Chapitre 5. Transformation digitale, emploi des jeunes et Agenda 2063 en Afrique de l’Est
Ce chapitre s’intéresse au lien entre la transformation digitale et l’emploi des jeunes dans les 14 pays d’Afrique de l’Est : Comores, Djibouti, Éthiopie, Érythrée, Kenya, Madagascar, Maurice, Ouganda, Rwanda, Seychelles, Somalie, Soudan du Sud, Soudan et Tanzanie. Il s’ouvre par un tour d’horizon de l’emploi des jeunes et de l’essor des technologies numériques en Afrique de l’Est, avant d’analyser les possibilités pour la région de s’appuyer sur ce levier afin de créer des emplois, en détaillant les forces, les faiblesses, les opportunités et les menaces d’une telle entreprise.
La troisième section aborde un certain nombre d’enjeux clés pour l’Afrique de l’Est : investir dans les ressources humaines pour répondre aux futures attentes des employeurs, se doter de mécanismes adaptés pour faciliter la transition entre l’école et le monde du travail, promouvoir des programmes d’alphabétisation numérique et instituer un processus de veille technologique. La quatrième section se penche sur les solutions permettant de stimuler l’esprit d’entreprise et l’innovation en installant les conditions réglementaires favorables à la création de startups locales et en facilitant la constitution de parcs technologiques. La dernière section présente plusieurs stratégies pour la mobilisation des ressources au service du déploiement d’infrastructures régionales et la constitution d’un marché unique numérique.
La transformation digitale pourrait être un levier décisif pour l’emploi des jeunes en Afrique de l’Est, sachant que seulement 20 % des jeunes du groupe d’âge 15-29 ans sont salariés à plein temps, et que la grande majorité des autres travaillent dans l’économie informelle ou dans le secteur agricole. Chaque année, les jeunes pousses numériques de la région attirent 1.2 milliard de dollars (USD) de capital-risque et créent des emplois directs dans l’économie numérique. Par ailleurs, elles stimulent la croissance de la productivité, la création d’emplois et l’adoption de nouveaux modèles d’affaires dans des secteurs comme la technologie financière (fintech), l’éducation, les services de soins, les services aux consommateurs et l’agriculture.
Si les conditions sont idéales pour opérer un virage numérique, plusieurs obstacles demeurent néanmoins. L’Afrique de l’Est bénéficie d’un vivier important de jeunes toujours plus instruits, d’infrastructures de communication relativement solides, puisque près de ¾ des habitants ont désormais accès à des réseaux mobiles de quatrième génération (4G), ainsi que du record mondial en termes d’utilisation des services de paiement mobile. Toutefois, la région peine à doter sa jeunesse des compétences adaptées au monde de demain malgré l’augmentation des niveaux d’instruction. De plus, la pénétration des technologies numériques chez les jeunes reste très inégale et est fonction du niveau de revenu, du genre, de la situation géographique et du degré d’instruction.
Pour créer des emplois adaptés à l’ère numérique, la région doit : i) investir dans le développement des ressources humaines pour disposer d’une main-d’œuvre capable de répondre aux futures attentes du marché du travail ; ii) favoriser l’esprit d’entreprise et l’innovation dans l’économie numérique ; et iii) miser sur la coopération régionale pour déployer des infrastructures partagées et instituer un marché unique numérique.
La plupart des jeunes d’Afrique de l’Est, en particulier les moins instruits, les femmes et les ruraux, occupent des emplois de faible qualité
D’ici à 2030, environ 7.2 millions de jeunes d’Afrique de l’Est devraient atteindre chaque année l’âge de travailler pour un nombre limité d’emplois formels – c’est-à-dire les emplois offrant des horaires de travail et des salaires normaux et assimilés à des sources de revenu donnant lieu à imposition. Selon l’enquête mondiale de Gallup (2019), 20 % seulement des jeunes ont un emploi salarié à plein temps (graphique 5.1). Les enquêtes nationales montrent qu’environ 250 000 jeunes Rwandais atteignent chaque année l’âge de 18 ans pour seulement 500 000 emplois formels en 2017. La situation est pratiquement la même au Kenya : en 2017, le pays comptait environ 2.8 millions d’emplois formels (sur un total de 16.9 millions) pour pratiquement 1 million de jeunes atteignant chaque année l’âge de 18 ans, soit un ratio de trois pour un environ (Fondation Mastercard, 2019).
Le travail indépendant et les entreprises familiales, souvent associés au secteur informel, continuent de représenter l’essentiel de l’emploi dans la région, faute de meilleures options pour gagner sa vie. Les travailleurs à leur compte et les travailleurs familiaux collaborant à l’entreprise familiale représentent actuellement 75 % de l’emploi à temps plein en Afrique de l’Est, contre 80 % en 2000. Plus de la moitié des jeunes ayant participé à l’enquête de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la transition école-travail (OIT, 2015) dans trois pays de la région (Madagascar, Ouganda et Tanzanie) se retrouvaient par la force des choses dans une forme d’emploi précaire du fait, soit d’un nombre insuffisant d’emplois salariés, soit de la pression familiale.
Le déplacement de la main-d’œuvre de l’agriculture vers le secteur des services s’opère lentement. Le secteur agricole emploie toujours l’essentiel de la main-d’œuvre, même si sa part dans l’emploi total régresse lentement, de 72.2 % entre 2000 et 2010 à 68.6 % sur la période 2010-18. Le secteur des services absorbe la plupart des travailleurs qui abandonnent l’agriculture. Ainsi au Rwanda, la part de l’emploi tertiaire a progressé de 9 % au début des années 2000 à 28 % sur la période 2010-18. Pour autant, cette création d’emplois tend à concerner les activités peu productives, comme le commerce de détail et l’hôtellerie, limitant ainsi les retombées positives de cette redistribution de la main-d’œuvre (CUA/OCDE, 2018).
La participation des jeunes femmes au marché du travail progresse depuis quelques années, mais elles se heurtent toujours à de fortes contraintes. Malgré une diminution de l’écart de participation entre les hommes et les femmes, qui est passé de 1.41 en 1991 à 1.39 en 2017, les inégalités restent importantes. Dans le groupe des 15-30 ans, 37 % des femmes n’appartiennent toujours pas à la population active, contre 23 % des hommes. Par ailleurs, le chômage et les formes d’emploi précaire sont plus fréquents chez les jeunes femmes, qui tendent à travailler dans le commerce, les tâches domestiques et les services, y compris la restauration et l’hôtellerie.
La couverture et la qualité des infrastructures de communication s’améliorent, mais l’accessibilité reste problématique
L’Afrique de l’Est a amélioré sa connexion au réseau Internet mondial. Grâce aux quatre câbles sous-marins en fibre optique haute capacité (TEAMS, SEACOM, EASSy et LION), la connectivité Internet de la région atteint plus de 36 téraoctets par seconde. Avant la pose des câbles en 2009, tous les pays d’Afrique de l’Est – à l’exception de Maurice – dépendaient d’une liaison satellite couvrant l’ensemble du continent et offrant un peu moins d’un gigaoctet par seconde.
Certains pays peinent encore à déployer un réseau dorsal à large bande. Juste après l’installation des câbles le long de la côte orientale de l’Afrique, six pays de la région (Kenya, Maurice, Ouganda, Rwanda, Somalie et Tanzanie) ont commencé la pose de câbles terrestres en fibre optique pour améliorer l’accès des habitants au haut débit. Les Comores, Djibouti, l’Éthiopie, Madagascar, le Soudan du Sud et le Soudan n’ont pas encore bâti d’infrastructure de communication intérieure solide. En se basant sur la carte AfTerFibre du réseau terrestre en fibre optique établie par le Network Startup Resource Center (NSRC) et une carte des agglomérations urbaines d’Africapolis (chapitre 1), notre analyse met en évidence la situation privilégiée des villes importantes par rapport au reste du territoire. La couverture est plus dense dans les villes dont les résidents vivent dans un rayon de dix kilomètres du réseau dorsal – ce qui est le cas de 81 % des habitants des grandes villes et de 51 % des habitants des villes de taille intermédiaire.
La couverture mobile de quatrième génération (4G) – ce réseau perfectionné appelé à remplacer les systèmes 2G et 3G pour offrir des vitesses supérieures de téléchargement, parfois équivalentes à celles du haut débit fixe – a progressé rapidement en Afrique de l’Est (graphique 5.2). Son introduction est particulièrement vitale pour la région, dans la mesure où elle améliore grandement l’expérience utilisateur des internautes qui se connectent depuis leur téléphone mobile. Depuis son introduction en 2012, la couverture 4G n’a cessé de progresser pour atteindre 51.4 % en 2019, soit plus que la moyenne africaine de 47.5 %. Des technologies plus anciennes, à l’image du réseau 3G, gagnent elles aussi du terrain, notamment dans les zones isolées. Aujourd’hui, 73.2 % des habitants d’Afrique de l’Est vivent dans une zone couverte par un réseau mobile 3G, soit un niveau identique à celui du continent (72.5 %).
Les innovations permettent d’améliorer l’accès à Internet dans les zones isolées. Le Rwanda a atteint une couverture 4G pratiquement universelle. Pour ce faire, il a conclu un partenariat public-privé stratégique en 2013 pour la construction d’infrastructures 4G et l’octroi aux fournisseurs d’accès à Internet d’un trafic mobile haut débit de gros. Le gouvernement rwandais détient 49 % de cette entité, le reste appartenant à Korea Telecom. Le projet Mawingu au Kenya, qui bénéficie du soutien de Microsoft, est un autre exemple : en s’appuyant sur l’énergie solaire et une fréquence sous-utilisée, les « espaces vides » entre les zones de couverture des stations de télévision, il permet de raccorder à un Internet haut débit bon marché plus de 100 000 usagers dans la ville de Nanyuki.
Pour une grande partie des habitants de la région, l’accessibilité des services et des appareils numériques reste un frein à l’utilisation d’Internet. Un tiers seulement (34 %) des Africains de l’Est peuvent s’offrir un forfait mobile prépayé d’un gigaoctet de données, soit la largeur de bande nécessaire pour une à deux heures de visioconférence (graphique 5.3). Malgré un taux supérieur à la moyenne de l’Afrique (26 %), ce chiffre plaide pour une baisse des tarifs des forfaits Internet mobiles. Une enquête sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) par les jeunes en Ouganda, au Rwanda, en Tanzanie et dans trois autres pays d’Afrique montre que le coût des appareils et services numériques est un véritable enjeu (Research ICT Africa, 2018). Au Rwanda, 11 % seulement des jeunes possèdent des téléphones avec accès à Internet, contre 60 % en Afrique du Sud.
Cette section analyse les forces, les faiblesses, les opportunités et les menaces (méthode SWOT) des pays de la région face au levier que représente le passage de l’analogique au numérique pour la création d’emplois. Le tableau 5.2 en propose une synthèse. L’analyse met en lumière le dynamisme de l’économie numérique (une économie reposant sur les technologies numériques) dans la région, mais également tout l’intérêt de ce saut technologique pour franchir plusieurs étapes de développement dans l’ère numérique.
Un vaste vivier de jeunes instruits, une économie numérique dynamique et un engagement collectif à avancer sur la voie de la transformation digitale font partie des trois grandes forces de la région
Le niveau d’instruction de la jeunesse d’Afrique de l’Est ne cesse d’augmenter. La part des jeunes achevant le deuxième cycle du secondaire ou des études supérieures est passée de 5 % en 2000 à 14 % actuellement (graphique 5.4, panel A). Si cette tendance se maintient, ils pourraient être 25 % dans ce cas en 2040. À condition d’accélérer les progrès dans l’éducation au même rythme que la Corée, cette part pourrait même atteindre 74 % (graphique 5.4, panel B). Le niveau d’instruction détermine fortement le sort des travailleurs en Afrique de l’Est, qui rejoindront ou non le secteur formel, sachant que 44 % des jeunes non instruits ou n’ayant suivi qu’un enseignement élémentaire sont des travailleurs indépendants – proportion qui chute à 15 % pour les diplômés du supérieur.
La région tire également son épingle du jeu dans certains segments de l’économie numérique mondiale, avec notamment le taux de pénétration des services de paiement mobile le plus élevé du monde. Selon des données du Fonds monétaire international (FMI, 2020), la région compte 1 106 comptes de paiement mobile déclarés pour 1 000 adultes, contre 600 pour le reste de l’Afrique, 533 en Asie et 245 en Amérique latine et aux Caraïbes. Le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie arrivent en tête des transactions par paiement mobile dans le monde, grâce en particulier au choix de leurs décideurs et organismes réglementaires qui, en faisant le pari d’investir dans cette innovation, ont rendu le secteur financier plus inclusif (Groothuizen, 2019). D’autres pays de la région, notamment les Comores, l’Éthiopie, Maurice, les Seychelles, la Somalie et le Soudan du Sud, ont également lancé des services de paiement mobile ou sont en passe de le faire.
L’adoption du numérique et les leviers qu’il procure aux administrations publiques, aux particuliers et aux entreprises en Afrique de l’Est semblent clairement améliorer la productivité et créer des emplois. Grâce aux technologies de la communication, par exemple, un secteur dynamique d’externalisation des processus d’affaires (BPO) a vu le jour avec, à la clé, de nombreux emplois créés dans plusieurs pays de la région. À Madagascar, 233 entreprises de BPO emploient entre 10 000 et 15 000 personnes (Filou, 2019). À Maurice, quelque 800 entreprises TIC/de BPO employaient près de 24 000 personnes en2008, contribuant à hauteur de 5.7 % au produit intérieur brut (PIB) du pays (Mauritius Economic Development Board, 2019).
La forte demande locale de services TIC a également poussé le secteur privé à soutenir l’investissement dans les infrastructures de télécommunication. Les recettes tirées des activités de services cellulaires par les entreprises de télécommunications dans la région sont en hausse constante, de 7.8 milliards USD par an entre 2008 et 2010 à 17.4 milliards USD par an sur la période 2017-19. Elles ont par ailleurs investi 2.6 milliards USD par an dans les infrastructures sur la même période pour pouvoir satisfaire la demande d’une classe moyenne en pleine expansion. Par conséquent, la bande passante internationale par usager d’Internet dans la région atteint 48 kilooctets par seconde (KB/s), contre 31 KB/s pour le continent africain.
La volonté affichée de la région d’opérer son virage numérique a par ailleurs suscité un vaste soutien et de solides engagements des acteurs publics et privés. Les gouvernements d’Afrique de l’Est ont fait des TIC l’un des axes clés de leur développement en déployant différentes stratégies, à l’image de la Vision numérique de l’Ouganda (Digital Uganda Vision), du plan Maurice numérique 2030 (Digital Mauritius 2030), de la Stratégie nationale pour la bande passante (National Broadband Strategy) et du Plan directeur national pour les TIC (ICT Masterplan) du Kenya, ou encore de la Stratégie nationale de transformation digitale (National Digital Transformation Strategy) de l’Éthiopie.
Les défaillances des infrastructures dédiées, l’adoption du numérique, les compétences et le financement sont autant de freins à la transformation digitale du pays
Les infrastructures physiques, en particulier pour l’électricité, restent la principale entrave à la transformation digitale de l’Afrique de l’Est. Selon une enquête de conjoncture de la Banque mondiale (Banque mondiale, 2020a), 11 % des entreprises manufacturières de la région font de l’électricité le premier obstacle à la pratique des affaires. Le coût élevé et l’instabilité de l’approvisionnement électrique sont particulièrement problématiques, surtout pour tout ce qui concerne l’utilisation des données et le calcul. Les lacunes des services logistiques, le coût élevé du transport et le caractère embryonnaire des services postaux interdisent également aux plateformes de commerce en ligne de se développer au-delà de leurs principaux secteurs de clientèle. Le manque d’interopérabilité des systèmes de paiement transfrontaliers et le poids des procédures douanières et fiscales pour les entreprises opérant dans plusieurs pays font également partie de ces entraves au commerce en ligne transnational.
La piètre qualité du système d’éducation et de formation constitue par ailleurs un sérieux défi pour le processus de transformation digitale. Seuls trois pays d’Afrique de l’Est figurent dans le classement mondial des 100 pays les plus performants en termes éducatifs (compte tenu de la qualité de l’éducation) : les Seychelles (43e rang), Maurice (51e rang) et le Kenya (80e rang). À l’opposé, des pays comme Madagascar, le Rwanda et le Soudan du Sud se retrouvent dans les dix dernières places du classement de l’indice de capital humain de la Banque mondiale (Banque mondiale, 2018), qui couvre 157 pays. La prévalence des redoublements, la pénurie d’enseignants et les mauvais résultats aux tests contribuent tous à la médiocrité de l’éducation dans la région. De plus, la pénurie de compétences techniques sur le continent, avec moins de 10 % des élèves du supérieur inscrits actuellement dans les filières STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques), constitue un sérieux handicap pour profiter du mouvement mondial de transformation digitale.
L’adoption des technologies numériques reste limitée, surtout parmi les populations défavorisées. Le graphique 5.5 révèle les forts écarts en matière d’utilisation d’Internet entre les hommes et les femmes, les groupes d’âge et de revenu, et les profils géographiques et éducatifs. Au-delà des problèmes d’accès et de coût, cet écart d’utilisation s’explique aussi par l’absence de contenus en langues locales, l’inadéquation du contenu aux conditions locales, l’analphabétisme des habitants et le manque d’accès à l’électricité (Henry, 2019).
Dans certains cas, les plateformes et les applications numériques ne répondent pas aux besoins des groupes marginalisés (Van Dijk, 2005). L’adoption du numérique, en particulier par les femmes agricultrices, est l’une des stratégies clés pour réduire l’écart de productivité entre les genres et promouvoir l’autonomisation des femmes ; mais les failles de sécurité restent le maillon le plus faible du processus de transformation digitale dans une région qui ne possède qu’une poignée d’experts capables de contrer une quelconque attaque (CRDI, 2019).
Les entreprises d’Afrique de l’Est sont également peu nombreuses à opérer le virage numérique. Selon l’enquête de conjoncture de la Banque mondiale ( Banque mondiale, 2020a), 33 % seulement des entreprises manufacturières et des sociétés de services formelles disposent d’un site web, tandis que 57 % communiquent avec leurs clients et leurs fournisseurs par courrier électronique. Plus elles sont petites, moins les entreprises sont susceptibles d’adopter des technologies numériques. Plusieurs facteurs expliquent ces différences, dont le manque de moyens financiers pour passer au numérique, une pénurie de personnel qualifié et les dépenses à engager pour établir une activité en ligne (Jung, Qiu et Kim, 2001).
Les pouvoirs publics manquent largement de moyens pour financer la transformation digitale. Dans l’immédiat, de nombreux pays de la région peinent à financer cette évolution pour deux raisons : la hausse des dépenses de santé liée à la pandémie de coronavirus (COVID-19) et la baisse attendue des recettes de l’État consécutive à l’effondrement du tourisme, des échanges et des envois de fonds des travailleurs expatriés (chapitre 8). Structurellement, les pays d’Afrique de l’Est sont également en retard sur le plan de la mobilisation des ressources intérieures. En 2018, le ratio impôts/PIB ressortait en moyenne à 13.2 %, à comparer au taux de 21.8 % en Afrique australe et de 18.1 % à l’échelle mondiale (CUA/OCDE, 2019).
En stimulant l’esprit d’entreprise, la croissance de la productivité et un meilleur accès aux marchés et à l’apprentissage en ligne, la transformation digitale ouvre la voie à la création d’emplois
La création d’entreprises et l’innovation dans l’écosystème numérique peuvent avoir un impact direct sur la création d’emplois. La région a obtenu des succès notoires avec certaines startups qui se sont suffisamment développées pour avoir un effet significatif sur l’emploi (tableau 5.3). En 2014, les jeunes pousses est-africaines ont créé quelque 160 000 emplois nécessitant une maîtrise du numérique (Chagani, de la Chaux, Moraa et Mui, 2014). Nairobi est devenue une plaque-tournante incontournable pour la plupart des startups à succès, notamment dans le secteur de la fintech – à l’image de Cellulant, Sendy, Lori, Africa’s Talking, Lynx, Sokowatch, Flare, Fuzu ou Apollo. Depuis dix ans, les innovations numériques ont favorisé l’émergence de nouveaux métiers, qui absorbent un nombre grandissant de jeunes sortis des universités : analystes de données, codeurs, experts en sécurité numérique, concepteurs de l’expérience client, professionnels du marketing sur les médias sociaux, concepteurs de projets de réalité virtuelle, opérateurs de saisie, etc.
L’innovation numérique et l’adoption de ces technologies sont indispensables pour stimuler la productivité dans des secteurs clés et créer des emplois dans l’économie numérique. Les startups de la région opèrent dans un large éventail de domaines (fintech, éducation, santé, services client et agriculture). Disrupt Africa recense par exemple les 12 jeunes pousses à surveiller en 2020, dont l’entreprise rwandaise Axus (fintech) et les startups kenyanes MPost (adressage virtuel) et Ridesafe (micro-assurance pour les motocyclistes). De nombreuses autres startups innovent dans le secteur agricole, qui emploie plus de la moitié de la main-d’œuvre totale (tableau 5.4) : elles ont notamment conçu des applications pour compenser la rupture des chaînes d’approvisionnement entre le monde rural et les villes et des liens commerciaux, comme pendant la pandémie. Dans les zones rurales, elles proposent des services de vulgarisation et de conseil aux agriculteurs.
La révolution de la technologie financière (fintech), en cours dans la région, s’accompagne de trois changements fondamentaux : i) les systèmes de paiement électronique de détail réduisent la fraude et favorisent le commerce en ligne ; ii) les applications d’analyse prédictive et d’intelligence artificielle permettent d’établir à moindre coût des historiques de crédit pour les particuliers, qui peuvent ainsi accéder à des produits financiers sans exigence de garanties ; et iii) la fintech facilite le recours à des modèles d’affaires viables qui réduisent les goulets d’étranglement structurels, à l’instar de la gestion des chaînes d’approvisionnement (Ndung’u, 2018).
L’essor de la fintech ouvre d’autres perspectives. Ainsi, la généralisation des services de paiement mobile au Kenya a contribué à extraire au moins 194 000 ménages de l’extrême pauvreté. Il a aussi permis à 185 000 femmes de passer d’une agriculture de subsistance à une activité principale centrée autour d’une petite entreprise ou de la vente au détail (Suri et Jack, 2016).
L’adoption des solutions numériques peut améliorer l’efficacité des services publics. Le chapitre 8 a mis en évidence le potentiel de cette évolution pour optimiser le recouvrement des impôts. Les administrations publiques d’Afrique de l’Est, et notamment les services fiscaux, ont globalement opéré un virage numérique, sauf dans cinq pays – Comores, Érythrée, Somalie, Soudan du Sud et Soudan – dont quatre sont en proie à des conflits durables, ce qui pourrait expliquer leur retard.
En élargissant l’accès aux marchés, les plateformes numériques peuvent réduire les coûts pour les entreprises et aider les firmes locales à se développer. La connectivité numérique et les flux de données facilitent un meilleur suivi et une coordination accrue entre chaînes de valeur nationales et mondiales tout en améliorant leur interconnectivité et la demande de livraisons à flux tendus. Ainsi, la plateforme mobile Twiga Foods, lancée au Kenya en 2014, approvisionne environ 2 000 points de vente par jour à travers un réseau de 13 000 agriculteurs et 6 000 vendeurs. Parce qu’elle rapproche l’offre et la demande, cette plateforme scripturale offre des prix supérieurs et des débouchés stables aux agriculteurs, tout en garantissant des approvisionnements fiables aux vendeurs. Ainsi optimisée, cette chaîne de valeur alimentaire a pu ramener de 30 % à 4 % les pertes post-récolte pour les produits commercialisés par ce réseau.
Les exportations de services professionnels (finance, assurance, TIC et support technique) par l’Afrique de l’Est sont en constante augmentation, puisqu’elles sont passées de 0.9 milliard USD en 2005 à 4.4 milliards en 2017. La transmission électronique (mode 1) est la forme privilégiée d’approvisionnement dans cette filière, ressortant à 3.0 milliards USD, soit 67 % des exportations de services professionnels en 2017. Le caractère virtuel de ces activités permet aux pays de la région, surtout s’ils sont enclavés, d’accéder aux marchés mondiaux sans se heurter aux goulets d’étranglement dans les transports et la logistique, ni aux procédures douanières qui sont autant de freins aux échanges de produits.
L’apprentissage en ligne ouvre des perspectives prometteuses pour offrir une éducation et une formation à grande échelle. Avant la crise du coronavirus, la pénétration des technologies éducatives était en augmentation, avec une hausse attendue des investissements dans les « ed-tech » de 18.66 milliards USD en 2019 à 350 milliards en 2025 (FEM, 2020). La pandémie pourrait bien accélérer sensiblement l’adoption de l’apprentissage en ligne. Actuellement, pratiquement tous les pays d’Afrique de l’Est utilisent des plateformes virtuelles pour dispenser l’enseignement.
La région a de nombreux atouts pour se saisir de ces opportunités éducatives. La bande passante est largement accessible (Ndemo, 2016) et des groupes d’autodidactes commencent à s’aventurer dans le champ de l’intelligence artificielle et des solutions reposant sur des chaînes de blocs (blockchain). L’Afrique de l’Est abrite déjà la première startup dans ce domaine, M-shule (une solution d’apprentissage adaptative).
La transformation digitale présente des menaces liées à la création d’emplois de faible qualité, l’automatisation, l’inadéquation des compétences et l’incohérence des politiques
Si les plateformes numériques peuvent effectivement créer des emplois, il s’agit parfois de postes sans avenir. Une enquête menée dans sept pays d’Afrique (dont le Kenya, le Rwanda et la Tanzanie)1 montre que 30 % environ des travailleurs des plateformes en ligne ont occupé des fonctions sans être jamais rémunérés. De nombreux travailleurs sont contraints d’accepter des offres de sous-traitance mal payées ou de verser de lourdes sommes à des plateformes ayant pignon sur rue pour démarrer leur activité (Melia, 2018). Dans le secteur des transports et de la logistique, de nombreux emplois de faible qualité sont sous-traités à des individus qui possèdent leur propre moto ou voiture et sont rémunérés à la tâche au lieu de toucher un véritable salaire. Si la plupart des chauffeurs des plateformes d’autopartage apprécient la flexibilité et l’indépendance de leur travail, ils ne ménagent pas leur peine et supportent l’essentiel des impôts liés à cette activité, les plateformes pratiquant l’évasion fiscale (Eisenmeier, 2018).
L’envergure internationale de plateformes comme Uber, Facebook et Google complique la régulation de leurs activités par les gouvernements et le recouvrement d’un impôt adapté à leur chiffre d’affaires. Souvent, leurs sièges sociaux sont situés en dehors du continent et échappent donc à la juridiction des gouvernements africains. Le durcissement unilatéral des réglementations pourrait pénaliser les travailleurs locaux par rapport au reste du monde et les priver potentiellement de cette source de revenus. Un conflit a récemment opposé les patrons d’une plateforme à des travailleurs au Kenya (Ndemo, 2016). Le chapitre 8 traite en détail de la question de la fiscalité de l’économie numérique face à des périmètres d’entreprise flous et la dématérialisation des transactions transfrontalières.
L’automatisation peut réduire la demande de travailleurs semi-qualifiés dans le secteur manufacturier et des services et, de manière encore plus nette, dans le secteur financier. La pénétration des technologies avancées (robotique, impression 3D, capteurs, intelligence artificielle et apprentissage machine) soulève des inquiétudes quant au risque d’éviction de la main-d’œuvre humaine. Le secteur financier, dans lequel les décisions de prêts sont prises par une intelligence artificielle, perd régulièrement des cadres peu qualifiés, mais le mouvement est en partie compensé par la création d’autres emplois, notamment pour l’analyse des données. Selon de premières estimations du Rapport sur le développement dans le monde 2016, les métiers susceptibles d’être automatisés représentent jusqu’à 44 % de l’emploi en Éthiopie et 52 % au Kenya (Banque mondiale, 2016). Toutefois, des études récentes suggèrent que l’impact direct sur l’emploi en Afrique devrait être moins fort, du fait en particulier du coût relatif de l’automatisation (Banga et te Velde, 2018).
Le virage numérique opéré par les pays à revenu plus élevé pourrait également rejaillir indirectement sur le marché du travail en Afrique de l’Est, par le biais des échanges et des investissements internationaux. L’automatisation et des exigences croissantes en matière de rapidité et de personnalisation pourraient raccourcir les chaînes de valeur et entraîner la relocalisation de la production dans les économies à revenu élevé. De fait, 17.1 % des exportations de l’Afrique de l’Est vers les pays de l’OCDE concernent des produits pouvant être robotisés, contre une moyenne de 14.1 % pour l’Afrique.
Le changement technologique pourrait entraîner un décalage entre la formation et les compétences recherchées. Selon McKinsey (2017), au moins 14 % de la main-d’œuvre mondiale (380 millions de travailleurs) risquent de devoir changer de travail du fait de la transformation digitale, de l’automatisation et d’autres technologies émergentes. Cette évolution va modifier les parcours professionnels de bon nombre de travailleurs et exiger de nouvelles qualifications. Toute la difficulté réside cependant dans la mobilisation des ressources nécessaires pour pouvoir rapidement requalifier les travailleurs en poste et assurer leur « montée en compétences » pour répondre à la demande future.
De plus en plus, la fermeture d’Internet sur décision politique des gouvernements devient problématique en Afrique de l’Est. Le Soudan a ainsi bloqué l’accès à Internet pendant trois semaines pour contenir une révolte (Parker, 2019). En Éthiopie, ces coupures sont devenues monnaie courante : les autorités ont décrété des fermetures en 2016, 2017 et 2019 sur fond de manifestations anti-gouvernementales, au motif qu’il fallait stopper la fuite de sujets d’examen (BBC, 2019). D’autres pays d’Afrique de l’Est ont procédé de même, pour diverses raisons : c’est le cas de l’Érythrée, de l’Ouganda, du Soudan du Sud et du Soudan (APC, 2019).
L’Afrique de l’Est peut faciliter la transition école-travail en développant les établissements d’enseignement et de formation techniques et professionnels (EFTP) ainsi que des programmes complets d’alphabétisation numérique
Les mécanismes actuels de placement des étudiants en fonction des demandes du marché du travail sont peu efficaces. Des données d’enquête de Gallup montrent qu’en Afrique de l’Est, le taux de chômage est plus élevé pour les diplômés du secondaire et du supérieur (respectivement 15 % et 19 %) que pour les individus n’ayant que peu ou pas bénéficié d’enseignement élémentaire (12 %). Cela témoigne d’un décalage entre, d’une part, les compétences et les aspirations des jeunes et, d’autre part, les attentes du marché du travail. À Madagascar, en Ouganda et en Tanzanie, plus de 40 % des jeunes interrogés considéraient ne pas avoir les compétences adaptées à leur emploi actuel, une large majorité d’entre eux se sentant sous-qualifiés par rapport aux exigences de leur poste (graphique 5.6).
Les établissements d’EFTP doivent être repensés pour adapter les compétences imparties aux métiers de demain (voir le chapitre 1 et la section consacrée aux technologies associées à la quatrième révolution industrielle qui commencent à dominer les nouvelles offres d’emploi). Alors que la transformation digitale continue de transformer notre monde, les rôles, les exigences et le potentiel des établissements d’EFTP vont devoir radicalement changer. Ils devront également intégrer les TIC dans leurs missions et leurs périmètres, afin de préparer les étudiants aux métiers de demain tout en leur inculquant les méthodologies, les structures et les modalités indispensables pour s’adapter à cette nouvelle ère numérique (Douse et Uys, 2019). Le programme public-privé Generation Kenya s’emploie ainsi, en étroite concertation avec les autorités du pays et les établissements d’EFTP, à doter les jeunes des compétences techniques attendues par les employeurs (tableau 5.5). Depuis son lancement en 2015, ce programme a réussi à placer 84 % de ses 18 000 diplômés dans différents secteurs (finance, diffusion commerciale, services à la clientèle) à travers un réseau de plus de 200 employeurs partenaires (CUA/OCDE, 2019 : 86).
Pour jouer pleinement leur rôle, les établissements d’EFTP doivent améliorer leur image. Parmi les problèmes qui contribuent à la perception dégradée de cette filière figurent l’inefficacité, le manque de capacités pour offrir une formation de qualité, des équipements obsolètes et les freins à l’accès des femmes (CRDI, 2018). Les étudiants boudent également ces établissements parce qu’ils n’offrent pas de passerelle vers des études universitaires. Pour hisser ces établissements à la hauteur des attentes, les pouvoirs publics vont devoir investir massivement et s’appuyer sur d’autres modèles de développement, à l’instar des partenariats public-privé entre gouvernements, industrie et établissements d’EFTP. L’université des leaders africains (African Leadership University [ALU]) illustre bien ce type d’ambitions (encadré 5.1).
L’université des leaders africains (African Leadership University [ALU]) est un établissement d’enseignement supérieur unique en son genre qui dispose de campus à Maurice et au Rwanda. Elle ambitionne de créer 25 campus sur tout le continent et de former 3 millions de jeunes leaders africains d’ici 50 ans. Son fondateur, Fred Swaniker, un investisseur social du Ghana, a lancé le projet en s’appuyant sur une approche originale privilégiant l’enseignement individualisé afin de doter les étudiants des compétences dont ces futurs entrepreneurs auront besoin ultérieurement. L’ALU cherche aussi à développer chez ses élèves les traits de caractère indispensables à la réalisation d’un projet de vie axé sur l’impact et la finalité de leur action.
Le programme conjugue apprentissage et expérience professionnelle. Avant l’obtention de leur diplôme, les étudiants passent une année entière dans différentes organisations, locales et internationales. Ils ont ainsi l’occasion de tisser des liens solides avec des employeurs potentiels, tout en acquérant une expérience pratique de la résolution de problèmes de la vie réelle. Parce qu’ils ont été confrontés à des situations de travail, ces étudiants ont un avantage sur les autres diplômés de l’université au moment de décrocher un emploi ou de monter leur propre entreprise.
Source : Compilation des auteurs sur la base d’un examen de la littérature.
Les acteurs privés associés peuvent proposer des stages aux étudiants diplômés et faciliter ainsi la transition vers l’emploi. Des bailleurs de fonds parrainent cette nouvelle forme de collaboration, à l’image du partenariat passé en 2018 entre l’association des industriels du Kenya (Kenya Association of Manufacturers) et la Société allemande pour la coopération internationale (GIZ), avec un financement du Département du développement international du Royaume-Uni (DfID), du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) et de la société Shell. Une étude réalisée en Ouganda insiste sur le fait que la collaboration entre établissements d’EFTP et secteur privé, en particulier pour le développement des compétences, contribuera à améliorer les services en renforçant le savoir-faire technique du secteur privé et la formation sur le tas (Oviawe, 2018). Malheureusement, ce type d’associations reste rare en Afrique de l’Est, alors même que les gouvernements plaident dans ce sens (Mutetha, 2018). Par ailleurs, la Banque africaine de développement (BAfD, 2020) identifie la faiblesse des liens avec les acteurs industriels comme l’une des raisons expliquant l’inadéquation des compétences par rapport à la demande. D’autres facteurs peuvent être incriminés, comme la faible application des politiques et les contraintes de ressources, qui compliquent la mise en place de solutions face aux besoins de l’industrie, aujourd’hui et demain.
Les investissements destinés à améliorer l’orientation et le conseil des étudiants optant pour l’EFTP sont indispensables pour assurer la transition entre l’école et le monde du travail. L’aide apportée aux jeunes pour comprendre leur choix de carrière et les investissements dans les services de conseil contribueraient largement à fluidifier cette transition. Des services de conseil et d’orientation professionnelle plus efficaces peuvent informer les jeunes sur les possibilités de se former. Une étude récente de l’UNESCO met en évidence l’inefficacité des services actuels d’orientation professionnelle en Éthiopie, au Kenya, à Madagascar, en Ouganda et en Tanzanie, et l’absence de tout cadre politique national (UNESCO, 2018). Les filières d’EFTP pourraient gagner en attractivité, à condition d’être soutenues par des politiques adaptées et effectivement appliquées, lesquelles pourraient, par ailleurs, remédier au décalage actuel entre offre et demande de main-d’œuvre.
Cette évolution pourrait également profiter d’une implication accrue du secteur privé dans la formation sur le tas, plutôt que de réserver l’enseignement aux centres de formation. L’écart entre les pays d’Afrique de l’Est sur le plan des formations officielles proposées par les entreprises est considérable, de 35.9 % des entreprises du Rwanda à seulement 12.7 % à Madagascar (Banque mondiale, 2020a). La probabilité d’offrir une formation augmente de 10 points de pourcentage pour les entreprises opérant dans l’innovation produits, de 9 points pour celles qui se spécialisent dans l’innovation des processus et de 3 points pour les sociétés utilisant des technologies sous licence étrangère.
La région doit promouvoir des programmes nationaux d’alphabétisation numérique intégrant les groupes défavorisés
Les pays d’Afrique de l’Est doivent investir davantage dans l’alphabétisation numérique (Banque mondiale, 2019a). Les programmes nationaux doivent couvrir une palette de compétences complémentaires : habiletés de base ou essentielles (lecture, écriture et calcul), capacités techniques (pour un emploi donné) et compétences transférables (capacités sociales transversales, comme les compétences socio-affectives ou les autres compétences non cognitives). L’évolution de la technologie est tellement rapide que l’apprentissage tout au long de la vie finira par devenir la norme. Pour réussir, une nation doit intégrer les technologies de l’apprentissage numérique et les compétences associées dans ses cursus scolaires et universitaires, et élaborer des méthodes didactiques adaptées. Les compétences numériques devraient faire partie de l’enseignement de base au même titre que la lecture, l’écriture et le calcul (Ceemet, 2018).
L’alphabétisation numérique des jeunes permet de renforcer leurs compétences en vue d’embrasser des carrières plus spécialisées ( Banque mondiale, 2019a). A priori, le Kenya est le seul pays d’Afrique de l’Est à s’être doté d’un programme national d’alphabétisation numérique. Si le Rwanda et le Soudan proposent des solutions partielles, les autres pays de la région n’ont pas encore envisagé ce type de programmes. Les partenariats public-privé dans le secteur de l’éducation peuvent être un moyen d’offrir une formation spécialisée aux travailleurs. Ainsi, la fondation Good Thing s’est associée depuis 2017 à la bibliothèque nationale du Kenya (Kenya National Library Service) pour enseigner des compétences numériques adaptées aux besoins de chacun (recherches sur Internet, banque en ligne ou recherche d’emplois en ligne, par exemple).
Les politiques doivent promouvoir l’égalité hommes-femmes dans l’économie numérique et il reste encore beaucoup à faire pour développer la participation des femmes dans l’écosystème des startups en Afrique de l’Est. Au-delà de la présence accrue des femmes dans l’enseignement supérieur, ces dernières restent sous-représentées dans les filières STIM (Castillo, Grazzi et Tacsir, 2014). Résultat, elles subissent une discrimination de fait face aux technologies. Malgré le taux élevé de femmes chefs d’entreprise en Afrique, celles-ci se heurtent toujours à des barrières importantes quand il s’agit d’accéder aux services financiers et de les utiliser – y compris à cause d’une exclusion formelle et réglementaire (CRDI et Fondation Mastercard, 2018).
Mais des initiatives ont vu le jour dans la région pour assurer une formation numérique adaptée aux femmes et faciliter leur transition de l’école vers l’emploi. Au Rwanda, par exemple, WeCode forme des femmes en âge de travailler aux technologies de l’information, qu’elles aient ou non un diplôme préalable dans ce domaine. La formation repose à la fois sur des compétences techniques et des habiletés sociales afin de préparer au mieux les étudiantes à leur future carrière et aux débouchés professionnels. Une initiative du même type, baptisée « iamtheCODE », couvre l’ensemble de l’Afrique de l’Est. L’idée est de constituer des pôles numériques en collaboration avec des écoles, des bibliothèques et des centres communautaires pour former les jeunes femmes aux sciences, aux technologies, à l’ingénierie, aux mathématiques, aux arts, au design et à la création d’entreprises, mais aussi au codage, à l’apprentissage créatif et à la résolution de problèmes. De plus, Intel s’emploie depuis 2013 à réduire l’écart numérique entre les hommes et les femmes, à travers son programme « She Will Connect ». Cette initiative a pour objet de doter les femmes des compétences informatiques de base et de démontrer les avantages de la connectivité et de la technologie en leur offrant gratuitement, pendant et après la formation, des informations financières, sanitaires et éducatives.
La veille technologique pourrait aider l’Afrique de l’Est à anticiper la demande de compétences de demain
Les pays doivent continuer à faire preuve de volontarisme pour apprécier les futures avancées technologiques et anticiper les besoins de compétences de demain. Les perturbations socio-économiques associées aux nouveaux modèles d’affaires seront ressenties à travers l’évolution du paysage de l’emploi et de la demande de compétences avec, à la clé, des difficultés importantes pour recruter, former et gérer les talents. Plusieurs secteurs d’activité pourraient se retrouver face à des employés ne maîtrisant pas les compétences spécialisées requises (FEM, 2017). Une approche proactive de la question nécessite de comprendre les évolutions disruptives qui interviendront à terme, d’investir dans la formation et de faire en sorte que la main-d’œuvre soit adaptée aux innovations à venir. Les nouveaux programmes de formation (à l’image du master en intelligence artificielle African Masters of Machine Intelligence [AMMI]) constituent un pas en avant pour développer les compétences indispensables à l’avenir de la transformation digitale (encadré 5.2).
Les gouvernements ont besoin de mécanismes pour anticiper et apprécier les avancées technologiques et ne pas se laisser distancer, mais aussi pour comprendre l’impact des technologies de pointe et identifier les interventions possibles. Une étroite collaboration avec des plateformes telles que la Commission de la science et de la technique au service du développement (CSTD) ou le forum Science, technologie et innovation (STI), peut les aider à mieux comprendre les technologies émergentes et informer le débat public sur la manière de garantir un avenir numérique sûr pour tous. La CSTD peut fournir des exemples utiles d’exercices et d’évaluations technologiques prospectifs à l’échelon national, régional et international.
L’intelligence artificielle (IA) fait partie des technologies disruptives liées à la quatrième révolution industrielle qui auront le plus d’impact et pourtant, rares sont les universités africaines à proposer des cursus spécialisés dans ce domaine. Sans compter que la communauté des chercheurs se prive de talents, puisque ces derniers n’ont pas suivi de formation adaptée.
L’African Masters in Machine Intelligence (AMMI) a débuté en 2018 pour former des chercheurs et des ingénieurs africains à l’utilisation de l’IA comme outil pour améliorer le quotidien des Africains. L’une des ambitions du programme est de former une génération africaine de développeurs, chercheurs et praticiens en apprentissage machine, connectée au reste du monde. La première promotion est composée de 31 étudiants (dont 42 % de femmes) venus de 11 pays. Le programme de master bénéficie du soutien de Facebook et de Google, entreprises sans lesquelles il n’aurait pas pu voir le jour. En plus de veiller à la présence des femmes, le programme affiche un taux de réussite de 91 %, sachant que tous les diplômés trouvent ensuite un emploi sur le continent.
À plus long terme, l’objectif de ce programme de master est d’apporter la meilleure éducation assistée par l’intelligence artificielle aux élèves d’Afrique et de contribuer ainsi à bâtir un écosystème de praticiens en intelligence artificielle bien décidés à exercer un impact positif sur les sociétés africaines. Pour l’année universitaire 2019/20, le programme de master a accueilli des étudiants venus de 18 pays d’Afrique pour tisser des liens, renforcer leurs compétences techniques à travers des projets de groupe et se frotter à des intervenants de stature internationale. Ils sont accompagnés par leurs anciennes universités et par des chercheurs expérimentés sur le terrain. Une fois le programme de master achevé, eux aussi deviendront des mentors pour les étudiants qui leur succèderont.
Source : Compilation des auteurs sur la base d’un examen de la littérature.
L’adaptation du cadre réglementaire à l’économie numérique aiderait les startups locales à innover et à se développer
Un environnement réglementaire favorable pourrait soutenir les entreprises opérant dans l’économie numérique. Dans la fintech, par exemple, 34 % des entreprises africaines estiment que leur pays devrait se doter de réglementations spécifiques (Cambridge Centre for Alternative Finance, 2018). L’Afrique de l’Est a déjà fait des progrès remarquables pour réglementer le secteur des services de paiement mobile. La région obtient une note de 77.3 sur 100 dans l’indice de la réglementation des services de paiement mobile du GSMA, au-dessus de la moyenne africaine de 74.3 (graphique 5.7). Les responsables politiques vont devoir trouver le juste équilibre entre la réalisation de différents objectifs politiques (promotion de l’innovation, protection des consommateurs et adoption d’une politique macroprudentielle, notamment) et le poids excessif de la réglementation pour les petites entreprises.
Une approche par itérations(test-and-learn) s’impose pour adapter les réglementations à un environnement hautement évolutif et incertain. L’absence de réglementations a favorisé l’émergence de nombreuses startups. Plusieurs pays d’Afrique ont tenté de réglementer les innovations en fonction du contexte local, en particulier dans le secteur de la fintech (tableau 5.6). Une étude pilote récente sur les dispositifs facilitant de manière encadrée l’expérimentation (regulatory sandboxes), menée au Rwanda, montre que l’approche itérative est probablement sous-utilisée par méconnaissance du processus et flou autour des attentes. De plus, l’étude pilote a pointé du doigt des perspectives de croissance fortement limitées (un maximum de 1 000 clients pour les startups participantes) et un processus de mise en œuvre pesant (FENU, 2019).
En plus de cette politique favorisant l’expérimentation, une approche d’ensemble de la réglementation est indispensable pour libérer le potentiel des startups. Ainsi, les dernières mesures en matière de localisation des données au Rwanda imposent aux startups d’assumer le coût du stockage et de l’hébergement, et les empêchent d’accéder aux dernière avancées technologiques (FENU, 2019). Des discussions plus poussées entre organismes chargés de la réglementation et acteurs de l’économie numérique sont indispensables pour identifier les failles et renforcer les écosystèmes. De plus, la réglementation de l’économie numérique incombe parfois à différents organismes publics, ce qui nécessite une coordination interdépartementale. Au Rwanda, par exemple, la banque centrale (National Bank of Rwanda) et l’Autorité de régulation des services publics (Rwanda Utilities Regulatory Authority) ont signé un protocole d’entente pour définir les champs de responsabilité en matière de supervision du marché financier.
Les technologies peuvent également offrir de nouvelles solutions pour la collecte des données réglementaires et le suivi et l’application des règles. La banque centrale du Rwanda fait ainsi appel à un processus automatique de notification, par transmission électronique, pour superviser plus de 600 établissements financiers, dont des banques, des institutions de microfinance et des coopératives d’épargne et de crédit (chapitre 2).
Les interventions réglementaires peuvent contribuer à garantir l’interopérabilité des systèmes de paiement. En 2012, l’Autorité de régulation des communications en Tanzanie (Tanzania Communications Regulatory Authority [TCRA]) s’est intéressée à la réglementation des services financiers mobiles à travers l’interopérabilité afin de créer une véritable concurrence et de favoriser l’inclusion financière (IFC, 2015). Cette interopérabilité est devenue réalité en 2014, faisant du pays l’un des premiers au monde dans ce cas. Résultat, des services de portefeuilles interopérables ont accru nettement l’intégration des paiements dématérialisés dans la vie quotidienne des consommateurs, ces derniers ayant tendance à réaliser plus souvent des transactions, envoyer des sommes d’argent moins importantes et maintenir un solde plus élevé sur leur compte mobile (CGAP, 2018). Au Kenya, l’interopérabilité entre opérateurs de paiement mobile est devenue obligatoire en avril 2018 (Mburu, 2018).
Le soutien à la création de parcs technologiques et les mesures visant à faciliter leur financement alimentent l’essor des startups
Selon le GSMA, le nombre de pôles de startups en Afrique de l’Est a fortement progressé en dix ans, passant de quelques-uns en 2009 à 59 en 2016 et 113 en 2019. Ces pôles regroupent des incubateurs, des accélérateurs, des centres d’innovation universitaires, des parcs technologiques et des espaces de travail partagé (coworking) (tableau 5.7). Ils proposent aux acteurs locaux un large éventail de services, notamment des infrastructures de coworking, des possibilités de réseautage et d’autres formes de soutien technologique. Ils facilitent par ailleurs les discussions entre les décideurs et la communauté des startups, à l’image de forums comme « les Vendredis de la fintech » organisés à Kigali. À ce jour, Nairobi et d’autres capitales de la région accueillent l’essentiel de ces pôles technologiques, mais d’autres voient le jour dans des villes de moindre importance, comme à Mombasa.
Le financement des startups et des co-entreprises technologiques en Afrique de l’Est continue de progresser. En 2019, les startups de la région ont levé plus de 729 millions USD d’investissements, contre 367 millions USD en 2016 (Partech Africa Research, 2020). Pour l’essentiel, ces investissements concernent le Kenya (564 millions USD), devant le Rwanda (126 millions USD) et l’Ouganda (38 millions USD). La majorité est le fait d’entreprises et d’investisseurs privés.
Par ailleurs, plusieurs gouvernements d’Afrique de l’Est investissent dans des groupements technologiques de grande ampleur. En attirant des investissements étrangers et en renforçant les réseaux d’infrastructures et de connexions en fibre optique, ces parcs technologiques sont de véritables catalyseurs du développement (Huet, 2016). Cette stratégie s’est inspirée des politiques de regroupement qui ont été décisives pour l’essor des industries modernes en Chine, en Inde, en Corée et en Malaisie, notamment (Owusu, 2016). Le Kenya investit ainsi 10 milliards USD dans la construction de Konza City, la « Silicon Savannah », à 60 kilomètres au sud de Nairobi (encadré 5.3). Au Rwanda, les autorités soutiennent la création de la Kigali Innovation City, qui abritera des universités de niveau mondial, des entreprises technologiques, des sociétés de biotechnologie et de l’immobilier commercial (Emewu, 2019). Ce projet de construction créera 50 000 emplois par an, tout en favorisant la constitution d’une masse critique de talents, de chercheurs et d’innovation. Des pays comme l’Éthiopie et Maurice nourrissent aussi des projets ambitieux de regroupements technologiques (tableau 5.8).
Les modèles de financement non traditionnels peuvent se révéler utiles pour financer les regroupements technologiques. Ces structures sont encore embryonnaires dans la région et seuls quelques pays sont suffisamment dynamiques pour lever les moyens nécessaires. Les gouvernements peuvent promouvoir des modèles de financement comme les partenariats public-privé, les obligations intelligentes (smart bonds) et l’actionnariat réparti, où les investisseurs acquièrent une part dans un projet d’infrastructures au lieu d’une obligation (Siba et Sow, 2017). Le projet de la Kigali Innovation City, de 2 milliards USD, sera financé par le gouvernement rwandais et la plateforme d’investissement panafricaine Africa50, mise sur pied par la Banque africaine de développement (Mwai, 2019). Les technologies émergentes, à l’image des contrats intelligents s’appuyant sur la technologie blockchain, sont appelées à jouer un rôle grandissant dans l’immobilier et à transformer le développement du secteur, y compris pour le financement, l’achat, la vente, la gestion ou le crédit-bail (Deloitte, 2017).
De par leur dynamisme, les acteurs TIC opérant à Nairobi lui ont valu le surnom de « Silicon Savannah ». Le gouvernement kenyan a joué un rôle majeur dans la réussite numérique de la capitale, en soutenant de nombreux projets TIC après avoir testé, sans réglementation spécifique, le paiement mobile – un risque qui s’est révélé payant. D’autres projets ont également été soutenus, comme la pose de câbles sous-marins et l’initiative Kenya Open Data en faveur des données ouvertes, pour répondre à la demande des jeunes développeurs, qui avaient besoin d’accéder à des données pour créer leurs applications.
Les initiatives du gouvernement ont été complétées par des partenaires industriels, notamment le Kenya ICT Action Network (KICTANet), groupe de réflexion ouvert aux individus et aux institutions intéressés par les politiques et les réglementations TIC ou impliqués dans leur élaboration. L’un des premiers pôles technologiques, iHub, est également devenu un centre d’activité. Trois de ses fondateurs ont mis au point une plateforme de riposte aux crises qui a été utilisée dans le sillage des élections nationales contestées, en 2007-08. Ngong Road, où se trouvait le premier siège d’iHub, a attiré d’autres startups, donnant ainsi naissance à cette « Silicon Savannah ».
Début 2010, le gouvernement s’est lancé dans un projet d’extension du pôle technologique au-delà de Ngong Road pour accueillir les institutions désireuses de s’inscrire dans le paysage TIC du Kenya. Et c’est ainsi que Konza City est née : le site a été conçu pour accueillir des universités technologiques, des entreprises internationales de haute technologie, des centres de recherche et de développement, des incubateurs et des accélérateurs, mais aussi des organismes publics pour accompagner l’essor de la ville. À ce jour, le centre de données de Huawei, le Korean Advanced Institute for Science and Technology et les locaux de 40 autres sociétés en sont à différents stades de conception et construction. Konza City devrait créer plus de 60 000 emplois.
Source : Compilation des auteurs sur la base d’un examen de la littérature.
Les gouvernements peuvent organiser les ressources publiques et privées au profit du développement des infrastructures régionales
L’Afrique de l’Est ne peut se développer sans miser sur les infrastructures régionales. Selon le Programme de développement des infrastructures en Afrique (PIDA), le déploiement de projets régionaux critiques sur tout le continent a requis un investissement initial de 68 milliards USD sur la période 2012-20. Toutefois, les infrastructures TIC coûtent en général moins cher que les autres (électricité et transport, notamment). Alper et Miktus (2019) estiment que l’Afrique de l’Est devrait investir 4.1 milliards USD pour bénéficier d’une couverture 4G complète d’ici 2025.
Le secteur privé a joué un rôle central pour financer les infrastructures de communication, mais des lacunes demeurent. Ainsi, le secteur des télécommunications en Afrique de l’Est a investi en moyenne 1.4 milliard USD par an pour les dépenses en capital entre 2015 et 2019. Mais les investissements privés tendent à ne pas tenir compte du pouvoir d’achat, moindre, des individus pauvres et vivant dans des zones isolées. Moins rentables, les investissements dans ces segments auront donc moins de chances de compenser le montant supérieur de la mise initiale. De même, les projets transfrontaliers qui nécessitent d’intégrer plusieurs cadres réglementaires et d’associer des autorités locales et différents partenaires présentent des coûts disproportionnés pour les investisseurs privés, du fait de conditions hautement incertaines et de l’importance des dépenses de coordination.
Les banques régionales et continentales de développement peuvent participer à la mobilisation de ressources privées en appui à des investissements régionaux stratégiques. Le câble sous-marin TEAMS a pu être construit grâce à des partenariats public-privé (Ndemo, 2015), tandis que le câble EASSy a bénéficié d’un financement mixte sous l’égide de la Banque africaine de développement et du secteur privé afin de concrétiser la stratégie retenue pour le premier investissement infrastructurel régional de l’Afrique de l’Est (BAfD, 2007). Selon des données du PIDA, il existe actuellement cinq projets d’infrastructure pour développer les réseaux terrestres en fibre optique et relier les pays de la région au câble sous-marin. Ainsi, le Réseau à large bande de l’Afrique de l’Est (East Africa Broadband Network [EABN]) participe au développement d’un réseau intégré d’infrastructures TIC à large bande pour l’Afrique de l’Est (CAE-BIN) afin d’assurer la connexion transfrontalière entre les cinq pays partenaires de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) (Burundi, Kenya, Ouganda, Rwanda et Tanzanie) et la liaison vers les centres de transit internationaux.
Une coopération régionale durable, assortie de stratégies communes et de dispositifs réglementaires à l’image du cadre de la CAE, est indispensable pour mobiliser des ressources en appui au déploiement des infrastructures régionales. L’Afrique de l’Est accueille plusieurs initiatives continentales et régionales, engagées à la fois par des acteurs publics et privés, pour collaborer et accélérer la transformation digitale (tableau 5.9). Ces initiatives peuvent servir de socle à la création d’un cadre régional formel de mobilisation des ressources en appui au développement de nouvelles infrastructures. Les biens publics régionaux, comme les centres de données, de nouveaux câbles sous-marins et des points d’échange (ou d’interconnexion) Internet (IXP), pourraient améliorer l’accessibilité matérielle et financière d’Internet dans la région (ISOC, 2016). Au Kenya, le développement des IXP permet d’économiser 40 millions USD par an en organisant localement l’échange de trafic Internet au lieu de recourir à de coûteux services internationaux de redirection (Kende, 2020). Actuellement, selon des données du PIDA, dix projets en lien avec les IXP seraient en cours en Afrique de l’Est.
La constitution d’un marché unique numérique exige une connectivité sans faille, l’harmonisation des réglementations et l’interopérabilité des systèmes de paiement transfrontaliers
L’avènement d’un marché unique numérique permettra aux initiatives locales de prendre une envergure régionale et, plus généralement, continentale. De nombreux pays d’Afrique de l’Est n’ont pas de marchés suffisamment grands pour réussir, seuls, dans l’économie numérique. Afin d’éviter de créer une fracture numérique au sein même de leur territoire, et face à l’économie numérique mondiale, ils doivent rejoindre le marché régional, plus important. Un marché unique numérique pourrait s’appuyer sur les efforts engagés par la CAE et le Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) visant à intégrer les pays de la région, investir dans la transformation digitale et soutenir l’innovation. Le COMESA s’est ainsi doté d’un plan pour créer une zone de libre-échange numérique destinée à faciliter le commerce en ligne en Afrique de l’Est et en Afrique australe.
Pour garantir la circulation continue de la communication en Afrique de l’Est, il faut impérativement améliorer les capacités, la vitesse, la fiabilité et le coût des services de communication transfrontaliers. Des investissements conjoints dans des infrastructures régionales (voir section précédente) et des régimes harmonisés d’attribution du spectre des fréquences peuvent contribuer, à terme, à réduire les coûts de gros. Dans le même temps, des initiatives comme One Network Area de la CAE peuvent faire baisser les prix de détail des services télécoms transfrontaliers (encadré 5.4). La couverture et la qualité extrêmement inégales des infrastructures TIC dans la région et dans chaque pays appellent aussi à l’adoption de normes minimales de qualité d’accès.
En 2014, les pays membres de la CAE s’engagent à réduire les frais d’itinérance (roaming) au sein de la communauté. En 2015, ils accélèrent la création d’un réseau unique (ONA) articulé autour de quatre piliers :
gratuité des appels vocaux reçus en itinérance si ces appels émanent de pays membres de l’ONA ;
exonération de droits d’accise et de suppléments sur les appels vocaux reçus en provenance de pays membres de l’ONA ;
introduction de plafonds pour les prix de gros (0.07 USD la minute) et de détail (0.10 USD par minute) pour le trafic sortant de la zone ONA ; et
obligation faite aux opérateurs de réseaux mobiles de renégocier à la baisse les tarifs de gros avec leurs partenaires pour l’itinérance.
En 2016, l’initiative a déjà obtenu un succès considérable : le trafic vocal transfrontalier a plus que doublé dans la région ; et l’impact financier sur les opérateurs de réseaux mobiles a été relativement mineur, au vu de l’augmentation de la demande et de la part relativement minime des frais d’itinérance dans leur chiffre d’affaires. Pour autant, les projets d’extension de cette initiative à d’autres services (données, SMS et paiement mobile) et à d’autres pays (Burundi et Tanzanie) peinent à se concrétiser.
Source : D’après Banque mondiale (2019b).
La sécurité et la fluidité des échanges de données dans la région exigent une coordination réglementaire dans différents domaines : sécurité numérique, protection des données, respect de la vie privée et échanges d’informations. L’importance grandissante des données en termes de valeur, d’utilisation et de volume oblige les responsables politiques à trouver un juste équilibre entre confidentialité, souveraineté et efficacité économique. Le Kenya, l’Ouganda et le Rwanda planchent actuellement au sein d’un groupe de travail sur l’harmonisation des réglementations et l’adoption de protocoles pour le partage intergouvernemental de données dans le cadre du projet d’intégration du corridor Nord. Ce type d’initiatives peut couvrir d’autres points importants, comme la localisation des données et les restrictions de contenu, qui pèsent lourd sur les entreprises opérant au sein de la région, surtout les plus petites. En outre, la loi de la CAE sur les transactions électroniques (EAC Electronic Transactions Bill), favorable à l’argent numérique, définit des normes régionales pour les signatures électroniques, les services publics en ligne, la protection des consommateurs et les limites de la responsabilité des prestataires de services. Mais alors qu’elle a été adoptée en 2015, l’intégration de cette loi dans la législation des différents pays est très inégale (Banque mondiale, 2019b).
Ces questions exigent une véritable collaboration entre pays pour affronter directement le problème et favoriser une adaptation rapide aux technologies numériques. Avec l’accélération de la transformation digitale, selon Van der Spuy et Oolun (2018), les craintes liées à la sécurité numérique ne cessent de se renforcer, dans les pays développés comme dans les pays en développement. Ces auteurs estiment que les stratégies de sécurité numérique sont sous-développées dans un domaine où les innovations des startups occupent des pans vitaux de l’économie. Sans oublier les pénuries de compétences et l’absence globale de prise de conscience des risques encourus. Tout cela rend les régions d’Afrique encore plus exposées aux incidents de sécurité numérique et aux menaces sur Internet. L’adoption d’une stratégie collaborative impliquant des partenaires publics et privés pourrait atténuer ces risques. Face à des menaces extérieures communes, les pays nordiques ont, par exemple, regroupé leurs technologies et leurs compétences pour contrer des attaques hybrides au sein d’une politique unique en matière de sécurité numérique (O’Dwyer, 2019). Ce type de stratégies serait crucial pour déployer des infrastructures partagées en Afrique de l’Est et protéger les innovations dont la région est fertile.
Les gouvernements d’Afrique de l’Est peuvent aussi faciliter et réglementer les paiements transfrontaliers, notamment pour les comptes de paiement mobile. Même au sein de la CAE, où l’intégration est plus avancée, il n’existe actuellement aucun système de paiement mobile interopérable couvrant l’ensemble de la région – et le coût de sa mise en place reste élevé ( Banque mondiale, 2019b). Les responsables politiques peuvent se prononcer en faveur d’approches novatrices pour remédier à ce problème. En juillet 2018, les autorités de réglementation boursière d’Afrique de l’Est ont ainsi accepté de tester des cadres favorables à l’expérimentation pour encourager l’innovation des opérateurs ayant une activité régionale (Wechsler, Perlman et Gurung, 2018). Dans le même temps, les organismes chargés de la réglementation peuvent jouer un rôle clé pour parvenir à une interopérabilité totale. Au sein de l’espace économique européen, par exemple, une entreprise (de transfert de fonds) peut demander un « passeport » pour établir sa présence ou mener à bien ses activités autorisées dans un autre pays européen (FCA, 2020). Pour concrétiser une telle interopérabilité en Afrique de l’Est, les pays vont devoir consentir des efforts importants sur le plan de l’harmonisation et de la reconnaissance de leurs cadres réglementaires respectifs.
Références
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Note
← 1. Les quatre autres pays sont l’Afrique du Sud, le Ghana, le Mozambique et le Nigeria.