7. Lait et produits laitiers

Le lait et les produits laitiers sont des sources de nutrition vitales et fournissent des moyens de subsistance à des millions de personnes tout le long des chaînes de valeur de la filière laitière dans le monde. Les revenus et la population augmentant, les volumes de produits laitiers consommés sont appelés à s’amplifier à moyen terme. Cette forte demande se concentre essentiellement en Inde, au Pakistan et dans plusieurs pays africains. Globalement, la consommation par habitant devrait augmenter de 0.8 % par an pour atteindre 15.7 kg (en équivalent extrait sec, excluant la teneur en eau du lait ou des produits laitiers) d’ici à 2032. L’essentiel du lait produit est consommé sous forme de produits laitiers frais, non transformés ou très peu transformés (pasteurisés ou fermentés), dont la part dans la consommation devrait augmenter à l’échelle mondiale au cours des dix prochaines années. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, les produits laitiers frais représentent plus des deux tiers de la consommation moyenne de produits laitiers par habitant (en extrait sec), tandis que les consommateurs des pays à revenu élevé achètent davantage de produits transformés (Graphique 7.1).

Le fromage est le produit laitier transformé le plus consommé en termes d’extrait sec, essentiellement en Europe et en Amérique du Nord, deux régions où sa consommation est en hausse. En Asie, le beurre est non seulement le produit laitier transformé le plus consommé (il représente près de la moitié de la consommation totale de produits laitiers transformés en termes d’extrait sec), mais il est également le produit qui devrait connaître la plus forte augmentation. En Afrique, le fromage et le lait entier en poudre représentent la majorité des produits laitiers transformés consommés. Au cours de la décennie à venir, la consommation de lait écrémé en poudre devrait enregistrer la plus forte croissance, en partant certes d’un niveau de référence inférieur.

La production mondiale de lait (constituée à environ 81 % de lait de vache, à 15 % de lait de bufflonne et à 4 % de lait de chèvre et de chamelle) devrait augmenter de 1.5 % par an sur les dix prochaines années (pour atteindre 1 039 Mt en 2032), soit une évolution plus rapide que la plupart des principaux produits agricoles. L’Inde et le Pakistan devraient compter pour plus de la moitié dans la croissance de la production totale de lait, et pour plus de 32 % de la production mondiale en 2032. La production de l’Union européenne (UE), deuxième producteur mondial de lait, devrait connaître un léger recul face à la stagnation de la demande intérieure, en raison d’une faible croissance démographique, d’une baisse de la consommation de produits laitiers frais par habitant, de politiques axées sur la transition vers une production durable, ainsi que du développement de la production biologique et des systèmes de production fondés sur le pâturage. À l’échelle mondiale, le nombre d’animaux laitiers devrait connaître une forte augmentation, en particulier dans les régions où les rendements sont faibles, comme c’est le cas en Afrique subsaharienne, mais aussi dans les principaux pays producteurs de lait tels que l’Inde et le Pakistan. Au cours de la période de projection, les rendements mondiaux devraient augmenter régulièrement, la croissance la plus forte étant attendue dans les pays d’Asie du Sud-Est.

Les échanges laitiers mondiaux portent principalement sur les produits transformés. La République populaire de Chine (ci-après « Chine ») devrait rester en tête des importations de produits laitiers, malgré une plus forte augmentation de la production laitière nationale par rapport à la dernière décennie. La demande d’importation de produits laitiers en Asie du Sud-Est devrait progresser sous l’effet de la croissance démographique et de l’augmentation des revenus, qui favorisent des régimes alimentaires plus riches en produits animaux. Toutefois, par rapport aux marchés traditionnellement consommateurs de produits laitiers, la consommation par habitant devrait rester faible dans cette région. La Fédération de Russie (ci-après « Russie »), le Mexique et les pays du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord, notamment l’Arabie Saoudite, resteront des importateurs nets importants de produits laitiers. À moyen terme, l’UE, les États-Unis et la Nouvelle-Zélande resteront les principaux exportateurs de produits laitiers transformés et représenteraient environ 65 % des exportations de fromage, 70 % des exportations de lait entier en poudre, 70 % des exportations de beurre et 79 % des exportations de lait écrémé en poudre en 2032.

Depuis 2015, le prix unitaire du beurre est nettement plus élevé que celui du lait écrémé en poudre. Cette hausse s’explique par une demande accrue de matières grasses laitières par rapport aux autres constituants solides du lait sur le marché international. Cet écart devrait persister tout au long de la période de projection. Globalement, les prix devraient évoluer dans le même sens que ceux des autres principaux produits agricoles, enregistrant une légère augmentation nominale après un ajustement à la baisse au cours des premières années de la période de projection.

Malgré un taux de croissance élevé des produits végétaux de substitution dans de nombreuses régions, notamment en Asie de l’Est, en Europe, en Océanie et en Amérique du Nord, les opinions contradictoires quant à leurs effets sur l’environnement et leurs bienfaits pour la santé créent des incertitudes concernant leur incidence à long terme sur la demande de produits laitiers. Durant la période de projection, on s’attend à une baisse de la consommation de produits laitiers frais par habitant en Europe, en Océanie et en Amérique du Nord, qui s’expliquerait en partie par une hausse de la consommation de produits végétaux de substitution.

La mise en œuvre de nouvelles politiques de production durable et les problèmes d’acceptation des produits laitiers par les consommateurs auront une incidence sur les projections de la filière lait. Dans certains pays, la production laitière représente une part importante des émissions globales de gaz à effet de serre, ce qui conduit à s’interroger sur les moyens d’ajuster l’échelle de production et les technologies de la filière afin de contribuer à la réduction de ces émissions.

Seule une part relativement faible de la production mondiale de lait fait l’objet d’échanges internationaux sous la forme de produits transformés, principalement des poudres et des fromages. En outre, les échanges de produits laitiers sont souvent couverts par des accords commerciaux régionaux spécifiques. Par conséquent, la conclusion de nouveaux accords commerciaux ou la modification des accords en vigueur tend à modifier le régime des échanges mondiaux de produits laitiers. L’entrée de l’Inde, premier producteur et consommateur mondial de produits laitiers, sur le marché international pourrait avoir des répercussions importantes. Actuellement, certaines laiteries indiennes s’intéressent à l’exportation vers les pays voisins.

En 2022, la valeur de l’indice FAO des prix des produits laitiers a augmenté de 20 % pour l’ensemble des produits, établissant un nouveau record. Les cours mondiaux des produits laitiers ont atteint un pic au milieu de l’année 2022 avant d’amorcer une lente décrue. Toutefois, les prix intérieurs du lait ont atteint par la suite un point haut et n’ont commencé à fléchir qu’à la fin 2022. Les prix ont été essentiellement déterminés par les coûts de l’énergie et de l’alimentation animale, qui ont suivi une évolution similaire, avec cependant des variations plus importantes pour les produits laitiers et le lait.

La production mondiale de lait a augmenté de 0.7 % en 2022, pour atteindre environ 897 Mt. La production a augmenté de 2.2 % en Inde, atteignant 194 Mt, avec toutefois des retombées minimes sur le marché laitier mondial, car l’Inde ne participe que de façon marginale aux échanges de lait et de produits laitiers. Si l’on considère les trois principaux exportateurs, la production de l’UE est restée stable en 2022, alors qu’elle a diminué en Nouvelle-Zélande et augmenté aux États-Unis.

En 2022, les échanges de produits laitiers ont connu une baisse due à une demande d’importation nettement plus faible de la part de la Chine, en particulier pour le lait entier en poudre. En revanche, d’autres importateurs majeurs de produits laitiers, à savoir l’Arabie saoudite, l’Indonésie et le Mexique, ont augmenté leurs importations. Parmi les grands pays exportateurs, les États-Unis feraient partie des principaux bénéficiaires d’une hausse des exportations.

Bien que le lait soit un produit très périssable qui doit être transformé rapidement après sa collecte, il est consommé principalement sous la forme de produits frais1, qui comprennent les produits fermentés et pasteurisés. La part des produits laitiers frais dans la consommation mondiale devrait augmenter ces dix prochaines années, sous l’effet de l’accélération de la demande en Inde et au Pakistan, elle-même portée par la croissance des revenus et de la population. La consommation mondiale par habitant de produits laitiers frais devrait progresser de 1.0 % par an durant la prochaine décennie, c’est-à-dire un peu plus vite que ces dix dernières années, essentiellement en raison d’une hausse plus rapide du revenu par habitant.

En termes d’extrait sec, la consommation de lait par habitant varie considérablement dans le monde (Graphique 7.1), sous l’effet de la hausse des revenus et des préférences régionales. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure, l’essentiel du lait produit est consommé sous forme de produits frais. Les projections prévoient une consommation élevée de produits laitiers frais par habitant en Inde et au Pakistan, mais faible en Chine.

En Europe et en Amérique du Nord, la demande globale de produits laitiers frais par habitant est stable ou en recul, mais sa composition se modifie depuis quelques années au profit des matières grasses du lait, en l’occurrence le lait entier et la crème. Les substituts végétaux de produits laitiers gagnent du terrain et concurrencent davantage les produits laitiers frais que les produits laitiers transformés.

La part des produits laitiers transformés, en particulier du fromage, dans la consommation globale de lait devrait être étroitement corrélée aux revenus, avec des variations dues aux préférences locales, aux contraintes alimentaires et au degré d’urbanisation. Les principaux marchés du fromage, deuxième produit laitier le plus consommé, se situent en Europe et en Amérique du Nord, où la consommation par habitant devrait continuer d’augmenter durant la période de projection (Graphique 7.2). La consommation de fromage augmentera également dans des régions où ce produit ne s’inscrivait pas dans les traditions alimentaires nationales. Dans le Sud-Est asiatique, l’urbanisation et la hausse des revenus se sont traduites par le développement de la restauration hors domicile, notamment dans le secteur de la restauration rapide (hamburgers et pizzas, entre autres).

La consommation de beurre a repris en Europe et en Amérique du Nord en raison d’une évolution des préférences. Les consommateurs sont peut-être influencés par les récentes études qui dépeignent de manière plus positive les effets de la consommation de beurre sur la santé, à l’opposé des messages précédemment véhiculés.

Les poudres de lait, écrémé ou entier, resteront principalement employées par l’industrie agroalimentaire, notamment pour la pâtisserie-confiserie, les laits maternisés et la boulangerie. Une petite partie des produits laitiers est utilisée pour l’alimentation animale, en particulier le lait écrémé en poudre et la poudre de lactosérum. On observe partout dans le monde une montée en puissance des poudres de lactosérum qui sont utilisées pour la fabrication de produits nutritionnels, notamment dans la nutrition clinique, des jeunes enfants et des personnes âgées.

La production mondiale de lait devrait progresser de 1.5 % par an ces dix prochaines années (pour atteindre 1 039 Mt en 2032), soit un rythme plus rapide que celui de la plupart des autres principaux produits agricoles. On anticipe une forte augmentation du cheptel laitier (1.3 % par an), notamment en Afrique subsaharienne et dans les grands pays producteurs de lait comme l’Inde et le Pakistan, où les rendements sont faibles. Les rendements devraient continuer de croître régulièrement partout dans le monde au cours des dix prochaines années. Cependant, dans la plupart des régions du monde, l’augmentation de la production devrait venir davantage de la hausse des rendements que de l’expansion des cheptels (Graphique 7.4), grâce à l’optimisation des systèmes de production laitière, à une meilleure santé animale, à des gains d’efficience en matière d’alimentation animale et à l’amélioration génétique.

L’Inde est le premier producteur de lait et devrait enregistrer une augmentation soutenue et continue de sa production. La production repose sur de petits exploitants qui travaillent avec des coopératives pour la transformation et la distribution. Cette intégration dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement joue également un rôle important dans la valeur accordée à la production laitière en Inde. La croissance de la production devrait découler de l’augmentation du nombre de vaches et de bufflonnes laitières et d’une hausse des rendements.

Dans l’UE, les projections indiquent une baisse de la production, en raison d’un déclin des cheptels laitiers et d’un ralentissement de la croissance des rendements. La nourriture des cheptels laitiers repose sur un mélange de systèmes de production à base d’herbe et d’aliments pour animaux. Par ailleurs, la part du lait bio ou produit dans des systèmes non conventionnels devrait augmenter dans la production totale. Actuellement, plus de 10 % des vaches laitières appartiennent à des systèmes biologiques situés en Autriche, au Danemark, en Grèce, en Lettonie et en Suède. L’Allemagne et la France ont aussi enregistré une hausse de leur production laitière bio. Toutefois, les rendements des exploitations biologiques étant inférieurs d’environ 25 % à ceux des exploitations conventionnelles, avec des coûts de production plus importants, il est nécessaire de fixer des prix de vente considérablement plus élevés.

Les rendements moyens par vache sont parmi les plus élevés en Amérique du Nord, où la production à l’herbe est très minoritaire et où l’on cherche à optimiser l’alimentation du bétail afin d’obtenir des rendements élevés dans des cheptels laitiers spécialisés (Graphique 7.5). Aux États-Unis et au Canada, les cheptels laitiers devraient demeurer relativement stables, et la croissance de la production serait donc favorisée par de nouvelles hausses des rendements. Compte tenu des prévisions concernant la demande intérieure qui resterait plus forte pour les matières grasses du lait, les États-Unis continueront à exporter principalement du lait écrémé en poudre.

Bien que la Nouvelle-Zélande ne représente que 2.5 % de la production mondiale de lait aujourd’hui, elle est le pays qui exporte le plus sa production. Après avoir fortement augmenté au cours des vingt dernières années, la production connaît un ralentissement depuis quelques années, et devrait progresser de 0.4 % par an au cours de la décennie à venir. Les cheptels laitiers sont nourris principalement à l’herbe, et les rendements sont beaucoup plus faibles qu’en Amérique du Nord et en Europe. Une gestion efficace des prairies permet néanmoins à la Nouvelle-Zélande d’être compétitive. Les principaux obstacles à la croissance sont le manque de terres disponibles, les restrictions environnementales grandissantes et la tarification du méthane entérique à partir de 2025 (loi Neutralité carbone de 2019 portant modification de la loi de 2002 sur la lutte contre le changement climatique), mais le modèle d’alimentation animale devrait rester inchangé.

En Afrique, la production laitière devrait afficher une forte croissance, due principalement à l’expansion des cheptels. Les rendements sont généralement bas, et les laits de chèvre et de brebis occupent une place très importante. La plupart des vaches, des chèvres et des brebis pâturent et sont aussi élevées pour la production de viande, la traction ou comme actif financier (épargne). Les animaux supplémentaires se nourrissent sur les mêmes pacages, entraînant une utilisation plus intensive qui pourrait conduire à des surpâturages au niveau local. Au cours de la période de projection, environ un tiers du cheptel mondial devrait se trouver sur le continent africain et fournir plus de 6 % de la production mondiale de lait.

Environ 30 % de la production mondiale de lait devraient être transformés en beurre, fromage, lait en poudre entier ou écrémé ou poudre de lactosérum au cours des dix prochaines années. La situation varie néanmoins d’une région à l’autre. Dans les pays à revenu élevé, la production de lait est majoritairement transformée en produits laitiers. Compte tenu de la vigueur de la demande directe de beurre et de fromage, ces deux produits représentent actuellement une grande partie de la consommation de lait en Europe et en Amérique du Nord. Le lait en poudre entier ou écrémé est principalement produit pour l’exportation et utilisé dans le secteur agroalimentaire, notamment en pâtisserie-confiserie, pour les laits maternisés et en boulangerie. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure, l’essentiel du lait produit est consommé sous forme de produits frais.

Seulement 7 % environ de la production mondiale de lait font l’objet d’échanges internationaux, ce qui s’explique principalement par la nature périssable du lait et par sa teneur élevée en eau (plus de 85 %). Plus de 50 % de la production mondiale de lait en poudre entier ou écrémé est échangée sur les marchés, car ces poudres sont souvent produites dans le seul but de pouvoir stocker et vendre le lait plus longtemps ou le transporter sur de plus longues distances. Les produits laitiers frais s’échangent très peu, sous forme de petits volumes de produits laitiers fermentés échangés entre pays voisins (Canada et États-Unis, Union européenne et Suisse). La seule exception concerne les importations de lait liquide en Chine, en provenance de l’Union européenne et de la Nouvelle-Zélande, ces échanges étant facilités par la capacité des produits laitiers et crémiers pasteurisés à ultra-haute température à être transportés sur de longues distances, mais aussi, dans certains cas, par les tarifs favorables du fret chinois. Les importations chinoises nettes de produits laitiers frais s’élevaient à 1.2 Mt sur la période de référence, et elles ne devraient pas augmenter sensiblement au cours des dix années à venir.

Les échanges mondiaux de produits laitiers devraient augmenter au cours de la prochaine décennie pour atteindre 14.2 Mt en 2032, soit 11 % de plus que pendant la période de référence. Cette croissance se traduira surtout par une hausse des exportations des États-Unis, de l’Union européenne et de la Nouvelle-Zélande. Ensemble, ces trois pays devraient réaliser environ 65 % des exportations de fromage, 70 % des exportations de lait entier en poudre, 70 % des exportations de beurre, et 80 % des exportations de lait écrémé en poudre en 2032 (Graphique 7.5). L’Australie, autre pays exportateur, a perdu des parts de marché mais reste en bonne position dans les secteurs du fromage et du lait écrémé en poudre. Concernant le lait entier en poudre, l’Argentine est aussi un acteur important qui devrait compter pour 5 % des exportations mondiales en 2032. Ces dernières années, le Bélarus a également acquis une certaine stature en tant qu’exportateur, principalement tourné vers le marché russe en raison de l’embargo décrété par la Russie qui touche plusieurs grands exportateurs de produits laitiers depuis 2015.

L’Union européenne restera le principal exportateur mondial de fromage, suivie des États-Unis et de la Nouvelle-Zélande. Le Royaume-Uni, le Japon, la Russie, l’Union européenne et l’Arabie saoudite devraient être les cinq premiers importateurs de fromage en 2032. Ces pays étant souvent aussi exportateurs de fromage, leur participation aux échanges commerciaux internationaux devrait se traduire par un choix plus vaste pour les consommateurs.

La Nouvelle-Zélande reste la principale source de beurre et de lait entier en poudre sur le marché international, et ses parts de marché devraient se situer respectivement autour de 40 % et 60 % en 2032. La Chine est le premier importateur de lait entier en poudre en provenance de la Nouvelle-Zélande, mais les échanges entre les deux pays devraient être moins dynamiques au cours de la période de projection. La hausse anticipée de la production laitière intérieure en Chine limitera la croissance des importations de lait entier en poudre. D’après les prévisions, la Nouvelle-Zélande diversifiera et augmentera légèrement sa production de fromage sur la période considérée.

Parmi les grands exportateurs, les États-Unis devraient être le pays le plus dynamique au cours des dix prochaines années, notamment grâce à la hausse de ses exportations de lait écrémé en poudre. Cela nécessitera une croissance de la capacité de séchage qui dépasse les investissements actuels. Les importations de lait écrémé en poudre sont dispersées à l’échelle mondiale, car il s’agit souvent du produit laitier le plus facile à échanger pour être utilisé par l’industrie agroalimentaire.

Les importations de produits laitiers sont plus largement réparties entre les pays, mais les principales destinations pour tous les produits laitiers sont le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, les pays à revenu élevé, l’Asie du Sud-Est et la Chine (Graphique 7.6). La Chine devrait rester le premier importateur de produits laitiers, en particulier de lait entier en poudre (21 % des importations mondiales en 2032). La consommation de produits laitiers par habitant en Chine est relativement modeste par rapport aux marchés traditionnels, mais la demande a notablement augmenté au cours de la décennie passée, et la croissance devrait se poursuivre. La Chine s’approvisionne en produits laitiers essentiellement en Océanie, mais elle a néanmoins augmenté ses achats de beurre et de lait écrémé en poudre auprès de l’Union européenne ces dernières années.

Si certains pays sont autosuffisants, comme l’Inde et le Pakistan, dans d’autres régions du monde telles que l’Afrique, l’Asie du Sud-Est ainsi que le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, la consommation de produits laitiers devrait augmenter plus vite que la production et se traduire par une hausse des importations. Le lait liquide coûtant cher à importer et à exporter (ratio volume/valeur élevé), la demande supplémentaire devrait être satisfaite par les laits en poudre, auxquels on ajoute de l’eau pour la consommation finale ou la transformation. Les importations du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord devraient provenir essentiellement de l’Union européenne, tandis que les États-Unis et l’Océanie devraient être les principaux fournisseurs de lait en poudre de l’Asie de Sud-Est.

Les prix mondiaux réels des produits laitiers afficheront une tendance à la baisse

Les cours mondiaux des produits laitiers correspondent aux prix des produits transformés des principaux exportateurs d’Océanie et d’Europe. Les deux principaux cours de référence pour les produits laitiers sont ceux du beurre et du lait écrémé en poudre, le premier pour les matières grasses du lait, et le second pour les autres constituants solides du lait. Les matières grasses et les autres constituants solides représentent environ 13 % du poids total du lait, le reste étant constitué d’eau.

Depuis 2015, le prix du beurre a augmenté beaucoup plus que celui du lait écrémé en poudre. La demande accrue en matières grasses du lait a créé un écart de prix entre les deux produits et continuera de soutenir le prix du beurre tant qu’elle restera supérieure à la demande pour les autres constituants solides sur le marché international. Cette différence de prix devrait donc persister au cours des dix années à venir (Graphique 7.7). Les prix du beurre et du lait écrémé en poudre devraient légèrement baisser au cours de la période de projection, l’attractivité des prix actuels entraînant un gonflement de l’offre. Les prix mondiaux du lait entier en poudre et du fromage devraient être affectés par l’évolution des cours du beurre et du lait écrémé en poudre, selon leur teneur respective en matières grasses et en autres matières sèches.

La forte volatilité des cours internationaux des produits laitiers s’explique par le faible pourcentage que représente l’échange de ces produits sur les marchés mondiaux, par la prédominance d’un petit nombre d’exportateurs ainsi que par des politiques commerciales très restrictives. La plupart des marchés intérieurs sont relativement déconnectés de ces prix puisque l’on consomme surtout des produits laitiers frais et que seule une petite partie de la production de lait est transformée, le reste étant fermenté ou pasteurisé.

Les substituts végétaux de produits laitiers liquides (boissons à base de soja, d’amande, de riz ou d’avoine, par exemple) ont gagné en importance dans de nombreuses régions du monde, en particulier en Amérique du Nord, en Europe et en Asie de l’Est. L’offre de substituts s’est élargie à divers fruits à coque, légumineuses et autres cultures. Cette évolution s’explique principalement par les préoccupations des consommateurs concernant la santé et les conséquences de la production de lait sur l’environnement, ainsi que par l’intolérance au lactose. Si les substituts végétaux de produits laitiers affichent des taux de croissance vigoureux, en partant certes de très bas, la réalité de leurs effets sur l’environnement et de leurs relatifs bienfaits pour la santé fait débat. La durabilité des substituts populaires très prisés comme les boissons à l’amande ou au soja suscite des interrogations, les consommateurs étant plus nombreux à prendre en compte, outre les émissions de GES, des problèmes écologiques tels que la consommation d’eau et la déforestation. De même, l’intolérance au lactose est un problème pour certains consommateurs, et l’on trouve de plus en plus de produits laitiers sans lactose pour ceux qui ne privilégient pas les substituts végétaux. Globalement, l’incertitude prévaut quant à l’incidence à long terme des substituts végétaux sur la filière lait.

La législation environnementale pourrait avoir des répercussions majeures sur l’évolution future de la production laitière. Les émissions de GES dues au secteur laitier représentent une part importante des émissions totales dans certains pays (en Nouvelle-Zélande et en Irlande, par exemple), et un durcissement des politiques et des initiatives publiques en la matière, comme l’initiative pour la neutralité GES du secteur laitier (Pathways to Dairy Net Zero) lancée en septembre 2021, pourrait avoir une incidence sur le niveau et la nature de la production laitière dans le but de réduire ces émissions. D’autres domaines dans lesquels des changements de politique pourraient jouer un rôle sont, par exemple, l’accès à l’eau et la gestion des effluents d’élevage, qui s’orientent de plus en plus vers des pratiques durables. Les experts européens du secteur laitier envisagent une baisse des exportations de produits laitiers causée par la stratégie de l'Union européenne de la ferme à la fourchette. Cependant, une législation environnementale plus stricte pourrait aussi conduire à l’élaboration de solutions novatrices améliorant la compétitivité de la filière à long terme. Globalement, le niveau des émissions mondiales de GES dépendra en grande partie des gains d’efficacité qui pourront être obtenus en Inde et dans les autres pays ayant des cheptels bovins importants et pratiquant l’élevage extensif. De plus, le changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes, auxquels certains pays et régions sont déjà confrontés, pourraient menacer encore davantage la viabilité de la production laitière dans les pays touchés.

La guerre de la Russie contre l’Ukraine a considérablement exacerbé les incertitudes concernant les approvisionnements en énergie, en engrais et autres produits agricoles, et pourrait ralentir la croissance économique. Le renchérissement du coût des intrants pourrait se répercuter sur d’autres marchés connexes comme celui des produits laitiers. Cela pourrait également accroître l’intérêt pour l’agriculture circulaire mettant l’accent sur une moindre utilisation d’intrants externes, une solution disponible et largement utilisée dans la production laitière.

L’évolution des politiques nationales reste un motif d’incertitude. Dans le cadre de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), le Canada a plafonné les exportations de lait écrémé en poudre, autorisé une plus grande ouverture des marchés et supprimé sa classe 7 de produits, créée initialement pour mettre en œuvre la décision de Nairobi de l’OMC relative à l’élimination des subventions à l’exportation. Dans l’Union européenne, les achats d’intervention de lait écrémé en poudre et de beurre à des prix déterminés, qui ont eu des répercussions majeures sur les marchés ces dernières années, restent possibles dans certaines situations.

Les échanges de produits laitiers pourraient être profondément modifiés par les évolutions de l’environnement commercial. La modification des accords commerciaux en vigueur ou la conclusion de nouveaux accords entraînerait des conséquences sur la demande et les échanges de produits laitiers. En outre, l’Inde et le Pakistan, grands consommateurs de produits laitiers, ne sont pas présents sur le marché international, puisque la demande intérieure en plein essor devrait être satisfaite par une hausse rapide de la production nationale. De futurs investissements dans les infrastructures de la chaîne du froid contribueront à accroître le degré d’autosuffisance en produits laitiers dans ces régions.

Note

← 1. Les produits laitiers frais comprennent tous les produits laitiers et le lait qui ne sont pas inclus dans les produits transformés (beurre, fromage, lait écrémé en poudre, lait entier en poudre, poudre de lactosérum et, dans quelques cas, caséine). Les quantités sont exprimées en équivalent lait de vache.

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