Résumé

Imaginons qu’il faille faire un choix entre plusieurs projets énergétiques impliquant d’investir soit dans une centrale au charbon, soit dans des moyens de production renouvelables tels que des éoliennes. L’analyse coûts-avantages (ACA) constitue l’un des outils analytiques auxquels peuvent avoir recours les décideurs et les analystes pour faire un choix entre ces projets (ou décider de n’en retenir aucun). La première étape peut consister à déterminer quels sont les avantages (définis comme une augmentation du bien-être humain) et les coûts (correspondant à une réduction de ce bien-être) induits par ces projets. Si le principe paraît simple, cette démarche implique de trouver un moyen d’agréger les avantages et coûts sociaux et environnementaux de populations différentes (dans des limites géographiques données) et de leur attribuer une valeur monétaire en tenant compte de leur répartition dans le temps. Pour que l’un des projets soit retenu sur la base du critère coûts-avantages, ses avantages sociaux doivent être supérieurs à ses coûts sociaux.

L’ACA environnementale s’applique aux projets ou politiques visant explicitement à améliorer l’environnement ou ayant de quelque manière qui soit un effet indirect sur les milieux naturels. Les usages de l’ACA et son utilisation dans la formulation des politiques et l’investissement se sont considérablement étendus ces dix dernières années, mais le recours à cet instrument n’est pas aussi généralisé qu’il pourrait l’être, bien qu’il se montre toujours utile dans la prise de décision en matière de politique environnementale et d’investissement.

Principales évolutions

  • Contribution de l’économie du climat : les efforts déployés pour estimer le coût social des émissions de carbone font avancer la lutte contre le changement climatique malgré les difficultés et incertitudes qui entourent de telles estimations (au regard par exemple de la sensibilité du climat, des prévisions de croissance économique et d’évolution des émissions, ainsi que des dommages qui pourraient en découler). Ces travaux ont aussi amené à se pencher plus avant sur l’évaluation des coûts et avantages à très long terme et montré que les méthodes utilisées traditionnellement pour fixer un taux d’actualisation social posent problème lorsque le contexte s’étend sur plusieurs générations.

  • Application des techniques d’évaluation aux écosystèmes : bien qu’une grande partie des travaux réalisés dans ce domaine s’attachent à définir une méthode d’évaluation des services écosystémiques, l’évolution des techniques d’évaluation non marchande reste au cœur de l’attention. Cela montre bien que l’évaluation non marchande demeure un sujet de recherche très en vue. On dispose d’un nombre considérable d’exemples d’utilisation de l’évaluation environnementale pour déterminer la valeur des écosystèmes nationaux et mondiaux.

  • Extension des méthodes fondées sur le bien-être social : ce domaine de recherche a repoussé les frontières de l’attribution d’une valeur monétaire aux impacts environnementaux des politiques et projets d’investissement ; il permet par exemple de discerner de nombreux biens et services environnementaux (non marchands) implicitement échangés sur les marchés en établissant une inférence causale entre la transaction portant sur un bien marchand (comme l’achat d’une maison ou l’acceptation d’un emploi) et le prix implicite d’un bien environnemental (non marchand) (comme la qualité de l’air dans un quartier ou sur un lieu de travail). L’influence de l’économie comportementale profite également à l’économie environnementale en amenant à reconsidérer ce que l’on sait des biais d’évaluation et des anomalies dans les réponses. L’essor des enquêtes en ligne a par ailleurs beaucoup contribué à permettre de plus larges utilisations et un réexamen des biais et des moyens d’y remédier.

  • Perfectionnement continu de l’évaluation des effets sur la santé : le volume croissant de données empiriques disponibles a permis de nouvelles avancées dans le domaine de l’évaluation des répercussions sanitaires, grâce par exemple à la réalisation de méta-analyses. Des « valeurs de référence » aisément utilisables dans le cadre d’évaluations concrètes ont ainsi pu être établies pour d’importantes catégories d’effets sur la santé, tels que le risque de mortalité. L’accumulation des preuves concernant la charge mondiale de morbidité, et plus particulièrement la contribution de la pollution à cette charge, confère un degré d’urgence accru à ces travaux.

Éléments à retenir

  • Le perfectionnement technique de divers éléments de l’ACA environnementale comme les techniques d’évaluation des préférences déclarées, le traitement de l’incertitude et le recours à l’actualisation, a amélioré la rigueur statistique et permis d’établir des évaluations monétaires plus fiables et plus fines.

  • Selon les résultats d’enquêtes, l’ACA est une pratique courante lors d’évaluations concrètes de l’action publique et de projets d’investissement dans les pays de l’OCDE, mais d’importants progrès restent à accomplir.

  • Les enquêtes révèlent également que les processus d’évaluation minimisent souvent l’importance de l’ACA et que les décisions définitives semblent souvent aller à l’encontre de cette analyse.

Le processus de formulation des politiques fait intervenir un ensemble complexe d’institutions publiques et il importe d’en tenir compte lorsque l’on s’interroge sur l’utilisation effective de l’ACA. Il est essentiel de comprendre l’économie politique de cet instrument pour bien saisir comment il est effectivement utilisé et quelles seraient les mesures envisageables pour améliorer son utilisation.

Chose intéressante, des améliorations institutionnelles du type de celles que pourrait inspirer cette vision de l’économie politique sont en cours dans le contexte plus large de la réforme des cadres réglementaires engagée dans bien des pays et des instances supranationales. L’architecture institutionnelle qui influe sur le mode de réalisation de l’ACA (et le moment où elle est mise en œuvre) a donné lieu à la création d’organismes publics (souvent indépendants) qui pourraient conférer un rôle plus important à l’ACA, par exemple en ajoutant un niveau de contrôle supplémentaire sous la forme d’une vérification ou d’un « examen par les pairs » des évaluations officielles. Le comité d’examen de la réglementation de la Commission européenne en est un exemple notable.

De manière générale, le rôle de l’ACA environnementale est de fournir un instrument permettant de déterminer l’efficience (sociale) des décisions dans le cadre plus large de l’élaboration des politiques. Le présent ouvrage a pour objectif principal d’évaluer les évolutions théoriques récentes de l’ACA environnementale et d’illustrer l’utilisation pratique de l’ACA dans la formulation des politiques et l’évaluation des projets d’investissement.

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