, qui sert de base pour déterminer les priorités de formation dans les domaines de compétences clés.

Si de nombreux pays utilisent leurs systèmes de formation pour renforcer et maintenir les compétences de leurs employés, il ressort des résultats de l’enquête que des efforts doivent être déployés pour mettre ces systèmes en adéquation avec les besoins en matière de reconversion. Comme le montre le Graphique ‎2.11, une grande majorité des répondants indiquent ne pas avoir mis en place de stratégie ni de formation spécifique pour la reconversion (formation des employés pour qu’ils acquièrent de nouvelles compétences et occupent de nouvelles fonctions lorsque les postes qu’ils occupaient initialement sont amenés à disparaître). L’incapacité à se reconvertir peut entraîner des problèmes majeurs dans une administration, tels que des dépenses inutiles en salaires et avantages sociaux pour des employés qui n’exercent pas des fonctions indispensables, un personnel léthargique ou improductif, une absence de culture de l’apprentissage ou de l’innovation, et des postes essentiels qui ne sont pas pourvus. La reconversion est également essentielle dans un monde numérisé, car certains emplois sont automatisés et d’autres fonctions nouvelles font leur apparition. La fonction publique moderne est en constante évolution, et doit être en mesure de faire évoluer rapidement et avec flexibilité l’ensemble de ses compétences et mentalités pour relever les défis dans un monde complexe de problèmes.

Les stratégies de reconversion éprouvées comportent de nombreux éléments. Au-delà du recensement des fonctions amenées à disparaître et du personnel concerné, il est également nécessaire de procéder à une évaluation des compétences actuelles des employés et de celles qui sont nécessaires. Des voies de reconversion peuvent être proposées aux employés, pour leur permettre de passer d’une fonction à une autre, et les programmes de formation nécessaires doivent être mis en œuvre en interne ou externalisés. Les méthodes d’évaluation des résultats et de l’efficacité de la reconversion, ainsi que les moyens de l’adapter en tant que de besoin, peuvent également faire partie de la stratégie.

Chaque employé est susceptible d’avoir des besoins différents en matière d’apprentissage. Certains peuvent s’épanouir dans des environnements d’apprentissage formel comme des cours dispensés par un formateur. D’autres pourront préférer un programme autodirigé ou choisir ce qu’ils veulent apprendre. D’autres encore pourront choisir un apprentissage plus informel, comme le mentorat ou des missions sur le lieu de travail. Il est donc essentiel de proposer tout un éventail de possibilités d’apprentissage pour pouvoir atteindre le plus grand nombre d’employés.

En outre, il faut tenir compte des autres besoins de différents employés qui influencent les résultats d’apprentissage. À titre d’exemple, les employés qui ont des responsabilités parentales ne seront peut-être pas en mesure de participer à des formations qui se déroulent à certaines heures de la journée ou qui nécessitent de se déplacer. Tous les employés ne se sentiront peut-être pas à l’aise dans des fonctions de leadership ou de mentorat, et il est possible que ces techniques de perfectionnement ne soient pas les mieux adaptées à tous les rôles. Pour être efficaces, les stratégies de perfectionnement doivent tenir compte des différents styles d’apprentissage et des besoins des effectifs et doivent s’adapter avec flexibilité pour proposer des possibilités qui permettent réellement d’obtenir les meilleurs résultats.

Les pays de l’OCDE commencent à élargir les types de possibilités d’apprentissage offertes à leurs employés, ainsi qu’à examiner la capacité de chaque type d’offre d’apprentissage à atteindre et à bénéficier à l’ensemble de la population active, dans toute sa diversité. Cette stratégie est importante surtout compte tenu du large éventail de rôles dans la fonction publique, et de la nécessité d’offrir une formation stratégique permettant de mettre en place des compétences ciblées dans tous les domaines et pour tous les employés. Les compétences nécessaires sont idéalement réparties entre divers employés, pour accroître l’étendue des compétences, de l’expérience et de la compréhension auxquelles il est possible de faire appel en cas de besoin.

L’apprentissage peut aussi être un moteur de l’inclusion et de la diversité au sein du personnel. On peut citer des exemples d’efforts visant à encourager la diversité dans l’apprentissage et le perfectionnement dans plusieurs pays de l’OCDE. À titre d’exemple, le Canada gère un programme de perfectionnement en leadership, appelé Mosaïque, qui cible plusieurs groupes spécifiques et qui est conçu pour permettre aux futurs dirigeants issus de divers milieux de progresser grâce à des initiatives de mobilité professionnelle et de formation. Le Canada propose également aux cadres dirigeants une formation spécifique destinée à promouvoir la diversité et l’inclusion, comme des sessions pour développer des compétences de leadership inclusives, une approche du leadership autochtone et des sessions de coaching par les pairs avec le Réseau des exécutifs noirs.

Au Japon, l’inclusion des genres est en partie mise en œuvre par le biais de programmes de formation interministériels qui proposent un apprentissage entre les pairs et le développement ciblé de compétences managériales. Le Japon dispense aussi une formation spéciale aux responsables des ressources humaines qui met l’accent sur la création d’environnements propices à l’évolution des femmes.

En Australie, la formation de sensibilisation à la culture des Aborigènes et insulaires du détroit de Torres est un module d’apprentissage obligatoire des programmes d’accueil des nouveaux agents dans tous les organismes publics. Certains programmes de formation du leadership apprennent aux hauts responsables à s’exercer à la « reconnaissance du pays » dans la langue des peuples autochtones locaux. Les organismes publics proposent également des formations sur la sensibilisation au handicap, les préjugés inconscients et les aménagements raisonnables (pour les responsables).

L’apprentissage informel présente un énorme potentiel dans le cadre d’une stratégie globale. Comme indiqué plus haut, l’apprentissage peut être entrepris activement et délibérément, au moyen de cours formels par exemple. Il peut également se dérouler de manière moins formelle, notamment sous la forme d’ateliers ou de discussions plutôt que de classes, ou être davantage basé sur les expériences, notamment par le biais de l’apprentissage par la pratique ou de l’observation des autres. L’apprentissage collectif résultant de la collaboration avec les autres représente une part importante de l’acquisition des connaissances (Tikkanen, 2002[16]), surtout lorsqu’il est associé à une réflexion structurée sur ce qui a été appris et sur la manière d’utiliser ou d’adapter les nouvelles compétences ou connaissances. L’apprentissage informel représente généralement une part importante de l’apprentissage global et, selon toute vraisemblance, une part bien plus importante que l’apprentissage formel.

Lorsque l’apprentissage est plus formel, la conception des modules de formation et leur mise en œuvre peuvent être considérées comme étant aussi importantes que le contenu afin de déterminer si les employés acquièrent de nouvelles connaissances, les retiennent et les utilisent ensuite dans des situations concrètes. L’apprentissage formel peut se révéler efficace dans certaines situations, et moins dans d’autres. Parfois, les employés qui ont le plus besoin d’une formation sont les moins enclins à en suivre une. Pour les employés déjà en poste, il s’agit souvent de ceux qui occupent des emplois menacés d’automatisation, des employés plus âgés – qui ont tendance à apprendre et à utiliser certaines compétences à un rythme moins soutenu que les jeunes – ainsi que de ceux qui sont moins qualifiés ou qui occupent des postes redondants (OCDE, 2019[17] ; OCDE, 2020[18]).

L’apprentissage informel, en plus d’être efficace, peut également contribuer à relever un grand nombre de défis associés à l’apprentissage formel. Les méthodes informelles (comme le fait de donner une plus grande autonomie aux employés, de structurer certaines tâches autour du travail d’équipe ou de permettre aux employés qui n’occupent pas des fonctions d’encadrement d’exercer occasionnellement des missions de leadership), bien qu’elles soient difficiles à analyser et à organiser, peuvent contribuer de manière significative, voire majoritaire, à la formation des employés. Dans les pays de l’OCDE, environ 70 % des employés (tous secteurs confondus, pas seulement dans le secteur public) participent régulièrement à des activités d’apprentissage informel, contre 8 % à peine qui s’investissent dans une activité d’apprentissage formel (qui débouche sur une qualification par exemple) (Fialho, Quintini et Vandeweyer, 2019[19]). Ces types d’apprentissage peuvent être aussi efficaces, voire parfois plus efficaces, que l’apprentissage formel et peuvent souvent intégrer des niveaux plus élevés d’attention et de participation active de la part de l’apprenant et réduire ou éliminer les problèmes liés à la sélection pour l’apprentissage. Si, en apparence, ces possibilités d’apprentissage sont plus difficiles à structurer, planifier ou amplifier, trouver le moyen d’y parvenir peut permettre d’obtenir des résultats importants s’agissant du perfectionnement des employés.

Alors que l’apprentissage informel joue un rôle essentiel dans le perfectionnement des effectifs, il peut être difficile de le planifier, de le mesurer et de le proposer de manière tangible. De nombreux pays de l’OCDE commencent à structurer (ou structurent déjà) le travail de manière à mieux encourager ou faciliter l’apprentissage informel. Si les administrations s’efforcent de structurer le travail de manière plus systématique ou stratégique, en réalité nombreuses sont celles qui prennent déjà d’importantes mesures sans en avoir réellement ou délibérément conscience. Dans le Graphique ‎2.12, on peut voir que de nombreux pays utilisent déjà, dans une certaine mesure, des méthodes et des outils organisationnels et opérationnels qui favorisent l’apprentissage informel sans en avoir eu l’intention (tels que les réseaux de pratiques, la structuration du travail autour du travail d’équipe et le fait d’encourager les échanges entre les équipes et les axes de travail). Lorsqu’on examine les actions mises en place sans intention directe, presque tous les pays ayant répondu à l’enquête ont mis en place des méthodes de travail qui favorisent l’apprentissage informel, comme on peut le voir ci-dessous.

Ces éléments qui se chevauchent permettent de voir que les travaux et les systèmes qui tirent parti de l’apprentissage informel peuvent potentiellement être conçus et mis en œuvre de manière plus intentionnelle et stratégique. Cela représente un potentiel énorme pour augmenter la capacité d’apprentissage et de perfectionnement au sein des organismes publics. Il pourrait s’agir de fixer des objectifs pour la répartition des tâches de leadership, même à une petite échelle, ou de planifier et de concevoir des stratégies pour la formation d'équipes ou d’unités interprojets. Il pourrait également être question de consacrer plus de temps de réflexion dans les cycles de retour d’informations, y compris des discussions entre les cadres et les non-cadres sur la manière dont ils apprennent les uns des autres, et sur la manière de mettre à profit ces interactions. La mobilité entre les équipes et les services, même pendant une courte durée, peut également être prise en considération dans la planification des effectifs.

Les données figurant dans ce rapport montrent que l’apprentissage et le perfectionnement contribuent dans une large mesure à la flexibilité organisationnelle. Ce domaine gagne lui-même en flexibilité, par exemple grâce à la mise à disposition de modules d’apprentissage en ligne qui permettent au personnel d’accéder à des possibilités d’apprentissage qui les intéressent, au moment qui leur convient le mieux ou où ils sont le plus motivés. Dans l’ensemble, le tableau qui se dégage des données est encourageant : la plupart des administrations de l’OCDE ont adopté une approche stratégique de l’apprentissage, des tactiques visant à créer une culture de l’apprentissage voient le jour, et on recense de nombreuses possibilités d’apprentissage informel. Que peuvent donc faire les administrations pour s’assurer que leurs systèmes d’apprentissage sont flexibles et contribuent à la flexibilité organisationnelle ?

Premièrement, l’objectif des possibilités d’apprentissage et de perfectionnement doit être de contribuer à une culture de l’apprentissage dans la fonction publique. L’apprentissage n’est pas seulement une activité qui se déroule dans une salle de classe ou à certains moments de la carrière d’un agent public. Il s’agit d’un élément essentiel qui permet de s’assurer que le service public est armé pour faire face aux défis émergents et futurs. Cela peut nécessiter de réexaminer le contenu et les formats d’apprentissage, par exemple pour s’assurer qu’ils correspondent bien aux objectifs organisationnels plus généraux, comme la reconversion des agents en vue de l’ère numérique. Cela signifie également élargir le champ de ce qu'est l'apprentissage et comment il se déroule pour les adultes ; l'apprentissage informel peut constituer une part importante de l'apprentissage et de l'acquisition de compétences, et peut être intégré à des stratégies.

Deuxièmement, il ne faut pas sous-estimer l’importance du leadership dans la mise en place et le maintien d’une culture de l’apprentissage. Les cultures de l’apprentissage sont renforcées par des dirigeants qui accordent la priorité à l’apprentissage, qui s’efforcent de faire progresser leur personnel et qui affichent eux-mêmes un comportement d’apprentissage en entreprenant des actions de développement tout au long de leur carrière. Par ailleurs, les employés apprennent beaucoup de leur supérieur hiérarchique direct : en effet, les responsables sont à la fois des mentors et des formateurs et, à ce titre, ils sont encore plus importants pour une culture de l’apprentissage.

Troisièmement, les incitations qui entourent les possibilités d’apprentissage, ainsi que la manière dont elles sont formulées, comptent énormément. Cela renforce la nécessité d’intégrer le contenu et les formats d’apprentissage dans le travail quotidien plutôt que de les considérer comme un « plus » si la charge de travail et le temps le permettent. Cela met également en évidence la possibilité de renforcer les liens avec l’avancement de carrière. Si les employés ont une idée claire de ce qu’il faut faire pour décrocher une promotion, les possibilités d’apprentissage peuvent constituer un outil précieux pour les motiver et les mobiliser.

Enfin, il est possible de recueillir et d’utiliser davantage de données pour servir de base à l’élaboration des politiques relatives à l’apprentissage et au perfectionnement. De nombreux organismes publics s’intéressent avant tout au leadership et aux compétences numériques, deux domaines qui sous-tendent la flexibilité et la capacité de la fonction publique. L’élargissement de la portée des possibilités d’apprentissage, leur diversification, la fourniture d’informations sur les personnes qui accèdent à la formation ou sur les compétences requises, ainsi que sur les compétences qui ont été acquises et le domaine dans lequel elles l’ont été, peuvent contribuer à dresser un tableau plus complet de l’incidence globale – et de l’orientation future – de l’apprentissage et du perfectionnement dans la fonction publique.

Pour résumer, l’apprentissage tout au long de la vie est essentiel pour une fonction publique flexible. Les administrations qui mettent en place et maintiennent des cultures de l’apprentissage sont donc mieux préparées à relever les défis auxquels elles seront confrontées et à surmonter les difficultés qu’elles ne peuvent prévoir.

Références

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[19] Fialho, P., G. Quintini et M. Vandeweyer (2019), « Returns to different forms of job training: Factoring in informal learning », Documents de travail de l’OCDE sur les questions sociales, l’emploi et les migrations, n° 231, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/b21807e9-en.

[3] Illeris, K. (2003), « Workplace learning and learning theory », Journal of Workplace Learning, https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/13665620310474615/full/html?fullSc=1#loginreload.

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[17] OCDE (2019), Perspectives de l’emploi de l’OCDE 2019 : L’avenir du travail, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/b7e9e205-fr.

[11] OCDE (2019), Recommandation du Conseil sur le leadership et les aptitudes de la fonction publique, OCDE, Paris, https://www.oecd.org/fr/gov/emploi-public/recommendation-on-public-service-leadership-and-capability.htm.

[8] OCDE (2005), Promoting Adult Learning, OCDE, Paris, https://www.oecd.org/education/skills-beyond-school/35268366.pdf.

[14] OCDE/OIT (2017), Better Use of Skills in the Workplace: Why It Matters for Productivity and Local Jobs, Développement économique et création d’emplois locaux (LEED), Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/9789264281394-en.

[16] Tikkanen, T. (2002), « Learning at work in technology intensive environments », Journal of Workplace Learning, vol. 14/3, pp. 89-97, https://doi.org/10.1108/13665620210421902.

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