Résumé

Depuis 2022, la reprise robuste enregistrée après la récession due au COVID-19 s’essouffle, tandis que la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a entraîné des niveaux d’inflation jamais atteints depuis plusieurs décennies dans de nombreux pays, faisant éclater une crise du coût de la vie. Néanmoins, l’emploi tient bon, tandis que les taux de chômage ont atteint leur plus bas niveau depuis plusieurs décennies. À quelques exceptions près, les taux d’inactivité sont inférieurs aux niveaux constatés avant la pandémie, y compris pour les adultes plus âgés. Le marché du travail reste tendu dans la plupart des pays, mais ces tensions semblent s’atténuer, comme en témoigne le léger repli du nombre d’emplois vacants par chômeur par rapport aux niveaux records atteints précédemment.

En dépit du redressement de la croissance des salaires nominaux, les salaires réels reculent dans presque tous les pays de l’OCDE. Les bénéfices ont davantage augmenté que les coûts de main-d’œuvre dans de nombreux pays, ce qui a contribué de manière exceptionnellement importante aux tensions sur les prix et entraîné une contraction de la part du travail dans la valeur ajoutée. En dépit du soulagement relatif apporté par les transferts publics et les aides budgétaires, la perte de pouvoir d’achat est particulièrement problématique pour les travailleurs des ménages modestes. Ces derniers ont moins de latitude pour faire face à la hausse des prix en puisant dans leur épargne ou via l’emprunt, et sont souvent confrontés à une inflation effective plus élevée étant donné qu’une plus grande partie de leurs dépenses est consacrée à l’énergie et à l’alimentation.

Plusieurs leviers peuvent être actionnés pour limiter l’impact de l’inflation sur les travailleurs et assurer une juste répartition des coûts entre les pouvoirs publics, les entreprises et les travailleurs. Le moyen le plus direct d’aider ces derniers consiste à augmenter leurs salaires, y compris le salaire minimum légal, qui est fixé par l’État. En moyenne dans les pays de l’OCDE, les salaires minimums nominaux ont suivi le rythme de l’inflation grâce à des augmentations discrétionnaires ou des mécanismes d’indexation. À l’inverse, les salaires négociés dans le cadre de conventions collectives ont diminué en valeur réelle, du fait du décalage lié au caractère échelonné et relativement peu fréquent des négociations salariales.

Pour aider les responsables de l’action publique à définir des mesures adaptées, la présente édition des Perspectives de l’emploi examine les nouvelles données disponibles quant aux répercussions de l’intelligence artificielle (IA) sur le marché du travail ; elle met en outre l’accent sur la forte incertitude qui entoure les effets actuels, et surtout futurs, de l’IA sur le plan de l’emploi, ainsi que sur les moyens d’action les plus appropriés pour promouvoir une utilisation fiable de l’IA.

L’IA semble différer des précédentes évolutions des technologies numériques, à plusieurs égards : i) elle élargit considérablement l’éventail des tâches susceptibles d’être automatisées en dehors des tâches répétitives et non cognitives ; ii) il s’agit d’une technologie générique, qui touchera donc quasiment tous les secteurs d’activité et toutes les professions ; et iii) la rapidité des progrès enregistrés est sans précédent.

Selon les travaux publiés jusqu’à présent (qui sont pour la plupart antérieurs à la dernière vague d’IA générative), peu d’éléments signalent des retombées négatives importantes de l’IA sur l’emploi. Cela tient peut-être au fait que l’adoption de l’IA reste relativement limitée et/ou que les entreprises préfèrent s’appuyer sur les ajustements volontaires de leurs effectifs. Les effets négatifs éventuels de l’IA sur l’emploi pourraient donc tarder à se concrétiser. En parallèle, l’IA crée de nouvelles tâches et de nouveaux emplois, en particulier pour les travailleurs hautement qualifiés dotés des compétences requises pour travailler avec l’IA. Il sera crucial de suivre la répartition des pertes et des créations d’emplois en mettant l’accent sur la dimension relative à l’inclusivité.

Jusqu’à présent, il ressort des travaux publiés que l’IA influe surtout sur la qualité des emplois. Les travailleurs et les employeurs déclarent que l’IA peut réduire les tâches fastidieuses et dangereuses, ce qui améliore la motivation et la sécurité physique des travailleurs. Pour autant, elle n’est pas sans risque. Ainsi, il semble que l’automatisation de tâches simples par l’IA s’est parfois traduite par un rythme de travail plus soutenu pour les travailleurs. L’IA peut aussi changer les modalités de suivi ou de supervision du travail, ce qui peut améliorer le sentiment d’équité, mais présente aussi des risques pour la vie privée des travailleurs et leur autonomie dans l’exécution des tâches. L’IA peut aussi introduire ou perpétuer des biais.

Les risques associés à l’utilisation de l’IA en entreprise, couplés à la rapidité de son développement et de son déploiement (y compris des derniers modèles d’IA générative), témoignent de la nécessité d’agir avec détermination pour élaborer des mesures qui permettent à la fois de tirer parti des avantages du recours à l’IA dans le cadre professionnel et de pallier les risques qu’il pose pour les droits fondamentaux des travailleurs et leur bien-être. La législation existante (sur la discrimination, la protection des données ou les droits des travailleurs à s’organiser par exemple) offre un socle solide pour encadrer l’utilisation de l’IA en milieu professionnel, mais il est difficile de déterminer dans quelle mesure elle peut être appliquée à l’IA puisque la jurisprudence pertinente est encore limitée. Les pays élaborent donc des textes législatifs portant spécifiquement sur l’IA, ainsi que des instruments non contraignants (stratégies, principes éthiques ou normes liés à l’IA par exemple).

Les effets de l’IA sur les tâches et les emplois feront évoluer les besoins en compétences. Si les entreprises qui utilisent l’IA déclarent offrir une formation à ces outils, le manque de compétences adaptées demeure un obstacle majeur à leur adoption. Les politiques publiques auront donc un rôle essentiel à jouer, non seulement pour encourager les employeurs à proposer des formations, mais aussi parce qu’une part importante de la formation requise intervient dans le cadre de l’enseignement formel. L’IA elle-même pourrait offrir l’occasion de mieux concevoir, cibler et dispenser les formations, en offrant notamment la possibilité de proposer des solutions de formation sur mesure à grande échelle. Pour autant, l’utilisation de l’IA à l’appui de la formation pourrait creuser les inégalités et générer des biais humains, ce qu’il faut empêcher.

La négociation collective et le dialogue social ont un rôle de soutien important à jouer pour accompagner les travailleurs et les entreprises dans la transition vers l’IA. L’adoption de l’IA s’accompagne généralement de meilleurs résultats pour les travailleurs lorsque leurs représentants sont consultés à ce sujet. Néanmoins, de par ses caractéristiques et la façon dont elle est mise en œuvre, notamment la rapidité de sa diffusion, sa capacité d’apprentissage et les déséquilibres qu’elle est susceptible d’introduire dans les rapports de force, l’IA est une contrainte supplémentaire dans le domaine des relations professionnelles. Les technologies d’IA pourraient aider les partenaires sociaux à atteindre leurs objectifs et stratégies, mais le manque de connaissances spécialisées des partenaires sociaux est un défi de taille.

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